Un Dieu divisé? (OUR1036)

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n dit souvent que les fidèles des trois religions monothéistes – judaïsme, christianisme et islam – adorent le même Dieu: celui d’Abraham, leur père dans la foi. Pour vérifier la validité de cette affirmation, l’auteur expose les points d’accord et les particularités de chacune d’elles, mentionnant aussi les divers courants présents en leur sein. Il se concentre plus particulièrement sur l’islam et le christianisme, qui prétendent tous deux à l’universalité et à l’exclusivisme, et réfléchit à certaines questions que beaucoup se posent: S’agit-il vraiment du même Dieu? N’y a-t-il réellement pas de différence entre les trois grands monothéismes? L’auteur, historien, nous livre ici une approche extrêmement intéressante de cette question des plus actuelle. A lire par tous ceux qui s’interrogent et désirent mieux comprendre le monde d’aujourd’hui!

Diplômé d’histoire contemporaine, Christopher Catherwood est professeur à l’Institute of Continuing Education de l’Université de Cambridge et à l’Université de Richmond (Etats-Unis). Il est en outre l’auteur de plusieurs ouvrages parus en anglais sur le Moyen-Orient, dont celui-ci est le premier traduit en français.

26.40 CHF / 19.50 € ISBN 978-2-940335-36-7

Christopher Catherwood

Christopher Catherwood

Un Dieu Divisé?

Un Dieu divisé?

Judaïsme, christianisme et islam sous la loupe

Un Dieu divisé?

Christopher Catherwood


Table des matières

Remarque préliminaire ........................................... Introduction ..........................................................

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1. Une foi en un seul Dieu ...................................... 2. Peuple de Dieu .................................................. 3. Un Sauveur parmi nous ...................................... 4. L’islam, troisième grand monothéisme ................... 5. De Saladin à Ben Laden ..................................... 6. Les trois grands monothéismes et leurs réformes ..... 7. Une foi vivante .................................................. 8. Pourquoi l’islam n’est pas le seul problème ............

21 45 59 85 127 149 197 223

Conclusion ........................................................... Appendice ...........................................................

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Remerciements

Je commencerai par remercier Paulette, mon épouse, mon âme sœur, ma compagne, qui est pour moi un constant soutien, une source d’inspiration et bien plus encore. Personnifiant la femme exemplaire dont nous parle le texte de Proverbes 31, elle est la preuve vivante que de telles personnes existent vraiment. En deuxième lieu, j’aimerais remercier le groupe d’étude biblique de maison auquel j’ai dédié cet ouvrage. Ses membres ont fidèlement prié pour chaque livre que j’ai écrit depuis 1991, année où Paulette et moi nous sommes joints à l’église St Andrew the Great à Cambridge. Merci aussi à tous les anciens membres de ce petit groupe, que je n’ai pas pu mentionner expressément dans ma dédicace. Ensuite, un grand merci aux responsables de notre église. Je pense particulièrement à Mark Ashton, notre pasteur, dont les prédications sont claires et fondées sur l’Ecriture. Nous lui en sommes plus que reconnaissants. Merci aussi à Robin et Marion Porter Goff et à June Morgan, les aînés de notre assemblée (constituée principalement d’étudiants). Vous êtes des modèles de bonté et de soutien.


Je pense, bien sûr, aussi à mes parents, Fred et Elizabeth Catherwood, qui totalisent à eux deux plus de 120 années de service chrétien. Ils me soutiennent de bien des manières, notamment en mettant à ma disposition un bureau dans leur maison, depuis que j’ai perdu le mien à Cambridge. Ils sont un grand exemple d’unité au sein du couple mais aussi d’engagement pour l’Evangile, en particulier par leur travail dans le cadre de l’Union Internationale des Groupes Bibliques Universitaires (mon père y a assumé la fonction de trésorier durant plusieurs années et ma mère en est l’actuelle vice-présidente). Merci aussi au père de Paulette, le pasteur John Moore, qui a servi Dieu durant plus de soixante ans, avant de prendre finalement sa retraite à 83 ans et de remettre à d’autres la rédaction d’un journal baptiste! Il était le beau-père parfait, et tout comme mes parents, il a aussi été un exemple pour de nombreux chrétiens au fil des ans. L’idée de cet ouvrage a germé suite à des contacts que j’ai pu avoir avec l’agent littéraire Jan Dennis, personnalité connue dans le monde des éditeurs chrétiens. Durant ces vingt dernières années, depuis que Jan et son frère Lane m’ont aimablement permis de publier un de mes premiers livres, j’ai eu aussi le plaisir de faire la connaissance de plusieurs membres de sa famille. J’aimerais donc lui exprimer, ainsi qu’à tout le clan Dennis, ma profonde reconnaissance. Puis, je tiens à remercier mon éditeur qui, comme tous les éditeurs, le mérite grandement (j’ai aussi travaillé dans l’édition avant de retourner en milieu universitaire). Ce livre ayant pris du retard à cause de mes multiples engagements dans d’autres projets, j’aimerais donc dire un grand merci à Craig Bubeck,


