2021. Mémoire de DNMADe, "Scénographie d’exposition : l’évolution dans les musées d’art"

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Scénographie d’exposition :

l’évolution dans les musées d’art

Comment l’évolution de la scénographie d’exposition a favorisé la diffusion et la compréhension de l’art pour le public ?

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Margot Aden Rezé
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3 1 Les fondements de la muséographie i Introduction Page 5 et 6 Pages 8 à 26 Pages 28 à 53 Pages 55 à 71 Page 73 et 74 CConclusion 2 Étude d’un musée moderne SOM MAIRE 3Nouveaux types d’exposition
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Introduction

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Un artiste se sent toujours un peu gêné quand on lui demande de s’expliquer sur son œuvre. Ses ouvrages devraient parler par eux-mêmes, particulièrement quand il s’agit d’ouvrages de valeur.

Manifeste de l’hôtel Chelsea, Yves Klein.

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six principes de Freeman Tilden

1. Toute interprétation d’un paysage, d’une exposition ou d’un récit qui n’en appelle pas d’une façon ou d’une autre à un trait de la personnalité ou de l’expérience du visiteur est stérile.

2. L’information seule n’est pas de l’interprétation. Celle-ci est une révélation basée sur l’information. Les deux choses sont totalement différentes, mais toute interprétation présente des informations.

3. L’interprétation est un art qui en combine beaucoup d’autres, que la matière première soit scientifique, historique ou architecturale. Tout art peut s’enseigner dans une certaine mesure.

4. L’interprétation cherche à provoquer plus qu’à instruire.

5. L’interprétation doit tâcher de présenter un tout plutôt qu’une partie et s’adresser à l’homme tout entier plutôt qu’à une de ses caractéristiques.

6. L’interprétation pour les enfants ne doit pas être une dilution de celle qu’on présente aux adultes. Elle doit suivre une voie fondamentalement différente. Elle donnera ses meilleurs résultats si elle obéit à un programme distinct.

Quand un artiste converti son propos en art, c’est le rôle de la scénographie que de favoriser une bonne transmission et compréhension. Ainsi, la représentation qu’est l’œuvre et la présentation scénographique entretiennent un lien fort qui n’a fait que s’intensifier avec le temps.

Freeman Tilden, écrivain dont l’œuvre Interpreting our heritage a influencé les praticiens de l’art sur des générations a établi une théorie qui met en évidence l’importance de toucher l’affect du visiteur pour qu’il appréhende l’essence d’un travail artistique. C’est en lui donnant des points de repères qui se rattachent à sa propre culture qu’il peut comprendre le sens d’une exposition.

Dès lors, je me demande, l’évolution de la scénographie d’exposition a favorisé la diffusion et la compréhension de l’art pour le public ?

Du cabinet des curiosités à l’art immersif, les modes d’expositions ont changé et leur lecture avec. Nous nous interrogerons sur cette évolution. Nous verrons en quoi la mise en espace d’une œuvre peut provoquer un engagement sensoriel et cognitif chez le visiteur. Nous chercherons à en comprendre les mécanismes et les retentissements sur la perception de l’art.

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Fondements de la muséographie

Les principaux concepts • Muséographie • Scénograhie • Expographie Des balbutiements à l’ère moderne Grands procédés

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Muséographie 1

D’après le collectif professionnel Muséographes (les), la muséographie se caractérise notamment par sa notion de conservation et d’archivage. Que ce soit dans un contexte scientifique, historique ou artistique, le musée nous présente du « déjà-là ». Le rôle du muséographe est de développer un récit ou discours, mais aussi de prendre en compte la bonne préservation des collections exposées ainsi que leur sécurité. La muséographie présente ce qui a été arraché à son contexte (objet, savoir, point de vue), et tente de donner à ce passé une actualité. Pour cela, le parcours et les regroupements d’œuvres ont un rôle prépondérant.

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Définitons Les trois graces , Louvre, Paris

Les musées sont souvent comparés à des églises du fait de leur fermeture vis à vis du monde extérieur : quand des fenêtres existent elles sont généralement teintées. Elles laissent ainsi passer la lumière mais pas de la vue. Cette photographie des salles Soulages du musée Fabre est une parfaite illustration de cette tendance à l’introversion. Celle ci permet d’adapter le contexte et l’environnement au travail exposé.

La muséographie qui a pour objectif la compréhension et la transmission d’un récit, s’appuiera sur des choix de parcours, et sur l’apport de médiation nécessaire à l’assimilation du discours.

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1 Définitons

Scénographie

Scénographie signifie « écriture de l’espace » , initialement utilisée en théâtre pour servir un récit. Plus généralement, c’est une mise en espace d’un lieu artistique ou commercial, permettant une rencontre entre un public/client et un ensemble d’œuvres/produits. L’équilibre entre apport et neutralité est important : le scénographe doit trouver le meilleur moyen pour transmettre le message de la collection.

Raymond Montpetit oppose la muséographie analogique à la scénographie d’immersion. Ici, la différence entre présenter et représenter prend sens, l’analogie permet une ressemblance avec notre quotidien alors que l’immersion nous plonge dans la scène. La scénographie consiste donc à (re)donner un contexte. Cela peut s’exprimer par la coloration d’un mur, l’association à d’autres objets similaires jusqu’à la reconstitution totale d’une époque ou d’un lieu.

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Définitons
Neues Museum, Berlin

La muséographique propose un parcours et un message à transmettre, la scénographie, pour sa part, définit les espaces et donc l’intimité qui sera entretenue entre les oeuvres, et, entre les œuvres et le public. Le mobilier lié à l’affichage participe pleinement à la scénographie et peut même devenir un espace de créativité : sur la photo à droite, Labo Irb a proposé un aménagement innovant présentant les travaux des archives de l’école d’ULM. La gestion des flux de visiteurs et des respirations dans le parcours doivent être réfléchies pour rendre la visite agréable.

