Paperjam avril 2022

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NUMÉRO 222

AVRIL 2022

Business zu Lëtzebuerg

Henri Kox, ses clés pour sortir de la crise du logement 5 453000 074017 04 5€


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Les Hauts de Belair vous invitent au sein d’un havre privé et harmonieux

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Au cœur du quartier prisé de Belair, un nouvel îlot résidentiel prend forme. Mariant qualité de

vie et élégance, les Hauts de Belair donneront naissance à une collection harmonieuse et soignée de 12 résidences constituées de 142 logements, imaginées par l’architecte Christophe Felten.

Les résidences « Terres de Nacre - Terres d’Ivoire » et « Mont Ruby - Mont Carmin » dévoilent

une architecture contemporaine et comptent respectivement 17 et 33 logements haut de gamme, dotés d’équipements de qualité.

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Édito #Géopolitique

Wind of change Deux ans après le début de la pandémie, les couleurs ukrainiennes projetées sur les bâtiments publics ont succédé aux applau­ dissements en guise de remerciement au personnel soignant. Les victimes et réfugiés de cette guerre immonde ont pris la place médiatique des « héros du quotidien » qui étaient salués par toute la classe politique. Deux ans et deux crises qui révèlent à la fois la soli­darité et le « zapping » permanent de notre société, dont le cœur bat au rythme de l’émotion suscitée par l’actualité du moment. Deux crises aux origines diverses, qui partagent le funeste point commun de toucher de nombreuses victimes, directes et indirectes. La pandémie et l’invasion russe en Ukraine prouvent, une fois de plus, la capacité, appréciée, des citoyens à se mobiliser pour venir en aide à leur prochain. Mais ces deux crises montrent combien des signes avantcoureurs d’une catastrophe sont niés par l’intelligence collective. Comme si notre cerveau péchait par excès d’opti­misme. Allons-nous attendre justement deux ans supplémentaires, jusqu’à la prochaine catastrophe de grande ampleur, climatique cette fois ? La lutte contre le Covid-19 a relancé le débat sur l’organisation de l’économie mondiale et du secteur de la santé. La guerre en Ukraine, dont les conséquences économiques seront certainement d’une échelle plus importante, a pour effet collatéral d’accélérer de nouvelles réflexions sur la stratégie et la place de l’industrie dans l’Union

européenne et sur son indépendance énergétique, en privilégiant les énergies renouvelables. Outre les responsables publics, les en­treprises devront prendre leur part dans le renforcement de cette Union qui se veut souveraine et mieux armée. Tantôt vilipen-­ dée quand il s’agit de définir la taille des concombres, tantôt saluée comme une garante de la paix depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, voici donc l’UE brandie comme porteuse d’espoir de jours meilleurs. Gageons qu’elle fasse l’objet d’un véritable débat de fond lors des prochaines élections au Luxembourg, terre europhile par essence. Dans notre monde « multipolaire », le pays pourrait, s’il s’en donne les moyens, figurer parmi les champions de secteurs d’une économie qui combine haute technologie et développement durable. Et devenir un peu plus autonome, un peu plus « sobre », pour paraphraser le ministre de l’Économie, Franz Fayot, qui estimait sur paperjam.lu qu’une consommation plus raisonnable des ressources fait partie de l’équation. D’ici là, le vent du changement doit idéa­ lement (et rapidement) nous porter vers de nouvelles approches systémiques pour éviter un désastre climatique. À chacun de réfléchir, d’agir ou encore d’innover à sa façon, pour faire en sorte que ce vent ne tourne pas à l’orage. Rédacteur en chef THIERRY RAIZER

AVRIL 2022

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Avril 2022

Ristretto 10 #POLITIQUE 12 ROBERT HARMSEN

« Nous devons réapprendre à vivre avec une certaine instabilité » –

14 #ENTREPRISES 16 ISABELLE WEILL

« Le recrutement, c’est du matching » –

p. 46 Lucile Barberet (nyuko) et Stéphanie Damgé (Jonk Entrepreneuren) recommandent de casser les codes à plusieurs niveaux pour encourager l’entrepreneuriat chez les jeunes.

18 #PLACEFINANCIÈRE 20 JULIEN THIBAULT-LIGER

« L’inflation très forte va durer» Data Dada 26 #AVIATION

Un tarmac aux deux visages

28 DOSSIER

Crise du Logement 30 HENRI KOX « Le logement n’est pas un marché libéral » 36 LOGEMENT – QUI FREINE ?

Les réponses des partis pour sortir de la crise

– Conversations 46 INTERVIEW CROISÉE LUCILE

BARBERET ET STÉPHANIE DAMGÉ

« Créer une entreprise n’est pas réservé à une élite » –

50 STEVE COLLAR

« Le satellite n’est pas une île, mais une infrastructure connectée » –

56 FRANÇOIS CORDIER

« Je vois le milliard d’ici cinq ans »

Photos

Andrés Lejona, Romain Gamba

60 TINA GILLEN

« Venise, c’est les olympiades des arts » –

64 CHRISTIANNE WICKLER

p. 28 Le ministre du Logement, Henri Kox, évoque ses solutions concrètes pour tenter de sortir de la crise du secteur.

« Je suis commerçante pas logisticienne » AVRIL 2022

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Avril 2022

Construction Commerce, réparation 20 % automobile

72

Finance et assurance

Activités de services admin. et de soutien

Santé humaine et action sociale

15 %

Enjeux Grande Région

Luxembourg, capitale sans frontières

Frontaliers résidant en Allemagne Frontaliers résidant en Belgique Frontaliers résidant en France

10 %

5%

RÉPARTITION DES FRON­TALIERS PAR NATIONALITÉ DANS LES SECTEURS D’ACTIVITÉ EN 2021

Source Université du Luxembourg, d’après les données IGSS/CCSS

0%

74 FRANZ CLÉMENT

p. 72

« Si l’on continue à ne rien faire, la Grande Région va étouffer »

Contrairement aux idées reçues, les frontaliers ne sont pas d’abord des employés de la place financière. Une réalité couverte, parmi d’autres, dans le dossier Enjeux consacré à la Grande Région.

76 TRAVAIL

Du « home office » aux bureaux satellites

78 LÉGISLATION

Le télétravail ou le baromètre de la coopération

88

Les 10 ténors du pénal

80 CLAUDE WAGNER

« Tout le monde veut venir au Luxembourg »

100 Business Club

82 PROSPECTIVE

ET PERSPECTIVES Quel visage pour la Grande Région en 2050 ?

Lifestyle

86 EMPLOI

Portrait-robot des frontaliers

Portfolio

p. 108 La sculptrice Teresa de la Pisa vit, avec sa famille, entourée de ses créations, dans une maison qu’elle s’est appropriée avec style.

108 MA MAISON 110 MON STYLE 112 MA COLLECTION 114 MA RECETTE

116 MON MENTAL

120

La liste

5 ingénieurs pour réaliser un bilan carbone Débat public 08 PHILIPPE POIRIER

Advertoriaux 22 ATOZ

Photos

Guy Wolff

Le « partner-led model » au service de la relation client

44 SOLDO

Automatiser pour mieux contrôler les dépenses

p. 88 Rencontre avec 10 avocats pénalistes dont le parcours fait écho aux affaires judiciaires retentissantes qu’a connues le pays.

70 POST LUXEMBOURG

Comment protéger les TPE/PME ? AVRIL 2022

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Débat public Le centre droit libéral européen incarné par Emmanuel Macron devrait remporter l’élection présidentielle française (premier tour organisé le dimanche 10 avril, second tour le 24 avril, ndlr), indépendamment du fait que les 48 millions d’électeurs sont, plus que jamais, politiquement divisés. Ils se répartissent autour de cinq blocs sociologiques. Le premier, 30% du corps électoral, est celui des métropoles et des classes supérieures, dont le pouvoir d’achat et le niveau de formation élevés l’ont conduit à adopter des valeurs libérales en économie, réclamer la société d’ordre et appuyer l’Europe fédérale. Il se partage entre le président sortant et Valérie Pécresse (Les Républicains). Le deuxième (de 10 à 15 %), lui aussi des métropoles, est plutôt composé de classes moyennes liées au secteur public et à l’industrie culturelle digitale, soucieux de sa qualité de vie, de l’environnement, acquis au processus de l’individuation et pro-Union européenne. Il est éclaté entre l’écologiste Yannick Jadot, la socialiste Anne Hidalgo et Emmanuel Macron. Le troisième (25%) est celui des régions, des classes moyennes et po­pulaires, dont le pouvoir d’achat et la condition sociale sont impactés négativement par l’internationalisation économique et la quatrième révolution industrielle. Sa «championne» est Marine Le Pen (Rassemblement national), suivie, dans une moindre mesure, de Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) et du communiste Fabien Roussel. Il pratique aussi plus souvent l’abstention que les deux premiers.

Philippe Poirier Politologue Le quatrième (15%) est celui des «banlieues», des classes popu­laires se réfugiant à la fois dans la réussite économique individuelle, le multiculturalisme, et, pour une minorité, dans les radicalismes (religieux, islamiste, etc.), travaillées à la fois par J.-L. Mélenchon et E. Macron. Le plus abstentionniste de tous. Le dernier (de 15% à 20%), surreprésenté dans les classes moyennes et supérieures, est celui dont les codes sociaux conjuguent à la fois l’humanisme judéo-chrétien, le travail et l’attachement à l’État et à l’homogénéité culturelle. Éric Zemmour (Reconquête) le préempte actuellement, mais il s’incarne aussi partiellement dans les candidatures de M. Le Pen et de V. Pécresse. Auquel de ces blocs s’identifieront les Français du Luxembourg et les frontaliers, sachant que les premiers avaient plébiscité E. Macron à plus de 80 % et que les seconds avaient voté jusqu’à 42 % pour M. Le Pen en 2017? Au niveau national, quel candidat matérialisera le mieux l’interrogation liée au pouvoir d’achat, la préoccupation essentielle des Français? Les enquêtes d’opinion semblent à ce jour pencher pour le président sortant et Marine Le Pen, déjà opposés au second tour de la présidentielle en 2017. Ce débat public, en principe mensuel, est une carte blanche signée cette fois par le Pr. Dr. Philippe Poirier, titulaire de la Chaire de recherche en études parlementaires à l’Université du Luxembourg. Retrouvez sa contribution dans son intégralité sur paperjam.lu. Photo ANDRÉS LEJONA

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NOVEMBRE MARS 2020 2021

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Ristretto #Politique Sélectionné par MATHILDE OBERT, IOANNA SCHIMIZZI et JEREMY ZABATTA

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ORGANISÉE

« Logement, travail, santé, climat et éducation sont les thématiques prioritaires de l’avenir. »

Francine Closener, députée et coprésidente du LSAP avec le député et bourgmestre de Dudelange Dan Biancalana depuis le 5 mars, résumant les axes prioritaires pour le parti. 2

PROSPECTIF

« Un nouveau monde est en train de se mettre en place. »

Le ministre de l’Économie, Franz Fayot (LSAP), est revenu dans une interview à Paperjam, le 20 mars, sur les conséquences à court et long terme de la guerre en Ukraine, dont une réorganisation de l’appro­vision­nement énergétique et d’importants investissements pour décarboner les activités économiques. 3

SOLIDAIRE

« On a embarqué un chat et un chien appartenant à une famille, car il est évidemment impensable de les laisser au bord de la route. » Julien Doussot, CEO de Telecom Luxembourg International, dont l’épouse est ukrainienne, a coordonné une opération pour ramener, en bus, des familles réfugiées d’Ukraine vers le Grand-Duché. 4

RÉSISTANT

RECONNAISSANTE

5

« Le Luxembourg a toujours joué un rôle important dans la défense de l’intégration et de la démocratie européennes. »

AGACÉ

« Gazprom préparait déjà la guerre en Ukraine depuis le printemps dernier et nous avons été naïfs d’ignorer cela. »

Claude Turmes (déi Gréng), ministre de l’Énergie, dans une interview diffusée sur paperjam.lu, le 23 mars, sur les enjeux énergétiques liés à la crise ukrainienne et l’approvisionnement en gaz en particulier. 7

INTERROGATIVE

« Quelles sanctions nos membres peuvent-ils appliquer pour un salarié qui refuse de respecter le régime 3G ? Nous sommes face à un vide juridique. » Netty Klein, secrétaire générale de la Copas, regrette le manque d’explications de la nouvelle loi Covid quant aux conséquences pour le salarié et l’entreprise.

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Photos

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Romain Gamba (archives), Parlement européen et Maison Moderne

La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, s’est rendue au Luxembourg mi-mars et a notamment salué le fait que les « foyers et les cœurs des Luxembourgeois ont été ouverts aux personnes fuyant la guerre » en Ukraine.


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Ristretto #Politique

«Nous devons réapprendre à vivre avec une certaine instabilité» La guerre en Ukraine a fait voler en éclats l’ordre de sécurité en Europe, qui datait d’avant même la chute de l’URSS, selon Robert Harmsen, professeur de sciences politiques à l’Université du Luxembourg.

Quel sera l’impact de la guerre en Ukraine sur les principes de sécurité en Europe tels qu’ils existent depuis la chute de l’URSS ? La charte de Paris de 1990 avait proclamé l’idée d’une Europe basée sur des valeurs communes – la démocratie et les droits fondamentaux –, partagées également par la Russie. Cet ordre a définitivement volé en éclats. Mais c’est encore bien davantage… Comment cela ? Cela remet en question l’ordre de sécurité d’avant 1990, basé sur le processus d ­ ’Helsinki, dont l’acte final a été signé en 1975. Malgré la division de la guerre froide, un accord entre les Européens, les Soviétiques et les Américains existait sur un ensemble de règles – frontières, non-­agression, limitation des armes – garantissant un ordre de sécurité stable en Europe.

La nécessité de ne plus être dépendants du gaz russe va-t-elle imposer à certains pays, comme l’Allemagne ou le Luxembourg, de revoir leur position sur le nucléaire ? Les différentes perspectives concernant le nucléaire vont tout de même rester. Ce sont des choses désormais très ancrées culturellement, et cela ne va pas changer du jour au lendemain, surtout en ce qui concerne la transition à plus long terme.

Quelle leçon en tirer ? En tant qu’Européens, nous devons réapprendre à vivre avec une certaine instabilité structurelle. Car, quelle que soit l’issue de cette guerre, cela ne donnera pas lieu à une situation politique stable. Dès le début de la crise ukrainienne, les États-Unis ont annoncé ne pas vouloir engager des forces militaires. Est-ce un désengagement de l’Europe ? Il s’agit d’une décision collective de l’Otan pour éviter une escalade et une guerre nucléaire. Cela ne concerne donc pas que les Américains, mais aussi les Européens. Cette crise marque plutôt un réengagement des Américains en Europe, qui ne considèrent plus qu’il s’agit définitivement d’une région de paix où il n’est plus nécessaire de s’engager.

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Doit-on craindre que les États-Unis n’interviennent pas en cas d’agression d’un membre européen de l’Otan ? La crédibilité de la garantie que les Américains défendront leurs alliés en Europe est très forte, avec une réelle volonté de faire respecter le fameux article 5 du traité de l’Otan, selon lequel une attaque contre un de ses membres est une attaque contre tous. Cette crise peut-elle relancer l’Europe de la défense ? Il existe désormais une plus grande probabilité que l’UE développe ses capacités de défense, avec un volet militaire plus soutenu. On l’observe avec le « tournant » (« Die Wende », ndlr) en Allemagne, d’une importance centrale. Encore faut-il que ces discours de souveraineté européenne et d’autonomie stratégique deviennent réalité.

Cet accord a disparu de facto ? Lors des dernières tentatives de négociation avec Poutine, aucun accord n’a été trouvé sur ces sujets. Nous sommes donc dans une phase pré-90, et même pré-Helsinki : il n’existe plus de principes stables reconnus par tous les participants pour constituer un ordre de sécurité en Europe.

Cette crise renforce-t-elle le rôle de l’Otan ? L’absence d’engagement militaire a pour contrepartie de démarquer avec clarté les frontières de l’Otan. Il s’agit d’une réaffirmation

de l’Otan dans sa fonction initiale, en tant qu’alliance défensive de ses membres, et non plus comme pilier d’un ordre de sécurité plus général.

Le Luxembourg a, comme les autres pays, un rôle à jouer sur le plan humanitaire, notamment dans l’accueil des réfugiés. En joue-t-il d’autres ? Il joue en général un rôle de médiateur très utile pour les autres pays, avec un corps diplomatique chevronné, multilingue et une bonne connaissance des principaux acteurs européens. Un rôle bien plus important que ce que la taille de sa population peut laisser supposer.

Dans cette crise, le Luxembourg joue un rôle de médiateur très utile, selon Robert Harmsen.

Interview PIERRE PAILLER Photo MATIC ZORMAN


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EMBRACING THE FINEST WINES AND SPIRITS


Ristretto #Entreprises Sélectionné par THIERRY LABRO et CATHERINE KURZAWA

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IMPRESSIONNANT

« Cette levée de fonds donne des moyens significatifs à la société pour changer de dimension. »

Le CEO de Saturne Technology, Walter Grzymlas, a annoncé, le 14 mars, une levée de fonds de 3,7 millions d’euros pour cette PME spécialisée dans l’impression 3D métallique de haute qualité pour l’aéronautique, le spatial et des industries de premier plan. 2

STRATÉGIQUE

« Les PME qui intègrent des technologies numériques dans leur stratégie peuvent connaître une croissance jusqu’à trois fois plus importante que celles qui ne le font pas. » Le directeur général de la Chambre de commerce, Carlo Thelen, le 15 mars, à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi sur la facturation électronique. 3

OPTIMISTE

« Il ne peut pas y avoir un vrai retour à la vie d’avant, parce que, durant deux ans, les entreprises et les salariés ont été confrontés à des changements dans leur manière de travailler, de communiquer, de s’organiser. » Chloé Baumann, directrice adjointe du cabinet Pétillances, lors d’une conférence tenue dans le cadre du salon HR Lux Trade Fair, le 17 mars dernier. 4

AMBITIEUX

« Nous prévoyons de tripler les investissements annuels dans les contenus pour atteindre environ 600 millions d’euros d’ici 2026. » Thomas Rabe, directeur général de RTL, a publié le 17 mars son rapport annuel 2021. Le groupe a terminé l’année avec un bénéfice record de 1,454 milliard d’euros.

« J’en avais 59, aucune n’a rien donné. » Le CEO de SaltyLama, Ben Smith, est persévérant, comme il l’indiquait le 11 mars à Paperjam. Après un premier jet d’idées qui n’ont rien donné, l’entrepreneur finit par donner du corps à son idée de proposer régulièrement des produits 100 % respectueux de l’environnement. 6

ENTREPRENEURS

« Les rumeurs sur la transformation du lieu en magasin de mobilier ne nous étonnent pas, car le propriétaire des murs est entrepreneur dans ce secteur. »

Adriano Ciccone, Giuseppe Conte et Fred Heinen ont dévoilé, le 10 mars, à Paperjam leurs ambitions pour le Boos, lieu bien connu du secteur de l’horeca et de la vie festive du pays, situé à Bridel.

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Matic Zorman, Guy Wolff et Mike Zenari (archives)

PERSÉVÉRANT

Photos

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MERCI

aux propriétaires solidaires

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Ristretto #Entreprises

«Le recrutement, c’est du matching» Isabelle Weill dirige la branche luxembourgeoise du cabinet de recrutement Hunteed, dont la promesse est de faire matcher candidats et employeurs par l’intermédiaire de la technologie et des consultants en recrutement.

Qu’est-ce qui vous a motivée à investir du temps et de l’argent dans ce challenge ? J’ai toujours fait du recrutement lors de mes fonctions précédentes. Cette expérience m’a permis de prendre conscience à quel point la valeur d’une entreprise est fonction de ses collaboratrices et de ses collaborateurs. Le capital humain, un terme qui n’est pas galvaudé ? Il est d’autant plus vérifiable en cas d’erreur de casting. Un mauvais recrutement peut coûter très cher. Pourquoi avez-vous été convaincue par Hunteed ? Une de mes amies, Sylvie Fleury, venait de quitter Meetic et voulait proposer une nouvelle approche dans le recrutement, autour d’une vision : le recrutement, c’est du matching. Hunteed a été fondée en 2016 grâce à un tour de table composé de proches. Nos ambitions actuelles rimant avec expansion européenne, nous allons lever des fonds dans les prochains mois. Ce matching dans le domaine du recrutement se passe entre le candidat et l’entreprise par l’intermédiaire de la plateforme et du consultant en recrutement. Quelle est la répartition des rôles ? Notre promesse est de raccourcir les délais de recrutement grâce à notre technologie qui permet de faire matcher les profils avec les attentes des entreprises. Celles-ci nous font part de leurs offres en s’abonnant à notre plateforme, en s’inscrivant tout simplement. Elles s’engagent uniquement à payer en cas de succès. Les consultants en recrutement – eux aussi inscrits sur Hunteed, sans frais – soumettent quant à eux des profils qu’ils ont préqualifiés grâce à un entretien. Comment vous rémunérez-vous ? Nous pratiquons une commission équivalente à 18 % du salaire brut annuel du candidat à con­dition qu’il reste au moins un mois, et 20 % pour trois mois. Nous la partageons à 50 % avec les consultants en recrutement. Comment l’algorithme est-il développé et alimenté ? Nous l’avons développé en interne et il est alimenté par plus de 30.000 CV anonymes – les données

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des candidats restent entre les mains des consultants en recrutement – qui ont circulé via la plateforme depuis sa création. Ces CV nous permettent d’affiner au fur et à mesure les mots-clés et les critères de recherche en fonction des métiers et des profils. Un atout supplémentaire pour les PME qui ont parfois des difficultés à bien définir leurs besoins. Pourriez-vous vous passer des consultants en recrutement ? Non, car nous ne voulons pas devenir un job board. Quand les entreprises reçoivent un CV, elles ont la garantie qu’il a été traité par le consultant en recrutement et que la définition de l’offre a été affinée grâce à notre techno­ logie. J’ajoute que les interactions interpersonnelles sont primordiales pour faire aboutir les recrutements au plus vite et au mieux. Visez-vous certains profils ou postes ? Nous ne nous limitons pas à un certain type de profil. Nous recrutons pour le compte de nos clients aussi bien dans le médical, l’éducation, la finance, que dans la chaudronnerie ou la boucherie ! Comment convaincre un candidat de s’établir au Grand-Duché ? Le Luxembourg est riche de nombreux atouts, encore faut-il les faire connaître. La qualité de vie, l’offre culturelle, son caractère naturel et international peuvent convaincre des talents de s’y établir. Reste l’enjeu du logement… Les prix sont élevés, mais au même niveau que la région parisienne, avec moins de problématiques de transport. La mobilité est un enjeu propre à chaque capitale… Les atouts du Luxembourg peuvent compenser ces problèmes. Finalement, que nécessite un bon recrutement ? Il faut que la personnalité du candidat cadre avec les valeurs et la personnalité de l’entreprise et celles de son dirigeant. Sinon, cela ne fonctionne pas. Comme nous sommes sur un marché de candidats, ce matching est primordial pour que la relation de travail soit pérenne. Retrouvez la version in extenso de cette interview sur paperjam.lu. Isabelle Weill met à profit son expérience du recrutement dans le secteur des médias, dans lequel elle a longtemps été active en France.

Interview THIERRY RAIZER Photo MATIC ZORMAN


VOTRE ACTIVITÉ EST IMPACTÉE ET FRAGILISÉE PAR LES SANCTIONS ?

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COMMENT FAIRE FACE AUX SANCTIONS IMPOSÉES À LA RUSSIE PAR L’UNION EUROPÉENNE ET SES PARTENAIRES ?

La Chambre de Commerce est à l'écoute et accompagne les entreprises ayant des relations commerciales ou des flux d’affaires avec la Russie.

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Ristretto #PlaceFinancière Sélectionné par MARC FASSONE et MATHILDE OBERT

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GÊNÉS

«Malgré les nombreuses critiques, nous avons essayé d’être à la hauteur de nos responsabilités au sein des conseils d’administration d’East-West United Bank et de son propriétaire Sistema afin d’aider les nombreux employés et leurs familles au Luxembourg.» Sous la pression, les deux anciens ministres de l’Économie (LSAP) Étienne Schneider et Jeannot Krecké ont abandonné leurs mandats d'administrateurs respectivement chez Sistema, pour le premier, et chez East-West United Bank, sa filiale, pour le second. CONQUÉRANT

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« L’accord reflète notre ambition d’être reconnu comme l’un des principaux fournisseurs mondiaux de formation et d’administration de fonds. » Wim Ritz, responsable mondial des fonds chez Zedra qui a reçu l’approbation, le 16 mars dernier, de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) pour reprendre la branche Fonds et services aux entreprises de la BIL. RASSURANT

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« Les actifs russes ne valent pas grand-chose, voire rien, et se négocient avec une énorme décote sur la valeur. »

Marc-André Bechet, directeur général adjoint de l’Alfi, le 15 mars. La question de l’impact de la crise ukrainienne et des sanctions économiques visant la Russie est dans tous les esprits. Du côté de l’Alfi, on se veut rassurant.

François Chauvet, PDG de Fundclass. La 16e édition de l’European Funds Trophy, qui a eu lieu le 10 mars à Paris, a consacré les meilleurs gestionnaires de fonds européens. Des gestionnaires qui ont bénéficié de conditions de marché comme on en voit rarement. 5

PÉDAGOGUE

« En 2017 et 2018, pendant sept trimestres consécutifs, la Banque et caisse d’épargne de l’État a déclaré des actifs pondérés en fonction des risques inférieurs à ce qu’elle aurait dû faire pour les expositions sur d’autres banques. »

La Banque centrale européenne (BCE) a infligé, le 14 mars, une sanction administrative de 3,755 millions d’euros à la Spuerkeess pour un calcul erroné, et donc une déclaration fausse de ses actifs pondérés en fonction des risques pour les expositions aux banques. 6

EN COLÈRE

« Nous pensons que tout le commerce avec la Russie doit être stoppé, y compris l’achat de gaz, qui finance la guerre. » Mark Kitchell, organisateur d’une manifestation sous les fenêtres de Gazprombank Luxembourg pour appeler au boycott de la Russie le 11 mars.

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Photos

« Compte tenu des facilités monétaires données par les banques centrales, du fait que l’argent coulant à flots ne pouvait être réinvesti ni sur le court terme ni sur les obligations à long terme qui ne rapportaient rien, la seule solution était d’investir dans les actions. »

Fundclass/Christophe Rabinovici, Romain Gamba, Matic Zorman (archives) et SIP / Jean-Christophe Verhaegen

OBSERVATEUR

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GARDEZ LA MAIN SUR LES TENDANCES !

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Les investissements comportent divers degrés de risque. Les règles de protection des consommateurs ne s'appliquent pas aux actifs numériques. Swissquote Bank Europe SA - RCS B78729. Banque supervisée au Luxembourg par la CSSF.


Ristretto #PlaceFinancière

«L’inflation très forte va durer» Julien Thibault-Liger, directeur général de Lazard Frères Gestion Luxembourg, nous explique comment sa société a réagi aux chocs économiques et boursiers de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Début 2022, tous les analystes pariaient sur une année de croissance, certes ralentie ou normalisée, mais de croissance tout de même. Étiez-vous sur ce scénario ? 2021 a été une année porteuse pour les marchés actions, dans la foulée de la deuxième moitié de l’année 2020. Mais une petite musique dissonante s’est progressivement fait entendre sur le thème de l’inflation. Prévues comme temporaires au début de l’année, les pressions inflationnistes se sont révélées plus durables et fortes. Mais cela n’a pas empêché les marchés actions de finir l’année de manière très forte. Comment avez-vous traduit cela dans vos portefeuilles ? Depuis novembre 2021, nous avons substantiellement réduit notre exposition aux actions. Vous revendiquez une gestion active orientée vers le long terme. Comment gérez-vous un événement aussi disruptif qu’une guerre en Europe ? Comme à chaque crise, nous faisons d’abord un grand travail pour essayer de comprendre de quoi il retourne, pour cerner les enjeux et pour appréhender les impacts sur le cycle économique. Va-t-on vers une récession ou non ? ­L’inflation va-t-elle s’installer ? Autant de questions fondamentales. Et quelles sont vos réponses ? Le déclenchement de la guerre en Ukraine crée un risque pour l’économie mondiale en faisant bondir les prix de multiples matières premières. De la durée du conflit et de son issue vont dépendre l’ampleur et la pérennité de cette hausse, et donc l’ampleur du choc négatif pour l’économie mondiale. Une récession – voire pire, une stagflation – est-elle inévitable ? Le point positif est que ce choc intervient dans une phase très favorable pour la croissance. De plus, on ne constate pas de déséquilibre macro­ économique. Le choc paraît donc absorbable. Bien sûr, une aggravation des tensions sur l’énergie changerait la donne. Si l’impact sur la croissance doit encore être quantifié, il est beaucoup plus évident sur l’inflation. La période d’inflation très forte va durer encore plus longtemps, renforçant le risque de dérapage des anticipations. Les banques centrales vont donc devoir durcir leur politique monétaire.

20

AVRIL 2022

Mais à quel rythme ? Et jusqu’à quel niveau de taux ? L’inflation et la politique monétaire vont probablement continuer à dominer l­’année 2022 pour les marchés. Comment avez-vous adapté vos portefeuilles pour faire face à cette nouvelle donne ? Aujourd’hui, nous ne renforçons pas notre expo­ sition aux marchés actions. On aurait plutôt tendance à la réduire... mais d’une manière opportuniste. Nous ne donnerons pas de grands coups de barre. La réduction sera progressive. On explique pourtant qu’il faut acheter au son du canon. Ce n’est pas votre analyse ? Cette question revient souvent dans la bouche de nos clients, j’y réponds par cet exemple : en mars 2020, le titre Hermès était en solde. Pas les cravates. On pouvait acquérir le titre avec une remise de 30 %. C’était une bonne affaire. La donne est aujourd’hui différente. Comment réagissent vos clients ? Ont-ils besoin d’être conseillés, d’être rassurés ? Nous les appelons pour leur expliquer la crise et ses conséquences sur leurs investis­ sements. Nous leur avons expliqué, durant une visioconférence, que depuis novembre, nous avions désensibilisé nos portefeuilles en ­réduisant notre allocation actions de 20 %. Vous aviez anticipé la guerre ? Non. Mais 2021 était une année euphorique qui a entraîné des niveaux de valorisation « extraordinaires ». Une première correction s’était produite. La crise en Ukraine aura été le catalyseur des problèmes économiques que nous avons anticipés. Comment voyez-vous la suite des événements ? On ne sait pas quand, mais ce conflit va se résoudre. On assistera alors à un petit rebond. Nos craintes sont plus liées à l’inflation et à la conduite de la politique monétaire. La remontée des taux sera-t-elle bien faite ? Va-t-on réussir à absorber cette hausse dans le cycle économique, ou est-ce que l’on va entrer dans un cycle économique plus défavorable ?

Interview MARC FASSONE Une crise nécessite Photo GUY WOLFF d’abord un travail d’analyse, indique Julien Thibault-Liger.



Services et conseils

Le « partner-led model » au service de la relation client En juin prochain, ATOZ fêtera ses 18 ans d’existence au Luxembourg. L’occasion pour cette entreprise d’aborder sa stratégie, ses moments phares, ainsi que ses axes de développement pour les années à venir. Contenu sponsorisé par ATOZ

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AVRIL 2022

Eva Krins (Maison Moderne) Photo

Fatah Boudjelida, Managing Partner – Operations, et Keith O’Donnell, Managing Partner


BRAND VOICE

CHIFFRES-CLÉS

ATOZ fut créée en 2004 par des spécialistes souhaitant se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Leur ambition ? Être un cabinet de conseil fiscal indépendant, leader sur le marché. Un choix payant puisque dès le début, la clientèle était au rendez-vous. Elle s’est depuis agrandie, malgré les périodes de crise. Ces dernières ont permis à ATOZ de se réinventer. L’esprit entrepreneurial prenant le dessus, les dirigeants n’ont pas hésité à créer de nouvelles sociétés pour couvrir les besoins de leur clientèle. Se diversifier en réponse aux besoins des clients Le groupe offre une gamme d’expertises autour de la fiscalité, l’administration de sociétés et leurs obligations réglementaires. Tout commence avec ATOZ Tax Advisers en 2004, qui s’est développée, offrant désormais des solutions en matière de corporate finance et de financement aéronautique via l’entité ATOZ Aviation Finance. ATOZ a par ailleurs continué à dynamiser ses services liés à la fiscalité et en propose depuis peu dans le domaine de contentieux fiscaux. En 2012, la société LTCO est créée pour fournir son aide en matière de conformité fiscale. En 2018, LTCO devient ATOZ Services, offrant une gamme complète d’expertises dédiée à la gestion et l’administration de sociétés. En 2021, l’entreprise

« Nous n’avons pas peur d’investir si nous repérons des projets intéressants, et nous restons à l’écoute du marché. » Keith O’Donnell Managing Partner, ATOZ

«N ous souhaitons garder notre leadership en termes d’expertise et gagner en nouvelles compétences. » Fatah Boudjelida Managing Partner – Operations, ATOZ

poursuit son évolution avec de nouveaux associés. Nicolas Cuisset, Jérémie Schaeffer et Gaël Toutain viennent renforcer l’offre corporate grâce à leurs connaissances en structuration et gestion de fonds alternatifs, tandis que Christophe Darche développe des services en matière de Transfer Pricing, une obligation fiscale pour toutes les sociétés au Luxembourg. En réponse au besoin exprimé par les clients pour des solutions digitales en matière de fiscalité, ATOZ Solutions a vu le jour en 2018 avec une équipe en charge du développement de logiciels et outils dématérialisés en lien avec leur cœur de métier. C’est le cas de l’application DAC6Connect©, qui identifie les transactions susceptibles d’être déclarées dans le cadre de la Directive DAC6. Enfin, l’entité ATOZ Administration regroupe les services en lien avec les différentes filiales du groupe. Elle permet dès lors aux équipes opérationnelles de se focaliser sur leur métier et sur la relation client. Ces services « supports » incluent les RH, le marketing, mais aussi les départements finance, logistique et informatique. Une ouverture à l’international ATOZ fait partie des membres fondateurs du réseau Taxand. Créé en 2005, ce dernier compte plus de 2.500 collaborateurs spécialisés dans le conseil fiscal aux entreprises de toutes tailles à travers 50 pays.

Une expertise permettant à ATOZ de servir au mieux les intérêts de ses clients internationaux. Une stratégie fondée sur l’intégration… Ces différentes structures permettent à ATOZ d’offrir une palette de services répondant aux besoins de ses clients, selon leur profil, leur projet et leur évolution. À chaque étape, une solution existe. ATOZ a en effet pour ambition d’accompagner sa clientèle de A à Z grâce à des expertises pointues qui peuvent être proposées individuellement ou de manière collective. La stratégie d’ATOZ repose sur un modèle fort dit « partner-led », existant rarement aujourd’hui. Dans le cadre de ce dernier, les associés restent au cœur de la relation client et continuent de travailler pour et avec eux. … mais aussi sur son capital humain Malgré sa croissance élevée, l’entreprise, qui compte désormais 250 employés, continue de fonder son modèle sur l’humain. D’un point de vue des ressources humaines, le groupe bénéficie d’une belle maîtrise grâce à la compétence technique de ses employés – primordiale lors de la gestion complexe de dossiers clients. Avec 18 associés, 10 principals, 25 directeurs et environ 200 collaborateurs, ATOZ entend continuer sur sa lancée avec le but d’optimiser la relation client. ATOZ est Best Workplaces™ Luxembourg depuis 2013, une labellisation attribuée par son personnel via une enquête menée par l’institut Great Place to Work. Pour ATOZ, le bien-être des collaborateurs est primordial. La société veille donc à l’amélioration de leurs compétences via la formation et la reconnaissance au travail. Les employés ont leur autonomie et participent à l’innovation, tout en bénéficiant de l’expérience et du partage de connaissances de leurs collègues.

