Migros Magazin 7 2008 f AA

Page 10

10 Récit

Migros Magazine 7, 11 février 2008

carreau cassé. Sauf que Wurz et ses coéquipiers ne sont pas en noir, mais en civil. «Dans une intervention en ville, on est souvent en jeans pour se fondre dans la foule et passer inaperçu.» Il est l’homme en retrait, celui qui joue le rôle «des yeux de la brigade d’intervention» qui, elle, se trouve sur le terrain, au contact, au cœur de l’assaut. En fait, dans la réalité, il est souvent chez les gens, dans leur appartement, pour autant que ce dernier occupe un point de vue stratégique. «On est toujours bien accueillis. Il est même arrivé qu’on nous serve le repas de midi et la tarte aux pommes à quatre heures!» Toujours prêts à intervenir, même au milieu de la nuit, les coéquipiers passent beaucoup de temps ensemble. Au fil du temps, ils deviennent une famille.

Dans les cas extrêmes, le tireur peut être amené à tuer un être humain. En 1998, à Genève, «Wurz» s’est retrouvé à deux doigts de devoir tirer pour désarmer un forcené.

Cellule de pointe Bien sûr, ces dernières années, la criminalité a pris un autre visage. «Au niveau gendarmerie, les cas d’intervention sont plus nombreux, plus durs, et le moindre contrôle de circulation peut dégénérer», précise Wurz, chef de groupe des tireurs d’élite. Mais ce n’est pas pour cette raison qu’un groupe de tireurs d’élite romand (TERO) a été constitué à Genève, au début de cette année. «C’est une question d’économie. Il fallait trouver une solution pour réduire les coûts de formation du personnel et du matériel», explique Claude Bettex, coordinateur du groupe TERO. Alors qu’il y avait jusqu’alors, en Suisse romande, pas moins de 64 carabines à 15 000 francs pièce, la création d’une seule unité de superflics a permis de rationaliser les coûts pour une plus grande

efficacité. Pourquoi à Genève? «Parce que c’était le seul canton à avoir une cellule de piquet permanente, habituée à agir systématiquement avec le groupe d’intervention», poursuit Claude Bettex. Les Genevois avaient donc une longueur d’avance sur les autres cantons: plus entraînés, plus compétents, ils ont même gagné le concours des tireurs d’élite suisses de l’année dernière et se classent parmi les quinze meilleurs aux championnats du monde! Grâce à un hélicoptère, les onze fines gâchettes de TERO pourront être déployées rapidement dans toute la Suisse romande et même au Tessin. Quant au permis de tirer, il est à chaque fois délivré par les responsables du canton mandataire.

Permis de tirer Des détournements d’avion et des prises d’otages, il n’en a jamais vécu. «C’est sûr que nous, on a soif d’interventions. Mais heureusement pour les gens qu’il n’y en a pas davantage!» Mais le jour où ça devrait arriver, sûr qu’il sera là. «Même si je suis en vacances à l’autre bout de la Suisse, je reviens. Je ne voudrais pas manquer ça!» On pense à Daniel Boulanger, le tireur d’élite français qui a abattu Human Bomb en 1993. Forcément. On pense, au-delà du muscle précis et de la démonstration de courage, à ce moment difficile du choix, cette seconde lourde qui peut coûter la vie d’un homme. «A part les cas de légitime défense, tout tir est soumis à autorisation. C’est le chef de la police cantonale concernée qui délivre la permission de tirer.» En Suisse, les situations où il a fallu abattre un forcené restent rarissimes: deux cas en vingt ans, une fois dans les Grisons et l’autre à Genève. Prendre une vie, tuer un être humain fait partie de son cahier des charges. «On y pense, on en parle entre nous. On est préparé pour ça, entraîné, mais personne rêve de devoir tirer. Comment je réagirai si ça m’arrive, un jour? Je ne sais pas.» Par chance, Wurz n’a jamais dû aller jusque-là. Mais il se souvient de cette fois où son «palpitant a accéléré» parce qu’il avait reçu l’autorisation de tirer. «C’était à Genève en 1998, un gars avait pété un plomb et canardait dans la rue depuis son balcon. J’étais planqué dans une usine de bijoux et j’avais ordre de le désarmer. Mais l’homme n’est pas réapparu sur le balcon et je n’ai pas eu besoin de le faire. Il a pu être neutralisé par le groupe d’intervention au sol.» Jeu de cache-cache Etrange, ce métier qui veut que l’on s’entraîne pour l’éventualité d’une intervention tout en


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.