Numéro 9 - Magazine Karma

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The offspring Trente ans de punk rock !

Shaka ponk

Chevaliers des Arts et des Lettres

fakear

Nouveau prodige français de l’électro

le magazine des musiques actuelles en lorraine et au luxembourg

ro n um é

spéci

# 9

Automne 2014 GRATUIT

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X s feu n i e Pl r l e s su val s i t s e f

facebook.com/MagazineKarma

www.magazine-karma.fr


Directeurs de la publication : Guillaume Hann & Ugo Schimizzi Directeur de la rédaction : Ugo Schimizzi Directeur artistique : Guillaume Hann Rédacteurs : Nathalie Barbosa Lauriane Bieber Manuella Binet Thibaut Clement Rémi Flag Margaux Gatti Guillaume Hann Matthieu Henkinet Ugo Schimizzi Timé Zoppé Illustrateurs et graphistes : Guillaume Hann Pierre Schuster Photographes : Lauriane Bieber Juliette Delvienne Matthieu Henkinet Pierre Hennequin Margaux Gatti Sophie Grivel Ugo Schimizzi Correcteurs : Juliette Delvienne Marie Hann Scherrer Barbara Jouves Ioanna Schimizzi

Édité par : Association Son’Art Lorraine 40 Avenue de Nancy 57 000 METZ Contact : redaction.karma@gmail.com Le numéro 9 du Magazine Karma est tiré à 5 000 exemplaires sur papier Satimat Green, contenant 60% de fibres recyclées. La diffusion du magazine est assurée par l’équipe et par Julien Siffert, diffuseur. 07 87 77 79 47

IMPRIMÉ PAR L’HUILLIER, IMPRIMERIE VERTE 57 190 FLORANGE ISSN : 2259-356X Dépôt légal : à parution

Le Magazine Karma bénéficie du soutien du groupe Caceis, dans le cadre du programe Be Generous, de la Ville de Metz et de la Région Lorraine, dans le cadre du programme Défilor.

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édito #9 Le monde du travail est suffisamment rempli de deadlines, de rétroplannings et de bien d’autres mots rébarbatifs piochés chez nos voisins anglo-saxons pour ne pas vous faire un couplet-refrain sur les délais à tenir et les impératifs de temps et d’optimisation. On pourrait volontiers s’y adonner, tant le bouclage de ce numéro 9 a été difficile, mais attardons-nous plutôt sur son contenu.   Un retour sur les festivals de l’été, en automne, quelle idée me direz-vous ? Et pourtant, n’est-ce pas le meilleur moment pour se rappeler un si bel été (pluvieux) et des journées ravissantes (et boueuses) passées dans vos festivals préférés ? C’est en tout cas le point de vue que nous tentons de défendre ici, étant déjà nostalgiques de la programmation estivale ! Et puis, retard vaut toujours mieux qu’annulation n’est-

< Flashez ce QR code pour retrouver la liste de nos points de diffusion ou rendez vous sur magazine-karma.fr

ce pas ? C’est en tout cas ce que se disent généralement les fans des Guns ou de Pete Doherty lorsque l’un ou l’autre daigne enfin pointer le bout de son nez, avec trois grammes dans le sang.   Prenons quelques lignes pour vous parler également de notre compilation vinyle volume 2, en chantier à l’heure où nous finissons ce numéro. Nous avons pris un grand plaisir à réunir de nombreux talents musicaux de notre région et espérons bientôt pouvoir vous les faire découvrir sur vos platines de salon. D’ici là bonne lecture !  Ugo Schimizzi Rédacteur en chef Guillaume Hann Directeur artistique


Sommaire Automne 2014

2 édito 4 Made in lorraine : voilà la bam ! La nouvelle salle messine arrive enfin.

6 Chez miss média : les bmm & metz en scènes Miss média nous explique un partenariat solide.

7 Dossier spécial festivals 8 10 12 14 16 18 20 24 26 28 30 32 34 36

Karma est parti sur les routes, pour vous, pendant l’été.

Live Report : Hors-Format Interview : Frànçois & The Atlas Mountains Live Report : Jardin du Michel Interview : The Offspring Live Report : Décibulles Interview : La Rue Kétanou Dossier : Les Eurockéennes de Belfort Interview : Ghost Live Report : Solidays Interview : Shaka Ponk Live Report : Les Vieilles Charrues Interview : Fakear Infographie : les squatteurs de festivals Influences : un air de reggae Analyse d’un genre et de ses dérivés.

38 Cinéma : La toile d’enemy

Denis Villeneuve revient avec un film complexe.

40 Museek : rondo of blood

Nostalgie avec un grand jeu aux mélodies évocatrices.

42 Découpage : stromae

Photo couverture : Ugo Schimizzi / Photo édito : Pierre Hennequin.

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made in lorraine

voilà la

BAM !

Un lancement qui fait du bruit ! Texte : Lauriane Bieber / Photo : Pierre Hennequin  La Lorraine accueille de nouvelles scènes dédiées à la musique et la ville de Metz ne manque pas à l’appel. Pour preuve, le cylindre de la Boîte à Musiques s’est mis à tourner et libère déjà de nombreux phénomènes musicaux. Arrêt sur ce nouvel espace artistique en service depuis septembre !

epuis la fin de la saison de Metz en Scènes (comprenant déjà les Trinitaires et l’Arsenal), la Boîte à Musiques était au cœur de toutes les attentions culturelles à Metz. Non seulement destinée aux amateurs et professionnels, une salle sur le modèle des SMAC telle que la BAM, ouvre également ses portes à un public élargi, proposant stages et conférences autour de la musique dans toutes ses dimensions, artistiques comme administratives.

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Deux ans après le début de sa construction, le bâtiment sophistiqué de Rudy Ricciotti a été dévoilé au grand public durant le week-end de lancement du 26 au 28 septembre. S’éloignant des boîtes noires usuelles où l’on a l’habitude de se rendre pour assister à des concerts, les murs blancs de l’habitacle sont parsemés de nombreuses perforations, laissant ainsi entrer lumière et vie à tout instant de la journée et, à l’inverse, irradiant de multiples couleurs

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durant la nuit... telle une boîte à musiques (ok, elle était facile). Pendant ces trois jours, artistes et publics se sont emparés du lieu, se rencontrant autour d’animations, d’ateliers et de visites. « Mais plus qu’un week-end inaugural, cette ouverture s’étendra en réalité sur un trimestre entier jusqu’en décembre » nous avait confié durant l’été Nicolas Tochet, en charge de la programmation pour Metz en Scènes. Trois mois durant lesquels défilent encore tous les styles musicaux actuels. On retrouvera entre autres Yodelice, Para One, Chapelier Fou, Lloyd Cold, Peter Hook and The Light ou encore Dub Inc.   Comme le laissait entendre Jean-François Ramon, directeur de Metz en Scènes, lors de notre interview (voir notre numéro 8), la fusée messine est à présent lancée vers les étoiles, la saison culturelle 2013-2014 servant de rodage à ce dispositif déjà incontournable dans notre région. 

Pour cette ouverture exceptionnelle, le showman Woodkid a fait office d’hôte de marque.


Voilà la BAM !

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chez miss média

Les BMM & Metz en Scènes

Les BMM & Metz en scenes Un partenariat durable Texte : Miss Média / Photo : BMM / Illustration : Jean Chauvelot  Karma accueille un nouveau chroniqueur, en la personne de Miss Média, ambassadrice culturelle des Bibliothèques et Médiathèques de Metz ! Pour ce premier papier, la miss s’intéresse au partenariat initié entre les BMM et l’EPCC Metz en Scènes, tous deux très

mais aussi des amateurs de musique, est effective depuis la rentrée 2014. Particularité propre à Metz, le CRM de la BAM sera installé non pas dans ses locaux, mais dans la Médiathèque Jean-Macé, intégré en synergie aux collections musicales existantes. Ce centre, outre la documentation professionnelle, proposera également d’archiver les créations des artistes locaux le souhaitant, ainsi disponibles pour le grand public. Les studios d’enregistrement, l’aide technique, professionnelle et financière restent dédiés à la BAM.

prolifiques, notamment en terme de programmation d’artistes.

a d’ailleurs renforcé la stimulation des énergies en présence. Mutualiser les moyens, accroître la visibilité, mettre davantage en valeur la scène locale prolifique (messine dans un premier temps, mais aussi lorraine) et faire vivre la musique, multiplier les échanges et collaborations entre divers professionnels du secteur pour proposer des animations musicales riches, était à la fois vital et une évidence. ette coopération de structures sur un même territoire, établissement public et institution municipale, œuvrant dans un domaine commun, la musique et surtout la valorisation de la scène locale, démontre les nouvelles dynamiques partenariales concrétisées à Metz. Le projet de la Boîte à Musiques, nouvellement inaugurée à une centaine de mètres de l’un des sites du réseau des BMM, la Médiathèque Jean-Macé,

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Le partenariat prend la forme de différentes animations : des showcases de 45 minutes dans le réseau BMM, lors du festival Hors Format par exemple, des rencontres d’artistes, mais aussi des ateliers de Musique Assistée par Ordinateur (MAO), réalisés par un médiateur de l’EPCC et donnant lieu à des ateliers plus pointus au sein de la BAM. La création d’un Centre de Ressources Musicales (le CRM prononcé « Crème ») à destination des professionnels,

La mise en place d’un partenariat multifacette sur le long terme est unique en son genre. La promesse d’échanges riches entre différents professionnels de la musique, que ce soit à Metz ou en Lorraine, permettra d’être un repère, voire une référence pour toute personne mélomane, se lançant ou vivant de cette pratique.    Metz en Scènes, regroupe trois salles : l’Arsenal, les Trinitaires et la Boîte À Musique. Les BMM, ce sont six établissements : trois bibliothèques de quartier et trois médiathèques possédant chacune des collections musicales (CDs, partitions, livres, revues…) et les médiathèques Verlaine et leurs services numériques, Jean-Macé et Sablon.