250

Nombre d’employés que compte le groupe.

18

Nombre d’associés, seuls propriétaires du groupe.

75

Nombre de clients qui font confiance à ATOZ depuis plus de 10 ans.

9

Pour la 9e fois consécutive depuis 2013, ATOZ est labellisée Best Workplaces™ Luxembourg par ses employés, selon une enquête menée chaque année en interne par Great Place to Work.

50

ATOZ est membre fondateur de Taxand, premier réseau de fiscalité indépendant international qui compte plus de 2.500 collaborateurs fiscaux dans 50 pays à travers le monde.

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BRAND VOICE

Services et industries proposés par ATOZ Key people Aviation Finance NORBERT BECKER Chairman

FATAH BOUDJELIDA Managing Partner – Operations

Technology, media & telecommunications

Aviation

Clients

Services

KEITH O’DONNELL Managing Partner

Industries

Corporate Finance

ATOZ Services

JEAN-MICHEL CHAMONARD Managing Partner

Corporate & Management services

Business & industry groups

CHAFAI BAIHAT Partner Investment Fund services JÉRÉMIE SCHAEFFER Partner, Fund structuring

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ATOZ Tax Advisers JAMAL AFAKIR Partner, Head of International & Corporate Tax

International & Corporate Tax, Indirect Tax

THIBAUT BOULANGÉ Partner, Head of Indirect Tax

OLIVER R. HOOR Partner, Head of Transfer Pricing and the German Desk

Financial services & insurance Transfer Pricing

OLIVIER REMACLE Partner Alternative Investments (Private Equity, Real Estate, Infrastructure, Debt Funds, Venture Capital)

Corporate & Aviation Finance YVES GERMEAUX Head of Corporate Finance & Aviation Finance

Tax Litigation

Capital markets

ATOZ Solutions

IT tools: DAC6Connect

JONATHAN MEYER Head of ATOZ Solutions ,

ations ’inform d s lu Pour p cannez ici s

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Data Dada #Aviation

Un tarmac aux deux visages

1.500

Du jour au lendemain, en 2020, le Covid-19 a cloué au sol les avions de tourisme, mettant fin à une série ininterrompue de 10 ans de croissance du trafic de passagers depuis le Findel. Porte d’entrée de matériel médical, le fret a atteint un record à l’aéroport. Auteur THIERRY LABRO

1.200

3

900

2,7 735

2,5

FRET

en milliers de tonnes

693

677 638

822

759

725

2,2

600

1,9 1,8 1,6

PASSAGERS

en millions de personnes

2,6

300

L’aéroport représentait 2,6 milliards d’euros dans le PIB du Luxembourg, selon la dernière et seule étude qui existe sur le sujet (2015).

0

2010 26

2011 AVRIL 2022

2012

2013

2014

2015

2016


4,4

De record en record 2021 a été une année record pour le fret : pour la première fois, le volume transporté a dépassé le million de tonnes (1,125), une hausse de 19 % par rapport à 2020, après un bond de 6 % par rapport à 2019.

5

Près de 25.000 emplois Selon l’étude d’InterVistas de 2015, le Findel emploie directement 6.300 personnes, et jusqu’à 24.170 personnes de manière indirecte, du transport à l’hôtellerie en passant par la sécurité. À elle seule, Cargolux compte 1.726 employés sur ce site. Emplois, en nombre de personnes Chiffre d’affaires, en millions d’euros

4

4 Directs 6.280

1.125

590 Indirects

3,6

4.030 330 Induits

938

4.560

957

400

947 3

893

Source Intervistas pour Lux-Airport / données de 2015

De l’aéroport à l’alimentation Poste par poste, le nombre d’emplois dans l’écosystème de l’aéroport, selon le rapport de 2015. 6.280 Aéroport

2,01

2

2.910 Cargolux / LuxairCargo

1.420 Luxair / autres

Le plus bas depuis 2003 De plus de 4 millions en 2019, le nombre de passagers est passé à 1,4 million en 2020, le plus bas depuis 2003, avant de remonter à 2,01 millions l’an dernier.

740 Trafic contrôle / sécurité / screening

1,4

340 Hôtels

1

220 Airport company 190 Facility 190 Aviation générale 150 Location / taxis / bus

Source

2017

2018

2019

2020

Lux-Airport

0

120 Food / boissons

2021 AVRIL 2022

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Conversation Henri Kox

«Le logement n’est pas un marché libéral » Interview CÉLINE COUBRAY ET THIERRY RAIZER

Photo ANDRÉS LEJONA

Triathlète, le ministre du Logement sait qu’il doit combiner course de fond et sprint pour contrecarrer la crise du logement. Paperjam lui a soumis, tout comme aux différents partis politiques, 25 solutions concrètes suggérées par les acteurs du terrain. S’il admet les limites de ses prérogatives, Henri Kox mise sur le travail de l’équipe gouvernementale et en appelle à la responsabilité de chacun afin de tenter de résoudre cet enjeu sociétal. 28

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Conversation

BIO EXPRESS Henri Kox est né le 7 mai 1961 à Luxembourg.

Vous avez lancé une série d’études pour mieux cerner l’état des lieux du logement et du foncier, notamment avec Raum+ qui permet de préciser où se situent les terrains constructibles. Quelles ­prin­cipales leçons en tirez-vous ? Nous avons en effet présenté récemment la Note 29 de l’Observatoire de l’habitat, ce qui veut dire qu’il y en a déjà eu avant. Or, notre stratégie se base sur des études dans la continuité de l’action entreprise par Sam Tanson qui m’avait précédé. Nous basons donc nos actions sur des constats factuels. Quel est le constat que je retiens avant tout de ces recherches ? Jusqu’à 20.000 personnes doivent dépenser 50 % de leurs revenus pour se l­oger, il y a un taux de risque de pauvreté qui est d’environ 18 %, beaucoup de ménages ont une charge ­financière importante pour le logement. Et surtout, les locataires du marché privé sont très exposés. Sur base de ces constats, le ­besoin est évident : accélérer l’offre de l­ ogements ­abordables en main publique. Avec un taux de 2% de ce type de logements, nous sommes en ­déficit par rapport à nos voisins. Un déficit qui sonne comme un échec pour les gouvernements successifs ? C’est un constat. Je veux changer cela en ­destinant la politique du logement à ceux qui ont le plus besoin de soutien financier et d’un accès à un logement digne. À quelle échelle voulez-vous développer le logement abordable en main publique ? Je garde comme mesure le risque de p ­ auvreté, d’autant plus que nous venons d’inscrire le droit au logement dans le projet de la nouvelle Constitution. Je veux que nous disposions, à terme, d’un parc locatif public correspondant au taux du risque de pauvreté. Nous devons bâtir un socle de logements qui puisse garantir ce droit au logement, qui prime sur le droit à la propriété. Notre stratégie est d’investir massivement dans le logement abordable public. Cette volonté apparaît dans les cinq grands projets pour la création de logements abordables ­– un projet de loi de financement a été voté ou est en instance de l’être (voir encadré) ­–, le tout pour une enveloppe de 1,1 milliard d’euros. Si on considère que l’État mène une politique de mobilité ambitieuse et a ­ bordable, nous devons

De la Moselle à la Héichhaus Cet ingénieur de formation issu d’une famille nombreuse et connue dans les milieux socio-politicoéconomiques a des liens ténus avec la région viticole de la Moselle. Un engagement évident Ancien professeur, il a rejoint les écologistes dans le sillage de l’engagement de sa mère contre la construction envisagée, dans les années 70, d’une centrale nucléaire à Remerschen. Des portefeuilles sensibles Conseiller communal, échevin puis bourgmestre (2009-2017) de Remich, Henri Kox a été député de 2004 à 2019 avant d’arriver au gouvernement en tant que ministre du Logement en remplacement de Sam Tanson, partie à la Justice. Il est aussi ministre de la Sécurité intérieure depuis août 2020.

conduire la même politique en matière de logement. C’est pour cela que nous avons créé le fonds spécial qui englobe ­l’ensemble du budget dédié à la construction de logements abordables s­ ubventionnés par l’État, y compris les projets de la SNHBM et du Fonds du logement. Avec comme ambition que tous ceux – communes et promoteurs sans but ­lucratif – qui s’investissent dans la construction de l­ ogements abordables p ­ ublics pourront bénéficier d’une subvention jusqu’à 75%. Ce fonds spécial – qui fait l­’objet d’un rapport annuel dédié – et les lois de fi ­ nancement qui le mettent en pratique sont symboliques, à mes yeux, de la ­dynamique que le gouvernement a mise en place. Nous avons enfin ­compris que nous devons investir, y compris dans les terrains. Combien de logements devriez-vous produire et à quelle échéance ? Le plus vite possible ! Nous devons créer un parc public de logements d’une grandeur de 15 à 20%. Concernant le timing, toutes les lois et tous les instruments dans la compétence du ministère du Logement ont été revus ou sont en train de l’être, pour aller le plus vite possible. L’État fait tout ce qu’il peut pour faire bouger les choses, mais il revient à l’ensemble des acteurs publics de prendre leurs responsabilités. Je pense bien entendu aux communes que nous avons voulu davantage

« Nous voulons concentrer la pression fiscale sur les terrains inoccupés situés en zones à bâtir. » 30

AVRIL 2022

impliquer et accompagner avec le Pacte logement 2.0. Avec cette nouvelle version du pacte, nous mettons l’accent sur les communes qui s’investiront dans la création de logements abordables, alors que la version précédente du pacte a plutôt servi à répondre à la croissance de la population dans les communes. Mais avez-vous un calendrier des livraisons, notamment pour les cinq grands ensembles que vous mentionniez ? Pour les cinq projets, nous comptabilisons 2.000 logements abordables, la majorité en location, le reste en vente mais en emphytéose pour les garder dans la main publique. L’échéance des chantiers va jusqu’en 2035, vous arrivez donc à 150 logements par an uniquement via ces grands projets qui ne sont qu’une ­minorité face à tous les projets qui se créent dans les communes. Et nous espérons que l’article 29 bis du Pacte logement agira comme accélérateur pour la construction de logements abordables de la part des communes, mais aussi des promoteurs privés. Cet article prévoit qu’un certain pourcentage, en fonction du nombre de logements prévus, soit réservé au logement abordable. Les terrains sur lesquels sont réalisés ces logements abordables sont cédés à la commune ou à l’État par le promoteur privé. En contrepartie, ce dernier pourra bénéficier d’une augmentation de la constructibilité de 10%. La construction des logements abordables est, en revanche, aux frais du constructeur ou promoteur, selon un cahier des charges, mais les travaux sont subventionnés jusqu’à 75 % avec une vue avant le début des travaux sur cette subvention. Comment activer les terrains qui sont construc­tibles, mais qui ne sont pas encore utilisés ? Nous abordons cette question progressivement en commençant par l’État et les communes avec l’article 29 bis. Ensuite, la mobilisation passera par la fiscalité : l’impôt foncier et la taxation des terrains non construits. Nous pensons aussi à nouveau au Pacte logement ainsi qu’au Baulandvertrag, qui est en train d’être avisé par le Conseil d’État, et de ­manière ­encore plus i­ mportante, au remembrement ministériel (cette interview a été réalisée avant l’avis du Conseil d’État rendu le 22 février, ndlr). Les communes disposent d’une certaine responsabilité envers les enjeux du logement, notamment sur la question de la densité des unités de logement. Comment régler ce point ? Nous devons en effet mener cette discussion en partant du postulat que l’espace ­public doit revenir aux gens. Si nous prenons l’exemple d’Elmen, on voit que l’espace public représente presque 50% du projet, un espace ­public qui n’est plus là pour les voitures, qui sont


Henri Kox

UNE DÉMARCHE ORIENTÉE VERS DES SOLUTIONS CONCRÈTES FACE À LA CRISE regroupées dans des espaces dédiés. C’est en reconsidérant l’espace public que l’on peut aborder le point de la densité, condition sine qua non d’un vivre-ensemble au sein de commu­ nautés d’habitations et d’habitants qu’il faut repenser. Nous devons revenir à une qualité de vie qui augmente avec la densité et qui augmente également grâce à des commerces de proximité, et où la mobilité ne se limite pas simplement à la voiture.

Photo

Romain Gamba (archives)

Revenons sur l’article 29 bis du Pacte logement. Ne craignez-vous pas que le promoteur veuille jouer sur le prix de vente des logements sur le marché pour rattraper le coût de la cession du terrain et de la construction des logements abordables ? Nous avons justement proposé cette a ­ ug­mentation de 10 % en tenant compte des réalités du marché, pour éviter ce phénomène de rattrapage. C’est avant tout l’offre et la demande qui font le prix. Si nous arrivons à augmenter l’offre – et surtout l’offre abordable –, nous parviendrons à une maîtrise relative des prix. Or, le pays dispose d’une réserve foncière constructible pour l’habitat importante, comme le montre la Note 29 du Liser et l’étude Raum+.

Qu’en est-il de la réforme de l’impôt foncier qui avait été évoquée par le Premier ministre lors de son discours sur l’état de la Nation le 12 octobre 2021 ? Xavier Bettel (DP) avait promis une solution dans les 12 mois… Nous avons mis en place un groupe de travail interministériel pour analyser la formule de calcul de l’impôt foncier, sur laquelle se ­basera une taxe à la mobilisation des terrains non construits. Avant la prochaine déclaration sur l’état de la Nation, nous déposerons un projet de loi sur base d’une nouvelle formule – dont l’effet montera progressivement en puissance dans le temps –, basée sur la constructibilité des terrains. Sachant que nous ne voulons pas faire peser une pression fiscale trop lourde sur les terrains déjà occupés, mais concentrer cette pression fiscale sur les terrains inoccupés situés en zones à bâtir. Les ménages qui occupent leur maison ou qui disposent de quelques appartements n’ont donc pas de souci à se faire ? Nous ne voulons pas exercer de choc sur les ménages qui habitent leur habitation ou les propriétaires d’appartement qui louent. Mais, une fois de plus, notre visée porte sur les terrains non construits qu’il faut mobiliser. Et, à côté de l’impôt foncier et de l’impôt à la mobilisation de terrains, nous voulons introduire une taxe nationale sur les logements non occupés.

L’élargissement des PAG n’est donc pas une priorité… Pas du tout. Nous avons déjà une réserve que nous devons enfin mobiliser. La réserve foncière disponible pour l’habitat s’élève à 3.750 ha. Il est estimé que 142.000 unités de Sur quoi voulez-vous baser le futur impôt logement pourraient y être construites pour qui sera perçu sur les terrains inoccupés ? plus de 300.000 habitants supplémentaires. La valeur de l’impôt sera calculée en fonction Le ­remembrement ministériel est l’une des du nombre de logements qui pourraient y être clés pour y parvenir, comme ce fut le cas par construits, avec une formule que nous devons le passé avec le remembrement viticole à la encore affiner d’ici au dépôt du projet de loi. Moselle. Avec la future loi (projet de loi portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 Le terme « spéculation » revient souvent concernant l’aménagement communal et le dé- autour de cette question… veloppement urbain, ndlr) incluant le remem- Elle sera intégrée. brement ministériel forcé, nous pourrons éviter qu’un propriétaire bloque éventuellement un Qui spécule sur les terrains processus de construction au sein d’un PAP. au Luxembourg ? En contrepartie, le propriétaire sera déplacé Tout le monde spécule. Nous sommes un pays sur un terrain extérieur. Nous nous donnons comptant 70% de propriétaires, tout le monde donc le maximum d’outils pour mobiliser les profite un peu de cette augmentation des prix. terrains au sein des PAG, en facilitant égale- De nouveau, il faut un moyen de compensament le travail des communes qui donnent tion qui ne peut venir que de la mobilisation également leur aval aux PAP. Une autre me- des terrains – notamment via le remembresure présente dans cette future loi dénom- ment ministériel – et de la construction de mée Baulandvertrag permettra d’accélérer la ­logements abordables en main publique. Selon viabilisation des terrains à bâtir ainsi que la moi, l’impôt ne sera d’ailleurs pas le facteur construction concrète de logements avec l’obli- de mobilisation le plus important. gation de respecter des dates butoirs pour la réalisation des travaux de viabilisation et de Les terrains seront donc mobilisés plus construction. Si ce n’est pas le cas, le droit rapidement ou plus facilement, encore de construire sera perdu et les logements re- faut-il que les autorisations multiples deviendront sociaux. Le Conseil d’État vient ne freinent pas le processus. Allez-vous de rendre son avis sur le projet de loi, j’espère aussi réfléchir à dénouer ces nœuds que ces instruments seront en place en 2023. et à simplifier cet aspect administratif ?

Dans la perspective des élections (législatives et communales) de 2023, le Paperjam + Delano Club organisait, le 13 octobre dernier, une table ronde à Luxexpo The Box sur le thème « Crise du logement : qui freine ? ». Six experts et profe­ssionnels du secteur immobilier étaient sur scène devant 250 personnes : Sara Noel Costa de Araujo (architecte-gérante du studio SNCDA), Max Leners (avocat et membre du LSAP), Olivier Bastin (CEO d’Immobel Luxembourg), Jacques Brauch (directeur général de Soludec), Marc Giorgetti (gérant de Félix Giorgetti) et Antoine Paccoud (research scien­tist au Liser). Les échanges de la soirée ont permis d’aboutir à 25 propositions concrètes. Une panoplie de solutions pour agir sur la crise du logement qui ont été soumises au ministre du Logement, Henri Kox (déi Gréng), et aux différents partis politiques repré­sentés à la Chambre des députés. Les visions et réponses des élus sont présentées en résumé dans cette édition du magazine et en version in extenso sur paperjam.lu.

AVRIL 2022

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Conversation Henri Kox

Je ne suis pas en charge de ces ressorts, mais ce que je veux dire, c’est qu’il n’y a pas de con­ tradiction entre la crise climatique et la politique du logement. J’y vois plutôt un objectif d’intégration des différents enjeux auxquels nous sommes confrontés. Nous devons intégrer, dès le début d’un projet de logement, les éléments environnementaux. Le CSV propose que les terrains constructibles ne doivent pas faire l’objet d’une étude environnementale a posteriori (voir en annexe). Partagez-vous ce point de vue ? Je suis pour ces études, nous pouvons parler de leur durée, mais nous devons tout de même réaliser que nous faisons face à des crises climatiques et de biodiversité qui sont énormes. Des animaux trouvent refuge sur certains terrains en attente de construction ou des friches en raison des modes d’agriculture qui sont ­actuellement pratiqués. La pression sur la nature est tellement grande que les animaux cherchent de nouveaux refuges. Nous devons donc trouver un ensemble de mesures, comme le regroupement des voitures dans des parkings collectifs pour redonner une qualité de vie – et une plus grande place à la nature – dans de nouveaux quartiers ou des quartiers à redessiner (voir interview du ministre de l’Aménagement du territoire Claude Turmes dans l’édition de février 2022 de Paperjam, ndlr). Les études environnementales ne représentent donc pas, selon vous, un frein dans le processus de construction ? Pas du tout. Le blocage de certains propriétaires est d’une tout autre ampleur lorsqu’on parle de frein. Pourquoi avons-nous encore plus de 3.700 hectares non construits au sein de nos PAG? J’en ai marre d’entendre toujours ces mêmes critiques à l’égard des procédures environnementales. Outre les aspects environnementaux, le constat de la durée – trop longue – des procédures est partagé par tous les acteurs privés. La constitution d’un guichet unique ou une digitalisation des procédures ne permettraient-elles pas de faciliter les processus ? Nous nous concertons déjà très étroitement entre ministères lors des nouveaux projets qui nous sont soumis. Encore faut-il que les porteurs de projets consultent le ministère du Logement respectivement le ministère

de l’Intérieur suffisamment tôt, dès le début, pour éviter tout retour en arrière a posteriori. L’idée de regrouper les compétences liées au logement au sein d’un ministère est aussi évoquée comme l’une des pistes pour résoudre la crise du logement. Partagez-vous cette idée ? Nous sommes un gouvernement, une équipe, et nous nous concertons en permanence. Nous devons travailler en équipe. Je ne crois pas qu’un regroupement soit efficient in fine. Le plus ­important est de travailler de façon ciblée, avec des objectifs concrets, et ce, entre ministères concernés. Nous devons regrouper les moyens pour arriver à accélérer nos actions. J’ajoute que nous avons besoin, au ministère, du soutien de tout le gouvernement, sans quoi nous ne pourrions pas disposer des postes budgétaires indispensables pour conduire nos actions. Vous ne plaideriez pas pour un regroupement de ces compétences ministérielles liées au logement après les élections de 2023 ? Je ne confirme ni n’infirme cette idée. Mais elle n’est pas à l’ordre du jour. Vous ne rêveriez pas d’avoir davantage de coudées franches en tant que ministre du Logement ? Ma première ambition était de mettre à jour et de sortir toutes les lois dépendantes de mon ministère et dont nous avions besoin pour faire bouger les choses. Sans oublier les études. Je l’ai fait. Faut-il, sur base de vos constats, initier un dialogue plus ténu avec le secteur privé ? Nous sommes occupés à le faire. Nous leur avons présenté le Pacte logement au travers des chambres professionnelles, dont l’article 29 bis, qui leur convient. In fine, c’est le secteur p ­ rivé qui va construire, il doit donc s’approprier ces mesures et ce nouveau cadre. Outre ces nouvelles mesures, ne faut-il pas donner un nouvel élan à cette collaboration avec le secteur privé, par exemple autour d’une table ronde ou d’assises du logement ? Nous sommes constamment en dialogue. Le problème n’est pas là. Ils veulent tous une part du marché privé que nous voulons mieux encadrer. C’est le deuxième point crucial de notre stratégie. Nous voulons donc davan-

« Nous voulons réglementer le bail à loyer et les loyers privés. » 32

AVRIL 2022

tage réglementer le bail à loyer et les loyers ­privés afin d’aider les locataires qui sont les parents pauvres des aides au l­ogement. Je veux ­aboutir à une transparence sur le marché ­privé. Le ­logement n’est pas un marché libéral, il doit être utile à la société via l’abordabilité de l’offre publique, d’une part, et des critères plus stricts pour le marché privé, d’autre part. L’objectif n’est pas de faire baisser les prix, mais d’assurer un toit à tous… Nous devons permettre à chacun d’avoir un toit dans des conditions décentes. Les prix des loyers seront encadrés à l’avenir lorsque la réforme de la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation sera réformée en énonçant dans les contrats à loyer la valeur de l’investissement du propriétaire pour limiter le loyer à 5 % du capital investi dans le logement. Quant au contrôle des prix de vente, je ne vois pas de pays qui sont arrivés à régler cette question. Une autre mesure annoncée par le gouvernement est de taxer les logements vides et donc de les recenser. Est-ce que cela vous semble réaliste ? Absolument. Nous avons besoin de le faire. Chaque commune va y contribuer, d’autant plus que les registres du logement et de la population sont déjà existants sans que des liens soient faits entre les deux. Le rôle des communes pour la mise en place de cette mesure renvoie à leur autonomie et donc à leur responsabilité dans la gestion du logement. Faut-il revoir leur nombre pour gagner en cohérence et en efficacité, notamment sur cette question ? Non. Je suis pour un regroupement à titre personnel, mais cela doit venir du terrain et ne doit pas être imposé. Le véritable enjeu est de ne pas laisser les communes seules. D’où le nouveau Pacte logement qui met à disposition des communes un conseiller logement (320 heures), met en place l’organisation de séminaires pour les accompagner et échange un maximum d’informations. Car elles ont une très grande responsabilité. Mais n’avez-vous pas l’impression de vous heurter à leur autonomie dans la conduite de votre politique nationale ? 100 communes sur les 102 que compte le pays ont signé le nouveau Pacte logement. Étant ­donné le caractère contraignant de l’article 29 bis, toutes les communes créeront des logements abordables. Faut-il toutefois reconsidérer l’autonomie communale concernant le logement ? Ce point sera à traiter par le prochain gouvernement. À titre personnel, je suis pour une


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Conversation Henri Kox

LES GRANDS ENSEMBLES DE LOGEMENTS ABORDABLES

Mais comment en faire de meilleurs alliés pour construire plus vite sur la main publique ? Je sais que l’on reproche régulièrement au Fonds du logement de ne pas construire assez vite, mais leur compétence est de gérer d’ores et déjà plus de 2.000 logements en location. Les deux promoteurs publics sont complémentaires. Le Fonds du logement travaille en particulier sur des friches industrielles où personne ne veut aller, et certainement pas le ­privé qui détenait pourtant ces friches. Je pense par exemple à la cité Syrdall. Le contre-exemple est Rout Lëns, à Esch, qui est mené par un promoteur privé, IKO, sur un site autrefois exploité par ArcelorMittal… Absolument. Toutefois, à propos de l’ensemble de ces nouvelles constructions sur des friches, on peut se poser la question des relatives oppositions exprimées par les citoyens quant à la densité ou la hauteur des nouveaux logements. Si nous ne faisons pas un effort collectif en faveur du logement, nous ne parviendrons pas à changer la donne. Nous devons enfin discuter de la mixité sociale et du caractère villageois que nous voulons redonner à nos villages et à nos villes. Chaque année, nous allons prévoir deux journées d’échange sur le logement avec le secteur privé et les communes sur l’évolution de la place du logement dans notre société. Devons-nous aussi réfléchir à la place du logement et aux nouvelles formes d’habitat dans la société ? Nous l’avons intégrée dans le projet de bail à loyer, comme la colocation. Le logement intégré fait aussi partie de la nouvelle loi en cours sur les aides individuelles au logement. Il est prévu de donner une subvention pour accélérer la meilleure utilisation des logements principaux, en ajoutant, par exemple, une entrée séparée pour dédier une partie du logement à de la location. Nous réfléchissons aussi à un soutien aux coopératives. Des logements dans des conteneurs ? Il y a certainement une place pour ces projets, mais ils doivent être viables. L’État ne pourra pas tout supporter. Le ministre de l’Économie, Franz Fayot (LSAP), a surpris le secteur en annonçant,

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AVRIL 2022

NEISCHMELZ LOCALISATION Dudelange NOMBRE DE LOGEMENTS

1.575 unités d’habitation, dont 866 en location abordable, 551 en vente abordable subventionnée, et 158 en vente non subventionnée et à coût modéré destinées à la location et à la vente SURFACE 36 hectares (4 PAP) DÉVELOPPEUR Fonds du logement LIVRAISON

2042, avec une première phase en 2028 PARTICIPATION FINANCIÈRE DE L’ÉTAT

507,5 millions d’euros

WUNNE MAT DER WOOLTZ LOCALISATION Wiltz NOMBRE DE LOGEMENTS

1.085 logements

SURFACE 34 hectares (7 PAP) DÉVELOPPEUR Fonds du logement LIVRAISON

2035, avec le campus scolaire en 2023 et les premiers logements en 2024 PARTICIPATION FINANCIÈRE DE L’ÉTAT

286 millions d’euros

ELMEN LOCALISATION Olm NOMBRE DE LOGEMENTS

800 logements

SURFACE 27 hectares (3 PAP) DÉVELOPPEUR

SNHBM, en collaboration avec la commune de Kehlen LIVRAISON

Phase 1 en 2027, avec des premiers logements en 2022 et la Maison pour tous en 2023 PARTICIPATION FINANCIÈRE DE L’ÉTAT

76 millions d’euros pour le PAP 1. Le chiffrage budgétaire pour les autres parties du projet (PAP2 et PAP3) n’a pas encore été fixé. Le budget total est estimé à 268 millions.

On pourrait aussi poser la question des frais de notaire qui pourraient être revus à la baisse… Ce n’est pas ma compétence non plus. Je r­ egarde mon champ d’action, mais je veux aussi animer le débat sur base d’études, par exemple. Je viens de présenter la Note 30 du Liser qui expose les disparités entre les personnes qui bénéficient des aides au logement, qui doivent certainement être rééquilibrées. Quid du crédit d’impôt pour les candidats acquéreurs ? Ce point est aussi en discussion. Il est vrai que nous avons trop misé sur la propriété ­durant ces dernières années. La loi de 1979 était très bonne dans son objectif de créer du ­logement abordable public. Mais, entretemps, ces ­logements ont été vendus et sont donc sortis de la main publique. Aujourd’hui, le paradigme a changé. C’est le logement ­public qui doit être la priorité. L’augmentation des taux d’intérêt et les prochaines crises justifient d’autant plus ce changement d’approche. Si vous aviez un message à formuler aux bourgmestres… Travaillons ensemble, c’est pour votre ­com­munauté! Si vous aviez un message à formuler au secteur privé… Travaillons ensemble, c’est pour votre portemonnaie ! Vous avez la compétence pour construire, nous avons la compétence pour orienter la politique publique en fonction des besoins exprimés dans la société. D’ici 2030, le logement au Luxembourg sera… Avec un parc locatif public substantiel en place, avec des instruments législatifs bien utilisés et avec un secteur privé plus encadré pour éviter certaines dérives, avec des investissements équivalents à ceux investis dans le transport public. D’ici 2030, le Luxembourg ne sera plus présenté comme le « Monaco du Nord » ? Il y aura toujours une partie de l’offre qui ­s’adressera à une clientèle aisée, mais je ne veux pas que les autres restent à l’écart.

Fonds du logement – Christian Bauer et Associés Architectes, Fonds du logement – ­ HSA, SNHBM

Le secteur privé, c’est votre ennemi ? Pas du tout. Ce sont eux qui construisent. Ils sont nos meilleurs alliés.

le 29 janvier dernier sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg, vouloir limiter les commissions d’agences immobilières fixées à un taux maximal de 3 % du prix de vente et payées par le vendeur. Ces commissions ne sont pas systématiquement appliquées à leur taux maximal. Que pensez-vous de cette annonce ? Ce n’est pas ma compétence, mais je suis bien entendu en accord avec cette annonce. Ce n’est pas LA solution, mais elle fait partie d’un ensemble de solutions à mettre en place.

Source

obligation des communes afin qu’elles soient plus actives en matière de logement, à ­condition d’être aidées de façon s­ ubstantielle – tant sur le plan financier que technique et logistique – par l’État.

Zoom sur les trois principaux ensembles de logements abordables en cours ou planifiés par l’État et ses bras armés dans le logement.



Logement — Qui freine ?

Les réponses des partis pour sortir de la crise

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AVRIL 2022

« Depuis des années, la crise du logement ne que les ménages doivent mobiliser pour couvrir cesse de s’aggraver, les prix connaissant une le coût du logement a sensiblement augmenté forte croissance. Ceci représente un défi majeur, depuis 2010. La situation est particulièrement d’un côté, pour la cohésion et l’équité sociale du alarmante pour les locataires et les ménages pays, et, d’un autre côté, pour les entreprises, moins aisés. » Vecteur d’inégalités sociales, secteur éconol’économie et l’attractivité du pays en général. Seule la mise en œuvre concertée de toute une mique incontournable, levier pour le dévelopsérie de mesures portant sur différents volets pement durable du pays, le logement s’aborde saura remédier à la situation actuelle, tout en par plusieurs facettes qui tantôt se complètent, considérant qu’il n’existe pas de solution mi- tantôt s’entremêlent. Un imbroglio qui comracle et que le problème du logement ne pourra plexifie la résolution souhaitée par tous les acteurs rencontrés dans le cadre de ce dossier, être résolu à court terme. » Ce constat, établi par le DP, pourrait por- tant du côté public que du côté privé. Par quel ter la signature des autres partis politiques versant aborder cette montagne que peu ont représentés à la Chambre, et que Paperjam a réussi à gravir? Du côté des partis politiques, sollicités pour obtenir leur positionnement l’appel aux chercheurs du Liser par le ministère quant à 25 idées concrètes pour dénouer la du L ­ ogement pour produire plusieurs notes sur crise du logement. Cette série de propositions l’état des lieux de la disponibilité et du potentiel a émané de la table ronde organisée le 13 octobre foncier semble faire l’unanimité. À commencer dernier par le Paperjam + Delano Club. Déi par la note 29 (présentée en novembre 2021) sur Gréng ajoute pour sa part que, sous l’effet de le potentiel foncier disponible au Luxembourg, l’augmentation des prix, « la part du revenu estimé à 3.750 ha, soit l’équivalent de 142.000

Photo

La crise du logement latente renvoie aussi à la responsabilité des pouvoirs publics. Les partis représentés à la Chambre livrent leurs réponses à 25 propositions concrètes émanant de la table ronde organisée le 13 octobre dernier par le Paperjam + Delano Club. Avec un constat partagé par tous : face à cette situation, la politique du logement doit agir à différents niveaux.

Guy Wolff

Une vue aérienne du nouvel ensemble Elmen, construit sous l’impulsion de la SNHBM.


25 IDÉES POUR SORTIR DE LA CRISE unités pour 300.000 ­habitants. «Les terrains dits ‘Baulücken’ doivent évidemment être mobilisés prioritairement. Nous pensons qu’il faut protéger la denrée ultra-rare que constitue la surface disponible dans notre petit pays et préserver la biodiversité», pointe déi Lénk, représenté par son porte-parole Gary Diderich.

économiques de la croissance démographique, car le pays arrivera à un moment donné à une saturation. » L’ADR n’est pas opposé, quant à lui, à l’extension ponctuelle des périmètres, et pose aussi la question de la croissance. «La véritable raison de la situation immobilière réside dans la ‘croissance’ démesurée, pointe le député Roy Reding. Nous sommes dans un Des PAG suffisants cercle vicieux qui nous force à avoir toujours La concorde politique est globalement de mise, plus de croissance pour financer notre système également autour des périmètres construc- social. Un jour, ce système ‘boule de neige’ va tibles (autrement dit, des PAG) qui suffisent échouer. C’est sûr. Fondamentalement, nous actuellement pour répondre au besoin théo- construisons assez, voire trop. » rique (quelque 7.526 nouveaux logements par an, selon l’estimation la plus élevée du Statec) L’État invité à montrer l’exemple pour les 26 prochaines années. Les terrains En cas d’extension du périmètre, l’idée que situés dans ces périmètres sont à mobiliser en l’État soit prioritaire sur l’achat des terrains priorité. Si une extension est envisagée, le DP situés en dehors du périmètre constructible et le LSAP la conditionnent respectivement à est retenue par le LSAP, à condition qu’«à l’acla réalisation d’un projet (dans l’esprit du projet teur public et aux assimilés incombe une oblide loi Baulandvertrag en cours) et à des condi- gation de construire dans les meilleurs délais tions de stricte nécessité. «Nous proposons de sur ces nouveaux terrains qui entrent dans le périmètre. En outre, il faut assurer un suivi des infrastructures. » Une idée que l’ADR réfute, car « cela voudrait dire encore plus de terrains enlevés du marché et soumis à des procédures bureaucratiques longues, coûteuses, inefficaces». L’accélération de la construction sur les terrains publics figure parmi les points communs entre les partis. « Avec moins de 2 %, le Luxembourg est particulièrement à la traîne SEMIRAY AHMEDOVA en ce qui concerne la taille de son parc locatif Députée et présidente de la commission du logement, déi Gréng public. Ceci est aussi le résultat d’une politique du logement qui visait prioritairement à ­soutenir l’accès à la propriété, note Semiray ­Ahmedova pour déi Gréng. Investir de manière ciblée dans le logement public locatif abordable permet par contre de renforcer durablement la résilience de la société. Les ménages les plus vulnérables peuvent ainsi trouver un logement avec un taux d’effort raisonnable et à l’abri des fluctuations sur le marché du logement. » L’État détient 13,5 % du foncier constructible pour l’habitat en 2020/2021, d’après le Liser, dont d’importantes friches industrielles. « Il faut évidemment accélérer la construction conditionner chaque élargissement à ce qu’au sur les terrains publics, ajoute déi Lénk, qui moins 30 % de la surface construite brute soit déplore une certaine lenteur dans la concrédédiée au logement abordable. Le Pacte loge- tisation de logements sur ces sites. Souvent, ment 2.0 préconise 20%», propose le CSV par d’ailleurs, les terrains détenus par les autorités la voix de son député Marc Lies. Et d’ajou- publiques ne se prêtent pas à une mobilisation ter qu’une extension devra « s’opérer avec une rapide (il faut, par exemple, d’abord les dépolbonne connectivité aux transports en commun, luer). Le directeur du Fonds du logement l’a dit avec une proximité à toutes sortes de commerces, clairement lors d’un entretien radiophonique : avec de bonnes possibilités de pratiquer du sport ‘ Le Fonds du logement n’obtient pas les teret des loisirs». Quant aux Pirates, représentés rains mobilisables à court terme.’ Ces terrains par Sven Clement, leur réflexion porte aussi sont en règle générale acquis par des promosur la production de logements, qui reste in- teurs privés. » férieure à 4.000 logements par année et, plus largement, le modèle luxembourgeois: «Notre Un dialogue public-privé à structurer pays devra repenser la croissance économique Entre les terrains disponibles dans la main priqu’il veut avoir. Si notre PIB est censé croître vée, le potentiel de logements sur le foncier de 4 % en moyenne jusqu’à 2050, il faut envi- public, d’une part, et l’expertise du secteur sager de découpler cette croissance des activités privé, d’autre part, un meilleur dialogue entre

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DR

«Investir dans le logement public locatif abordable permet de renforcer durablement la rési­ lience de la société.»