de chez David C. Cook, pour sa gentillesse, sa patience, ses conseils et sa professionnalité dans le travail du texte. J’ai la chance de collaborer avec deux très bonnes universités. La première est celle de Cambridge, qui bénéficie d’un puissant témoignage chrétien depuis maintenant plusieurs siècles, notamment depuis Richard Sibbes, théologien puritain (1577-1635), et Oliver Cromwell (1599-1658), homme d’Etat puritain qui y a étudié la Bible il y a 350 ans environ. Je remercie le directeur et les professeurs du St Edmund’s College, qui fait partie de cette université, de m’avoir fourni une bonne base pour la matière de cet ouvrage. Je leur suis reconnaissant pour les nombreuses discussions stimulantes que nous avons pu avoir autour d’une tasse de café dans la salle des professeurs. Merci aussi à l’ancien directeur, Sir Brian Heap. Par la même occasion, j’aimerais remercier Linda Fisher, de l’Institute of Continuing Education (dépendant de l’université de Cambridge) qui, durant toutes ces années, m’a envoyé tant d’étudiants formidables à enseigner. Puis, je suis très reconnaissant du soutien qui m’est apporté par le département d’histoire de l’Université de Richmond (Virginie/Etats-Unis), pour lequel j’écris des articles et enseigne durant les sessions estivales de formation continue. Les étudiants qui me sont confiés sont formidables. Merci à toutes ces personnes remplies de gentillesse, que je ne peux pas citer ici nommément, mais qui savent qui elles sont. Enfin, j’aimerais dire un grand merci au professeur Geoffrey Williams et à son épouse Janice, de l’Institute of Economic and Political Studies de Cambridge, où je dispense certains cours, ainsi qu’à Maggie Bailey, elle aussi intervenante de renommée internationale au sein de cet institut. Elle est à la fois une


amie du peuple arménien et une grande combattante dans la prière. J’ai beaucoup apprécié son soutien durant toutes ces années. Christopher Catherwood


Remarque préliminaire

L’orthographe des termes relatifs au Moyen-Orient ancien, ainsi que de nombreux noms arabes est, c’est bien connu, une question difficile à résoudre. Etant écrits dans un autre alphabet que le nôtre, ces mots ne sont pas toujours transcrits de la même manière en Occident. Doit-on écrire Coran ou Quo’ran? Mohammed, Mahomet ou, selon l’orthographe turque musulmane, Mehmet? De telles variantes se retrouvent aussi dans le nom de personnages de l’Ancien Testament ou de personnalités politiques de l’époque, comme, par exemple, celui des pharaons. Dans l’édition française de cet ouvrage, nous avons opté pour l’orthographe communément admise, c’est-à-dire celle préconisée par nos dictionnaires de référence. Mais s’il vous est arrivé de voir tel ou tel mot écrit différemment dans d’autres publications, sachez que les deux variantes sont probablement justes. En effet, encore une fois, on ne peut pas dire qu’il y ait une seule et unique orthographe pour tous ces termes.

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Introduction

Jusqu’aux événements tragiques du 11 septembre 2001, beaucoup d’Occidentaux, surtout aux Etats-Unis, n’étaient que vaguement au courant des autres religions et de leurs doctrines. C’était probablement moins le cas en Europe, puisque des millions de musulmans, d’hindous et d’adeptes d’une grande diversité de croyances s’y sont installés ces dernières décennies. Cependant, la plupart des Américains connaissaient les autres religions en théorie (excepté le judaïsme), mais très peu en pratique. S’il en était ainsi, c’était parce que leurs adeptes restaient discrets ou qu’ils étaient peu nombreux. Et tandis que certaines grandes villes comme New York ou San Francisco avaient leur quartier chinois, la plupart des cités américaines et de leurs habitants n’avaient quasiment aucun contact (ou aucun contact du tout) avec la grande religion monothéiste de l’islam. Le 11 septembre a changé durablement la donne, mais pas de la bonne manière. Jusque-là, le territoire des Etats-Unis avait été en grande partie préservé des horreurs de la guerre, tout du moins en ce qui concerne notre époque contemporaine. L’attaque de 2001 a été si violente et les dégâts psychologi15


