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Futur
Série: science ou fiction 2/2
Les progrès techniques et scientifiques apportent leur lot d’idées extravagantes ou visionnaires. Des experts décryptent les plus importantes d’entre elles.
Cette semaine: • Les univers parallèles • Voyager à la vitesse de la lumière • Le voyage dans le temps • L’intelligence artificielle
La réalité rattrape la fiction
Entre science et science-fiction, la frontière a toujours été floue, tant scientifiques et auteurs s’inspirent les uns des autres. Au point que romans et films sortent souvent du cadre de l’imaginaire pour anticiper bel et bien le monde de demain.
Texte: Christine Werlé
Les univers parallèles
Quand on fait référence à notre univers, on parle en réalité de la partie de l’univers qu’on peut observer, et qui représente une très petite partie du cosmos. «Les univers parallèles seraient en quelque sorte les parties de l’espace-temps qui sont au-delà de notre univers observable», précise Alexandre Belin, du Département de physique théorique du CERN, à Genève. Le meilleur moyen d’essayer de voir quelque chose qui pourrait ressembler à un univers parallèle est donc d’observer le ciel. «Malheureusement, on n’est pas près de faire une telle découverte, simplement parce que, par définition, on ne peut pas voir plus loin que notre univers observable, et par conséquent, on ne sait vraiment pas ce qui se passe au-delà. Mais ça ne veut pas dire que les univers parallèles n’existent pas, juste qu’on ne peut pas les voir», poursuit-il. D’autant plus que l’univers observable n’est pas une notion absolue: il dépend du temps. «Cela est une conséquence de l’expansion de l’univers. La partie de l’univers à laquelle on avait accès il y a 1 000000 d’années n’est pas la même qu’aujourd’hui», explique le scientifique. La science-fiction imagine souvent une réalité parallèle avec une autre Terre exactement comme la nôtre. Pour Alexandre Belin, l’idée est peu réaliste: «Au-delà de notre univers observable, les lois de la physique pourraient être potentiellement différentes, voire très différentes, et cela pourrait fortement affecter le comportement de la matière.»
✔ Pour cogiter Films: Le Monde de Narnia (2005), Doctor Strange (2016), La Tour Sombre (2017). Séries: Stargate SG-1 (1997), Fringe (2008), Once upon a time (2011).

Les univers parallèles pourraient être des parties de l’espace-temps au-delà de notre univers observable.

Photos: Getty Images
Voyager à la vitesse de la lumière
On touche ici aux limites de la théorie de la relativité d’Einstein: les lois de la physique actuelles ne permettent pas d’imaginer un humain se déplaçant à la vitesse de la lumière, qui se situe aux alentours de 300000 km par seconde. «Pour vous donner une idée, il faudrait accélérer de 140 km/h toutes les secondes pendant 86 jours pour atteindre la vitesse de la lumière. Notre système cardio-vasculaire n’y tiendrait pas, de même que le vaisseau spatial à bord duquel nous aurions embarqué et qui se casserait», illustre Volker Gass, ingénieur et directeur de Space Innovation à l’EPFL à Lausanne. Mais cela ne veut pas dire que cela ne se fera pas un jour. «Dans un TGV lancé à 300 km/h, on ne subit pas l’accélération. On peut se lever et se promener dans le train sans subir de contrainte. Avant de savoir ça, on pensait que c’était impossible», rappelle Volker Gass. Selon lui, les progrès de la recherche sur l’antimatière pourraient ouvrir des possibilités. «Théoriquement, si l’on arrive à contrôler la masse négative, on pourrait décoller sans avoir besoin d’autant de carburant et aller plus vite.»
✔ Pour cogiter Films: Star Wars (1977-2019), Star Trek (1966-2016).
Le voyage dans le temps
D’après la théorie de la relativité d’Einstein, il est possible de voyager dans le futur: il suffit de se déplacer à très grande vitesse dans l’espace et de revenir ensuite sur Terre. Le temps ne s’écoule en effet pas de la même manière à tous les endroits de l’univers. Une théorie confirmée par des observations scientifiques et popularisée par le film Interstellar de Christopher Nolan. «C’est le paradoxe des jumeaux: prenons deux frères jumeaux et envoyons l’un des deux dans l’espace à bord d’une fusée qui va voyager pendant quatre ans et demi à une vitesse proche de la lumière (environ 300000 km par seconde, ndlr). À son retour sur Terre, l’astronaute aura vieilli de quatre ans et demi alors que son frère resté à la maison aura vieilli de 100 ans», illustre Georges Meylan, professeur émérite d’astrophysique à l’EPFL à Lausanne.
Ce phénomène étrange, peu intuitif, a été vérifié lors de multiples expériences qui ont comparé le temps mesuré sur Terre par une horloge atomique avec le temps mesuré par une autre horloge identique se déplaçant rapidement dans une navette spatiale en orbite autour de notre planète. À son retour sur Terre, l’horloge de la navette spatiale était retardée par rapport à l’autre. «Tout le monde ne le sait pas, mais les astronautes qui sont allés sur la Lune sont plus jeunes d’environ un milliardième de milliardième de milliardième de seconde», sourit Georges Meylan. Mais la vitesse n’est pas le seul élément qui impacte le temps, la gravité a le même effet. Ainsi, les grands corps célestes – qui ont une masse plus grande que le soleil – ralentissent aussi le temps. «Dans les environs d’une étoile à neutrons ou près de l’horizon des événements d’un trou noir, où le champ gravitationnel est énorme, la dilatation temporelle est également énorme», indique Georges Meylan. En revanche, voyager vers le passé est plus problématique. Le célèbre physicien britannique Stephen Hawking préférait dire que c’est impossible, car cela entraînerait le fameux paradoxe du grand-père: en remontant le temps, un voyageur pourrait accidentellement tuer son grand-père avant que celui-ci ait eu des enfants. Mais dans ce cas, comment a-t-il pu effectuer son voyage? La relativité en revanche dit que le voyage dans le passé n’est pas complètement exclu. «Il demanderait toutefois des circonstances très spéciales: il faudrait par exemple passer par des trous de ver, qui sont des raccourcis dans l’espace-temps, mais qui n’ont pas encore été découverts», nuance Marc Lachièze-Rey, astrophysicien et cosmologue au CNRS à Paris.