Le 14 décembre dernier, les partis politiques représentés à la Chambre, ainsi que le minis­ tre du Logement, recevaient 25 propositions pour tenter de sortir de la crise du logement. L’ensemble émanait de la table ronde « Crise du logement, qui freine? » organisée par le Paperjam + Delano Club le 13 octobre 2021. Les partis politiques étaient invités à commenter, voire nourrir, ces solutions par leurs réflexions. Celles-ci ont aussi été évo­ quées durant un entretien avec le ministre Henri Kox (voir page 28), qui n’a toutefois pas souhaité s’exprimer sur plusieurs idées (3, 13, 17, 20, 21, 22, 24, 25) qui ne concernaient pas ses compétences ministérielles.

Voici les 25 propositions formulées au sortir de la table ronde : 1. Agrandir les périmètres 2. Accélérer les délais des procédures 3. Rendre les PAG plus lisibles 4. Réduire le nombre de communes et augmenter le personnel en charge des autorisations à bâtir 5. Créer un guichet unique 6. Voter une loi anti-crise du logement 7. Accélérer la construction sur les terrains publics 8. Priorité aux partenariats public-privé 9. Augmenter la densité et la hauteur selon un plan national d’occupation du sol 10. Un monitoring des logements en cours 11. Réformer les « frais de notaire », appelés droits d’enregistrement 12. Taxer les terrains non construits 13. Revoir l’amortissement accéléré 14. Dissocier le besoin de logement et la volonté de devenir propriétaire ; augmenter le nombre de locations abordables 15. Créer des fonds d’investissement spécialisés pour le logement abordable 16. Donner la priorité aux acquéreurshabitants 17. Ajuster les prêts buy to let 18. Limiter le poids des acteurs étrangers 19. Renverser la charge de la preuve 20. Ne pas oublier… les « Deponi » 21. Imaginer des logements provisoires, adapter la législation au logement temporaire 22. Recherche d’un Bouwmeester 23. Un plan Marshall des infrastructures 24. Une porte d’entrée domestique à chaque immeuble de bureaux 25. Dessiner autrement nos villes, réserver un pourcentage à l’expérimen­ tation, remettre l’architecture dans la culture ou le discours

AVRIL 2022

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Logement — Qui freine ?

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AVRIL 2022

8,4 %

NOMBRE DE LOGEMENTS ABORDABLES, PAR TYPE DE PROMOTEUR SNHBM

39,4 %

3.125

Communes

23,2 %

C’est le nombre de logements dits abordables et conventionnés recensés par le ministère du Logement au 31 décembre 2020, dont 70% sont réalisés par la SNHBM et le Fonds du logement. 300 projets sont en cours de réalisation, dans 59 communes. Source Ministère du Logement

Fonds du logement

28,8 %

volet de l’aménagement du territoire actuellement réparti sur plusieurs ministères – à savoir le ministère de l’Aménagement du territoire, le ministère de l’Intérieur, le ministère du Logement et le ministère de l’Environnement – soit réuni sous la compétence d’un seul ministère», ­appuie le CSV. Déi Lénk, en revanche, ne partage pas l’avis que la lourdeur des procédures administratives constitue l’obstacle déterminant à une

MAX HAHN Député, DP

«Regrouper toutes les compétences et procédures au sein du ministère du Logement promet de débureaucratiser les procédures d’autorisation.»

dynamisation de la construction de logements: «Ces procédures répondent à des objectifs précis, comme la protection de l’environnement et de la santé des futurs acquéreurs et locataires. Mais ceci ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire des efforts en matière de simplification.» «La coordination entre les différents ministères et administrations a déjà été renforcée, tempère déi Gréng. Davantage d’efforts sont nécessaires afin de fluidifier les processus. La digitalisation doit être un moyen technique pour accélérer les délais des procédures. Mais nous devrons également réfléchir sur les procédures elles-mêmes. Pourtant, ces formalités ont aussi leur raison d’être, par exemple pour protéger les habitations contre les inondations.» Quid d’un guichet unique qui supporterait les procédures de façon digitale? «Un guichet unique digital et transparent pourrait être utilisé pour monitorer le progrès des dossiers et récolter des informations statistiques sur les délais entre les différentes étapes dans la procédure qui permettent d’évaluer l’efficience de la procédure en général », ajoutent les Pirates. « La numérisation intégrale des démarches associées devrait être mise en œuvre au plus vite afin de permettre la centralisation du traitement des dossiers et de garantir un meilleur suivi », estime le DP. «Laissez les communes décider, elles savent de quoi elles parlent. Écartez les bureaucrates ! », tance l’ADR. Une sortie de terre des logements qui dépend des délais de réponse qui devraient être clarifiés, comme le recommande le CSV: « Chaque ministère, et plus spécifiquement le ministère de l’Environnement, devra être contraint

DP

Accélérer les procédures et mieux doter le ministère Reste à dénouer l’imbroglio procédural qui ralentit considérablement la construction de logements et contribue ainsi à l’inflation des prix, déplorent les acteurs privés. «Ce gouvernement a tout fait pour aggraver le problème », regrette l’ADR, qui cite le manque de lisibilité des PAG résultant d’une « bureaucratisation impossible en lieu et place d’un lien direct avec les responsables communaux ». La refonte de l’architecture gouvernementale autour des questions du logement est d’actualité chez certains : « L’accélération des procédures figure parmi les éléments les plus importants », note le DP, qui ajoute que «le fait de regrouper toutes les compétences et procédures concernées au sein d’un même ministère, en l’occurrence le ministère du Logement, promet de débureaucratiser les procédures d’autorisation ». « ­Depuis des années, nous revendiquons que le

Asbl et fondations

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les parties prenantes concernées par le vaste sujet du logement est l’une des clés évoquées par tous les partis pour désamorcer la crise. Le LSAP imagine « une plateforme d’échange entre le ministère du ­Logement et les promoteurs privés pour élaborer des projets concrets, qui suivent un cahier des charges clair et précis et qui doivent promouvoir le logement abordable ». Pour associer d ­ avantage le secteur privé, le CSV propose aussi des incitants regroupés dans « une nouvelle législation sur des aides pour des investisseurs privés dans le cadre de la réalisation de logements abordables, qui devra être mise en place […] en étendant le bénéfice des aides étatiques aux promoteurs privés qui investissent dans le logement locatif subventionné ». Quant à d’éventuels « partenariats publicprivé pour la construction de logements en définissant des cahiers des charges précis et des procédures claires, avec un objectif de résultat fixé dans la durée », selon une idée suggérée au sortir de la table ronde du 13 octobre dernier, l’État doit garder la main, et les acteurs privés doivent jouer le jeu, estime en substance le parti Pirates: «Les promoteurs doivent agir de façon transparente dans l’élaboration de leurs devis et factures. Pour garantir ceci, il faut que les critères d’attribution des projets soient clairs avant la réalisation des travaux.» Quid de l’organisation d’états généraux du logement en guise de signal fort en faveur d’une ambition commune, qui serait de passer de 3.987 (moyenne actuelle de construction à l’échelle nationale, ndlr) à 7.526 nouveaux logements par an jusqu’en 2060 pour répondre à la croissance annuelle de 4,5 % du PIB, et donc de doubler la production de logements pour les 40 prochaines années ? Le LSAP demande que cette Logementsdësch, qui réunirait les acteurs privés et les responsables publics, apporte des solutions concrètes.


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Logement — Qui freine ?

YVES CRUCHTEN Député et président de fraction, LSAP

«La création de logements intégrés constitue une idée intéressante pour créer des unités supplémentaires.» 40

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«Chaque ministère devra être contraint à une réponse endéans un certain laps de temps.»

«Il faut protéger la denrée ultra-rare que constitue la surface disponible et préserver la biodiversité.»

Matic Zorman, ADR, CSV et déi Lénk

La fiscalité pour mobilier foncier et logements Affichant la volonté de mettre la pression sur les propriétaires qui laisseraient volontairement leurs terrains constructibles vacants, la plupart des partis s’accordent sur le principe d’appliquer une taxe sur ce foncier. Le ­gouvernement travaille sur le sujet, comme l’indique le ministre du Logement, Henri Kox (déi Gréng), en page 28. Xavier Bettel (DP) avait en effet annoncé, lors de son discours sur l’état de la Nation (le 12 octobre 2021, ndlr), qu’une proposition serait sur la table dans les 12 mois. Si l’objectif de mobiliser les terrains est salué par tous, le gouvernement devra définir la spéculation au travers de la formule de l’impôt. Tout en évitant un écueil majeur : échauder une partie des électeurs, qui sont nombreux à disposer de foncier pour leur propre usage ou pour celui de leurs enfants, par exemple. « Pour le DP, il ne s’agit pas du tout de pénaliser les petits propriétaires, qui retiennent l’une ou l’autre parcelle pour leur descendance », temporise le parti du Premier ministre. « Il est évident qu’un tel impôt doit décourager les propriétaires de terrains à ­en accumuler beaucoup pour les garder et ne pas les mobiliser. Notre parti a prévu une exception pour les petits propriétaires de terrains, portant justement sur la taille du terrain, car il ne faut pas enterrer le droit de propriété, mais encadrer les abus», estiment les Pirates, qui veulent, à l’inverse, récompenser les propriétaires coopérants en instaurant

pour récompenser ceux qui mobilisent les biens vacants, et de pénaliser ceux qui ne veulent pas coopérer. Avec la possibilité de fixer des pénalités si le logement reste inoccupé pendant un certain temps. «Une approche MARC LIES alternative consisterait à suspendre la déducDéputé, CSV tibilité des intérêts relatifs à des prêts immobiliers, tout comme l’amortissement accéléré pendant la période où le logement reste inoccupé », suggère aussi le CSV. Autre idée des socialistes : « Un monitoring digital des logements en cours ou à venir à l’échelle nationale, sur base des données publiques et privées.» Une approche partagée en substance par déi Lénk et les Pirates. Ces derniers proposent d’aller «plus loin en visant non seulement les immeubles, mais aussi les grands propriétaires de terrains constructibles, comme dans notre proposition de loi visant l’exploitation des terrains à bâtir à des fins d’habitation». Un large consensus se « des exemptions lorsque les propriétaires de profile également sur le principe d’une refonte ces terrains les mettent à disposition pour des de l’amortissement accéléré. « Vu l’évolution formes de logements temporaires ». Le CSV in- du marché du logement, cet incitatif fiscal au dique aussi ne pas «pénaliser les propriétaires qui sont bloqués dans des procédures», ni viser les terrains qui font l’objet d’un développement par phasage. « Au lieu de ‘pénaliser’, il faut comprendre pourquoi les l­ogements sont inoccupés. Changer la loi du bail à loyer, permettre les contrats à durée déterminée, abolir la prorogation légale, permettre des contrats d’occupation précaire », demande l’ADR, qui ajoute être « contre toute augmentation d’imGARY DIDERICH pôts, y inclus l’impôt foncier ». Porte-parole, déi Lénk Autre outil envisagé et cité également par le ministre du Logement : le remembrement ministériel. «Un autre instrument efficace permettant de développer des projets de construction, au cas où un propriétaire bloque le projet en question», ajoute le parti d’Henri Kox, déi Gréng, rejoint sur le Baulandvertrag par le LSAP. Outre la mise en place d’une taxe sur la spéculation (le CSV propose par exemple une taxe après cinq ans, en cas de terrain vacant, après le début des travaux d’infrastructures), la réforme de l’impôt foncier figure également parmi les propositions retenues par déi Lénk. profit des investisseurs est devenu difficile à Le taux de cet impôt progressif sur les immeubles justifier », souligne déi Gréng. Le CSV prohors habitation principale augmenterait «avec pose de «fixer un plafond maximum qui peut la valeur du patrimoine immobilier (résidence être déduit par an » et de « revoir à la hausse principale exclue), pondéré d’un supplément le poids du terrain, qui est estimé, dans la plufiscal également progressif en cas de rétention part des cas, forfaitairement à 20 % du prix de terrains constructibles ou de vacance prolon- total de l’immeuble ». L’ADR s’y oppose, en gée d’immeubles pour des raisons spéculatives», revanche : « Il faut des gens qui investissent précise déi Lénk. dans la construction d’habitations. Si ces gens La même logique vaut pour les logements disparaissent du marché, on n’aura pas un seul vacants, le gouvernement ayant également logement de plus, mais on risque d’avoir moins promis de mettre en place un registre national d’habitations. » Les Pirates et le LSAP plaident pour une des logements inoccupés. «La création de logements intégrés constitue une idée intéressante révision de l’amortissement accéléré pour pour créer des unités supplémentaires de manière promouvoir des projets collectifs et bénéfi­ relativement simple et rapide», estime par ail- ques pour la société. « Selon l’Observatoire de leurs le DP, subventions à l’appui. Le LSAP pro­- l’habitat, les acteurs étrangers jouent un rôle ­pose un « système d’incitation bonus-malus » secondaire sur le marché immobilier, dominé

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à une réponse endéans un certain laps de temps. Sinon, le silence ministériel vaut accord. » Le principal parti d’opposition suggère aussi la « création d’une structure nationale MyLogement, un établissement de droit privé similaire à la SNHBM».


par des acteurs autochtones. Les acteurs étrangers présents sont pour la plupart des acteurs européens qui ne seraient pas concernés par une Lex Koller », pointe déi Lénk au sujet d’une éventuelle limitation du poids des acteurs étrangers via une loi Lex Koller, en place en Suisse, que soutiennent le CSV et le LSAP (sous réserve d’une validité juridique). « Une loi Lex Koller au Luxembourg, cœur de l’Europe, ne semble pas appropriée », pour l’ADR. Plus dense, plus haut Si l’utilisation rationnelle du sol en tant que denrée rare est citée comme principe de bon sens par les politiques, la question d’une densification du bâti et d’un recours à des immeubles plus hauts en milieu urbain est différemment abordée à l’échelle nationale. « Il convient d’analyser quel est le besoin réel en matière de types de logements ou de taille demandée des unités résidentielles. Surtout des unités de moindre taille, comme des studios, sont très demandées, tandis que l’offre sur le marché ne correspond pas forcément à la demande », pointe le DP. Quant au bon équilibre dans les PAG entre le coefficient d’utilisation du sol (CUS – le nombre de mètres carrés construits) et la densité de logements (DL – nombre de logements par hectare) pour éviter de n’avoir que des grands logements qui puissent être nouvellement construits, le LSAP souligne que « la crise écologique nous l’impose ! ». « Avec le nouveau Pacte logement, nous ne créons pas seulement davantage de ­logements abordables avec chaque nouveau PAP, mais nous augmentons également la densité du logement de 10 % », ajoute déi Gréng. Le CSV propose en outre la mise en place d’une « cellule Plan d’occupation du sol pour le développement stratégique du pays ». La question de la densité renvoie forcément à la ­notion de cadre de vie, estime l’ADR, qui n’est pas opposé à densifier des endroits spécifiques : « Mais il faut garder une qualité de vie qui englobe aussi une place de parking devant la maison pour éviter des déplacements pénibles. Et des parkings pour les amis… » «Construire de manière plus dense et davantage en hauteur demande en contrepartie de réserver plus de surface à la verdure accessible au public et à l’aménagement de points de rencontre dans le quartier », résume déi Lénk. L’aménagement du territoire est questionné par les Pirates, qui plaident « dans un Luxembourg du 21e siècle » pour densifier les zones urbaines : « Les avantages de la densification parlent d’eux-mêmes : optimisation du périmètre de construction actuel, infrastructures et services déjà sur place, bonne connexion aux transports publics existants. » Construire des unités de logement plus denses sans remettre en cause ni la qualité de vie des quartiers existants ni le caractère rural des agglomérations concernées, l’équation

à la construction. Déi Lénk s’oppose au renversement de la charge de la preuve: «On ne peut risquer que l’aval implicite donné à la destruction d’un biotope puisse résulter de la non-­ intervention de l’administration compétente, ROY REDING souvent sous-équipée en personnel.» Le CSV est Député, ADR en faveur d’une primauté de l’autorisation de construction et du périmètre pour éviter de devoir faire un bilan écologique et des fouilles. Il est rejoint par le LSAP sur l’idée d’inverser la charge de la preuve: «C’est au ministère de l’Environnement de prouver, dans un délai court, qu’il y a un biotope à déplacer, et non au développeur qui possède déjà une autorisation à bâtir.» Pour les Pirates, c’est au maître d’ouvrage de déclarer la présence d’un biotope. Charge ensuite au ministère d’accélérer la procédure d’évaluation. «Au cas où cette procédure prendrait trop de temps, la construction pourra être réalisée dans un délai spécifié », concentre plusieurs paramètres sensibles. ajoute le parti représenté par Sven Clement. Le respect de l’environnement et l’utilisation «Il ne faut pas abandonner la biodiversité face des ressources entrent de même en ligne de à la pression du logement. Au contraire», résume compte. « Il faudrait éviter au maximum les l’ADR, pour sa part. excavations. Souvent, cela comporte les p ­ arkings. En conséquence, il faut revoir le nombre de par- Du temporaire et de l’expérimental kings à la baisse en fonction de l’accessibilité Entre le besoin rapide de nouveaux logements au transport commun, les pistes cyclables ou le et leur fonction dans la société, les partis exami­ milieu construit», estime déi Gréng. Les études nent les possibilités de mise en place de logeenvironnementales et éventuellement archéo- ments temporaires, par exemple en flexibilisant logiques nécessaires sur un terrain qui est le bail emphytéotique et en en réduisant la dupourtant déjà classé comme constructible sont rée minimale. «De cette façon, un propriétaire citées par les acteurs privés comme un frein qui souhaite garder son terrain pourrait tout

«Au lieu de ‘pénaliser’, il faut comprendre pourquoi les logements sont inoccupés.»

Autres ménages

18,6 %

Propriétaires les plus aisés (quintiles 4 et 5) Locataires les moins aisés (quintiles 1 et 2)

6,6 %

56,3 %

RÉPARTITION DES GAINS RÉSULTANT DES POLITIQUES SOCIALES ET FISCALES LIÉES AU LOGEMENT Ensemble des aides modélisées Source

Observatoire de l’habitat (2021)

Propriétaires les moins aisés (quintiles 1 et 2)

18,5 %

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41


Logement — Qui freine ?

Source

Ministère du Logement

300 300 millions d’€

200

100

0

42

170

71

2018

84

2019

96

2020

2021

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2022

«Il faut envisager de découpler la croissance des activités économiques de la croissance démographique.» cas, comme le résume le CSV : « Chaque nouveau projet de PAP avec une bonne connectivité aux transports en commun, avec une proximité à toutes sortes de commerces, avec de bonnes p ­ ossibilités de pratiquer du sport et des loisirs devra être doté d’un certain ratio pour une meilleure mixité entre logements, surfaces de bureaux et commerces/loisirs.» Les Pirates veulent « éviter de reproduire le phénomène des villes-dortoirs », en poursuivant la décentralisation des activités économiques vers le Sud, l’Ouest, l’Est et le Nord, là où la capitale et ses alentours continuent de concentrer une large part des flux de travailleurs. «Un certain nombre de défis, dont notamment la mobilisation de terrains pour des projets opportuns, la densification, la mixité sociale et l’accélération de la construction de logements abordables pourraient également être relevés par un tel organe, ajoute déi Lénk. De manière générale, la fonction architecturale sort souvent perdante des réalisations immobilières au Luxembourg. » Ambitions nationales vs prérogatives communales Organisée dans la perspective de la composition des programmes électoraux qui précéderont les élections de l’an prochain, l’initiative de Paperjam sur la crise du logement met notamment en lumière le lien à recréer entre achat d’un logement et occupation de ce dernier, le cas échéant. Des mesures pour éviter que l’immobilier constitue, chez certains investisseurs, un pur bien spéculatif sont ainsi évoquées par les partis. « Il faut limiter les investissements immobiliers spéculatifs. La priorité d’achat incombe aux primo-accédants», déclare par exemple le LSAP. Si les formations politiques dévoileront leurs approches sur le logement à l’échelle nationale avant les législatives d’octobre 2023, le dossier se jouera dès le mois de juin 2023 avec la tenue d’un autre scrutin : les élections communales. L’autonomie du pouvoir local et les prérogatives dont disposent les élus communaux

Retrouvez les réponses in extenso des partis aux 25 propositions sur paperjam.lu, ainsi que leur témoignage en vidéo. Auteurs THIERRY RAIZER & CÉLINE COUBRAY

Matic Zorman

L’ÉTAT DÉNOUE LES CORDONS DE LA BOURSE Pour répondre aux besoins des résidents et acter ses promesses, le gouvernement aug­mente les budgets relatifs au logement public pour atteindre les 300 millions d’euros cette année. De 2010 à 2017, la moyenne d’investissement était de 40 millions d’euros.

SVEN CLEMENT Député, Piratepartei

influent en effet de manière non négligeable sur la crise du logement. Faut-il, du coup, réduire le nombre de communes pour rationaliser la problématique ? «Plus une commune est grande, plus elle dispose, à travers ses services urbanistiques et techniques, des capacités et du personnel nécessaires pour traiter les autorisations de bâtir, mais également pour développer ses propres projets immobiliers», appuie déi Lénk, en principe en faveur de la mesure. Un sujet électoral sensible. Le LSAP et les Pirates s’en remettent aux citoyens par voie de référendums. L’ADR réfute cette idée et défend l’autonomie communale: «Une petite commune est plus efficace et connaît son territoire mieux qu’une ‘super-commune’ ou un guichet étatique.» Déi Gréng souhaite, pour sa part, « encourager la fusion des communes en soutenant davantage la coopération régionale, si nécessaire, en complétant la réforme des finances communales et en réformant la loi sur les syndicats communaux». Si le Pacte logement 2.0 vise à accompagner davantage les communes en moyens et ressources pour construire des logements abordables, les partis s’accordent sur le besoin de mieux doter l’échelon local pour suivre la cadence de construction de logements et les indispensables infrastructures publiques ad hoc. Des communes qui pourraient avoir recours à un professionnel du logement comme peut l’être le Bouwmeester (maître architecte), existant en Belgique, idée soutenue par déi Lénk et le LSAP, en évitant les doubles emplois. La question est justement posée par les Pirates: cette fonction ne pourrait-elle pas être remplie (ou assurée) par les conseillers en logement qui sont mis à disposition de chaque commune dans le cadre du Pacte logement 2.0? De mesures pragmatiques à la refonte de l’architecture gouvernementale, en passant par une expérimentation qui casse certains codes, la crise du logement se résoudra par un faisceau de solutions. De l’avis de tous les responsables politiques, toutes doivent converger vers un même but: permettre à chacun d’avoir le droit de disposer d’un logement décent à un prix tout aussi décent. Un droit impérieux qui figure même dans le projet de nouvelle Constitution. Si la concorde est affichée sur les principes et dans la plupart des mesures du côté des partis, deux facteurs seront déterminants pour passer des principes aux actes: le courage et la volonté politiques.

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de même mettre à disposition ­celui-ci pendant une certaine durée, par exemple 10 ans, 15 ans, pour y installer des constructions modulaires. Le propriétaire percevrait non seulement un loyer, mais i­ l aurait aussi la garantie de pouvoir disposer de son terrain après le temps convenu pour ses propres besoins », explique le DP, qui imagine des « incitations fiscales, similaires au modèle de l’exonération fiscale de 50 % des revenus provenant de la location de logements mis à disposition dans le cadre de la gestion locative sociale ». Le principe d’un bail pour favoriser le logement modulaire, donc, auquel le LSAP et le CSV souscrivent. Les Pirates font de même, en veillant à ce que « [les] villages ne se transforment pas en des villes à conteneurs pendant des décennies ». Par ailleurs, l’obligation d’inclure du logement dans chaque nouveau projet d’immeuble de bureaux est soutenue par le LSAP, déi Lénk et les Pirates. «Qui veut habiter dans un immeuble de bureaux ?, s’interroge l’ADR. Par contre, activer les logements au-dessus des commerces est une bonne idée. Sans ‘taxation’, mais plutôt par incitation. » Le DP et le CSV citent quant à eux l’exemple des tiny houses, et les Pirates, les « smart cities, ainsi que les logements modulaires » pour innover en matière de logement. L’expérimentation apparaît donc comme une des pistes à suivre pour ouvrir la voie à des logements qui pourraient être mis en place plus rapidement, qui répondent aux nouveaux modes de vie et qui assurent la mixité sociale et d’usage nécessaire dans les quartiers. Sans forcément passer par des quotas, qui pourraient être contre-­productifs, selon le LSAP. Mais à condition d’ajuster la législation. La qualité de vie demeure un sujet sur lequel les partis insistent, dans tous les


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Gestion des dépenses

Automatiser pour mieux contrôler les dépenses Contenu sponsorisé par SOLDO

Particulièrement chronophage, la gestion des dépenses en entreprise engendre aussi des coûts non négligeables lorsqu’elle est mal menée. Des solutions d’automatisation permettent désormais de la rendre plus simple et efficace, avec de nombreux bénéfices à la clé.

En Europe, en moyenne, 2% du chiffre d’affaires des sociétés est perdu en raison d’une mauvaise gestion des dépenses. Ce chiffre fait partie d’une étude commanditée par la fintech Soldo menée auprès de 950 dirigeants d’entreprises européennes. Elle illustre l’ampleur d’une problématique globale qui, chaque année, coûte 347 milliards d’euros aux entreprises européennes. Et qui peut constituer un frein à la croissance pour de nombreuses structures, cet argent ne pouvant pas être utilisé pour développer le business. Du temps et de l’argent perdus Mais comment un tel montant a-t-il bien pu être perdu uni­que­ment en raison d’une mauvaise gestion des dépenses? «Cela provient en partie d’erreurs de traitement des reçus, de dépenses excessives ou fraudes, mais aussi de TVA non réclamée, qui représentent plus de 38 milliards d’euros de perte annuelle en Europe », illustre Luxisle Faubert, Regional Marketing Manager France et Benelux chez Soldo. 44

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L’autre problème a trait aux processus, souvent archaïques, liés au paiement ou au traitement des reçus en entreprise. La lourdeur administrative ralentit l’efficacité des équipes et rend cette gestion des dépenses complexe. Peu numérisée et peu automatisée, elle devient source d’erreurs et coûteuse pour l’entreprise, qui dédie du temps et des ressources à ces tâches à faible valeur ajoutée. La technologie à la rescousse Pour résoudre ces problèmes, Soldo veut fournir une suite de gestion des dépenses complète qui, d’une part, responsabilise les parties prenantes avec un budget et un moyen de paiement et, d’autre part, apporte plus de sécurité et de visibilité aux entreprises. «L’idée est de connecter des cartes de paiement intelligentes à un outil puissant de gestion afin de centraliser toute l’information liée aux dépenses sur une seule et même plateforme, détaille Luxisle Faubert. Concrètement, tout service ou collaborateur

« 38 milliards d’euros sont perdus chaque année en Europe, rien qu’en TVA non réclamée. » Luxisle Faubert Regional Marketing Manager France et Benelux chez Soldo

amené à faire des dépenses professionnelles est doté d’une carte de paiement, physique ou virtuelle, afin de gagner en réactivité dans la conduite de ses activités. Chaque transaction effectuée remonte en temps réel sur la plateforme, enrichie des données liées à la dépense

(code MCC, taux de TVA, justificatifs, etc.), et va être liée au bon code analytique de l’entreprise pour lui faire gagner du temps dans sa comptabilité.» Des règles peuvent par ailleurs être édictées, notamment pour restreindre les types de dépenses ou lieux où elles sont autorisées. Cette solution permet donc d’alléger considérablement la charge administrative en automatisant le processus de bout en bout. «Avec notre plateforme SaaS, nous redonnons de l’agilité à l’entreprise et lui permettons, à tout moment, d’avoir une vision précise de ses coûts», ajoute Luxisle Faubert. Un développement partout en Europe La solution de Soldo semble en tout cas séduire. L’entreprise compte déjà 26.000 clients, de toutes tailles et de tous secteurs, répartis dans 31 pays. Depuis sa dernière levée de fonds de 180 mios $, elle cherche à accélérer son développement en Europe, et notamment au Luxembourg. « C’est un pays qui se positionne comme un ‘tech leader’ en Europe, avec un écosystème varié et une appétence au digital. Il était donc logique que nous approchions ce marché, avec une solution numérique qui peut trouver écho auprès de nombreuses entreprises », précise Luxisle Faubert. Pour poursuivre ce développement, l’entreprise ne se repose pas sur ses lauriers et lance régulièrement de nouvelles fonctionnalités permettant de mieux répondre aux besoins du marché. Une fraction importante des dépenses des entreprises étant aujourd’hui digitale, un module dédié à la gestion des abonnements et publicités en ligne a récemment vu le jour. Afin de maîtriser les dépenses liées aux formules d’abonnement, qui donnent souvent lieu à des doublons, ou au paiement de services dont on a peu l’utilité. La confiance n’exclut pas le contrôle La solution de Soldo a pour objectif de redonner de l’agilité


CHIFFRES-CLÉS

250

UNE GESTION DES DÉPENSES PROFESSIONNELLES SIMPLIFIÉE ET INTÉGRÉE

Soldo compte 250 employés à travers le monde, un chiffre qui devrait rapidement grimper à 400.

26.000

Soldo sert 26.000 clients répartis dans 31 pays européens.

8%

En moyenne, 8 % de la TVA n’est pas réclamée par les entreprises et est donc perdue.

2%

En Europe, 2 % du CA des sociétés est perdu en moyenne en raison d’une mauvaise gestion des dépenses.

à l’entreprise en lui permettant de déléguer l’exécution des paiements et, par ce biais, de donner plus d’autonomie aux collaborateurs. Cette marque de confiance s’accompagne d’un ensemble de mesures permettant à l’entreprise de conserver le contrôle, et cela avant et après que la dépense est engagée. En plus de la création de budgets plafonnés sur ses cartes, Soldo a mis en place un système d’approbation pour les dépenses ponctuelles. Il permet d’introduire une requête unique de paiement, directement via la plateforme, et de l’approuver en un clic. « C’est une bonne solution quand on ne veut pas équiper tous ses collaborateurs d’une carte, poursuit Luxisle Faubert. On peut demander une somme de 500 euros pour un nouvel ordinateur, et après l’approbation de sa demande, recevoir instantanément une carte de paiement virtuelle prépayée avec le montant demandé. » Bientôt, le système de validation après achat sera également disponible et permettra au manager de vérifier les justificatifs de la dépense afin de la valider avant envoi au service financier. Le suivi régulier des dépenses que permet la solution de Soldo conduit à une meilleure rentabilité. «Soldo offre un outil moderne et hautement configurable pour aider les entreprises dans le pilotage de leurs dépenses et les accompagner dans leur croissance», conclut la Regional Marketing Manager de Soldo.

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Lucile Barberet et Stéphanie Damgé plaident pour une initiation dès le plus jeune âge à l’univers de l’entreprise.


Conversation Lucile Barberet et Stéphanie Damgé

« Créer une entreprise n’est pas réservé à une élite » Lucile Barberet (nyuko) et Stéphanie Damgé (Jonk Entrepreneuren) disposent d’une situation privilégiée pour parler des enjeux de la création d’entreprise au Luxembourg. Une interview croisée sans langue de bois. Interview THIERRY RAIZER

Le «challenger d’idées» nyuko accompagne une centaine d’entrepreneurs par an. L’asbl Jonk Entrepreneuren a touché plus de 13.000 élèves en 2021 via un de ses programmes de sensi­ bilisation à l’entrepreneuriat. Leurs CEO, Lucile Barberet (nyuko) et Stéphanie Damgé (Jonk Entrepreneuren), reviennent sur les enjeux de l’entrepreneuriat au Luxembourg, entre changements sociétaux profonds et problématiques récurrentes. Avez-vous constaté une baisse des demandes ou de l’activité, sous l’effet de la crise du Covid ? LUCILE BARBERET (L. B.) Nous n’avons pas connu de baisse, mais nous avons clairement vu un changement de paradigme au niveau des porteurs de projet. À la faveur de la pratique plus intensive du télétravail, les salariés remettent en question leur parcours professionnel. Nous voyons ainsi arriver de plus en plus de projets complémentaires à une activité professionnelle principale. L’autre changement notable est relatif à la montée en puissance du « bienêtre » (coaching, sophrologie, yoga…) parmi les secteurs ou domaines d’activité qui nous sont présentés. Ces reconversions professionnelles s’orientent donc autour d’une passion ou d’un centre d’intérêt. En revanche, la crise sanitaire et l’incertitude économique poussent les porteurs de projet à davantage de prudence avant de se lancer de manière effective. Mais le propre de l’entrepreneur est aussi de faire en fonction du contexte et de s’adapter en permanence… Tout comme chez les adultes, la crise a-t-elle aussi amené les lycéens qui participent proactivement aux mini-entreprises, par exemple, à proposer de nouvelles thématiques ?