Un Dieu divisé? ques qu’elle a causés au sein de la population ont été si profonds qu’il en est résulté, dans de nombreux esprits, une vision déformée de l’islam. Ainsi, aujourd’hui, soit les gens en ont une image floue, qui a sérieusement tendance à gommer les différences avec le christianisme, soit ils voient chaque musulman comme un tueur plein de haine, prêt à détruire l’Occident et tous ses habitants. Ce sont là deux stéréotypes opposés et dangereusement faux. Un des buts de ce livre est de proposer une vision plus équilibrée des choses, afin que nous puissions comprendre ce qui se passe aujourd’hui. En septembre 2001, je me trouvais temporairement aux EtatsUnis, puisque j’ai passé l’automne à l’Université de Virginie à Charlottesville, dans le cadre d’un travail de recherche pour l’Institut Rockefeller. Durant ce séjour, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de discuter avec les nombreux chrétiens, des gens formidables, qui enseignent à cette université. J’ai notamment eu le privilège de m’entretenir avec Larry Adams, spécialiste des questions liées à l’islam, et j’ai beaucoup apprécié d’avoir son point de vue politique, stratégique et très perspicace sur le plan spirituel quant à ce qui venait de se passer. J’ai toutefois été frappé de voir que de nombreux chrétiens, à l’exception de Larry, avaient du mal à situer leur foi par rapport aux deux autres religions monothéistes: le judaïsme et l’islam. Le titre de cet ouvrage – Un Dieu divisé? Judaïsme, christianisme et islam sous la loupe – présuppose deux choses: 1) Il y a un seul vrai Dieu, et il n’est pas divisé. 2) La vraie foi en ce Dieu est la foi chrétienne. Dans cette étude, j’ai, pour utiliser une expression à la mode, cherché à être aussi «juste et équilibré» que possible. Cepen16


Introduction dant, je ne prétends pas être neutre: chrétien convaincu, je crois que seule la foi chrétienne1 peut apporter une réponse complète aux questions existentielles de l’homme. Merci donc de ne pas oublier quelle est ma perspective lorsque vous lirez ces pages. Pourquoi ai-je tenu à examiner ces trois religions dans un même ouvrage? Je m’explique: après le 11 septembre, le judaïsme, le christianisme et l’islam ont été présentés comme les trois grandes «religions abrahamiques» (c’est-à-dire relatives à Abraham, patriarche hébreu reconnu par chacune d’elles comme prophète2). La plupart du temps, les livres paraissant sur ce sujet dans le domaine séculier s’appliquent à «souligner davantage le positif», dans un «esprit de paix et d’œcuménisme», et à trouver une base commune à ces trois religions, notamment en insistant sur le respect qu’elles accordent chacune à Abraham. Sur un plan humain, on peut tout à fait comprendre ce désir de favoriser la paix dans un monde déchiré par la guerre. D’ailleurs, peu après le 11 septembre, l’ancien Président américain George W. Bush déclarait, dans une mosquée de Washington, que l’islam était une religion de paix. Et, pour de nombreux musulmans bien intégrés dans la société occidentale, c’est effectivement le cas. Cependant, d’un point de vue spirituel, les choses ne sont pas aussi simples. Certes, les hommes devraient vivre en paix et en harmonie les uns avec les autres. La Bible dit en effet: «Heureux ceux qui procurent la paix» (Matthieu 5.9). Pourtant, 1

Dans cet ouvrage, l’expression «foi chrétienne» désigne la foi basée sur la Bible seule. (N.d.E.) 2 Voir Genèse 22.4-5 et sourate 19.41.