Georges Meylan, professeur émérite d’astrophysique à l’EPFL à Lausanne
✔ Pour cogiter Films: La Planète des Singes (1968, 2001), Terminator (1984), Retour vers le futur (1985), Les Visiteurs (1993), Interstellar (2014). Romans: La Machine à explorer le temps (H. G Wells, Éd. Gallimard, 1895), The Forever War (Joe Haldeman, Éd. Opta, 1976).

Frédéric Landragin, directeur de recherche au CNRS à Paris
L’intelligence artificielle
La plupart du temps, la science-fiction nous incite à nous méfier de l’intelligence artificielle (IA), présentée comme menaçante ou sur le point de supplanter l’être humain. Dans la réalité, pas de quoi s’inquiéter, selon Frédéric Landragin, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Paris. «Ce qu’on appelle IA, c’est un programme informatique. Et un programme informatique ne peut être menaçant que s’il est programmé pour être menaçant», affirme le chercheur français, ajoutant: «Les recherches actuelles vont dans le sens de créer des robots qui vont aider les humains dans leurs tâches quotidiennes et non pas les dépasser.» À l’image de Pepper, robot humanoïde destiné à l’accueil, ou Nao, officiant comme cyberanimateur dans les EMS. Ces androïdes restent toutefois conçus pour des tâches bien ciblées et sont toujours dirigés par des humains. Pour Frédéric Landragin, on est encore loin de l’autonomie des machines. «Pour trois raisons: premièrement, le langage constitue une limite essentielle. Une machine à l’heure actuelle n’est pas capable de dialoguer, d’exprimer une opinion. Deuxièmement, un robot n’aura jamais de bon sens, contrairement à l’être humain qui est capable de trouver la bonne interprétation d’une phrase ambiguë. Troisièmement, la capacité d’abstraction fait défaut au robot. Il n’est pas capable d’extraire les informations importantes d’un document ou de reconnaître un éléphant sur un dessin. Pour arriver à ce résultat, il faudra lui montrer des milliers d’images d’éléphant.» En résumé, l’apprentissage d’une machine est plus coûteux en temps et en énergie que celui d’un humain. L’idée de créer des robots semblables aux humains, comme on en voit dans les films, a donc été abandonnée. MM
✔ Pour cogiter Films: Matrix (1999), Blade Runner (1982, 2017), A.I. Intelligence Artificielle (2001), Prometheus (2012), Ex Machina (2015). Romans: Une machine comme moi (Ian McEwan, Éd. Gallimard, 2020), Klara et le Soleil (Kazuo Ishiguro, Éd. Gallimard, 2021)
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