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Formation
Stopper un apprentissage? Pas un drame!
Un jeune sur cinq interrompt une fois son apprentissage au cours de sa formation. Mais la majorité d’entre eux retrouvent leur bonheur ailleurs. Un changement au bon moment peut même se révéler préventif contre un échec ultérieur.
Texte: Ariane Gigon
La pandémie n’est pas encore tout à fait un lointain souvenir, mais, pour les quelque 36 000 jeunes de 14 à 16 ans ayant commencé un apprentissage en août, les conditions de formation sont redevenues assez semblables à celles qu’ont connues leurs aînés, à un ou deux jours de télétravail près. Les services de formation professionnelle du pays se sont en tout cas félicités de la stabilité du nombre de places proposées par l’économie.
Un autre indice resté stable, malgré le virus, est celui des résiliations de contrat d’apprentissage (RCA). Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), qui s’est penché sur le destin des jeunes ayant commencé une formation en 2016, 21% d’entre eux avaient vécu au moins une rupture avant la fin 2020. Les cantons, qui appliquent d’autres critères et obtiennent d’autres chiffres moyens, arrivent aussi à la conclusion que ces RCA sont restées stables.
L’OFS montre aussi que le risque de résiliation varie selon les branches. En tête arrivent les métiers des soins de beauté, de l’électricité et de l’énergie, l’hôtellerie et la restauration. Les apprentissages en ingénierie chimique, de commerce et d’administration sont en revanche les plus stables.
Un nouvel emploi, très vite Bonne nouvelle: la grande majorité (80%) des personnes ayant résilié un contrat d’apprentissage reprennent très vite une formation professionnelle, dont la moitié le mois suivant. Le Fribourgeois Christophe Nydegger, chef du Service de la formation professionnelle de son canton et président de la Conférence suisse des offices de la formation professionnelle (CSFP), note même que «plus de la moitié des jeunes retrouvent quelque chose, parfois par un changement de filière ou de niveau d’apprentissage, dans les secondes qui suivent la rupture, et je n’exagère pas.»
Phénomène potentiellement angoissant pour les jeunes
Diogo Da Costa Machado, 23 ans
«Faites des stages!»
«J’ai d’abord commencé un apprentissage d’automaticien. La première année, nous n’étions qu’à l’école. En deuxième année, j’ai trouvé que le fossé entre l’école et l’entreprise était trop grand. Je me suis ennuyé, ma motivation a baissé. Par contre, j’ai découvert le dessin technique. J’ai interrompu mon contrat – mon patron n’était pas très content – et j’ai cherché une nouvelle place de dessinateur en génie civil. Une connaissance m’a aidé. Parfois, les parents poussent dans une certaine direction. Je conseille à ceux qui cherchent de faire le plus de stages possible, pas un seul.»
Lorsqu’un jeune commence un apprentissage, les quatre premières semaines dans l’entreprise ont un impact important sur la suite de la formation.
comme pour les parents, ces ruptures ne sont pourtant pas forcément catastrophiques, explique Markus Neuenschwander, directeur du Centre d’apprentissage et de socialisation de la Haute École spécialisée du NordOuest de la Suisse (FHNW). Il est bien placé pour le savoir: lui et son équipe suivent une cohorte de 400 jeunes pendant dix ans, depuis la 7e année HarmoS. Il s’agit de la première étude longitudinale de ce type en Suisse et elle est toujours en cours. «Pour les adolescents, la situation est plus simple si la résiliation intervient lors de la première. Potentiellement, insister dans un contexte insatisfaisant peut mener à un échec à l’examen final.»
L’étude livre aussi des indications sur les conditions pouvant provoquer des résiliations de contrat. «Nous avons remarqué que plus l’adéquation entre le métier choisi en dernière année d’école et la personnalité des apprentis est faible, plus la probabilité de résiliation ultérieure est grande. Mais, surtout, nous avons vu que les quatre premières semaines dans une entreprise sont essentielles. La manière dont les apprentis sont accueillis a un énorme impact. Les patrons sont aussi invités à ne pas exiger de leurs débutants la productivité d’une personne déjà diplômée!»

Signes avant-coureurs Si les RCA ne sont pas forcément dramatiques, les offices concernés ne restent quand même pas les bras croisés. «Certains signaux nous mettent en alerte, comme de mauvaises notes ou des absences répétées, explique Karin Petitdemange Niederhauser, directrice du
service de la formation professionnelle à l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC) du canton de Genève. Les conseillers de formation sont en première ligne et interviennent en cas de besoin pour accompagner les jeunes, mais aussi les entreprises, en mettant en place toutes sortes de mesures de soutien, comme des cours d’appui, entre autres.» Et en cas de rupture de contrat, qui nous est obligatoirement notifiée, nous accompagnons systématiquement le jeune jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée.»
Même son de cloche dans le Jura: «Avec l’appui de nos services, certains jeunes poursuivent leur apprentissage chez un autre employeur, d’autres se tournent vers une autre profession», souligne Clément Schaffter, chef de section Formation professionnelle et générale dans l’administration cantonale jurassienne. Depuis août dernier, le canton a enregistré 45 interruptions. Sur l’année, ce sont environ 250 jeunes qui changent ainsi de trajectoire. Markus Neuenschwander le rappelle: «Les voies de la formation ne sont pas toujours linéaires. Il y a des interruptions, des retours en arrière, des pauses, des détours.»