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Définitons

Expographie

D’après le livre : L’écriture de l’exposition : expographie, muséographie, scénographie, de Jean Vallon, l’expographie, se rapproche encore plus des travaux artistiques, et sur la meilleure façon de les présenter ou communiquer. Le parcours est précisé, le rythme finement étudié. Une grande partie de l’expographie repose sur le graphisme en lui même : choix d’une palette de couleur et d’une typographie, à utiliser pour les murs, textes explicatifs et cartels.

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Définitons
Signalétique de Reudi Baur, Musée Rodin

Le terme d’expographie a été forgé par le muséologue André Desvallées ; sa première occurrence se trouve dans l’édition de 1993 du Dictionnaire Encyclopédique de muséologie . Ce mot à été proposé en complément du terme « muséographie » pour désigner la mise en exposition et ce qui ne concerne que la mise en espace et ce qui tourne autour. La définition énoncée est celle ci :

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L’expographie vise à la recherche d’un langage et d’une expression fidèle pour traduire le programme d’une exposition. En cela, elle se distingue à la fois de la décoration, qui utilise des expôts en fonction de simple critères esthétiques, et de la scénographie dans son sens stricte, qui, sauf certaines applications particulières, se sert des expôts liés au programme scientifique comme instruments d’un spectacle, sans qu’ils soient nécessairement les sujets centraux de ce spectacle.

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Définitons

Fondements de la muséographie

Les principaux concepts

Des balbutiements à l’ère moderne

• Les cabinets de curiosités, un premier pas vers l’art d’exposer

L’avénements des musées au temps des lumières

• Apparitions de la galerie blanche, une approche moderne

Grands procédés

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Les cabinets de curiosités, un premier pas vers l’art d’exposer

D’après, Patricia Falguière, historienne experte sur le sujet, les cabinets de curiosités (représentation d’un exemple ci-joint) apparaissent à la fin du XVIième siècle. Ces chambres des merveilles regroupent des objets hétéroclites : œuvres d’art, armes, animaux empaillés, antiquités ou reliques religieuses. Elles sont le fait de membres de la noblesse ou riches collectionneurs, dont l’objectif est d’émerveiller les gens de la bonne société autour de l’exploration des savoirs.

Au départ un simple meuble, le cabinets des curiosités prendra de l’ampleur jusqu’à devenir un bâtiment indépendant : le musée.

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L’avénement des musées du temps des lumières

En 1725 ouvre le premier salon du Louvre, exposant les œuvres des académiciens. Dans une écriture néoclassique, cet événement deviendra annuel à partir de 1737 et se multipliera sous d’autres formes plus intimes partout en France.

Samuel F.B. Morse peint Exhibition gallery at the louvre (image à droite) en 1833, représentant l’esthétique de l’époque. Regroupant des tableaux académiques, ces expositions étaient dédiées aux érudits, venant critiquer ou propager leur idées.

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Chaque tableau était vu comme une entité autonome et se trouvait totalement isolé de son voisin de nuité, à l‘extérieur d’un cadre massif, à l’intérieur par un système perspectif complet. […] L’oeil du dix-neuvième siècle savait reconnaître la hiérarchie des genres et l’autorité du cadre. […] Le cadre du tableau de chevalet est un contenant psychologique pour l’artiste tout comme l’est la salle d’exposition pour le spectateur ou la spectatrice qui s’y tient.

À cette époque, c’est le cadre qui fait autorité. Ainsi, les tableaux remplissent les murs dans leur totalité, les œuvres majeures à hauteur d’œil. Ces expositions semblent être des papiers peint d’œuvres, accrochés en «une mosaïque suffisamment ingénieuse pour éviter de laisser à nu la moindre parcelle de mur », selon Brian O’Doherty. Il explique dans son livre White cube, l’espace de la galerie et son idéologie : ‘‘ ,,

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Apparition de la galerie blanche, une approche moderne

Avec l’apparition de la photographie le sujet devient central et l’importance de la limite de l’oeuvre se perd : la convention du cadre est terminée. Sans cette délimitation forte qui transformait les tableaux en fenêtres vers des paysages, la place de l’oeil et du regard se modifie. Au début du vingtième siècle, la présentation de l’art soulève de nouveaux questionnements, notament la quantité d’espace qu’il faut à une œuvre pour respirer. La réponse que nous propose Brian O’Doherty est celle ci : «  [chaque œuvre] requiert suffisamment d’espace pour que son effet soit porté à son terme avant que le voisin ne prenne la relève ».

Dès les années 30, le Museum of Modern Art de New York expose de façon systématique sur murs blancs mats des tableaux alignés à hauteur d’oeil avec une appréhension individualisée.

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Pavillon Populaire, Montpellier

La neutralisation d’espace d’exposition a pour but de ne pas interférer à la compréhension d’une œuvre. Les galeries ont alors condamné leurs fenêtres et installé un éclairage blanc constant venant du plafond, modifiant l’espace en un ensemble propre et lisse. Ce lieu propose une césure avec le quotidien, plongeant le public dans un lieu atemporel. Ce mode d’exposition prit une grande ampleur, Brian O’Doherty dit à son propos :

Quand il eu accéder au statut de puissance esthétique, le mur se mit à modifier tout ce qui y était exposé. Lui qui jusqu’alors constituait le contexte de l’art, avait gagné un contenu : il le reversa subtilement au crédit de l’art.

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Fondements de la muséographie

Définitions Histoire

des expositions Grands procédés

• Le principe de regroupement d’oeuvres

• Parcours et rythme, entre fluidité et dynamisme

• Usage des éclairages et des supports d’expositions

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Le principe de regroupement d’oeuvres

Mathilde Champartin (devenue depuis professeur d’histoire de l’art à la Sorbonne), dans son mémoire : L’expographie dans son plus simple appareil, les regroupements d’œuvres comme aide à la visite, soumet trois niveaux de perception dans un musée : l’ambiance générale, le parcours et les objets. Vont intéragir avec ces éléments : la collection elle même, le groupement des oeuvres par salle, et les liens de proximité au sein d’une pièce. L’association de certaines œuvres peut aider à la compréhension, que ce soit pour former un contexte ou appuyer une ressemblance/ différence. La série et le groupement apportent des clefs de lecture ; l’isolement provoque une survalorisation. Le socle, définissant une limite avec l’espace environnant, confère un champ personnel sacralisé. Sur l’image ci-contre, on peut ansi voir au Metropolitan Museum of Art cette sculpture placée sur un socle entre deux artefacts assez semblables d’un point de vue formel et colorimétrique. Cette assemblage valorise l’oeuvre centrale et la rend visuellement attractive.