- Dossier -

- 2014 -

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Photo : Pierre Hennequin


Live report

hors format Entrée dans l’été

Texte et photos : Lauriane Bieber

Pour sa première semaine estivale, la ville de Metz a été unilatéralement traversée d’ondes aux nombreuses couleurs musicales. La raison ? L’installation durant sept jours et sept nuits du festival Hors Format. Ballade au cœur de chemins

hors format

riches en découvertes.

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Déjà la troisième édition pour le festival Hors Format, bien installé aux alentours de la fête de la musique, et qui célèbre comme il se doit cet art prenant désormais place dans tous types de lieux à Metz. Au total, une trentaine de groupes varient les styles, passant du rock au hip-hop sans complexe, mais mêlant aussi folk ou électro. Les visiteurs lointains sont bien entendu les bienvenus, à l’image de Cape Town Effects débarqués d’Afrique du Sud, ou encore de nos voisins allemands de Jochen Leuf und Band. Les locaux ont cette année à nouveau été mis à l’honneur par les différents responsables de la programmation (Boumchaka, Metz en Scènes, Zikamine), comme M.A Beat, Lela Frite ou bien Sammy Decoster. Plus que de simples concerts mis en place pour occuper les soirs d’été, une réelle ambiance s’est installée sous un ciel (presque) ensoleillé, récompensant un public assidu et motivé.

Proposant régulièrement plusieurs concerts par soirée, le festival n’a cessé de faire transiter l’auditoire au cœur de la ville, lui proposant de bifurquer par des bars, de s’arrêter inévitablement dans la chapelle des Trinitaires, remplie à l’occasion du passage de Get A Room et DJ Yuksek, ou lui indiquant un détour par la Porte des Allemands, dont la restauration vient de toucher à sa fin. Mais l’exemple type de cette déambulation d’oreilles attentives se traduit bien par l’initiative de Boumchaka à travers ses parcours musicaux. Magnifiquement orchestrés, ils ont ouvert le bal de cette troisième édition du festival sur un toit avec les Messins AndWeShelter. Mais ils ont aussi eu le loisir de nous balader au détour d’un garage, d’un bar, du FRAC puis d’un appartement, avant de se terminer au jardin du Temple Neuf, nous faisant ainsi profiter d’un moment intemporel avec les compositions entraî-

nantes de Lyall Moloney, le tout porté par un superbe crépuscule.   Après une semaine au centre-ville, Hors Format s’est recentré pour le week-end sur deux endroits accolés : la place de la République et sa grande scène jouxtant ainsi l’Esplanade et sa petite scène. Au milieu, un village associatif où se retrouvaient notamment Zikamine, Musiques Volantes, Boumchaka ou encore Damage Done Prod, mais également Karma, profitant de l’occasion pour présenter son numéro 8 fraîchement sorti des rotatives. Après une agréable soirée passée en compagnie de The Yokel and Friends, Frànçois and The Atlas Mountains et de l’incroyable Cascadeur, le samedi fut moins chaleureux, la faute à une pluie torrentielle sous laquelle Grand Blanc et Jamaica ont dû redoubler d’efforts pour garder leurs spectateurs, finalement revenus armés de parapluies. Jamaica, paré d’un nom exotique et d’un rock puissant réussit à produire, par on ne sait quelle magie, le tour de force météorologique communément défini comme « l’accalmie tant attendue », dont Morcheeba profita sans ambages, sa chanteuse Skye Edwards en tête. C’est un autre lieu fort en soleil qui amena les quelques rayons dardant la place le dimanche, tandis que Cape Town Effects et Seun Kuti & Egypt 80 clôturaient tranquillement cette édition 2014.   Outre le succès de têtes d’affiche fort attendues, on retiendra de ce troisième volet de Hors Format un bel effort de programmation, avec l’implication d’associations actives en Lorraine et un beau mélange de lieux habituels et d’autres bien plus hétéroclites, laissant le passant vagabonder tant au propre qu’au figuré, d’une musique à l’autre. 


Spécial festivals / Hors Format

Morcheeba a été, après la pluie, un vrai moment de poésie.

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interview

FrànCois & the Atlas Mountains

Par monts et par vaux

Propos recueillis par Matthieu Henkinet / Photo : Sophie Grivel

hors format

Programmé le vendredi 27 Juin 2014 au festival Hors Format, le groupe Frànçois & the Atlas Mountains a mis de l’ambiance place de la République à Metz. Quelques heures plus tôt, Frànçois nous accordait une interview décontractée au milieu des cartons et des t-shirts suspendus dans son stand de merchandising.

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Spécial festivals / Frànçois & the Atlas Mountain

Karma : Les arts jouent un rôle important dans votre formation, entre peinture, poésie et évidemment musique… L’expression artistique est

du groupe et ce cinéma. J’y suis allé un peu comme dans une quête pour reconstituer ma vision de la scène alternative de Bristol.

une quête perpétuelle pour vous ?

Effectivement, il y a cette envie de créer qui s’exprime de différentes façons, par des aquarelles, des dessins, parfois des petits clips animés, des concerts, des albums… C’est vrai qu’à l’origine, il doit y avoir un vrai goût de la création humaine, voire dans un environnement précis avec un entourage précis et peut-être une palette d’influences précises de ce qu’un individu peut créer.

Frànçois :

Comment avez-vous été initié à l’art pour que cela prenne une telle place dans votre vie ?

Je pense que ma mère était très sensible à l’art de manière générale. C’est quelqu’un qui aimait beaucoup l’absolu et elle y trouvait des réponses. Elle était désenchantée par la politique, elle a été désenchantée très jeune par la religion et les croyances, peut-être que l’art était sa dernière croyance et qu’elle m’a transmis ça… Un Français qui part monter un groupe à Bristol, en Angleterre, il y a un peu un fantasme derrière tout ça non ? Ça ferait presque un pitch de film !

Oui, c’est vrai que lorsque je suis parti, j’avais vraiment envie de voyager, de découvrir autre chose en me coupant de mes racines françaises pour recommencer à zéro là-bas, en suivant mes envies et mes goûts. Pendant très longtemps ça a été underground, avec des cafés, des concerts en appartement, beaucoup d’expérimentations musicales, des concerts dans des centres d’art alternatifs parce que j’aimais beaucoup cette sensibilité-là. Effectivement, c’était comme dans un rêve, comme dans un film, de pouvoir me plonger dans cette scène musicale, sur laquelle je fantasmais. Avant de partir j’avais acheté un disque du groupe Crescent, une formation underground qui officiait à Bristol et qui avait enregistré dans une sorte de cinéma désaffecté et en arrivant, j’ai trouvé les musiciens

Beaucoup de gens avouent ne pas prêter attention aux textes, et se rattacher uniquement à la mélodie. Quel est votre point de vue ?

Disons que généralement, quand je suis touché par une musique, ce qui m’est proposé en un bloc, je le trouve cohérent, honnête et authentique. Après, quand je vais me plonger de manière plus approfondie dans la musique d’un groupe que j’aime, ou quand je vais me plonger dans les textes, je vais m’apercevoir que tout est lié et que finalement c’est l’état d’esprit que crée une musique qui va me plaire. Au final, le texte va me toucher aussi. Donc je pense que je ne fais pas plus attention à l’un qu’à l’autre, mais à l’intention première de l’artiste et son caractère, sa personnalité. Vous êtes lancés dans une tournée jusqu’en décembre, après ça quels sont les projets ?

On a enregistré en Afrique un quatre titres, à Ouagadougou avec des musiciens mandingues et on est hyper contents du rendu de ces morceaux. On va mettre le paquet pour réaliser une belle promo et surtout faire venir les musiciens du Burkina Faso pour jouer avec nous en janvier. J’arrive à notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ?

Ah, ça c’est dur ! Je pense que ça serait quand même les Beatles, à cause de leur biographie, de la manière dont les choses se sont faites. J’avais écouté une émission sur France Inter qui faisait un peu passer les Rolling Stones pour des clowns qui suivaient le truc sans s’impliquer. Par contre, ces jours-ci, je prends plus de plaisir à écouter les Rolling Stones, car il y a chez eux un côté un peu bête et méchant, qui me satisfait également. C’est moins intellectuel et ça me plaît aussi.  Frànçois & the AM, Piano Ombre, 2014, Domino.

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Live report

jardin du michel Dixième anniversaire caniculaire Texte et photos : Margaux Gatti  Il y a quelques années, le JDM était encore un festival confidentiel, aux vagues relents agricoles. Après dix ans de bons et loyaux services, ledit Jardin est devenu incontournable et la récolte musicale de la saison 2014 s’est faite en présence d’artistes de renom, qui avaient troqués la bêche pour les amplis survoltés.

à l’image de la photographie de Théo Gosselin, servant d’affiche pour ce dixième anniversaire, cette année est placée sous le signe du voyage, des songes et de l’amitié. Pour compenser le désastre climatique de l’année précédente, le ciel a décidé de faire une jolie fleur au Jardin du Michel en offrant un week-end caniculaire. Partis pour fêter cette décennie, les programmateurs du JDM ont préparé de belles surprises, riches en diversité et en découvertes. JARDIN DU MICHEL – Jour 1

La première soirée annonce environ 9 000 spectateurs, en partie grâce au groupe mondialement connu The Offspring ! C’est Luna Gritt qui entame la moisson : un duo nancéien que l’on a déjà pu rencontrer. Douceur et puissance se mêlent pour une ouverture

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de festival très calme, bercée par les sons de ces premiers arrivants. S’ensuit La Rue Kétanou, groupe déjà présent à la toute première édition en 2005. Le combo Tournée Générale fête également ses 10 ans et poursuit dans sa lancée, avec des chansons engagées et le poing levé. Le public est au rendez-vous et attend avec impatience The Offspring qui arrive sur la grande scène. Ça crie, ça hurle, ça saute dans tout les sens. Une bouteille d’eau et une chaussure dans la figure plus tard, le groupe apparaît. Encore un anniversaire à fêter : les 20 ans de l’album Smash. Le spectacle réveille nos souvenirs d’adolescence. Arrive alors une belle découverte. Du hip-hop, du swing et de l’électro… Mélangez le tout et vous obtenez Lyre le Temps. à voir en live absolument, Let’s Swing !

