
«C’estdanslesutopiesd’aujourd’huiqu’ontrouvelessolutionsdedemain»













«C’estdanslesutopiesd’aujourd’huiqu’ontrouvelessolutionsdedemain»
Ladernièreannéedenosétudesreprésentepournousuneopportunitéprécieuse celled’explorer,d’expérimenter,d’apprendreautrement,etdetesterdenouvelles approchesdeprojet.C’estdanscetespritquenousavonstouslesdeuxchoiside dépasserlesfrontièresdelaFrance,etmêmedel’Europe,pourporternotreregard versd’autrescontextes,notammentceuxdesterritoiresméditerranéens.
LepremiersemestredecetteannéeaétéconsacréàunprojetenArabiesaoudite, centrésurl’oasisenmutationd’Al-Ula.Cetravaildeterrainaétéunvéritable déclencheur.Lorsdecevoyage,nousavonsprisconsciencedelarichesseetde lacomplexitédesterritoiresarides,ainsiquedeleurvulnérabilitéfaceaux transformationscontemporaines.
CepremiersemestreàAl-Ulanousapermisdenousfamiliariseravecle fonctionnementdesoasis,d’encomprendrelesqualitésuniquesmaisaussiles tensionsqu’ellestraversent:pressiontouristique,gestiondel’eau,disparitiondes savoir-faire…Nousavionschoisidetravaillersurlalimiteentrel’espaceprivéet l’espacepublicdanslanouvellevilled’Al-Ula,toutenportantunintérêtparticulierà lagestiondel’eauetàsonacheminementauseindelaville.Cesconstatsont naturellementorienténotrechoixdesitepourleprojetdefind’études.
Notrecuriositénousaalorsmenéàexplorerd’autresoasissahariennes confrontéesauxmêmesproblématiques,cequinousafaitvoyagerenÉgypte,pays auxpaysagesdésertiquesvastesetàl’histoiremillénaire.L’Égypteabritecinq grandesoasis,parmielles,l’oasisdeSiwa.Sonisolement,saculture,son patrimoinevernaculaireuniqueetsonhistoireremontantàl’époquepharaonique ontéveilléennousunfortintérêt.
Siwa,situéesurl’ancienneroutedupèlerinageetdescaravanes,nousestapparue commeunterritoireàlafoisemblématiqueetméconnu,porteurdedéfis contemporainsautantqued’héritagesprécieuxàpréserver.
Cerapportretracedonclecheminementdenotreréflexion,néedecetteimmersion àlacroiséedel’architecture,dupaysageetdupatrimoine,dansunterritoireaussi fragilequefascinant
NoustenonsàremercierMonsieurSébastienMEMET,notredirecteurdeprojet, poursonaccompagnementprécieux,sesconseilsavisésetsadisponibilitétout aulongdecetteannéedécisivepournotreprojet.Nousremercionségalement MadameChristineDÉSERT,poursonregardattentifetsesretourspertinentsqui ontpermisd’enrichiretdeconsolidernotretravail.
NoussouhaitonsaussiexprimernotregratitudeàGuebril,directeurdela bibliothèquedesLionsNoirs,oùnousavonspurecueillirlamajoritédes informationsindispensablesànosrecherches.Nousadressonsunremerciement toutparticulieràOsman,dontlagentillesseetl’accueilchaleureuxnousont donnél’enviedereveniràSiwa,ainsiqu’àSami,avecquinousavonseuleplaisir dedébattredufuturdel’oasis.Chacundecestroisacteursaeuunimpact déterminantsurl’orientationdenotreprojetetnotrecompréhensiondusite.
«Cequiembellitledésert,ditlepetitprince,c’estqu’ilcacheunpuitsquelquepart.»
AntoinedeSaint-Exupéry–LePetitPrince(1939)
Fermezlesyeuxuninstant.Imaginezl’horizoninfinid’undésertdoré,leventqui sculptelesdunes,etaucreuxdecetteimmensitéaride…uneoasis.Unetache verte,fragileetprécieuse,oùl’eaudonnenaissanceàlavie.
BienvenueàSiwa.
Situéeàl’ouestdel’Égypte,entresableetsel,Siwaestbienplusqu’unpaysage: c’estunmondeensoi.Unlieuhabitédepuisdesmillénaires,àlacroiséedes culturesberbèresetégyptiennes,oùlamémoires’ancredanslaterrecrueetles palmeraiesnourricières.
CommelesautresoasisduSahara,Siwafaitpartiedeceréseauanciendevilles quiontfleurigrâceàlamaîtrisedel’eauetàl’isolement.Longtempsprotégéepar sonéloignement,elleestaujourd’huiconfrontéeàdenouveauxpérils:lamontée deseauxsouterraines,l’avancéedudésert,lapressiontouristique,etsurtout,un climatdeplusenplusextrême.