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Parcours et rythme, entre fluidité et dynamisme

Il devient évident que certains choix vont influer sur notre perception des oeuvres. En ce sens, le parcours d’une exposition est un élément essentiel qui va déterminer l’évolution du visiteur. Il peut être pensé par chronologie, thème ou accord visuel ; dans tous les cas, c’est lui qui ordonne le récit de la collection présentée et donne le sens de lecture. Comme pour un livre, le rythme est d’une grande importance : cette promenade doit proposer du dynamisme, des respirations et de la fluidité.

Dans la salle Giacometti du musée Louisiana à Copenhague, on arrive par un demi étage, avec une vue plongeante sur la pièce (photo ci dessus). Un escalier incite à se rapprocher des œuvres et continuer le parcours en dessous de la mezzanine. Ce parcours est ainsi fluide et proactif, favorisant l’éveil du visiteur.

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Les séquences et les ponctuations expectées dans le parcours, peuvent être modelées par des cloisonnements autant que des changements de textures, couleurs, types d’éclairages, etc. Une certaine variété dans les espaces et dans les propositions de présentation est attendue par le visiteur. Enfin, c’est dans la construction du parcours qu’il faut gérer l’affluence du public : certaines œuvres appellent un recul ou une proximité particulière, d’autres attirent des foules.

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Procédés
La Joconde, Léonard de Vinci, Le Louvre

Usage des éclairages et des supports d’expositions

La coloration de murs d’une galerie comporte tout d’abord un intérêt visuel sensible : les couleurs choisies plongent le visiteur dans une ambiance particulière ; l’interaction entre les oeuvres accrochées et le contexte (couleur, motif) peut accentuer leur l’éclat. L’utilisation d’une palette de couleurs permet également une cohérence globale de l’exposition et de la vitalité dans le parcours.

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Exposition de Dries Van Noten, Musée des Arts Décoratifs

La lumière, pour sa part, peut appuyer l’attention sur les objets exposées et rend la visite plus agréable. Un des défis de l’éclairage dans un musée est la gestion des reflets, qui rendraient le travail artistique illisible. L’art d’exposer s’est enrichi de ces différents procédés afin d’améliorer l’appréhension des oeuvres, leurs lectures, leurs compréhensions. Les bases du musée moderne sont désormées posées.

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Musée Soulages, exposition permanente, Rodez
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Étude d’un musée moderne MO.CO.

• Présentation du MO.CO. comme entité innovante

• Hôtel des collections, un espace modulable Analyse d’expositions

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Synthèse 28 - 33

Présentation du MO.CO. comme entité innovante

Dès lors, vont naître de nombreuses initiatives en France comme à l’étranger visant à renouveler la muséographie. Nous nous appuierons sur l’analyse d’un lieu Montpellierain innovant, le MO.CO., pour tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de ces nouveaux procédés et technologies. Cette nouvelle structure réunit sous forme d’Établissement Public de Coopération Culturelle, trois lieux, autour des enjeux artistiques, dans un objectif de complémentarité.

MO.CO. Hôtel des colletcions, cour privée dédiée aux événements

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Moco

L’École Supérieure des Beaux Arts (ESBA), la Panacée et l’Hôtel des collections proposent un processus artistique dans sa totalité : formations d’étudiants, productions et expositions d’œuvres et même médiations. Vanessa Bruno, directrice du MO.CO., impulse une dimension pédagogique et innovante à ce projet ancré dans le contexte culturel actif qu’est la ville de Montpellier. L’ESBA, établissement d’enseignement supérieur intègre pleinement les étudiants à la vie du MO.CO. et les incite à participer aux activités des deux lieux d’expositions.

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Moco MO.CO. Hôtel des colletcions, jardin dédié au public

La Panacée, ouverte en juin 2013 dans l’ancien collège royal de médecine rénové par la ville, est d’abord un lieu de culture contemporaine où se rencontrent la production, l’expérimentation et l’exposition. Ce lieu culturel dédie sa programmation aux artistes émergents, avec une grande place donnée à l’interdisciplinarité et l’événementiel. Actuellement, l’exposition Possédé.e.s y prend place, affichant des artistes du monde entier comme Nandipha Mntambo, qui présente The Shadows Between Us (photo ci dessus). Comme à l’hôtel des collections, le MO.CO. déploie à la Panacée une volonté forte de donner la possibilité à ses visiteurs, amateurs ou curieux, d’enrichir leur pensée critique et leur sensibilité, en dialoguant autour des œuvres et des artistes. En effet, des médiateurs renseignés sur le sujet se rendent disponibles dans chacune des salles.

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Moco

L’hôtel des collections, autrefois « de Montcalm » était un hôtel particulier avant de devenir bâtiment militaire. Ce lieu original qui mélange les styles architecturaux (photo ci-contre) propose un jardin poétique où se décontracter, un café restaurant locavore et de qualité et une boutique originale. L’objectif de cet endroit est, en plus de présenter de l’art, proposer un moment de détente et de rencontre. Les expositions s’organisent sur trois niveaux, dans des salles de différentes tailles en capacité d’être modifiées pour accueillir tous types de collections ou d’événements. Qu’elle soit collective, individuelle, thématique ou historique, chacune des expositions a pour particularité de présenter une collection, privée ou publique, spécifique : celle d’une fondation, d’un collectionneur, d’une entreprise, d’un musée ou même d’un artiste.