Alice Cooper a créé l’événement dans le Jardin de Michel. Skip the Use a, avec Shaka Ponk, sillonné les routes de France cet été.


Spécial festivals / JDM

JARDIN DU MICHEL – Jour 2

Deuxième jour au Jardin du Michel… Une superbe soirée s’annonce, avec des groupes ayant su faire l’unanimité au fil des années. FFF, Alice Cooper et Skip The Use sont au programme. La journée comprend trois formations lorraines incontournables de la scène locale : Blondstone, Grand Blanc et Dead Stereo Boots. Une journée enthousiasmante donc, sur les plaines du Michel. On en ressort plein de petits papillons dans le ventre, une envie de danser toute la nuit et plus si affinités. JARDIN DU MICHEL – Jour 3

Les Ogres de Barback sèment de la bonne humeur, accompagnés de la fanfare Eyo’Nlé du Benin. Forts de vingt ans de chansons engagées, ils nous présentent leur nouvel opus Vous m’emmerdez ! Une foule immense est là pour acclamer Method Man & Redman, duo originaire de New York qui avait notamment fait l’affiche du film How High. Une énergie revitalisante !   De ce Jardin, on n’oubliera pas de nombreuses découvertes et la confirmation de valeurs sûres ! Une grosse pensée également pour les intermittents du spectacle, comme ont voulu nous le préciser les organisateurs, en passant une bande son avant les concerts de Skip The Use et des Ogres de Barback. Place maintenant au temps de la jachère et rendez-vous l’an prochain pour une nouvelle récolte. 

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interview

The offspring 30 années de punk rock

Photos et propos recueillis par Margaux Gatti / Traduction : Manuella Binet

Les Californiens continuent de surfer sur leur succès des années 1990, distillant leur punk ensoleillé aux quatre coins du monde. Rencontre avec Greg K, bassiste de la formation, à l’occasion de leur passage au Jardin du Michel.

joué nos nouvelles chansons, mais le public ne les connaissait pas pour la plupart. Et si on a par exemple 5 000 person nes de va nt nou s , ma is que seulement une centaine connaît les chansons, on se demande si on joue pour nous ou pour eux, donc on a choisi de les enlever, parce que ça ne marche pas. Et en tant que groupe de punk, estce que vous pensez que les chansons en live doivent être parfaites ou pas ?

Karma : Votre groupe a déjà 30 ans, qu’est-ce que ça fait ?

Quand on a commencé, on pensait qu’on ferait peut-être ça pendant quelques années, mais faire de la musique était juste un hobby pour nous. Et même dix ans après la sortie de Smash, on se disait qu’être encore là cinq ans plus tard,

ce serait génial. Mais on a continué et ça fait 30 ans... C’est cool.

êtes-vous conscients de l’influence que

Greg K :

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On essaie de jouer du mieux qu’on peut, mais on n’est pas non plus inquiet si l’un de nous loupe un accord ou s’il y a des imperfections, ça fait partie du concert. On ne s’en soucie pas, à moins qu’il y ait un gros raté, qu’on loupe complètement une chanson, mais en général ce qui compte pour nous, c’est l’énergie, c’est vraiment le plus important.

Dans vos setlist s, beaucoup de

vous avez eu sur toute une génération ?

morceaux sont tirés de vos premiers

Oui, quelques fois des gens disent qu’on les a inf luencés d’une certaine ma nière, ma is i l y a de nombreu x groupes, particulièrement dans les

albums. Vous n’avez pas envie de jouer vos chansons plus récentes ?

Quand le dernier album est sorti, on a


Spécial festivals / The Offspring

« Pour nous, l’énergie c’est le plus important. »

Greg K, le bassiste de la formation, sur scène peu après notre interview.

Dexter Holland arbore toujours un look jeune, malgré les années.

années 1990, qui en ont poussés d’autres à aller encore plus loin. Aujourd’hui, c’est très différent, avec tous ces sons électroniques, notamment aux états-Unis, donc je ne sais pas si on a encore quelque chose à voir avec tout ça. Le punk rock n’est plus aussi populaire qu’il l’a été. Qu’en est-il de votre succès ?

Je pense que d’une certaine façon, on est toujours populaire, mais qu’on est moins « mainstream ». On ne passe pas sur des radios commerciales, on ne joue plus dans des gros festivals comme on pouvait le faire avant. Mais on peut toujours jouer dans des festivals plus petits et les gens viennent, donc cette question reste ouverte. Notre question rituelle : plutôt Beatles ou Rolling Stones ?

Petit, je préférais les Beatles et je crois que je les aimerais toujours, puisque quand tu aimes quelque chose quand tu es enfant et que tu grandis en écoutant cette musique, il y a un certain attachement. Ensuite, je me suis plus intéressé au rock pur, plus dur, puisque c’est la musique qu’on joue, mais je crois que si je devais choisir, ce serait les Beatles.  The Offspring, Days Go By, 2012, Columbia.

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Live report

décibulles

« La scène accueillait Popa Chubby, aussi efficace en live, que désagréable en coulisses. »

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Spécial festivals / Décibulles

décibulles Mon voisin le rockeur

Popa Chubby, au meilleur de sa forme !

Texte : Ugo Schimizzi / Photo : Juliette Delvienne

Partenaire du festival Décibulles pour cette édition 2014, le Magazine Karma était chez ses voisins alsaciens du 11 au 13 juillet derniers à la découverte d’une vallée perdue, mais ô combien musicale.

C’est après une traversée humide des Vosges que notre vaisseau roulant parcourt les derniers kilomètres jusqu’à Neuve-église. C’est là, suite à une montée éreintante et côtoyant un camping tout en pente que nous arrivons sur le site délicatement caché de Décibulles. Les locaux de Lyre le Temps sont déjà à l’œuvre et nous laissent à peine profiter de la vue, magnifique et n’annonçant pas de trombe d’eau dans le prochain quart d’heure. C’est avec plaisir que nous retrouvons ce groupe strasbourgeois aux manettes, aussi motivé que deux semaines plus tôt au festival Solidays. Ici, l’organisation est toute autre, axée sur la proximité et le bonheur de chacun : trois bars proposent des bières locales et belges finement sélectionnées, et l’on retrouve des toilettes sèches, une scène unique avec un paysage particulièrement bien choisi et enfin des spectacles (cirque, déambulation, one-man show) servant d’intermèdes pour les changements de plateau.   Hormis quelques averses indépendantes de la volonté du festival le dimanche, l’organisation est impeccable. L’évacuation des véhicules, comme des hectolitres de bière et des montagnes de nourriture va bon train et les quelques 23 500 festivaliers (record battu !) ne peuvent que repartir le sourire aux lèvres,

après un week-end heureux. Car, question programmation, l’affiche avait de quoi ravir bien des mélomanes. Le premier soir, tout d’abord, voyait recevoir pour tête d’affiche les latinos de Rodrigo y Gabriela, agiles avec leurs guitares et parés pour passionner les foules. Mention pour la reprise d’Orion de Metallica. Le samedi, la scène accueillait le bluesman Popa Chubby, aussi efficace en live que désagréable en coulisses. Les membres de Morcheeba emportaient, quant à eux, l’unanimité et la beauté de Skye Edwards n’y était pas étrangère.   Le dimanche, bien qu’arrosé et ponctué par la finale de la Coupe du Monde de football diffusée sur écran géant, proposait un line-up alléchant : le duo beatbox blues de Heymoonshaker, étonnant, la joie par-delà les larsens du Staff Benda Bilili « très très fort » et l’enthousiasme toujours aussi communicatif de La Rue Kétanou, malgré l’épreuve au préalable d’une rude conférence de presse, face à des collègues peu inspirés. Chinese Man concluait enfin la soirée, avec moins de soucis techniques que lors de leur venue aux Solidays, réunissant tous les suffrages avec leur son bien mis en image et la présence de MC’s de haut vol.

D’autres groupes étaient également à découvrir durant ces trois jours, comme les Alsaciens de Yurodivy, nouveaux venus dans le paysage musical et déjà bien installés malgré leurs six petits mois d’existence. Plus expérimenté et ayant tourné avec les plus grands, Garland Jeffreys imposa aussi son rock, sans forcer, avec l’efficacité de l’âge. Nneka, quant à elle, laissa parler la beauté de sa voix, à défaut de distiller des sourires, affichant un jeu de lumières et des habits similaires à son précédent passage dans l’Est, au Jardin du Michel en… 2010. Les amoureux de reggae avaient eux aussi droit à leur soirée de bienvenue le vendredi, avec la présence du Breton (!) Naâman et d’un des (nombreux) rejetons de la famille Marley, j’ai demandé le fils Ky-mani, sous l’emprise de substances dont la légalité sera laissée à l’avis des représentants de l’ordre.   Malgré un son parfois perfectible, le festival Décibulles jouit d’un excellent bilan, ayant réussi à braver les éléments tout en battant son record d’affluence. Belle performance pour une organisation qui fêtait cette année rien de moins que sa vingt-et-unième édition, malgré les difficultés rencontrées, comme le soulignait le président et co-fondateur JeanPaul Humbert. 

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interview

décibulles

y’a du monde aux balkans

C’est à l’occasion de la 21e édition du festival Décibulles que nous avons mis la main sur le joyeux trio de La Rue Kétanou. Une belle rencontre avec un groupe à part de la chanson française actuelle. Karma : Parlons du titre de cet album, Allons voir. Y a-t-il a une continuité par rapport au morceau Où je vais ?

