Numéro 78 - Avril-Juin 2018

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LA DANSE À BIARRITZ # 72 harpes, elle s’essaie à la reconstitution de danses grecques données à Marseille le 26 juin au Théâtre Athéna Nikè. Sans le temps de souffler, les 3 juillet, à MaisonsLaffitte, sur le théâtre du comte Robert de Clermont Tonnerre, avec Léa Piron, Yetta Rianza et plusieurs sujets de l'OpéraComique et de Monte-Carlo, la « prêtresse de Terpsichore » incarne l’amour dans le Ballet de la Nuit. Œuvre anacréontique de Fernand Nozière, musique d’André Fijan, réglée par Giorgio Saracco, maître de ballet à Biarritz en 1911. Enfin, le 11 août, lors d’une autre manifestation d'art et de mondanité, dansant « avec un charme, une souplesse et un art admirables » (20), on l’acclame au Sporting Club d'Houlgate dans la Danse des lys d’Henri Christiani. L’on parle aussi de sa rentrée aux FoliesBergère que dirige alors Clément Bannel. « La danse, qui tant de fois triompha dans cette salle coquette, reprend victorieusement ses droits. Et, si M. Bannel, en fut l'instigateur avisé, c'est à Mme Mariquita que nous devons le miracle de cette résurrection du ballet, car ce fut bien hier sa résurrection ! » (21). C’est avec Rômi-Tchâvé, ballet bohémien de Jean Richepin de l'Académie française, musique de son fils Tiarko que la nouvelle salle de la rue Richer ouvrit le 4 septembre 1909. « Frêle, ondulante, excellant aux mouvements les plus tourmentés, aux plus surprenantes attitudes. Avec je ne sais quel charme étrange, mystérieux, lascif et farouche »  (22) Stasia tint le rôle de Zwirdin, tandis que Yetta Rianza, « d’une virtuosité saisissante dans les pointes » était Idza. Se tenaient à leurs côtés, le mime Jean Jacquinet et Robert Quinault, « à la technique sûre et au style parfait ». Reçu par de frénétiques ovations, RômiTchâvé, fut joué plus de 100 fois jusqu’en décembre. Parallèlement, à l’instar du 12 septembre où elle remplaça Régina Badet dans Lakmé à Favart, Stasia était d'une activité déconcertante. Ainsi, tout en jouant chaque soir aux Folies-Bergère, le 30 octobre, dans une danse bachique due à Mariquita, elle débuta aux BouffesParisiens dans Lyristrata, pièce de Maurice Donnay, musique d’Amédée Dutacq. Titrant : « Un record difficile à battre ! », Comoedia rapporte : « Samedi, après avoir dansé aux Folies-Bergère et aux Bouffes, Mlle Napierkowska dansa encore à minuit, « Blanc et Noir », à l'Hôtel de la Ligue de l'Enseignement, soit trois représentations. Dimanche elle dansa, en matinée et en soirée aux Folies-Bergère et aux Bouffes, soit quatre représentations, et de même lundi soit encore quatre représentations. Onze représentations en trois jours. En Amérique, on élèverait une statue à Mlle Napierkowska ! »  (23). Assurément, car « la gracieuse ballerine » poursuivit ce tour de force en dansant simultanément RômiTchâvé, Lysistrata et la bacchanale de Myrtil, conte musical d’Auguste Villeroy, musique Ernest Garnier, créé à Favart, le

8 décembre. Ce qui ne l’empêcha pas, le 4 janvier 1910 d’exécuter « de troublantes danses hindoues » en l’hôtel de la divette Arlette Dorgère, dans la Revue chez soi. Puis, le 14, avec Paul Franck, chez Manuel de Yturbe, ambassadeur du Mexique de jouer « de façon remarquable » la Zingara qu’Albert Cappelani fixa sur la pellicule. Tout cela en répétant à Favart, pour le 4 février, la Reine Fiammette, opéra de Catulle Mendès, musique de Xavier Leroux, dont le ballet des fous réglé à souhait par Mariquita marqua l’engagement de Robert Quinault à l’Opéra-Comique. Mais « Napier » comme l’appelait la basquaise Louise Balthy ou « Nap » pour les intimes, ne s’arrêta pas là, puisque tout en tenant une dizaine de rôle à l’écran, comme Esméralda dans Notre-Dame de Paris d’Albert Capellani, son premier vrai succès à l’écran, dès le 12 février, elle montra à l’Odéon « la fureur sacrée d'une prêtresse » (24) dans la danse du feu d’Antar, de Chékri-Ganem, musique de Rimski-Korsakov et Maurice Ravel. Monté par André Antoine, directeur du second Théâtre-Français, l’avantpremière de ce drame héroïque, avait eu lieu à Monte-Carlo, le 7 janvier avec Mata Hari. Malgré les dithyrambes de la presse, Antoine doutant des capacités de sa future pensionnaire, qui arrivait en retard aux répétitions et refusait que Mariquita lui règle son rôle, la remplaça à l’Odéon par Stasia. C’est dans ces conditions que la courtisane néerlandaise réclama le dédit de 3.000 frs prévu dans son contrat. Le tribunal, lui donna gain de cause. En revanche, lorsqu’elle sollicita 5.000 frs de plus, en disant qu’il avait été outrageant pour elle de répéter devant Mariquita : « qu'elle était une danseuse hindoue originale, dont le secret constituait une propriété précieuse et qu'il était désormais compromis pour avoir été révélé à Mme Mariquita » (25), les juges estimèrent que le secret d'une danseuse qui expose au public sa splendide nudité, n'avait pas assez de consistance juridique. Jusqu’au 5 juin 1910, Stasia donna à l’Odéon sa « danse du feu, nouvelle, hiératique à la mode arabe et frénétique aussi, une danse où le geste adore et s'effraie, une danse d'amour, de terreur et d'enthousiasme, éclairée par le rouge brasier »  (26). Entre temps, avec Robert Quinault, chez le docteur Derecq, « elle mima à ravir » Yildiz, pantomime bohémienne de Sacha Dezac, musique d’Henri Christiani. Déjà portée par le succès, fut-elle flattée d’apprendre que Sacha Guitry l’imitait au Théâtre des Arts dans ses portraits-charges de célébrités ? On l’ignore, mais en avril 1910, la presse offrit une autre preuve de sa notoriété : « L'Amérique abuse. Voici qu'un pont d'or se construit sur l'océan pour faciliter la traversée à une de nos plus jeunes étoiles de la danse, dont le nom, depuis quelque temps, brille du plus vif éclat :

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Napierkowska, photo Pathé

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