Hôtel des collections, un espace modulable 2

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Pour chaque exposition on retrouve le duo qui impulse les nouveaux projets, Nicolas Bourriaud, directeur général et Vincent Honoré, directeur des expositions. Une fois ceux-ci déterminés, un travail de recherche est mené afin de donner du sens à la collection. Par la suite, un appel à projet engendrera un choix de scénographe. Enfin, le groupe technique, sous la direction de Pierre Belemin, modifiera l’espace et installera les œuvres.

Nous nous proposons ici d’analyser trois expositions et leur scénographie respective afin de comprendre de quelles façons il est possible d’organiser une collection, et quels procédés peuvent impacter l’interprétation du public.

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Moco Les non-conformistes russes , Hôtel des colletcions

Étude d’un musée moderne

MO.CO Analyses d’expositions

• Collection Ishikawa, Distance intime ou des actes de mémoire

• Collection Petigas, Mecarõ, la métaphore d’une écosystème

• Collection Cranford Années 2000’s, une décennie aux mutiples identités Étude comparative

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Collection Ishikawa, Distance intime, ou des actes de mémoire

La première exposition de l’hôtel des collections présentait la collection Ishikawa, pour l’ouverture, de juin à septembre 2019. Les sculptures, peintures, photographies, vidéos et installations sélectionnées, ont pour origine, selon le livret de l’exposition, un héritage conceptuel, et s’articulent autour du concept de distance intime. Ces œuvres, révélant des formes minimales, ne se veulent pas spectaculaires. La relation qu’elles entretiennent instaure une tension entre dimension intime et historique.

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March 4 th , Félix Gonzalez-Torres Analyses

Date painting, On Kawara

Généralement, le travail artistique est réalisé à la main, ce qui apporte une certaine sensibilité ; ici, la démarche des artistes est conceptuelle, ce qui introduit une froideur inhabituelle. Malgré cette apparente mise à distance, chaque œuvre propose individuellement un acte de mémoire très personnel. Les sujets et la façon dont ils sont abordés effleurent le familier de chacun, et provoquent des émotions fortes. Le MO.CO. tente de rendre l’art contemporain plus accessible ; Nicolas Bourriaud décrit le caractère hermétique de cette exposition d’art conceptuel comme étant toujours ambigu mais plus intime. Analyses

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Le nom de l’exposition : « distance intime » fait sans doute référence aux notions de communication non verbale selon lesquelles les distances qui nous séparent d’autrui jouent un rôle dans la manière dont nous communiquons. Edward T. Hall, anthropologue, définit cette zone : allant de 15 à 45 cm, elle s’accompagne d’une implication physique forte. À cette distance nous avons une vision du détail, une approche sensorielle et une invitation au murmure. Cette proximité déforme la vision et favorise l’émotion à l’intellect. Cette clef de lecture est essentielle pour comprendre la façon dont l’exposition a été construite. Analyses

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images seconde, Marcel Broodthaers

La première salle de l’exposition comprend une unique installation de grande ampleur, Ftt, Ft, Ftt, Ftt, Ffttt, Ftt (photo ci-contre) de Ryan Gander, laissant seulement un passage latéral au public. Ce travail constitué de flèches plantées dans le sol et les murs est envahissant et immerge directement le visiteur dans la collection. Les salles suivantes sont de petite taille et proposent une intimité avec des œuvres très personnelles, principalement March 4th et Love letter from the war front de Félix Gonzales-Torrès. Une salle en longueur propose deux séries d’un même artiste : On Kawara. Ses nombreuses peintures, toutes de même format, présentent la date du jour en lettres capitales. Celles-ci sont accrochées sur les deux longs murs parallèles de la salle. Ses séries de lettres sont posées sur un socle, un parallélépipède allongé, au centre de la pièce. Les travaux présentés, alignés et rapprochés, intensifient la répétition du geste.

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Analyses

La suite de la visite se déroule dans des grandes pièces, souvent structurées par deux ou trois cimaises. Des murs colorés en rose évoquent la douceur et le retour en enfance, en rapport avec le sujet de l’exposition : intimité et histoire. La collection regroupe des nombreuses sculptures et installations, mises en espace de façon à pouvoir tourner autour et se sensibiliser aux détails qui les constituent. Nicolas Bourriaud propose un parcours s’organisant « comme un paysage à explorer, dans lequel les œuvres se font écho formellement et thématiquement » plutôt que chronologiquement. Les travaux présentées font preuve de douceur et de subtilité ; pour les laisser s’exprimer, les salles sont spacieuses et de nombreux murs sont laissés vides.

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Analyses The anyspace whatever, Liam Gillick

Les trois vidéos projetées sont en très grands formats, toujours avec une perspective leur permettant d’être vues de loin. La possibilité de percevoir les images à distance sans élément perturbateur incite à choisir sa distance à l’ouvrage : lointaine, moyenne ou proche. Une salle dédiée à Liam Gillick approfondit la connexion forte entre sa vidéo Answer me et son installation Another solo in the doldrums (photo ci-contre). Cette pièce, comme la collection Ishikawa, s’assemble autour de la distance au sujet. Le travail scénographique d’ensemble invite le visiteur à devenir actif en choisissant sa relation aux oeuvres.

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Analyses

Collection Petigas, Mecarõ, la métaphore d’un écosystème

D’après le livret de collection, l’exposition Mecarõ présentant le bassin amazonien au travers d’artistes contemporains a eu lieu de Mars à Septembre 2020 à l’Hôtel des collections. Cette zone de l’Amérique du sud est très importante écologiquement pour notre planète, pourtant, l’idéologie productiviste est en train de la détruire. Cette exposition met en lumière les relations entre les artistes et leur environnement social, économique et moral. Le nom Mecarõ signifie « esprit de la fôret » en langue krahô ; c’est au travers du contexte historique et géographique que nous allons découvrir les œuvres. Mr. & Mr. se sont inspirés de la nature amazonienne autant que des cultures locales pour développer la mise en espace. Analyses

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Library Vine, Claudia Jaguaribe

L’entrée dans la collection est sensorielle : la première salle, n’accueille pas de tableaux sur ses murs jaunes mais propose odeurs et sons. Cette approche olfacto-sonore permet un plongement dans le contexte avant même de l’avoir vu.

