Migros Magazin 28 2010 f GE

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ENTRETIEN CHRISTIAN LUSCHER de double imposition qui ont permis de préserver le peu qu’il y avait à préserver. Nous devons maintenant nous blinder contre les emplois abusifs que l’étranger pourrait faire de ces conventions. Nous pourrions prévoir, par exemple, au travers d’une loi sur l’entraide administrative, de ne pas donner suite à des demandes fondées sur des données volées ou achetées. Il fallait conclure rapidement cet accord avec les Etats-Unis pour pouvoir nous consacrer maintenant au véritable danger: la cartellisation fiscale de l’Europe, le refus européen de toute concurrence fiscale et sa tentative de nous entraîner sur ce terrain-là.

Bio express

Né le 6 décembre 1963 à Genève, originaire de Muhen (AG). Maturité classique au Collège Calvin (1983). Licencié en droit de l’Université de Genève (1987). Admis au Barreau en 1990. Ancien président du Servette. Conseiller municipal de Troinex (1999). Député libéral au Grand Conseil genevois (2001). Conseiller national (2007). Candidat malheureux au Conseil fédéral (2009). Divorcé, deux fils.

Sur l’accord avec les Etats-Unis à propos d’UBS, votre parti s’est montré le plus unanime pour céder aux pressions américaines…

Nous n’avons pas cédé devant les pressions américaines. Nous avons regardé d’où l’on venait, où l’on était et où l’on voulait aller. Que les Etats-Unis soient un plus grand pays que la Suisse, plus puissant économiquement et politiquement, c’est une réalité. Pourquoi bomber le torse, quand on sait que cela peut nous amener dans une

situation pire que celle où l’on se trouve? Même s’il a fallu faire fi de quelques principes auxquels nous sommes attachés, nous avons opté pour la seule solution possible, au terme d’une pesée d’intérêts. On avait le choix entre «mal» et «très mal». On a choisi «mal». Vous avez moins goûté en revanche les pressions exercées sur la Suisse par les fiscs allemands et français…

La Suisse a signé des conventions

La Suisse sort-elle affaiblie de tous ces feuilletons à rebondissements?

encore dans vingt ans, en tout cas sous sa forme actuelle. Nous sommes obligés de faire de l’équilibrisme, de respecter les conventions bilatérales, tout en permettant au peuple suisse d’en contrôler la conformité avec notre droit constitutionnel. Mme Calmy-Rey dit souvent – et elle a raison – que c’est une tâche difficile. Cela étant, les autorités ne sont pas élues pour voir leur tâche simplifiée, mais pour exécuter ce que le peuple et les cantons expriment lors de scrutins populaires.

«Il y a aujourd’hui deux personnes qui cimentent le Conseil fédéral: Leuthard et Burkhalter»

Elle n’en sort pas renforcée, c’est clair. Mais il faut se demander s’il y avait mieux à faire. Beaucoup de gens, dans ce pays, semblent atteints du syndrome du «y avait qu’à pas». D’accord, pour autant qu’il y ait une autre solution? Et sur ce point, les gens sont muets. Contrairement à ce que certains se plaisent à répéter, l’image de la Suisse reste excellente à l’étranger. En outre, même s’il existe des faiblesses évidentes en matière de gouvernance, notre économie paraît être celle qui s’en est le mieux sortie face à la crise. Nous sommes un pays financièrement sain, qui équilibre ses recettes et ses finances. Jusqu’à quand, selon vous, sera-t-il possible de jongler avec les antagonismes de plus en plus fréquents entre la démocratie directe suisse et les principes du droit international?

Nous serons de toute façon obligés de vivre avec, si nous voulons respecter le mandat du peuple suisse qui est de ne pas entrer dans l’Europe. Je ne suis d’ailleurs pas certain que l’Europe existera

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Pour vous donc, tout vaut mieux que l’adhésion…

En matière de deniers publics, d’équilibre budgétaire et de taxes, une adhésion serait dramatique. On aurait besoin de quelque chose comme 50 à 70 milliards de rentrées fiscales supplémentaires pour participer à ce grand raout. Dans ce domaines nous avons été sauvés par les Suisses allemands. Et puis, la Suisse a toujours été ouverte sur le monde, avant que l’Europe n’existe, et elle le sera encore une fois que l’Europe aura disparu. Pourquoi un avocat qu’on peut supposer prospère du barreau genevois cède-t-il aux sirènes du grand bastringue politique fédéral?

Je suis convaincu que nous avons un devoir, que chacun accomplit à sa façon, de maintenir ce pays tel qu’il est aujourd’hui, pour le transmettre à nos enfants aussi beau que nous l’avons reçu. Pour moi la politique, c’est une façon de participer à cela.

Vous êtes perçu comme quelqu’un de très à droite. C’est aussi ainsi que vous vous voyez?

Les gens de droite ont souvent peur et même parfois honte de dire qu’ils sont de droite. Alors que les gens de gau-


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