Ah ! On n’y a pas pensé ! Mais ça a un peu le même esprit, c’est vrai, celui de se laisser surprendre par ce qu’on ne connaît pas. Ouais, c’est pas mal, comme idée, on prend (rires) ! Olivier :

Parlons d ’actualité : vous vous sentez concernés par le débat sur les intermittents ? Florent : Si

on est concerné ? Bien sûr on se sent concerné, même si ce n’est pas notre statut ! Cela dit… on

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Texte et photo : Ugo Schimizzi

ne peut pas lutter en faisant grève, on planterait des gens qui nous aident et comptent sur nous. Par exemple hier, on était à la première édition d’un festival, organisé par un ami à nous, à Dijon, l’Oeno Music Festival. C’est impossible de lui dire « bah non, on fait grève » ce serait une galère d’enfer. Il y a des intermittents qui étaient là avec un stand, une pétition, on est allé la signer et faire des photos. Olivier : Tous les techniciens sont montés sur scène l’autre jour, on a commencé notre chanson et à la première parole, on a coupé le son, la lumière, comme si quelqu’un

était venu tout débrancher. Tous les techniciens du festival sont montés, un leader est venu parler pour que les gens comprennent ce qui se passe. Il faut communiquer pour faire passer le message. Nous, on est en avant-scène, on en profite, on peut nous entendre jusqu’au bout de la vallée. Profitons-en pour faire le clin d’œil. On essaie de les citer, il y a une chanson assez engagée : Les dessous de table, cette chanson pourrait défendre les intermittents… Florent : Alors que pas du tout ! Mais même pour nous, on ne comprend pas forcément tout, on s’y perd. C’est sûr qu’il y a des soucis avec l’intermittence et qu’il faut faire des réformes, mais ce n’est pas équilibré. Le spectacle vivant, il tient la route avec l’intermittence. Un des soucis, par exemple c’est que la télévision embauche quelqu’un pendant quinze jours, les quinze autres jours il est toujours embauché mais pas payé par la télé mais cette fois par son intermittence. On est devant un vrai problème. Olivier : Mais c’est pas ton boulot, ton boulot c’est de répondre (rires) ! Vous avez commencé dans la rue, vous vous retrouvez aujourd’hui avec pas moins de 263 000 fans sur votre compte Facebook. Il y a toujours de la place dans la rue ?

En fait, les fans c’est nous, on s’envoie des messages toute la journée (rires) ! Mourad : Et puis La Rue Kétanou n’a pas de limite. On n’a pas de murs, pas d’encadrement. Autant de fans, ça peut prendre de la place ! Florent : ça ouvre plein de portes de voir que des gens nous aiment bien. ça veut dire qu’il y a plein de possibilités de jouer Olivier :


Spécial festivals / La Rue Kétanou

quelque part. C’est vrai que la rue, on la fait moins, on a un peu quitté cette rue, qui était presque notre unique scène. Elle a laissé la place à d’autres scènes et on en est content. Mais c’est pas parce que des gens sont de plus en plus nombreux qu’on se sent à l’étroit ! Olivier : Tant que les gens viennent chez nous, on continuera d’aller chez eux !

Simplicité et énergie communicative font de La Rue Ket’ un vrai groupe de scène.

La chanson Interdit parle notamment du piratage sur internet . ça importe pour vous, ce qui peut être fait de votre musique légalement ou illégalement ? Florent : On a tous déjà piraté. Tu sais, avant

internet, il y avait les cassettes, c’était pareil. On pense qu’ils n’ont pas encore trouvé la bonne manière de redistribuer les choses. à l ’époque, ils taxaient les cassettes vierges pour récupérer de l’argent via la SACEM et les artistes et les jeunes avaient des subventions. Il faut aussi que le téléchargement donne envie d’acheter des disques ! Olivier : Comme pour les parfums, les petites fioles. Si ça te plaît, tu achètes le flacon ! Florent : Nous, ça nous est arrivé de signer des CDs gravés (rires) ! Olivier :

Vous pensez aux différents sens de lecture que peuvent avoir vos morceaux ? M o u ra d : Oui, nos chansons ne nous appartiennent plus forcément une fois qu’on les a écrites. Il y a des gens qui entendent des choses très différentes dans nos paroles. Tout est question d’interprétation, selon la personne qui l’écoute. J’imagine que c’est comme ça, partout.  La Rue Kétanou, Allons Voir, 2014, Lrk.

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eurockéennes

interview

Eurockéennes de belfort  Alors... on danse ? Texte : Guillaume Hann & Squizzou / Photos : Ugo Schimizzi

Malgré la profusion de festivals dans nos vertes contrées, les Eurockéennes de Belfort jouissent encore d’une réputation inégalée, justifiée notamment par la longévité de l’événement. Bravant les éléments, Karma s’est rendu au cœur du Territoire de Belfort pour assister à l’édition 2014, avec une question en tête : la grand messe des festivals français mérite-t-elle encore sa réputation ? Article écrit à quatre mains, mais aussi avec les pieds.

Difficile de parler des Eurocks sans parler avant tout de leur situation. On ne peut le nier, le festival se déroule dans un cadre naturel somptueux, au bord d’un lac et dispose même d’une scène posée sur l’eau (la Plage, squattée cette année par Brodinski et ses acolytes triés sur le volet). Seulement, un tel lieu, ça se mérite et on ne peut pas dire que la zone regorge d’autoroutes et d’accès pratiques. C’est bien simple, comptant arriver pendant l’après-midi du vendredi, vos humbles serviteurs ont subi pas moins de deux heures de bouchons... et ce dans une forêt à moins de cinq kilomètres de ce moment tant attendu. évidemment, cela nous aura permis d’entendre en direct la dérouillée des Bleus à la radio, paraît-il la raison de tous ces imbroglios, mais à ce stade (de foot), l’impatience

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Eurockéennes de Belfort

des futurs festivaliers était telle que certains laissaient déjà leur voiture sur le côté pour continuer le chemin à pied. Bref, vous voyez le tableau. Bien sûr, je vous vois déjà penser, chers lecteurs « ouais bon ça va les bouchons, c’est pour tout le monde » et le monde en question n’a pas la chance d’être invité à « couvrir un festoche pour un média ». Et vous auriez tout à fait raison !   Rassurez-vous, nous avons vécu comme vous les tempêtes gargantuesques du vendredi, renonçant à apercevoir la renaissance de Bertrand Cantat dans Détroit et avons lutté, comme vous, pour aller faire La Fête avec le voisin OutreQuiévrain adulé, Stromae. Nous avons aussi bravé une sécurité peu affable, comme vous l’aurez également constaté, dont l’amabilité n’aura eu d’égale que l’intelligence devant le devoir accompli. Trêve de plaisanteries, garder son sérieux durant une interview de Salut c’est Cool est aussi compliqué que de se nourrir de manière équilibré dans n’importe quel festival, voire même de trouver des toilettes propres après trois journées intenses de fête et, avouonsle, de litrons de bières évacués (pardon à tous les buveurs d’eau, on pense aussi bien à vous).   Mais alors, les deux grincheux, vous avez vu de la musique entre un hot-dog tiède et deux averses de printemps ? Et bien, oui ! Et même des concerts avec du charisme (à prononcer chatrisme, un hommage aux programmes diffusés par NRJ12 dans les chambres d’hôtel, car oui, un festival d’une telle ampleur ne s’imagine pas autrement que dans un Formule 1 de seconde zone en banlieue de Sochaux – bourgade sur laquelle nous reviendrons plus tard). à commencer, justement, par celui de Stromae, magistral malgré le (Formidable) climat. Du chat-risme, le site n’en manque pas non plus, entre sa plage et la vue sur son lac gigantesque, où roulent les orages et s’ébattent des canards en plastique

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eurockéennes

Franz Ferdinand fait toujours preuve d’une grande énergie.

(le bar presse n’est pas mal non plus, mais on ne voudrait pas trop faire les privilégiés… ni les alcooliques notoires). De leur propre aveu, les Salut c’est Cool ont assuré. Ils nous ont d’ailleurs montré des photos souvenirs depuis la scène. On les croit sur parole, à cette heure-là, nous étions encore en train de faire de la trottinette, moteur éteint, en pleine forêt de Sherwood. Les Ukrainiens de Dakhabrakha ont de leur côté assuré un changement de plateau sur parking efficace, épargnant à notre voiture des demi-tours compliqués. à noter que nous avons déduit à la suite de cette rencontre que le groupe était probablement notre voisin de chambrée et que nos discussions passionnées de journalistes enflammés sur les coups de 3 heures ont provoqué de leur part une rythmique soutenue en poing majeur (sur les murs). L’aperçu que nous en avons eu sur la scène de La Plage était toutefois de très bonne facture, malgré quelques yeux cernés.   De leur côté, les hommes de l’ombre de Fauve (on parlera des intermittents plus tard) ont à nouveau rassemblé face à l’Esplanade Green Room qui leur était réservé. Il faut dire qu’à la même heure, le choix était limité. Robert Plant finissait péniblement d’achever son monde en massacrant – entre autres – les succès de Led Zeppelin (exception faite du très beau Babe I’m gonna Leave you en intro), à l’aide d’une sauce reggae/folk irlandaise. Ledit Plant était alors suivi au Club Loggia par les goules de Ghost, proposant un metal de très bonne facture, mais que bon nombre de spectateurs barbus à mèches gominées ont eu tendance à négliger.   Mais alors quoi, les bougons, RAS ou presque sur ce festival ? Si. Même si on râle, on a quand même kiffé bon nombre de concerts. à commencer par celui de Shaka Ponk, qui avait invité une première partie plus désagréable que nous et affublés de t-shirts noirs à croix blanches. Non, il ne s’agit pas du groupe The XX, mais bien des intermittents en pleines revendications, aussi nombreuses et imprévisibles que la météo de ce festival (en vrai, on les soutient de tout cœur, même si vous aurez noté que la bonté n’est pas notre – bel – fort ici). Shaka Ponk, donc, dont les deux

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Eurockéennes de Belfort

leaders survoltés ont visiblement bien investis leur nouveau décor, proposant, malgré la régularité des programmations d’une année à l’autre, un set renouvelé et toujours aussi chaud. Comme l’a d’ailleurs si bien dit le chanteur Frah : « Est-ce que vous êtes calientes ? ». Dans un autre registre, Parov Stelar a, lui aussi, fait monter la température et danser les foules, accompagné de son band, mixant aisément avec des réflexes paroviens bienvenus, les cuivres et l’électro. Plus calmes que Volbeat et Biffy Clyro, leurs très bons prédécesseurs sur la timetable, mais tout aussi efficaces à en juger par les cris stridents de la foule, les Foster the People ont assuré un show de qualité, comprenant des morceaux connus de tous (qu’on le veuille ou non !).