Les quatre salles suivantes sont en enfilade, présentant chacune différents artistes et types d’œuvres. On peut voir de quelle manière les supports peuvent valoriser une oeuvre ; ici, le mur est peint en bleu et bordé d’un trottoir de liège (comme celui de la photo ci-contre). La notion d’écosystème est mise en avant : une base naturelle végétale, évoquée par le liège et les couleurs franches, accueille tous types de vies, représentés par la diversité de travaux artistiques.

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Analyses

Toujours d’après le livret, dans l’histoire de l’art d’Amérique latine, une grande place est accordée à l’abstraction géométrique ainsi qu’aux couleurs fortes. Le travail scénographique a tiré parti de cette culture en utilisant des couleurs franches : bleu et orange (photo ci-contre) mais aussi jaune, vert et rouge ; et en modifiant l’espace, avec les création de diagonales, ici, et d’arrondis dans d’autres salles. D’autre part, un travail autour du vivant et de la nature émerge : la déstructuration spatiale inspire la mutation perpétuelle.

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Analyses

Les trois grandes salles sont libres, sans parcours défini. L’ouverture totale invite le visiteur à déambuler et choisir lui même son chemin. Cette décision m’évoque un retour aux sources : une symbiose où chaque acteur et élément aurait une place équitable. Chaque œuvre est différente, par son médium, sa taille, sa signification, et cependant la collection fonctionne comme un tout, où les couleurs et les formes se répondent.

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Analyses

Le travail sur les diagonales, nombreuses, traduit une notion d’imprévu et de déviation. Au rez-de-chaussée Los Culpables (photo ci-joint) de Manuela Ribadeneira est installée à l’entrée, éloignée de tous autres travaux, sur un socle. Cette oeuvre, mise en évidence, accuse les hommes de l’histoire de la colonisation (d’après M. Ribadeneira). Cette exposition invite à se demander quel est notre rôle dans cette guerre amazonienne.

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Analyses

Collection Cranford, Années 2000’s,

une décennies aux multiple identités

Dans l’interview pour l’exposition, Muriel et Freddy Salem expliquent qu’ils achètent tous types d’œuvres depuis 1999, formant ainsi peu à peu, la collection Cranford. Dans un objectif de développement de leur connaissances, le couple se dédie à l’art contemporain et aux artistes émergents des années 2000. Dans le livret de l’exposition, on apprend qu’en ce nouveau millénaire, les artistes s’orientent de façon croissante vers l’éthique et la morale commune plutôt que sur des sujets personnels. La photographie et la vidéo documentaire sont en plein essor : les artistes veulent donner des nouvelles du monde. Cette collection sans fil conducteur concret, rassemble des ouvrages singuliers qui s’éloignent des familles artistiques et tendances modernes.

Analyses

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Stranger #23, Glenn Ligon - CC, Rebecca Warren - Untitled, Wade Guyton

La chute de Berlin a ancré les années 90 dans une envie globale de liberté et de découverte du monde ; l’effondrement des Twin Towers a provoqué un élan de communautarisme et de conservatisme. Cette tendance à l’introversion est contrebalancée par une mondialisation numérique dans laquelle prennent place médias d’informations, divertissements en ligne et réseaux sociaux.

Il est possible pour nous de décrire la culture des décennies 70, 80 ou 90, mais celle des années 2000 est difficile à définir. L’identité de cette décennie semble ne pas avoir eu de fin et se prolonger jusqu’à nous.

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Analyses
Installation summer 2000, Wolfgang Tillmans

Le parcours général est organisé de façon chronologique, chaque zone correspondant à une année. Les salles s’enchaînent par un cheminement unique, tel un couloir temporel, ne proposant pas de détour. Les différents médiums artistiques sont présentés ensemble, par des associations visuelles cohérentes. Sur la photo à gauche, les 12 portrais de Thomas Schütte, aux traits fins sur fons pastels, renvoient à la silhouette Fascia, de Rebecca Warren, et son socle rose doux. La diversité que l’on trouve propose un parallèle entre les œuvres et les événements marquants.

Analyses

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À l’entrée de chaque salle, un panneau (mur de gauche sur la photo ci-contre) est dédié aux éléments culturels, sociaux, politiques, scientifiques et écologiques de l’année en question. Cette contextualisation permet au visiteur de se replonger dans l’histoire de façon personnelle. C’est donc à travers des souvenirs propres à chacun que les œuvres seront interprétées. Ces supports se trouvent, d’un point de vue du parcours, dans le dos du visiteur. La scénographie incite donc à une démarche active, par la recherche volontaire de sens qu’est l’acte de se retourner pour trouver l’information.

Analyses

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Étude d’un musée moderne MO.CO Analyses

d’expositions

Étude comparative

• Parcours ou récits d’expositions • Clefs de compréhension • Démarche sensible pour un visiteur actif

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Parcours ou récits d’expositons

Les trois expositions que nous avons présentées ont chacune des caractéristiques scénographiques. Cellesci sont sensées contribuer à faciliter la compréhension pour le public. Le parcours d’une exposition est un élément fondateur : thématique pour Distance intime, formel avec Mecarõ et chronologique sur les Années 2000. De là, le récit s’écrit, induisant la taille des pièces et les regroupements d’objets.

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Exposition Mecarõ

Clefs de compréhension

La scénographie muséale a pour objectif de lier le visiteur personnellement au sujet de l’exposition. On trouve dans la collection Ishikawa, une approche sensible et une création d’intimité avec les travaux artistiques. Pour Mecarõ, la notion d’écosystème altéré permet de comprendre les enjeu actuel du bassin amazonien. La collection Cranford a, pour sa part, été organisée pour faire appel à la mémoire émotionnelle du visiteur afin de donner du sens aux œuvres.