Photo ROMAIN GAMBA

STÉPHANIE DAMGÉ (S.D.) Le changement que nous observons depuis plusieurs années s’inscrit avant tout dans le cadre de la crise climatique, bien plus qu’en réaction à la crise du Covid-19. Les jeunes sont fondamentalement en quête de sens lorsqu’ils veulent créer leur mini-entreprise. L’entrepreneuriat social est devenu un vrai sujet, voire un modèle pour eux, au même titre que le développement durable est le fil rouge de nombre de projets qui voient le jour. Plus largement, l’impact du Covid et de la guerre en Ukraine auprès des jeunes générations doit encore être évalué, selon moi. Étant donné que nous vivons dans une période marquée par des crises, nous devrons plus spécifiquement évaluer comment ces crises

BIOS EXPRESS Lucile Barberet D’origine française, Lucile Barberet a effectué des études en multimédia, journalisme et communication en ligne. Un cursus qui lui a servi auprès de plusieurs start-up et d’un Big Four, avant de rejoindre nyuko en décembre 2015 pour en gérer la communication. En avril 2020, elle a pris le relais de Nicolas Fries au poste de CEO. Stéphanie Damgé Luxembourgeoise, Stéphanie Damgé est diplômée en sociologie du travail et en gestion d’entreprises. Elle a passé sept ans chez KPMG au sein du service des ressources humaines, avant de rejoindre en 2013 l’asbl Jonk Entrepreneuren Luxembourg en tant que directrice. Elle est également membre du conseil d’administration du Fonds national de la recherche et de la Fondation Idea.

influenceront la manière d’entreprendre des jeunes générations de demain. La forme « classique » des études, à savoir plusieurs années passées essentiellement dans un contexte de haute école ou d’uni­ versité, ne casse-t-elle pas l’envie d’entreprendre de certains jeunes qui auraient découvert l’entrepreneuriat pendant leurs études secondaires ? Comment faire évoluer le parcours de formation pour les jeunes qui ont envie de prendre leur destin en main ? S. D. Outre l’environnement familial, l’école joue un rôle essentiel lorsqu’on démarre sa carrière. Nous devons investir davantage et plus rapidement dans l’éducation et la formation pour équiper les jeunes des compétences transversales et des aptitudes actuelles dont ils auront besoin pour réussir. Nous devons aussi permettre aux jeunes d’engranger, tout au long de leur cursus, beaucoup plus d’expériences concrètes en lien avec le monde du travail. Libre à eux, ensuite, de choisir comment ils les utiliseront, soit en tant que salariés, soit en tant que chefs d’entreprise. Devrait-on imaginer une sorte d’« Entrepreneurs Academy », qui permettrait aux lycéens de poursuivre dans la voie de l’entrepreneuriat tout en étant formés ? S. D. Il faut débuter plus tôt et proposer des initiations à l’entrepreneuriat dès l’école primaire, en intégrant l’entreprise, ou des éléments de gestion basés sur des expériences pratiques, dans l’enseignement de différentes matières. Le travail en mode « projet» doit aussi être encouragé. Pourquoi ne pas imaginer aussi l’apprentissage du français ou des mathématiques appliqué aux situations de la vie professionnelle? Certaines écoles mènent des projets à leur échelle, mais cette approche transversale AVRIL 2022

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Conversation Stéphanie Damgé et Lucile Barberet

SOVI SOLUTIONS, L’HEUREUX EXEMPLE

doit s’envisager de manière systématique, tout en tenant compte des différents publics représentés au sein de la population du pays. Cette dernière présente une grande diversité quant au milieu culturel et au cursus scolaire, du classique au technique. L. B. Les systèmes éducatifs – tant au Luxembourg que chez nos voisins – ont tendance à faire rentrer les jeunes dans un cadre déterminé qui n’encourage ni la prise d’initiative ni la recherche de solutions ou de réponses par soimême. Certains se sentent à l’aise dans ce cadre, d’autres beaucoup moins. Or, parmi ceux qui «ne rentrent pas dans le cadre» ou qui font preuve d’originalité, je suis persuadée que nous pourrions trouver de bons entrepreneurs. Nous devons encourager les jeunes à chercher dans quoi ils sont bons afin de faciliter leur choix de carrière. Je note d’ailleurs que la majorité des personnes qui viennent nous voir sont d’abord passées par une phase de remise en question des carcans qui avaient façonné leur parcours avant d’envisager de sortir du salariat. À l’inverse, nous avons malheureusement peu de jeunes entrepreneurs qui frappent à notre porte, à nouveau en raison des carcans éducatifs classiques. L’idée évoquée au début de la crise sanitaire de mettre en place une indem­nité de chômage pour les indépendants pourrait-elle favoriser davantage l’entrepreneuriat ? L. B. Avant la crise, le risque financier représentait probablement un frein moins important. L’incertitude et les risques économiques sont venus, entre-temps, changer cette donne. La réflexion autour d’une indemnité de chômage pour indépendants devrait donc être relancée. Dans un pays qui se veut être une start-up nation, nous devons aussi veiller à soutenir des projets qui ne sont pas technologiques, mais plus traditionnels. Nous devons sortir de ce double discours qui voudrait que, d’une part, les start-up technologiques fassent l’objet d’un large soutien, et que, d’autre part, les PME «classiques» fassent moins l’objet d’une attention de la part des pouvoirs publics. À quand la « House of freelancers », la « House of petits restaurants qui viennent de se lancer » ? Que faudrait-il faire pour relier ou regrouper les efforts à destination

Lorsqu’on leur demande de citer un exemple du parcours idéal de jeunes porteurs de projet, Stéphanie Damgé et Lucile Barberet citent Sovi Solutions et son logiciel Talkii (pris en charge par la CNS) pour faciliter la communication entre les personnes autistes et leurs encadrants. Créée en 2018 par Alessio Weber et Gianluca Marinelli, la start-up a participé au Young Enterprise Project et a remporté un Leadership Award lors de la finale européenne. Également lauréate du programme Impuls de nyuko en 2018, elle est co-lauréate du programme Fit4Start de Luxinnovation et a été retenue par le ministère de l’Économie et Luxinnovation au hackathon Startups vs Covid-19. Avec une idée: décliner sa solution pour les patients intubés qui n’ont pas la parole ou parlent une langue étrangère.

des entrepreneurs dont la technologie n’est pas le cœur de métier ? S. D. Il faut les rendre visibles, les aider avec du marketing et de la visibilité, en portant un message positif en faveur de l’entrepreneuriat. Nous devons promouvoir l’entrepreneuriat en montrant des exemples et des success-­stories qui ne sont pas que technologiques. L. B. Ce partage d’expériences pourrait aussi motiver les gens qui hésitent à se lancer car ils pensent que leur idée n’est pas suffisamment innovante. Un secteur n’est pas meilleur qu’un autre. J’ajoute que nous devons aussi changer la représentation que certains ont encore de secteurs comme l’artisanat, qui a considérablement évolué. S. D. Beaucoup pensent que l’on ne peut devenir entrepreneur que si on coche toute une série de cases ou de conditions. Mais on peut aussi devenir entrepreneur sans un bagage scolaire typique ou sans être issu d’une famille d’entrepreneurs. L’entrepreneuriat est ouvert à toutes et tous. La création d’entreprise n’est pas réservée à une élite. L’entrepreneuriat doit aussi servir à l’insertion dans la société. Quid du financement de ces projets pour leur permettre de décoller ? L. B. Chez nyuko, nous devons répondre systématiquement à deux questions: «Où puis-je trouver de l’argent ? Est-ce que mon idée est bonne?» Je ne suis pas pour un financement par défaut en phase de lancement. C’est très sain d’être sous une forme de pression financière plutôt que de brûler du cash dont on

« À quand la ‘House of petits restaurants qui viennent de se lancer’ ? » 48

AVRIL 2022

bénéficierait en masse dès le début. Cette pression à la rentabilité amène à faire des choix et à poser des priorités pertinentes. En revanche, on pourrait imaginer des incitations pour encourager les demandeurs d’emploi à fonder leur entreprise, ou une forme de congés payés pour les jeunes étudiants qui veulent se lancer. Qu’attendez-vous de l’État pour encourager l’entrepreneuriat ? L. B. Un vivier de talents reste encore inexploité au sein même des entreprises. La mise en place d’une incitation de la part de l’État pour laisser la possibilité aux employeurs d’accorder du temps à leurs collaborateurs pour que ceux-ci travaillent sur leur propre projet entrepreneurial représenterait une source d’épanouissement pour les employés. La baisse, voire l’exemption, des charges auxquelles sont soumises les entreprises, par exemple durant la première année du lancement ou jusqu’au seuil de rentabilité, ferait également du sens. À l’échelle mondiale, des études montrent que les femmes deviennent d’abord CEO en montant leur entreprise. Qu’est-ce que ceci vous inspire ? L. B. Cela corrobore mon expérience. On ne devrait pas forcément devoir passer par la case entrepreneuriat pour devenir CEO en tant que femme. D’une manière générale, les femmes sont plus réticentes face au risque, ce qui influe sur leur façon de développer leur projet, qui est souvent bien structuré. S. D. On voit que beaucoup de filles participent, et sont même majoritaires dans certains projets que nous menons. Je note aussi un intérêt grandissant pour des métiers techniques, même s’il reste du chemin à faire. En revanche, nous remarquons que nos « alumni » restent majoritairement des garçons, ce qui prouve que les filles ne vont pas forcément au bout de leur démarche entrepreneuriale ou qu’elles l’interrompent en cours de chemin de vie. Comment y remédier ? S. D. Nous devons d’abord changer les messages qui sont donnés aux filles dans l’enseignement et dans la société en général, pour leur permettre d’aborder le maximum de possibilités pour leur carrière. Le changement est en cours parmi les nouvelles générations, mais on peut toujours espérer qu’il se diffusera plus vite. L. B. Concernant les adultes, les outils digitaux et des programmes de formation en ligne permettent aussi de combler un manque de temps ou de s’adapter à un agenda où la vie de famille prend une place non négligeable, même si elle est partagée. Nous devons enlever au maximum les freins à l’entrée, par tous les moyens. Retrouvez la version in extenso de cette interview sur paperjam.lu


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SES veut apporter sa contribution à la souveraineté européenne en matière de connectivité, indique Steve Collar.


Conversation Steve Collar

« Le satellite n’est pas une île, mais une infrastructure connectée » Si tout se passe comme prévu, fin 2022, SES se retrouvera dans une position idéale pour affronter les prochaines années. Forcément, son CEO, Steve Collar, bout d’impatience. Interview THIERRY LABRO

L’année 2022 est une année extraordinaire, non ? Lancement des deux satellites et clearing de la bande C utile à la 5G américaine contre trois milliards de dollars, des activités commerciales de SES-17 en juillet et des satellites d’O3b mPower… Quelle est l’étape des trois qui est la plus ­importante ? Elles sont toutes importantes, c’est le problème! Pour différentes raisons, mais elles sont toutes importantes. La plus imminente est le démarrage des activités commerciales de SES-17. Nous avons eu un super lancement, tout va bien, sa progression vers l’orbite se poursuit, il y arrivera en avril. Nous allons faire les vérifications. Tout va bien se passer. Sur la bande C, c’est très très rare d’avoir l’opportunité de prendre 3 milliards de dollars, 4 milliards au total, c’est essentiel pour la société. Nous parlons de la force de notre bilan, de notre force d’être non seulement le leader mondial des opérateurs de satellites, mais aussi d’avoir la meilleure situation financière. Et la bande C est une partie essentielle de cela. O3B mPower (une constellation de nouvelle génération de SES basée sur des satellites en orbite terrestre moyenne, ndlr) est probablement le truc le plus excitant! Cela transformera notre fourniture de services. C’est unique. Et plus nous nous engageons auprès de nos clients, plus nous leur montrons comment cela va changer les choses, plus nous sommes excités. Nous sommes comme des gosses avant Noël. Nous voulons absolument vivre ce moment. C’est comme la Lune! Nous devons deliver la Lune. Nous devons rester concentrés et sérieux sur chacun de ces trois moments. C’est incroyable d’avoir ces trois gros projets qui vont aboutir cette année. Imaginez que tout se passe bien. Fin 2022, vous serez à la tête d’une

Photo NADER GHAVAMI

société déjà leader mondial du marché, mais dotée d’une constellation unique, et, en plus, vous aurez apuré cette dette qui vous a un peu gêné ces dernières années, depuis que SES a décidé de reprendre 100 % d’O3b. Nous sommes à cet endroit parce que nous avons investi de manière significative et intelligente. Toute l’industrie de la vidéo a été sous pression, ça a été une phase très «challengeante» pour SES. Mais oui, nous avons dit, à vous et à d’autres, que c’est ce qui se passerait depuis un moment, mais tant que vous n’y êtes pas… Nous montrons que nous tenons nos promesses. Nous avons eu une bonne année 2021. Nous avons eu une bonne année 2020 malgré le Covid. Je ne pense pas que grand-monde croyait à l’histoire de la bande C, mais aujourd’hui, nous en avons

BIO EXPRESS L’ingénieur devenu dirigeant Steve Collar est diplômé d’un bachelor of engineering de l’université publique londonienne de Brunel, qui a notamment prêté son campus au tournage d’Orange mécanique de Stanley Kubrick ou de la série MI-5. Le joker de Greg Wyler En mars 2011, il succède à Greg Wyler à la tête d’O3b et va donner un incroyable coup d’accélérateur au réseau qui voulait apporter de la connec­ tivité aux « trois autres milliards ». L’accélérateur de la transformation Alors que Karim Michel Sabbagh a fait un premier pas vers O3b, Steve Collar est invité en mars 2018 à le remplacer pour accélérer la transformation de la pépite luxembourgeoise.

tiré 1 milliard d’euros. C’est moins difficile à croire. À la fin de cette année, si nous réussissons, nous serons dans la meilleure position que nous ayons eue depuis un moment. À ce moment-là, la société sera recon­ figurée pour pérenniser ses activités. Or, les géants des technologies ont des milliards de dollars à dépenser. Ça aurait du sens, non, d’acheter SES pour profiter de cet écosystème unique... ? Ça pourrait arriver… mais je ne l’espère pas. Ce n’est pas la première fois que j’entends cela. Ce n’est pas une suggestion stupide. Ma vision est que nous sommes plus intéressants pour ces business en tant que partenaire très fort ! Je ne vois rien de tel imminent, mais nous sommes devenus un partenaire important pour certaines de ces sociétés, oui. Êtes-vous sûr, aujourd’hui, de récupérer les 3 milliards de dollars du clearing de la 5G américaine si tout se passe bien ? Il y a toujours des opérateurs mobiles qui se plaignent des milliards donnés aux opérateurs de satellites… Le cadre est complètement clair. Notre job est d’accélérer le clearing de la bande C. Aussi longtemps que nous faisons cela, nous serons payés. Savons-nous ce qu’il faut faire pour y parvenir ? La réponse est claire : oui. Nous avons accumulé beaucoup d’informations au cours de la première phase. Nous devons maintenant reproduire ce que nous avons fait. À l’exception près que nous devons lancer deux satellites. Sur les opérateurs, cette discussion se poursuit depuis deux ou trois ans, elle revient. Ça n’a rien à voir avec nous! Pourquoi êtes-vous favorable à la cons­ tellation de la Commission européenne AVRIL 2022

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Conversation Steve Collar

SES-17 opérationnel Lancé en fin d’année, le satellite de Thales devrait être opérationnel en juin 2022 et utiliser ses 200 faisceaux pour délivrer 2 Gb/s et par connexion. Les satellites de la 5G Lancer et mettre en fonction les deux satellites pour libérer la bande C, soit le spectre utile à la 5G américaine, rapportera 3 milliards de dollars à SES en 2023. Six O3b mPower Six des O3b mPower seront lancés au second semestre par SpaceX depuis cap Canaveral. Une nouvelle ère s’ouvrira pour SES.

ce projet se développe, quelle sorte de soutien il reçoit de la part des États membres. Parce que c’est quelque chose qui doit b ­ énéficier d’un soutien fort. Dans les 400 à 500 pages de ce projet, présenté par le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, lors d’un sommet à Toulouse en février, il n’est jamais fait référence à SES comme un acteur majeur. De nombreuses publications qui évoquent la connectivité venue du ciel ne parlent pas non plus de SES. Ça doit être rageant de n’entendre parler que d’Elon Musk et de Starlink, non ? Ce n’est pas le cas dans le projet de la Commission européenne. La Commission nous connaît très bien, sait très bien qui nous sommes, ce que nous faisons. Il est vrai de dire qu’il n’y a pas tellement d’informations publiques, mais c’est parce que c’est un projet encore en développement.

La latence, ce temps de transmission d’un signal, beaucoup plus faible à basse orbite et qui justifie toutes ces discussions, dans combien d’usages c’est vraiment essentiel à vos yeux ? Je dirais… à un certain moment, dans tous les domaines ! La différence entre 600 milli­ secondes, ce que vous pouvez obtenir en GEO (en haute orbite, ndlr), et 150ms, nous en avons tous déjà fait l’expérience, même sans nous en rendre compte. Si vous êtes sur un téléphone satellitaire, vous avez un délai. Si vous surfez sur internet, la page met un peu plus longtemps à s’afficher. C’est ça, la latence ? Cette latence peut venir du fait que votre réseau n’est pas très bon ou parce que vous utilisez une route plus longue pour avoir vos données. Le problème survient quand deux réseaux essaient de communiquer ensemble, quand le premier réseau envoie des paquets de données et le second les reçoit et renvoie quelque chose. Ça peut arriver dans un environnement de machine à machine ou d’utilisateur à utilisateur. C’est à ce moment-là que la latence devient un souci. Mais ça peut aussi être un facteur de performance. Vous avez deux critères: la largeur de votre tuyauterie et la latence. La différence entre 150 et 40ms... Nous avons découvert plein de choses qui fonctionnent mal à haute orbite et mieux à moyenne orbite... Le coût de ce que vous payez ne déclenche pas des revenus à la hauteur de la performance.

En septembre 2020, le CEO de Microsoft, Satya Nadella, annonçait le lancement Comme un leader technologique ? d’Azure Orbital avec vous. Un cloud pour Un expert technologique ? les données de l’espace. Onze mois plus Nous sommes le plus grand opérateur de tard, qu’il devenait un de vos clients, avec satellites en Europe et dans le monde. Nous quatre data centers près de vos installapensons que nous avons quelque chose à dire tions. Le cloud est devenu indispensable et à apporter. Nous pourrions opérer ce réseau, Trop tôt ? Mais ça fait combien, cinq ou partout. Vous avez une belle solution de aider les architectes du système. Nous sommes six ans, qu’on évoque les satellites O3b connectivité avec vos satellites. Pourriez-­ le seul opérateur de satellites à plusieurs orbites, devenus O3b mPower parce qu’encore vous devenir un fournisseur de cloud ? avec 10 ans d’expérience opérationnelle. Nous plus puissants... ? sommes en train de relier nos satellites à haute Un peu trop tôt. Il y a eu une étape très impor- Je ne crois pas que nous deviendrons une cloud orbite et à moyenne orbite. Avoir une nou- tante avec l’annonce de Thierry Breton. Le company. Mais je pense que nous deviendrons velle couche en LEO (low Earth orbit, orbite financement du projet européen commence à une société qui facilite le développement du basse terrestre, ndlr) serait une extension de être assuré. Mais encore une fois, nous sommes cloud dans l’intérêt de nos clients. Quand vous ce que nous faisons. Pas quelque chose de alignés avec ce projet, qui sera une bonne chose regardez les croisiéristes, les compagnies nouveau. Nous croyons dans la vision. Nous pour SES, une bonne chose pour le L ­ uxembourg aériennes, les gouvernements ou certaines entreprises, ce qu’ils veulent, c’est l’accès à la verrons dans le courant de l’année comment et une bonne chose pour ­l’Europe. connectivité et aussi au cloud, au machine learning, aux capacités d’analyse des données. Si vous avez des avions qui volent partout dans le monde, vous voulez savoir ce qui se passe au niveau des moteurs, à bord ou au niveau météorologique, et que vous pouvez non seulement intégrer toutes ces données mais aussi amener les feed-back vers vos avions pour qu’ils s’adaptent au mieux aux nouvelles situations en temps réel. Vous pourriez économiser des dizaines de milliards de dollars dans l’opérationnel. C’est pareil pour les c ­ roisières. Il n’y

« Je ne crois pas que nous deviendrons une cloud company. » 52

AVRIL 2022

Nader Ghavami

TROIS ÉTAPES-CLÉS

Photo

qui veut offrir de la connectivité à ceux qui en sont démunis ou aux services gouvernementaux, deux de vos lignes de business ? C’est pour cela que nous voulions être directement impliqués dans le développement du système, de son architecture et des cas d’usage. Vous avez raison, cela empiète potentiellement sur nos activités, sur quelques-unes des choses que nous faisons aujourd’hui. Malgré tout, nous pensons que c’est un bon projet pour l’Europe et nous ne voulons pas rester en marge. Nous voulons vraiment faire partie de cette aventure. De ce que nous comprenons, cela peut servir notre stratégie multi-­orbitale. La première promesse est que la constellation soit souveraine et sûre. Construite en Europe, opérée en Europe, pour le bénéfice des citoyens européens. Nous avons beaucoup de réseaux de fibre. C’est important que ces réseaux soient sûrs. Nous pouvons connecter ces réseaux avec les satellites. C’est important que nous augmentions le reach des services digitaux, que ce soit par les réseaux mobiles ou par le wifi. Mais c’est aussi important que l’Europe ait des capacités propres, en stand alone. Quand vous regardez les investissements que les Américains, les Russes ou les Chinois font dans le domaine spatial, il est très important que l’Europe ait ses capacités, disons indépendantes. C’est vraiment, sur ce que l’on voit, le focus de la Commission européenne. Oui, ça peut empiéter sur nos activités, mais je préfère regarder comment nous allons amener de la compétence dans ce projet, pour le construire. C’est par là que nous nous positionnons.


L’habitat participatif, une nouvelle façon de vivre ensemble Vivre ensemble et chacun chez soi ! Voici le principe de l’habitat participatif. Ce concept bien développé dans les pays voisins a également vu le jour au Luxembourg et plus exactement à Lorentzweiler. La Villa Lorenz ouvrira ses portes en 2023. Zoom sur ce projet pilote. L’habitat participatif, voilà un concept mal connu du grand public. Les clichés fusent et chacun va de son interprétation. Donc, de quoi parle-t-on exactement ? En quelques mots, chacun vit chez soi, dans son appartement privatif, et peut partager des moments communs avec les autres habitants. À cet effet, la Villa Lorenz, avec ses 13 appartements modernes, offre un espace vert arboré majestueux où les habitants peuvent se réunir et créer leur potager commun. Une grande salle aménagée leur permet de se rencontrer, de recevoir et d’organiser des activités. Tout cela est à leur guise. Les habitants ne sont pas laissés seuls dans ce projet. La société d’impact sociétal Nouma les accompagne dans l’organisation des espaces communs et la définition des principes de vie. La Villa Lorenz séduit également par sa construction en bois. Cet écohabitat a été construit par Codur, promoteur spécialisé depuis 20 ans dans la construction durable au Luxembourg. Sa conception est le résultat de la collaboration entre Codur et un panel de futurs résidents. Le respect de l’environnement, le choix de matériaux biosourcés sont au cœur de cette construction. Seuls ou ensemble, les futurs habitants, qui emménageront en été 2023, pourront profiter des réseaux de train et bus à proximité pour sillonner le pays, se rendre aux nombreuses activités sportives, artistiques et culturelles que propose la commune ou encore se rendre facilement au centre-ville de Luxembourg. Une chose est sûre, ils ne risqueront pas de s’ennuyer.

Envie de participer à ce projet ? Contactez le Service Presse Codur au (+352) 39 59 221

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Conversation Steve Collar

« Il y a encore 500 millions de personnes en Inde mal connectées. » a pas besoin de beaucoup d’imagination pour comprendre l’intérêt de nos clients. Par exemple, nous le voyons dans le partenariat avec Princess Cruises dans Medallion Net (le nom du service qui permet d’avoir accès à internet même en pleine mer, ndlr). Tout l’environnement est dans le cloud. À chaque fois que vous embarquez sur un bateau, particulièrement en période de Covid, c’est important de savoir où sont les gens, si les gens gardent leurs distances… Tout cela peut être monitoré dans le cloud, en temps réel, sur un bateau, au milieu de l’océan. C’est incroyable quand vous y pensez! C’est le p ­ remier bénéfice. Le second est que Microsoft ellemême est très intéressée à l’idée de réunir des données et les apporter à toute l’industrie du satellite, que ce soit pour la communication, pour ­l’observation de la Terre… Puis Microsoft est aussi notre cliente, oui! Elle utilisera O3b mPower pour rendre son réseau plus résilient, pour ajouter une composante satellitaire à son incroyable réseau. La situation est bénéficiaire aux deux groupes. Nous croîtrons dès que les O3b mPower seront en service. Quid de la volonté des Européens d’être aussi souverains dans le cloud ? Autrement dit de ne plus dépendre de solutions à capitaux américains ou chinois, qui n’ont pas la même approche que nous des données personnelles ? C’est plus une question pour les gouvernements. Nous soutenons bien sûr l’idée d’un cloud européen. Il y a, au Luxembourg, une série d’entreprises qui ont des capacités pour cela. Mais je ne crois pas que cela puisse être l’un ou l’autre. L’environnement cloud va continuer à se développer. Notre ambition est de faire en sorte que le satellite ne soit pas une île, mais une infrastructure connectée, avec le cloud, avec les opérateurs de télécommunications, avec la volonté d’être une extension de cet écosystème. Que nous soyons complémentaires à cet écosystème plutôt qu’isolés. C’est notre ambition. Est-ce que le partenariat avec Microsoft est exclusif ? Non ! Nous travaillons d’ailleurs aussi avec Amazon Web Services et avec beaucoup d’autres fournisseurs de cloud. Microsoft est proba­blement notre relation la plus avancée, mais ­certainement pas exclusive. 54

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Outre le géant américain, vous avez signé un nouveau partenariat avec le géant indien Reliance Jio. Incroyable développement, alors que tout le monde de la tech fait les yeux doux à l’Inde, non ? C’est si excitant ! Microsoft et Jio sont deux des plus grosses sociétés de la planète! Ce partenariat a été développé dans l’année. Jio est vraiment attentive à ce qu’elle fait et à comment elle le fait! Elle est vraiment innovante! Elle a un incroyable impact sur la transformation de tout ce qu’elle approche. Elle est très sérieuse à propos de la digitalisation de l’Inde, à l’idée de lancer une connectivité de première classe. Il y a encore 500 millions de personnes en Inde qui ne sont pas bien connectées. Quelle que soit la manière dont vous y pensez, en vous référant au niveau du PIB ou sur une perspective humaine, connecter des gens, ou aider le gouvernement dans ses ambitions, nous sommes très excités à l’idée de ce partenariat! Est-ce qu’il fallait absolument une jointventure ? Pourquoi ? Nos intérêts sont alignés. Nous avons tous les deux intérêt à avoir du succès dans ce p ­ rojet. Nous bénéficions aussi d’un gros ­changement

DE BONS RÉSULTATS EN 2021

1,78 mrd €

Des revenus stables (1,04 pour la vidéo et 0,73 pour les réseaux).

323 mios €

Le bénéfice net ajusté est en hausse de près de 70 %.

� 2,9

Le niveau d’endettement à son plus bas depuis six ans (adjusted net debt/adjusted Ebitda).

950 mios €

L’investissement en 2022, contre 460 pour la période 2023-2026.

0,50 €

Un dividende qui remonte de 25 %.

dans la régulation en Inde, une ouverture dans l’environnement spatial, ce qui a été assez prudent jusqu’ici. Je suis un grand convaincu que si vous formez des parte­nariats pour parvenir à un résultat, le succès doit être le même pour nous que pour Jio. Et c’est le cas. C’est ce que dit la diplomatie, oui. Il faut que les deux parties puissent sortir en donnant l’impression d’avoir gagné ! Oui, c’est comme cela que nous avons structuré notre partenariat. Vous êtes aussi la personne idéale pour parler « rupture technologique ». Très tôt, vous avez compris l’intérêt d’accélérer dans l’acquisition d’O3b, mais aussi dans le lancement de cette constellation unique au monde. Maintenant que vous êtes tout près de la lancer, qu’est-ce que vous ­regardez comme technologie ? Les LEO ont quelque chose à prouver maintenant. Nous nous sentons bien là où nous sommes arrivés avec notre investissement très conséquent à haute orbite et moyenne orbite. Mes craintes, avec les LEO, ne concernent pas tellement la technologie. La technologie s’est développée de manière très impressionnante. Commercialement, c’est très «challengeant». Il faut des investissements de 10 à 20 milliards d’euros. Ces satellites à basse orbite ont une durée de vie plus courte, autour de cinq ans, en orbite. Cela nécessite des dépenses d’inves­ tissement vraiment continues. Devoir construire une base de revenus qui justifie cette sorte d’investissement, pour nous, n’a jamais eu beaucoup de sens… La chose intéressante est la manière d’utiliser la basse orbite pour faire des choses que nous ne pouvons pas faire à moyenne orbite ou à haute orbite. Ou la manière dont nous intégrons ces réseaux. Une des choses que je regarde avec excitation est le quantum computing, qui sera largement disponible dans le futur. Des gens seront capables de détruire les systèmes de chiffrement qui existent aujourd’hui, très rapidement. De ­nouveaux systèmes de chiffrement doivent être développés. Cela inclura la distribution de clés. Et pour que ces clés soient valides, vous allez devoir utiliser l’optique, essentiellement. Nous développons des technologies autour de cela avec des entreprises luxembourgeoises et avec l’Agence spatiale européenne. Si vous devez protéger quelque chose à distance, vous aurez besoin de satellites. Utiliser les communications optiques en espace libre est aussi passionnant. Comment nous relions nos satellites. Pour le moment, nous les relions par le sol, grâce à une plateforme à laquelle ils peuvent avoir accès en même temps. Mais pensez que cette technologie optique est devenue assez bon marché pour que nous l’envisagions sérieusement. Une fois qu’on a regardé tout cela, on a assez de choses à faire!


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Pour optimiser et rationaliser le processus de construction, Leko s’est inspirée de l’aérospatiale et de l’automobile.


Conversation François Cordier

« Je vois le milliard d’ici cinq ans » Fin février, la start-up du Technoport, Leko Labs, levait21 millions de dollars auprès de 2150, Microsoft et Tencent. Son fondateur, François Cordier, a des ambitions pour le roi de la maison en bois en sept jours. Interview THIERRY LABRO

Photo ROMAIN GAMBA

Et vous allez avoir une super isolation qui encore 10 à 12 jours après. Vous n’avez quasiRacontez-moi comment commence permet de conserver la chaleur plus d’une ment pas besoin de chauffer, c’est super conforvotre histoire ... table, sans parler de l’isolation acoustique. Je montais des charpentes de maisons. Tout journée dans le bâtiment. le monde rêve d’avoir un pavillon. C’est prinÀ quoi sert cette sorte de grille verticale ? cipalement le prix qui motive la décision; la J’imagine que le feu est une objection Aujourd’hui, comment fabrique-t-on les murs? façon dont c’est construit, on s’en moque un 1.000 fois entendue ? petit peu. La façon dont le bâtiment est conçu Les objections sont toujours les mêmes Notre processus de fabrication est semi-­ n’a pas fondamentalement changé depuis des aujourd’hui: durabilité, feu, isolation. Un bâti- automatisé, là où les opérateurs font beaucoup siècles: on empile les pierres ou les agglos les ment comme ça, vous pouvez ne pas le chauf- de choses à la main, même quand ils sont assisuns sur les autres. Je me suis fait la promesse, fer pendant une journée, il va garder la tés par ordinateur. Dès le départ, on savait que à ce moment-là, en 2009-2010, qu’un jour, les température. Nous avons fait des comparatifs le futur ne serait pas «à la main», mais avec des gens auraient le droit à autre chose. Cette autre avec le béton: au bout de huit heures, la tem- robots. Ça permet d’écraser les coûts. Nous chose, c’est ça (il montre une structure de mai- pérature chute soudainement. Aujourd’hui, développons cela depuis trois ans en interne. son en bois dans le grand hangar où son équipe nous parlons beaucoup des bâtiments super Au lieu d’avoir des opérateurs qui prennent les travaille au Technoport de Foetz, ndlr). isolés, triple A, etc. La valeur prise en compte bouts de bois et mettent des vis, ce sont des Aujourd’hui, en 2022, on est moins cher que pour le passeport énergétique est calculée sur robots qui le font à leur place, et au lieu de le le traditionnel. Ce qui est complètement révo- une seconde, alors qu’un bâtiment, ça vit !­ faire à plat, nous allons le faire avec une table lutionnaire sur le marché. Moins cher, avec La chaleur résiduelle, dans nos bâtiments, existe verticale, que nous avons appelée «Octopuss», brevetée, et qui va permettre de fabriquer un un produit qui est de top qualité. mur complètement en lévitation. Notre mur fait trois mètres par six mètres, et Octopuss Comment avez-vous fait ? compte quatre petites plaques qui composent Nous nous sommes inspirés de l’aérospatiale BIO EXPRESS et de l’automobile, où ils essaient d’avoir le une seule et même plaque de 72 petites plaques. Passe ton bac d’abord moins de matière possible, mais de la matière Il va y avoir un rail, deux robots fixés sur le rail, Celui qui voulait passer un CAP de qui vont prendre les bouts de bois et les accroau bon endroit. Nous avons créé un treillis. Ça maçon est « invité » par ses parents à poursuivre ses études. Il passe cher sur la grille. Puis, ils collent et ils vissent. paraît simple, mais, en réalité, c’est extrêmeun bac scientifique, puis se lance Il y aura un pont roulant au-dessus, et ça part ment complexe. Nous assemblons des mordans la construction bois. ceaux de bois à 90 degrés, on vient les coller pour être emballé et envoyé sur le chantier. C’est La marque et le compagnonnage et les visser, et on a uniquement le bois où c’est unique au monde. En 2008, François Cordier nécessaire. Par rapport aux constructeurs tradépose la marque Leko… et entame un Erasmus pour jeunes C’est étrange que cela n’existe nulle part ditionnels, nous parvenons à avoir une empreinte entrepreneurs, puis un stage ailleurs, alors que cela semble si évident. carbone négative. à Fribourg-en-Brisgau dans la C’est fou, mais c’est vrai! L’idée est d’utiliser le construction de maisons passives. moins de bois possible. Par rapport au mass C’est la maison des trois petits cochons ? Leko démarre à Metz Plus légère et plus fragile ? timber (le bois d’ingénierie, ndlr), qui est en train En 2014, une fois formé, le Messin revient en Lorraine et lance Leko. de prendre beaucoup de parts de marché, on La maison est beaucoup plus légère. Elle n’est utilise deux fois moins de bois. Ça fonctionne pas plus solide, mais suffisamment, et surLe pivot et le Luxembourg Trois ans plus tard, on efface grâce à la robotique et au logiciel que nous tout beaucoup mieux isolée, parce que là où tout et on recommence, on a des vides, on vient les remplir avec de avons développés. Le logiciel est très important mais à Luxembourg, où le CEO la fibre de bois, matériau extrêmement haut parce qu’il faut piloter les robots, et chaque mur du Technoport, Diego De Biasio, lui prête une oreille attentive. est différent. Le robot doit le comprendre au de gamme, coupe-feu, résistant 120 minutes. AVRIL 2022

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Conversation François Cordier

De 4 à 60 La start-up, qui a démarré à 4 personnes, emploie 30 personnes aujourd’hui, et devrait avoir doublé son effectif d’ici la fin de l’année. De 1 à 8 roulements L’équipe, qui travaille aujourd’hui sur un poste de 8 heures, pourrait aller jusqu’à 5 postes de 8 heures pour faire face à la demande. 20.000 m² d’usine De 2.000 à 2.500 m² au Technoport de Foetz, Leko Labs passera à une usine de 20.000 m². Au Luxembourg, bien sûr.

chose de bien avec une ressource renouvelable comme le bois, qui stocke du carbone parce que 50% du bois est du carbone, ce n’est pas simplement une logique green. Développer une entreprise est le meilleur outil dont on dispose dans le monde moderne pour changer les choses. Ça fait plus de 15 ans que je bosse là-dessus... Des retours sur investissement, il y en a des plus rapides que cela.