Robert Plant arbore un style plus roots pour un son qui l’est tout autant.

La Plage valait tout autant de se mouvoir sur un autre type de sol instable, histoire de prendre sa dose d’électro, servie sur un plateau par Club Cheval, Para One, le susnommé Brodinski et bien d’autres ! Petit regret de notre part, mais on ne peut s’en prendre qu’à nous même, l’horaire tardif de passage des Blacks Keys, le dernier soir, aura eu raison de nous. Une longue route nous attendait alors, fortement marquée par la présence de la maréchaussée, à qui nous n’avons pas manqué de présenter nos respects (ainsi que notre haleine).   Au final, de ce festival, nous retiendrons avant tout la beauté de la ville de Belfort (sans ironie aucune, cette fois) et le malaise procuré par la banlieue de Sochaux, aussi accueillante de prime abord, qu’un Guy Roux furax allant rechercher ses joueurs en sortie de boîte de nuit. Trêve de plaisanteries douteuses et eu égard aux quelques lecteurs ayant tenu bon jusqu’à la fin de cet article, les Eurockéennes de Belfort ont encore une fois été à la hauteur de leur réputation, dans un cadre aussi idyllique que difficile d’accès. Certes battu en fréquentation par d’autres concurrents, il n’en reste pas moins que ce festival, dont la réputation est loin d’être outrepassée, faisait bien partie des dates marquantes de cet été 2014. Pour le bien des organisateurs et des festivaliers, on espère tout de même une météo plus clémente l’année prochaine, ainsi que l’absence de compétition sportive d’envergure ! 

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interview

ghost interview à la goule

Propos recueillis par Guillaume Hann & retranscrits par Nathalie Barbosa

eurockéennes

C’est une goule démasquée qui est venue prêcher la parole de Ghost du côté de Belfort, entre deux orages et avant leur passage plébiscité sur la scène Club Loggia du festival. Rencontre à bâtons (d’encens) rompus.

ton choix d’artistes préférés est très important dans ta psychologie. Tu choisis souvent des artistes auxquels tu as envie de ressembler ou avec lesquels tu veux coucher ! Ton choix de musique se basera donc sur la relation psychique que tu as avec ce musicien. David Lee Roth (chanteur de Van Halen, ndlr) a dit un truc marrant mais vrai en même temps : « Les journalistes aiment Elvis Costello car il ressemble à un journaliste. » Il y a un peu de vérité là-dedans. Pour revenir à Ghost, nous chantons beaucoup de choses en contradiction avec nos costumes et nos personnages, ce qui fait que les gens nous considèrent comme différents.

« Nous parlons de l’Homme et de chacun de nous. » Créer un personnage a permis à des artistes tels que Daft Punk de devenir mainstream. Qu’est-ce qui vous empêche de le devenir aussi ?

Karma : Quel effet cela fait de jouer dans un festival « grand public » et non dans un festival dédié au metal ? Nameless Ghoul : En fait, on a fait pas

mal de festivals de ce genre après la sortie de notre premier album. On a la chance de pouvoir participer à de nombreux festivals et on est conscient que beaucoup de groupes de metal n’ont

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pas cette possibilité et en sont d’ailleurs incapables. Si tu te cantonnes aux festivals de metal, tu n’atteins qu’une partie du public. Comment expliquez-vous le fait que Ghost soit capable de jouer dans ces festivals ?

C’est très simple. Quand tu es jeune,

Notre plus grand obstacle pour devenir mainstream, ce sont les paroles de nos chansons. Nous parlons de Satan et en faisant cela nous décourageons un grand nombre de médias. Aux états-Unis par exemple, beaucoup de chaînes de télévision sont détenues par Disney. En Europe, ce n’est pas pareil, même s’il y aura toujours des médias qui refuseront de véhiculer l’image que nous donnons. Il y a pas mal de filles qui viennent à nos concerts et pour qui nous devenons des fantasmes. Nous ne montrons pas qui nous sommes et ainsi nous pouvons être ce qu’elles veulent que l’on soit. Il y aura toujours cette dualité dans notre groupe et c’est important pour notre expérience dans la musique.


Spécial festivals / Ghost

Photos : Ugo Schimizzi

Vous parlez donc de Satan dans vos chansons. Doit-on le prendre au sérieux ? Est-ce premier degré ou plutôt une forme d’humour ?

Il y a une partie liée à l’humour. Dans les médias, souvent, les journalistes ne voient que le fait que nous chantions sur le diable ou sur Dieu. En fait, nous parlons de l’Homme et de chacun d’entre nous. Nous chantons sur la relation qu’ont les êtres humains avec leurs dieux personnels. Il y a une très grande différence là-dedans et c’est pour cela que nous sommes différents des groupes de black metal. Chacun de nous a déjà été dans une église dans sa vie. Certaines personnes sont croyantes et d’autres non. Il y a beaucoup d’éléments auxquels tu peux te sentir lié. C’est à ce moment-là que nous intervenons en tant qu’artistes : dans cette relation, précisément. Nous sommes avant tout une formation liée au divertissement ! Nous sommes là pour faire le show. Le son, l’odeur, les mots : tout rappelle une expérience religieuse !

Papa Emeritus II, prédicateur impitoyable du groupe Ghost. L’une des goules sans nom sur scène.

Malheureusement, nous n’avons plus beaucoup le temps. Deux petites questions pour finir : Est-ce vrai que Dave Grohl a été l’une de vos goules ?

Oui, c’est vrai. Il a endossé le costume d’une des goules, pour jouer avec nous le temps d’un concert. Enfin, notre question rituelle. Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?

J’aime les Rolling Stones pour leur look en 1972, ainsi que leur présence et leur aura. J’aime beaucoup les Beatles de 1969. En fait, il faudrait mélanger les Rolling Stones avec le répertoire des Beatles. Ils n’avaient pas l’air très cool les Beatles dans les années 1970. C’était un groupe de rock pas très esthétique. D’ailleurs ils ont joué la majorité de leurs meilleures chansons en étant assis. Finalement le look est important alors, non ?

Bien sûr ! D’ailleurs tu l’as remarqué chez nous !  Ghost, Infestissumam, 2013, Universal.

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Solidays

Live report

sEn musique  lidays jusqu’au boue Texte : Ugo Schimizzi / Photos : Juliette Delvienne  En attendant de trouver une nouvelle terre d’accueil en 2015, l’association Solidarité Sida organisait bien cette année encore le festival Solidays sur les plaines de Longchamp, longtemps envahies par la pluie et la boue. Retour sur trois journées malgré tout musicales et militantes.

Metronomy sur scène, l’un des groupes très attendus en live.

Il est toujours intéressant de voir des actions s’étendre dans le temps, traversant les modes, les attaques et les difficultés. Certaines, militantes, peuvent être teintées de tristesse, de part leur caractère de lutte contre un fléau qui perdure et qui frappe encore et encore, même au XXIe siècle. Mais elles se veulent

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avant tout faites de joie, mêlant la beauté et l’énergie de la musique à un message d’espoir et de combat. L’association Solidarité Sida s’inscrit pleinement dans cet esprit, avec à son bord l’infatigable Luc Barruet, présidentfondateur de ce qui n’était, il y a quinze ans, qu’un simple projet utopique.

Cette année, pour la première fois de son histoire, le festival accueillait un président de la République française, ainsi que des ministres (Mesdames Taubirat et VallaudBelkacem), des officiels, des dizaines d’associations, des festivaliers – 175 000 personnes, un record – mais aussi de nombreux artistes, pour cette édition placée sous le haut patronage de feu Nelson Mandela et avec pour accroche « The fight must go on ! ». Malheureusement, comme souvent cette saison, le climat avait décidé de donner dans la démesure, multipliant les averses et les litres de boue. Fort heureusement, le festivalier, résistant et aguerri à tous types de terrains, est avant tout là pour faire la fête, profiter de la programmation et contribuer, avec le sourire, à ne pas oublier qu’un fléau comme le sida fait encore bien trop de ravages.   Chez les musiciens, nombreux sont ceux abordant le flot rouge sur leurs vêtements de scène, sensibilisés au rude combat comme le précise Sam de Shaka Ponk dans son interview (voir page 29). Cette année, on note la présence de plusieurs internationaux venus distiller en anglais leurs messages : Franz Ferdinand en point d’orgue du samedi, les Américains de De La Soul le dimanche, mais aussi Breton, The Gladiators, The Parov Stelar Band à nouveau invités pour le plus grand bonheur des festivaliers, Rodrigo y Gabriela très en vus en France cette année, ou encore Triggerfinger, Patrice et Metronomy. Côté français, pléthore d’artistes avaient eux aussi des convictions et chansons à défendre. Des habitués comme Shaka Ponk et Skip the Use, se livrant un duel d’ambiance à distance, ou encore FFF venus fêter leur retour aux sources et aux affaires. Des « jeunes » en la présence de Woodkid, impérial, Christine and the Queens, rayonnante dans ses habits de « coup de cœur » du


Spécial festivals / Solidays

festival, Gesaffelstein, surpuissant autant que peu visible derrière ses machines, en passant par le collectif Fauve et les indépendants de Chinese Man Records. Malgré leur panne de courant en début de concert et quelques autres problèmes, ces derniers ont d’ailleurs su faire preuve d’une adaptabilité sans faille.   L’hommage aux bénévoles, le patchwork des noms et les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence cadreront une nouvelle fois cette édition de Solidays, festival si particulier dans le paysage français, fort en émotions, mais jamais dénué d’un véritable intérêt musical et d’une vive envie de fêter la vie et la recherche qui se poursuit. Lapalissade conclusive mais néanmoins pensée du fond du cœur, on a hâte de s’inviter sur le nouveau site choisi pour l’édition 2015 !  Woodkid est encore parvenu à créer l’événement.

tions qui travaillent sur le terrain. L’idée que Solidays soit une association qui fonctionne sur un principe de bénévolat

« La vie est une exploration ! »

3 questions à antoine de caunes

renforce sa portée. C’est-à-dire qu’un festival comme celui-ci n’existe pas si on n’a pas tous ces gens qui viennent nous aider à organiser l’infrastructure, la logistique. J’adore cette ambiance. Président d’honneur, mais aussi acteur, réalisateur, animateur. Il y a encore des domaines que vous souhaitez

Karma : Peut-on revenir sur votre enga-

explorer ?

gement aux côtés de Solidarité Sida ?