Comparaison

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Exposition Distance intime

Démarche sensible pour un visiteur actif

Dans ces trois expositions nous avons pu constater un désir de rendre le visiteur actif physiquement, intellectuellement ou émotionnellement. Rappelons que le MO.CO. propose à chaque exposition des livrets explicatifs, conférences, nombreux médiateurs, et activités dédiés aux scolaires. Une démarche forte est entreprise, dans l’objectif de rendre l’art contemporain plus accessible. Malgré tout, ce type d’exposition reste encore élitiste.

Comparaison

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Nouveaux types d’exposition

Révolution des modes d’expositions

• Sortir de la galerie blanche

• Marcel Duchamp et ses 1200 sacs de charbon

• Le vide de Yves Klein Fondements de l’art immersif

Le visiteur au coeur de l’oeuvre

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Sortir de la galerie blanche

Au cours du XXième siècle, la galerie blanche devient le principal type d’exposition avec la neutralité et la suppression du contexte comme principales réflexions muséographiques. Dans L’espace de la galerie et son idéologie Brian O’Doherty parle de cette « chambre d’esthétique », comme un système de valeurs clos dans lequel le monde extérieur ne doit pas rentrer. Cet espace artificiel, blanc, propre et sans ombre, est dédié aux yeux et à l’esprit ; le corps n’y est pas le bienvenu. Certains artistes requestionnèrent ce formalisme en organisant des expositions innovantes.

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Ré tro s p noitce
Musée Guggenheim, Bilbao

Marcel

Duchamp et ses

1200 sacs de charbon

Marcel Duchamp viendra, à sa manière, révolutionner la notion d’exposition. Invité à l’exhibition internationale du surréalisme en 1938, Marcel Duchamp ne produit plus d’œuvre d’art. Il réalisera à cette occasion une installation singulière qui consista à exploiter de nouveaux territoires. Ses réflexions incluent l’opposition de l’intellect au visuel et la recherche de libération du sérieux des institutions. L’installation qu’il réalise consiste à transformer la galerie en grotte (photo ci-contre) : sacs de charbons au plafond avec poussière qui tombe, feuilles mortes au sol et brasero au centre de la pièce. Au départ, ce n’était pas le brasero qui éclairait les œuvres, mais des lampes torches fournies à chaque visiteur.

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tro s p noitce

Avec ce travail, Marcel Duchamp démontre à quel point une oeuvre est indissociable du contexte dans lequel on la découvre. L’artiste fait ici le choix de scénographier les tableaux exposés et instaure ainsi une nouvelle perception voir interprétation. Il s’appuie également sur un éclairage non conventionnel (éclairage à brasero ou lampes torches). Alors que la galerie blanche tend à rendre l’espace neutre afin de ne pas perturber le visiteur, l’installation de Marcel Duchamp chercherait plutôt à le déstabiliser afin de l’amener à se questionner sur ce qu’il voit.

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Le vide de Yves Klein

En 1958, Yves Klein ira un peu plus loin encore avec son exposition intitulée « Le vide, ou, la spécialisation de la sensibilité à l’état de matière première en sensibilité picturale stabilisée ». La galerie propose alors un espace vide et des murs blancs, des vitrines vacantes ; présentant, comme le dit Brian O’Doherty, l’art entre guillemets, un artefact dans un artefact. La galerie est devenue le degré 0 de l’espace, offert alors à toutes les mutations.

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Ré tro s p noitce

Le geste est d’autant plus fort que de l’événementiel se déploie autour : murs extérieurs, cocktails, obélisque de Louxor illuminé et gardes républicains à l’entrée, le tout coloré en bleu. Pour parler de ce geste transcendant, proposant la galerie comme lieu d’accueil autant que sujet de l’exposition, Yves Klein emploie ces mots :

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Je désire avec cette tentative, créer, établir et présenter au public, un état sensible pictural dans les limites d’une salle d’exposition de peinture ordinaire. En d’autres termes, créer une ambiance, un climat pictural invisible mais présent, dans l’esprit de ce que Delacroix appelle dans son journal « I’indéfinissable » qu’il considère comme l’essence même de la peinture.

Ré tro s p noitce

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Nouveaux types d’exposition

Révolution des modes d’exposition

Fondements de l’art immersif

• Concept et définitions

• Salon de Madame B, Piet Mondrian

• Claude Monet, les Nymphéas, le panorama d’une réalité

• James Turrell, et ses installations immersives

Le visiteur au coeur de l’oeuvre

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Louis Claude Paquin défini l’art immersif comme une présentation induisant un engagement cognitif et sensoriel (définition précisée ci-contre). J’aimerai revenir sur ces derniers termes ; cognitif qualifie les grandes fonctions de l’esprit liées à la connaissance, soit le langage, la mémoire, le raisonnement, le mouvement et, en particulier dans ce contexte, la perception. Sensoriel, pour sa part, concerne les fonctions psychophysiologiques et les sens, dans l’art immersif on parlera principalement de la vue et l’ouïe. L’objectif de ce nouveau type d’exposition est de sortir d’une présentation classique pour plonger le spectateur dans l’œuvre par des procédés de modification de la perception de l’espace. Nous allons présenter trois oeuvres représentatives, chacune à leur manière, de cette remise en cause de la place du visiteur.

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[L’art immersif consiste à] créer un effet de présence induit par une simulation spatio-temporelle proposée au plan visuel par la succession d’images fixes où la profondeur est recréée sur la surface bidimensionnelle d’un écran, et au plan auditif par la stéréophonie.

Concept et définitions 3

Fond e stnem

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Salon de Madame B de Piet Mondrian

Conçu en 1926 et réalisé en 1970, Piet Mondrian imagine la première pièce d’art immersif : Salon de madame B. Le peintre, connu pour ses tableaux d’abstraction néoclassique, développe son concept de lignes orthogonales et rectangles colorés en tri-dimension. Cette pièce immaculée soumet un nouveau mode de présentation artistique, dépassant l’icône de l’ère moderne qu’est la galerie blanche.