La levée de fonds s’est accompagnée d’un pas de côté pour vous, puisque vous quittez la fonction de CEO pour celle de CTO. Comment le comprendre ? Je suis le président du conseil d’administration et actionnaire majoritaire, ce qui est unique pour une entreprise de cette taille qui lève autant de fonds. Je me suis plutôt bien entouré pour pouvoir permettre au projet de grandir pendant que moi, je me concentre là où j’apporte une valeur ajoutée. Derrière nos discussions, il y a quelque chose qui sort. Il faut être assez humble pour se dire que l’on n’est pas le meilleur leveur de fonds du monde, que l’on n’est peut-être pas le meilleur CEO du monde, mais que si on trouve quelqu’un de bien meilleur que soi, c’est bien. Il y a deux ou trois fondateurs qui feraient mieux de ravaler leur ego… Il ne faut pas avoir peur d’embaucher des gens qui sont plus intelligents que nous ! Ces dernières années, le fait que le fondateur ne soit pas CEO était assez mal vu par les VC, mais chaque boîte est différente. Nous avons recruté quelqu’un qui a de l’expérience, nous avons besoin de lever des capitaux parce que c’est une course contre la montre, parce qu’il y a des compétiteurs, et parce que le changement climatique n’attend pas. Mon ego et mon rôle de CEO, ce n’est pas le sujet.

Comme beaucoup d’entreprises au Luxembourg… C’est pour cela que nous avons décidé d’ouvrir quelque chose à Londres et à Zurich, et de garder le siège au Luxembourg. Parce qu’à Londres, nous allons beaucoup plus facilement embaucher des ingénieurs structures, des déve- Quinze ans, ça veut dire qu’aujourd’hui, De gros chantiers, en Chine ou en Suède, loppeurs informatiques. À Zurich, nous allons c’est un peu la fin d’une traversée du désert, ça implique quoi, au niveau opérationnel ? trouver des talents dans tout ce qui est bois. À d’une longue période de gestation… Luxembourg, nous allons continuer à déve- C’est difficile, parce que je me rappelle avoir Nous croyons beaucoup à la logique de la prolopper la robotique et l’unité de production. écrit sur le tableau avec mon équipe et avoir duction sur place. Donc, à terme, nous aurons Nous sommes bien situés. Nous sommes en dit :« On va accélérer la transition écologique des unités décentralisées, dans les pays nortrain de regarder avec la plateforme des CFL mondiale vers un habitat durable.» Quand j’ai diques, en Grande-Bretagne, pourquoi pas un à Bettembourg pour amener nos panneaux en écrit «mondiale», on m’a regardé en me disant: jour en Chine. Nous regardons beaucoup comtrain au Danemark. Ce serait assez cool, et ça «Tu es fou, nous sommes quatre!» Aujourd’hui, ment transporter nos éléments en train. Nous permettrait de capitaliser sur ce qui a été déve- nous sommes sollicités pour un projet au pouvons produire à Luxembourg. Danemark, nous avons un investisseur qui loppé ici. Ça a du sens. s’appelle Tencent, un des mastodontes de la Jusqu’à quand vous voyez-vous dans tech, qui nous sollicite déjà pour faire une cette société ? Quinze ans, c’est déjà long… Justement, ce que vous faites, vous le faites par conviction écologique, ville en Chine. C’est un projet mondial. Il n’y D’abord, je dois me prouver que je peux avoir par opportunisme économique... ? a qu’en Europe qu’on est toujours frileux et du succès. Mon échelle, c’est le milliard. Le Qu’est-ce qui vous motive ? qu’on n’assume pas son ambition. J’aime beau- milliard d’euros de revenus. À partir du milAu début de mon parcours d’entrepreneur, coup cette phrase qui dit que les succès immé- liard, vous commencez à avoir un impact plaen 2007, j’ai eu une vraie prise de conscience diats mettent des années à se construire. nétaire, c’est en tout cas ce que je crois. Je écologique. J’ai commencé à regarder com- Maintenant que le projet prend une telle vois le milliard d’ici cinq ans. On a un marché ment je m’habillais, ce que je mangeais. Je ne dimension, nous allons être confrontés à des en train de changer, une offre assez limitée suis pas un ayatollah: je fais attention à ce que problèmes qui vont être autrement plus com- de construction à bas carbone ; la nôtre est je consomme. Pour moi, arrêter de couler du pliqués que ceux que nous avons été amenés scalable et compétitive. Ça pourrait être dix. béton alors qu’on n’en a pas besoin, ça dépasse à gérer jusqu’à maintenant. Nous devons nous Ou cent. À terme, ce sera sûrement ça, l’échelle la logique green, c’est du bon sens. Faire quelque entourer des bonnes personnes. du projet. Quand j’ai rencontré Remo, il ne comprenait pas qui j’étais. Je suis curieux, dans beaucoup de domaines. Je lis beaucoup, alors que l’entrepreneuriat ne s’apprend pas à l’école. Les masters en entrepreneuriat, c’est bien, c’est mignon, on y apprend certainement des choses très intéressantes, mais l’école de la vie, cela ne se remplace pas.

« Développer une entre­ prise est le meilleur outil pour changer les choses. » 58

AVRIL 2022

Leko Labs

Mi-février, vous avez annoncé une levée de fonds de 22 millions d’euros, dans la fourchette haute des levées de fonds des start-up au Luxembourg. À quoi cela va vous servir ? Nous avons recruté Remo Gerber, qui vient de chez Lilium, dont la spécialité est la levée de fonds. Je ne me fais aucun souci là-dessus. La difficulté est que c’est une course contre la montre. Il faut avoir cet équipement qui va être suffisamment rapidement prêt pour répondre à l’explosion des demandes commerciales. Là, nous sommes en train d’être extrêmement sollicités dans les pays nordiques, au Danemark, notamment, en Suède pour un projet de 17.000 mètres carrés – c’est énorme –, et il faut pouvoir produire les panneaux. Maintenant que nous avons du cash, nous devons trouver les personnes.

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À travers ses peintures produites pour Venise, Tina Gillen réfléchit sur la manière de travailler avec la nature.


Conversation Tina Gillen

« Venise, c’est les olympiades des arts » L’artiste et chercheur Tina Gillen représente le Luxembourg à la 59e Biennale d’art de Venise avec l’exposition Faraway So Close. Une personnalité discrète à l’œuvre puissante qui prend, pour cette occasion, une tournure plus monumentale. Interview CÉLINE COUBRAY

Photo ROMAIN GAMBA

Pouvez-vous nous expliquer ce que La Biennale de Venise est généra­lement les visiteurs pourront voir dans votre une étape importante pour les artistes exposition Faraway So Close ? qui y participent. Est-ce le cas pour Il s’agit d’une installation picturale de huit vous aussi ? C’est un peu une consécration, une plate- toiles de grandes dimensions qui s’articule forme internationale, les olympiades des arts. autour d’une peinture, Sunshine III, qui mesure Par contre, Venise même est un site spécifique 4 m de haut pour 7 m de long. Elle représente et difficile à travailler. C’est vraiment un un soleil et une explosion à la fois. La chaleur challenge que d’intervenir dans ce contexte, qui émane de cette pièce est très vive, mais et je n’aurais certainement pas pu le faire de cette chaleur a aussi des piques noires qui la même manière si j’avais eu la possibilité sont agressives. On a donc un sentiment de le faire plus jeune. La maturité fait que je mélangé en regardant cette œuvre, entre sais travailler avec un lieu et un contexte. contemplation et crainte. Quand j’étais plus jeune, la difficulté était À cette immense toile sont adjointes d’autres déjà de peindre. Maintenant, le contexte œuvres qui représentent les quatre éléments s’ajoute, et cela me donne plus envie de faire et des phénomènes naturels qui y sont liés. Ces dernières années ont été marquées par des quelque chose de spécifique. catastrophes naturelles violentes liées au L’espace d’exposition dans l’Arsenal est ­changement climatique. À travers ces p ­ eintures, en effet un lieu singulier, un ancien dépôt d’armes du 15e siècle. Quelle influence ce lieu a-t-il eue sur votre exposition ? L’Arsenal, en tant que lieu d’entrepôt et de BIO EXPRESS stockage, est l’idée initiale de l’exposition. Dans l’une de mes œuvres précédentes, Tina Gillen (1972, Luxembourg) a présenté des expositions ­Häusersequenz (1996), certaines œuvres sont personnelles à Bozar à Bruxelles accrochées, les autres stockées dans une caisse (2015), au Mudam (2012) et en bois, avec l’idée qu’elles peuvent être maniau musée M à Louvain (2010). Elle a également participé à pulées. À Venise, la caisse en bois, c’est l­’Arsenal. de nombreuses expositions Je me suis posé la question de comment intécollectives, dans des institutions grer mes peintures dans un tel lieu, chargé telles que le Mudam (2018, 2010, 2009), le Künstlerhaus Bethanien d’histoire et de contraintes, puisque les œuvres à Berlin (2012), le Mu.ZEE ne peuvent être accrochées sur les murs histo­ à Ostende (2010), le Wiels riques protégés. Plutôt que d’opter pour une à Bruxelles (2009), le M HKA à Anvers (2007) et le Platform scénographie avec des cimaises, j’ai travaillé Garanti Contemporary Art Center à partir de l’espace lui-même. La taille de mes à Istanbul (2004). Son travail peintures dialogue avec la hauteur de l’espace. a fait l’objet de deux publications monographiques, Echo (MER. Ensuite m’est venue l’idée de placer mes peinPaper Kunsthalle, 2016) tures comme si elles étaient entreposées dans et Necessary Journey l’espace, en attente d’un réagencement. Un (Hatje Cantz, 2009). Elle vit et travaille à Bruxelles. peu comme un décor de cinéma.

je réfléchis à comment travailler avec cette nature plutôt que de m’en protéger. Elles s’inté­ ressent aussi à la question de l’énergie qui a pris une place toute particulière dernièrement dans notre actualité. On trouve également dans l’espace Rifugio, une œuvre en trois dimensions, dont le motif est issu de l’une de mes toiles précédentes, Shelter (2018). Il s’agit d’un abri du bord de mer, sur la Côte d’Opale, un lieu où j’aime aller pour peindre en plein air. Cette cabane est un lieu que j’ai beaucoup observé de l’extérieur, sans jamais pouvoir y entrer. Pour Venise, j’ai voulu me projeter dans cet abri, être à l’intérieur et prendre le temps de réfléchir. C’est un lieu où l’on est à la fois protégé du monde et en relation avec celui-ci grâce aux ouvertures. De quoi vous protégez-vous dans Rifugio ? À Venise, je mets un peu l’accent sur les quatre éléments et la violence de la nature que nous avons connue et subie ces dernières années, avec les incendies de forêt, les violentes inondations… Ce n’est pas tant que je veux me protéger dans le refuge, mais que tout le monde a besoin d’un refuge. Toutefois, ce refuge est ouvert sur le monde et accueillant. Vous évoquiez l’idée du décor du cinéma. C’est un art qui est très présent dans votre œuvre, avec des références à Hitchcock dans des œuvres antérieures, ou encore le titre de l’exposition à Venise en référence au film de Wim Wenders. Pourquoi le septième art est-il autant intégré à votre peinture ? Quand j’étais jeune, la peinture était toujours, pour moi, une projection sur toile. Je projette un monde sur une toile. Mais la peinture a cette qualité supplémentaire qu’elle prolonge le regard. Elle met en scène des choses. Pour Hitchcock, AVRIL 2022

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Conversation Tina Gillen

ce sont les films en eux-mêmes qui m’ont insUNE NOUVELLE pirée ou certaines techniques comme la pigPUBLICATION mentation, ou les effets spéciaux réalisés avec Pour accompagner cette exposition les moyens de l’époque. Short Cuts de Robert d’envergure, une nouvelle publication est également prévue. Placée sous Altman m’a aussi interpellée pour les coupures la direction de Christophe Gallois, de scènes et le fait de les mettre ensemble pour commissaire du pavillon, elle rassemble raconter une histoire non linéaire. C’est comme des contributions inédites de Jean-Philippe Antoine, Marielle Macé cela que, pendant des années, j’ai conçu mes et Eva Wittocx, ainsi qu’un entretien expositions, avec un accrochage spécifique de entre Tina Gillen et Christophe Gallois. différentes peintures thématiques. Comme une Ce catalogue est publié par le Mudam et Hatje Cantz, en fran­çais / anglais. séquence. Pour Wim Wenders, ce qui m’a intéDisponible au Mudam Store ressée est d’avoir la vue d’en haut, celle de l’ange et sur mudamstore.com, pour 39 €. qui redescend sur Terre et voit le monde d’une autre manière. Les artistes ont cette qualité de pouvoir se mettre en retrait pour mieux regarder. Le refuge dans l’exposition à Venise sert à Quels sont les défis quand on se confronte ça aussi. Il représente l’atelier aussi, un endroit à de telles dimensions ? où je peux reprendre mes idées et regarder le À première vue, l’idée peut sembler évidente, monde en face. mais l’exécution ne l’était vraiment pas. Même si j’ai repris des motifs de mes toiles antérieures, En plus du cinéma, vous avez un rapport je n’ai pas eu l’impression de repeindre la même singulier à l’architecture, à la fois chose. À cette échelle-là, on est confronté à un dans les motifs que vous représentez – problème après l’autre. La taille des toiles fait des pavillons, des piscines, des cabanes… –, que je ne peux jamais continuer mon trait, puisque mais aussi dans la façon dont vous pour faire un trait sur une toile de 7m, soit vous construisez l’espace pictural. courez, soit vous vous y prenez à plusieurs reprises. L’architecture, pour moi, est avant tout pictu- J’ai donc procédé par une succession de fines rale. La perspective, la profondeur de l’espace… couches d’acrylique, comme pour une fresque Questions que l’on retrouve dans la peinture murale, dans un état presque méditatif, avec de la Renaissance où l’idée de décor artificiel beaucoup de patience. C’est très différent d’une est très présente. L’espace pictural est l’espace peinture de petit format qui est plus directe et où s’opère une forme de synthèse des m ­ ultiples spontanée. Ici, je dois prévoir mes étapes. Rien informations qui nourrissent mon travail. C’est que pour préparer les bacs de peinture, je ­pouvais une approche qui est liée à la peinture, à la y passer deux heures. J’ai appris beaucoup de question: comment mettre en place des formes, cette organisation. le travail de composition? Face à cette œuvre monumentale, le visiteur est à la fois enveloppé et presque submergé Pour réaliser vos compositions, par sa grandeur, créant une sensation de justement, vous travaillez aussi à l’aide déséquilibre ou peut-être même de malaise. de photographies. Oui, c’est la manière dont je dresse les sujets. Vous jouez avec ce ressenti ? Une manière de les collectionner, de les juxta­ Oui, bien entendu. Cela devient un tableau poser. Je peux assembler plusieurs images vivant, avec le spectateur qui bouge devant jusqu’à ce que cela devienne une seule image. et qui absorbe le tableau. C’est une expérience Par rapport au cinéma où il y a un film continu, immersive. À l’intérieur du Rifugio, qui est la peinture juxtapose des éléments différents plus statique, les peintures scéniques sont qui font une image. Mon travail est d’assurer toujours visibles, mais en partie seulement, que cela devienne une forme et que je puisse comme fragmentées. Je voulais qu’on puisse prolonger le regard, tout en la clarifiant et en faire l’expérience du motif de loin, mais aussi éliminant ce qui est superflu. quand on s’approche, que l’on perçoive bien que c’est de la peinture, avec des touches de C’est la première fois que vous travaillez pinceau, et que cela devient de plus en plus à une si grande échelle. abstrait, un fragment d’un univers. J’ai fait

« Je suis chercheur. La recherche fait sens dans mon travail. » 62

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très attention à ce que ces peintures soient aussi bien lisibles de loin que de près. L’enseignement occupe une grande place dans votre vie et vous avez proposé un projet de recherche à vos étudiants de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, où vous enseignez. Cela vous tenait à cœur de les emmener avec vous dans cette aventure à Venise ? Absolument. Je sens aussi que j’ai une chance inouïe de faire cette exposition. J’avais cette idée de faire un projet avec les étudiants dès le début. Il a été reporté en raison du Covid et est devenu un projet sur deux ans. Je trouvais aussi important, parce qu’on avait une année en plus, de prendre le temps de bien penser et préparer la Biennale. Se préparer à cet événement est aussi devenu une recherche en soi, aussi bien pour Christophe Gallois (commissaire du pavillon et responsable des expositions au Mudam, ndlr) que pour moi. Ces derniers mois ont été une période difficile pour les étudiants. Une petite lueur d’espoir ne faisait pas de mal, et je trouvais cette intégration généreuse. Je voulais donner quelque chose en retour. Quelle place souhaitez-vous prendre dans le monde ? Je suis chercheur. La recherche fait sens dans mon travail. Dans la constellation de la ­Biennale, certains motifs reviennent, ne sont pas inconnus, et d’autres se sont ajoutés, mais pour moi, tout est remplaçable. Les éléments qui sont là peuvent être remplacés par d’autres images, d’autres peintures. Pourtant, elles sont liées à un contexte particulier… Pour l’Arsenal, oui, c’est vrai. Mais l’idée du flux des images qui nous entoure est interchangeable. C’est l’idée de la mise en scène qui m’intéresse davantage désormais et que je souhaiterais poursuivre. Pour moi, cette exposition est le début vers quelque chose de plus intéressant. Je pense que cette façon de travailler va devenir de plus en plus importante dans ma pratique. Votre pratique tendrait donc désormais davantage vers l’installation environnementale et moins vers la toile à échelle domestique ? Je vais en faire encore probablement, car je ne peux pas travailler tout le temps à l’échelle monumentale. C’est trop épuisant. Je dois revenir vers une taille domesticable, mais je ne sais pas encore comment. Reprendre le geste pour revenir vers une plus petite échelle est déjà ­difficile en ce moment. Tina Gillen, Faraway So Close, 59e Biennale d’art de Venise, du 23 avril au 27 novembre 2022, www.luxembourgpavilion.lu. Retrouvez la version in extenso de cette interview sur paperjam.lu.


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40 ans après ses débuts dans le commerce, Christianne Wickler se dit toujours curieuse de nouvelles opportunités, mais « sans stress ni volonté militaire ».


Conversation Christianne Wickler

« Je suis commerçante, pas logisticienne » E-commerce, extension et intégration des Alima: l’enseigne Pall Center de Christianne Wickler franchit un nouveau tournant pour ses 40 ans d’existence. Retour sur les enseignements d’une aventure humaine et entrepreneuriale. Interview CATHERINE KURZAWA

Pall Center fête cette année ses 40 ans d’existence. D’une station-essence, vous êtes arrivée à une enseigne dédiée aussi bien à l’alimentation qu’à la mode, l’habitation et la restauration. Quel est le fil conducteur de toute cette aventure ? C’est l’écoute du client, la volonté de faire un commerce différent, c’est-à-dire de faire ce que les Luxembourgeois savent très bien faire: la niche, la qualité, parce que nos entreprises portent un visage. On veut être le plus transparent possible vis-à-vis de la clientèle, avec évidemment, la volonté de faire plaisir aux gens, et la volonté d’avoir des belles choses. En tant que femme – et j’assume pleinement –, je préfère vendre des chaussures que des pneus. Mais vous vendez quand même des carburants… Tout à fait. Mais nous sommes le long d’une frontière et c’est une opportunité que le gouvernement nous donne de faire du commerce. On ne va pas ne pas le faire. ​ ous cultivez l’image d’une entreprise V durable. Mais comment être durable en vendant du carburant ? Je ne vois pas d’autre façon, encore maintenant, de faire venir les clients. Venir en calèche sera difficile [rires]. Aujourd’hui, en grande distribution, seuls Pall Center, Massen, Cactus et Alima restent luxembourgeois. Quel regard portez-vous sur ce grignotage du marché local par des retailers étrangers ? C’est du grignotage, mais ils ne nous mangent pas pour autant: on ne va pas leur donner les pièces de filet. Les enseignes qui viennent de l’extérieur nous apportent beaucoup de choses parce qu’elles nous challengent, nous montrent

Photo ANDRÉS LEJONA

nos forces et nos faiblesses, donc c’est aussi quelque part une bonne façon d’analyser le marché. Mais ce que nous avons comme avantage, c’est que nous savons changer très vite, parce que le Luxembourg est aussi et surtout connu pour sa capacité d’adaptation. Votre entreprise CW Invest est devenue actionnaire à 70 % d’Alima Exploitation à l’été 2021. Les magasins Alima vont-ils devenir des Pall Center ? Les magasins Alima sont en voie de devenir des Pall Center. Cela se fera dans le courant de cette année. Cela va impliquer que le renard va aller en ville [sourire] et faire profiter aux consommateurs de la capitale d’un assortiment

BIO EXPRESS La femme Christianne Wickler est née le 21 février 1960 à Diekirch. À 22 ans, son père lui confie une petite station-essence à Oberpallen qui deviendra Pall Center. La mère La Luxembourgeoise assure avoir transmis le goût du travail à ses quatre enfants. Mathieu Van Wetteren exploite son propre restaurant à Steinfort (Apdikt), sa sœur Anne est anthropologue et journaliste pour Vogue, Noé Franck est en charge des bâtiments de Pall Center et May étudie l’entrepreneuriat à Munich. La citoyenne La cofondatrice du collectif citoyen 5fir12 a été élue députée déi Gréng en 2013. Après six mois, elle renonce à son mandat pour se consacrer à son entreprise.

de spécialités qui fonctionne très bien dans les autres magasins. Il n’y aura aucun impact sur les emplois dans les magasins Alima, mais un changement visible dans les rayons. Pall Center compte actuellement six points de vente (dont un Pall Café) : comptez-vous étendre ce maillage, outre l’extension via Alima ? Oui, sur le territoire national. Nous sommes toujours très curieux quand une bonne opportunité se présente, mais sans stress ni volonté militaire de conquérir. Quel serait le maillage idéal ? Nous voulons aller dans les agglomérations où il y a beaucoup de diversité internationale, parce que nous visons bien sûr le client luxembourgeois, mais aussi le client expatrié. Nous sommes forts dans le sourcing pour nous adapter au palais gustatif de cette clientèle qui n’est pas étrangère – j’insiste –, mais qui représente des locaux issus d’autres cultures. Quels sont les axes de développement possibles ? Je crois beaucoup en la restauration dans les supermarchés, avec des produits healthy et transparents, où l’on sait exactement ce que l’on mange. Notre restauration va passer sous le logo Pall Café à Oberpallen, et également à Steinfort cette année. Pall Center se veut naturellement différent, qu’est-ce que cela veut dire ? Que nous nous adaptons, sur un petit territoire, aux cultures locales. Nous avons commencé à ­Beckerich, une commune écologique gérée par Camille Gira (ancien bourgmestre et secrétaire d’État, déi Gréng, décédé le 16 mai 2018, ndlr). Mon rayon préféré, c’est le bio et AVRIL 2022

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Conversation

Le passé Propriétaire, entre 1995 et 2021, de la blanchisserie arlonaise Tounet, elle a siégé et présidé, de 2012 à 2019, la Fédération des femmes cheffes d’entreprise du Luxembourg (FFCEL). Le présent Elle préside le groupement d’achat Alvo depuis 2015 et pilote, depuis 1992, le Truck Center d’Habayla-Neuve. Depuis 2021, elle est présidente du CA de Cargolux.

de négociation pour dire «il nous faut ce prix, sinon on n’achète pas». Donc, parfois, vous devez ronger sur votre marge ? Bien sûr. Dans le contexte des renégociations en cette période d’inflation marquée, comment se déroulent celles-ci, aussi bien dans la centrale d’achat Alvo que de votre côté, en solo, face à vos fournisseurs ? Je dirais, d’une façon assez naïve – ce n’est pas un défaut –, que l’on compte beaucoup sur la fidélité depuis 40 ans. Nous travaillons avec des gens avec qui nous faisons face à des hausses tarifaires, mais nous comptons aussi sur leur retour sur investissement de 40 ans de fidélité. Cela vaut autant avec Alvo qu’avec les producteurs nationaux que nous avons en face à face pour négocier. La situation semble tendue : avant, les retailers retiraient de leurs rayons

En pratique, ça veut dire quoi ? Trouver d’autres références à mettre en rayon et que le producteur puisse utiliser son temps à produire et nous à vendre, et pas à se livrer des guerres et des boycotts inutiles, voire fermer carrément des chaînes de production car il n’a plus le temps de travailler dans son atelier. Existe-t-il une enseigne que vous considérez comme votre plus grand concurrent ? Ça dépend: si c’est pour les Luxembourgeois, évidemment, c’est Cactus. Mais il s’agit aussi d’un collègue, c’est un local. Je considère mes concurrents plutôt comme des collègues, car on se respecte, on a un contact très convivial si on se voit. Donc, les concurrents? Ce sont les clients qui décident. Je m’intéresse à ce que font mes collègues pour voir ce qu’ils font mieux que moi, mais, de toute façon, servir tout le monde, je ne pourrais pas. À mes yeux, il y a de la place pour tout le monde sur le marché. Comment rester profitable dans le contexte de pression sur les prix et de concurrence parfois prononcée entre enseignes ? Il faut aussi faire un bon mix de produits entre des articles où les marges sont vraiment sous pression et ceux qui nous permettent de payer tout le monde et de vivre. Mais c’est clair que

40 ANS D’HISTOIRE De la vente de carburant en 1982, l’enseigne Pall Center s’est développée sur les segments de la distribution alimentaire, la restauration, l’habillement, les jouets, les fleurs et la décoration.

1982

1992

2013

2016

1986 Premier plein

Extension

L’épicerie

Cap sur l’ouest

Proximité prononcée

La station-service ouvre ses portes dans la petite localité d’Oberpallen, non loin d’Arlon.

Ouverture à Pommerloch, une autre localisation frontalière de la Belgique, mais qui cible cette fois le bassin bastognard.

Un premier point de vente sans stationessence voit le jour, une épicerie à Steinsel.

Pall Center poursuit son extension sur le marché de la grande distribution alimentaire à Strassen.

Ouverture à Useldange, un point de vente axé sur le commerce de proximité dans ce petit village du nord-ouest de la capitale.

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AVRIL 2022

Shutterstock, Matic Zorman, Romain Gamba (Maison Moderne)

Comment continuer à faire évoluer votre entreprise vers davantage de durabilité dans un contexte où vous êtes à la tête d’un acteur de la grande distribution et où les appels à limiter la consommation se font de plus en plus entendre ? Je ne vais pas tomber dans le piège des grands groupes industriels qui poussent les produits avec un marketing très ciblé pour écarter les autres produits des rayons. En arriver à être contraint de délister de beaux produits pour laisser la place aux grands, c’est la guerre, et je ne suis ni une guerrière ni une soldate. Je suis plutôt une jardinière. Notre approche, c’est que le client ait accès à des produits de grande consommation à prix compétitif mais, à côté de cela, nous mettons à sa disposition un tas d’articles différents. Ainsi, nous ne sommes pas pieds et poings liés aux remises de fin d’année dues à des volumes dictés. Pour des petits comme nous, cela veut dire des marges négatives, parce que nous n’avons pas les volumes

Pall Center Christianne Wickler est administrateur délégué de ses sociétés, à savoir CW Invest SA, Pall Center SA et Pall Center Exploitation SA.

Photos

Chez Pall Center, on trouve de la viande de chez Kirsch et du pain de chez Fischer. Sur la base de quels critères choisissez-vous vos partenaires ? D’abord avec un petit esprit nationaliste [rires]. À Oberpallen, tous nos partenaires sont des entreprises locales et avec des femmes à leur tête, c’est quelque chose d’important pour moi. Ce sont des gens qui comprennent notre langue, celle d’une société dirigée par des valeurs familiales où le respect, la fidélité et la passion sont importants et fortement ancrés. Globalement, nous mettons un petit peu les David ensemble.

certaines marques pour faire pression lors des renégociations. Aujourd’hui, certains producteurs désertent des enseignes faute d’y obtenir le prix de vente escompté… Le rapport de force semble s’être inversé, vous confirmez ? C’est clair que si entre l’enseigne A et B il y a une guerre des prix, le fournisseur va être coincé. Nous ne sommes pas du tout dans ce jeu-là, parce que ça ne m’intéresse pas et je n’ai pas le temps. Je préfère de loin trouver des alternatives pour offrir autre chose à mes clients.

LE GOÛT D’ENTREPRENDRE

les produits issus d’une agriculture locale et qualitative. Notre volonté est d’apporter tout le temps de nouveaux produits aux gens. Je reste persuadée que l’être humain est un explorateur qui a besoin de nouveauté.


Christianne Wickler

les années trop faciles sont finies. Nous traversons une crise, et il s’agit plus d’une crise structurelle que conjoncturelle. Structurellement, tout est en train de changer. Si les grands industriels mettent en place des plateformes web pour distribuer eux-mêmes, cela nous fait de la place en magasin pour explorer et essayer de nouveaux produits. Le prix semble moins un argument décisif au Luxembourg qu’ailleurs, est-ce exact ? Tout à fait, parce qu’au Luxembourg, comme on est petit, on sait très bien que si tous ces produits sont accessibles au consommateur, il y a un prix. Nous ne pouvons pas faire d’économies d’échelle, c’est cela notre plus grand frein. Les autres enseignes peuvent faire des économies d’échelle énormes en arrivant ici; nous, nous ne pouvons pas nous le permettre. Donc on sait qu’on doit payer un peu plus cher, mais on reste accessibles pour les yoghourts allemands, belges, sans gluten, et tout cela dans un seul magasin. La sensibilité au prix du luxembourgeois est différente parce qu’on n’a pas été pollué pendant des années par les promotions, car la concurrence était moins féroce.

Qu’en est-il du tourisme à la pompe ? Quand il y a une annonce anxiogène dans la presse pour dire que le prix va augmenter, on voit les files à la pompe, mais ça se régule toujours très vite. Aujourd’hui, les ventes de carburant représentent quelle part de votre chiffre d’affaires global ? C’est difficile à dire à cause des fluctuations de prix, cela varie d’un mois à l’autre. Quand j’ai commencé en 1982, on m’avait dit que le tourisme à la pompe allait encore durer 10 ans. De là, nous nous sommes diversifiés de peur de ne plus avoir de boulot à 32 ans. Aujourd’hui, cela fait 40 ans que ça dure et ce n’est pas fini. En chiffre d’affaires, je suis très fière de voir que nous vendons quand même pratiquement plus de textile que d’essence, plus de yoghourts que de cigarettes et plus de viande que d’alcool. C’est que la diversification a eu lieu et fonctionne.

Vous avez, j’imagine, été contrainte de relever vos prix ces derniers temps ? Oui, entre 4% et 15%. Cela dépend du produit: 15% de plus sur un produit à 1 euro ou sur un autre à 30 euros, ça compte. Quand on regarde au prix des carburants, gloups. Observez-vous un impact de la hausse du carburant sur vos paniers moyens dans vos grandes surfaces ? Il y a un effet de vase communicant : depuis 40 ans, quand l’essence augmente, le panier moyen diminue. Donc, en ce moment, je vends un petit peu plus d’énergie pour les voitures et un peu moins d’énergie pour les gens.

2019

2021

LE RETAIL EN 2030, EN MOTS-CLÉS Épicerie « Des produits de qualité avec un conseil, une caissière formée comme vendeuse à la place de la caissière que l’on connaît aujourd’hui. » E-commerce « Une guerre des prix, car il y aura de la concurrence. » Carburants « Ça dépend si on nous laisse notre niche fiscale. Il faut absolument que l’on remette le calme et la sérénité dans le système. » Seconde main « Un grand succès ! Les clients ont le sentiment de redevenir exclusifs car il n’y a qu’une seule pièce. »

2022

À Steinfort

Nouveau segment

Le renard en ville

Une grande surface alimentaire de 1.350 m2 est inaugurée à Steinfort. D’abord baptisée Emma’s, elle devient ensuite Pall Center.

Arrivée à Bertrange, au cœur de la zone industrielle de Bourmicht, cette fois avec le premier Pall Café, qui allie restauration et articles de convenance.

Pall Center intègre l’en­ seigne historique de la capitale, Alima. Elle compte trois implan­tations, mais « ce nombre va évoluer », confie Pall Center, tout en assurant qu’il n’y aura pas d’impact pour la cin­ quantaine de salariés.

Revenons au positionnement de Pall Center. Aujourd’hui, tous les retailers présents au Luxembourg proposent une sélection de produits bio et de références locales. Comment vous distinguez-vous ? Le distributeur allemand va avoir du bio allemand, le distributeur belge va avoir du bio belge, et le distributeur français, du bio français. Le distributeur luxembourgeois, quant à lui, propose du bio suisse, autrichien, français, allemand, luxembourgeois, belge, portugais. Comme je ne suis pas liée à des volumes, et surtout dans le bio, the sky is the limit. Nous pouvons apporter la différence. D’un point de vue économique et éco­ logique, est-ce réaliste de faire monter en puissance la production locale ? D’un point de vue économique et écologique, certainement, parce que les coûts de transport seront beaucoup plus faibles. Mais est-ce réaliste d’un point de vue compétences, capacités, volonté, passion de le faire ? La question reste ouverte. Et est-ce qu’on a des gens formés à cela ? Récemment, vous vous êtes lancée sur le segment de la seconde main. Quels sont les premiers retours et voulez-vous l’étendre ? Nous allons l’étendre, car c’est un franc succès. Nous utilisons toute l’énergie qu’il reste dans les vêtements, car mettre nos vêtements au chômage textile, cela ne sert à rien. Pour la conscience personnelle écologique de chacun, nous avons une solution, sans se priver du plaisir d’avoir du nouveau car, vous le savez, les femmes n’ont rien à se mettre lorsqu’elles se lèvent le matin [rires]. Nous allons étendre le marché de la seconde main aux vêtements pour hommes et enfants, aux objets design, ainsi qu’aux jouets dans le courant de cette année. Nous avons transformé tout le secteur

«L es Alima sont en voie de devenir des Pall Center. » AVRIL 2022

67


Conversation Christianne Wickler

non alimentaire et sommes prêts à nous ouvrir à de nouveaux marchés.

à une solution digitale. C’est sur la to-do list à l’échéance 2023. Nous sommes en train d’analyser les solutions possibles pour être présents en ligne en 2023, avec l’idée de vendre une grosse partie de l’assortiment et proposer un service de click & collect.

