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Geert De Bruyne et Patrick Keusters (Banque Degroof Luxembourg)
« Le monde financier perd de son attractivité » Alors que leur banque fête ses 25 années d’existence, les administrateurs délégués se montrent inquiets de la tournure prise par les événements dans le secteur de la finance, et de l’impact auprès des jeunes diplômés qui cherchent leur voie.
Jean-Michel Gaudron (interview), Jessica Theis (photo)
Visions de demain
« Sortir du marasme » En marge de son 25e anniversaire, la Banque Degroof Luxembourg a lancé le concours « Visions de demain », à l’attention de tout étudiant des cycles Bachelor ou Master de l’Université du Luxembourg ou de tout Luxembourgeois étudiant à l’étranger. « Nous sommes indépendants depuis notre création, explique Geert De Bruyne. Et cette indépendance se maintient à condition de rester innovants. C’est cette capacité innovatrice qui nous a poussé à créer ce concours, en stimulant l’aptitude de chacun à se tourner vers l’avenir et à réfléchir à l’organisation de la société de demain, voire d’après-demain, et sortir du marasme dans lequel on vit au quotidien. » Huit thèmes ont été retenus (informatique, architecture, design, recherche scientifique, médecine, marchés financiers, développement durable et politique), chaque participant pouvant présenter sa propre « vision de demain » sous la forme qu’il souhaite. Les inscriptions se font sur le site dédié www. visionsdedemain.lu jusqu’au 14 août et le dépôt des dossiers jusqu’au 3 septembre. La remise des prix aura lieu le 26 septembre, avec à la clé 10.000, 7.500 ou 5.000 euros pour les trois projets choisis par un jury indépendant présidé par le prince Jean de Nassau (également administrateur de la Banque Degroof Luxembourg depuis 1995). J.-M. G.
Messieurs, que représente un quart de siècle de présence au Luxembourg pour une banque traditionnelle comme peut l’être Degroof, dont la maison mère en Belgique a fêté l’année dernière ses 140 ans d’existence ? Patrick Keusters : « C’est surtout symbolique et cela nous permet d’affirmer nos traditions en tant que banque privée, dans des environnements de plus en plus chahutés et volatils, d’assumer notre passé et d’en tirer profit pour le futur. Nous sommes dans la droite ligne du positionnement du groupe en tant que gestionnaire d’avenirs, avec un ‘s’ à ‘avenir’. On imagine que, depuis 25 ans, plus rien n’est pareil… Geert de Bruyne : « Ce qui n’a pas changé, c’est que nous sommes toujours actifs dans les deux mêmes métiers : le private banking, au-delà de la simple gestion financière d’actifs, et l’administration des OPC. Évidemment, lorsque nous avons démarré, nous étions quatre personnes et nous occupions un étage dans un immeuble place d’Armes. Ensuite, au début des années 90, la banque ayant pris de l’ampleur dans ses activités, nous avons fait le choix de nous ancrer de façon définitive en ville, en acquérant notre propre immeuble boulevard Joseph II. Le succès aidant, nous avons encore grandi, ce qui nous a amenés à acheter plusieurs immeubles dans la même rue. Au final, nous nous sommes retrouvés sur huit sites différents, ce qui n’est pas très optimal en termes de fonctionnement. D’où le choix d’acquérir un terrain sur lequel nous avons construit l’immeuble que nous occupons actuellement. Aujourd’hui, nous sommes un peu plus de 320 personnes et nous sommes, je pense, devenus un acteur significatif sur le marché. Est-ce que la façon de faire ces deux métiers est la même ? P. K. : « Évidemment non. Au début, la comptabilité d’un OPC était quelque chose de très simple. On pouvait le faire avec une simple machine à écrire. De même pour les extraits de compte… Les évolutions technologiques ont fait évoluer le métier, autant que la globalisation. paperjam | Juillet-Août 2012 | économie & finance
Quant aux changements réglementaires et législatifs, ils se sont surtout accélérés ces cinq dernières années. L’avantage est qu’au Luxembourg, la mise en œuvre des réglementations se fait toujours dans un esprit pragmatique. Et la clientèle ? A-t-elle beaucoup changé en 25 ans ? G. D. B. : « C’est sûr qu’on ne parle plus, aujourd’hui, du dentiste belge. Il a clairement quitté la Place, de manière graduelle, au profit d’une clientèle plus sophistiquée. P. K. : « Cela dit, nous n’avons pratiquement jamais eu de dentiste belge ici, puisque nous ne sommes pas une banque de guichet, ni de réseau. G. D. B. : « Le client fortuné, aujourd’hui, est plus averti, car l’information circule de mieux en mieux. Il est donc plus exigeant en termes de dialogue. C’est à nous d’améliorer la qualité de reporting et de jouer plus court sur la balle quand il le faut. L’objectif de transparence et de simplification des produits financiers voulus par la communauté financière après la première crise de 2008 n’est donc pas pleinement atteint ? P. K. : « C’est clairement le but d’une directive telle que Mifid qui vise à faire en sorte que les produits vendus aux clients correspondent au mieux à leurs attentes réelles. Pour caricaturer, il n’est plus question de vendre à une dame de 85 ans un produit de placement sur 25 ans. Mais ne perdons pas de vue que l’origine de la crise ne vient pas que des produits financiers, mais aussi de l’instabilité des marchés et de la libéralisation excessive des banques aux ÉtatsUnis, qui fait que les banques d’affaires n’étaient plus des banques d’affaires, mais de gigantesques hedge funds qui n’étaient plus contrôlés. G. D. B. : « Chez Degroof, bien avant Mifid, nous avons toujours attaché beaucoup d’importance au ‘profiling’ du client. Nous devons donc évidemment encore l’affiner davantage. Pour bien pratiquer ce métier de conseil dont nous parlions, il faut passer un temps énorme à bien comprendre son client pour être capable de marier sa vision avec celle de l’institution financière que nous sommes. Et un tel exercice, avec ou sans Mifid, n’est jamais terminé, puisque le profil du client évolue en permanence.