Magazine Sans Frontières - Numéro 45 (Mars-Mai 2020)

POINT DE VUE

ENTREVUE

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Le « deal du siècle »?

« Nous avons tiré la sonnette d’alarme » – Maurice Kamto

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ERRANCE SANS RETOUR

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REGARDS SUR LES ROHINGYAS DÉRACINÉS

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L’INFOBÉSITÉ

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oronavirus. Coronavirus. Coronavirus. Primaires démocrates.

Coronavirus. Coronavirus. Coronavirus. Crise des migrants. Coronavirus. Coronavirus. Coronavirus. À l’heure où la planète tousse, sous les projecteurs grossissants et alarmistes des médias, les différentes crises, pourtant majeures, qui parsèment le monde restent inaudibles dans le brouhaha de la surcharge informationnelle au sujet de la crise sanitaire que traverse actuellement le monde.

Nombre d’épidémiologistes, de médecins, d’infectiologues le répètent sur les plateaux de télévision et dans les dossiers spéciaux de la presse écrite : des règles d’hygiène simples à suivre et du gros bon sens, que chacun peut s’appliquer, aideront à restreindre la propagation du coronavirus.

Mais, évidemment, les fausses nouvelles – et la psychose qui les accompagnent – s’invitent toujours dans le débat et participent à ce cercle vicieux de la panique. Au-delà de ce miroir déformant, la question de la responsabilité des médias se pose nécessairement. Participer au décompte quotidien des cas d’un ton catastrophiste ne fait qu’alimenter l’inondation d’informations qui poussent certains citoyens à dévaliser les rayons de pâtes des supermarchés.

Pendant ce temps, sans pour autant minimiser l’importance des cas mortels du coronavirus qui affecteront des milliers de personnes prochainement, la plus grave catastrophe humanitaire du 21e siècle se déroule à Idlib, en Syrie. Et oui, encore la Syrie. Un statu quo international. Un conflit oublié. Idlib, l’enclave où plus de trois millions de civils sont piégés, dans le froid, affamés sous les bombardements dont on feint officiellement d’ignorer les auteurs.

Pendant ce temps, le président turc Recep Tayyip Erdogan use d’un chantage aux réfugiés odieux afin que l’Europe prenne ses responsabilités en matière migratoire. Même si la Turquie réclame ne pas vouloir porter ce fardeau seule et menace d’ouvrir les frontières, il n’en demeure pas moins que mettre en jeu la vie de réfugiés est indigne. Depuis son annonce, une guerre d’images s’est engagée entre les deux pays frontaliers, la Grèce accusant son voisin de forcer les migrants à franchir la frontière européenne, et la Turquie accusant les garde-côtes grecs de tirer sur leurs embarcations de fortune.

Et si, pour chaque civil tué à Idlib ou pour chaque migrant qui se noyait dans la Méditerranée, un décompte macabre quotidien faisait l’objet d’une

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PHOTO: PAM

É DI T ORI A L

dépêche dans les médias ? La réaction de la communauté internationale serait-elle plus proactive ? Non, évidemment, car le conflit en Syrie et les milliers de migrants aux portes de l’Europe ne font pas plonger les bourses mondiales comme le coronavirus.

La mondialisation de l’information a du bon. Mais la mondialisation de la compassion n’est pas encore à l’ordre du jour. Ceux qui pensaient que c’était le rôle des Nations unies voient sans conteste que l’agence internationale panse parfois, mais ne règle en rien les conflits actuels. Son Secrétaire général, Antonio Guterres, est même accusé d’oublier les droits de l’homme et de faire preuve de trop de prudence face aux grandes puissances. Lors de son discours d’ouverture des travaux de la 43e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le 24 février dernier à Genève, des diplomates lui ont reproché de ne pas endosser le rôle de premier défenseur des droits humains, et de se cacher derrière de grands discours généraux sans jamais pointer aucune responsabilité, nous apprend le quotidien français Le Monde.

Mais pour saisir toute la complexité géopolitique qui se joue derrière et le pourquoi de ce genre de frilosité diplomatique à condamner les puissants de ce monde – pourtant imputables de violations graves des droits de l’homme – et pour appréhender les crises contemporaines, il faut d’abord tenter de les comprendre. Prendre le temps de la réflexion, loin du tumulte quotidien des informations en continu. Dans ce flot incessant, Sans Frontières fait le pari de la réflexion et de l’analyse.

En ce début de décennie, un nouveau chapitre s’ouvre pour notre publication. Comme nous l’avions fait durant notre partenariat avec l’Institut d’études internationales de Montréal, nous continuerons d’interroger des experts en relations internationales pour présenter leur vision des enjeux mondiaux. À partir de juin, Sans Frontières proposera désormais à ses lecteurs deux éditions par année avec des reportages plus longs et plus riches, ainsi que des analyses encore plus en profondeur.

Grâce à nos journalistes professionnels et à notre équipe de rédaction d’expérience, notre semestriel continuera d’apporter sa contribution à une meilleure compréhension du monde qui nous entoure par le biais d’histoires originales, et demeurera un magazine international de référence.

Zora Ait El Machkouri Directrice de l’information

TÉLÉPHONE

+1 514 389-1859

POINT DE VUE

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Le « deal du siècle »?

SOMM AIR E

« Nous avons tiré la sonnette d’alarme » – Maurice Kamto

N° 45

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ERRANCE SANS RETOUR

REGARDS SUR LES ROHINGYAS DÉRACINÉS

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COURRIEL

PHOTO : RENAUD PHILIPPE

MAGAZINE SANS FRONTIÈRES Trimestriel enregistré en novembre 2008 Publié par Éthiques et Sociétés Communication 7374, rue Lachance Laval, Québec H7A 0G3 Canada

3 ÉDITORIAL 6 BRÈVES D’ACTUALITÉ AFRICAINE 8 BRÈVES D’ACTUALITÉ INTERNATIONALE 11 DIPLOMATIE

info@magazinesansfrontieres.com SITE WEB www.magazinesansfrontieres.com

ISSN 2368-5263 (Imprimé) ISSN 2368-5271 (En ligne) RÉDACTION DIRECTRICE DE PUBLICATION

Zora Ait El Machkouri RÉDACTRICE EN CHEF

Zora Ait El Machkouri RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE

Benoîte Labrosse JOURNALISTES

Benoîte Labrosse Hélène Boucher Jean-François Venne COLLABORATEURS

Rémi Fuhrmann Tegwen Gadais Laurie Décarpentrie DESIGN ET MAQUETTE Sylvie Cloutier www.sylviecloutier.ca

Opération séduction du Canada au Sénégal

IMPRIMERIE ET ENVOI Hewlett-Packard Development Company HP MagCloud ABONNEMENTS +1 514 389-1859

Par Hélène Boucher

COURRIEL info@magazinesansfrontieres.com

NUMÉRO COURANT Sans Frontières Numéro 45 – Mars-Mai 2020 PRIX UNITAIRE AU CANADA 12 $

Du 11 au 14 février, le premier ministre canadien Justin Trudeau s’est rendu au Sénégal, où il a, entre autres, rencontré le président Macky Sall. Il s’agissait d’une étape diplomatique évidente pour le Canada, qui tentera en juin de se faire élire au Conseil de sécurité des Nations unies. Sans Frontières était sur place.

PROCHAINES PUBLICATIONS juin 2020 novembre 2020 juin 2021

Toute reproduction partielle ou intégrale des informations, des textes et/ou des photographies est interdite sans l’autorisation expresse et écrite de la Directrice de publication. Tous droits réservés-Éthiques et Sociétés Communication 2019.

Dans ce magazine, le masculin englobe les deux genres.

Il est utilisé pour alléger le texte et éviter de voir l’attention du lecteur diminuer. Cependant, la rédaction épicène est favorisée afin de mettre en évidence de façon équitable la présence des femmes et des hommes, sans la lourdeur associée à l’utilisation exclusive des doublets.

16 HUMANITAIRE Regards sur le plus grand camp de réfugiés au monde Plus de 750 000 Rohingyas ont fui le Myanmar depuis août 2017, en raison des violences dont ils font l’objet. Le photojournaliste Renaud Philippe s’efforce de faire connaître au Québec ce que subissent ces populations et la manière dont ils composent avec leurs traumatismes, entre autres à travers l’exposition immersive Errance sans retour.

Par Jean-François Venne

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20 DÉCRYPTAGE Casamance : soubresauts de résolution de conflit sur terrain miné L’évocation de ce territoire considéré comme le grenier du Sénégal, coincé au nord par la frontière gambienne et au sud par celle de la Guinée-Bissau, déclenche une onde de crainte auprès des autorités diplomatiques canadiennes et françaises. Comme si la région de 30 000 km², située à plus de 500 km de Dakar, vivait encore sous la poigne du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), une milice indépendantiste. Sans Frontières a discuté de ce conflit en apparence insoluble avec Mamadou Aliou Diallo, un journaliste sénégalais qui étudie la situation casamançaise depuis un quart de siècle, et la présidente de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance, Ndèye Marie Diédhiou.

Par Hélène Boucher

24 OPINION Les activités de loisirs : Solution au futur de l’éducation et du bien-être dans les contextes extrêmes de vie

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Que serait l’éducation de demain si on envoyait les jeunes faire du sport, de la musique ou du théâtre ? Et si l’école ne suffisait plus ? Cette idée n’est peut-être pas si stupide lorsque l’on regarde les taux de décrochage et d’échec scolaire des jeunes qui vivent en contexte extrême de développement. Plusieurs ONG à l’international en ont fait le pari, et les résultats sont prometteurs pour le bien-être et la motivation de ces jeunes.

Par Laurie Decarpentrie et Tegwen Gadais

28 POINT DE VUE Le « deal du siècle » : décryptage d’un énième reniement des droits du peuple palestinien

« Nous avons tiré la sonnette d’alarme »

République fédérale de Somalie

Avant de fonder le Mouvement pour la renaissance du Cameroun – principal parti d’opposition au régime de Paul Biya, au pouvoir depuis 1982 –, Maurice Kamto a exercé le droit dans diverses institutions internationales, dont la Commission du droit international des Nations unies et la Cour permanente d’arbitrage. Cet avocat et ancien ministre délégué à la Justice est également un universitaire réputé. C’est d’ailleurs à l’occasion de son passage à l’Université du Québec à Montréal, pour y présenter une conférence portant sur le droit international et la décolonisation que Sans Frontières l’a rencontré, le 7 février dernier.

Par Rédaction

Par Benoîte Labrosse

Après plusieurs années de préparation et des mois de rumeurs, le plan de paix de Donald Trump pour le Moyen-Orient a finalement été dévoilé le 28 janvier dernier. Le fameux « deal du siècle » que vantait tant le président américain n’offre en définitive aucune perspective de paix, mais vient en revanche confirmer que les États-Unis ne pouvaient plus être considérés comme un acteur impartial dans le processus de paix israélo-palestinien.

En effet, les concessions faites à Israël sont nombreuses, alors que pour les Palestiniens, il leur est encore une fois demandé d’accepter l’inacceptable.

Par Rémi Fuhrmann

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BURKINA FASO

Deux millions de personnes ont besoin d’eau en urgence, selon Oxfam

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rès de 2 millions de personnes ont « urgemment » besoin d’eau au Burkina Faso, déclare Oxfam dans un rapport publié le 20 février. Les Burkinabè fuyant les violences se concentrent en effet dans certaines zones du pays, provoquant des tensions autour de l’accès à l’eau. Le nombre de déplacés dans le pays a été multiplié par 10 en 2019,

et dépasse actuellement le demi-million de personnes, faisant craindre à l’ONG que la concentration de la population dans certains secteurs provoque une crise humanitaire.