Les leçons de l’expérience

Le plus grand succès Seulement à Oberpallen ou ailleurs ? de Christianne Wickler ? À Oberpallen seulement, mais nous avons C’est qu’on a pu transformer le Pall Center, d’autres projets ailleurs dans le pays, pas forqui était une station-essence au départ, en un petit bijou, une caverne d’Ali Baba. cément dans des points de vente Pall Center. C’est aujourd’hui une boîte à trouvailles. Parce qu’il y a une demande et une volonté de En 40 ans, vous avez sans doute été La leçon à en tirer, c’est qu’il ne faut jamais notre part de nous adapter à un marché qui approchée par d’autres retailers… abandonner, mais croire, se concentrer sur ce que l’on veut, et par moments être évolue de façon constante. Ah, plus je vieillis, plus je me fais draguer [souintransigeant(e). rire]. Je leur réponds non. Je pense qu’il ne faut Son plus grand échec ? Pall Center regarde-t-il à de pas perdre son temps. Je tiens absolument à Des échecs, j’en ai connu beaucoup. Mais nouveaux projets pour conforter mon indépendance, je ne me fais pas acheter. celui qui m’a le plus marquée, c’est quand son empreinte durable ? Un renard ne s’achète pas. on a ouvert notre magasin à Echternach, il y a une quinzaine d’années. La clientèle Nous mettons un accent particulier sur les ne nous a pas compris et, évidemment, déchets sous toutes leurs formes: alimentaires, À ce propos, pourquoi le logo de Pall Center nous n’avons pas compris la clientèle non plastique, bois, carton. Nous voulons donner est un renard ? plus. Cette frontière allemande, ce n’était pas vraiment notre tasse de thé. La leçon de cet une seconde vie aux déchets générés par les Parce que dans notre région, à Oberpallen, il y échec, c’est de ne pas croire qu’on sait tout magasins Pall Center, sans vision militante, a beaucoup de renards. C’est une très belle bête, faire. Et puis, surtout, de se relever et remais plutôt pour voir jusqu’où on peut aller je l’adore, on ne peut pas la manger, on ne peut mettre sa couronne droite et continuer. Parce que l’égo en prend quand même un coup. dans leur réutilisation. Nous voulons aussi pas lui mettre une laisse; mon ami Camille Gira ​Au niveau de la communication, j’ai été motiver nos fournisseurs à faire pareil. Cela y tenait personnellement et a tout fait pour beaucoup trop timide, c’est aussi luxembourfigure dans nos objectifs de cette année 2022. qu’on ne puisse plus l’abattre. Et puis c’est un geois. On a été élevés avec la phrase qui tuait « Selbstlob stint » : se louer soi-même, ça pue. animal mignon, rusé et marrant. J’étais trop timide pour dire ce que je faisais. En tant que commerçante bien implantée, Au bout de 40 ans, il est temps d’établir la pensez-vous qu’il y a trop de magasins L’année prochaine sera marquée par une marque Pall. Emma’s à Steinfort est devenue Pall, comme les autres. Pall, du côté belge, au Luxembourg ? double élection. Quel regard portez-vous est très connu. Maintenant, il faut l’établir Je vais dire qu’il y en a assez [rires]. sur les enjeux à un an de l’échéance ? plus largement, parce que nous sommes Pour l’instant, c’est encore un peu trop tôt, des Luxembourgeois. Mais vous voulez vous étendre… parce que je suis persuadée qu’il y a pas mal Le Luxembourg est un point très attractif au de nouveaux partis qui sont encore en salle niveau du pouvoir d’achat, mais à un moment d’accouchement, si pas en salle de travail. Au donné, il ne restera plus beaucoup de place Luxembourg, tout le monde connaît tout le autour du gâteau. Mais cela va s’équilibrer, il y monde, donc je crois que le paysage va être en a qui viennent et d’autres qui partent. un peu revisité. Je suis convaincue que le pays deux veulent s’impliquer à mes côtés. Noé conservera cette capacité d’adaptation, car est dans l’entreprise et s’occupe de tout ce En 2019, nous avons vécu l’ouverture nous ne faisons peur à personne puisque nous qui est lié aux bâtiments. May, la dernière, de trois centres commerciaux à quelques fait des études d’entrepreneuriat à Munich. sommes trop petits. mois d’intervalle. Quel regard portez-vous Mais on a encore le temps, ils sont encore sur ces structures flambant neuves ? trop jeunes et moi aussi. Seriez-vous candidate ? Vous l’avez déjà Je suis contente de ne pas y être, parce que ce £été par le passé, vous aviez siégé quelques Pouvez-vous nous dévoiler une n’est pas ma scène. Je préfère être plus proche mois à la Chambre… des clients, faire ce que je veux. Je ne veux pas Non! Je suis née à Diekirch, et là-bas, le dicton anec­dote que l’on ne connaît pas au sujet de Pall ­Center ? qu’une structure plus globale me dicte quoi dit qu’un âne ne se cogne qu’une fois [rires]. faire. Je suis une vraie indépendante. À côté des carburants, mon père voulait vendre À 62 ans, songez-vous à la retraite ? des pneus et proposer un car wash. J’ai rapiDe nombreux commerçants luxembourNon. Pourquoi? dement réussi à le dissuader des pneus. Pour geois ont mis un pied dans l’e-commerce, le car wash, cela a pris plus de temps. Nous notamment via la plateforme Letzshop.lu. Parmi vos quatre enfants, qui pourrait avons eu dans ce car wash des voitures décaCe n’est pas le cas de Pall Center, pourquoi ? incarner la deuxième génération potables, des antennes complètement arraParce que je me considère comme une com- de Pall Center ? chées, et même des gens qui ont essayé d’entrer merçante, mais pas comme une logisticienne. Mes quatre enfants sont tous indépendants par la sortie. Un samedi, au début des années Mais il est très clair qu’à l’avenir, on doit penser et n’ont pas peur de travailler. Mais, a priori, 2000, une grosse voiture japonaise qui tractait une remorque avec à son bord une pelle, une brouette et des sacs de ciment est entrée dans le car wash. La brouette s’est retrouvée autour des brosses, le ciment avait cimenté toute la pièce, la pelle était partie je ne sais où et j’étais tellement énervée que j’ai dit à mon père : «Maintenant, tu as le choix: c’est soit moi, soit le car wash!» Aujourd’hui encore, des clients me disent qu’ils ont un jeton de car wash, je leur réponds qu’il n’y a plus de car wash, c’est pour moi un vrai traumatisme!

« Depuis 40 ans, quand l’essence augmente, le panier moyen diminue. » 68

AVRIL 2022


DELANO LIVE PHILIP CROWTHER AND THE MULTILINGUALISM Programme • Welcome drink (18:30) • Conversation with Philip Crowther (19:00) • Networking walking cocktail (19:45)

Philip Crowther International affiliate reporter, The Associated Press Global Media Services

19.05 GOLD SPONSOR

Thursday

Zulu, Luxembourg-Clausen

Registration and information: www.paperjam.lu/club


BRAND VOICE

Cybersécurité

Comment protéger les TPE/PME ? Contenu sponsorisé par POST LUXEMBOURG

La vulnérabilité des entreprises en termes de cybersécurité est au cœur de l’actualité : elles doivent protéger leur infrastructure tout en adoptant les bonnes pratiques. Pour répondre à ces besoins, POST Luxembourg propose des solutions adaptées : une chaine de protection qui œuvre également à une prise de conscience collective pour mieux protéger.

70

AVRIL 2022

« Nous intervenons sur des infrastructures essentielles au pays, et nous nous protégeons également pour assurer un haut niveau de services. » De façon générale, voir des intrusions dans un système n’est pas bon signe. Mais le pire scénario se situe dans l’ignorance de ces attaques. Ne pas remarquer ces intrusions conduit indéniablement à l’exposition totale au danger. « Chez POST Telecom, nous remarquons que la cybersécurité, chez nos clients, est un sujet souvent négligé : nous intervenons régulièrement en tant que “pompiers”. La première chose à faire est de contenir l’attaque, de figer le système, mais il y a également une démarche de sensibilisation en proposant une revue architecturale couplée à la surveillance », précise Cliff Konsbruck. Des entreprises à la vulnérabilité croissante Sur les dix dernières années, l’augmentation de ces attaques est continue. Si leur forme varie, le phishing (e-mails qui sont envoyés à des collaborateurs d’une entreprise, et qui l’incitent à cliquer sur des liens frauduleux) reste la technique la plus courante.

Cliff Konsbruck Directeur général adjoint de POST Luxembourg et directeur de POST Telecom

« Nous intervenons sur des infrastructures essentielles au pays, et nous nous protégeons également pour assurer un haut niveau de services. » Cliff Konsbruck Directeur général adjoint de POST Luxembourg et directeur de POST Telecom

Eva Krins (Maison Modenre)

Comprendre pour mieux sécuriser Pour bien comprendre la cybersécurité, la connaissance des quatre volets qui la composent est essentielle. Des volets complémentaires et interdépendants les uns des autres. — La sensibilisation aux questions de sécurité, notamment avec la formation

et l’information, le rappel des bonnes pratiques auprès des collaborateurs internes. — La protection, ou le périmètre de sécurité autour d’un environnement IT (Firewall, proxy, web proxy, architecture de sécurité, antivirus, malwares…). — La surveillance, ou monitoring : s’assurer d’une surveillance constante, puisque le risque zéro n’existe pas. — La réponse aux compromissions suite à une attaque. Le problème est identifié et des solutions sont mises en place, comme l’isolation de l’environnement numérique pour constituer des preuves exploitables et identifier les failles. Sur chacun de ces quatre volets, POST Luxembourg propose une solution dédiée aux entreprises. Pour toutes les questions propres à la cybersécurité au sein du groupe, ce sont les spécialistes du Security Operation Center qui surveillent les environnements de façon permanente (24 h/24, 7 j/7). Inversement, cette surveillance est bien évidemment appliquée en interne chez POST, comme nous l’explique Cliff Konsbruck :

Photo

Le groupe POST, du fait de ses filiales, constitue un large spectre de compétences technologiques (télécommunication, services cloud, connectivité, cybersécurité). Un vivier d’expertises complémentaires conçu pour le tissu entrepreneurial global. Cliff Konsbruck, directeur général adjoint de POST Luxembourg et directeur de POST Telecom, nous en dit plus. « Dès lors que l’on parle d’ICT ou d’IT (technologies de l’information et des communications), la cybersécurité occupe une place considérable. La problématique qui s’applique au marché des petites et moyennes entreprises est principalement axée sur la sensibilisation : il s’agit de faire comprendre que la sécurité appliquée à ces petites structures n’est pas moindre. Leur dépendance à ces services est tout aussi importante que les grands groupes. »


CONNECTEDOFFICE EN RÉSUMÉ

Un accès Internet illimité et sécurisé avec un firewall de base utile pour le filtrage dynamique des données.

Une sécurité avancée de haut niveau (Intrusion Protection System, Anti-Malware & Web Filtering) et une protection DNS pour garantir des connexions Internet fiables.

Une continuité des activités pour le télétravailleur grâce à des options de VPN sécurisées.

Dans le cas où les collaborateurs visés appartiendraient à des services particulièrement exposés (financier, comptable…), alors les hackeurs auront accès à des données hautement sensibles. In fine, les dégâts peuvent être considérables sur la santé de l’entreprise et sur son écosystème. Depuis mars 2020, avec l’aménagement du télétravail dû à la pandémie, les attaques malveillantes ont augmenté. Les systèmes IT, qui n’étaient pas spécifiquement conçus pour ce travail à distance, présentaient davantage d’opportunités d’intrusion pour les hackeurs. Le constat est double : d’une part, certains collaborateurs n’étaient pas suffisamment sensibilisés au sujet de la cybersécurité, et d’autre part, le matériel informatique n’était pas toujours adapté (d’un point de vue sécurité) pour le

télétravail. Des paramètres qui peuvent causer de graves dommages et dont les risques peuvent pourtant être fortement diminués avec une méthodologie de protection adéquate. Une offre à la portée de tous Avec son réseau d’expertise, de conseils et de solutions informatiques, POST Telecom a déjà accompagné des dizaines d’entreprises dans leur passage au télétravail. Comment ? Spécialement adaptée aux PME, l’offre de connectivité tout-en-un « ConnectedOffice » dispose également d’une large gamme d’options de sécurité. L’option DNS Protector est un élément important dans le dispositif de sécurité d’une entreprise et permet à cette dernière de se protéger contre les sites et les contenus malveillants (phishing, ransomware, malware…). Ainsi, lorsqu’un utilisateur clique sur un lien

qui est considéré comme potentiellement frauduleux, l’accès à ce contenu est refusé et l’utilisateur est informé par une page sécurisée. « Si un utilisateur renseigne un nom de domaine frauduleux, la requête sera systématiquement vérifiée et bloquée. » En somme, un outil de sécurité intégré complet qui offre aux professionnels de quoi sécuriser leurs infrastructures dans un contexte sensible. À noter que cette protection et le blocage automatique n’ont aucune conséquence sur la latence de la connexion. Pour répondre aux besoins de sécurité informatique des TPE/ PME et pour soutenir la lutte contre les attaques malveillantes, POST propose gratuitement cette option, sans aucuns frais, et ce, jusqu’au 31 décembre 2022 pour les bénéficiaires de l’offre ConnectedOffice.

Des infrastructures réseaux professionnels innovants. Uniquement Cisco Meraki & FortiGate.

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AVRIL 2022

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Enjeux Grande Région

Luxembourg, capitale sans frontières

Unique en son genre en Europe, la Grande Région, ou plutôt le « Grand Luxembourg » (une centaine de kilomètres autour de la capitale), est source d’autant d’opportunités que de défis. Si la colla­boration sur le plan politique varie en fonction des compé­tences et des priorités des partenaires impliqués, les acteurs écono­miques en appellent à de nouvelles collaborations win-win pour faire de cet espace le symbole d’un développement trans­frontalier innovant… et durable. 72

AVRIL 2022

POIDS DES FRONTALIERS DANS LA POPULATION EN 2035 Plus de 30 % De 20 à 30 % De 10 à 20 % Moins de 10 % ÉVOLUTION ANNUELLE DES FLUX ENTRE 2015 ET 2035 Plus de 4 % De 2 à 4 % Moins de 2 % NOMBRE DE FLUX 36.800 20.000 10.000 5.000 * Chiffres de 2018 Sources

Statec, IGGS, calculs AGAPE

Arrondissement de Neufchâteau


Reste de la Belgique

Reste de l’Allemagne

SOMMAIRE 74

« Si l’on continue à ne rien faire, la Grande Région va étouffer » Entretien avec Franz Clément, chercheur au Liser depuis 1996. 76

Du « home office » aux bureaux satellites

EifelBitburg-Prüm

Concilier télétravail et freins législatifs ? Exemple avec les bureaux satellites.

Arrondissement de Bastogne

78

Le télétravail ou le baromètre de la coopération Les représentants politiques de la Grande Région se positionnent sur le télétravail. 80

Kirchberg 62.000 emplois*

Arrondissement de Virton

Ban de Gasperich 44.000 emplois*

Arrondissement d’Arlon Belval 20.000 emplois*

Trèves

Trèves-Sarrebourg

« Tout le monde veut venir au Luxembourg » À la tête de Batipro, Claude Wagner partage son expérience d’entrepreneur sur plusieurs territoires. 82

Luxembourg

Quel visage pour la Grande Région en 2050 ?

Longwy Merzig-Wadern

Villerupt

Comment envisager les coopérations au profit du futur de l’espace transfrontalier ? 86

Hettange-Grande

Portrait-robot des frontaliers

Thionville Bouzonville

Dans quels secteurs sont représentés les frontaliers ?

Rombas Briey

LE SAVIEZ-VOUS ? LE SAVIEZ-VOUS ?

212.919

Metz

Reste des départements 54, 55 et 57

On comptait 212.919 frontaliers au 3e trimestre 2021 : 53 % de France, 23 % ­d’Allemagne et 23 % de Belgique. Depuis le 2e semestre 2021, les ­frontaliers allemands sont plus nombreux que les belges.

AVRIL 2022

73


Franz Clément

« Si l’on continue à ne rien faire, la Grande Région va étouffer »

Franz Clément, chercheur au Liser depuis 1996, est notamment spécialiste de la question des travailleurs frontaliers. Il plaide pour l’instauration d’un véritable traité de la Grande Région afin que les accords, qui sont majoritairement bilatéraux actuellement, deviennent globaux. Et ce, pour répondre de manière uniforme aux enjeux transfrontaliers. La Grande Région est vécue au quotidien notamment par plus de 200.000 travailleurs frontaliers. Cet espace de coopération devrait-il être institutionnalisé pour qu’il fonctionne mieux ? Oui, cela fait longtemps que je plaide pour l’instauration d’un véritable traité de la Grande Région, qui n’est pas incompatible avec l’Union européenne. En 2021, nous avons célébré le centième anniversaire de l’Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL), qui existe donc toujours malgré la création de l’Union européenne. Je me demande s’il ne serait pas opportun, au niveau de la Grande Région, d’avoir une sorte de traité équivalent, pour essayer de faciliter la prise de certaines décisions. Cela permettrait de passer d’un espace de coopération à un espace d’intégration politique. Qu’est-ce que cela changerait ? Collaborer, c’est très bien, mais quand on regarde les décisions qui sont prises, c’est toujours du bilatéral. Et il n’y a pas de véritables grandes décisions qui emportent l’en74

AVRIL 2022

semble des entités membres de la Grande Région. Je me demande si la période que l’on vit avec la crise du Covid-19 ne devrait pas servir de détonateur pour ce genre de choses. Parce que si l’on ne tire pas les conclusions de ce que nous sommes en train de vivre, alors je crois qu’on ne les tirera jamais, notamment en ce qui concerne le télétravail. Que manque-t-il alors ? Il manque une véritable volonté politique de la part des entités membres, mais surtout, à mon avis, le nœud gordien du problème consiste à essayer de faire en sorte que tout cet espace ait des entités qui soient traitées sur un pied d’égalité. Le nombre de jours de télétravail autorisés – hors accords actuels dus à la pandémie – est de 34 pour les frontaliers belges et français, 19 pour les Allemands, donc on traite au cas par cas, alors que c’est un espace dans lequel les entités sont devenues tellement interdépendantes qu’elles devraient s’accorder. Malgré l’augmentation constante du nombre de frontaliers, certains font

pourtant le choix de retourner travailler dans leur pays de résidence… Ce phénomène pourrait effectivement s’accentuer si le Grand-Duché continuait à faire appel à de la main-d’œuvre frontalière sans régler les problèmes de mobilité. Ce qui motive le choix de ces frontaliers, c’est qu’ils n’en peuvent plus de passer trois heures par jour dans leur voiture dans les bouchons. Ils préfèrent gagner moins et perdre moins de temps dans les transports. Quelle serait la solution ? Pour la mobilité pure, il y a des solutions comme augmenter la capacité des trains, ou leur fréquence. Concernant la voiture, nous avons notamment assisté à des fiascos comme la bande de covoiturage sur l’E411 entre Arlon et la frontière, qui a coûté 17 millions d’euros et qui n’est pratiquement pas utilisée. Et il y a toujours le serpent de mer de l’A31 bis du côté lorrain. Je dirais donc que c’est un problème qui est difficilement soluble, sauf par le recours au télétravail. D’après les prévisions les plus optimistes, si le Grand-Duché veut maintenir son niveau de développement économique actuel, on estime qu’il faudra de nouveaux travailleurs étrangers à raison de 9.700 personnes par an d’ici 2030. Donc cela posera un problème, non seulement de mobilité vers le Luxembourg, mais il faudra aussi prévoir des lieux de travail pour ces personnes dans le pays. Aux Pays-Bas ou à Monaco, ils ont réussi à gagner des terres sur la mer, mais cela n’est pas possible chez nous. Potentiellement, on pourrait imaginer que ces nouveaux travailleurs étrangers vivent au Luxembourg ? C’est certain, mais là nous allons tomber sur un autre problème, qui est celui du coût du logement. Aujourd’hui, résider dans le pays devient

48

MILLIONS D’EUROS

C’est le montant que les 553 communes de Belgique où résident des frontaliers (sur 581 au total) vont toucher en 2022, selon la nouvelle version du « Fonds Juncker-Reynders » signé le 31 août dernier avec le Lux­ embourg. Arlon se taille la part du lion, avec 8.657.412,45 euros, car le cheflieu est la commune qui compte le plus grand nombre de frontaliers.


Enjeux Grande Région

FRANZ CLÉMENT Chercheur au Liser

Photo

Guy Wolff

« Certains frontaliers préfèrent gagner moins et perdre moins de temps dans les transports. »

en commun un système uniforme de rétrocession fiscale. Il faut prendre les décisions ensemble, et non pas chacun de son côté, car on le voit bien, l’espace devient invivable, on étouffe et on va sur-étouffer. Faut-il s’inspirer du modèle suisse ? On dit parfois que la Suisse rétrocède à la France, mais ce n’est pas tout à fait vrai. C’est vrai de Genève vers l’Ain et la Haute-Savoie, mais ce n’est pas vrai pour les cantons de l’arc jurassien, où les frontaliers français sont imposés en France, et cette dernière reverse aux autorités fiscales suisses 4,5 % des salaires bruts des frontaliers.

Comment cela se passe-t-il exactement en ce qui concerne la rétrocession fiscale même très compliqué pour des Luxembour- avec la Belgique ? geois, et il y a donc le développement depuis Le montant de base a été porté à 48 millions plusieurs années des frontaliers luxembourgeois d’euros, selon le nouvel accord signé le 31 août dans leur propre pays (des Luxembourgeois rési- 2021, et sera majoré de 5% par an. Chaque comdant en dehors de leur pays, mais travaillant au mune perçoit une compensation proportionLuxembourg, ndlr). nelle à son manque à gagner fiscal. Logiquement, les communes qui touchent le plus sont celles Même si le logement était plus acces­où résident le plus de travailleurs frontaliers. sible au Luxembourg, il faudrait s’assurer Arlon, ville comptant le plus grand contingent d’un nombre suffisant de logements, de frontaliers (avec plus de 16.000 d’entre eux), qui manquent déjà cruellement. recevra 8,657 millions d’euros. Compte tenu de ces goulets d’étranglement, peut-on être pessimistes pour Où en est-on côté français ? l’avenir de la Grande Région ? Il faut trouver un modus vivendi. En mai 2019, Oui, absolument, si l’on continue à ne rien les maires de Metz et Trèves, et les deux dirifaire et à travailler comme on l’a toujours fait, geants des districts de Trèves-Saarburg et de le Grand-Duché va étouffer purement et sim- l’Eifel-Bitburg-Prüm ont adressé un courrier à leurs chefs d’État afin d’entamer des discusplement, et les régions avoisinantes aussi. sions, en vue de l’établissement d’une comPour le moment, les accords bilatéraux pensation financière provenant du Luxembourg concernant la fiscalité et la sécurité sociale au profit de l’Allemagne et de la France. Le des frontaliers sont reconduits depuis deux montant réclamé par la France s’élevait ainsi ans, mais faudrait-il un accord global ? à près de 600 millions d’euros annuels. Le Oui, il faut que tous les frontaliers aient les Luxembourg y avait opposé une fin de non-­ mêmes droits, car à long terme, cela pourrait recevoir. Pour le moment, le Grand-Duché entraîner un problème de cohésion sociale procède différemment d’avec la Belgique et dans la Grande Région. Ils sont traités diffé- dit qu’il ne donne pas d’argent, mais contribue remment en ce qui concerne le télétravail, et à des investissements en France. C’est une les inégalités se produisent dans un espace autre manière de procéder, et je ne suis pas grand comme un mouchoir de poche. tout à fait pour ce système de rétrocession fiscale, quand on voit la manière dont l’argent Au-delà des droits individuels des est utilisé par les communes belges. Chacune personnes, il y a aussi les différences fait sa petite cuisine, mais je ne vois pas de de traitement entre les pays au niveau projets communs pour essayer, par exemple de la rétrocession fiscale… entre les communes de l’arrondissement ­d’Arlon, Oui, la Belgique, en l’occurrence, bénéficie de faciliter les choses en matière de mobilité. d’une rétrocession fiscale, aussi appelée «Fonds Au contraire, ça bloque, comme avec le P+R Juncker-Reynders» (du nom de l’ancien Premier de Viville, et je ne trouve pas cela normal. ministre Jean-Claude Juncker et de l’ancien ministre belge des Finances, Didier Reynders, Le recours à la rétrocession fiscale serait ndlr), héritage d’une négociation belgo-­luxem­ trop évident ? bourgeoise. La Belgique est un partenaire pri- Sur le principe, je suis d’accord, mais je trouve vilégié du Luxembourg à cause du traité UEBL trop facile de frapper à la porte du Luxemde 1921. Maintenant, nous sommes en 2022, les bourg et de dire: «Par ici la monnaie.» Quand Français représentent plus de 50% des fronta- je vois qu’en France, il y a plus de 36.000 comliers, je ne vois pas pourquoi on ne mettrait pas munes, avec des communautés de communes,

des agglomérations, etc. Tout ce millefeuille coûte beaucoup d’argent, et il faudrait déjà faire un effort de fusion des communes. Sur le plan économique, pensez-vous que l’instauration de zones franches, une idée régulièrement évoquée dans le débat public, ait du sens ? Dans la logique des choses, je dirais pourquoi pas, mais attention, car cela va déplacer le problème ailleurs. Imaginons que l’on transforme en zones franches le nord des départements de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle, ou l’arrondissement d’Arlon. Des entreprises viendront s’y installer en masse, mais on va reporter le problème de l’autre côté de la zone franche; c’est un phénomène «tache d’huile». Mais c’est une solution qui permettrait de gagner du temps. Le « mur des pensions » luxembour­geoises est un gros problème qui se rapproche également… Oui, c’est un problème au sujet duquel il y a aussi une position doctrinaire, car le patronat est pour changer les choses, mais les syndicats sont contre. Cela fait des années que l’Union européenne, dans ses recommandations annuelles, demande au Luxembourg d’augmenter le taux d’emploi des travailleurs âgés, et d’améliorer la viabilité à long terme du système de pension, y compris en limitant davantage les départs à la retraite anticipés. Le sujet des retraites est une question politique. À moyen terme, il n’y a pas de problème pour que les réserves se reconstituent, mais à long terme il faudra prendre le sujet à bras-le-corps. Il est parfois reproché au Luxembourg de « prendre » les travailleurs de ses pays voisins dans certains secteurs-clés comme la santé, l’informatique ou la finance. Comprenez-vous ce reproche ? Oui et non. Évidemment, vu le développement économique du pays, il a forcément besoin de compétences. La Commission européenne explique dans ses recommandations que la de­ mande de soins de santé émanant d’une population vieillissante au Grand-Duché devrait augmenter, et le départ à la retraite d’entre 59% et 69% du personnel médical est prévu au cours des 15 prochaines années. Le Grand-Duché, dans la Grande Région, est le pays qui progresse le plus au niveau démographique, donc forcément les besoins en personnel de santé sont de plus en plus importants. Il est clair qu’un pays qui prend pratiquement le leadership en matière économique a tous les atouts pour favoriser son développement par rapport aux autres.

Interview IOANNA SCHIMIZZI

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Travail

La crise sanitaire a accéléré la réflexion sur l’avenir du télétravail, qui pourrait se situer dans des bureaux satellites dissé­ minés près des frontières. Un espace de travail qui répond à la fois aux freins législatifs et aux attentes des employés. «100% des personnes intéressées par un emploi demandent dès le premier entretien ce qu’il en est du télétravail. Alors qu’elles étaient peutêtre 1 % à le faire avant le Covid. Et la majorité pose un refus catégorique si l’entreprise ne le pratique pas. » Ce constat sans appel est posé par Stanislas Dutreil, managing director du cabinet de recrutement Badenoch + Clark (Belux). La crise sanitaire et le travail en confinement sont donc passés par là. «Il y a 20 ans, on voulait un salaire. Il y a 10 ans, de la reconnaissance. Aujourd’hui, on veut du temps pour soi », résumait quant à lui Laurent Chapelle, CEO de RH Expert, interrogé sur p ­ aperjam. lu. La flexibilité fait donc office de maîtremot. L’enjeu étant de trouver le bon équilibre entre, d’un côté, l’aménagement du temps de ­travail, et, de l’autre, le lieu de travail idéal, certains collaborateurs ne souhaitant plus passer une heure dans un moyen de transport matin et soir. Le télétravail, pratiqué massivement, puis régulièrement depuis le début de la crise s­ anitaire, a offert une sorte d’acquis social que certains employés ne veulent pas abandonner. Et face à une telle mutation, les entreprises évoluant sur des marchés très concurrentiels n’ont pas le choix. Elles doivent s’adapter. «Les grands groupes sont en avance dans la réflexion sur le futur du travail ‘at work’, mais aussi ‘off work’. Chez eux, celle-ci avait commencé avant le Covid. Alors que les moyennes et petites entreprises n’étaient pas dans cette logique-là, continuant plutôt à toujours ‘surveiller’ leurs employés », explique Stanislas Dutreil. Aujourd’hui, tous ont le même but: trouver la solution qui permettra d’attirer ces fameux «talents», tout en gérant les aspects fiscaux et de sécurité sociale des travailleurs frontaliers, qui, tôt ou tard, ne bénéficieront plus du régime dérogatoire de télétravail illimité. 76

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Du « home office » aux bureaux satellites

à Wemperhardt. Déjà à l’époque, il s’agissait de répondre aux besoins d’employés qui saturaient (mentalement) à force de circuler sur des autoroutes qui l’étaient tout autant. Quatre autres bureaux ont suivi. Et bientôt, ils seront sept, avec ceux qui o ­ uvriront à Pétange et Dudelange en 2022. La charte de remote working mise en place Deux bureaux satellites de plus à l’époque au sein du cabinet (un jour par semaine chez PwC de télétravail à la maison, un autre dans un Une des solutions alternatives qui combinent bureau satellite, et trois au siège central, au les impératifs légaux et la flexibilité pour Ban de Gasperich) a évolué depuis le début de l’employé consiste en la décentralisation des cette année. Désormais (et cela restera valable espaces de travail, à l’image des bureaux après la fin des mesures Covid), «un seul jour ­satellites mis en place depuis 2018 par PwC. hebdomadaire de présence au bureau central Ou par Société Générale, qui a décidé de est obligatoire », explique Anne-Sophie déplacer une partie de son personnel vers Preud’homme, associée et operations leader Belval. Mais, désormais, de plus petites chez PwC L ­ uxembourg. «Nos employés peuvent ­structures essaient, elles aussi, de recourir à organiser le reste de leur semaine entre notre ces bureaux plus proches des frontières tout siège central, ces bureaux satellites et leur domien restant au Luxembourg. Une formule qui cile. Tout en étant tenus de gérer les problémase répercute sur le secteur de l’immobilier tiques fiscales et liées à la sécurité sociale qui professionnel, à la faveur des tarifs décrois- leur sont propres. Si le Covid a démontré une sants à mesure que l’on s’éloigne de la capi- chose chez nous, c’est que le télétravail peut s’aptale. « Boulevard Royal, on est sur du 52 euros pliquer à 98% de notre staff.» au m2. À Belval, 26 euros», indique Julien P ­ illot, Et maintenant, à l’étranger ? head of office agency chez Inowai. «La notion de télétravail est en train de s’élar- Le bail des locaux de Howald (plus de 5.700m2), gir, explique Stanislas Dutreil. Désormais, télé- le deuxième bureau du cabinet dans la capitravailler peut également se faire depuis des locaux tale, n’a, lui, pas été renouvelé, « le parti pris (plus) proches de chez soi, où l’on offre un cadre étant plutôt de développer ces bureaux fronplus professionnel qu’à la maison. C’est une for- tières ». On peut donc penser que d’autres mule qui allie bien des avantages.» Une organi- vont suivre dans le futur. Ou que les satellites sation que les petites structures ont tendance actuels vont avoir tendance à s’agrandir. à «tenter de mettre en place en coworking avec Des bureaux périphériques dont l’avenir se d’autres entreprises» pour mutualiser les coûts. situe peut-être même de l’autre côté des fronPrécurseur en la matière, PwC a ouvert tières. «C’est en tout cas ce qu’on entend à droite son premier bureau satellite dans le Nord, à gauche pour diverses sociétés…», glisse Stanislas Dutreil. Chez PwC, on avoue d’ailleurs «y avoir déjà regardé par le passé et y regarder à nouveau», selon Anne-Sophie Preud’homme. «Ce ne serait pas pour y installer de vrais bureaux, mais plutôt pour des travailleurs isolés souhaitant opérer de chez eux. Mais pour le moment, il n’y a rien de concret. Parce qu’une telle option engendrerait de grosses problématiques organisationnelles, fiscales ou liées à la sécurité sociale, ou même à l’impôt des sociétés…» Si la crise a mis au jour le souhait des ­salariés de travailler selon de nouvelles modalités, elle a aussi mis en lumière la capacité des employeurs à faire preuve d’innovation pour retenir leurs C’est le nombre de bureaux frontières que comptera PwC Luxembourg talents tout en composant avec des paramètres (3.000 employés) d’ici la fin de l’année. tels que la législation, la mobilité et le prix de Deux nouveaux s’apprêtent à ouvrir l’immobilier. à Pétange et Dudelange. Et viendront

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rejoindre ceux de Wemperhardt, Oberpallen, Esch-Belval, Biwer, Wecker et Mondorf. Pour une capacité totale évaluée à 320 places.

Auteur JULIEN CARETTE


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Législation

Le télétravail ou le baromètre de la coopération Qu’adviendra-t-il du télé­travail dans un monde post-Covid ? Si les déclara­tions d’intention sont légion, la concrétisation d’accords bilatéraux s’avère plus péril­leuse, comme le montre ce tour d’horizon avec des repré­sentants politiques de la Grande Région. Auteurs JULIEN CARETTE ET IOANNA SCHIMIZZI

1 Le statut européen côté français La députée de Moselle Isabelle Rauch (LREM) est cosignataire, avec d’autres députés français, dont le député de Meurthe-et-Moselle Xavier Paluszkiewicz (LREM), de la proposition de résolution visant à favoriser le télétravail pour les frontaliers et à mener une réflexion européenne sur le statut des travailleurs frontaliers. Une résolution adoptée par l’Assemblée nationale le 9 mars dernier. « L’idée est de leur permettre de télétravailler deux jours par semaine et de dépasser la limite européenne de 25 % du temps de travail effectué à domicile, à partir de laquelle ils ne sont plus affiliés à la sécurité sociale de leur pays de travail. C’est un débat européen, et on voit que ce qui bloque, au-delà de la fiscalité, c’est tout le côté social et cette limite des 25 %. D’où notre idée de pousser la réflexion sur les bassins de vie frontaliers, et d’avoir un accord global. » Et même si la proposition de résolution « n’a pas de valeur contraignante, elle fait prendre conscience à l’ensemble des pays de l’UE qu’il y a une spécificité du travailleur frontalier, car c’est un sujet à mettre en débat à ce niveau. Et comme cela demande du temps, il faut s’y prendre assez tôt. »

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3 Luxembourg, « jamais un frein »

2 48 jours avec la Belgique ? Mai 2019. Le Premier ministre Xavier Bettel (DP) et son homologue belge de l’époque, le libéral Charles Michel, communiquent en chœur sur un accord de principe visant à faire passer l’immunité fiscale des travailleurs frontaliers belges de 24 à 48 jours. Un accord qui n’est jamais devenu réalité. « Si les ministres y étaient assez favorables, les administrations ont pas mal freiné. Celle des finances, en Belgique, trouvait que c’était une perte de souveraineté… », explique Benoît Piedboeuf, député fédéral et chef de groupe, bourgmestre de la commune de Tintigny, en province de Luxembourg. Tout cela débouchant finalement l’été dernier sur un allongement fixé à mi-chemin, à 34 jours. Mais cela pourrait bien changer prochainement. Parce que le parti du ministre des Finances belge (le CD&V, les chrétiens­-démocrates flamands) est à la manœuvre derrière une proposition de résolution visant « à mon­ter à 48 jours le télétravail autorisé avec les pays voisins », explique Benoît Piedboeuf. Ce dernier l’a cosigné et envisage que Vincent Van Peteghem, l’actuel ministre des Finances, mette cette mesure sur la table du prochain sommet de la Gäichel, qui réunira Luxembourg et Belgique dans quelques mois. « Qui plus est, le conseil du Benelux a déjà validé à l’unanimité une telle résolution, continue-t-il. Avec le Covid, les mentalités ont évolué et tout le monde s’est rendu compte de la pertinence du télétravail. Même au sein de l’Administration des finances… »

« Le télétravail a toujours été un sujet important pour nous, même avant la pandémie », explique Corinne Cahen (DP), la ministre à la Grande Région. « Nous pensons que pour ceux qui peuvent y avoir recours, un jour de télétravail par semaine serait parfait. Cela permettrait de garder un certain équilibre, notamment au niveau de la culture d’entreprise. Et puis, cela désengorgerait un peu les autoroutes. Nous sommes passés à 34 jours de télétravail avec la Belgique et nous avons un accord avec la France pour un nombre de jours similaire. Avec l’Allemagne, nous n’en sommes qu’à 19. C’est trop peu. D’ailleurs, des négociations sont en cours afin d’augmenter ce chiffre. Nous ne serons jamais un frein au télétravail. »

4 L’Allemagne « ouverte » Hors régime spécial mis en place depuis la crise du Covid, les frontaliers résidant en Allemagne sont les moins bien lotis en termes de jours de télétravail auto­risés, avec 19 jours, contre 34 pour ceux venant de France et de Belgique. « Dans notre système, c’est le niveau fédéral qui décide, mais nous sommes ouverts à une augmentation », avait ex­pliqué Peter Strobel (CDU), ministre des Affaires européennes du Land de la Sarre, à Paperjam, en janvier dernier. L’Initiative économique germano-luxembourgeoise (DLWI) a de son côté demandé, fin décembre, une extension à 55 jours de télétravail pour les frontaliers au Luxembourg.


