
4 minute read
Votation sur l’alcool
L’adversaire
Herbert Bolliger, 68 ans, a été président de la direction générale de la Fédération des coopératives Migros de 2005 à 2017 et auparavant directeur de la coopérative Migros Aar. Aujourd’hui, il exerce différents mandats de conseil d’administration, notamment auprès de l’entreprise de restauration Eldora, de la banque française BNP Paribas et du négociant en vin Amann Wine Group. Herbert Bolliger est marié et a deux enfants. Il habite à Wettingen (AG).
parlait déjà de santé publique à l’époque, c’est écrit dans les statuts. Cela peut paraître démodé aujourd’hui, mais la santé est un pilier stratégique pour Migros. C’est la raison pour laquelle elle a beaucoup investi ces dernières années dans de nouveaux assortiments, dans des fruits et légumes d’une qualité encore meilleure, dans des espaces de fitness et des centres de santé. L’alcool n’est pas compatible avec les valeurs fondamentales fortes de Migros. On dirait presque le raisonnement d’un abstinent de l’alcool. Cela n’a rien à voir, je prends volontiers un verre de vin. Mais l’assortiment sans alcool a toujours été primordial à Migros. Renoncer à quelque chose représente aussi une valeur. Migros se différencie ainsi et sort du lot.
Les chips et le chocolat devraient alors logiquement être retirés de l’assortiment? Cela n’a absolument rien à voir avec le débat sur la vente d’alcool à Migros. Toutefois, le débat sur les graisses et les sucres dans les aliments fait déjà rage. En Suisse romande, on s’efforce déjà de prélever des taxes sur les boissons sucrées. Nous ne sommes malheureusement plus très loin d’une telle taxe sur le sucre. Il faudrait à mon avis empêcher toute intervention de l’État dans ce domaine.
Vous prônez le renoncement comme valeur, pourtant Migros vend de l’alcool depuis des années par le biais de Denner et Migrolino. Ça, c’est un point de vue interne à Migros. De nombreux clients ignorent totalement ce qui appartient au groupe Migros et cela n’a pas d’importance. Pour eux, Migros est synonyme de supermarchés Migros. Ils y font leurs courses sans se demander pourquoi il n’y a pas d’alcool. Le problème, c’est que ce point de vue interne donne l’impression qu’il faut résoudre un problème qui n’existe pas. Dans les enquêtes auprès des clients, l’alcool n’est pas matière à discussion, ou du moins un thème insignifiant. Vous ne voyez donc pas de contradiction entre des ventes d’alcool importantes chez Denner et l’interdiction de la vente d’alcool dans les supermarchés Migros? C’est une contradiction montée de toutes pièces. Si les clients de Migros avaient un problème, il y aurait chaque jour des milliers de demandes et de réclamations à la M-Infoline. Ce n’est pas le cas. Il faut être clair dans la communication. Il s’agit pour moi de faire en sorte qu’aucun produit alcoolisé ne soit vendu à Migros, dans les supermarchés, dans les restaurants Migros ainsi que dans les take away Migros. Et cela doit continuer.
Nous avons eu un tout autre son de cloche au cours de votre carrière. Peu avant votre arrivée à la tête de Migros en 2004, vous avez déclaré dans une interview qu’il fallait clarifier la question de la vente d’alcool. Nous y avons probablement réfléchi à l’époque et avons conclu qu’il n’en était pas question. De plus, c’était encore avant le rachat de Denner en 2007. Je me demande si aujourd’hui il est bien judicieux, du point de vue de la gestion d’entreprise, d’octroyer des surfaces dans les supermarchés pour des palettes de bière alors que l’on a déjà un important distributeur d’alcool dans le groupe. Avez-vous acheté Denner pour l’alcool? Non, c’était pour d’autres raisons. Mais la question s’est bien sûr posée, d’autant plus que Migros avait aussi acheté Globus auparavant. Pour moi, comme pour la Fondation Gottlieb et Adèle Duttweiler d’ailleurs, il était clair à l’époque que c’était suffisant en termes de vente d’alcool.
Cela ne vous a jamais agacé que certaines personnes ne viennent pas du tout à Migros parce qu’elles préfèrent tout acheter dans le même magasin? Cet argument revenait souvent. Mais j’ai toujours dit que Migros devait être meilleure que la concurrence. En matière de durabilité, de produits frais, d’engagement social et culturel et, justement, d’offres en faveur de la santé. Lorsqu’il s’agit de décider où faire ses courses, le pain et les légumes frais ou les fruits savoureux sont bien plus importants que l’alcool. Cela ne me dérange pas de devoir acheter la bière ailleurs.
Et où achetez-vous votre bière? Chez Denner. Et pour acheter du vin, il existe aujourd’hui de très bonnes offres en ligne. Qu’auriez-vous fait si une telle initiative avait été adoptée par les délégués lorsque vous étiez en activité? J’aurais cherché le dialogue et leur aurais expliqué avec de bons arguments que la situation est parfaitement claire: les statuts précisent qu’il n’y a pas d’alcool dans les magasins Migros. En tant qu’entrepreneur, ne ressentez-vous pas l’envie de créer un bon assortiment de vins à la Migros? Le secteur du vin est très exigeant et il existe déjà de nombreux et excellents fournisseurs, dont Denner. Des questions difficiles se poseront pour Migros si cela devait passer. Par exemple, comment se positionner en termes de prix et quels produits disparaîtraient des rayons, notamment dans les petits magasins. Il faudrait en effet faire de la place pour l’alcool. Allez-vous goûter la bière Migros? Comme je m’attends à un non lors de la votation, je continuerai à acheter la bière chez Denner.
Et la bière Migros sans alcool qui sera introduite en cas de non? Je ne bois pas de bière sans alcool. Et si c’était le cas, je pourrais déjà l’acheter aujourd’hui à Migros. MM