Notreprojetdefind’étudess’inscritdanscettetensionentrehéritageetdevenir. IlprendplaceàAghourmy,unsecteurenmargedel’oasis,avecl’ambitionde préserveretderéinventerunéquilibreentresavoirsvernaculaires,paysages agricolesetadaptationclimatique.Carici,plusqu’ailleurs,lepasséirriguel’avenir.
Pendantunesemaine,enmars,nousavonsdécouvertSiwapourlapremièrefois. Nousavonsparcourusespaysages,traversésesvillages,etsurtout,nousavons rencontrélesgensquiyvivent.
Ceséchangesontétélevraipointdedépartdenotreprojet.CarcomprendreSiwa, cen’estpasseulementobserversesmursenterreousespalmiers:c’estaussi écoutercellesetceuxquiyvivent.Pourrendrecomptedecettedimension humaine,nousavonschoisidecommencerparunesériedeportraitsdes personnesquinousontpermisdecomprendreSiwa.
Situéeàenviron20mètressousleniveaudelamer,l’oasisdeSiwasedistingue commel’unedesrégionslesplusbassesducontinentafricain.Certaineszonesde l’oasisatteignentmême-60mètres,accentuantsoncaractèreunique.Enclavéeau cœurduGrandDésertdeSable,uneextensionduSaharacaractériséeparde vastesdunesmouvantes,Siwademeuregéographiquementisoléeetfortement dépendantedesesressourceslocales.
LeclimatdeSiwaestdetypehyper-aride,marquépardestempératuresélevées toutaulongdel’année.Latempératureannuellemoyennes’élèveà21,7°C.Les étéssontparticulièrementchauds,avecdespicspouvantatteindre40°Cen juillet,tandisqueleshiversrestentrelativementdoux,avecunemoyennede12 °Cenjanvier.Lestempératuresnocturneshivernalespeuventtoutefoisdescendre jusqu’à5°C.
Lesventsdominantssoufflentprincipalementdunord-ouestetdusud-ouest, transportantsableetpoussières.Cesfluxéoliensaccentuentlesphénomènesde salinisationdessolsetd’ensablementdeszonesagricoles,menaçantles équilibresécologiquesetproductifsdel’oasis.
Dupointdevuedesprécipitations,Siwareçoitenmoyenne9mmdepluieparan, soitenviron0,8mmparmois,cequiconfirmesonextrêmearidité.L’humidité relativeannuellemoyenneestde45,3%,avecdesvariationsmensuellesallantde 33%enjuinà59%endécembre.
Source:«Progressreport»de«AinShamsUniversity
Source:photoaeriennegoogleearth
LavilledeSiwa tellequ'onlaconnaîtaujourd’hui s’eststructuréeautourdelaforteresse deShali, unédifice emblématiquequiamarquél’organisationurbaineetlaviedes habitantspendantdessiècles.
Source:bibliothèquedeslionsnoir
Siwaatoujoursétéuneoasishabitée, maislavilletellequ’onlaconnaît aujourd’huis’estvéritablementdéveloppéeà partirduXIIIesiècle.
Avantcettepériode lespopulationslocalesvivaientdansdeshabitations disperséesautourdes sourcesd’eauet despalmeraies. Cependant lesmenaces extérieures –notammentles attaquesdetribus nomadeset lesconflits régionaux – ontpoussé leshabitants àse regrouperdans unespace fortifié.
C’estainsi qu’estnée Shali, une citadelleconstruite en1203 (599de l’Hégire)sous ladynastie desAyyoubides. Sonnom signifie"la ville"en Amazegh, cequi témoignedesonrôlecentraldansl’organisationdel’oasis. Shaliaservidenoyau urbainautourduquella communautésiwis’estdéveloppéependantplusieurs siècles.
LaforteressedeShaliaétébâtieenkarsheef unmatériauuniquecomposéde selgemmeetdeterre, disponible localement. Cematériau conféraitaux constructionsune bonneisolation thermique, adaptéeaux conditionsextrêmes dudésert. Cependant, ilétaitaussisensibleàl’érosionprovoquéeparlespluies, cequiacontribuéàladégradation progressivedeShali. Shaliaservidenoyauurbainautourduquella communautésiwis’estdéveloppée pendantplusieurssiècles.