NEW

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Claude Wagner

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Claude Wagner a fait du groupe Batipro Matériaux, qu’il a fondé, un leader sur le marché des matériaux de construction en Grande Région. Après le développement au Luxembourg, il a étendu son activité en Belgique, avec le rachat, en 2013, des magasins Kroell (Arlon et Bastogne). La même année, il rachète aussi les magasins Bâtiself au Luxem­ bourg, sauvant ainsi quelque 170 emplois. Aujourd’hui, le groupe rayonne sur l’ensemble de la Grande Région : Au Luxembourg (5 sites), occupant 300 salariés, pour un chiffre d’affaires d’environ 120 millions d’euros ; En Belgique (Arlon, Athus, Bastogne, Libramont et Rochefort) occupant 120 salariés pour environ 60 millions d’euros de chiffre d’affaires ; En France (Thionville) avec 35 salariés pour environ 16 millions d’euros de chiffre d’affaires ; En Allemagne (Trèves et Perl) occupant 12 salariés pour un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros.

en place. L’idéal serait que nos voisins offrent les mêmes avantages que le Luxembourg. Que tout le monde puisse en profiter. Mais je me rends compte que c’est un vœu pieux. Et une harmonisation via un nivellement par le bas serait préjudiciable… Et les consommateurs, sont-ils les mêmes partout ? Non. C’est donc très enrichissant d’être dans ces quatre pays. Instructif même, en termes de comportements, mentalités, etc. En B ­ elgique, par exemple, les gens construisent ou rénovent beaucoup eux-mêmes. Tout l’inverse du Luxembourg. Si tout était à refaire, vous réinvestiriez dans ces quatre territoires ? Comme tout le monde, j’ai fait des erreurs. C’est évident. Après, j’avoue que la France est un pays où il est difficile de gagner sa vie. Dans le négoce, en tout cas. Faire reconnaître sa compétence et sa qualité lorsque l’on souhaite évoluer à un niveau supérieur à la certification française est très compliqué. On y retrouve également davantage de freins au développement. Et socialement, ce n’est pas toujours simple d’impliquer les gens… C’est le stéréotype du Français râleur que vous dépeignez là… On va dire qu’il ne vient pas de nulle part [sourire]. Interview JULIEN CARETTE

Batipro

Nous venons d’acquérir un terrain d’un hectare à Athus, pour 500.000 euros. En France ou en Allemagne, on aurait tourné autour de la même somme. Par contre, chez nous, je suis presque sûr qu’en donnant dix fois ce montant, je ne l’aurais pas obtenu ! Au prix du mètre carré, entreposer des blocs et des briques sur notre Vous couvrez les quatre pays de la Grande Région, ce qui est plutôt sol est devenu une aberration. Et pourtant, nous rare. Cela part d’une volonté ou c’est sommes obligés de le faire, afin d’avoir du stock le fruit du hasard ? et de pouvoir ainsi répondre rapidement aux Le fruit du hasard, non. Mais le fruit d’oppor- demandes. C’est l’une de nos forces. Nous devons tunités qui se sont présentées, oui ! Jusqu’en la conserver. 2006, Batipro – qui s’appelait alors Bati C –, notre enseigne spécialisée dans les matériaux Les fiscalités sont différentes aussi… lourds de construction, n’était présente qu’au Oui. Au niveau de l’imposition des bénéfices, Luxembourg. Puis, nous avons repris une s­ ociété mais pas seulement. C’est aussi le cas en termes à Thionville. Avant que l’occasion se présente, de fiscalité sociale. Ainsi, je vous avoue avoir de en 2013, du côté de Bastogne et d’Arlon. Trois gros soucis à garder mon personnel d’Athus, autres sites belges ont suivi (Athus, Libramont d’Arlon ou de Bastogne. Tout le monde voudrait et Rochefort). Des sites complémentaires, vu venir travailler là où c’est le plus avantageux que nous évoluons dans un secteur où on ne financièrement : au Luxembourg. Une dynapeut se permettre que de travailler dans un mique renforcée par des législations sociales certain périmètre. Pour rester rentable, il ne différentes: les congés parentaux, les allocations peut excéder 80km. familiales, etc., mais aussi l’indemnité de m ­ aladie ou de licenciement. Au Grand-Duché, le licenEt pour l’Allemagne ? ciement est bien compensé, par exemple, contraiNous y avons un pied-à-terre, à Perl, depuis rement à la France… Quand on met tout ça bout 2010. À l’époque, c’était une manière d’avoir à bout, on comprend qu’il peut devenir très accès à des fournisseurs allemands qui voulaient compliqué d’accepter sa situation. Où est le une adresse de facturation sur leur territoire mérite? D’autant plus que les cotisations sociales pour nous livrer. Aujourd’hui, la situation est sont plus importantes chez nos voisins… différente. Nous possédons un deuxième dépôt, à Trèves, et nous affichons la volonté de nous Comment fonctionnez-vous ? développer sur un marché allemand différent. Toutes les décisions stratégiques à moyen ou Désormais, Batipro est situé à cinq endroits long terme sont prises là où se situe mon bureau, au Luxembourg, cinq autres en Belgique, sans à Bertrange. Mais je laisse beaucoup d’auto­ oublier Thionville et le duo Perl-Trèves. Pour nomie aux différentes antennes et aux gens sur un total de plus ou moins 600 salariés. À côté, le terrain. Ce sont eux qui font le business. En au Grand-Duché, nous couvrons aussi le bri- termes de gestion, nous avons des bureaux du colage avec cinq magasins Batiself. Et puis le personnel dans chaque pays. Après, je ne sais sport, avec Intersport, Citabel, S-Cape et depuis pas si vous avez déjà vu une fiche de salaire peu Freelander’s, avec qui nous collaborons en belge ou française. Les législations sont d’un compliqué… La loi luxembourgeoise est bien vue d’une intégration dans notre groupe. plus simple. Mais du coup, en Allemagne, en Quelles sont les principales différences Belgique et en France, nous avons «outsourcé» que vous relevez entre les quatre pays vers des bureaux spécialisés en la matière. que vous couvrez ? La première chose qui me vient en tête, c’est le Vous rêvez d’une harmonisation ? domaine foncier ! Je n’ai pas besoin de vous Elle me simplifierait la vie! Mais toute la quesexpliquer la situation luxembourgeoise… tion serait de savoir à quel niveau la mettre

Le maillage de Batipro

Photo

Présent dans les quatre pays de la Grande Région dans le secteur des matériaux, Claude Wagner, CEO de Batipro, partage son expérience de la conduite d’activités sur plusieurs territoires.

« Tout le monde veut venir au Luxembourg »


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Prospective et perspectives

Quel visage pour la Grande Région en 2050 ? Comment planifier le développement économique de la Grande Région pour en faire un laboratoire de l’économie du futur ? Les chambres de commerce luxembourgeoise, française et belge ne livrent pas une réponse uniforme à cette question, mais une série de possibilités qui illustrent la richesse de ce bassin d’emplois et de compétences singulier. « Dire où l’on sera dans 30 ans, j’en suis incapable, mais si on continue à travailler ensemble, à échanger, à avoir des liens d’amitié, je pense clairement qu’on peut être une des régions ­d’Europe qui comptera parmi cet ensemble-là», résume Fabrice Genter, président de la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) Moselle Métropole Metz, lorsqu’on lui demande sa vision d’avenir de la Grande Région. Les responsables des chambres professionnelles de part et d’autre des frontières n’ont pas de boule de cristal pour prédire l’avenir de l’espace transfrontalier à l’échelle de 2030 voire 2050. Mais des certitudes pointent à un horizon de plus en plus proche : la crise climatique doit se préparer, les collaborations doivent se renforcer et les spécificités de chacun doivent être utilisées à bon escient. «Nous avons tous les mêmes défis à relever pour l’avenir: climat, développement durable, développement de l’intelligence artificielle, digitalisation… On se doit donc de ­pousser nos entreprises, mais il faut le faire avec ces objectifs en tête », déclare Bernadette Thény, directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie du Luxembourg belge. 82

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CES CHANTIERS DE MOBILITÉ QUI N’ONT PAS (ENCORE) ABOUTI Le P+R de Viville : Évoqué depuis 2014, le projet de P+R d’Arlon-Viville, à destination des frontaliers belges, a été remisé au placard par le ministre fédéral de la Mobilité Georges Gilkinet (Ecolo) en juin dernier, alors que le gouvernement luxembourgeois le juge prioritaire. La bande de covoiturage sur l’E411 : La bande de covoiturage entre Arlon et Sterpenich est un flop à 17 millions d’euros. Selon une étude de 2020, entre 20 et 30 véhicules l’empruntaient chaque jour en 2019. En attendant qu’elle soit prolongée côté grand-ducal... L’A31 bis : Ce projet qui vise à réduire la congestion sur l’A31 est dans les cartons depuis plus de 40 ans. Dernier fait en date : le comité de pilotage réuni début mars a définitivement écarté le tracé ­historique traversant Florange. La ligne Bruxelles-Luxembourg : Débutés en 2007 côté belge, les travaux visant à moderniser la ligne ferroviaire Bruxelles-Luxembourg, devraient durer au moins jusqu’en… 2028. Le Luxembourg a déjà annoncé qu’il n’aidera pas à supporter les futurs coûts du chantier, estimés à au moins 300 millions d’euros.

Un terreau fertile existant De l’avis de tous, les choses bougent d’ores et déjà sur le terrain, et la cartographie des spécia­ lisations par territoire est clairement identifiée. Le terreau serait déjà propice aux prochaines collaborations. «Peu de régions en Europe peuvent jouer sur une telle complémentarité que nous devons activer intelligemment,», estime Carlo ­Thelen, directeur général de la Chambre de commerce du Luxembourg. Qu’ils soient dédiés aux clusters ou qu’ils fassent l’objet du travail des centres de recherche, les sujets d’étude et de prospection partagés sont exploités, comme les écotechnologies, l’ICT ou encore les matériaux innovants. Faut-il, sur cette base, créer des hot spots spécifiques et mieux visibles à l’international? La réponse tient, là aussi, dans la collaboration autour d’un meneur de projets selon le secteur ou la thématique. À l’instar du réseau transfrontalier d’incubateurs, d’accélérateurs et de structures dédiés à l’innovation EU-Tribe, monté à l’initiative de la House of Startups, elle-même fondée par la Chambre de commerce luxembourgeoise. Et Fabrice Genter de citer l’Euro-Accélérateur, structure mise en place en Lorraine pour accélérer les projets d’entreprise avec l’appui du secteur de la recherche, des universités, des investisseurs. «On le fait déjà avec le Luxembourg, quatre comités d’accélération se sont tenus, et on a des entreprises, qui sont luxembourgeoises ou lorraines et qui travaillent des deux côtés, qui présentent des projets, et ce sont nos deux chambres de commerce mosellane, luxembourgeoise, avec Luxinnovation, qui servent de tuteurs à cet ensemble-là, ajoute le président de la CCI Moselle. C’est un accélérateur énorme, parce que ça ouvre beaucoup de possibilités, et c’est une initiative privée. Les S ­ arrois viennent actuellement en observateurs, mais la prochaine étape, ce sera d’avoir aussi des entreprises sarroises qui vont pouvoir présenter des dossiers, dès cette année.» Réussir une double transition La volonté est affirmée, du côté des chambres patronales, d’identifier les opportunités communes et de franchir les frontières administratives. « Nous faisons tous face à un problème d’attraction de talents, en particulier dans l’économie de la connaissance, ajoute Carlo Thelen. Dans cette Grande Région, qui n’est pas si grande en réalité, nous devons tirer profit de cette concentration de clusters que l’on ne retrouve pas ­ailleurs pour réussir tous ensemble la double transition environnementale et digitale.» Et pourquoi pas lancer de nouveaux centres de formation communs pour préparer les colla­ borateurs aux métiers de demain, et surtout anticiper les besoins d’une économie décarbonée qui est aussi synonyme de nouveaux développements pour la Grande Région. « Nous devons miser sur les bonnes pratiques et à nouveau les complémentarités. Si nous y parvenons, nous pourrions envisager de belles collaborations


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Enjeux Grande Région

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Construction 5,9 %

Agriculture, sylviculture, pêche 0,8 %

Industrie 17,2 %

Services marchands 44,6 %

Services non marchands 31,5 %

Source

calculs IBA-OIE (2018)

suit son chemin. Une idée qui pourrait ­permettre de résoudre la question du financement ­d’infrastructures communes. Et remiser les doléances sur de potentielles rétrocessions ­fiscales en compensation de l’impôt perçu par le Luxembourg sur les salaires des frontaliers. «Ce fonds de coopération bilatérale serait ­alimenté équitablement par tous et nous pourrions ­décider ensemble des projets ‘win-win’ à financer, explique Carlo Thelen. Il y a peut-être une certaine autonomie à donner aux régions concernées qui savent le mieux ce dont elles ont besoin pour permettre le développement commun avec le Luxembourg.» Un rôle d’ambassadeur pour le Grand-­Duché qui résume bien son statut au sein de l’espace transfrontalier. «Si le Luxembourg n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, on ne parlerait sans doute pas de cette Grande Région, appuie Bernadette Thény. C’est vraiment lui qui impulse une certaine dynamique. Nos entreprises regardent beaucoup en direction du Grand-Duché. Elles sont interpellées par la croissance que certaines entreprises réussissent à obtenir. Elles travaillent également de plus en plus en synergie avec leurs voisins grand-ducaux. Je les vois se rapprocher. Je trouve même qu’elles se complètent à merveille parfois.» À une certaine forme d’inégalité ressentie par les régions voisines (surtout quant à la capacité du Luxembourg à attirer la maind’œuvre) et d’autres points de divergences devrait succéder une volonté de continuer à imaginer un destin partagé pour cette communauté de territoires à l’histoire commune. L’enjeu climatique, le besoin de souveraineté industrielle retrouvé, l’autonomie énergétique et la concurrence accrue en Europe sur l’économie du savoir suffiront largement à mobiliser les énergies publiques et privées. Auteurs JULIEN CARETTE, IOANNA SCHIMIZZI et THIERRY RAIZER

3 QUESTIONS À JEAN ROTTNER, PRÉSIDENT DE LA RÉGION GRAND EST Qu’est-ce qui pourrait faire que la Grande Région fonctionne mieux ? Elle ne fonctionne pas mal. Elle pourrait être plus efficace, mieux intégrée. Même s’il se trouve qu’elle n’a pas mal fonctionné en période de crise. Il y a des perspectives, maintenant il faut la rendre peut-être encore plus simple dans sa gouvernance, encore plus évidente. Quand on parle de Grande Région, pour le commun des mortels, ça ne signifie pas grand-chose. Il faudrait peut-être un changement d’identité à travers un nom, un espace mieux défini et compris par la population qui permettrait à la Grande Région d’avoir encore plus de force. Avez-vous l’impression que le Luxembourg « prend » les travailleurs lorrains de certains secteurs-clés comme la santé, l’informatique, la finance ? C’est évident, mais je ne m’en plains pas. Nous allons augmenter notre quota de personnes formées. Certaines iront au Luxembourg, d’autres resteront en France. Mais celles qui iront au GrandDuché continueront de dormir chez nous, consommer chez nous et faire tourner l’économie locale. Vous vous êtes récemment rendu à Micheville. Où en est ce projet ? J’ai fait le point avec l’opérateur, les ministres, pour voir où en étaient les perspectives, pour pouvoir lancer un projet de mission commune des deux côtés des territoires. Cela me semble essentiel si l’on veut faire progresser tout ce territoire nord lorrain juste en face d’Esch-Belval. Il y a une nécessité de changer de paradigme, de réfléchir de façon différente, urbaine, économique, durable. C’est surtout de l’aménagement urbain, du service à la po­pu­ «Quand on parle lation qui est en de Grande Région, train d’être mené. Grand Est

Luxembourg, ambassadeur à Paris, à Bruxelles et à Berlin Faudrait-il, dès lors, institutionnaliser la Grande Région pour en améliorer le fonctionnement? «Vouloir institutionnaliser est très compliqué, tranche Fabrice Genter. Beaucoup d’initiatives sont prises dans différentes branches d’activité, et je pense qu’il ne faut pas avoir une vision qui englobe tout le monde dans un même carcan. Au contraire, il faut agréger les différences, c’est ça la force de la Grande Région. On arrive également à transformer des initiatives privées qui vont souvent bien plus vite que ce que peuvent légiférer les États, et c’est normal, je ne leur en fais pas grief. Donc créer une institution complé­ mentaire, ça ne nous fera pas forcément avancer au bon rythme, parce qu’il faut aller très vite.» Reste que l’économie dépend aussi des décisions prises au niveau politique. Face au millefeuille que connaissent les partenaires français, belge ou allemand, le Luxembourg peut ainsi jouer un rôle privilégié d’ambassadeur en tant que seul État souverain de l’ensemble transfrontalier. « Le Luxembourg peut continuer à sensibiliser Berlin, Paris et Bruxelles sur la réalité de cette région formidable et sur le fait qu’il est dans l’intérêt des responsables concernés d’y investir de manière intelligente, avec peut-être même un retour sur investissement qui sera plus grand que dans d’autres régions», mentionne Carlo Thelen. La gestion depuis les capitales n’étant pas forcément synchronisée avec la réalité du terrain, la création d’un fonds propre aux enjeux et investissements transfrontaliers

L’EMPLOI SALARIÉ EN GRANDE RÉGION PAR SECTEUR

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dans les écotechnologies ou dans l’exploitation de l’hydrogène en tant qu’alternative aux carburants fossiles, ajoute Carlo Thelen. Nous ne devons pas non plus oublier l’enjeu de la réindustrialisation en Europe dans le sillage des crises que nous vivons, pour ramener des capacités de production et moins dépendre de la Chine ou de la Russie.» La crise du Covid et l’invasion russe en Ukraine entraînent des discussions que d’aucuns n’envisageaient plus de façon structurelle. «Quand on regarde ce que les entreprises font de part et d’autre de la frontière, on se rend compte que ça bouge, il y a de la vie. Et, pour moi, c’est l’élément le plus important, parce que ça montre la perception qu’ont les entreprises dans différents domaines d’activité, le commerce, le BTP, l’automobile, dans certains domaines industriels. Il y a vraiment des éléments partagés», ajoute Fabrice Genter. Et de citer la présence en Moselle de 241 entreprises luxembourgeoises pour 15.000 emplois. «Parce que les discours, c’est important, ça donne des intentions, mais la réalité, on la voit au quotidien, et on voit de plus en plus d’entre­ prises visualiser leur marché et leur potentiel au travers de cette Grande Région.» Un message à destination des élus à qui il revient de gérer des problématiques concrètes et récurrentes comme la mobilité et, plus récemment, le cadre ­législatif propre aux travailleurs frontaliers.

pour le commun des mortels, ça ne signifie pas grand-chose.» JEAN ROTTNER Président Région Grand Est 8.200 - 8.500 SIGNES Retrouvez la version in extenso de cette interview sur paperjam.lu.


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Enjeux Grande Région

Emploi

Portrait-robot des frontaliers

45,2 %

« Les frontaliers représentent 45,2 % de l’emploi salarié au Grand-Duché, selon les chiffres de mars 2021. Les effectifs ont été multipliés par cinq en trente ans. Je ne crois pas trop à une baisse des effectifs de frontaliers, et ce ne serait pas bon signe non plus, car cela voudrait dire que l’économie luxembourgeoise ne va pas bien, donc ce n’est pas souhai­table. Peut-être que la croissance annuelle sera moins importante, mais c’est difficile à dire pour le moment. »

Tour d’horizon de la population frontalière d’hier et d’aujourd’hui, avec Isabelle Pigeron-Piroth, chercheuse en économie à l’Université du Luxembourg, membre de l’UniGR-Center for Border Studies, spécialisée sur la question des travailleurs en contexte transfrontalier.

Santé humaine et action sociale

5%

0%

(chiffres de mars 2021) SERVICES ADMINISTRATIFS ET DE SOUTIEN CONSTRUCTION

41 ans

INDUSTRIES EXTRACTIVES COMMERCE INDUSTRIE 60 %

80 %

100 %

C’est l’âge moyen des frontaliers. « J’ai l’impression qu’aujourd’hui, de nombreux frontaliers arrivent au Luxembourg après une première expérience dans leur pays. Il y a également un vieillissement des frontaliers qui restent travailler au Luxembourg et progressent donc dans la pyramide des âges », explique Isabelle Pigeron-Piroth.

Université du Luxembourg, d’après les données IGSS/CCSS

69 %

Source

Résidents luxembourgeois Résidents non luxembourgeois Frontaliers

AVRIL 2022

Finance et assurance

Activités de services admin. et de soutien

« Il y a des secteurs qui ne pourraient pas tourner sans les frontaliers, comme l’industrie, où ils sont 69 %, ou le commerce (60 %). Beaucoup de personnes pensent que les frontaliers travaillent majoritairement dans la finance, mais c’est au final leur quatrième secteur d’activité en 2021 (avec la nomenclature NACE Rev.2). Le premier, c’est la construction pour les fronta­ liers d’Allemagne, et le commerce pour les frontaliers de France et de Belgique. C’est donc une population très hétérogène », ajoute Isabelle Pigeron-Piroth.

Part des frontaliers par secteur

40 %

Construction Commerce, réparation automobile

10 %

« Les derniers chiffres publiés par l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) luxembourgeoise fin novembre 2021 font état de 212.900 salariés frontaliers au Grand-Duché, et soumis au régime du statut unique, c’est-à-dire qu’en sont enlevés les fonction­naires, qui sont 2.072. Parmi les salariés, on compte également 6.433 intérimaires, qui viennent principalement de France », précise Isabelle Pigeron-Piroth.

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(chiffres de l’année 2021)

15 %

212.900

20 %

Frontaliers résidant en Allemagne Frontaliers résidant en Belgique Frontaliers résidant en France

20 %

Auteur IOANNA SCHIMIZZI

0%

Répartition des frontaliers par nationalité et par secteur


FR/EN

10�6 INCLUSION FROM WORDS TO ACTION 10 experts et institutionnels témoigneront sur les enjeux majeurs de la responsabilité sociale des entreprises et partageront des idées d’actions concrètes concernant l’égalité de traitement, la lutte contre la discrimination, les critères de genre, de sexe, d’origine, d’âge ou de situation de santé.

Programme • Welcome cocktail (18:30) • Show (19:00) • Networking walking cocktail (20:15)

31.05

Mardi

Lycée Vauban, Luxembourg-Cloche d’Or

Inscription et informations : www.paperjam.lu/club


Portfolio

Les 10 ténors du pénal Photos GUY WOLFF Au palais de justice

Attentats, infractions, crimes de sang ou en col blanc… Les archives judiciaires regorgent d’affaires emblématiques, certaines non élucidées. Des feuilletons souvent médiatiques, dans lesquels les avocats figurent au rang de personnages incontournables. Rencontre avec 10 avocats pénalistes, toutes et tous reconnu(e)s comme des ténors du Barreau. Auteur BENOÎT THEUNISSEN

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Maître Lynn Frank « Comment peux-tu défendre quelqu’un qui a tué ? » Voilà une question que Lynn Frank entend souvent, et à laquelle elle répond : « C’est mon job, mais cela ne veut pas dire que j’approuve l’acte, et chacun a droit à une bonne défense par respect pour les droits de l’Homme. » D’autant plus qu’elle déclare adorer plaider, la procédure orale apportant son lot de situations surprenantes. « L’affaire peut changer de direction à tout moment. Le client prévoit de passer aux aveux et, devant le juge, il se rétracte. » Plaçant l’individu au centre des dossiers, elle s’est par exemple demandé comment un adolescent sans intention criminelle s’était laissé attirer par une dynamique de groupe dans un meurtre. Sportive, elle intervient régulièrement dans le droit du sport. Diversifier les domaines traités reste primordial pour elle. « De temps en temps, je trouve que j’ai développé un argumentaire que je n’aurais pas eu si je n’avais été que dans le droit pénal. » AVRIL 2022

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Maître André Lutgen André Lutgen est dans sa 49e année de pratique judiciaire. Avec une spécialisation dans les affaires de criminalité financière, sa carrière compte aussi trois années passées au Parquet et 12 autres comme juge d’instruction. « Le crime financier m’a toujours intéressé. C’est technique et parfois politique. » En tant que magistrat, il a eu l’occasion de travailler sur des affaires complexes, telles que celle des faux bilans de la Centrale Paysanne ou de Banco Ambrosiano. Il a occupé le rôle de l’avocat pour les liquidateurs de la BCCI de 1993 à 1999 et a joué un rôle déterminant dans les affaires Clearstream de 2001 à 2004, PanEuroLife de 2001 à 2009, ou encore KBL de 2007 à 2012. Il s’est spécialisé dans l’organisation de la défense à l’international. Ses expériences de magistrat influencent son travail d’avocat. « C’est plus qu’un stage ! » Il a également contribué à la sensibilisation de la Place à la prévention du blanchiment d’argent, donnant des conférences dès la fin des années 80. « Aujourd’hui, la matière est devenue d’une technicité extrême. » 90

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Maître Lydie Lorang Au début de sa carrière, Lydie Lorang pratique le droit de la famille, mais se lance peu à peu dans le droit des affaires. Elle déclare « avoir eu la chance de trouver un associé dans un domaine du droit qui n’était pas favorable aux avocates ». Une trentaine d’années plus tard, elle fonde son cabinet actuel. « Je me suis dit que si je ne le faisais pas, je ne le ferais plus. » Face à la sous-représentation des femmes dans le métier, elle répond que, pourtant, « elles sont plus dubitatives ». Ce qui les amène à se remettre souvent en cause. Une qualité essentielle, selon elle. Voilà une compétence qui l’a par exemple aidée dans l’affaire du Bommeleeër (affaire des attentats à la bombe entre 1984 et 1986, toujours non élucidée). « Pendant 173 auditions, je me suis demandé ce que nos mandants faisaient là. Quand je les vois souffrir, cela m’affecte. » Elle insiste à cet égard sur le fait que les juges ressentent quand un avocat ne croit pas en son client. AVRIL 2022

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Maître Rosario Grasso Rosario Grasso se souvient que l’une de ses tantes, parmi les premières femmes avocates en Sicile, l’emmenait au tribunal quand il passait ses vacances chez elle. Plus tard, son père, fonctionnaire au ministère italien des Affaires étrangères, lui a dit : « Si tu fais du droit, toutes les portes s’ouvrent. » Il a ainsi effectué ses études en ce sens. La criminalité en col blanc l’a attiré. « En début de carrière, mon patron m’a permis d’avoir ma propre clientèle. » Il s’est donc arrangé pour passer le plus possible devant le cabinet d’instruction pour se voir attribuer des commissions d’office et développer son expertise pénale. Au début des années 2000, des dossiers financiers importants commencent à voir le jour au Luxembourg, où il valorise son expérience. Depuis lors, il observe également un rôle préventif de l’avocat pénaliste. Bâtonnier de 2014 à 2016, l’un de ses combats a été de s’engager pour une rémunération digne en faveur des jeunes avocats. 92

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Maître François Prum Ancien bâtonnier de 2016 à 2018, François Prum s’est toujours investi dans les activités de la profession. Avant son mandat, il était par exemple vice-président du conseil disciplinaire et administratif des avocats. Un certain état d’esprit l’a ensuite suivi : « En devenant bâtonnier, on devient le garant de la profession. » Et aussi une posture lorsqu’il prend la défense d’avocats : « Être défendu par un ancien bâtonnier, ça envoie un message très clair. » Il intervient ainsi dans des affaires d’escroquerie, de faux ou de blanchiment. Une affaire dans laquelle il défendait une minorité kurde pour des fonds gelés l’a particulièrement marqué. « Lorsque j’ai consulté le dossier pénal à Ankara, je me suis retrouvé dans une salle entouré de policiers cagoulés et armés qui nous surveillaient. » Il souligne l’importance de passer du temps aves ses clients pour établir une relation de confiance, indispensable pour une bonne défense : « Il faut pouvoir se mettre à la place de la personne que l’on défend. » AVRIL 2022

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Maître Pol Urbany « J’avais prévu de suivre des études médicales. » Quand on discute avec Pol Urbany, on se rend compte de la diversité de ses passions. Pilotage, ingénierie du son, musique… Son ouverture d’esprit lui sert dans son quotidien d’avocat pénaliste, comme lorsqu’il a représenté les familles des victimes dans le crash d’un avion Luxair en 2002. « En filtrant le fichier son de la boîte noire du cockpit, j’ai identifié que le capitaine qui avait survécu était aux commandes lors du crash, alors qu’il prétendait que c’était son copilote décédé. » Amateur d’affaires complexes et procédurier, il met l’accent sur la recherche des faits, « pour éviter l’erreur judiciaire à cause d’enquêtes mal faites, ou des instructions menées seulement à charge des suspects ». Il a par ailleurs rapidement appris « que la plus grande lutte d’un avocat n’était souvent pas celle contre le procureur, mais la lutte contre les préjugés d’un magistrat ». 94

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Maître François Moyse Intéressé par la politique et la diplomatie, François Moyse s’est lancé dans le droit avec l’objectif de comprendre les institutions. « Les règles, c’est du droit. » À défaut d’aimer les affaires violentes, il préfère les dossiers complexes. Ainsi est née sa vocation de pratiquer le droit pénal économique. Citant l’exemple de quelques dossiers de faux et usage de faux, il pointe l’absence de techniques de pointe dans les expertises : « Je regrette qu’un accusé risque une condamnation lorsque la justice a recours à un expert qui n’est pas graphologue de formation, avec des procédés qui font penser à l’affaire Dreyfus du point de vue technique. » Il a fait des droits humains sa spécialité, plaidant dans le cadre des violations de la Convention européenne des droits de l’Homme. Sa plus grande fierté dans sa carrière : « J’ai fait acquitter un client à la barre. » Au quotidien, c’est en échangeant avec des ténors des Barreaux de Bruxelles et de Paris qu’il retire « une source de fierté, d’inspiration et d’exemplarité ». AVRIL 2022

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Maître Frank Rollinger Frank Rollinger envisageait une carrière d’enseignant, mais c’est la profession d’avocat qui l’a attiré. Un métier qu’il qualifie de « vivant ». « On collabore avec énormément de personnes différentes, de toutes classes sociales. » Selon lui, le droit pénal constitue une excellente école. « On est toujours perdant au début. L’avocat travaille seul contre toute une machine. » C’est ce qu’il a par exemple vécu dans l’affaire du meurtre de Hassel (meurtre à la hache d’un homme de 69 ans, commis dans la nuit du 1er novembre 2010 à son domicile et durant son sommeil), pour lequel trois personnes ont été con­ dam­nées à perpétuité en première instance avant d’être acquittées en mars 2015, en deuxième instance : « Les policiers établissent des notes de synthèse, laissant parfois de côté des nuances et ne rendant pas toujours une image fidèle du dossier. » Un autre de ses combats : « Avoir le courage de démontrer que certaines affaires­ ­poli­tico-médiatiques ne méritent pas d’arri­ver en audience, car vides. Elles impacteront à vie les acquittés de manière négative. »

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Maître Philippe Penning « Depuis la présence quasi systématique d’avocats en cas d’arrestation, on faisait aussi appel à moi en dernière minute pour des interrogatoires devant le juge d’instruction, vu la proximité de nos bureaux », se souvient Philippe Penning. De la sorte, il a glissé vers le pénal avec des affaires de plus en plus spectaculaires. L’affaire Bejaoui, le preneur d’otages de Wasserbillig, en 2000, a ainsi tracé sa voie d’avocat pénaliste. Son parcours d’études l’a notamment amené à Washington et Munich, dont il en ressort avec un attachement pour les langues. « Les lois sont en français, on plaide en luxembourgeois sur un PV en allemand et avec des documents en anglais », résume celui qui a épousé une carrière dans le droit comme son père Jim, fondateur de l’étude. En tant que président de l’Association luxembourgeoise des avocats pénalistes, il défend aussi un renforcement des moyens alloués aux enquêteurs, ce qui permettrait d’accélérer les affaires criminelles financières, également au bénéfice des victimes. 98

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Maître Gaston Vogel Après 60 ans de Barreau, quand on lui demande les raisons qui l’ont mené au droit pénal, Gaston Vogel répond : « C’est une vocation. » Une vocation pour l’art oratoire, qui est née lors de son cycle de lycée classique où l’étude du latin était obligatoire, accompagnée de cours de littérature. Arrivé dans l’enseignement supérieur, « ce fut l’année la plus prodigieuse de ma vie », s’exclame-t-il, durant laquelle il a appris la philosophie morale et la logique formelle. « C’était très dur. On était 33 pour faire l’examen, on n’était plus que trois pour le passer. » Une dureté qui l’a suivi. « Je suis un humaniste, mais extrêmement sévère avec les autres et moi-même. Je ne tolère pas qu’on puisse aborder l’angoisse humaine de façon banale. » C’est bien ça qui le motive dans sa profession : l’humain ! Il est d’ailleurs aussi formé à la psychiatrie. « Je travaille sur le tissu humain. Je ne traite que des affaires où quelqu’un a eu un point de cassure, où soudain l’existence s’est projetée contre le mur. » AVRIL 2022

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Bienvenue au Club ! 100

Business Club

Chers membres, Bas les masques, du moins pour ceux qui le veulent. Quel beau début de printemps avec un semblant de liberté retrouvée. Avec ces assouplissements des restrictions sanitaires, la vie d’avant-crise semble reprendre son cours normal. Les entreprises, dont les modèles économiques reposent sur du travail en présentiel, demandent à leurs employés de regagner le chemin des bureaux. Le travail ainsi que le recrutement à distance s’étaient ancrés depuis deux ans dans nos habitudes. Beaucoup d’entreprises s’y étaient adaptées. Continuera-t-on à recruter et à manager à distance ? Privilégierat-on l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle ? Comment tirer au mieux parti de la flexibilité et du confort des solutions techniques, sans perdre la qualité des relations humaines ? Directeurs, professionnels et responsables de ressources humaines, venez partager vos expériences, vos best practices et vos avis en la matière lors du Breakfast Talk du 26 avril « Recruter et manager à distance ». Béatrix Charlier, auteure d’Activez les talents de votre entreprise, et Pascal Martino, partner Advisory & Consulting chez Deloitte, apporteront leur expertise et leur expérience en la matière. Réservez aujourd’hui votre place. Stay safe and take care! ARTUR SOSNA Paperjam + Delano Club Director PIERRE-YVES LANNEAU SAINT LÉGER Head of Programming

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Inspire Venez écouter des experts, décideurs et influenceurs locaux ou internationaux s’exprimer sur des sujets d’actualité variés. Qu’il s’agisse de 10×6, tables rondes, débats, ou encore de keynotes, ces rendez-vous vous proposeront une dose d’inspiration pour penser à votre business de demain. Des rendez-vous suivis d’un cocktail dînatoire propice aux échanges et au networking.

Learn Offrez à vos colla­borateurs un pro­gram­me de formation annuel. La Paperjam Academy est un centre de formation continue agréé par l’État, offrant un portfolio ambitieux. Un large choix qui se décline par secteur, métier ou de manière transversale, proposé dans des domaines-clés, avec notamment 300 heures de formation dispen­sées sur neuf journées par les experts membres du Club.