Sans compter qu’il y avait déjà un problème d’accès à l’eau dans ce pays enclavé avant la crise sécuritaire, selon Papa Sosthène Konaté, directeur pays

intérimaire d’Oxfam au Burkina Faso.

Les déplacements massifs de population aggravent le phénomène, car « les infrastructures hydrauliques déjà en place sont davantage sollicitées et se détériorent plus rapidement », précise M. Konaté. Un cercle vicieux qui pourrait provoquer une crise humanitaire, selon Oxfam. SOURCES : RFI, OXFAM QUÉBEC

SOUDAN DU SUD

Les civils affamés délibérément, rapporte l’ONU

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es millions de civils sud-soudanais ont été intentionnellement privés d’accès aux services de base et beaucoup sont volontairement affamés, tandis que les revenus de l’État ont été détournés par les responsables politiques du pays, selon un rapport de la Commission des droits de l’homme des Nations unies sur le Soudan du Sud publié le 20 février. « Aujourd’hui au Soudan du Sud, les civils sont délibérément affamés, systématiquement surveillés et réduits au silence, arbitrairement

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arrêtés et détenus, et se voient refuser l’accès à toute réelle justice », résume le document.

Mise en place en 2016 par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, cette Commission a étudié les abus commis entre septembre 2018 et décembre 2019. Selon les enquêteurs onusiens, « des millions de dollars ont été ainsi détournés par le Trésor public », « épuisant des ressources » qui auraient pu être utilisées pour promouvoir les droits socioéconomiques de la population de ce pays fondé en 2011.

Plus de la moitié de la population, principalement des femmes et des enfants, est maintenant confrontée à « une insécurité alimentaire aiguë en raison de la politique délibérée des différentes parties au conflit qui consiste à empêcher l’aide humanitaire d’atteindre les civils ». Cette tactique se produit clairement selon « des critères ethniques et politiques ». Et, selon le membre de la Commission Andrew Clapham « affamer délibérément peut constituer un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ». SOURCE : ONU

PHOTO : ONU / ESKINDER DEBEBE

BRÈVES D’ACTUALITÉ AFRICAINE

BON

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Le 20 janvier, la FAO a d’abord demandé 76 M$ pour aider à lutter contre les ravages des criquets pèlerins en Éthiopie, au Kenya et en Somalie.

Depuis, les essaims se sont déplacés rapidement sur de grandes distances et ont été aperçus à Djibouti, en Érythrée, au Soudan du Sud, en Ouganda et en Tanzanie. Ces insectes ont un cycle de reproduction de trois mois, donc beaucoup d’œufs pondus dans les trois pays touchés éclosent déjà. SOURCE : ONU

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rois agences onusiennes appellent la communauté internationale à agir de manière plus décisive face aux essaims de criquets pèlerins qui envahissent l’Afrique de l’Est. Le 2 5 fé v r i e r, e l l e s e s t i m a i e n t q u e 138 millions de dollars sont nécessaires pour aider les huit pays de la région à répondre à ce fléau. « L a re c r u d e s c e n c e a c r i d i e n n e affectant l’Afrique de l’Est est un rappel dramatique et choquant de la vulnérabilité de cette région », ont alors déclaré Qu Dongyu, directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Mark Lowcock, Secrétaire général adjoint des Nations unies aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence (OCHA) et David Beasley, directeur exécutif du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM).

Cette région est effectivement déjà en proie à des chocs liés au climat et aux conflits. Des millions de personnes, déjà en situation d’insécurité alimentaire aiguë, sont désormais confrontés à une autre menace de faim majeure créée par les criquets pèlerins qui ravagent les cultures.

Un biscuit-repas E N pour lutter N contre la malnutrition

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L’invasion de criquets pèlerins menace la sécurité alimentaire

BÉNIN ET QUÉBEC

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AFRIQUE DE L’EST

n retraité de Sherbrooke, au Québec, a mis au point la recette d’un biscuit-repas pour lutter contre la malnutrition dont la commercialisation vient tout juste de débuter au Bénin sous le nom de Léoli-Nutri Biscuit-Repas.

En 2018, Jacques Latulippe – qui a fait carrière dans le domaine de la restauration et de l’hôtellerie – a décidé de créer une recette visant à combler les besoins nutritionnels des enfants. Avec l’aide d’Armelle Kouton, propriétaire de la Biscuiterie Bisakara de Cotonou, il a finalement concocté des biscuits ayant le plus grand apport nutritionnel possible au plus faible coût possible.

Selon les analyses effectuées, la recette développée comble une bonne partie des besoins en protéine (63 %), en calcium (10,5 %), en fer (57 %) et en zinc (26 %) d’un enfant de 9 ans, en plus de fournir les acides aminés essentiels.

Le Léoli-Nutri Biscuit-Repas est principalement confectionné à base de farine de soja, de farine de niébé et de pâte d’arachide, trois produits faciles à trouver au Bénin. « Les organismes humanitaires peuvent prendre la recette et l’adapter selon les ingrédients disponibles dans les différents pays », souhaite aujourd’hui M. Latulippe. SOURCE : LA TRIBUNE

ÉTHIOPIE

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ix bénévoles canadiens, trois de ses employés canadiens et deux employés éthiopiens de l’ONG Canadian Humanitarian sont soupçonnés de pratique illégale de la médecine et d’avoir distribué des médicaments périmés. Au 1er mars, tous étaient en détention en Éthiopie.

L’organisme basé en Alberta nie les accusations. « Nous défendons vigoureusement les actions et les décisions de notre équipe, sachant que chaque décision a été prise par des professionnels

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de la santé canadiens hautement qualifiés et certifiés et que leur mission lors de ce voyage était de fournir des soins médicaux essentiels aux citoyens éthiopiens qui en ont le plus besoin », a-t-il publié en anglais sur son site Web. Canadian Humanitarian a précisé travailler avec Affaires mondiales Canada et l’ambassade du Canada en Éthiopie afin de « résoudre le problème ».

Au moment de mettre sous presse, les autorités n’avait pas commenté la situation. SOURCE : LA PRESSE CANADIENNE

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PHOTO : LA TRIBUNE

Treize humanitaires canadiens détenus

SYRIE

L’ONU dénonce à nouveau de nombreux crimes de guerre

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e c o n fl i t a r m é e n S y r i e e s t loin d’être terminé et les abus continuent de se multiplier sur le terrain, a indiqué la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne dans un rapport publié le 2 mars à Genève. « Après près de neuf ans, les femmes, les enfants et les hommes syriens continuent de faire face à des niveaux de souffrance et de douleur sans précédent », a alors déclaré Paulo Pinheiro, président de cette commission onusienne. Selon

les enquêteurs, les forces progouvernementales ont mené, dans leur lutte déclarée contre le terrorisme, des attaques aériennes et terrestres dans le sud d’Idlib qui ont tué et blessé des dizaines de civils. Ces raids aériens – plus particulière ceux de Maarat al-Numan et du complexe les personnes déplacées de Haas – ont détruit des infrastructures civiles, notamment des marchés, des immeubles résidentiels, des camps de déplacés et des hôpitaux. « Sur la base des preuves disponibles […], la Commission a des motifs

raisonnables de croire qu’un avion russe a participé à chaque incident décrit ci-dessus », a souligné le rapport.

Selon la Commission, l’Armée nationale syrienne (ANS) aurait perpétré de possibles crimes de guerre comme des pillages, des meurtres ou des prises d’otages. « La crise à Idlib – où plus de trois millions de personnes sont actuellement bloquées – se transforme en une catastrophe humanitaire, où les familles sont constamment en fuite et les enfants meurent de froid ».

SOURCE : ONU

POLOGNE

Des villes instaurent des « zones sans idéologie LGBT »

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lus de 80 municipalités polonaises se sont déclarées « zones sans idéologie LGBT » au cours des six derniers mois. Elles sont presque toutes situées dans le quart sud-est du pays, sa région la plus conservatrice.

La commissaire européenne à l’Égalité, Helena Dalli, s’est inquiétée

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le 4 février des risques d’agressions contre les personnes ainsi désignées à la vindicte, comme l’avait fait avant elle le Parlement européen.

Mme Dalli en a profité pour rappeler que la défense des lesbiennes, homosexuels, bisexuels, transgenres, intersexes et queers serait une

priorité de la Commission pour les c i n q p ro c h a i n e s a n n é e s . A c t u e l lement, six pays européens ne reconnaissent ni le mariage ni l’union civile des personnes homosexuelles : la Pologne, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la Lituanie et la Lettonie.

SOURCE : OUEST-FRANCE

PHOTO : AMNESTY INTERNATIONAL

BRÈVES D’ACTUALITÉ INTERNATIONALE

CHINE

Des grandes marques liées au travail forcé des Ouïghours

PHOTO : ASPI

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a Chine a transféré des dizaines de milliers de membres de la minorité musulmane ouïghoure détenus dans des camps d’internement vers des usines fournissant au moins 80 des plus grandes marques mondiales, a affirmé l’Institut australien de stratégie politique (ASPI) dans un rapport publié le 2 mars.

Selon l’ASPI, plus de 80 000 Ouïghours détenus dans la région du Xinjiang (nord-ouest) ont été déplacés entre 2017 et 2019 dans des usines « appartenant aux chaînes d’approvisionnement de 83 marques connues mondialement dans la technologie, le textile et l’automobile ». Parmi elles, se trouvent de grands noms de l’électronique (Apple, Sony, Samsung, Microsoft, Nokia), du textile (Adidas, Lacoste, Gap, Nike, Puma, Uniqlo, H&M) ou encore de l’automobile (BMW, Volkswagen, Mercedes-Benz, Land Rover, Jaguar).

De grands groupes chinois sont aussi recensés comme Changan Automobile, Haier, Huawei ou encore Oppo. Selon le think tank australien, les ouvriers ouïghours transférés dans des usines dans le reste de la Chine sont privés de

liberté et contraints de travailler sous étroite surveillance.

Rappelons que les autorités chinoises ont engagé au Xinjiang une politique de sécurité maximale en réponse aux violences interethniques recensées dans la vaste région ces dernières années.

Plusieurs organisations de défense des

droits de l’homme accusent Pékin d’y avoir interné au moins un million de musulmans dans des « camps de rééducation ». Ce que les autorités chinoises démentent, parlant de « centres de formation professionnelle » destinés à soutenir l’emploi et à combattre l’extrémisme religieux. SOURCE : FRANCE24

TURQUIE

Le président Erdogan menace de laisser les migrants passer vers l’Europe

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massées le long de la frontière turco-grecque. De son côté, la Grèce a annoncé le 2 mars avoir empêché

4 000 migrants venant de Turquie d’entrer « illégalement » sur son territoire.

SOURCE : AGENCE FRANCE-PRESSE

PHOTO : OIM

L

e p ré s i d e n t t u r c , R e c e p Ta y y i p Erdogan, a annoncé le 29 février que la Turquie maintiendra ouvertes ses frontières avec l’Europe af in de permettre aux migrants de passer, alors que l’inverse avait été décidé deux jours plus tôt. Il s’agit d’une mesure de rétorsion envers l’Union européenne, que le président accuse de ne pas suff isamment aider Ankara à porter le fardeau, surtout financier, de la crise migratoire.