LeDéclinetl’AbandonProgressif deShali
SiShaliaprospérépendantplusieurssiècles elleasubiuncoupfatal en1926, lorsqu’unepluietorrentiellea gravementendommagélaville Lesmaisonsenkarsheef fragiliséesparl’eau, sontdevenuesinhabitables etles habitantsontcommencéàquitterla forteressepours’installerdans denouveaux quartiersencontrebas. Aujourd’hui, Shaliest engrande partie en ruines, maiselle resteun symbolede l’identitésiwi etun sitehistorique majeurde l’oasis.
Lacréationde Shalimarqueun tournantdansl’histoire deSiwa transformantunecommunauté disperséeenune ville fortifiéecentralisée CetteorganisationurbaineapermisauxSiwisdesurvivredansun environnementhostiletouten préservantleurcultureunique. Aujourd’hui larestaurationdeShalietlapréservationdestechniques traditionnellesde constructionenkarsheef sontdesenjeuxmajeurspourlasauvegardedu patrimoine architecturaldeSiwa.
Siwaentrevéritablementdansl’histoireécriteàl’époquepharaonique, notammentsouslaXIXedynastie(vers1300av. J.-C.) lorsquel’oasis devientun centrereligieuxdédiéauculted’Amon. Laconstructiondu célèbreTempled’Oracled’AmontémoignedecettepériodeoùSiwa étaitunlieudepèlerinage important.
LesPharaonsduNouvelEmpire conscientsdel’importancestratégiqueet spirituelledeSiwa, yenvoyèrentdesémissairesetdesprêtrespourassurer le contrôledecetterégionéloignée. Desinscriptionsretrouvéesdanslestemples deLouxoretKarnakmentionnentdesexpéditionsversl’oasis.
L’épisodeleplusmarquantdel’histoire anciennedeSiwaestsansdoute lavisite d’AlexandreleGranden331av. J.-C. Aprèsavoirconquisl’Égypteetfondé Alexandrie, ilentreprendunvoyagepérilleuxàtraversledésertpourconsulter l’oracled’Amon.
Selonlesrécitshistoriques lepériplefutéprouvant, lesguidesseperdantdans l’immensitéaride Unelégenderacontequ’unetempêtedesablemiraculeuse auraitguidél’arméed’Alexandrejusqu’àl’oasis. Unefoisarrivé, ilfutaccueillipar lesprêtresetmenéautemple oùl’oracleluiauraitrévéléqu’ilétaitlefilsde Zeus-Ammon, consolidantainsisalégitimitédivine. Cetépisodeassoitla réputationmystiquedeSiwa, quidevientuncentrespiritueld’envergure dansle mondeantique.
LavilledeSiwapossèdeunearchitectureunique, profondémentancréedans sonenvironnementdésertiqueetson héritageculturel. Lematériauclédecette architectureest lekarsheef, unetechniquedeconstructiontraditionnelle quia permisauxhabitantsdebâtirdesstructuresparfaitementadaptéesaux conditionsextrêmesdudésert.
Lekarsheef estunmatériaudeconstructionlocal fabriquéàpartirderoche salinefossiliséeavecunpourcentageélevéd'argile.Lesrochessontcolléesavec duteffla,l'argilelocale,mélangéeàdel'eau,enblocsetutiliséescommemortier pourpourlaposedesblocsdekarsheef,ainsiquepourl'enduitdumurfini. Cetteméthodepermetderéaliserdesmursd'uneépaisseurde40à70cm,des mursd'uneépaisseurde40à70cm. Son nomvientdusiwi, etildésigne spécifiquementcetypedebriquesqui durcissentenséchantausoleil.
. Isolationthermique:Grâceàsacomposition, ilgardelafraîcheurà l’intérieur desbâtimentsenétéetconservelachaleurenhiver.
. Disponibilitélocale:IlestfabriquédirectementàSiwa, évitantl’importation de matériauxextérieursetréduisantl’empreinteécologique.
. Facilitéd’assemblage:Lesbriquesenkarsheef sontlégèresetfacilesà manier, permettantuneconstructionrapideetefficace.
. Écologieetdurabilité:Puisqu’ilestcomposéuniquementd’élémentsnaturels, ils’intègreparfaitementdanslepaysageetnegénèrepasdepollution.
Inconvéniants
Le karsheef est cependant sensible à l’eau Une exposition prolongée à l’humidité ou aux pluies peut provoquer une érosion rapide des structures, comme cela s’est produitlors desfortes pluiesde 1926, quiont entraînél’abandon progressif dela forteressedeShali.