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Un Dieu divisé? ce qui m’inquiète depuis le 11 septembre, c’est qu’on assiste à un amalgame de deux notions très différentes: la paix et la vérité. J’ai l’honneur et le privilège de connaître des musulmans courageux qui, partisans d’un islam pacifique, font tout leur possible pour favoriser le contact avec les communautés chrétiennes et juives, tant en Angleterre qu’aux Etats-Unis. Sur les plans politique et humain, c’est une excellente chose, puisque, certainement, tout ce qui peut être fait pour favoriser l’entente paisible entre voisins est bon. Mais le problème, c’est que beaucoup ne s’arrêtent pas là et affirment qu’il n’y a pas de réelle différence entre les trois grandes religions monothéistes. Cette affirmation est fausse. D’ailleurs, mes amis musulmans qui militent en faveur de la paix n’y croient pas non plus. Car pour eux, l’islam est non seulement une religion de paix mais aussi une religion exclusive en ce qui concerne la vérité. Si donc ils sont intellectuellement honnêtes, ils ne peuvent considérer le judaïsme et le christianisme comme étant aussi la vérité, puisque, par définition, ces deux monothéismes affirment chacun détenir la vérité universelle et absolue. Un Dieu divisé? a donc été écrit pour répondre à cette double interrogation: Quelle est la seule vraie foi et pourquoi l’est-elle? A notre époque pluraliste3 et postmoderne, prétendre qu’il n’y a qu’une seule foi véritable n’est pas chose très populaire! J’aimerais donc préciser que je respecte tout à fait mes amis qui ne croient pas comme moi ou qui ne croient pas du tout. Je suis pleinement partisan de la paix et de la réconciliation en3

Qui admet la pluralité des opinions et des tendances. (N.d.E.)

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Introduction tre les différentes communautés religieuses, et je loue tous les efforts qui sont entrepris dans ce sens. Mais je suis convaincu que cela n’empêche pas d’affirmer, comme plusieurs musulmans et juifs le pensent aussi, qu’il n’y a qu’une seule vraie foi. Et cette seule vraie foi est la foi chrétienne. D’ailleurs, en général, ce sont plutôt les personnes qui ne croient en rien qui réagissent à cette affirmation d’exclusivité, particulièrement présente dans le christianisme et dans l’islam. Je dois dire qu’étant historien de formation, j’ai une approche… historique des choses. D’ailleurs, la Bible est en grande partie un livre d’histoire. Ainsi, je pense qu’il est important de considérer chacune de ces trois religions par rapport à leur origine historique et géographique. Il est aussi intéressant d’examiner la manière dont elles ont évolué au fil du temps. A ce propos, nous parlerons notamment des changements que la Réforme protestante a apportés au christianisme. Nous aborderons donc: s l’histoire de chacune de ces trois religions, s la manière dont elles se sont développées à travers les siècles et, en particulier, s les changements qu’elles ont subis suite à leurs réformes respectives. Enfin, nous verrons quelle influence certaines questions-clés de notre époque, notamment en matière de sciences, ont eu sur chacune d’elles. J’espère que cet ouvrage permettra aux chrétiens qui sont dans l’interrogation de mieux comprendre en quoi leur foi est exclusive et unique, et de mieux saisir ce que les deux autres 19


Un Dieu divisé? monothéismes (judaïsme et islam) croient en relation avec le christianisme. En tant que chrétiens, nous n’avons nulle raison de craindre les autres religions. Car nous sommes tous des êtres humains qui avons besoin de combler un même vide spirituel, celui de notre cœur. Si ce livre aide ne serait-ce que quelques personnes à mieux comprendre la vérité du message de l’Evangile en lien avec ces deux autres religions, alors j’aurai atteint mon but.

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Chapitre 1

Une foi en un seul Dieu

La naissance du peuple juif, peuple choisi par Dieu, nous est rapportée dans l’Ancien Testament. Son histoire commence avec l’appel reçu par Abram (appelé plus tard Abraham), homme fidèle et aimant Dieu, à quitter la ville d’Ur en Chaldée. Dans le cadre de cet ouvrage, nous nous pencherons toutefois davantage sur la foi de ce peuple, le judaïsme, que sur son histoire. Voyons tout d’abord comment cette foi s’est développée.

Les religions abrahamiques Comme nous l’avons évoqué dans l’introduction, le judaïsme, le christianisme et l’islam sont aujourd’hui souvent qualifiés, en termes politiquement corrects, de «religions abrahamiques» (relatives à Abraham). C’est ainsi qu’il y a quelques années, un journaliste américain, Bruce Feiler, a publié un livre intitulé Abraham: voyage aux sources de la foi 1, titre qui a eu beaucoup de succès. L’Abraham décrit dans ses pages ne 1

Presses de la Renaissance, 2004.

