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société
Migros Magazine | No 52, 27 DéCEMbRE 2011 |
S
i la fin du monde n’est pas pour demain, les prévisions quant à son arrivée ne datent pas non plus d’hier. L’apocalypse prédite de tous côtés pour le 21 décembre 2012 serait la 183e annoncée «depuis la chute de l’empire romain», selon l’historien Luc Mary. Sous la forme aussi bien d’une destruction totale de la planète que d’un passage de l’humanité à une ère nouvelle. Ce qui semble en tout cas distinguer cette fin du monde là des précédentes, c’est la multiplication des cataclysmes.
«Dans les chaos annoncés auparavant, on évoquait une seule catastrophe à la fois mais cette fois, on y a tout mis et on arrive à un incroyable gloubi-boulga», note Alain Cirou, directeur du magazine Ciel et Espace. A des phénomènes constatés – réchauffement de la planète, fonte de la calotte glaciaire, tsunamis – s’ajoutent des scénarios pourtant tous décrétés farfelus par les scientifiques: inversion des pôles terrestres, collision planétaire, engloutissement par un trou noir, alignement des planètes et on en passe. On pourra se demander à quoi riment toutes ces prévisions catastrophistes. Pour l’historien Jean-François Mayer, spécialiste des développements religieux dans le monde contemporain et fondateur de l’Institut Religioscope à Fribourg, elles nous révèlent «le développement dans notre environnement spirituel d’une nébuleuse d’imaginaires post-chrétiens», qu’il appelle «la religiosité parallèle» et qui s’est notamment cristallisée sous le terme de New Age.
Lequel connote la croyance «qu’après plus de 2000 ans sous le signe astrologique des Poissons, notre planète va entrer dans le signe du VerJean-François Mayer seau» et connaître l’avènement d’une «civilisation caractérisée par des sentiments de paix et une relation plus équilibrée avec la nature.» Un avènement parfois «aux accents millénaristes, parfois catastrophistes, plusieurs interprétations n’excluant pas la possibilité de bouleversements accompagnant ce processus». De la même manière que le millénarisme chrétien «incluait des turbulences planétaires accompagnant le passage vers le royaume de Dieu sur terre». Mais cet avènement d’un monde meilleur semblant tarder à se concrétiser, la mouvance New Age, florissante à la fin des années 1980, avait paru depuis
■ Le ranch maudit: Vernon
Howell alias David Koresh reçoit en 1985 une révélation divine lui indiquant le retour du Christ pour 1995. Retranché dans un ranch texan, à Waco,
il prépare depuis 1992 sa centaine d’adeptes à la fin des temps, qui arrive plus tôt que prévu: en 1993, la police donne l’assaut. Un siège s’ensuit, puis un incendie dans lequel périssent la plupart des fidèles encore retranchés. Au total, 87 morts, dont 73 adeptes et 14 policiers.
■ Les illuminés de Penza: enfermés depuis 2007 dans des galeries creusées au sudest de Moscou, une trentaine de croyants d’un groupe sectaire orthodoxe attendent la fin du monde prévue pour
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«Nombreux sont ceux pour qui l’imaginaire chrétien ne fait plus sens»
Quand l’apocalypse est remise à des jours meilleurs ■ La porte du Ciel: trenteneuf personnes du groupe Heaven’s Gate se suicident, en mars 1997. Ils étaient persuadés de la proximité de l’apocalypse et sûrs aussi, en tant qu’élus, après avoir quitté leur enveloppe corporelle, de pouvoir embarquer sur un vaisseau spatial extraterrestre.
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mai 2008. Ils sortiront de leur abri avant l’échéance fatale, à la suite de l’effondrement des murs provoqué par de fortes pluies.
■ L’accélérateur de la mort: le 10 septembre 2008 le CERN met en route à Genève le plus puissant accélérateur de particules du monde: le LHC. Une plainte avait été déposée au tribunal de Hawaï au motif que le LHC risquait de provoquer un trou noir avalant la terre. Ce sera sans doute pour une autre fois.
2012 et après? Jusqu’ici, il faut bien s’y résigner, aucune des fins du monde annoncées n’a eu lieu. Pour JeanFrançois Mayer, après l’échec prévisible des prophéties concernant le 21 décembre 2012, «il ne se passera probablement rien». Comme cela se produit souvent dans de tels cas, une spiritualisation de l’événement évite un «échec de la prophétie, en expliquant que des forces commencent à agir sur la planète, sur un plan subtil, et que petit à petit on en verra les effets». «Rencontrée lors d’une réunion sur 2012 en Argovie l’automne dernier, poursuit Jean-François Mayer, une grand-mère commentait: si rien ne se passe, nous n’avons rien à perdre. Si quelque chose se passe, nous avons tout à gagner.»