Le président Erdogan a aff irmé que 18 000 migrants avaient déjà franchi les frontières pour se rendre en E u r o p e d e p u i s l e 2 8 f é v r i e r, u n chiffre impossible à conf irmer. Selon les Nations unies, au moins 13 000 personnes étaient alors

INDE

Violences intercommunautaires meurtrières à New Delhi ont dégénéré en affrontements entre hindous et musulmans. Portée par le premier ministre Narendra Modi et son parti nationaliste au pouvoir, le BJP (Bharatiya Janata Party), cette réforme vise à accorder la naturalisation aux immigrés illégaux venus de trois pays

voisins (Pakistan, Bengladesh et Afghanistan) à condition que ceux-ci ne soient pas musulmans.

Conséquence : au moins deux millions de musulmans indiens ont été déchus de leur nationalité.

SOURCES : FRANCEINFO, FRANCE24 PHOTO : SANJEEV YADAV / DIPLOMATTESTERMAN

D

es émeutiers armés de pierres, de sabres et parfois même de pistolets sèment le chaos et la terreur depuis le 23 février dans des zones périphériques à majorité musulmane du nord-est de la mégapole indienne, New Delhi. Selon un bilan provisoire des autorités, au 28 février, les violences intercommunautaires avaient coûté la vie à 42 personnes et fait près de 200 blessés.

Les nombreuses scènes de ces violences publiées sur les réseaux sociaux montrent des membres du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) – un groupe paramilitaire nationaliste hindou ultra-violent accusé d’attiser les haines intercommunautaires – à l’œuvre.

Depuis décembre dernier, les heurts entre partisans et opposants du controversé Citizenship Amendment Act

AIDE AU DÉVELOPPEMENT

HAÏTI

Appel à sortir de l’« impasse politique »

L

des institutions haïtiennes, plombé l’économie du pays et alimenté une insécurité continue ». « Haïti s’apprête à entrer sa deuxième année avec un gouvernement intérimaire, son économie devrait sombrer plus profondément dans la récession, et on estime maintenant que 4,6 millions de ses citoyens ont besoin d’une assistance humanitaire », a-t-elle résumé.

«

SOURCE : ONU

PHOTO : UN PHOTO/LOGAN ABASSI

a Représentante spéciale pour Haïti et cheffe du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) a déploré devant le Conseil de sécurité de son organisation la crise dans laquelle se trouve ce pays depuis juillet 2018. Helen La Lime a appelé le 20 février les acteurs politiques à faire preuve de leadership pour sortir de cette « impasse politique [qui a] paralysé le fonctionnement

Des fonds détournés

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Les versements d’aides vers les pays les plus dépendants coïncident avec une augmentation importante de transferts vers des centres financiers offshore connus pour leur opacité et leur gestion privée de fortune », a conclu la Banque mondiale dans un rapport publié le 18 février. Autrement dit, selon les trois chercheurs qui ont étudié les flux financiers de 22 États, une partie de l’aide publique au développement dans les pays pauvres est détournée vers les paradis fiscaux.

Le taux de fuite présumée s’élève en moyenne à 7,5 %.

Un article publié quelques jours plus tôt par le magazine britannique The Economist laisse entendre que les hauts responsables de la Banque mondiale n’ont pas apprécié les conclusions des trois chercheurs, dont deux sont indépendants. Même que publication du rapport aurait été bloquée en novembre 2019 par l’état-major de l’institution présidée par David R. Malpass, dont le siège est à Washington. SOURCE : LE MONDE

OPÉRATION SÉDUCTION DU CANADA AU SÉNÉGAL

Le premier ministre Justin Trudeau rencontre le président du Sénégal, Macky Sall, le 12 février

par Hélène Boucher

Du 11 au 14 février, le premier ministre canadien Justin Trudeau s’est rendu au Sénégal, où il a, entre autres, rencontré le président Macky Sall. Il s’agissait d’une étape diplomatique évidente pour le Canada, qui tentera en juin de se faire élire au Conseil de sécurité des Nations unies. Sans Frontières était sur place. première assistance culturelle et technique au Sénégal.

Une conjoncture en phase avec le calendrier diplomatique canadien, considérant que le Bulletin d’information gouvernementale (BIG) a désigné 2020 « année du Canada au Sénégal ».

La croissance des rapports économiques des deux pays dans les secteurs aurifères, miniers, agricoles, pétrolifères, gaziers mais également dans les énergies propres, le numérique et l’implantation de plus de 60 entreprises canadiennes sur le territoire sénégalais « démontrent une réelle synergie », selon le BIG. Au

Le premier ministre participe à un événement sur la coopération sportive entre le Canada et le Sénégal qui vise à promouvoir le leadership des jeunes, notamment des filles, par le sport.

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PHOTO : TWITTER / PHOTO OFFICIELLE

«

Mon cher ami Macky, j’apprécie la Teranga sénégalaise ! » Le 12 février, Justin Trudeau s’est ainsi adressé au président du Sénégal, avec une familiarité assumée.

Le premier ministre du Canada a ensuite évoqué le pacte idéologique liant leurs deux pays autour « d’une langue et des valeurs communes », que sont « la démocratie, l’égalité et paix ». Il était clair qu’il souhaitait renouveler l’une des plus anciennes amitiés africaines postindépendance, débutée en 1962 sous le règne du premier ministre John Diefenbaker, dont le gouvernement a fourni une

terme de l’année, le Bulletin prévoit l’aboutissement d’investissements de l’ordre du milliard de dollars canadiens.

La protection du territoire sénégalais par des forces militaires formées aux plus actuelles normes est une autre priorité du Canada. Ainsi, au cours de sa visite, Justin Trudeau s’est rendu à la caserne Samba Diery de Dakar pour rencontrer des femmes membres du corps policier militaire de la mission de maintien de la paix de l’ONU. La mise en place par Ottawa de l’Initiative Elsie devrait d’ailleurs mener à l’accroissement du rôle des femmes dans ce domaine. Ce projet pilote de coopération multilatérale d’aide technique et formation a été lancé lors de la Conférence ministérielle des Nations unies sur le maintien de la paix qui s’est tenue à Vancouver en 2017, afin de promouvoir « l’égalité des genres dans les structures d’opération de la paix ».

L’ensemble de ce positionnement stratégique a pour but de s’assurer un appui sénégalais à la candidature du Canada à un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU lors du scrutin prévu en juin. Macky Sall semble d’ailleurs déterminé à soutenir son allié nord-américain. « On a besoin de la voix du Canada au Conseil de sécurité ; je pense que c’est une voix qui va raisonner et que ce sera une voix raisonnable. Le Canada a tout notre soutien dans cette élection », a-t-il déclaré le 12 février.

PHOTO : TWITTER / PHOTO OFFICIELLE

DIP L OM AT IE

DIP L OM AT IE

Justin Trudeau rencontre des gardiennes de la paix à Dakar, le 13 février

LA DÉLÉGUÉE DU QUÉBEC À DAKAR FORTEMENT CRITIQUÉE

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ne dizaine de jours après le passage du premier ministre Trudeau, le diffuseur public canadien Radio-Canada publiait une nouvelle intitulée Crise interne à la délégation du Québec à Dakar : Houda-Pepin critiquée. L’enquête menée par le journaliste Jean-François Coulombe en collaboration avec Marie-Laure Josselin révèle que Fatima Houda-Pepin, la déléguée en poste depuis novembre 2019 aurait commis plusieurs faux pas dans sa gestion de la délégation, où « le climat de travail se serait grandement détérioré », au point de devenir « délétère ».

Mise en place en 2016, la toute première délégation du Québec en Afrique a pour mission de développer les relations politiques et économiques avec le Sénégal, ainsi que plusieurs autres pays de la sous-région : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le CapVert, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Togo, la Gambie. Mais depuis le départ de son premier délégué, Younes Mihoubi, une employée nommée au poste de première conseillère a été éjectée et contrainte de retourner au Québec.

L’attaché aux affaires éducatives et culturelles s’est vu confié plusieurs tâches excédents son mandat, au point où il a décidé de démissionner. Le développement des partenariats a été ralenti par un manque de communications et de partage d’informations lié à un manque de confiance. Des difficultés relationnelles qui atteindront leur paroxysme alors que les employés locaux se sont vus interdire de s’exprimer en langue locale wolof et que deux

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“Demain, on légalise l’homosexualité” et “demain c’est la Gay pride”, etc. » a-t-il déclaré en guise d’explication. « La société va évoluer, cela prendra le temps que cela prendra », a-t-il insisté dans cette déclaration faite en langue locale wolof à l’endroit de ses concitoyens, comme par souci de compréhension collective.

PHOTO : TWITTER / PHOTO OFFICIELLE

Le même jour, face aux journalistes, le président du Sénégal a tenu à rappeler que son pays « n’est pas homophobe ».

Une tentative plus ou moins concluante de démontrer une certaine ouverture en matière juridique qui demeure bien loin des attentes de son homologue canadien. « On en a parlé brièvement, mais surtout on est en train de regarder à quel point le Sénégal est un leader en termes de démocratie, de valeurs. On a tous du travail à faire encore, mais on a eu de très bonnes discussions là-dessus », a précisé Justin Trudeau durant un point de presse commun.

L’homosexualité est définie dans le Code pénal sénégalais comme un « acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe ». Toute personne traduite en justice à cet effet risque une peine d’emprisonnement d’une à cinq années s’il est accusé par quiconque. La société sénégalaise est très imprégnée des préceptes de l’Islam et des confréries coraniques, pour qui tout ce qui concerne l’homosexualité est tabou.

Interrogé par un journaliste canadien à propos de la défense des droits homosexuels, Macky Sall s’est montré catégorique. « Les lois de notre pays obéissent à des normes qui sont un condensé de nos valeurs de culture et de civilisation. Cela n’a rien à voir avec l’homophobie. Mais on ne peut pas non plus demander au Sénégal de dire :

femmes de ménage sénégalaises ont été renvoyées de la délégation sans en connaître la raison. À ces impasses de gestion – auxquelles la déléguée n’avait apporté aucune explication au moment de mettre sous presse –, s’ajoutent des frais d’hébergement questionnables dans un hôtel huppé de Dakar, le Novotel. Entre le 21 décembre 2019 et le 18 février 2020, Mme Houda-Pepin s’y serait installée « par souci de sécurité », selon le ministère québécois des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF). La facture s’élève à 11 344,50 $ CAN, alors qu’une résidence était à la disposition de la déléguée sur l’Avenue des Ambassadeurs, une artère protégée.

Sans Frontières a tenté de joindre la déléguée dans les jours suivants la publication de l’enquête, en vain. De son côté, le premier ministre du Québec, François Legault, a affirmé qu’il allait évaluer la possibilité de destituer Fatima Houda-Pepin de son poste de déléguée, une fois qu’il aura en main les conclusions d’une enquête « déjà en cours », apparemment depuis janvier. Selon Vincent Marissal, député du parti de gauche Québec solidaire de la circonscription montréalaise de Rosemont, « il est grand temps de commencer à offrir ces postes à des diplomates de formation ou d’expérience plutôt qu’en guise Fatima Houda-Pépin de récompense ».

PHOTO : TWITTER/ FATIMA HOUDA-PÉPIN

L’ÉPINEUSE QUESTION DE L’HOMOSEXUALITÉ

E N T RE V UE

MAURICE KAMTO

« NOUS AVONS TIRÉ LA SONNETTE D’ALARME » Propos recueillis par Benoîte Labrosse

Q

Professeur Kamto, vous avez été acclamé par quelques milliers de personnes à Paris récemment. Nous avons pu constater que vous avez plusieurs dizaines de partisans à Montréal, et votre tournée internationale se poursuivra ensuite. Pourquoi accordez-vous autant d’attention à la diaspora camerounaise ?