TechniquesdeProtectioncontrel’HumiditéetlesPrécipitations
Faceàlamenacedespluiessoudaines, leshabitantsdeSiwaontmisenplace plusieurs stratégiesarchitecturalespourrenforcerladurabilitédeleurs bâtiments.
a)SurélévationdesConstructions
Lesmaisonstraditionnellessontsouventlégèrementsurélevéespouréviterque l’humiditénepénètredirectementdanslesfondations Cetteélévationpermet égalementd’assurerunebonneventilationsouslebâtiment.
b)ToituresenBoisetenPalmier
Plutôtqued’utiliserdestoitsplatsenkarsheef lesSiwisprivilégientparfoisdes toitsen boisdepalmierrecouvertsdeterreetdepaille. Cettetechnique permetdelimiter l’infiltrationd’eauetd’absorberleschocsthermiques.
LamaisontraditionnelledeSiwaestunexempled’architecturevernaculaire adaptéeauclimatdésertiqueetauxstructuressocialeslocales.Elles’organise autourd’unecourscentraleouverte,véritablecœurdufoyer,quijoueplusieurs rôles:ellefavoriselaventilationnaturelle,adoucitlachaleuretcréeunespace intimedevieextérieureàl’abridesregards.
Cettedispositionintrovertierépondauxexigencesclimatiquesmaisaussi culturelles.ÀSiwa,commedansdenombreusessociétésoasiennes, l’organisationdel’espacedomestiquetraduituneséparationnetteentreles hommesetlesfemmes,ainsiqu’entrel’espaceprivéetl’espacederéception.
Ainsi,lamaisonesttraditionnellementdiviséeendeuxzonesdistinctes:
.D’uncoté,setrouvel’accèsréservéauxfemmesetl’ensembledesespacesde service:lacuisine,lespiècesdestockage,ainsiquelespiècesdevie quotidiennes.Cetespace,protégéetenretrait,garantitl’intimitédesfemmeset desenfants.
Aunord,l’accèsestdédiéauxhommesetauxinvités.Onytrouvelesespaces communstelsquelediwan,lesalonoùsetiennentlesrencontressociales,les négociationsoulescérémoniesimportantes.
Cetteorganisationspatialetraduitàlafoisuneadaptationfineauxusagessociaux etuneconceptionclimatiqueintelligente.Lesmursépaisenkarsheefisolent efficacementdelachaleur,tandisquelacourscentraleassurelacirculationde l’airetlarégulationthermiquenaturelle.
LamaisondeSiwaestdonclerefletd’unmodedeviestructuréparlaculture,le climatetlesressourceslocales,etresteuneréférencepourimaginerdes solutionscontemporainesinspiréesdespratiquesvernaculaires.
Plandestructure:mursenkarsheefettoitenpalmier
Coupesdestructure:mursenkarsheefettoitenpalmier
Lessiwissontdivisésactuellementen11tribus:lesZanayn, Hadadin, Lehmudat, Al-Jawasis, Al-Sharamta, Aghourmi, AouladMousa, Al-Saratna, Al-Shahaym, AlGaraetunetribubédouinelesAl-Shehybat.
Selonlespratiquesculturelles séculaires lestribussiwiesserespectentlesunes lesautres.
Lesystèmetribalsiwis'articuleentroispointsprincipaux:
•UnCheikhestchoisiparlesmembresdelatribu. LeCheikhdoitêtre indépendantetirréprochablemoralement. Le postedeCheikhétaitsouvent héréditairemaispastoujours.
•Unconseil(Al-Awakil)composéd'hommesdechaquetribuquiconnaissenttrès bienlescoutumesetlestraditions del'oasis etd'autres quiont laconnaissance dufigh lajurisprudence islamique estrassemblé parles familles. Ilssont convoquésparleCheikhpourrésoudrelesproblèmesqu'ilssoientindividuels, familiaux qu'ilsconcernentdes querellesportantsurlapropriététerrienneou surl'eau. Lesmembresduconseildélivrentensuiteleurverdict.
•Enpériodedifficile, lesmembresdesdifférentestribussedoivent mutuellementassistanceetcoopération.
Ilétaitvraimenttrèsrarequ'unetribuentièreaitunproblèmeavecuneautre Autrefois, lesvêtementsportésparles travailleursetlesesclavesconsistaient simplementenunetuniquelonguejusqu'auxgenouxavecdesmanches, une ceinture, unevesteenlaine(jübet)etunturban. Leshommesnoblesetriches portaienteux, unetuniquecomplète,
uncaleçon(serwal)etunchâle(jard)recouvrantl'épaulegaucheet laissantl'épauledroitelibrecommepourles tuniquesdel'époqueromaine Cettemodecontinuejusqu'à maintenantenLibyeetchezlesbédouinsdelacôte.
Durant les huit derniers siècles les femmes étaient cantonnées à leur statut de femme d'intérieur et de mère. Les maris sedevaientd'être attentionnésetilétaitrarequ'ilsdemandentàleursfemmesde travailler. Les femmespouvaient librementfréquenter d'autres femmes, maisen société, leshommes etles femmesétaient séparés. Autrefois, lesparents arrangeaientles mariages Unenouvelle pièce était ajoutéeà lamaison pourle nouveaucouple.