Pour les entreprises, les RCA peuvent aussi être une chance. «Les jeunes qui recommencent autre chose ont souvent déjà acquis des bases scolaires solides, qui leur permettent d’être plus à l’aise dans cette deuxième formation, indique Véronique Kämpfen, porte-parole de la Fédération romande des entreprises (FER). Les résiliations ne sont quand même pas une partie de plaisir: «Une entreprise qui forme un apprenti engage de nombreuses ressources, tant humaines que financières, pour que la formation se déroule au mieux. Si le contrat n’arrive pas à son terme, cette énergie aura été dépensée à perte.» Elle rappelle aussi le rôle essentiel des commissaires d’apprentissage, qui contrôlent les conditions de formation et interviennent dans les situations difficiles, «allant jusqu’à mettre en place des médiations».
Milena Schaublin, 20 ans
«J’ai passé deux ans au collège, sans plaisir. Je me suis rendu compte que je ne voulais pas d’un travail de bureau, que je devais être dehors. Mes profs m’ont laissée faire des stages. Après avoir expérimenté plusieurs choses, j’ai pu trouver une place de charpentière. Je suis la seule fille, ce qui n’est pas un problème. Je connais beaucoup de jeunes qui quittent le collège pour un apprentissage. Ils se rendent compte que les grands métiers, comme on dit, avocat ou banquier, ce n’est pas forcément leur voie.»
Éviter les décrochages complets Un groupe de jeunes, pourtant, mérite la plus grande attention: ce sont ceux qui, après une rupture de contrat, ne raccrochent aucun wagon, ne changent ni de métier ni d’entreprise et n’ont aucune qualification. D’après l’étude nationale de la FHNW, entre 5 et 7% des jeunes d’une cohorte d’âge sont concernés. «Ils sont plus exposés à des maladies psychosociales», indique Markus Neuenschwander. Observateur privilégié de l’évolution des conditions de formation, Éric Collomb, directeur romand d’Emil Egger, s’inquiète aussi de voir des jeunes «laissés sur le bas-côté de la route»: selon lui, «avec un accès au gymnase
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Alexandre De Sousa Monterio Ferreira, 23 ans
«Un apprentissage, ça ouvre plus de portes»
«J’avais 15 ans quand j’ai commencé un apprentissage de constructeur de routes. Mais j’ai raté l’examen pratique. J’étais jeune, je n’étais pas bien préparé. Je n’ai rien eu pendant un an, cela n’a pas été une période facile. Après quelques tentatives, j’ai trouvé une place pour un CFC de monteur électricien. J’ai été dispensé de la culture générale, que j’avais pu valider après le premier apprentissage. Je conseille aux jeunes de se lancer, c’est beau, un apprentissage. Ça ouvre plus de portes!» facilité et des exigences plus élevées pour certains apprentissages, «certains jeunes, même ceux qui ne sont a priori pas destinés à la voie académique, sont poussés vers les études, et ils manquent ensuite aux arts et métiers.»
Avec les nuages planant sur l’économie, les voyants de l’apprentissage vont-ils virer à l’orange, voire au rouge? Des signes d’inquiétude sont apparus, d’autant que les prochaines volées de jeunes sortant de l’école seront nettement plus fournies. Ainsi, la dernière édition du Pouls des places d’apprentissage réalisé par l’École polytechnique fédérale de Zurich et la plateforme des places d’apprentissage Yousty est même «plutôt pessimiste», selon ses auteurs: 20% des 2162 entreprises interrogées, proposant actuellement 15 000 places d’apprentissage, ont déjà décidé d’en diminuer le nombre en été 2023. Mais «l’offre peut encore évoluer», d’autant plus que la mise au concours commence traditionnellement plus tard en Suisse romande. «Il est encore trop tôt pour tirer la sonnette d’alarme, conclut Christophe Nydegger. MM
Rodrigo Vieira, responsable des apprentis à Migros Vaud
Rodrigo Vieira, est-ce que les résiliations de contrat d’apprentissage représentent un problème important pour Migros Vaud? Oui, en effet. Lors de l’engagement d’un apprenti, nous espérons que notre sélection corresponde au profil recherché. Nous mettons beaucoup d’énergie, de temps et de ressources dans la sélection, dans le stage et, après validation de l’engagement, on espère toujours engager un jeune pour toute la durée de son apprentissage. Combien y en a-t-il, à peu près, par année? Nous avons actuellement 171 apprentis, mais répartis sur toutes les années de la formation. Sur les 74 apprentis engagés au 1er août dernier, nous avons arrêté le contrat de travail de 6 jeunes. Quelles sont les mesures prises lorsqu’une relation de travail n’est pas satisfaisante? Des discussions vont avoir lieu autour de la table avec la personne en formation, ses parents, son référent, les commissaires d’apprentissage et des spécialistes Jeunes Talents. Évidemment, notre objectif en tant qu’entreprise formatrice est d’être dans une continuité de l’apprentissage. Un exemple survenant fréquemment est d’organiser la bascule d’un apprentissage de gestionnaire du commerce de détail, menant au certificat fédéral de capacité (CFC), en assistant du commerce de détail, qui débouche sur une AFP, une attestation fédérale de formation professionnelle, si le jeune a des difficultés scolaires, par exemple. Dans la mesure des possibilités, nous restons à disposition pour conseiller et aider.
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