Migros Magazin 08 2010 f AA

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RÉCIT SOCIÉTÉ

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Je-m’en-foutistes les jeunes? Quand on parle de la profession des parents à des ados, les esprits s’échauffent. Echantillon d’idées sur le terrain dans une classe neuchâteloise.

U

ne étude réalisée en France* montre que 70% des adolescents parlent régulièrement du travail de leur mère et 58% de celui du père. Souvent pour souligner le stress et la fatigue. Et en Suisse, que dit la relève? Dans une classe de l’école Cescole à Colombier (NE), une vingtaine d’élèves de 12-13 ans en 7e année, section maturité, se sont soumis à un questionnaire anonyme sur le sujet. Première interrogation: comment l’ont-ils vécu? Dylan y va franco. «C’est quand même un peu personnel. Surtout le chômage. Les parents n’ont pas envie qu’on en parle.»

Très peu de confidences à propos du chômage

Les élèves de 7e année, section maturité, de l’Ecole Cescole à Colombier, dans le canton de Neuchâtel.

Etre chômeur, un tabou. Même sans donner leur nom, les élèves qui ont vu père ou mère sans activité sont rares à coucher leur ressenti sur le papier. «D’un côté, on avait moins d’argent. De l’autre, mon père avait plus de temps pour lui» et «quand ma mère était au chômage, j’essayais d’aider le plus possible à la maison» sont les uniques confidences accordées. Etonnant? Pas tant selon Emilie Juillerat, enseignante. «Parfois, un élève qui se sent mal viendra discuter avec moi du chômage. Mais cela reste rare.» Grégoire Evéquoz, 54 ans, psychologue et directeur général de l’Office d’orientation et de formation professionnelle et continue (OFPC)

du canton de Genève, ne s’en étonne pas. «Le chômage n’est pas valorisé socialement. Donc, cette difficulté ne va être évoquée qu’en termes de conséquences en famille. On ne part pas en vacances parce qu’on n’a pas assez d’argent, par exemple.» Ils sont seize à déclarer ne jamais piper mot des occupations des parents en dehors du foyer. Parce que «ça n’intéresse personne», «je n’y pense pas», «j’ai d’autres sujets de conversation», «cela ne concerne personne» ou encore «cela n’est pas intéressant». Autre souci provoqué par le questionnaire, discuté par plusieurs des ados: est-ce que mère au foyer est un travail? La prof a tranché. Oui, on peut l’écrire ainsi. «Cet élément leur a beaucoup posé problème, souligne l’enseignante. Ils ne savaient pas quoi écrire.» Lionel a analysé la situation. Du haut de ses 12 ans, il considère qu’il s’agit bien d’un travail. Le hic: «Ça ne rapporte pas vraiment. Il y a plus de dépenses que de bénéfices.» Seuls deux élèves sur dix-neuf ne savent pas vraiment ce que fait leur mère hors du domicile familial. Le reste de la classe n’hésite pas à répondre pour les deux parents. Fait déroutant pour Grégoire Evéquoz. «En général, les adolescents ont une vision plutôt floue de l’activité parentale. Parce que les parents n’en parlent pas assez. Ou ne racontent que des éléments négatifs au


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