Lafemmelaplusvieille labelle-mèreengénéral, étaitlamaîtressede maisonetc'étaitellequidonnaitlesordres.
Quandellessortentdelamaison, lesfemmesmariéessecouvre delatêteauxpiedsavecun taqchacht. Porté uniquementàSiwa, le taqchacht estunmanteaubleuetblancencotonbrodéataille d'unemanièretrèsélaborée. Il mesure2,50mdelongsur1,75m delarge. Selonlespratiquesculturellesdel'oasis unefemmedivorcée devaitregagnerlamaisondesonpèreouemménager chezson frère.
Puisqu'ilétait interditaux femmesde sortirdans larue oude travailler à l'extérieurde lamaison, ellesn'avaient pasde revenu, sauf sielles possédaientunepropriété Avecdetellestraditions ilétaitdonctrès difficilepourunefamillede s'ensortirsanshomme.
Cependant cestrentedernièresannées, quelqueschangementsont étéconstatés. Certainesfamillesautorisent maintenantleursfillesà devenirenseignantes.L'âgedumariageestpasséde14à16, 18, oumême20ans. Unefille peutmaintenantaccepterourefusertout
maripotentielquesafamilleluiprésente.
Pourencouragerceschangements, descentresdeformationsetmêmedes usinesontétécréessousleparrainage deMmeSuzanneMoubarak. Lesfemmes peuventytravailleretygagnerunsalaire. Denombreusesusinesd'huile d'olive etdedattesengagentmaintenantdesfemmes.
ÀSiwa,l’artisanattraditionnelconstitueunpilieressentieldupatrimoineculturel local,transmisdegénérationengénération,enparticulierparlesfemmes.Ces savoir-faireancestraux,intimementliésàl’identitéamazighedel’oasis,reflètent unegrandemaîtrisetechniqueetunefortedimensionsymbolique.
Parmilespratiqueslesplusemblématiquesfigurelabroderiesiwienne, caractériséepardesmotifsgéométriquescolorés,souventinspirésdelanature etdecroyanceslocales.Cesornementsseretrouventnotammentsurles vêtementstraditionnelsféminins,telsqueletaqchacht.Chaquebroderieraconte unehistoire,encodeunemémoire,uneappartenanceouunvœu.
LesfemmesdeSiwaexcellentégalementdanslafabricationdebijouxenargent, souventassociésàdesperlesetcoquillages,ainsiquedanslavannerieàbasede feuillesdepalmier,utiliséespourcréerdespaniers,nattesetobjetsutilitairesdu quotidien.
Au-delàdeleurvaleuresthétique,cespratiquesartisanalesjouentunrôlesocioéconomiquemajeur:ellesrenforcentlacohésioncommunautaire,assurentune formed’autonomiefinancièreauxfemmes,etparticipentàlatransmissiond’un patrimoinevivantmenacéparlamodernisationetl’isolementcroissantdel’oasis.
Source:site«Textileresearchcenter»
Lecentredel’oasisdeSiwas’estconsidérablementtransforméaucoursdes dernièresdécenniessousl’effetdelacroissancedémographique,del’ouverture touristiqueetdudéveloppementéconomique.Lecœururbainestaujourd’hui caractériséparunefortedensitébâtie,avecdesbâtimentsrécentsenbéton, souventconstruitssansvéritableintégrationautissutraditionnelnipriseen comptedesspécificitésclimatiqueslocales.
Cettezonecentraleregroupelesprincipauxéquipements(commerces,écoles, hôpital,servicesadministratifs)etlesinfrastructurestouristiquestellesqueles hôtels,restaurants,aubergesoucentresdebien-être.Lebéton,utilisépoursa rapiditéetsadurabilitéapparente,remplaceprogressivementlesconstructions enkershef,contribuantàuneperted’identitéarchitecturaleetàune augmentationdesîlotsdechaleururbains.
Lafréquentationtouristiquedanscettezonegénèreégalementune intensificationdutrafic,unepressionfoncièreaccrueetunedégradationdes paysagesurbains,rendantnécessaireuneréflexionsurl’équilibreentre développementetpréservationducaractèreuniquedeSiwa.
Enpériphérieducentreurbains’étendl’espaceagricoletraditionneldeSiwa, structuréselonunsystèmeoasienancestralethiérarchiséentroisniveaux végétaux.Cetteorganisationverticalepermetd’optimiserl’usagedel’eau,de protégerlesculturesdusoleiletduvent,etdemaximiserlaproductivitésurun solaride.