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Ré tro s p noitce

Claude Monet, Les Nymphéas, le panorama d’une réalité

Le musée de l’orangerie présente aux spectateurs deux pièces dédiée aux Nymphéas de Claude Monet, depuis 1927. Ces salles, arrondies, accueillent chacune quatre tableaux des célèbres peintures de nénuphars, recouvrant tous les murs, sur deux mètres de haut. Cette vision panoramique offre une immersion totale, non pas dans le sujet représenté, mais dans son interprétation par l’artiste. Brian O’Doherrty, dans White Cube, parle des Nymphéas selon ces termes : « Monet semble les avoir aperçu alors qu’il cheminait vers ou à partir du vrai sujet. […] l’absence de caractère saillant laisse à notre œil le loisir de vaquer ailleurs. […] par un regard pas trop impliqué par ce qu’il regarde. » , qu’il complète par « ce qui était supposé contenir l’illusion de la réalité devient la réalité même » .

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James Turrell, et ses installations immersives

Depuis la fin des années 1960, James Turrell développe des « environnements perceptuels » par le biais de la lumière comme unique matériau. Au cours des années, il réinterprète le lien entre perception, espace et lumière avec de nombreux travaux : Skyspace, Projection Pieces, Wedgework ou encore Ganzfelds. À plusieurs reprises, il initie un phénomène de perte de perception de l’espace : fausse profondeur, illusion de mur, perte de limite entre intérieur et extérieur. Son moyen d’expression artistique est l’immersion dans une installation par la lumière.

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Fond e stnem

Nouveaux types d’exposition

Remise en question de la galerie blanche Fondements de l’art immersif

Le visiteur au coeur de l’oeuvre

• Culturespaces, une démarche en direction du grand public

• Une nouvelle approche

• Art interactif ou vulgarisation de l’art

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Culturespaces, une démarche en direction du grand public

Crée en 1990 par Bruno Monnier, Culturespaces gère monuments, musées et centres d’arts sans subvention publique. Leur objectif est de centrer l’expérience sur le visiteur, par le biais d’une démarche dynamique et novatrice. Dès 1993, l’innovation est au coeur de leur projets avec la mise à disposition d’audioguides gratuits pour tous, ainsi que la réalisation d’animations régulières. En 2006 les premières reconstitutions historiques et événements culturels prennent place dans les monuments romains afin d’enrichir la visite. Depuis 2012, l’opérateur privé va encore plus loin dans sa transmission de l’art et de la culture à un public plus large : il conçoit, produit et organise des expositions numériques immersives.

Atelier des lumières, Paris

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L e v i s rueti

En 2012, Culturespaces transforme les Baux de Provence en Carrières de lumières, installe l’Atelier des lumières à Paris dans une ancienne fonderie en 2018 et termine les travaux du Bassin des lumières à Bordeaux (photo ci-contre) pour une ouverture en 2020 du plus grand centre d’art numérique au monde.

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rueti
e v i s

Une nouvelle approche

Ces trois lieux révèlent une nouvelle approche de l’art : une animation projetée sur toutes les surfaces du lieu, accompagnée de musiques en lien. L’immersion sensorielle invite le visiteur à déambuler dans une expérience artistique regroupant peinture, sculpture, animation vidéo et musique dans une approche homogène accessible à tous. Cette révolution numérique utilise la technologie Culturespaces Digital, dont les studios sont chargés de produire des expositions variées : expositions numériques et immersives classiques, modernes et contemporaines sous formats longs, courts ou spéciaux.

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Carrières des lumières, Baux-de-Provences

Les projections se font autour d’un thème commun, artiste ou courant artistique. Les travaux montrés sont généralement des œuvres classiques, présentées par différents moyens ; ne nécessitant pas de clefs de lecture d’histoire de l’art, ce mode d’exposition est plus sensible et ludique qu’intellectuel.

Les animations réalisées à partir de décomposition d’œuvres permettent de se familiariser avec les grands artistes de façon plus abordable pour les non-initiés.

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Bunker des lumières, Corée du sud

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Art interactif ou vulgarisation de l’art

Ce type d’exposition permettant à tous de profiter de cette expérience artistique interroge sur la place de « l’actif » dans la relation à une œuvre. En effet, cette immersion enveloppante s’impose au visiteur, devenant ainsi le réel. Dès lors, on perd la notion de regard ; il n’est plus possible de choisir sa distance à l’œuvre et encore moins le temps qu’on souhaite passer à observer chaque détail. Selon Marie-José Mondzain, philosophe et spécialiste de l’art et des images :

Ce tsunami d’images entraîne un naufrage de la pensée . Dans un musée, la distance et le cadre nous permettent d’activer nos neurones de jugement, de sensibilité. À l’inverse, l’immersion dans un bain d’images et le flux ininterrompu de la théâtralisation numérique confisquent le tempo de la pensée. Cette mise en scène à la Disneyland est un abus de pouvoir sur le regard.

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Une partie de l’esthétique des tableaux est transmissible par la projection : sujet, style, motifs, couleurs, etc. Cependant, la peinture autant que l’architecture ont un caractère physique et spatial fort. L’épaisseur, la texture, la volumétrie et la prestance d’une œuvre sont impossibles à communiquer par l’image.

L’art est une question de ressenti. L’artiste transforme sa sensibilité en dessin, peinture ou volume, et provoque une émotion chez celui qui la regarde. Ce lien intime qu’un visiteur peut entretenir avec un peintre ou un architecte est possible grâce à la réalité de l’œuvre, et ne peut être remplacée.

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Outrenoir , Pierre Soulages
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Conclusion

À travers ce mémoire, nous nous sommes questionnés sur le rôle de la scénographie dans la perception d’une œuvre. L’étude de l’évolution des principes d’expositions nous a permis de saisir l’existence d’un lien entre le public visé et la mise en espace des œuvres.