Oh non ! Une fois président, vous ne pouvez pas aller plus haut ! Il y a pape peutêtre, mais des domaines à explorer… la vie est une exploration ! Cette phrase, vous pouvez la mettre entre guillemets et me citer (dont acte, ndlr), je la trouve assez belle. C’est une aventure permanente, tant qu’on est en vie, il faut avancer, essayer des choses, ne pas s’enfermer dans des systèmes et s’amuser.

Je suis président d’honneur. Je tiens beaucoup à ce titre, parce que pour une fois que je peux donner beaucoup, j’insiste. Mon engagement remonte à une vingtaine d’années maintenant et c’est une cause qui me semble juste et « au carrefour » d’absolument tout. En parlant du sida, on parle d’économie, de politique, des rapports Nord-Sud, on parle de discrimination, de précarité, de santé publique, de relations humaines, de sexualité. Ce problème couvre beaucoup de champs et me semble être un point d’observation du monde très intéressant, mais aussi un point de levier assez simple et pragmatique. S’engager est une action concrète, quand on arrive à trouver de l’argent pour le redistribuer à des associa-

Beatles ou Rolling Stones ?

Plutôt Beatles, mais en même temps je trouve la question très con depuis trente ans, parce que j’adore les Stones ! Je suis plus Beatles parce que je pense qu’ils étaient des purs génies en termes de musique, d’invention. Les Stones, c’est du blues. Mais basta, j’aime les deux ! 

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Solidays

interview

SHAKA ponk les médaillés du rock

Propos recueillis par Ugo Schimizzi / Photos : Pierre Hennequin & Ugo Schimizzi

Récemment nommés Chevaliers de l’Ordre des Arts et des Lettres, les musiciens de Shaka Ponk ont écumé les festivals cette année encore, avec une énergie et un set renouvelé. Rencontre lors de la conférence de presse des Solidays avec Sam, leur chanteuse.

c’était un défi genre super rock’n’roll, mais la vérité, c’est qu’il s’agit plutôt du premier t-shirt qui m’est venu sous la main en me levant. Je suis désolée de te décevoir ainsi… Et plus généralement, que pensezvous de cette valorisation des musiques actuelles par une institution, au travers de la mise en avant de votre groupe ?

Karma : Doit-on vous appeler à présent chevalier ou chevalière ?

(Rires) Je préfère qu’on m’appelle la reine, parce que j’ai un petit côté supérieur. Non, en fait, c’est cool, on est honoré de cette médaille, mais en même temps on ne prend pas ça très au sérieux. Aujourd’hui, on fait des

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concerts, on s’amuse, c’est le principal pour nous.

Je pense que c’est super important. C’est hallucinant même, franchement, qu’on ait reçu une médaille comme ça. On avait du mal à l’accepter au départ. Et puis on s’est dit que finalement c’était bien, pourquoi pas. Mettre en avant des groupes plus récents, c’est bien aussi ! Vous avez une image très énergique,

Le t-shirt « I don’t give a fuck » à

presque folle. Pourtant, ici, en tant

côté de madame la Ministre, c’était

que parrain, vous avez un engage-

un défi ou juste le premier t-shirt

ment pour une cause importante…

qui est passé sous la main le matin ?

C’est vrai que Solidays, ça fait longtemps qu’on est avec eux. C’est notre

Honnêtement, j’aurais aimé dire que


Spécial festivals / Shaka Ponk

Shaka Ponk a squatté les scènes de l’été avec un dynamisme constant. Sam, provocatrice sur scène est aussi très accessible en coulisses.

quatrième année, ça compte pour nous, même si c’est moins qu’Antoine de Caunes. C’est justement l’occasion de faire la fête. Bizarrement, c’est super festif, il y a une excellente ambiance. On y va pour s’éclater. Et si on peut s’éclater en défendant une cause importante et sérieuse, ça permet de tirer vers nous des gens qui n’ont pas forcément accès à ce genre de choses et de lancer le message : il faut se protéger !

pas ce mec (rires). Non, en fait, on aime bien délirer ensemble, il n’y a pas de compétition, on est au-delà de ça. De toute façon ils ne sont pas bons (rires sadiques). Du coup, on n’aura jamais un Skip the Ponk

Cantat est devenu un ami. On l’a rencontré en tournée et on a pensé à lui pour l’occasion. On avait déjà partagé un titre avec lui sur l’album précédent, qui est Palabra mi Amor. Et vu qu’on joue souvent ensemble, on s’est dit « allons-y » !

ou un Shaka Use sur scène ?

(Rires) Ce serait cool, ce serait rigolo ! Pour délirer, on serait prêt à le faire !

D’ailleurs, pour finir, notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ?

Plutôt Stones, mais j’adore les Beatles ! 

Quelques mots sur le choix de la reprise On vous sait assez proche de Skip the Use,

de Gimme Shelter avec Bertrand Cantat ?

est-ce qu’il y a malgré tout une sorte de

C’était un morceau des Stones qu’on aimait bien, qui avait été repris par les Red Hot. Les paroles sont supers ! ça s’est fait naturellement. On voulait faire une reprise et on était tous d’accord sur le titre. Bertrand

défi entre vos deux parcours ?

Oui absolument, à la base, les gens pensent qu’on est proche mais on ne s’aime pas énormément. Matt, je te déteste. Je n’aime

The White Pixel Ape, 2014, Shaka Room.

Shaka ponk sera en concert le 8 novembre 2014 au Galaxie d’Amnéville.

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vieilles charrues

interview

Vieilles Charrues La Bretagne, ça vous gagne... Texte : Manuelle Binet / Photo : Pierre Hennequin  Arctic Monkeys, Elton John, Stromae, Indochine, Détroit ou The Black Keys… Rien que sur le papier, la programmation du plus grand festival de France était alléchante. Les Vieilles Charrues ont tenu toutes leurs promesses, lors d’une 23e édition qui a su convaincre les 205 000 festivaliers. Petit florilège des meilleurs moments d’un week-end fou.

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Les tops

Plusieurs groupes et artistes ont su emballer la plaine de Kerampuilh, chacun à leur manière et leurs succès sont largement mérités. D’abord, Indochine, tête d’affiche du jeudi soir, a livré un show impeccable, à la mise en scène particulièrement soignée et avec une setlist très appréciée. Le final sur L’Aventurier, où toute la foule s’est mise à chanter restera un moment fort de cette édition.   Autre carton, celui du groupe Franz Ferdinand, qui a su prendre la relève de Stromae, et faire danser, à force d’énergie et d’entrain, le public. Même si le choix des morceaux était sans surprise, le quatuor est toujours aussi efficace. La même nuit, Shaka Ponk a encore fait preuve d’une grande débauche de décibels pour faire bouger une foule, décidément elle aussi en grande forme ce samedi


Spécial festivals / Vieilles Charrues

soir. Comme leurs copains de Skip The Use, passés par Carhaix deux jours avant, le groupe s’est assuré un beau succès. Mention spéciale également pour l’ambiance si particulière du festival, qui rend encore plus agréable les quatre jours de concerts et donne au festival breton toute sa saveur. Les flops

Toute programmation a ses paris, qui parfois se révèlent un peu trop audacieux… En particulier, le concert des Black Keys, pourtant attendu par de nombreux festivaliers du premier jour. Les Américains ont livré un set propre, mais n’ont pas su emballer le public. Même les chansons les plus connues n’ont pas réussi à insuffler l’énergie que la plaine attendait. Pas bavards, un peu mous, le duo et ses musiciens sont repartis comme ils sont venus, sous des applaudissements sans conviction. L’absence de Miles Kane est l’autre raté de cette édition, même si les organisateurs n’y sont pour rien, l’Anglais ayant annulé sa venue pour cause de maladie, deux jours avant son passage initialement prévu.

Les bonnes surprises

Parce qu’un festival, c’est aussi des découvertes et des révélations en live ! Cette année, Yodelice a fait forte impression, pourtant programmé en ouverture de la dernière journée, un créneau ultra-compliqué. Fauve s’en est aussi bien sorti, sur une date qui avait de l’importance pour le collectif. Le groupe a même réussi à faire chanter un chant de marin en canon, excusez du peu, à une assemblée qui y a mis du sien (mais à laquelle il a quand même fallu plusieurs tentatives pour y arriver). Les inoubliables

Chaque année, certains concerts sortent du lot et entrent dans l’histoire du festival. Des concerts qui restent et dont on sera fier de dire « j’y étais ». Et parmi eux, forcément, celui de Stromae s’impose. Le Belge a triomphé à Kerampuilh, devant 66 000 festivaliers. La plaine n’avait jamais été aussi bondée, au point que bon nombre de spectateurs n’ont pas pu apercevoir le musicien. Les Vieilles Charrues se débrouillent aussi tous les ans pour avoir une

star internationale sur la scène Glenmor. Cette année, c’était Elton John, qui après avoir dû annuler sa venue l’an passé, avait cet honneur. Le Lord a joué pendant deux heures pour une foule compacte, heureuse de pouvoir l’applaudir, alors que des rumeurs de retraite commencent à circuler. Le lendemain, les Arctic Monkeys ont à leur tour fait sensation, avec un concert puissant. Le public s’est enflammé sous les riffs d’un grand Alex Turner, qui a même fait l’effort de s’essayer à prononcer en français « Vieilles Charrues ». Enfin, Bertrand Cantat a signé son grand retour à Carhaix avec son groupe Détroit et il ne s’attendait sans doute pas à un accueil pareil. Celui qui a marqué l’histoire du festival avec Noir Désir, a été ovationné par le public à la fin du concert, preuve que malgré ses déboires, les fans retiennent avant tout la musique. 