Parce qu’elle est composée d’hommes et de femmes en général bien formés, qui ont acquis une expérience dans des entreprises et des institutions. C’est un gain extraordinaire qui peut être mis au service du développement du Cameroun de demain. C’est pourquoi, au contraire du pouvoir en place qui voit la diaspora comme une menace et un danger, nous la voyons comme une opportunité et une chance.

En fait, selon nous, la vocation naturelle de la diaspora n’est pas de rester à l’extérieur ; la majorité devrait rentrer pour apporter sa contribution au développement du pays. Voilà pourquoi nous insistons sur le contact avec la diaspora : pour continuer à maintenir cette flamme, mais aussi pour les rassurer sur le fait qu’ils ont une vraie chance de devenir des acteurs de développement de leur pays d’origine.

J’ajouterai que la diaspora camerounaise nous a soutenus de manière extraordinaire pendant notre détention [du 28 janvier au 5 octobre 2019 à Yaoundé]. Il aurait été ingrat de notre part de ne pas venir lui présenter nos remerciements.

PHOTO : BENOÎTE LABROSSE

R

Avant de fonder le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) – principal parti d’opposition au régime de Paul Biya, au pouvoir depuis 1982 –, Maurice Kamto a exercé le droit dans diverses institutions internationales, dont la Commission du droit international des Nations unies et la Cour permanente d’arbitrage. Cet avocat et ancien ministre délégué à la Justice est également un universitaire réputé.

C’est d’ailleurs à l’occasion de son passage à l’Université du Québec à Montréal, pour y présenter une conférence portant sur le droit international et la décolonisation organisée par le centre d’études sur le droit international et la mondialisation (CEDIM) et l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM), que Sans Frontières l’a rencontré, le 7 février dernier.

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Q R

Quel est, selon vous, l’impact de la diaspora sur la vie politique du Cameroun ?

Nous ne devons pas oublier que la diaspora soutient énormément les familles restées au pays, ce qui fait qu’ils ont malgré tout une certaine influence politique sur ces mêmes familles. Si quelqu’un de la diaspora pense qu’il faut soutenir le gouvernement en place, les gens qu’il soutient financièrement ont tendance à le suivre. Également, la diaspora peut désormais voter pour les élections législatives au Cameroun, ce qui n’était pas le cas il y quelques années ; c’est donc une clientèle électorale.

Q

Après Montréal, vous vous rendrez à Toronto, puis aux États-Unis. Pourquoi avez-vous décidé de visiter la diaspora au moment même où se déroulent les élections législatives et municipales dans votre pays ?

En réalité, nous voulions faire cette tournée après l’élection présidentielle [de 2018]. Après notre remise en liberté [le 5 octobre 2019], nous avons d’abord travaillé avec nos

R

E N T RE V UE militants au pays pour les remobiliser, parce qu’il faut reconnaître qu’ils avaient été un peu découragés par notre détention. Ensuite, nous avons programmé cette tournée. Ce n’est pas quelque chose qui s’est décidé comme ça pour fuir le pays ; de toute façon nous allons y rentrer. Et puis, qu’est-ce que nous aurions fait au Cameroun un dimanche d’élections, sauf de rester à la maison comme nous le demandons à tous les autres Camerounais de le faire ? (rires)

Q

Votre parti, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), a décidé de boycotter les élections du 9 février, entre autres pour protester contre l’absence de réforme du code électoral. Pourtant, c’est sous ce même code que s’est tenue l’élection présidentielle d’octobre 2018, à laquelle vous êtes officiellement arrivé deuxième. Qu’est-ce qui a changé depuis pour justifier cette non-participation ?

La question est intéressante, car nous demandons la modification du code électoral depuis 2013. Cette année-là, nous avons participé aux élections couplées législatives et municipales, alors que nous avions que sept mois d’existence comme parti politique. Nous avons gagné des municipalités et des sièges de députés, mais on ne nous les a pas attribués. Nous avons donc affirmé que le code électoral était mauvais, et fait une proposition de loi pour le modifier. Personne ne nous a entendus.

En 2018, c’était le même code, mais nous voulions montrer que l’on peut gagner une élection présidentielle avec un mauvais code — parce que nous avions fait un travail extraordinaire de mobilisation et que nous pouvions mettre des représentants dans tous les bureaux de vote. Nous avons gagné dans les urnes, mais le Conseil constitutionnel a déclaré le président sortant vainqueur. À partir de là, nous avons dit que nous ne pouvions pas participer aux élections en 2020, parce que les mêmes causes vont produire les mêmes effets.

Mais je vous rappelle que la première raison de notre non-participation, c’est la crise, la guerre dans le Nord…

R

avant que nous n’allions aux élections, parce que sinon nous allons protester. Nous avons marché en janvier 2019, et c’est ce qui nous a valu notre arrestation [à Yaoundé avec plus d’une centaine de sympathisants du MRC]. Donc nous sommes cohérents, nous avons été logiques jusqu’au bout.

Je rappelle aussi que la communauté internationale a demandé le règlement de la crise anglophone au Cameroun et la révision du code électoral avant toute élection. Même l’organe électoral mis en place par le gouvernement camerounais, ELECAM, l’a demandé dans deux rapports distincts. Ils ne l’ont pas fait. Dans ses conditions, nous ne pouvions pas participer aux élections.

Q

Vous avez condamné « toutes les sortes de violences » à plusieurs reprises. Quel message voudriez-vous adresser aux membres des Brigades anti-sardinards qui usent de violence pour signifier leur désaccord avec le régime de Paul Biya – dont ceux qui ont vandalisé les ambassades du Cameroun à Paris et Berlin en janvier 2019 –, sachant que certains s’identifient au MRC, entre autres avec des t-shirts ?

Est-ce que je peux demander à des Camerounais de ne pas porter mes t-shirts, sérieusement !?! Les gens dont vous parlez ont toujours dit : « Nous n’avons aucun lien avec M. Kamto ». Au moment où je vous parle, nous venons d’avoir les premières informations sur le dossier des casses de l’ambassade à Paris, et il ressort de toute l’enquête qu’ils ont dit de façon constante qu’ils n’ont aucun lien avec le MRC, et qu’ils n’ont aucun lien avec moi. Donc ne me demandez pas de me disculper de quelque chose qui ne concerne pas.

R

Q

Justement, votre parti affirme boycotter les élections « pour ne pas exacerber la crise » dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Pourtant, celle-ci dure depuis fin 2016, et le climat y était très tendu au moment des présidentielles de 2018. Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Cela n’avait pas atteint l’ampleur actuelle. En 2018, nous n’étions pas encore vraiment dans la généralisation du conflit comme aujourd’hui. Or, entre début 2017 et aujourd’hui, il y a eu entre 3 000 et 12 000 morts, selon les sources. Il y a trois années sans scolarité des enfants, donc c’est une génération perdue. L’économie est par terre ; par un décret du premier ministre, le gouvernement a déclaré les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest fiscalement sinistrées, c’est-à-dire qu’on ne peut plus collecter les impôts là-bas. Il y a entre 400 000 et 800 000 déplacés internes.

Toutes ces situations n’existaient pas avec la même ampleur en 2018. Ensuite, nous avons tiré la sonnette d’alarme, attiré l’attention du gouvernement en disant : régler le problème

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Un Nigérian partage de la nourriture avec des Camerounais qui ont fui les violences dans les régions anglophones du Cameroun

PHOTO : HCR/SIMI VIJAY

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E N T RE V UE Il ne s’agit pas ici de vous disculper, mais la question demeure : que dites-vous aux gens qui usent de violence pour signifier leur désaccord avec le régime en place ?

Je l’ai dit partout et je le répète ici : je condamne la violence d’où qu’elle vienne. Est-ce que vous croyez que la violence du gouvernement est plus acceptable et plus supportable que celle que les gens dénoncent ? J’aimerais que l’on m’explique comment le gouvernement peut faire entre 3 000 morts et 12 000 morts et que personne ne demande jamais à quiconque de condamner cela ? Mais on vous dit que parce que quelqu’un a porté votre t-shirt, il faut les condamner… Non. Il n’y a pas de classification dans la violence, et la violence n’est pas la solution.

Nous, nous avons choisi le changement dans la paix et par les urnes. C’est notre voie, c’est notre cap.

J’espère que vous aurez l’occasion d’interviewer M. Biya un jour, et de lui demander de dénoncer les violences qui sont à l’origine du chaos total que l’on observe au Cameroun. Moi je dis à tous les Camerounais « portez mes t-shirts ! » et j’en serai très content (rires).

R

UNE PARTICIPATION « MODÉRÉE » ET DES RÉSULTATS PRÉVISIBLES Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti du président Paul Biya, a remporté 139 sièges sur 180 aux élections législatives du 9 février, selon les résultats partiels rendus publics le 28 du même mois par le Conseil constitutionnel.

L’Agence France-Presse a rapporté que le président de celui-ci, Clément Atangana, a déclaré la participation au vote comme étant « modérée », à 45,98 %.

Il s’agit de résultats partiels, car le scrutin a été annulé par le Conseil constitutionnel dans 10 circonscriptions du Nord-Ouest et une du Sud-Ouest. Le vote pour les 13 députés correspondants devra être repris « dans un délai de 20 à 40 jours » après cette annonce.

Paul Biya et sa femme Chantale ont voté le 9 février.

PHOTO : PRÉSIDENCE RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN

Q

DERNIÈRE HEURE

« Je vais appeler la semaine prochaine le président Biya et on mettra le maximum de pression pour que cette situation [dans la zone anglophone] cesse », a déclaré le président français Emmanuel Macron à un membre de la Brigade anti-sardinards, Abdoulaye Thiam, qui l’a interpellé à Paris le 22 février. Il a également affirmé à cet activiste surnommé Calibri Calibro que Maurice Kamto « a été libéré parce qu’on [la France] a mis la pression ».

Cette sortie impromptue filmée au Salon international de l’agriculture a été très mal reçue par la présidence camerounaise, qui a rapidement diffusé un communiqué dans lequel elle « rejette fermement tant les allégations mensongères dudit activiste que les propos surprenants du président de la République française ». Et Paul Biya a refusé de répondre à un appel téléphonique d’Emmanuel Macron, selon ce qu’a affirmé le président du Syndicat national des journalistes du Cameroun, Denis Nkwebo, sur Twitter le 27 février.

Treize jours plus tôt, 23 personnes – dont 15 enfants et deux femmes enceintes – ont été tuées à Ngarbuh,

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PHOTO : OCHA/GILES CLARKE

CRISE DIPLOMATIQUE FRANCOCAMEROUNAISE SUR FOND D’INSÉCURITÉ GRANDISSANTE

dans la région du Nord-Ouest. Des témoins ont déclaré au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme qu’une quarantaine d’hommes armés, dont des membres des forces de sécurité et de défense nationales ont attaqué ce village, entraînant également le déplacement de 600 à 700 personnes.

Le 28 février, le gouvernement camerounais a annoncé l’ouverture d’une enquête sur l’évènement, dont les conclusions devraient être rendues publiques rapidement.

REGARDS SUR LE PLUS GRAND CAMP DE RÉFUGIÉS AU MONDE Par Jean-François Venne

Plus de 750 000 Rohingyas ont fui le Myanmar depuis août 2017, en raison des violences dont ils font l’objet. Le photojournaliste Renaud Philippe s’efforce de faire connaître au Québec ce que subissent ces populations et la manière dont ils composent avec leurs traumatismes, entre autres à travers l’exposition immersive Errance sans retour.

