( pignon sur rue ) Aux 4 jeudis Gatineau mots Stefan Psenak photos Lévy L Marquis
40 ans d’histoire Depuis 40 ans, le café-bar du Vieux-Hull a ses adeptes. C’est comme une deuxième maison, riche en histoire et en rencontres. Portrait de cet endroit mythique qui a sa place dans le cœur de bien des gens du coin.
L
’immeuble qui s’élève au 42-44, rue Laval, en plein cœur du Vieux-Hull (aujourd’hui le centreville de Gatineau), fait partie du patrimoine matériel et immatériel de la ville. Quand on s’intéresse un tant soit peu à l’histoire et au patrimoine, on ne peut que constater que la grande maison de briques de style italien, construite en 1900 par Isaïe Laflèche, est un puissant symbole de résilience. La précédente maison de la famille, détruite dans le grand feu de 1900, était la troisième résidence Laflèche à connaître le même sort, après les incendies de 1880 et 1886. Le bâtiment tel qu’on le connaît a par la suite abrité l’épicerie Laflèche, en plus de servir de logement familial et de lieu pour les rassemblements. C’est là que naîtra l’Association ouvrière de Hull, ancêtre de la CSN (Confédération des syndicats nationaux), animée par Achille Morin, ardent syndi caliste et ancien échevin de Hull (1930 à 1957). L’Outaouais est alors l’une des régions les plus actives du Québec dans l’implantation du syndicalisme catholique. Petit saut dans l’histoire locale. Nous sommes en 1978. Trois jeunes dans la vingtaine, François Fortier, LouisGilles Rocheleau et Carole Morin, y ouvrent le café Aux 4 jeudis, loin de se douter que l’établissement
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dont ils rêvent deviendra en quelque sorte le fer de lance du quartier ludique du Vieux-Hull et le légendaire lieu qu’on connaît aujourd’hui. En ouvrant les portes du café, les nouveaux tenanciers veulent offrir aux gens de leur génération un point de rencontre qui leur ressemble. «Partout ailleurs, on entendait la même musique ou la même radio parlée. On voulait créer une ambiance unique, faire entendre l’effervescence musicale de l’époque», se rappelle François. Pendant deux ans et demi, par choix, le café fonctionne sans permis d’alcool. On propose un menu du midi pour l’abondante clientèle de fonctionnaires, du café, des tisanes et des pâtisseries viennent compléter la carte. Aux 4 jeudis devient le rendez-vous des étudiants, des artistes et des intellos qui viennent y discuter, écouter les playlists «sur cassettes ou rubans concoctés par des amis» et y jouer à des jeux jusqu’à 1 heure du matin. «On gagnait peu. Alors j’ai convaincu Louis-Gilles qu’il fallait qu’on fasse une demande de permis d’alcool», poursuit François, qui rachètera toutes les parts de l’établissement en 1985. J’ai connu le 4 (comme les habitués l’appellent) au début des années 1990. J’étudiais à l’Université d’Ottawa et on y allait pour
l’ambiance et son côté résolument culturel. Expositions d’artistes visuels, spectacles intimes, soupers thématiques, partys ou projections de films sur l’immense écran sur le mur adjacent à la terrasse faisaient entre autres partie de l’offre culturelle. «On a commencé à projeter des classiques du genre Buster Keaton, puis on a obtenu l’appui de la cinémathèque de l’Alliance française d’Ottawa pour diffuser des classiques français», se souvient François. Et les projec tions estivales du programme Cinéterrasse durent depuis 36 ans. La première fois que j’y ai mis les pieds, j’ai tout de suite aimé le look de l’endroit. À gauche en entrant, la grande table des «sénateurs», autour de laquelle se réunissaient pour les 5 à 7 des journalistes, des traducteurs, des rédacteurs, toujours les mêmes. Plus tard en soirée, quand ils étaient rentrés, on était quelques-uns, plus jeunes, à s’y installer en se sentant privilégiés d’y accéder. Au fond, sur le mur opposé, trônait l’antique et magnifique coffre-fort, vestige de l’épicerie Laflèche, qui sera utilisé jusqu’en 2017, au moment où le nouveau propriétaire des lieux, Alex Duhamel, procédera à d’importants travaux de rénovation. «Quand j’ai acheté le 4 et le resto voisin (le Piz’za-za, qui a aussi
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