Le Club en chiffres

Engage Encouragez l’intégration de vos collaborateurs expatriés au Luxembourg en les faisant participer à nos événements Live et dédiés : Delano lives et Let’s Let’s Taste. taste. Le meilleur moyen de rencontrer la communauté des résidents étrangers au Luxembourg ! Créez de la valeur pour vos employés grâce aux événements événements du du Club. Club

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C’est le nombre de sociétés qui composent le club d’affaires le plus important du Luxembourg.

19.000 PERSONNES

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C’est le nombre de personnes qui font partie de la communauté active du Paperjam + Delano Club et avec lesquelles vous aurez le potentiel d’interagir.

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ÉVÉNEMENTS Événements physiques et digitaux. Entre conférences, formations, networkings et workshops, ce sont presque 250 événements par an auxquels vous pouvez participer.

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Network Rejoignez les 1.100 sociétés membres du Paperjam + Delano Club et développez votre réseau. Générez de nouvelles opportunités d’affaires dans un cadre convivial et informel avec nos formats Networking Circles, Déjeuners Carrousel, CEO Cocktails, ou encore les visites Dans les coulisses… Pour joindre l’utile à l’agréable !

COMMENT PARTICIPER AUX ÉVÉNEMENTS DU PAPERJAM + DELANO CLUB ? Vous êtes déjà membre Il vous suffit de vous rendre sur notre site web paperjam.lu, dans la section Club, afin de trouver l’événement auquel vous souhaitez participer. Remplissez le formulaire d’inscription en bas de page pour vous inscrire à nos événements physiques ou digitaux.

Vous n’êtes pas encore membre Il vous suffit de contacter l’équipe du Paperjam + Delano Club par e-mail via club@paperjam.lu, qui vous mettra en relation avec l’un de nos chargés de compte pour vous faire entrer dans le plus grand business club du Luxembourg.

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David Sibaud (Etoile Rodenbourg)

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Anastassia Sibaud (Kairostream) Laura García (LIST)

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Roberto Ilarduya (NTT DATA)

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Ne manquez pas

Business Club Avril 2022

Mardi 19 avril

Mardi 26 avril

10×6

Architecture : passion

Des architectes et des passionnés présentent chacun une œuvre architecturale qu’ils admirent sans en être les concepteurs. Ce 10×6 sera l’occasion d’entendre des figures bien connues du paysage architectural luxembourgeois, mais aussi des talents internationaux, qui livreront un regard neuf sur la Grande Région. Un échange captivant sur cette science artistique au service de la création de projets qui font de ce monde un endroit meilleur ! PROGRAMME 18:30 – 22:30

Inscrivez-vous

LIEU Lycée Vauban SPONSOR BREAKFAST TALK

Recruter et manager à distance

Avec la pandémie, le travail à distance s’est ancré durablement dans les usages. Alors que certains voient dans le télétravail un moyen de rétablir l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, d’autres l’appréhendent comme une contrainte et une charge mentale. Comment tirer au mieux parti de la flexibilité et du confort, sans perdre la qualité des relations humaines ? Ce Breakfast Talk Inscrivez-vous s’adresse spécifiquement aux professionnels RH. PROGRAMME 08:30 – 10:30 LIEU Salon Namur

Jeudi 28 avril APÉRO TALK

The key issues for the fund industry

As the main contributor to the country’s economy, the twelfth most important financial centre in the world and the third in Europe, Luxembourg is the leading centre for investment funds in Europe. During this event, Corinne Lamesch, chairperson of the Alfi (Association of the Luxembourg Fund Industry), and Nasir Zubairi, CEO of the Lhoft, will discuss the major challenges facing the Luxembourg fund industry. PROGRAMME 18:30 – 21:30

Inscrivez-vous

LIEU The Car’tell

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Pour vous inscrire, rendez-vous sur le site du Paperjam + Delano Club : club.paperjam.lu


BREAKFAST TALK RECRUTER ET MANAGER À DISTANCE Programme • Welcome breakfast (8h30) • Set the tone (9h00) • Table ronde (9h10) • Express pitch (9h50) • Conclusions (10h05) • Networking coffee break (10h10)

Béatrix Charlier Founder & CEO, P’op

Joachim Cour Partner, Elvinger Hoss Prussen Pascal Martino Partner Advisory & Consulting, Deloitte Luxembourg

26.04

Mardi

Namur, Luxembourg-Hamm

Inscription et informations : www.paperjam.lu/club


Le programme

Business Club Avril / Mai 2022

Mercredi 06 avril WEBINAR

Vendredi 22 avril

Vendredi 29 avril

Breakfast Nouveaux Membres

Déjeuner Carrousel

HORAIRE 08:15 – 09:30

HORAIRE 12:00 – 14:00 LIEU Le Sud

LIEU The Office City Jeudi 05 mai Mardi 26 avril

BREAKFAST TALK

BREAKFAST TALK

Data breach : le RGPD comme instrument de gestion de crise HORAIRE 13:30 – 14:30, Livestream

Recruter et manager à distance HORAIRE 08:30 – 10:30 LIEU Salon Namur

Mercredi 27 avril WEBINAR

PSF de support : nouvelles règles d’outsourcing

Mardi 19 avril 10×6

Architecture : passion

HORAIRE 08:30 – 10:30 LIEU Salon Namur

HORAIRE 18:30 – 22:30

SPONSOR i-Hub

LIEU Lycée Vauban SPONSOR Polygone

Mardi 10 mai Jeudi 21 avril

La conduite du changement : quelles sont les bonnes pratiques ?

WORKSHOP

HORAIRE 13:30 – 14:30, Livestream

Journée de workshops HORAIRE 09:30 – 12:45 LIEU Abbaye de Neumünster

Jeudi 12 mai LUNCH TALK

Networking Circle – CEO Only HORAIRE 18:30 – 21:30

Journée de workshops

LIEU Buzz SPONSOR Fidentia

HORAIRE 09:30 – 12:45

LIEU Abbaye de Neumünster

Jeudi 21 avril

Delano Live + Meet the Scandinavian community: will AI help or hinder the diversity agenda for HR professionals? HORAIRE 18:30 – 20:00 LIEU Zulu SPONSOR ING

Advanced Training : réussir la digitalisation de votre entreprise HORAIRE 08:30 – 12:00 LIEU Chambre des salariés

La décroissance, un tabou ? HORAIRE 11:30 – 14:30 LIEU Salon Namur

Jeudi 28 avril APÉRO TALK

The key issues for the fund industry HORAIRE 18:30 – 21:30 LIEU The Car’tell

Retrouvez le programme complet

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Pour vous inscrire, rendez-vous sur le site du Paperjam + Delano Club : club.paperjam.lu


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FORMATIONS AVANCÉES RÉUSSIR LA DIGITALISATION DE VOTRE ENTREPRISE Cycle de formation de trois modules de 3 heures animés par des experts confirmés 27 avril Digital disruption : comment mettre en place une stratégie digitale dans votre entreprise ? 12 mai Data revolution : comment exploiter vos donnée pour créer de la valeur ? 21 juin Digital transformation : comment accélérer sa transformation digitale ?

Horaires 8h30 12h00

Chambre des Salariés Luxembourg-centre

Inscription et informations : www.paperjam.lu/club


Flashback « Quand on veut, on peut. Cela ne dépend pas du genre, mais de la volonté d’y arriver. » Ilana Devillers F4A

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Vos événements Un inspirant 10×6 Women: Leaders’ role models s’est tenu au Lycée Vauban ce 22 février. Des leçons de vie au développement de leur leadership, 10 femmes exceptionnelles nous ont exposé leur parcours personnel et professionnel. Nous remercions encore IQ-EQ pour son soutien. Ce fut aussi un mois riche en apprentissage pour nos membres, avec le départ de la nouvelle édition des Advanced Trainings « booster votre middle management », tenus par notre expert 1 Christopher Frères (Banque Degroof Petercam). 2 Claude Turmes, ministre de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire, était l’invité de Nathalie Reuter pour l’Apéro Talk accompagnant le lancement du supplément Paperjam Mipim. La discussion a porté sur l’aménagement du GrandDuché, l’attractivité du Luxembourg ainsi que ses défis énergétiques. Plus de 200 membres du Club se sont réunis lors de nos journées de formations mensuelles avec nos experts et ont travaillé ensemble sur les human et hard skills. Le Networking Circle du 3 mars a été l’occasion pour nos 60 membres de créer de nouvelles opportunités, dans le cadre poétique de Subtile. Accompagnés par notre expert des vins 3 Lucas Ney (Vinaly), ils ont dégusté un choix de quatre références issues de ses coups de cœur. Enfin, le Delano Live + Meet the British community du 22 mars s’est intéressé aux conditions humaines et matérielles propices au lieu de travail parfait. Des intervenants aux grandes idées ont apporté leurs solutions pour concilier les besoins du personnel et de la direction. Cette soirée fut aussi l’occasion de célébrer les 30 ans de soutien de la Chambre de commerce britannique aux entreprises du Grand-Duché. Nous remercions encore ING pour sa fidélité et son soutien.

Crédits

Eva Krins, Simon Verjus

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paperjam.lu

« Je me suis construite aussi avec des anti-modèles. » Marie-Adélaïde Leclercq-Olhagaray Arendt AVRIL 2022

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Ma maison

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La sculptrice Teresa de la Pisa vit avec sa famille dans une maison de ville qu’elle s’est appropriée avec style.

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Cela fait désormais huit ans que Teresa de la Pisa, son mari et leurs trois garçons vivent à Luxembourg. D’origine espagnole, la famille s’est installée dans une maison de ville avec jardin. Étant sculptrice, Teresa de la Pisa n’a pas hésité à s’entourer de ses créations, que l’on retrouve à plusieurs endroits. Dans le salon, la lumière entre grâce à la grande baie vitrée en double hauteur qui divise la pièce en deux salons aux ambiances différentes.

Du côté du mobilier, c’est un savant mélange entre ancien et contemporain. « Nous avons la chance d’avoir plusieurs meubles qui proviennent de nos familles. Mes études de mode m’ont permis de développer une compréhension des volumes, ce qui m’aide beaucoup pour l’agencement de notre intérieur », précise Teresa de la Pisa. Aux étages, on trouve les chambres, mais aussi ­l’espace qui lui sert d’atelier. « J’y passe de nombreuses heures », explique-t-elle. En plus de la zone de travail, il y a un coin salon et un espace fitness en mezzanine, très important pour cette femme active qui fait beaucoup de sport.

Auteur CÉLINE COUBRAY Photos GUY WOLFF

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VIVRE AVEC SES 108

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5 1 Teresa de la Pisa aime jouer avec la transparence dans ses sculptures. 2 Dans la salle à manger, le bambou et l’osier apportent une note de fraîcheur. 3 Dans l’un des deux salons, le blanc et le rose prédominent, pour une ambiance tout en douceur. 4 De l’autre côté, le second salon dévoile une tout autre ambiance, plus sauvage et africaine. 5 Au dernier étage de la maison, un salon con­fortable et intime complète l’espace de l’atelier.

SCULPTURES AVRIL 2022

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Lucas Ney Fondateur et CEO Vinaly Comment définiriez-vous votre rapport à la mode ? Je ne suis pas vraiment la mode, je préfère les classiques intemporels qui ne se démodent pas. Quel est votre dernier craquage mode ? Mon dernier craquage a été un très joli costume rose clair… Idéal en été, en mode relax, avec un T-shirt blanc en dessous, tout simplement. Quel est votre accessoire préféré pour compléter une tenue ? Je ne vais pas être original, mais c’est ma montre IWC avec son bracelet en cuir bleu marine qui colle parfaitement à mon style relativement classique… Que vous inspire la couleur rouge lorsque vous la portez ? Étant Bélier, avec un caractère fonceur, le rouge me colle vraiment à la peau. Avec cette veste, je suis en mode show. Que porter à l’occasion d’une dégustation de bon vin ? Tout sauf du blanc, ­évidemment… Les taches arrivent bien trop rapidement ! Quelle pièce aimeriez-vous transmettre, et à qui ? Ma montre, à ma descendance. Une adresse shopping coup de cœur au Luxembourg ? Je trouve toujours des fringues sympa chez Paul Smith, dans le centre-ville de Luxembourg.

Red Red Wine 110

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Mon style

Sarah Sy Consultante senior en finance Comment définiriez-vous votre rapport à la mode ? Je définirais la mode comme étant une façon de s’exprimer, d’affirmer son caractère, sa personnalité aux yeux de tous. Pour moi, bien s’habiller permet de se sentir bien dans ses vêtements, dans son corps, dans son esprit et d’accroître sa confiance en soi. Quel a été votre premier achat mode significatif ? Mon premier sac de luxe Gucci, lorsque j’ai reçu mon premier salaire. Depuis lors, chaque année, je me fais un petit plaisir en achetant un nouveau sac canon avec le bonus de fin ­d’année ! Conseil stratégique : investir dans un intemporel qui prendra de la valeur. Quel est votre accessoire préféré pour compléter une tenue ? Les bijoux, toujours ! Si la tenue paraît simple, une belle paire de boucles d’oreilles, quelques bagues et un collier sympa peuvent faire la différence. Que vous inspire la couleur rouge lorsque vous la portez ? Sexy ! Lorsque je suis en rouge, je me sens belle, confiante et capable de tout accomplir. Que porter à l’occasion d’une dégustation de bon vin ? Un blazer oversize avec des épaulettes. Chic et classique, l’élégance sans effort. Quelle pièce aimeriez-vous transmettre, et à qui ? Mon futur sac Hermès, à ma future fille, le jour de ses 18 ans. Une adresse shopping coup de cœur au Luxembourg ? Le Cloche d’Or Shopping Center. Entre Zara, Weekday, Sephora et Courir, il y a tout ce qu’il faut pour trouver le parfait outfit pour chaque événement.

Interview FABIEN RODRIGUES Photos GUY WOLFF

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Ma collection

ire de as à fa un sujet site p e é d ’h o n m s. Anna our la c ses élève oût p son g ussion ave c de dis

Coloré et à motifs 112

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Anna Seyer aime la mode, la mode colorée et les motifs mélangés, des looks qu’elle compose en fonction de ses humeurs et envies, mais toujours avec optimisme. Depuis qu’elle est bébé, Anna Seyer porte de la couleur et des motifs mélangés. « Ma mère est férue de mode. Elle était très intéressée par le stylisme et adorait mixer les motifs et les couleurs. J’ai toujours été habillée comme cela, et je dois dire que j’adore ! » Aujourd’hui encore, c’est dans ce type de tenues qu’elle se sent bien. « Cela m’apporte beaucoup de plaisir, une grande dose d’optimisme et de dynamisme. » Sur Instagram où elle publie une sorte de journal de ses tenues (@annaroslily), elle contribue volontiers au hashtag « dopamine­dressing ». S’habiller de cette manière est, pour Anna, une source de bien-être. « Comme je suis institutrice, mes tenues vestimentaires ne sont pas une source de difficultés. De plus, c’est aussi l’occasion de discuter avec mes élèves de la tolérance et du respect des différences. » Pour composer son vestiaire, Anna achète principalement en seconde main. « Je suis une grande acheteuse sur les plateformes telles que Vinted ou Vestiaire Collective. Mais j’achète aussi très souvent au Luxembourg. » Elle est toujours attentive à la provenance de ses vêtements et privilégie le plus possible les entreprises responsables et transparentes sur leur mode de production. « La vie serait trop triste si tout le monde était habillé de la même manière », affirme-t-elle avec un grand sourire. Une devise qu’elle a parfaitement adoptée et qu’elle pratique au quotidien.

Auteur CÉLINE COUBRAY Photo GUY WOLFF

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Ma recette

En tant que CEO de Vendimus, Lucie Hoffmann met en relation les acteurs du secteur IT. En cuisine, elle aime associer les saveurs en s’inspirant de ses voyages. La preuve avec une superbe recette venue de Tel-Aviv… Pour 4 personnes Préparation : 15 minutes Cuisson : 10 minutes POUR LA RECETTE 4 kakis israéliens si possible, ou 3 portugais, souvent plus gros 3 00 g de manouri 5 pincées de zaatar (à trouver en épicerie bio) S ésame torréfié H uile d’olive F leur de sel O rigan frais (optionnel)

Découpez les kakis en petits cubes d’un centimètre de côté. Il est parfois difficile de trouver des kakis lorsque ce n’est pas la pleine saison, c’est donc une recette assez saisonnière. Mais La Provençale ­propose de très jolis kakis israéliens, si c’est la période. Découpez le manouri – un fromage d’origine grecque et levantine semi-doux à base de petit lait de brebis ou de chèvre – en briquettes d’un centimètre par deux. Faites revenir les deux préparations dans un peu d’huile d’olive, dans deux poêles ­séparées, à feu moyen à fort, pendant une dizaine de minutes. Le but est d’avoir une jolie coloration caramélisée pour les deux ingrédients, tout en s’assurant que le cœur du kaki reste croquant et que celui du manouri reste bien moelleux. Réservez séparément. Torréfiez rapidement une petite poignée de graines de sésame dans la poêle ­utilisée pour les kakis. Dressez dans une grande assiette en mélangeant kakis et manouri, puis saupoudrez de sésame et de zaatar. Trinquez avec un bon verre de vin, et profitez ! Un vin blanc sec nature bien équilibré se mariera parfaitement avec cette recette… Par exemple, la cuvée Karambolage 2019 en 100 % Elbling nature, du viticulteur allemand Jonas Dostert, dont les vignes se trouvent juste de l’autre côté de la Moselle, à Nittel.

Kakis et manouri au zaatar 114

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Auteur FABIEN RODRIGUES Photos GUY WOLFF



Mon mental

Atteinte de sclérose en plaques, Nadine Schauer a trouvé dans la thérapie équestre une approche qui lui convient parfaitement. « Cela a commencé par des troubles urinaires, qui ont duré des années. J’ai vu plusieurs médecins, dont des urologues et neurologues, qui m’ont fait passer un check-up complet à l’hôpital. C’est à ce momentlà qu’on m’a annoncé que j’avais une sclérose en plaques », explique Nadine Schauer. Quand elle reçoit ce diagnostic, elle le prend mal et est sous le choc. « J’avais alors 29 ans, et nous venions tout juste de ter­miner les travaux dans notre maison. Dans ma tête, il y avait ce schéma ‘travail, maison, enfant’ que je souhaitais accomplir.

Avec la thérapie équestre, Nadine Schauer a trouvé une activité qui la comble pleinement.

Comment allais-je pouvoir vivre avec cette maladie ? Fallait-il que nous réentamions des travaux dans la maison pour l’adapter à une personne à mobilité réduite ? Pouvais-je envisager de tomber enceinte ? C’était très stressant, et l’évolution de la maladie est difficilement prévisible », explique Nadine Schauer. Travailler, pour ne pas y penser Pour ne plus y penser, Nadine Schauer préfère alors se réfugier dans le travail, pour occuper pleinement son esprit. « C’était comme une bouée de sauvetage pour moi. En me consacrant pleinement

à mon travail, j’évitais de penser à la maladie. » Une fois le choc passé, Nadine décide, avec son mari, que le projet d’avoir un enfant ne doit pas être abandonné. Par chance, elle tombe rapidement enceinte, et la grossesse se passe bien. Mais quelques mois après avoir accouché, elle a une forte poussée qui l’oblige à se faire administrer des soins, qu’elle demande à recevoir de façon ambulatoire, pour pouvoir continuer à s’occuper de son jeune fils. Le cerveau en soutien Puis, le fil de la vie reprend son cours, avec des traitements

pour freiner l’évolution de la maladie. « En 2002, je suivais un traitement par intraveineuse qui était très difficile à injecter. J’avais des hématomes énormes, et mon mari était totalement abattu de ne pas pouvoir m’aider. J’avais cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, mais je ne suis pas du genre à me laisser abattre. J’estime que le cerveau peut beaucoup aider dans le processus de lutte contre la maladie. J’ai donc gardé des idées positives et combatives. » C’est ainsi qu’elle décide d’essayer d’avoir un autre enfant, malheureusement sans succès. « Mais ce n’est pas

Rester confiante et combative 116

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grave, j’ai l’immense chance de pouvoir être maman. Et c’est déjà formidable. »

« Je veille à ne jamais dépasser mes limites, à prendre soin de mon corps. »

Garder la maladie pour elle Les années passent, et la maladie va et vient. « En 2011, j’ai eu une poussée qui m’a marquée, mais les effets diminuent avec le temps. Pour le moment, j’ai la chance de ne pas encore avoir trop de séquelles. C’est une maladie qui, chez moi, n’est pas visible. Il n’est donc pas si difficile de vivre une vie normale. » C’est pourquoi très peu de personnes de son entourage sont au courant. Elle n’a pas souhaité en parler à son fils, par exemple, tant qu’il n’était pas suffisamment mûr pour le comprendre, « pour le pré­server et qu’il ne s’inquiète pas d’avoir une maman malade ». Elle décide toutefois d’en parler à son travail, pour éviter qu’elle ne soit trop mutée d’un service à un autre. « J’ai aussi préféré pré­venir mon employeur, car il faut que j’évite de vivre des situations trop stressantes, le stress étant un facteur négatif pour mon état général. Mais en aucun cas je ne veux attirer la pitié. Je suis une personne normale. »

Rester active À côté de son traitement, il est recommandé de conserver une activité physique. « Depuis des années, j’ai de très fortes douleurs au dos. C’est pourquoi je cherchais en priorité des activités qui puissent me soulager sur ce point, comme la marche, la natation, ou encore la gymnastique en pleine conscience, qui m’aidait beaucoup pour accroître ma flexibilité. Mais avec la pandémie, cette dernière activité a dû s’arrêter. C’est alors que j’ai découvert la thérapie équestre. Je me suis renseignée et ai trouvé l’association de thérapie équestre à Mondercange. » Et cette nouvelle activité apporte beaucoup à Nadine. Depuis quelques mois, elle se rend toutes les semaines au centre équestre, où elle monte pendant 20 minutes, à cru, accompagnée par une thérapeute et une assistante. « En plus d’entraîner ma posture, de renforcer ma musculature, de gagner en endurance et en souplesse, la relation avec l’animal est très bénéfique. Cette relation me calme et m’apporte énormément. C’est exceptionnel de pouvoir avoir cette proximité

avec un autre être vivant. Il faut être attentive à son comportement, essayer de le comprendre, le respecter, tout en sachant trouver sa place dans cette relation. » Pour l’avenir, Nadine reste confiante et préfère vivre au jour le jour, en profitant pleinement de chaque instant. Elle continue de suivre une thérapie avec un kinésithérapeute pour pathologies lourdes qui lui apporte beaucoup de bénéfices pour la mobilité en général. Quand on lui demande ce que la maladie lui a appris, elle répond sans hésiter : « à vivre pleinement chaque instant, avec plus d’intensité. Je veille à ne jamais dépasser mes limites, à prendre soin de mon corps, à ne pas prendre de poids et à ne pas m’entourer de personnes négatives. La maladie a sans conteste aiguisé ma perception des plaisirs de la vie. »

Auteur CÉLINE COUBRAY Photos ROMAIN GAMBA

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FO N

0 PAR MIKE K 200 OE

DI N ER G

EN DÉ

ÉDITION AVRIL 2022

DIRECTRICE DE LA PUBLICATION

Bérengère Beffort

Rédaction

DIRECTRICE DES DÉVELOPPEMENTS ÉDITORIAUX

Téléphone 20 70 70 E-mail press@paperjam.lu

RÉDACTEUR EN CHEF PRINT

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION

Jennifer Graglia (-108)

POLITIQUE ET INSTITUTIONS

Julien Carette (-116) Nicolas Léonard (-102) Pierre Pailler (-109) Nathalie Reuter (-104) Ioanna Schimizzi (-120)

ENTREPRISES ET STRATÉGIES

Catherine Kurzawa (-115) Thierry Labro (-105) Manon Méral (-173) Mathilde Obert (-114) Thierry Raizer (-108) Jérémy Zabatta (-106)

Nathalie Reuter Thierry Raizer

RÉDACTEUR EN CHEF DIGITAL

Nicolas Léonard

Brand Studio Téléphone 20 70 70-300 DIRECTOR BRAND STUDIO

Youcef Damardji

STRATEGIC BUSINESS DEVELOPMENT ADVISOR

Francis Gasparotto (-301)

HEAD OF MEDIA SALES AND SOLUTIONS

Dominique Gouviaux (-338) ASSISTANTE COMMERCIALE

PLACE FINANCIÈRE ET MARCHÉS

Céline Bayle (-303)

LIFESTYLE ET VIE PRATIQUE

Nicolas Galtier (-318) Mélanie Juredieu (-317) Virginie Laurent (-322) Aline Puget (-323) Léo Santoro (-335) Mikaël Spezzacatena (-326)

Aurélie Boob (-121) Marc Fassone (-157) Benoît Theunissen (-107) Lisa Cacciatore (-176) Céline Coubray (-162) Fabien Rodrigues (-161) RÉSEAUX SOCIAUX

Christophe Lemaire (-118) PAPERJAM GUIDE BIOGRAPHIES ET DATA

Sarah Macri (-181) Jezabel Scolastici (-183)

CONSEILLERS MÉDIA

HEAD OF CONTENT STRATEGY

Emmanuelle Thivollard DIRECTEUR DE CRÉATION

Jeremy Leslie

STUDIO MANAGER

RELECTURE ET FACT-CHECKING

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WEBPUBLISHING

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Sarah Lambolez, Elena Sebastiani Lisa Christl, Didier Hiégel, Adrienne Nélissen PHOTOGRAPHES

Éditeur

ART DIRECTOR MISE EN PAGE

Elina Luzerne (coordination) Charlène Pouthier

Andrés Lejona, Romain Gamba, Guy Wolff, Matic Zorman, Nader Ghavami

www.maisonmoderne.com Téléphone 20 70 70 E-mail publishing@maisonmoderne.com FONDATEUR

Mike Koedinger CEO

Mike Koedinger DIRECTEUR ADMINISTRATIF ET FINANCIER

Etienne Velasti

CONSEIL D’ADMINISTRATION

Mike Koedinger (président) Marie-Jeanne Chèvremont-Lorenzini Pascale Kauffman et Daniel Schneider (membres) DIRECTRICE PUBLISHING HOUSE

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STRATEGIC BUSINESS DEVELOPMENT ADVISOR

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DIRECTOR BRAND STUDIO

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La liste

ingénieurs pour réaliser un bilan carbone

Dans la lutte contre la crise climatique, les entreprises ont un rôle primordial à jouer. Et la méthode du bilan carbone leur permet de contribuer activement à limiter leurs émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre. Au Luxembourg, des ingénieurs sont prêts à les aider. Auteur PIERRE PAILLER

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Alexandre Magnette

CO2 STRATEGY

Karin Meyer-Primm

ENERGIEAGENCE

Pour se lancer dans un bilan carbone, une première étape est d’avoir « une équipe dirigeante et des collaborateurs sensibilisés et motivés », selon Karin Meyer-Primm, conseiller pacte climat en système de management environnemental et en cons­ truction durable au sein d’Energie­agence. Fondée en 1991, l’agence réalise des bilans carbone depuis 2019, pour tout type d’entreprises. Karin Meyer-Primm décrit cette méthode comme une évaluation de toutes les émissions de l’entreprise, afin d’obtenir « un état des lieux de son empreinte carbone et de définir ensuite des priorités afin de réduire les émissions à tous les niveaux ». Une manière de con­tribuer, dans son champ d’action, à l’objectif politique de neutralité carbone d’ici 2050 fixé par l’accord de Paris. Et d’en tirer en parallèle des avantages économiques, par exemple en réduisant les frais énergétiques, en anticipant les changements réglementaires et en représentant une source de commu­ nication valorisante en interne et en externe. En tout cas, « le plus important est de commencer ! ».

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Energieagence, Romain Gamba (archives), Waves, Énergie et Environnement, Cocert et Maison Moderne

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Photos

Karin Meyer-Primm

Comment comparer l’impact de l’achat de papier à la consommation électrique sans passer par l’approche CO2 ? C’est tout l’intérêt du bilan carbone, selon Alexandre Magnette, fondateur de la branche lux­em­ bourgeoise de CO2 Strategy. « Le bilan carbone va permettre de ramener tous les flux d’une entreprise (achats, énergie, déplacements, transports) en une seule unité, Armin Neises à savoir le CO2», explique-t-il. Reste ensuite à cerner les domaines d’action prioritaires en classant les flux d’activité selon leur degré d’émission. Après le bilan carbone vient le temps de la stratégie carbone, avec des idées pour réduire les émissions qui doivent « venir de l’équipe, du cœur de Armin Neises l’entreprise », estime Alexandre Magnette. WAVES Même si c’est au chef d’entreprise côté Waves, fondée en juillet 2019, a commencé communication de « faire redescendre l’imà proposer des bilans carbone deux ans portance de la réduction du bilan CO2 à tous plus tard pour le secteur de la logistique les niveaux de l’entreprise ». Une méthode – « il s’agit du deuxième plus gros émetteur qui s’avère « excessivement concrète », de CO2 », explique Armin Neises, son direcl’inverse du greenwashing. teur général. L’entreprise développe actuellement une solution pour les entreprises de production, qui peut être utilisée dans tous les secteurs, comme l’automobile, la construction, la mode, l’alimentation ou encore la boisson. L’idée générale est de calculer, via le développement d’une plateforme dite de sustainability management, l’empreinte carbone de l’intégralité des chaînes d’appro­visionnement, de la production de matériaux et d’énergie à l’assemblage, au stockage et à la distribution de tous les produits jusqu’au client final, en passant par la production de pièces détachées et de modules, avec tous les transports qui interviennent entre les deux. « Nous aidons nos clients afin qu’ils puissent donner à leurs clients et, en fin de compte, aux consom­ mateurs finaux, des informations fiables Alexandre Magnette sur leur empreinte de durabilité », résume Armin Neises.


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Julien L’Hoest

Une méthode pour agir concrètement

ÉNERGIE ET ENVIRONNEMENT

« Le bilan carbone, c’est la base », selon Julien L’Hoest, ingénieur depuis 14 ans chez Énergie et Environnement. Le bureau d’ingénieurs-conseils, qui existe depuis 30 ans et qui compte 20 salariés, s’est lancé dans les bilans carbone depuis environ deux ans. Mais il a aussi développé, début 2022, un label lié à la réduction de CO2, le Carbon Footprint, premier dans son genre au Luxembourg. Et ce label veut aller plus loin en attribuant des niveaux de qualification en fonction du degré d’intensité de l’investissement de l’entreprise, de la simple évaluation de l’impact carbone à la réduction concrète de celui-ci. Vient ensuite la possibilité de financer des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre hors du périmètre de l’entreprise – avec l’idée qu’« on ne peut pas atteindre le stade de la compensation sans réduction préalable ». « Souvent les entreprises ont l’impression de savoir quel est leur impact carbone. Le bilan carbone ouvre l’esprit et permet une réflexion vers un champ d’action », estime Julien L’Hoest. Selon lui, une telle démarche prend en général une quarantaine d’heures et un budget de 4.000 ou 5.000 euros – avec bien sûr davantage de travail si l’entreprise est plus complexe.

Benoit Martin

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Benoit Martin

COCERT

À 35 ans, Benoit Martin, ingénieur éner­ géticien chez Cocert depuis plus de 10 ans et désormais responsable de la société, considère que « la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas ». « Et cela reste valable si l’on parle de carbone!», assure-t-il. Réduire les émissions de carbone est en tout le cas le but que s’est fixé Cocert, fondée en 2009, en proposant la réalisation de bilans carbone depuis 2013. Avec une prédilection pour le secteur de la construction, même si Cocert est « en mesure d’accompagner toutes entités, quelle que soit son activité ». Adepte de la méthodologie en provenance de l’Ademe en France (voir encadré ci-contre) et qui fait aujourd’hui consensus auprès de la communauté technique et scientifique, Benoit Martin décrit le bilan carbone comme un moyen de quantifier les émissions de gaz à effet de serre, de les hiérarchiser, et surtout d’identifier des leviers d’action en vue de les réduire. « Cela permet également de mesurer notre dépendance aux énergies fossiles », ajoute l’ingénieur, alors que la crise en Ukraine nous a tous rappelé l’importance d’un tel enjeu.

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), en France, a publié en 2004 une méthodologie de quantification des émissions de gaz à effet de serre appelée bilan carbone. Depuis, cette méthode s’est fortement déve­ loppée et des bureaux d’ingénieurs-conseils commencent à s’en saisir au Luxembourg. Cet outil permet de compta­ biliser les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre, selon une méthode dont les règles sont publiques et officiellement reconnues. Toute entreprise, administration, collectivité ou même personne à titre indi­viduel peut ainsi établir une compta­bilité carbone de ses activités. La méthode comprend trois domaines, dits scopes. Les scopes 1 et 2 concernent la facture d’électricité et de gaz ainsi que la consommation des véhicules possédés par l’entreprise. Le scope 3 englobe les émissions directes et indirectes de toute l’activité de l’entreprise. En hiérarchisant les différents postes d’émissions de gaz à effet de serre en fonction de leur importance, cette première étape a pour but de faciliter la mise en place d’actions prioritaires de réduction de ces émissions. Soit une stratégie carbone qui succédera au bilan.

Julien L’Hoest

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AVRIL 2022

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Comment sortir de la crise du logement ? Dans la perspective des élections de 2023, Paperjam nourrit le débat autour de 25 idées concrètes. Des propositions auxquelles réagissent, à partir de la page 28 de ce numéro, le ministre du Logement, Henri Kox (déi Gréng), et les partis politiques représentés à la Chambre. Parmi les pistes discutées, l’innovation dans les techniques du bâti est partagée par plusieurs élus La « maison en bois en sept jours » de la start-up Leko Labs devrait les intéresser. Son fondateur, François Cordier, fait le tour du propriétaire en page 56 Entreprendre, un besoin viscéral pour certains, une manière de repenser sa carrière pour d’autres. Lucile Barberet (CEO de nyuko) et Stéphanie Damgé (CEO de Jonk Entrepreneuren) dressent, en page 46, les enjeux de l’entrepreneuriat au Luxembourg via le prisme de leurs activités Et pourquoi pas réaliser un bilan carbone de votre entreprise, y compris de ses bâtiments ? Cinq ingénieurs en ont fait leur spécialité. Présentation en page 120 Devenu l­ eader mondial des satellites via l’activité historique de vidéo, SES prépare sa mue en moyen­ne orbite et autour de la 5G. Une année de transformation excitante, comme l’explique son CEO, Steve Collar, en page 50 D’une station-service à une des enseignes indépendantes et locales les plus connues dans la grande distribution, Christianne Wickler revient, en page 64, sur les 40 années de développement rusé de Pall Center, tout en se projetant vers l’avenir Tina Gillen s’apprête quant à elle à reprée senter le Luxembourg lors de la 59 Biennale d’art de Venise (du 23 avril au 27 novembre 2022). En page 60, elle explique comment se préparer à ces « olympiades des arts» De la Grande Région au Grand Luxembourg. Vécue au quotidien par plus de 200.000 travailleurs frontaliers, la force du pôle d’activité qu’est le Grand-Duché se ressent en premier lieu dans un rayon d’une centaine de kilomètres autour de la capitale. Un « Grand Luxembourg » passé au peigne fin à travers le dossier Enjeux, à partir de la page 72 Agissant lui aussi dans ce même espace transfrontalier, l­ ’aéroport du Findel fait l’objet de la rubrique Data Dada en page 26 Les archives judiciaires regorgent d’affaires emblématiques, certaines non élucidées, dans lesquelles les avocats figurent au rang de personnages incontournables. Paperjam présente, en page 88, 10 ténors parmi les pénalistes Nous partageons aussi, entre autres, le témoignage de Nadine Schauer dans la rubrique Mon mental. Atteinte de sclérose en plaques, elle a trouvé une approche apaisante dans la thérapie équestre. Bonne lecture !

Andrés Lejona, Nader Ghavami et Guy Wolff

Clin d’œil


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