L

e Musée national des beaux-arts de Québec (MNBAQ ) présente jusqu’en janvier 2021 l’exposition immersive multimédia Errance sans retour, qui rassemble photographies, extraits cinématographiques, ambiances sonores, témoignages et dessins d’enfants, ainsi que des portraits (œuvres de Rosalie Gamache) et des

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dioramas (réalisés par Karine Giboulo).

Son objectif est de communiquer la réalité vécue par les Rohingyas, membres d’une minorité musulmane du Myanmar persécutée depuis les années 1960 par la majorité bouddhiste.

Cet automne paraîtra aussi au Québec un documentaire filmé dans le camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh.

Créé en 1992 pour accueillir les Rohingyas fuyant ce qui était alors la Birmanie – la junte militaire au pouvoir a changé le nom du pays en octobre 2010 – ce camp est devenu le plus grand au monde à la suite d’une nouvelle flambée de violence amorcée en 2017. On y retrouve aujourd’hui plus de 620 000 exilés, selon les estimations du Haut Commissariat

PHOTO : RENAUD PHILIPPE

HUM A NI TA IRE

des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Plus de 300 000 autres sont hébergés dans le même district, Cox’s Bazar.

L’exposition et le documentaire ont un dénominateur commun : le photojournaliste Renaud Philippe. Depuis 15 ans, il croque la dure réalité vécue par ceux qui doivent affronter le déplacement forcé et l’exil. Inévitablement, le sort des Rohingyas l’a interpellé : ils constituent la plus importante population apatride au monde et leur fuite a généré l’un des plus grands déplacements de réfugiés en Asie depuis plusieurs décennies.

M. Philippe a effectué deux séjours de trois semaines chacun au Bangladesh en 2018. « C’est après quelques jours passés sur place que j’ai vraiment saisi l’ampleur de cette crise, admet-il. On a beau s’informer sur la situation, ce n’est pas comme voir la réalité de ses yeux, entendre les bruits et sentir les odeurs du camp. Cela

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permet de mieux comprendre ce qui arrive à ces gens. » Au fil des témoignages recueillis sur place, environ une trentaine en tout, il a mesuré les traumatismes vécus par les Rohingyas déracinés et visés par cette violence. Il a pris un grand nombre de photos, notamment d’enfants. Il souligne que de travailler auprès des jeunes n’est pas si différent que d’interagir avec les adultes. « Il s’agit toujours de trouver une façon de créer un lien », résume-t-il.

Les enfants constituent d’ailleurs plus de la moitié des habitants du camp, et ont peu accès à l’éducation, puisqu’il n’y a pas assez d’écoles coraniques pour les accueillir tous.

LE REGARD DES ENFANTS L’an dernier, un rapport de l’ONG Human Rights Watch indiquait que le gouvernement du Bangladesh mettait

Renaud Philippe

PHOTO : COURTOISIE

PHOTO : RENAUD PHILIPPE

HUM A NI TA IRE

PHOTO : RENAUD PHILIPPE

HUM A NI TA IRE

des bâtons dans les roues des organisations humanitaires qui souhaitaient offrir une scolarité aux enfants vivant dans les camps. Les autorités refusaient aussi que les jeunes apprennent le bengali ou encore qu’ils s’inscrivent dans des écoles privées ou publiques à l’extérieur des camps. En janvier 2020, le Bangladesh a annoncé la levée progressive de ces restrictions, en commençant par les petits de 11-13 ans. À ceux qui voudraient jeter la pierre au Bangladesh, M. Philippe rappelle que ce pays pauvre éprouve déjà de la difficulté à gérer sa propre surpopulation et peine à composer avec l’arrivée soudaine de centaines de milliers de réfugiés.

Sur le terrain, le photojournaliste a constaté que les enfants sont tout aussi marqués que leurs parents par la violence qu’ils ont subie, mais qu’ils le vivent à leur manière. Il se rappelle avoir été bouleversé en apercevant les dessins d’un jeune garçon. Des scènes hantées par l’assassinat de son père, le viol de ses tantes, la fuite et la vie à l’intérieur du camp, rendues à coup de grands traits noirs et de taches rouges.

Le documentaire d’Olivier Higgins et Mélanie Carrier auquel a collaboré le photographe et qui sera diffusé cet automne montre d’ailleurs cette crise vue par

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l’angle d’un autre garçon, qui a lui-même été blessé d’un tir d’arme à feu en fuyant le Myanmar. À partir de son histoire, le spectateur rencontrera sa famille et découvrira, à travers leur regard, la situation des Rohingyas et la vie dans le camp de Kutupalong.

UN NOUVEL ÂGE D’OR DU PHOTOJOURNALISME Avec sa collaboration à ce documentaire et à des expositions comme celle du MNBAQ et une autre organisée par le quotidien britannique The Guardian à Londres l’an dernier – en plus de la diffusion de ses clichés dans les médias internationaux –, Renaud Philippe souhaite sensibiliser les gens à ce drame humanitaire. Il affirme le faire « sans naïveté », sans s’imaginer que la seule force de ses images permettra de dénouer l’impasse, mais avec la conviction que se taire est impossible.

Au Canada, ses photos ont été publiées dans le journal québécois francophone Le Devoir et le journal anglophone The Globe and Mail, notamment, mais il admet que par leur nature même, ces quotidiens ont parfois un impact limité. « Leur rôle consiste à rapporter les nouvelles, donc si les Rohingyas occupent la manchette une journée, ils risquent de s’en voir chassés rapidement le lendemain par

une nouvelle information », souligne-t-il.

Les médias seraient aussi, selon lui, très axés sur les acteurs politiques de ce type de conflits, et auraient ainsi moins de facilité à communiquer les expériences vécues jour après jour par les populations touchées.

En tant que photojournaliste indépendant, M. Philippe recherche sans cesse des occasions de faire exister ces images dans différents formats, à l’extérieur des médias. Mais n’allez surtout pas lui parler d’une perte de vitesse du photojournalisme. Il pense au contraire que l’on assiste à un nouvel élan de cet art qui a connu son âge d’or dans les années 19501960 avec les Antoine Desilets, William Eugene Smith et Philip Jones Griffiths. Il cite au passage les noms d’Adrienne Surprenant, Alexis Aubin, Valérian Mazataud ou encore Adil Boukind, des photographes du Québec qui documentent des sujets qu’ils jugent importants, comme, l’exclusion sociale, l’immigration ou encore l’impact des mines antipersonnel en Colombie. « C’est toujours un combat de financer ces projets, de les mener à bien puis d’en diffuser les photos, donc il faut croire en ce que l’on fait, mais personnellement je garde un regard très optimiste sur ce travail », conclut-il.

PHOTO : RENAUD PHILIPPE

HUM A NI TA IRE

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MAURITANIE SÉNÉGAL DAKAR

MALI GAMBIE

CASAMANCE GUINÉE-BISSAU

GUINÉE

CASAMANCE : SOUBRESAUTS DE RÉSOLUTION DE CONFLIT SUR TERRAIN MINÉ Par Hélène Boucher

Casamance. L’évocation de ce territoire considéré comme le grenier du Sénégal, coincé au nord par la frontière gambienne et au sud par celle de la Guinée-Bissau, déclenche une onde de crainte auprès des autorités diplomatiques canadiennes et françaises.

Comme si la région de 30 000 km², située à plus de 500 km de Dakar, vivait encore sous la poigne du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), une milice indépendantiste luttant depuis 38 ans dans ce « maquis » restreint. Sans Frontières a discuté de ce conflit en apparence insoluble avec Mamadou Aliou Diallo, un journaliste sénégalais qui étudie la situation casamançaise depuis un quart de siècle, et la présidente de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance, Ndèye Marie Diédhiou.

A

ujourd’hui, quelque 37 % des familles casamançaises sont aux prises avec de graves pénuries alimentaires, selon des statistiques 2017 du Programme alimentaire mondial. L’agriculture souffre également d’un retard technique et mécanique par rapport aux autres zones rurales du Sénégal. Pour ajouter à ce tableau dévastateur, les mines terrestres posées par

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les rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) empêchent les paysans de cultiver de larges parcelles, rendant plus difficile d’alimenter les 1,8 million d’habitants que compte la région. Un cocktail explosif, déclencheur d’un des plus vieux conflits non résolus en Afrique.

26 décembre 1982. Une marche pacifique à caractère dénonciateur bat son

plein à Ziguinchor, chef-lieu historique de la Casamance. La mobilisation est initiée par le MFDC, actif depuis 1947. Au banc des accusés, l’État sénégalais et son désengagement envers la région, qui s’inscrit pourtant dans sa territorialité et sa culture nationales.

Le tracé du sud du Sénégal a hérité des divisions du traité franco-britannique de 1889, desquelles naîtra la Gambie

Un accrochage a eu lieu dans le village d’Ahinga entre l’armée sénégalaise et les rebelles du MFDC le 3 mars 2018 lors d’une opération de sécurisation. Un militaire a été tué et deux rebelles faits prisonniers.

Salif Sadio s’exprime librement dans les médias mondiaux. Une manœuvre qui tourne à la manipulation d’informations entre la version de l’armée et celle des autorités politiques, selon le journaliste Mamadou Aliou Diallo qui s’est aventuré à maintes reprises dans les

zones interdites du maquis. « Dans les villages jouxtant les zones sous emprise de la rébellion se perpétuaient les enlèvements de femmes sur les terres agricoles, raconte-t-il. On les kidnappait puis les relâchait après qu’elles aient servi la cause… »

PHOTO : BACARY SONKO

indépendante en 1965. Dans cette zone géopolitiquement sensible, la Casamance tente d’émerger depuis, mais son enclavement engendre insécurité et famine dans certains secteurs.

Le journaliste sénégalais Mamadou Aliou Diallo nous relate : « Au départ, il y avait une aile politique et militaire qui recevait un financement de l’ancien président Abdoulaye Wade. Ce dernier avait instauré cette manière forte de régler la rébellion en envoyant des mallettes dans le maquis afin que les rebelles les partagent équitablement. » Une technique dont tous constatent toutefois l’échec après une succession de plusieurs cessezle-feu, en 1991, 1996 et 1999. En 2004, les parties prenantes apposent tout de même leurs signatures au bas d’un accord de paix, non matérialisé à ce jour. Les leaders de la rébellion casamançaise, dont Salif Sadio, sont encore prêts à tout pour remporter la bataille contre les forces nordistes.

Malgré la réticence des autorités nationales à constater l’internationalisation du conflit de la Casamance, les rebelles ont réussi à étendre leurs bases militaires jusqu’aux pays voisins, en GuinéeBissau et en Gambie, où, au plus fort de la crise, sous le régime du président gambien Yaya Jammeh (1994-2017), le MFDC avait trouvé un appui.

Mamadou Aliou Diallo, un journaliste qui couvre le conflit depuis près de 25 ans.

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PHOTO: 7SUR7SENEGAL.COM

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PHOTO : PFPC

DÉ C R Y P TA GE

Les femmes marchent lors de la Journée régionale de la paix, en février 2013.

civile. Une réalité amère encore d’actualité sur laquelle insiste le reporter Diallo. « Il y a encore plein de mines antipersonnel actives, mais les rebelles refusent de s’en départir, car elles agissent comme moyens de défense pour leur combat », précise-t-il.

depuis sa création en septembre 2010.