• Premierniveau–lesplantesbasses:Cesontdesculturesmaraîchèresou médicinales(menthe,luzerne,coriandre,oignons,etc.),installéesau niveaudusol,àl’ombredesarbresplushauts.Ellesbénéficientd’une humiditérelativeplusélevéeetd’uneprotectioncontrelesrayonssolaires directs.
• Deuxièmeniveau–lesarbresfruitiers:Onytrouveprincipalementdes oliviers,grenadiers,figuiers,citronniersouorangers.Cesarbres produisentdesfruitstoutenassurantunecouvertureintermédiairequi filtrelalumièreetréduitl’évaporation.
• Troisièmeniveau–lespalmiers-dattiers:Cesarbresdominentl’ensemble dupaysageagricole.Leurrôleesttriple:fournirdesdattes,créerun microclimatenrégulantlatempérature,etprotégerlesculturesinférieures desventssecsetdurayonnementsolaireexcessif.
Cesystèmeagricole,ingénieuxetdurable,reposesurunéquilibreentreles élémentsnaturels,lagestiondel’eauetlessavoir-fairetraditionnels.Toutefois,il estaujourd’huimenacéparlapressionfoncière,lasalinisationdessols,lemanque d’entretiendespalmeraiesetleschangementssocio-économiques.
Quiditoasisditforcémenteau.
Commedanstouteslesoasis,laquestiondelagestiondel’eauàSiwaest omniprésente.Maisici,leparadoxeestfrappant:ilyatropd’eau…etelleestmal gérée.
LavilledeSiwareposesurunréseaudenappesphréatiques peuprofondes,cequifacilitegrandementl’accèsàl’eau.La premièrenappesesitueàseulementcinqmètresde profondeur.Ilsuffitdoncdecreuserunpuitsditartésien(l’eau departlapressionremonteseuleàlasurface)—appelé localementun«œil»,enréférenceàsaformecirculaire—pour atteindrecetteressource(photo).
Depuisquelquesannées,laconstructiondenouveauxpuitsest encadréeparlesautorités,carlaquantitéd’eauextraitea fortementaugmenté,notammentpourrépondreauxbesoins croissantsdel’agriculture.
L’irrigationàSiwareposesuruneméthodeancestrale: l’irrigationparinondation.L’eauestpuiséedansunœil,puis acheminéeàtraversunréseaudepetitscanauxversleschamps. Cesdernierssontdélimitéspardesdiguettesdeterre,qui retiennentl’eauetformentdessurfacesinondées.Cette techniquepermetàl’eaudes’infiltrerlentementdanslesol, hydratantlesracinesdespalmiers,desoliviersouencoredescultures maraîchères.
Unefoislesbesoinsdusolsatisfaits,l’eauexcédentaires’écoulenaturellement verslespointsbasdupaysage,enl’occurrencelesdeuxgrandslacssaléssitués aucœurdeladépressiondeSiwa.
eauxsales
Historiquement,ceslacsjouaientunrôlederéservoirstemporaires:ils recevaientlesexcédentsd’eauetsevidaientprogressivementenété,par infiltrationetévaporation.
Maisaujourd’hui,cefragileéquilibreestrompu.Alongtermeceprocésus d’irigationadeuxconséquences: lasalinisationdessols etla montéedes eaux.
Lesoldel’oasisdeSiwaestsoumisàunprocessuscroissantdesalinisation,qui menacedirectementsafertilité.Cephénomènes’expliqued’abordparlanature géologiquedusous-sol:lesnappesphréatiquescirculentdansdescouches richesenselsminéraux,issusd’anciensdépôtsmarins.L’eauquilestraversese chargeprogressivementensel.Deplus,dansunclimataussisecqueceluide Siwa,l’évaporationestintense.Lorsquel’eaus’accumuleensurface—dansles champsoudansleslacs—elles’évaporerapidement,laissantlesselspiégés danslessols,quideviennentdeplusenplussalés.Aujourd’huil’eaudela premièrenappeesttropsaléeetn’estpresqueplusutilisée.
Cettesalinitéexcessiveaplusieursconséquences:
–elleappauvritlesterresagricoles,empêchantcertainesplantesdepousser, –ellealtèreleséquilibresécologiquesautourdeslacsetdeszoneshumides, –ellecontribueàladégradationprogressivedelapalmeraieetàl’abandonde certaineszonesautrefoiscultivées.
Lamontéedeseaux
Traditionnellement,leshabitantsdeSiwapuisaientl’eaudanslapremière nappephréatique,accessibleàfaibleprofondeur.Cetteeausuffisaitpour irriguerlesculturesetalimenterlesusagesdomestiques.Maisavec l’intensificationdespratiquesagricolesetlasalinisationcroissantedecette nappe,leshabitantssesonttournésversdesforagesplusprofonds,cherchant deseauxdemeilleurequalité,moinsexposéesauxremontéessalines.