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Au départ, l’œuvre d’art était considéré comme un objet de collection et de prestige au sein des cabinets de curiosités, au même titre que les cranes ou les animaux empaillés. Les chambres des merveilles, meubles présentant toutes sortes d’objets, étaient réservées aux collectionneurs afin d’émerveiller leurs amis. Durant le XVIIIème siècle, Le Louvre, attirera les classes privilégiées en organisant les salons de l’Académie Royale de Peinture et Sculpture. L’art devient un symbole de richesse et cela se traduit dans l’expographie : des œuvres à profusion sont mises en valeur par d’épais cadres dorés. Au XXème siècle, les érudits remettent en question l’art, et les artistes explorent alors de nouveaux territoires à travers des mouvements comme le cubisme, le surréalisme ou plus tard, l’art abstrait. Avec ce nouveau souffle apparait un lieu blanc et lisse, cherchant la neutralité pour s’adapter au mieux à l’art contemporain.

Actuellement, des acteurs de la culture adoptent une attitude plus accessible, s’appuyant pour cela sur de nouveaux outils technologiques afin de toucher un plus large public. Dans le même esprit, les artothèques, associations de prêts d’œuvres pour entreprises ou particuliers tentent de sensibiliser à l’art contemporain. Cette médiation, rend l’emprunteur actif dans la relation : il décide de la scénographie et de la mise en valeur de l’œuvre, en fonction de sa propre perception. Ces nouvelles approches accompagnent l’individu dans la perception et la compréhension d’une œuvre, lui permettant ainsi de s’approprier son contenu tant d’un point de vue émotionnel que cognitif.

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A travers ces nouvelles expériences, le visiteur se rapprochera-t-il de l’art ou en perdra-t-il l’essence profonde et unique ?

Au regard de cette étude, nous discernons une volonté grandissante de donner à voir les œuvres d’art. Si les formes d’expositions ont évolué au fil du temps, la production artistique, elle, contient sa valeur de manière intrinsèque. Les nouveaux modes de transmission de l’art (médiation, immersion) ont une influence sur l’interprétation d’une œuvre et interviennent sur l’expérience du public.

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BIBLIO GRAPHIE

Livre de Brian O’Doherty, White cube : l’espace de la galerie et son idéologie - 2008

Livre de Davallon, Gestes de mise en exposition - 1992 Mémoire de Mathilde Champmartin, L’expographie dans son plus simple appareil : les regroupements d’oeuvres comme aide à la visite - 2018

Livrets d’expositions du MO.CO., Distance intime - 2019

Livrets d’expositions du MO.CO., Mecarõ - 2020

Livrets d’expositions du MO.CO., Années 00’s - 2020

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La scénistique, méthodologie pour la conception de documents en media multiples suivant une approche qualité - https://tel. archives-ouvertes.fr/tel-00660099v1

L’écriture de l’exposition : expographie, muséographie, scénographie - https://www.persee.fr/doc/pumus_1766-2923_2010_ num_16_1_1574

Cabinets des curiosités - https://www.museum.toulouse.fr/documents/10180/9241367/BC_Biblioweb_

Cabinets+de+curiosit%C3%A9s_oct2015.pdf/4564d3b7-896d-44c1-b074-d50644006871

Histoire des expositions à la renaissance - https://fr.wikipedia.org/wiki/Salon_de_peinture_et_de_sculpture

White cube - http://nt2.uqam.ca/fr/entree-carnet-recherche/semiotique-du-white-cube

Distance intime, chefs d’oeuvre de la collection Ishikawa - https://www.moco.art/fr/exposition/distance-intime-chefs-doeuvre-de-lacollection-ishikawa

Distance intime, terme anthroppologique - https://arlap.hypotheses.org/6711#:~:text=D%C3%A9finitions%20%3A,et%20d’un%20 %C3%A9change%20sensoriel.

L’exposition qui bouleversa tout l’art - https://www.lalibre.be/culture/arts/l-exposition-qui-bouleversa-tout-l-art51b72cbbe4b0de6db97487c7

L’obsession des Nymphéas - https://www.arte.tv/sites/webproductions/claude-monet-lobsession-des-nympheas/ Plongeon en VR dans les chefs d’oeuvre de Munch, Monet, Bruegel - https://www.beauxarts.com/vu/bienvenue-dans-les-chefsdoeuvre-de-munch-monet-bruegel/ Le sensorium synthétique : réflexion sur l’utilisation de l’expographie immersive numérique et muséale - https://journals.openedition. org/cm/2000 Qu’est-ce que l’art immersif ? - https://mappingmotion.com/quest-ce-que-lart-immersif/

Le succès des expositions d’art immersives - https://www.la-croix.com/Culture/Expositions/Le-succes-expositions-dart-immersiv es-2020-07-02-1201103036

Les expositions immersives : in ou out ? - https://www.lequotidiendelart.com/articles/14619-les-expositions-immersives-in-ou-out. html

La fièvre de l’art immersif - https://www.beauxarts.com/grand-format/la-fievre-de-lart-immersif/ Art immersif et lumière - https://www.distylight.com/art-immersif-et-lumiere/ Atelier des lumières - https://www.youtube.com/watch?v=1CRdhGeHI0w

Curateur, commissaire, artiste , quel rôle ? - https://www.connaissancedesarts.com/art-contemporain/conservateur-commissairedexposition-curateur-quelles-definitions-11123037/

Éclairage - https://luxreflexion.com/eclairage-doeuvre-dart#:~:text=Un%20faisceau%20de%20lumi%C3%A8re%20 pr%C3%A9cis,compr%C3%A9hension%20des%20%C5%93uvres%20est%20primordial.

Murs colorés - https://unpointculture.com/2015/08/05/peinture-fraiche-au-musee-du-louvre-acte-ii/ Rencontre avec marcel duchamps - https://www.youtube.com/watch?v=rZOatKrmpxA

Exploration des compositions de Mondrian en trois dimensions - https://www.mitpressjournals.org/doi/pdf/10.1162/leon_a_01583

Culture espace - https://www.culturespaces.com/fr

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