Date marquant la première décennie de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui souligne le rôle

LE SECOURS DES FEMMES, GAGE DE LA RÉSOLUTION 1325 Face au MDFC , la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance (PFPC) s’avère une impressionnante force de frappe civile. Rayonnant au départ dans trois régions du sud du Sénégal – Ziguinchor, Sédhiou et Kolda – la PFPC rallie aujourd’hui 170 associations comptant 35 000 membres féminins à travers le pays. Vêtues solennellement de blanc – porteur de la paix – lors de leurs sorties publiques, celles-ci défendent une vision commune : « faire de la Casamance une région apaisée où les femmes et les populations jouissent de leur plein droit à la paix et au développement ».

Se démenant sur plusieurs fronts, cette structure basée à Ziguinchor demande, entre autres, une participation nationale au conflit perdurant sur le territoire,

PHOTO : PFPC

Un voile de lassitude se lit sur le visage de l’investigateur affilié jadis à l’Agence France-Presse et à l’Agence panafricaine de presse. Il parle de moins en moins du conflit en Casamance, sauf lors d’interventions pour la presse internationale, qui publie aujourd’hui ses rares papiers.

Croit-il à une paix durable ? « On assiste à une accalmie d’affrontements et de violences depuis cinq ans, et à des tentatives sporadiques de résolution, affirme-t-il.

Celle-ci sera possible seulement si l’État prend l’initiative de faire participer la société civile à jouer son rôle de rapprochement sans diaboliser les troupes. » Sous la gouverne du président sénégalais actuel, Macky Sall, le soutien pécuniaire et les cotisations accordés au MFDC ont diminué. La rébellion peine à survivre et baigne davantage dans le brigandage que dans la revendication en soi. Il reste cependant à s’attaquer au déminage de zones du Nord Sindian, de Niassya, du Sud Oussouye et de Niaguis, qui piègent encore des innocents.

Des habitants continuent en effet de sauter sur ces « bombes à retardement » enfouies en milieu forestier, malgré les campagnes de sensibilisation de la société

La présidente de la PFPC, Ndèye Marie Diédhiou

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de la PFPC. La Plateforme recueille les sombres récits de femmes victimes à qui elles offrent des soins médicaux et des aides juridiques dans un centre d’accueil. « Les langues continuent à se délier et racontent les violences faites aux femmes.

Il faudra attendre la fin de la guerre pour une pleine délivrance de leur parole… », estime la présidente qui a retranscrit leurs paroles dans un ouvrage intitulé Paroles de femmes, paroles de paix.

TERNE IMAGE DE LA CASAMANCE À L’INTERNATIONAL Les temps sont durs pour l’image de la région méridionale du Sénégal, qui aspire à se développer et à passer outre l’impasse conflictuelle. Alors que le ministère français des Affaires étrangères exhorte ses ressortissants « de ne pas y circuler seul, de faire preuve d’une vigilance renforcée, privilégiant les axes principaux », Affaires mondiales Canada diffuse un avertissement non moins rassurant. Ce ministère appelle à « faire preuve d’une grande prudence en raison du taux de criminalité de la Casamance et des régions frontalières à la Gambie et la GuinéeBissau ». Le 6 janvier 2018, une tuerie a fait 14 morts au sud-ouest de Ziguinchor,

dans la forêt classée de Bayotte. Le massacre de ces bûcherons dans un contexte d’un autre grand enjeu de la région – la coupe clandestine du bois de teck – entache le processus de paix, selon la présidente Diédhiou.

Est-ce qu’un médiateur externe – l’Union européenne ou les Nations unies, par exemple – parviendrait à réinstaurer la paix tant désirée par le peuple casamançais, mais aussi par une fraction du MFDC ? Une ultime alternative auquel aimerait croire le journaliste Mamadou Aliou Diallo, désillusionné.

Le semblant d’accalmie instauré depuis 2015 paraît illusoire aux deux Casamançais interrogés.

Des attaques et braquages persistent, mais le nombre de viols aurait diminué, selon des enquêtes sur la question auxquelles se fie la PFPC dans le cadre de ses campagnes de sensibilisation et d’information. « Dans les années 1990 et 2000, la violence était à son point culminant en Casamance, mais ce n’est plus le cas en 2020. La région souffre de cette fausse publicité qui nuit aussi au tourisme local », se désole l’infatigable présidente de la Plateforme, qui espère toujours voir son milieu libéré des chaînes ligotant une réelle instauration de la paix.

PHOTO : IRINNEWS

prépondérant des femmes dans les négociations de paix. « Traditionnellement, la femme sénégalaise est impliquée dans la résolution des conflits », rappelle la présidente de la PFPC, Ndèye Marie Diédhiou. En plus d’apporter une aide directe aux victimes du conflit, la plateforme utilise le plaidoyer comme mode de dialogue ouvert entre ceux que Mme Diédhiou appelle « les attaquants » et l’État du Sénégal, seule autorité habilitée à résoudre le conflit, qui « est encore en cours », selon elle.

L’histoire personnelle de la présidente Diédhiou, une enseignante à l’âme syndicaliste, a tracé son itinéraire jusqu’à la PFPC, qu’elle dirige depuis sa création.

La perte de son père décédé dans sa jeunesse à cause du conflit casamançais lui laissera une empreinte militante. Tout comme ce jour où elle évitera de justesse une mine, assistant, impuissante, à l’explosion de l’autobus qui la précède sur la route. « La souffrance s’est inscrite autour de moi, mais avec la confiance des femmes, j’ai accédé à la tête de la Plateforme. Je ne dois pas les décevoir et toujours résister aux attaques verbales dont je suis parfois la cible, cela fait partie du combat », soutient celle dont des collègues du corps professoral de son village, membres du MFDC, ont tenté de tester son allégeance au mouvement rebelle.

Pour que les femmes parviennent à s’inscrire dans la résolution pacifique en Casamance, plusieurs défis et écueils demeurent, selon Mme Diédhiou. D’abord, l’affront de faire face aux plus coriaces combattants, aux yeux de qui les femmes, qui n’ont pas pris les armes, n’ont pas de voix. Second obstacle, celui des autorités légales étatiques, qui auraient convenu avec des membres de la rébellion d’une résolution de paix à Rome en 2012 puis en 2014, mais dont l’application tarde et piétine. À quand une réelle sortie de crise ? Pour la PFPC, le temps de la résolution définitive est dans l’air, mais l’heure est loin d’avoir sonnée. Voilà pourquoi l’organisation rencontre la population, tentant de recueillir des points de vue sur l’état de la situation dans tous les milieux, afin d’encourager une implication de l’ensemble de la population. « Nos activités comprennent une assistance aux victimes de conflits armés, les femmes comme les hommes », assure la présidente

LES AC TIVITÉS DE LOISIRS

SOLUTION AU FUTUR DE L’ÉDUCATION ET DU BIEN-ÊTRE DANS LES CONTEXTES EXTRÊMES DE VIE Par Laurie Decarpentrie et Tegwen Gadais Chaire UNESCO de développement curriculaire, Université du Québec à Montréal

Que serait l’éducation de demain si on envoyait les jeunes faire du sport, de la musique ou du théâtre ? Et si l’école ne suffisait plus ? Cette idée n’est peut-être pas si stupide lorsque l’on regarde les taux de décrochage et d’échec scolaire des jeunes qui vivent en contexte extrême de développement. Plusieurs ONG à l’international en ont fait le pari, et les résultats sont prometteurs pour le bien-être et la motivation de ces jeunes.

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travers le monde, les jeunes n’ont pas les mêmes chances de développer leur potentiel et de devenir des adultes équilibrés. La population mondiale est composée d’environ 1,8 milliard de jeunes âgés de SANSFRONTIÈRES

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10 à 24 ans et environ 90 % d’entre eux vivent dans les pays en développement, selon des données onusiennes de 2018. Le développement optimal de cette génération dépend notamment des ressources en accompagnement, en éducation,

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OP INION

OP INION en santé et des moyens mis en œuvre pour soutenir ce développement. Le déséquilibre de ces ressources est clairement observable à travers le monde.

Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) mentionnait en 2011 que les mauvais résultats scolaires, le chômage, la consommation de substances, les comportements à risque, la criminalité, la mauvaise santé sexuelle et reproductive, l’automutilation et la mauvaise hygiène personnelle sont autant de conséquences possibles du manque d’éducation, mais aussi des troubles de santé mentale non traités chez les adolescents. Plus encore, l’environnement joue un rôle crucial dans le processus de développement d’un jeune et dans le maintien de sa santé. Certains contextes de vie, qualifiés d’extrêmes, peuvent faire fluctuer drastiquement le niveau de stress chez un individu. Ceci implique des conséquences majeures sur son développement, ainsi que sur sa santé physique et mentale à plus ou moins long terme.

Les enfants vivant dans les zones de conflits armés ou dans des conditions de pauvreté extrême font constamment face à ces facteurs critiques. Les problématiques vécues par les enfants des rues, les enfants esclaves, les enfants soldats, les enfants sorciers ou encore les enfants qui travaillent dans les mines sont autant de contextes qui font écho à ces conditions extrêmes de vie.

CONTEXTE EXTRÊME DE DÉVELOPPEMENT ET TRAUMATISMES

UNE VARIÉTÉ DE CONTEXTES TRAUMATIQUES Les contextes traumatiques sont distingués par leur intensité ou leur expression : massifs, brefs, intenses ou cumulatifs et/ou de longue durée. La professeure de psychologie et sciences de l’éducation française Marie Anaut propose une distinction entre les traumatismes résultant d’un évènement brutal et soudain (type 1) ou résultant d’expositions répétées à des évènements négatifs sur le long terme (type 2). Ces derniers regroupent les situations de maltraitance, d’abus physiques, psychologiques et sexuels, les négligences graves durant l’enfance, les carences psychoaffectives et bien d’autres.

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La notion de « situation extrême » a été proposée par l’auteur d’origine autrichienne Bruno Bettelheim en 1943 pour décrire plusieurs facteurs s’y rattachant à savoir la malnutrition, la pénibilité du travail, le manque et la privation de liberté, le manque d’accès aux soins de santé, l’insécurité et le manque de ressources de base, telle que la possibilité de se vêtir.

Dans la vie d’enfants vivant en contexte extrême, les traumatismes ponctuels (dits de type 1) et répétés (de type 2) sont souvent cumulés. Le professeur et psychologue Daniel Derivois

explique par exemple que chez les enfants des rues, l’une des observations récurrentes à travers différents pays est qu’à la suite d’un évènement traumatique majeur ou à la suite d’une succession d’expériences traumatisantes – souvent accompagnée de difficultés économiques importantes – la décision est prise par un enfant de rejoindre la rue. Il explique que ce choix conduit souvent l’enfant à s’exposer à davantage de situations traumatogènes, telles que la prostitution, la consommation d’alcool et de drogues, les violences physiques et sexuelles ou les enlèvements, ainsi qu’à la stigmatisation sociale.

Le même type de phénomène est observable chez les enfants soldats. De nombreuses recherches ont démontré que les enfants mis au travail dans les mines, dans les décharges, comme domestiques ou envoyés dans la rue pour se prostituer ont vécu autant de situations qui sont indéniablement des sources de traumatismes à plusieurs niveaux. Ces situations de multitraumatismes renvoient à plusieurs facteurs identifiés par Bruno Bettelheim pour décrire une « situation extrême ».

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OP INION Pourtant, certains enfants ayant vécu des évènements difficiles seraient capables d’utiliser ces évènements et d’en tirer des ressources psychiques leur permettant de continuer à se développer de façon équilibrée. Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik utilise le concept de résilience pour expliquer ce processus.