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Un Dieu divisé? correspond toutefois pas au personnage biblique, ainsi que le reconnaît Feiler lui-même. En effet, pour lui, comme pour d’autres écrivains actuels, Abraham est plutôt une sorte de «monsieur-tout-le-monde», qui a trouvé Dieu mais qui a aussi parfois contesté avec lui, un être chaleureux et mal défini, autour duquel tous les hommes de bonne volonté peuvent se retrouver en ces temps troublés et en cette époque de terrorisme mondial.2 Comme je le disais précédemment, je suis un ardent partisan de la paix et de la réconciliation. Je connais des juifs et des chrétiens courageux qui luttent pour la paix en Palestine, et ce très souvent au risque de se faire tuer par des extrémistes qui, eux, souhaitent que le conflit perdure. De même, en GrandeBretagne et ailleurs en Europe, des musulmans plaident en faveur d’une coexistence pacifique, encourageant leurs pairs à vivre en bons termes avec leurs voisins occidentaux et non à les tuer. Tout cela est une très bonne nouvelle et, en ces temps d’incertitude et de menace terroriste, nous pouvons saluer ces efforts et prier pour qu’ils aboutissent. Mais ce genre de personnage abrahamique postmoderne du 21e siècle est fabriqué à l’image de l’homme d’aujourd’hui, qui rejette la notion même d’une foi pouvant être absolument et universellement juste. Cette façon de refaire l’histoire présente bien dans les médias (B. Feiler a eu beaucoup de succès lors de ses passages à la télévision en 2002) et passe aussi très bien dans de nombreux cercles universitaires. Mais comment cette variante cool et sympathique d’Abraham (un homme «qui prenait des risques», selon B. Feiler) est-elle 2

B. Feiler affirme notamment que, particulièrement après le 11 septembre, ces trois religions peuvent se réclamer d’Abraham.

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Une foi en un seul Dieu perçue par les millions de personnes à travers le monde pour lesquelles il est un personnage réel, décrit précisément dans la Bible? Qu’en est-il de ces croyants fidèles qui, contrairement à Feiler ou d’autres, croient qu’il a vraiment existé? Qu’en pensent tous ceux pour qui il est un modèle de foi et non une idée ou une représentation générale et abstraite? Depuis toujours, juifs, chrétiens et musulmans croient qu’Abraham a réellement existé, comme le dit l’Ecriture. Mais, évidemment, les choses ne sont pas si simples. Car, comme nous le verrons plus en détail, chacune de ces trois religions décrit Abraham de manière bien différente. En outre, les musulmans ont passablement modifié le récit historique, et ce sur des points théologiquement importants, déclarant ensuite que cette déformation était le fait des juifs et des chrétiens. Dans cette étude, nous ferons le lien entre Abraham (personnage bien réel, comme le décrit la Bible) et d’autres personnalités importantes de l’Ancien Testament, ainsi que l’ont fait les juifs et les chrétiens à travers les siècles, puis, nous l’associerons à la personne centrale de toute l’Ecriture, Jésus-Christ. Car si nous partageons tout à fait le désir de gens bien intentionnés comme B. Feiler de favoriser la paix et la réconciliation, nous ne pouvons participer à cet effort en niant les profondes convictions religieuses de millions de personnes.

Ce qu’Abraham symbolise Depuis les événements traumatisants du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et du 7 juillet 2005 en Grande-Bretagne3, bien 3 Ces attentats, qui ont consisté en quatre explosions touchant des transports publics de Londres, ont fait 56 morts et 700 blessés. (N.d.E.)

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Un Dieu divisé? des habitants de ces deux pays ont commencé à s’intéresser à la religion, et particulièrement aux religions nées au MoyenOrient. C’est une bonne nouvelle, dans la mesure où nous avons tous besoin d’ouvrir davantage les yeux sur ce qui se passe dans le monde, surtout que la période relativement calme qu’ont pu apprécier de nombreux Occidentaux sur le plan du terrorisme est bel et bien terminée. Cependant, des millions de «croyants» – y compris ceux qui commettent des atrocités – sont convaincus que leur version de la «foi» est la vérité absolue. Par conséquent, ce n’est pas en prônant un principe très général et vague du type «En fait, nous croyons tous la même chose» que l’on peut favoriser cette paix à laquelle tous aspirent. Et en tant que chrétiens, nous ne pouvons pas non plus penser ainsi, même si les personnes qui vivent dans des endroits à risques peuvent le souhaiter. Il est un enseignement-clé de la Bible que l’on ne trouve pas dans l’islam: toute la notion du péché. Et tant que le péché existe, il ne peut certainement pas y avoir de paix véritable et durable. Tout au long de notre étude, gardons bien cette vérité présente à notre esprit, même s’il peut être parfois tentant de vouloir l’occulter. L’Epître aux Hébreux, dans le Nouveau Testament, nous enseigne qu’Abraham est un magnifique exemple de foi (voir Hébreux 11.8-10). Toutefois, il était un homme, avec ses points faibles et ses défauts, ce que la Bible, dans sa merveilleuse honnêteté, ne nous cache pas. Et comme c’est le cas avec tant de personnages bibliques, nous pouvons facilement nous identifier aux nombreuses luttes qui ont été les siennes. En fait, sa vie montre aux chrétiens comment, justement, avoir le 24