Cesforagesprofondsnécessitentdeséquipementsmotorisésetpermettentun pompageengrandequantité.Cechangementtechniqueaentraînéunehausse
significativedelaconsommationd’eau,accentuantlesdéséquilibres hydrologiquesdel’oasis.L’eauestextraiteplusvitequ’elleneserenouvelle,et unepartieimportantedecetteressourceprécieusefinitdansleslacs,aggravant lesinondationsetl’accumulationdeseldanslepaysage.
Laquantitéd’eaudirigéeversceslacsestdevenuebiensupérieureàleur capaciténaturellederégulation.Leniveaudel’eaunebaisseplussuffisamment durantl’été,etleslacsfinissentpardéborder.
Unedigueaétéconstruitepourcontenircettemontée,maisellenesuffitplusà empêcherl’expansionprogressivedeseauxverslesterresagricoles environnantes,menaçantleurfertilité.L’eausaléesdébordedeslacset détruisantainsilesterresagricolesenvironnantes.
Longtempssymboledefertilitéetpilierdel’économielocale,la palmeraiedeSiwa,richeendattiersetoliviers,connaîtaujourd’hui unedégradationpréoccupante.Cepatrimoinenaturel,autrefois soigneusemententretenu,estdésormaispartiellementabandonné, avecdevasteszoneslaisséesenfricheetdevenudeslieuxfortement pollués.
Plusieursfacteurscontribuentàcettedétérioration.Denombreux palmierssontabattuspourfaireplaceàlaconstructionde logementsoud’infrastructurestouristiques,dansuncontextede pressionfoncièrecroissante.Parailleurs,lasurexploitationdes ressourceseneausouterraine,notammentàdesfinsagricoles intensivesoupourl’alimentationdebassinsthermaux,fragiliseles arbres,lesrendantplusvulnérablesauxmaladiesetaudépérissement.
Cettesituationentraînedegravesconséquencesécologiqueset sociales:
Unepertedebiodiversité,végétalecommeanimale,liéeàla disparitiondel’écosystèmeoasien:
Unediminutiondesrevenusagricolestraditionnels,notammentissus delaculturedesdattesetdesolives,autrefoissourced’autonomie pourdenombreusesfamilles;
Unrisqueaccrudedésertification,lacouverturevégétaleagissant auparavantcommebarrièrenaturellecontrel’ensablementet l’érosion;
Unepressionfoncièrecroissantecompromettantl’accèséquitable auxterresetauxressourcesnaturelles.
Untourismeencroissancemaisinsuffisamment maîtrisé
Cesdernièresannées,Siwaestdevenueunedestinationtouristiqueprisée,tant parlesvoyageurségyptiensqueparlesvisiteursétrangers,attirésparlarichesse desonpatrimoineculturel,sespaysagesdésertiquesuniquesetsessources naturelles.Sicettedynamiqueoffredesopportunitéséconomiquesindéniables pourunerégionlongtempsmarginalisée,ellen’estpassansconséquencesur l’équilibrelocal.
Ledéveloppementtouristiques’estfaitdemanièresouventnonplanifiée,sans stratégieclairederégulationenvironnementaleoud’intégrationpaysagère.Le tourismedemasseexerceunepressioncroissantesurlesressourcesnaturelles del’oasis:
.Laconsommationexcessived’eau,enparticulierpourleshôtels,lesbassins thermauxoulespiscinesartificielles,aggravelestresshydriquedansunerégion déjàaride.
.Lerejetnonmaîtrisédesdéchetssolidesetliquidescontribueàlapollution del’environnement.
.Labétonisationrapideetl’expansiondesinfrastructureshôtelièresempiètent surlesterresagricoles,menaçantlavocationnourricièredel’oasis.
Parailleurs,lesinfrastructurestouristiquesremplacentprogressivementles constructionstraditionnellesenkershef(mélangedesel,terreetgypse),altérant l’identitéarchitecturaledeSiwaauprofitdemodèlesstandardisés,souvent inadaptésaucontexteclimatiqueetculturellocal.
Transformationsdesmodesdevieetdesstructures
Lamontéeenpuissancedutourismeetl'ouvertureprogressivedeSiwaà l'économienationaleetmondialeontentraînédesmutationsprofondesdans lesmodesdeviedeshabitants.