Le pédiatre français Michel Manciaux définit la résilience comme « la capacité d’une personne ou d’un groupe à bien se développer, à continuer à se projeter dans l’avenir en dépit d’évènements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes sévères ». Ce phénomène a notamment été observé chez des enfants des rues en Haïti. Les travaux de Daniel Derivois soulignent que des jeunes de la rue, victimes du tremblement de terre meurtrier de 2010, ont par exemple eu la possibilité d’exprimer et de transformer des multitraumatismes en œuvres d’art partageables, à travers des ateliers de peinture.

LES ACTIVITÉS DE LOISIRS COMME PISTE DE SOLUTION

TRAUMATISMES, RÉSILIENCE ET LOISIRS Plusieurs auteurs, notamment Daniel Derivois et Boris Cyrulnik, ont souligné le rôle de l’art, de la créativité ou encore d’activités de loisirs comme l’activité physique et le sport dans le processus de résilience. Par la symbolisation d’un traumatisme, l’expression artistique permet par exemple à l’individu de rendre socialement partageable une blessure vécue. Selon M. Cyrulnik, il revient à l’être humain le choix de trouver l’expression artistique ou sportive qui lui convient pour effectuer ce processus de résilience.

PHOTO : COURTOISIE

Pour améliorer la vie et le développement des personnes vivant en situation extrême, l’organisation d’activités de loisirs apparaît comme une piste prometteuse. D’ailleurs, l’idée n’est pas nouvelle : dans son Programme d’action mondiale pour la jeunesse publié en 2010, l’ONU insistait déjà sur l’aspect universel de la pratique des loisirs pour favoriser le développement des jeunes.

Que ce soit du football (soccer), des batucadas, des fanfares, du

rugby, du chant choral, du théâtre, du cirque, de la capoeira, ou encore du basketball, de nombreuses organisations de terrain proposent déjà des activités de loisirs aux jeunes vivant en contexte extrême un peu partout sur la planète.

En effet, « toutes les sociétés reconnaissent l’importance des loisirs pour le développement des capacités psychologiques, cognitives et physiques des jeunes », rappelait l’ONU en 2010.

L’organisation internationale met l’accent sur l’utilité des programmes de loisirs pour lutter contre les problèmes sociaux et les comportements déviants des jeunes. De plus, cette recommandation est soutenue par une multitude de recherches démontrant les liens positifs entre la pratique d’activités de loisirs et le

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LAURIE DÉCARPENTRIE

Tegwen Gadais a enseigné l’éducation physique à des clientèles variées dans plusieurs établissements d’enseignement européens et québécois. Entre autres titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en psychopédagogie de l’Université Laval (Canada), il possède également une expertise en coopération et développement international, domaine dans lequel il continue d’œuvrer. Ses recherches portent actuellement sur l’éducation physique, l’éducation à la santé, le plein air, le sport et le développement international, ainsi que sur le développement de l’être humain dans une approche holistique.

Laurie Décarpentrie est titulaire d’une maîtrise en sciences psychologiques de l’Université de Mons (Belgique) et est actuellement doctorante au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal. Elle collabore avec des organisations de plusieurs pays d’Afrique qui œuvrent pour favoriser le développement et la cohésion sociale de jeunes issus de groupes marginalisés.

Ses recherches actuelles portent sur les effets d’activités extracurriculaires de nature musicale, artistique et sportive sur le bien-être de jeunes vulnérables se développant en contexte extrême.

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PHOTO : TEGWEN GADAIS

TEGWEN GADAIS

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développement psychologique, cognitif et physique ainsi que le bien-être psychologique des jeunes. Notons néanmoins que les études en question ont principalement été réalisées en Amérique du Nord, en Europe du Nord et en Australie. Les recherches conduites dans les contextes qualifiés d’extrêmes en termes de développement sont rares.

De plus, bon nombre de programmes d’activités de loisirs, notamment ceux qui utilisent le sport comme outil de développement, ont la plupart du temps été mis en place non pas par une structure administrative nationale, mais par de petites organisations locales. Celles-ci témoignent souvent des difficultés qu’elles rencontrent à mettre en place des structures et activités pérennes, car elles dépendent souvent des orientations et des financements ponctuels mis en place par les organismes internationaux. Dès lors, on observe souvent la disparition de plusieurs d’entre elles, faute de ressources humaines ou matérielles.

Ainsi, nous soutenons que les réflexions internationales sur les futurs de l’éducation doivent notamment s’orienter sur les contextes extrêmes de développement et de vie. Particulièrement sur les solutions éducatives pérennes, comme des programmes d’activités de loisirs, à mettre en place pour améliorer la vie des personnes qui y vivent. Ces réflexions devront également prendre en compte les multiples enjeux et défis associés à leurs mises en place, comme l’organisation des initiatives avec les acteurs locaux, les liens de confiance à établir avec les personnes, le recrutement des bénévoles et les financements structurels.

Enfin, il est crucial d’examiner les processus sous-jacents à l’effet d’activités de loisirs sur le bien-être et l’éducation de qualité de jeunes se développant dans de tels contextes, afin de favoriser le développement optimal de chaque être humain.

P OIN T DE V UE

LE « DEAL DU SIÈCLE » :

DÉCRYPTAGE D’UN ÉNIÈME RENIEMENT DES DROITS DU PEUPLE PALESTINIEN

PHOTO : UNICEF/AHED IZHIMAN

Par Rémi Fuhrmann

A

près plusieurs années de préparation et des mois de rumeurs, le plan de paix de Donald Trump pour le Moyen-Orient a finalement été dévoilé le 28 janvier dernier. Le fameux « deal du siècle » que vantait tant le président américain n’offre en définitive aucune perspective de paix, mais vient en revanche confirmer – s’il subsistait encore un doute – que les États-Unis ne pouvaient plus être considérés comme un acteur impartial dans le processus de paix israélo-palestinien. En effet, les concessions faites à Israël sont nombreuses, alors que pour les Palestiniens, il leur est encore une fois demandé d’accepter l’inacceptable.

Avec le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem et la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan – territoire syrien occupé depuis la guerre de 1967 –, l’administration Trump avait déjà montré sa partialité et son rejet du droit international. Il convient en effet de rappeler que le Conseil de sécurité de l’ONU, dans sa résolution 242 à l’issue de la guerre des Six Jours en 1967, avait déclaré illégale

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l’occupation du Golan, de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza.

Depuis, l’occupation de la bande de Gaza s’est transformée en un blocus guère plus enviable et la Cisjordanie demeure occupée. En revanche, et à l’encontre du droit international, le Golan et Jérusalem-Est ont été purement et simplement annexés par Israël, entraînant de nouvelles condamnations du Conseil de sécurité.

Loin d’inverser de telles tendances, ce plan de paix ne vient que confirmer et compléter un alignement flagrant des politiques de Trump avec une politique israélienne du « fait accompli ».

Ce qu’amène véritablement le plan de paix américain (intitulé Peace to Prosperity) n’est pas une solution viable à deux États, mais la formalisation et l’entérinement de la situation actuelle, laquelle ne permet en aucune manière l’existence et le développement d’un État palestinien viable. Pourtant, le plan s’inscrit formellement dans la solution à deux États. Mais force est de constater que celui-ci propose des solutions se situant aux antipodes de celle faisant relativement consensus au sein de la communauté internationale.

Il est en effet généralement accepté – par l’Autorité palestinienne notamment – qu’un retour aux frontières de 1967, avec une souveraineté palestinienne sur la Cisjordanie et la bande de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale, constituerait les bases d’un réel plan de paix. Toutefois, le plan américain fait voler en éclat une telle possibilité, notamment en ce qui concerne la Cisjordanie et Jérusalem. Le plan vient en effet entériner la fragmentation de la Cisjordanie en reconnaissant la souveraineté israélienne sur les colonies existantes, tout en amputant la vallée du Jourdain du territoire palestinien. Encore une fois, l’administration américaine vient légitimer des violations du droit international — les colonies de peuplement en territoires occupés étant illégales aux yeux du droit des conflits armés.

Concernant la vallée du Jourdain, il est en réalité question de priver les Palestiniens de la plus riche région agricole du territoire, ainsi que du littoral de la mer Morte. En retour, deux enclaves territoriales au sud de Gaza, situées le long de la frontière égyptienne, sont proposées aux Palestiniens, lesquelles ne peuvent

toutefois constituer une compensation juste compte tenu du climat désertique desdits territoires.

Enfin, pour ce qui est de l’épineuse question de Jérusalem, le plan propose tout simplement d’enterrer la possibilité d’un partage de la ville. Ainsi, dans le prolongement du déménagement de l’ambassade américaine, le plan vient reconnaitre Jérusalem comme capitale une et indivisible de l’État d’Israël. Il est plutôt proposé aux Palestiniens d’établir leur capitale en banlieue de Jérusalem, à l’est ou au nord du mur de séparation israélien — mur que la Cour internationale de justice avait d’ailleurs reconnu comme illégal en vertu du droit international. Ironie suprême, le document du plan évoque la possibilité pour le futur État palestinien de renommer cette nouvelle capitale « Al-Quds » (Jérusalem, en arabe). Ainsi, on propose à la population palestinienne une fiction, la fiction d’avoir une capitale se nommant Jérusalem, mais de laquelle l’esplanade des Mosquées, la porte de Damas ou encore le mont des Oliviers seraient absents.

Sur le plan territorial, le plan du président américain vient dès lors sanctionner et valider l’expansionnisme israélien à l’œuvre depuis des décennies, tout en dessinant les contours d’un État palestinien morcelé, amputé et réduit à peau de chagrin – et donc non viable.

Si le bât blesse concernant les solutions territoriales, le plan ne fait guère mieux pour le sujet fondamental des réfugiés palestiniens. S’il est prévu un droit au retour de ces derniers dans un futur État palestinien, cela ne constitue pas un véritable droit au retour, considérant que la majorité des réfugiés de 1948 ont fui des

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territoires désormais israéliens. Réponse insatisfaisante pour la plupart des réfugiés, il s’agit également d’une proposition peu réalisable lorsque l’on a à l’esprit l’exiguïté et la densité de population du futur État palestinien présenté dans le plan.

L’accent est au contraire largement mis sur une intégration massive des réfugiés dans les pays arabes où ces derniers sont majoritairement établis. À cet égard, force est d’admettre que le plan pointe très justement certaines discriminations dont sont victimes ces réfugiés dans certains pays, au Liban par exemple, où ces derniers, même nés sur place, n’ont pas accès à la citoyenneté.

Pour autant, faire reposer cette question des réfugiés uniquement sur les épaules d’États – fragiles, s’il en est – comme le Liban, la Jordanie ou encore la Syrie ne peut être satisfaisant, ni même réaliste.

De plus, le plan américain justifie une telle orientation en avançant une « obligation morale » qu’auraient les « frères arabes » des Palestiniens de les intégrer.

La solution viendrait donc d’une solidarité arabe qui irait de soi. En revanche, il n’est jamais fait mention de la résolution 194 de l’Assemblée générale de l’ONU qui, dès 1948, prévoyait pourtant le droit au retour des réfugiés palestiniens. En définitive, le plan n’offre aucune avancée décisive à un problème qui reste central et qui mobilise toujours autant les Palestiniens, comme en témoignent les « marches du retour » organisées annuellement à travers la Palestine. Après l’arrêt du financement américain de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) en 2018, le plan vient confirmer un durcissement de Washington

vis-à-vis des réfugiés et de leur droit au retour.