Une foi en un seul Dieu dessus à une époque troublée, dans un monde mystérieux et hostile, où ceux qui veulent rester fidèles à la Bible se trouvent constamment sous une sorte de menace, souvent écrasante. Cela ne correspond peut-être pas au personnage œcuménique s’adaptant à tous et chéri par les médias bien intentionnés de notre temps. Pourtant, la vie d’Abraham est aussi encourageante pour les chrétiens du 21e siècle qu’elle l’a été pour ceux des siècles précédents et pour les juifs à travers l’Histoire. Il est intéressant de remarquer que, comme le relève l’historien Paul Johnson dans Une histoire des Juifs 4, les histoires de la Bible sont profondément morales, et ce depuis le début. En cela, elles se distinguent nettement des récits légendaires de la même époque, retrouvés sur des tablettes sumériennes et babyloniennes, qui ne sont accompagnés d’aucun commentaire d’ordre moral. La Bible non seulement relate la vie d’Abraham et de sa famille, mais ses auteurs, inspirés par le Saint-Esprit, ont aussi rapporté ce que Dieu en pensait. C’est là quelque chose d’absolument unique à l’Ancien Testament, à la grande différence des autres écrits du Moyen-Orient ancien. Et, pour moi en tout cas, c’est une preuve de l’inspiration divine de l’Ecriture. Abraham était originaire de l’Irak actuel – région du monde dont on n’a jamais tant parlé qu’aujourd’hui – et d’ascendance sémitique. Les Sémites, qui comptent encore actuellement les Juifs, les Arabes et certains Ethiopiens (d’ascendance mixte), sont un ensemble de peuples parlant ou ayant parlé des langues chamito-sémitiques d’Asie occidentale et du nord de l’Afrique (arabe, berbère, hébreu, araméen, amharique, etc.). 4

Editions Jean-Claude Lattès, 1987.

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Un Dieu divisé? Ur était la capitale de Sumer, une prestigieuse nation, une civilisation très avancée, qui connaissait déjà la lecture et l’écriture. La cité a été en grande partie découverte lors de fouilles entreprises par l’archéologue Leonard Woolley dans les années 1920 et, plus tard, par son confrère Max Mallowan, époux de la romancière Agatha Christie (dont un des romans a pour cadre une de ces fouilles.) On peut voir des objets de l’époque d’Abraham au musée de Bagdad (devenu célèbre suite aux pillages qui y ont eu lieu en 2003), mais aussi dans bien d’autres musées à travers le monde. Des archéologues ont même découvert des tablettes portant les noms d’Abram et de Laban, ce qui est la preuve, même s’il ne s’agit pas forcément des personnages mentionnés dans le livre de la Genèse, que ces noms existaient bien en ce temps-là. La ziggourat 5 d’Ur était une des curiosités architecturales de la ville. Partout dans le monde, d’Ur aux célèbres pyramides d’Egypte, en passant par les édifices étrangement semblables que l’on peut trouver au Mexique et en Amérique centrale, les civilisations antiques, cherchant à atteindre Dieu (ou les dieux, selon leurs croyances), ont érigé ces hauts monuments aux larges fondations. Nous en avons un exemple très frappant en Genèse 11.1-9, avec le récit de la tour de Babel. Mais selon les découvertes de l’archéologie, les hommes, de l’Irak au Guatemala, ne semblent pas avoir appris la leçon que Dieu a donnée aux habitants de Babel en brouillant leur 5 Edifice religieux d’origine mésopotamienne, constitué de plusieurs terrasses de dimensions décroissantes et supportant un temple construit à son sommet. (N.d.E.)

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