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vieilles charrues

interview

fakear nouveau gourou électrique ?

fakear sera en concert le 17 octobre 2014, pendant le festival Zikametz #11 à Metz.

Photos et propos recueillis par Ugo Schimizzi

Rencontre avec le jeune talent Fakear, à l’occasion de la sortie récente de Sauvage, d’une beauté envoûtante. Nous étions à la release party de cet EP en juin, pour passer un long moment avec son créateur, armés d’une joie non feinte !

ment proche avec le public, notamment par les réseaux sociaux. Dans une soirée, tu croises vingt personnes, t’as pas le temps de parler à tous ces gens. Du coup, je passe plutôt par les réseaux pour entretenir le truc. J’apprécie être sur scène, avoir un espace très large, mais c’est vrai que j’ai du mal à aller voir des concerts, être au milieu de plein de gens, ça m’oppresse vachement. C’est le même sentiment qu’être tassé dans le RER, j’ai un peu de mal. On dit souvent que ta musique respire le voyage et j’ai vu que tu avais pour habitude de partir à travers l’Europe. Qu’est-ce que tu cherches en voyageant ?

Karma : Quand tu t’es lancé dans ces études de musicologie, tu voulais être artiste ? Fakear : Non, je voulais être technicien.

J’ai d’ailleurs fait musicologie, parce que je n’avais pas réussi à rentrer en BTS ingénieur du son, ni même à l’école Louis Lumière. Du coup, je faisais la fac pour avoir un bac +2 et tenter ensuite Louis Lumière. J’ai une base sur les techniques du son, j’ai

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aussi fait un peu de régie théâtre, ce sont des choses qui sont vraiment restées et que j’aime continuer à faire. Tu disais dans une autre interview n’être pas fan de la foule, pourtant tu vas te

Je cherche à alimenter l’imaginaire, aller dans des endroits que je ne connais pas du tout. Je ne pars jamais tout seul. Du coup c’est enrichissant, tu partages des moments hyper forts. Et puis tu reviens à des choses très basiques, tu te remets à ton échelle. Qu’est-ce que je vais manger ? Qu’est-ce que je vais boire ? Où dormir ?

retrouver aux Vieilles Charrues devant un public énorme. Quelle relation déve-

Tu as dis « on fait de la musique car c’est

loppes-tu avec ton public ?

comme une thérapie, un langage » ?

C’est le truc le plus beau. J’ai un lien vrai-

J’irais même plus loin que ça. On fait de la


Spécial festivals / Fakear Avec ses airs timides, Fakear s’impose pourtant déjà comme une référence.

musique, parce qu’on en a besoin. C’est vital. C’est une thérapie, dans le sens où l’on est de ces gens qui n’ont pas les mots. Moi, je n’ai pas les mots du coup je compose des choses qui vont servir de mise sur papier et de photographie d’instants, peu importe l’émotion que je vis, forte ou de la vie quotidienne, j’ai besoin de les retranscrire. J’ai le sentiment de maîtriser ma langue et de pouvoir dire précisement ce que je veux. Ce serait quoi la plus belle chose qui puisse arriver à ta musique ?

Que ce soit la pub de Quechua ! C’est un peu un fantasme. Que les mecs soient là en mode rando avec du Fakear derrière, ce serait génial. Mais bon, non… En fait, j’ai déjà eu des témoignages plus ou moins de ça, mais ce serait que ma musique puisse soulager des gens. C’est tellement émouvant quand des fans disent ça, genre « ça m’a fait beaucoup de bien, alors que c’était une période difficile de ma vie ». C’est la plus belle chose, oui, faire du bien à des gens ! Tu expliquais au magazine Sourdoreille ton sentiment de personnification des instruments, qu’un synthé « fat » représentait la colère, ou que le violon signifiait pour toi l’apaisement. Tu vois vraiment un sample comme une émotion ?

Ouais ! Vraiment ! Les samples, sont presque des émotions préfabriquées. Tu peux leur donner un ton, une couleur. Après, les synthés que tu crées, ce sont des sons hyper typés. Le synthé sur Neptune, très fat, que tu entends sur le refrain, si on fait des accords plaqués avec, c’est très doux, très sympa, mais je l’ai poussé dans ses retranchements et je l’ai fait grincer pour qu’il sorte d’autres trucs. On peut faire ce genre de choses avec une guitare : on peut la faire pleurer, rire, etc. Je garde toujours cette vision là. Je veux un son vivant. Enfin, notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ?

J’aime particulièrement les deux. Mais je suis plutôt Rolling Stones, parce qu’ils ont un côté tellement viril, en sueur, ils créent de la magie avec rien. Les Beatles se donnent beaucoup de moyens techniques, pour que ça marche tout autant, mais les Rolling Stones, Mick Jagger, Richards, tu leur files une guitare et ça marche ! Cela dit, Lennon, tu lui files un piano, ça marche aussi. C’est une question compliquée, mais je suis plus Stones quand même. Il y a quelque chose de bonhomme dans le son, qui aide à se remonter le moral.  Fakear, Sauvage, 2014, Nowadays Records.

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infographie

Découvrez le classement des artistes les plus vus en festivals cet été. Par Pierre Schuster 

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SpĂŠcial festivals / les squatteurs

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influences

De la Jamaïque aux Amériques

têtes couronnées. Cette contre-culture, indépendante, militante et rebelle, avec un son caractéristique, va trouver écho auprès de jeunes Anglais stylés de la classe ouvrière, amateurs de jazz et de soul, membres du courant des modernists, bientôt connus sous le terme de skinheads. Ce sont eux, écorchés vifs en perdition dans le Londres des années 1970, qui deviendront les premiers fans occidentaux de Max Romeo et des Skatalites, comme des versions vintages de Prodigy. Ces derniers reprendront notamment Chase the Devil, vingt ans plus tard. Moins de dix ans après

Par Rémi Flag

« J’sais pas jouer aut’chose que du reggae » disait Pierpoljak. Le bougre ne croyait pas si bien dire, tant les rythmes jamaïcains sont considérés comme

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De lvi en ne

pères de bien d’autres styles. Petit tour du propriétaire…

Damian Marley, fils de Bob, au festival Décibulles. Le reggae s’accompagne d’une imagerie presque sprituelle.

as évident de voir le rapport entre des sniffeurs de coke londoniens blancs au crâne rasé, sautant de manière archaïquement organisée au son des rythmes déjantés de la scène électronique anglaise et des chevelus bronzés et crasseux fumant de la marijuana et jouant de la gratte, tranquillement posés sur une plage de Montego Bay. C’est là toute la beauté du reggae. Souvent désignée comme « la musique des gens pas très frais », des « consommateurs de chichons » ou encore des terminales L de votre lycée, elle a la plupart du temps été réduite au seul Bob Marley par les néophytes. Et pourtant, c’est un genre qui, dès son émergence, a culturellement et techniquement donné naissance à un nombre impressionnant de courants musicaux et à autant de styles de vie différents.

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Le reggae commence à prendre de l’importance à la fin des années 1960, lorsqu’accoste en Angleterre une flopée d’immigrants jamaïcains, venue installer les premiers sound systems sous les fenêtres des vieilles

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" Même notre bien nationale Marseillaise a eu droit a sa version reggae ! " son débarquement, le reggae a déjà transformé une grande partie de la contre-culture anglaise et ne va pas s’arrêter là. En 1977, le mouvement punk naissant va s’engouffrer dans la brèche. The Clash avec leur Police & Thieves notamment, a beaucoup contribué à imprégner les tympans de la jeunesse blanche de l’esprit du rastafari. Sans oublier bien sûr Eric Clapton et sa version de I shot the Sheriff ou encore Roxanne de The Police.   Dans le même temps, une multitude de Jamaïcains fuyant les quartiers pauvres de Kingston pose le pied aux états-Unis. Là encore, la culture urbaine noire, la ghettoïsation grandissante et le sentiment de révolte permettent de créer un pont en ganja pure entre les deux communautés. Afrika Bambaataa ou encore Public Enemy ont dénoncé les injustices faites aux Noirs, de la même manière que le faisaient Third World dans Human Market Place et Aswad dans Three Babylon. Dj Kool Herc, immigrant jamaïcain, échoue dans le Bronx en 1967 et crée les bases du


Photo : Ugo Schimizzi

Un air de reggae

hip-hop, le rap trouvant sa source dans les interludes lyriques que les MCs posaient pour effectuer la transition entre deux morceaux. Le sampling et les fréquences de basse utilisées par des quantités inénarrables de gangstas, tels Busta Rhymes ou Notorious B.I.G. au cours des trente dernières années, ont aussi accouché de l’esprit embué, mais non moins créatif, des adorateurs de Zion.   Dès le début des années 1970, Lee « Scratch » Perry ou encore Eroll Thomson commencent déjà à bidouiller leur propres sons et y ajoutent

une palette d’effets comme l’écho, la réverbération ou le fameux delay. Le dub est l’un des tout premiers genres de musique électronique à apparaître et trouve donc son origine, lui aussi, dans le reggae. Au milieu des années 1990, Tricky et Portishead développent leur popularité, énormément influencés par les cultures qui en découlent. Massive Attack ira plus loin, en adoptant une basse lourde et prépondérante sur presque tous ses morceaux, mais également en travaillant régulièrement avec le chanteur Horace Andy. Toujours en Angleterre à cette période, Dj Hype ou

Aphrodite augmentent le tempo du reggae et en font une version speed, bientôt connue sous le nom de jungle, puis de drum & bass.   Même notre bien nationale Marseillaise a eu droit à sa version reggae, signée Gainsbarre, pour le moins non conformiste et peu patriote ! On pourrait également citer le magnétisme exercé sur d’autres productions françaises, comme celle de Tonton David, ou africaines avec Tiken Jah Fakoly qui continuent de prouver que cette musique, toujours pour citer Pierpoljak, n’a pas « les barbelés pour horizons ». 