Il n’est donc pas surprenant que ce plan ait été massivement rejeté par la population palestinienne, laquelle n’a d’ailleurs pas été impliquée dans sa préparation.

Mais ce rejet s’est également manifesté au sein d’une grande partie de la communauté internationale. La Ligue arabe a par exemple rejeté à l’unanimité le projet américain, alors que l’Union européenne a dénoncé, par le biais de son haut représentant pour les affaires étrangères, l’écartement du plan des « paramètres internationalement agréés ». Les choses ont également bougé au sein de l’ONU où, le 12 février, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme publiait finalement sa liste des entreprises installées dans les colonies israéliennes. Vu par beaucoup comme une avancée majeure pour le mouvement BDS (pour Boycott, désinvestissement et sanctions), la publication de cette liste constitue une rare et mince victoire pour les Palestiniens. Elle est aussi un rappel plus que nécessaire qu’un accord de paix juste et équitable ne peut se dispenser de respecter le droit international.

RÉMI FUHRMANN Rémi Fuhrmann est titulaire d’une maîtrise en droit international et d’un bac en relations internationales de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Ses recherches portent majoritairement sur le droit international humanitaire, la protection des biens culturels et sur les approches critiques/historiques et philosophiques du droit international humanitaire.

PHOTO : COURTOISIE

PHOTO: THE WHITE HOUSE

P OIN T DE V UE

F IC HE PAY S

RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DE SOMALIE Par Rédaction

Phare italien dans le vieux port de Mogadiscio PHOTO : PINTEREST-RANDEESMITH

CONTEXTE POLITIQUE

C

ertains affirment que durant l’Antiquité, la région connue par les Égyptiens sous le nom du Pays de Pount était en Somalie. Elle est certainement connue par les Romains, les Grecs et les Indiens, puisque c’était l’un des plus importants centres commerciaux.

Les Arabes s’y installent, et les habitants adoptent l’Islam, qui s’implante définitivement à partir du 13e siècle. À partir de 1875, la Grande-Bretagne et l’Italie revendiquent arbitrairement différentes parties de l’actuelle Somalie, tandis que l’empereur d’Éthiopie, Menelik II, projette de l’envahir. Durant les années 1880, l’Italie réussit à acquérir plusieurs territoires et Benito Mussolini finit par contrôler la Somalie ainsi que l’Éthiopie et le nord du Kenya, et ce, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. En 1940, les Italiens envahissent la région britannique de la Somalie et l’annexe à ce qui était alors l’Afrique orientale italienne. À la suite de la défaite italienne en Europe, l’Organisation des Nations unies accordera à ce pays une tutelle sur une partie du territoire somalien en 1949.

Le 25 juin 1960, le protectorat britannique de Somalie accède à l’indépendance sous le nom d’État de Somalie, puis fusionne avec le Territoire italien sous tutelle de Somalie pour former la République Somalie. De 1960 à 1969, sous la présidence d’Aden Abdullah Osman Daar puis de Abdiras-hid Ali Shermarke, la

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Somalie tente d’instaurer un gouvernement démocratique. L’instabilité s’instaure plutôt, à cause de luttes claniques entre le nord et le sud du pays et les relations tendues avec les États voisins. En 1969, le général Mohamed Siad Barre s’empare du pouvoir par un coup d’État et met en place la République démocratique somalie, qui connaîtra des années prospères.

En 1977, le pays tente de prendre le contrôle de l’Ogaden, territoire éthiopien depuis 1948, ce qui affaiblira le pouvoir du général Barre et favorisera une famine endémique, dont le pic est atteint en 1984.

Le régime s’effondre en 1991, et le règne des seigneurs de guerre sans idéologie débute.

Pillages, trafics de drogues et d’armes empêchent la création de tout gouvernement central. Une guerre civile s’ensuit également pour le contrôle de l’État, de la nourriture et des armes entre les deux clans les plus importants des familles HawiyeAbgal et Haber Ghidir.

Le pays est divisé en plusieurs factions en guerre : le centre et le sud sont contrôlés par Hussein Mohamed Aïdid, et le nord-ouest par Mohamed Ibrahim Egal, élu président de la République autoproclamée du Somaliland en 1997. Le nord-est se déclare autonome en 1998 sous le nom de Puntland.

Le 10 octobre 2004, le Parlement fédéral de transition de la République de Somalie – exilé au Kenya tout comme les institutions somaliennes par mesure de sécurité – est formé d’un nombre égal de représentants de chacun des quatre grands clans somalis. Il élit en tant que président intérimaire Abdullahi Yusuf Ahmed, président du Pays de Pount. Ce dernier

nomme Ali Mohamed Gedi à la tête d’un gouvernement fédéral de transition, avec pour mission de former un gouvernement de coalition. Toutefois, les institutions en exil n’ont aucun contrôle sur le pays en dehors de certains quartiers de Mogadiscio et leur autorité n’est pas reconnue à l’intérieur du pays — uniquement par les gouvernements étrangers.

En juin 2006, l’Union des tribunaux islamiques gagne le contrôle de Mogadiscio contre l’Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT), soutenu par Washington et regroupant des chefs de guerre et le gouvernement somalien. Fin décembre de la même année, l’armée éthiopienne intervient et les tribunaux islamiques fuient la capitale et le gouvernement somalien en exil se déclare le gouvernement de facto du pays. Le 29 décembre 2008, le président Abdullahi Yusuf Ahmed annonce sa démission. Le Parlement élit alors Sharif Sheikh Ahmed, ancien dirigeant de l’Union des tribunaux islamiques, à la présidence de la République. Durant les années suivantes, l’instabilité persiste et la sécheresse s’installe. Le 8 février 2017, Mohamed Abdullahi Mohamed, surnommé Farmajo (le « président fromage ») pour son goût supposé pour les produits laitiers, est élu président.

Les années de guerre civile et l’absence de structures étatiques ont créé une situation propice au développement du terrorisme international, incarné par le groupe Al Shabab, affilié à Al-Qaïda.

Celui-ci continue de cibler les villes – l’attentat du 14 octobre 2017 à Mogadiscio, par exemple – et demeure l’un des groupes terroristes les plus puissants au monde.

F IC HE PAY S

CONTEXTE ÉCONOMIQUE Dévastée par la guerre depuis 1991, la Somalie est l’un des pays les plus pauvres du monde. D’après les prévisions de la Banque mondiale, le pays devrait connaître cette année une croissance économique de 2,9 % – comparativement 2,8 % en 2019 – grâce à des politiques mises en œuvre par le président Farmajo. Ces données demeurent provisoires, en raison de l’instabilité politico-sécuritaire, de la sécheresse et des crises alimentaires successives. En mai 2019, l’ONU estimait que 1,7 million de personnes, dont une forte proportion d’enfants, étaient proches de la famine, et que trois millions d’autres n’avaient qu’un accès très aléatoire à la nourriture.

Le chômage est également élevé : 13,9 % de la population active en 2018 selon la Banque mondiale. L’institution précise que le recouvrement d’impôts a connu une augmentation de 29 % l’année dernière, ce qui lui fait dire que l’économie somalienne est sur la bonne voie, mais cela est insuffisant pour répondre aux besoins de dépenses dans les secteurs de l’éducation et de la santé. En 2017, la sécheresse a entraîné une hausse des importations alimentaires et une baisse des exportations de bétail, conduisant à un déficit commercial représentant la moitié du PIB. L’économie formelle est quasi inexistante en Somalie, et le secteur informel (élevage et commerce des chameaux, fonds en provenance de la diaspora) joue un rôle crucial dans l’économie. Le pays est extrêmement dépendant de l’aide internationale. Avec une dette extérieure estimée par le Fonds monétaire international à 65,5 % du PIB en

2017, il est classé dans la catégorie des pays surendettés.

Notons tout de même que la Somalie bénéficie d’une des meilleures couvertures de téléphonie mobile du continent africain, avec trois réseaux indépendants et fonctionnant sur l’ensemble du pays. Les principaux défis économiques sont les contraintes d’infrastructures, la faiblesse des institutions et de l’État, la faiblesse des systèmes de gestion des finances publiques, l’insécurité et la résistance limitée aux conditions climatiques extrêmes, sans compter les arriérés importants dus aux institutions financières internationales.

La Somalie est actuellement le pays le plus corrompu au monde, selon Transparency International.

DROITS DE L’HOMME L’insécurité, la sécheresse et la crise alimentaire compliquent l’application des droits humains fondamentaux. En mai 2019, l’ONU estimait qu’en plus des 1,7 million de personnes qui manquent de nourriture à cause de la sécheresse, plusieurs dizaines de milliers d’autres sont contraintes d’abandonner leur foyer pour tenter de trouver de quoi se nourrir. Elles s’ajoutent aux 2,6 millions de personnes déjà déplacées dans le pays du fait de la guerre et des sécheresses précédentes.

LIBERTÉ D’EXPRESSION Le groupe armé Al Shabab, dans les zones sous leur contrôle, mais également les autorités somaliennes ailleurs, restreignent sérieusement la capacité des journalistes à faire leur travail. Al Shabab place en détention, menace et harcèle les personnes

travaillant dans le domaine des médias aux quatre coins du pays, selon le rapport 2017-2018 d’Amnesty International. L’ONG indique que le gouvernement somalien a adopté en juillet 2017 une loi répressive mettant en place un organisme officiel de surveillance dont les membres sont nommés par le ministre de l’Information. Cet organisme est chargé de contrôler les contenus de la presse écrite et audiovisuelle. La loi en question interdit également toute information considérée comme « fausse », ainsi que toute publication de « propagande », sans toutefois définir clairement ces termes.

L’A ss o c i a t i o n d e s j o u r n a l i s t e s d u Somaliland estimait alors que plus de 30 journalistes auraient été arrêtés et placés en détention par les autorités locales pour avoir critiqué le gouvernement, toujours selon le rapport d’Amnesty International.

Reporters sans frontières plaçait la Somalie au 164e rang (sur 180) de son Classement mondial de la liberté de la presse 2019.

DROITS DES FEMMES Les violences sexuelles et liées au genre restaient très répandues au pays selon le rapport d’Amnesty International, même si la plupart n’étaient alors pas signalées.

Le Système de gestion intégrée de Somalie, un organisme d’État, a répertorié au moins 271 cas de violences liées au genre contre des femmes et des filles déplacées au Somaliland, au moins 312 cas similaires dans le Puntland et au moins 400 cas dans la région centre-sud de la Somalie en 2017.

La sécheresse a séparé davantage de femmes de leurs familles, les exposant ainsi à un risque accru de violences sexuelles, selon Amnesty.

SOURCES : FRANCE DIPLOMATIE, ONU, AFRICANEWS, AMNESTY INTERNATIONAL

RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DE SOMALIE EN BREF Capitale : Mogadiscio Population : 14,74 millions d’habitants (Banque mondiale, 2017) Langues : somali, arabe et anglais Religion: Islam sunnite (99 %) Espérance de vie : 56,29 ans (Banque mondiale, 2016)

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SANSFRONTIÈRES

Chef de l’État : Mohamed Abdullahi Mohamed (dit Farmajo), président de la République depuis le 16 février 2017 Pays frontaliers : Djibouti, Éthiopie et Kenya Indépendance : 1er juillet 1960, du Royaume-Uni et de l’Italie

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DJIBOUTI ÉTHIOPIE KENYA

SOMALIE

« BIEN INFORMÉS, LES HOMMES SONT DES CITOYENS ; MAL INFORMÉS, ILS DEVIENNENT DES SUJETS. » — Alfred Sauvy (1898-1990), démographe et sociologue français

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