106 | Migros Magazine 35, 30 août 2010
Le complexe d’Œdipe, c’est aussi pour les filles! L’un des concepts centraux de la théorie de Freud – où le petit garçon tombe amoureux de sa mère – est aussi valable pour une fillette face à son père. Le psychanalyste genevois François Ladame rappelle quelques éléments clés de ce passage obligé de l’enfance sexuelle.
E
n matière de notions «psy», le complexe d’Œdipe détient sans doute la palme du fantasme et de l’incompréhension. Dans sa charge lourde contre la psychiatrie, le philosophe Michel Onfray en tire par exemple ses plus grosses cartouches.
Une étape normale du développement de l’enfant
Facile: consubstantielle à l’histoire même de la psychiatrie, cette théorie fait toujours débat parmi les thérapeutes. Elle a été décortiquée, analysée mais aussi déformée dans tous les sens. Et pourtant, rappelle le psychanalyste genevois François Ladame, il s’agit d’une étape normale (mais pas banale) dans le développement affectif du petit garçon. Et de la petite fille. «Pour la psychanalyse, l’Œdipe désigne une forme d’organisation psychique qui permet à l’enfant de passer d’une relation à deux à une
relation à trois, autrement plus complexe.» Premier élément, indépendant du sexe de l’enfant: le contact charnel avec la mère nourricière fixe sur elle le premier amour, le déclenchement de la libido. Puis les choses se compliquent. De cette phase fondamentale dans le développement du sujet que représente l’Œdipe, le langage courant ne retient souvent que l’idée simplificatrice du petit garçon qui, vers 2 ou 3 ans, tombe amoureux de sa maman, lui exhibe son sexe et entre en rivalité avec son papa. Ou l’inverse pour les filles. «Or, pour rendre justice à Freud, il convient de rappeler qu’en plus de cet Œdipe dit positif, existe son contraire que l’on nomme Œdipe inversé ou négatif: amour pour le père et hostilité jalouse envers la mère. Durant l’enfance, l’Œdipe reste parfaitement symétrique.» La plupart du temps, donc, se met en place une solution compo-
site durant cette période où l’enfant réalise qu’il est exclu de l’univers sexuel adulte; et prend conscience de son impuissance physique de faire face à l’adulte. Le «complexe de castration» est en général évoqué en corrélation avec l’Œdipe. Classiquement on parle d’angoisse de castration chez le garçon pour désigner sa peur de
«perdre» son pénis. Ce qui implique que la fille, elle, serait «châtrée.» Aujourd’hui, note François Ladame, on a heureusement une vision moins réductrice des choses. Comme pour l’Œdipe, «la théorie contemporaine évoque davantage la castration comme un organisateur psychique. La castration va de