Deplusenplusdejeunes,attiréspardesrevenusrapidesetunecertaine modernité,s’éloignentdesmétiersagricolesetartisanauxtraditionnelspourse tournerversdesemploisliésautourisme(guides,réceptionnistes,chauffeurs, vendeursdesouvenirs)ouaucommerceinformel.Cetteévolutionmetenpéril latransmissiondessavoir-fairetraditionnels,notammentceuxliésàl’agriculture, àl’irrigation,àl’architectureenterreouàl’artisanatféminin.
Surleplansocial,lesstructurestribalesetcommunautairestraditionnelles, longtempsgarantesdelacohésionetdelarégulationlocale,perdentpeuà peudeleurinfluencefaceàl’individualisationcroissantedestrajectoires économiquesetsociales.Latransitionversunmodedevieplusindividualiste ettournéverslaconsommationestperceptible,notammentchezlesjeunes générations.
Cetteévolution,siellen’estpasaccompagnéepardespolitiquesderégulation etdesensibilisation,fragilisel’équilibreentretraditionetmodernitéetposela questiondelarésilienceculturelledeSiwadansuncontextedemondialisation accélérée.
L’oasisestunepochedevieaucœurd’unmilieuaride:unécosystèmeunique, nédelarencontreentreunenappephréatiqueaffleurante,unsolfertileetle savoir-fairehumainqui,depuisdessiècles,canaliseetexploitecetteressource précieusepourcultiverethabiterledésert.Véritableîlotdeverdure,l’oasisoffre ainsiunéquilibrefragileentrel’eau,lavégétationetlescommunautésquiy vivent.
L’analyseconduitetoutaulongdeceprojetamisenlumièrelafragilitéetla richessedel’oasisdeSiwa,etplusparticulièrementdusited’Agourmy.Entrela montéeinexorabledeseauxsouterraines,ladéforestationprogressiveet l’abandondupatrimoinebâti,leterritoiresouffreaujourd’huid’unepertede vitalitéetd’undéséquilibreécologiquepréoccupant.Cesproblématiques appellentuneréponseàlafoissensibleetconcrète,quiprendencompteles spécificitésducontexteetlanécessitédepréserverunhéritageculturelunique.
Coupeschématiquedel’étatd’Aghormyaujourd’hui.
Coupesschématiquesdel’évolutiond’Aghormy.
VueaérienneearthducheminentrelecentrevilleetAghormy,ousesitue letempled’Ammon.
Vueaérienneearthdelazoned’Aghormy.
Danscetteperspective,notreprojets’inscritcommeunedémarchederéconciliationentrel’homme,lavilleetsapalmeraie.Nousproposons deredonneràlapalmeraiesaplaceaucœurdelazonedeAgourmyenreplantantlavilleetenréactivantsesdynamiquesvitalesautourd’un systèmedecheminementdel’eau,élémentfondateurdetouterésiliencedanscecontexte.
Leprojetsedéclineentroistempscomplémentaires:
.Redynamiserlepatrimoineabandonné,enluirendantsalisibilitéetsesusagestraditionnels;
.Réhabiliterlesruinesdesancienneshabitations,envalorisantlestechniquesconstructiveslocalesetl’identitévernaculairedusite;
.Protégerdurablementlepaysageenassurantlapérennitéécologiquedelapalmeraie.
Ainsi,ceprojetseveutuneréponseàlafoispatrimoniale,urbaineetpaysagère,porteused’unevisiondurableetrespectueusedel’espritdu lieu.
Coupeschématiqueprojectuelle.
Planschématiqueprojectuelle.
L’oasisestunepochedevieaucœurd’unmilieuaride:unécosystèmeunique,nédelarencontreentreunenappephréatiqueaffleurante,un solfertileetlesavoir-fairehumainqui,depuisdessiècles,canaliseetexploitecetteressourceprécieusepourcultiverethabiterledésert.
Véritableîlotdeverdure,l’oasisoffreainsiunéquilibrefragileentrel’eau,lavégétationetlescommunautésquiyvivent.
L’analyseconduitetoutaulongdeceprojetamisenlumièrelafragilitéetlarichessedel’oasisdeSiwa,etplusparticulièrementdusite d’Agourmy.Entrelamontéeinexorabledeseauxsouterraines,ladéforestationprogressiveetl’abandondupatrimoinebâti,leterritoiresouffre aujourd’huid’unepertedevitalitéetd’undéséquilibreécologiquepréoccupant.Cesproblématiquesappellentuneréponseàlafoissensible etconcrète,quiprendencomptelesspécificitésducontexteetlanécessitédepréserverunhéritageculturelunique.
Àtraverslare-dynamisationdupatrimoine,laréparationdelatrameurbaineetlareplantationdelapalmeraieaucœurdelaville,nousaffirmons qu’ilestpossiblederéconcilierl’urbanisationetlanaturedansuncontextesaharienfragile.