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cinéma  Avec Enemy (sorti en salle le 27 août), le réalisateur québécois Denis Villeneuve s’empare brillamment d’un sujet pourtant rebattu au cinéma et en littérature : la figure du double. Dépouillement et concision ont constitué ses armes pour adapter l’intrigant roman de l’écrivain portugais José Saramago, paru en France sous le titre L'Autre comme moi. Le cinéaste a fait le choix d’une musique en apparence simple, qui appuie en fait discrètement des symboles-clés du film.

ake Gyllenhaal, déjà à l’affiche du nerveux thriller Prisoners du même réalisateur en 2013, incarne Adam, un professeur d’histoire exerçant au sein d’une université de Toronto. Il mène mécaniquement sa vie entre ses cours, sa copine, jouée par Mélanie Laurent, avec laquelle il ne partage guère plus que le sexe et sa mère (Isabella Rossellini), particulièrement froide et directive. Son quotidien est bouleversé lorsqu’il repère, dans une petite comédie tournée dans sa région, un acteur ayant exactement son apparence. Lui qui ne trahit jamais sa routine se lance alors à reculons et en tremblant sur les traces de ce double improbable.

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Par Timé Zoppé

Homme araignée

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Pour composer la bande originale de ce polar métaphysique, le Canadien s’est entouré des Anglais Danny Bensi et Saunder Jurriaans, qui forment par ailleurs le duo musical Stenfert Charles. Habituée des compositions filmiques (Martha Marcy May Marlene, Play, Magic Magic), la paire signe ici une musique orchestrale judicieusement pensée. Dès la séquence d’introduction, dans laquelle l’un des personnages joués par Jake Gyllenhaal entre dans un étrange club privé, on comprend toute l’importance qui sera conférée à la figure de l’araignée. Musicalement, un son aigu se déploie et se maintient irrégulièrement dans la longueur, comme un fragile fil tendu. Des notes de violoncelle très graves surgissent ponctuellement, illustrant la menace susceptible de faire vaciller ce mince

équilibre. L’influence du thème composé par John Williams pour Les Dents de la mer (1975) de Steven Spielberg semble évidente. Dans Enemy, la menace ne prend évidemment pas la forme d’un requin mais, de manière plus vertigineuse, celle du chaos qu’engendrerait l’apparition d’un double humain chez chacun de nous.   Le thème associé à Adam se compose de quelques notes de clarinette à la fois tranquilles et lourdes de suspense. Il souligne le côté pataud du personnage, son absence d’entrain manifeste, mais préfigure aussi son interrogation à venir : quelque chose en lui est prêt à se laisser intriguer. Le thème d’Anthony, le double, est lui aussi joué à la clarinette, mais sa construction est plus relâchée, de sorte à ne pas donner un discours précis sur sa personnalité et à la maintenir à l’état de mystère à déchiffrer.  La fameuse araignée intervient à plusieurs reprises dans le film, en prenant par exemple la forme des sculptures de la série Maman de la plasticienne Louise Bourgeois (ce qui peut d’ailleurs donner certains indices pour comprendre le film). On peut également parfois sentir la présence de l’animal dans la bande sonore. Sur plusieurs morceaux, les pizzicati1 et autres bruissements évoquent le déplacement furtif d’une arachnide, le bruit de ses pattes et le claquement de sa bouche. Les nombreux morceaux aux notes tenues évoquent son


Enemy

Photos : droits réservés

fil. Au cours du film, à mesure que le mystère du double s’épaissit, le thème principal s’étoffe et se complexifie, comme les mailles d’une vaste toile en construction.  À l’image du long métrage qui laisse le temps aux atmosphères de s’installer et qui privilégie largement l’introspection aux scènes d’action, la musique « n’explose » à aucun moment. Elle reste en permanence contrite, prise dans un étau, presque tremblante. Comme on l’entend

" un son aigu se déploie et se maintient irrégulièrement dans la longueur, comme un fragile fil tendu " clairement dans le thème d’Adam, elle laisse globalement une sensation d’irrésolution et de malaise latent.   Après un bain d’une heure et demi dans cette ambiance poisseuse et la stupéfaction inspirée par l’image finale, la musique du générique sonne comme une véritable libération. Mais After the Lights go out des Walker Brothers a beau être un entraînant tube pop dans la plus pure tradition des sixties, les paroles du morceau et les plans sur les angoissants immeubles de Toronto sont loin de laisser une impression de sécurité. Un film-toile à résoudre, qui remuera sans doute une foule de questions et générera des rêves effrayants… 

Villeneuve emmène à nouveau le spectateur dans un univers oppressant.

Enemy, Denis Villeneuve, 2014, Rhombus Media, Roxbury

Pictures et Micro_scope.

1 : Sur les instruments à cordes frottées comme le violon, le pizzicato est un pincement des cordes avec les doigts.

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Dracula X Rondo of Blood Tanz der Vampire

Par Thibaut Clement

Le claquement d’un fouet, un cri dans la nuit, le sang coule. Nous ne sommes pas dans l’un des lieux interdits fréquentés par notre équipe, mais bien dans un des jeux Castlevania. Et pour une fois, un Castlevania qui ne se prend pas au sérieux, même quand il s’agit de musique.

ortez vos pieux, vos gousses d’ails et vos crucifix, ce soir, nous allons chasser du vampire. Mais n’oubliez pas votre veste en jeans et vos Doc Martens, car Dracula semble s’attarder dans les années 1990. Castlevania, pour le lecteur non averti, est une saga vidéoludique retraçant les aventures de la famille Belmont, dont les membres s’acharnent à combattre le vampire le plus célèbre de l’histoire au fil des siècles. Chaque épisode, qu’il se déroule au Moyen Âge ou à l’époque moderne, se finit ainsi par un duel avec le Comte, duquel le joueur doit sortir vainqueur. Sorti en 1993 sur PC Engine, Rondo of Blood est un Castlevania dans la plus pure tradition de la série.

Le CD signe l’émancipation des compositeurs de l’époque. Et qui dit émancipation dit inf luence.

Le jeu innove par son format : la PC Engine fonctionne sur support CD, offrant un stock de données bien plus important que les traditionnelles cartouches 16 bits. Or, cette capacité fut capitale dans l’élaboration de la bande originale, permettant de se rapprocher du réalisme d’un son orchestral.

signe pour un nouvel opus en 1993, deux ans après Super Castlevania IV sur Super Nintendo, l’équipe de compositeurs change et le directeur Toru Hagihara se laisse aller à un pari : inscrire le jeu dans son époque. Quelques moments décalés dans cette nouvelle production traduisent bien cette

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Traditionnellement, la série brille par sa forte ascendance gothique, sombre et dark fantasy. Le frisson se mêle à l’appréhension et l’horreur à l’aventure. Quand Konami

Lors de la réédition du jeu sur PSP, les thèmes, comme les illustrations ont subi un lifting.

insouciance rebelle des années 1990 et la bande originale est une perle de mélange des genres. De l’orgue, des percussions, du violon : Dracula est aux commandes. Seulement voilà, les années 1990, c’est Dance Machine, Oasis et les sacoches bananes. Tous les thèmes transpirent la culture pop de fin de siècle.   Ainsi, la piste Divine Bloodlines, par la suite récurrente à la saga, est soutenue par une batterie électronique et un synthétiseur bourré d’échos. Le résultat est complètement bluffant. On retiendra également le thème Vampire Killer, qui susurre à l’auditeur un chœur de chant brumeux et nocturne, pour mieux l’assommer du thème rock le plus furieusement épique que la console n’ait jamais connu. Bloody Tears est du même acabit, l’orgue appuyé et inquiétant n’étant qu’une toile de fond pour un morceau à faire frémir un revenant. Les thèmes ont une personnalité propre et on oublierait presque la date de sortie des morceaux. La même année sortait Aladdin sur Super Nintendo. Les lec-

" Tous les thèmes transpirent la culture pop de fin de siècle "

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Illustrations : droits réservés / Konami.

Dracula X Rondo of Blood

teurs nostalgiques pourront s’amuser à comparer le fossé technique qui séparait alors la console du plombier moustachu de l’enfant terrible qu’était la PC Engine.   Sans aucun doute possible, l’équipe de compositeurs, alors dirigée par la désormais célèbre Michiru Yamane, semble avoir mis toute sa créativité dans cette OST, quitte à s’éloigner par l’humour et la légèreté de la noirceur du titre. Picture of a Ghost Ship, Slash ou encore l’extravagant et carnavalesque Mary Samba sont autant de titres facétieux à en faire coaguler votre verre de sang frais. Si les fans les plus durs de la série y voient parfois une entorse à l’univers de Dracula, les joueurs les plus mélomanes prennent généralement cet écart assumé et harmonieux avec bienveillance. Le jeu lui-même, malgré la noirceur de son thème, se prend peu au sérieux.   Michiru Yamane et les deux arrangeurs que sont Akira Souji et Tomoko Sano ont largement prouvé que le moment voulu, ils pouvaient répondre aux attentes les plus variées. Quatre ans plus tard en 1997, ils signent l’une des plus belles réussites musicales de la saga avec la soundtrack de Castlevania : Symphony of the Night, sur Playstation. Un titre encore culte pour beaucoup de joueurs.  Akumajo Dracula X - Chi no Rondo Original Soundtrack, 1993, Konami.

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découpage

Formidable Stromae  Véritable phénomène francophone de ces dernières années, Stromae a également été l’un des artistes très programmés en festival durant l’été. Qui mieux, donc, pour illustrer notre rubrique découpage de ce numéro spécial ? Illustration : Pierre Schuster. 

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Retrouvez le Magazine Karma toute l’année sur magazine-karma.fr et le numéro 10 version papier dès janvier 2015 dans toute la Lorraine et au Luxembourg.

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LA LORRAINE, RéGION MUSICALE Avec les CRéDIT MUTUEL de Yutz et Rives de Moselle Florange - Uckange


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