LXXV Magazine | Numéro 0

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edito par Laure Wagner

sommaire

Le pire défaut de l’humanité: la fermeture d’esprit Si c’était un plat, ce serait le plat de résistance. Si c’était une garniture, ce serait du miel. Une place, la place de la concorde. Un lieu, le Grand Palais ! A l’International, en Vogue, en Europe, Photos, en France, Cinéma, à Paris, Théâtre ? Politique et culture: voici le projet de LXXV. Un magazine trimestriel parisien, fait par des étudiants et pour des étudiants. Un magazine qui cherche à transmettre un regard neuf sur les grandes questions d’actualité, tout en se tenant au fait de l’activité culturelle. Quinze journalistes, une graphiste, trois illustrateurs et un projet ambitieux: une quarantaine de pages pour ce numéro 0. Savourez-le, même si les articles datent du trimestre Octobre / Novembre / Décembre 2008. La victoire de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis représente un tournant historique pour ce pays. Tournant historique pour nous aussi, citoyens européens, étudiants parisiens. Cette rentrée, les troupes de l’American ballet et l’Australian ballet rendent visite à l’Opéra de Paris pendant que Ségolène Royal se débat avec les éléphants du Parti Socialiste. Vous avez envie de changer d’air ? Allez au cinéma, voir le dernier Woody Allen, ou filez franchement à Londres pour voir la rétrospective sur Francis Bacon à la Tate Britain, après un brunch à la Bistrothèque !

Edito ........... 4 L’attitude geek au service du style ........... 5 international La Russie, source de zizanie ........... 6 La crise Russo-géorgienne ........... 7 Yes we can ........... 8 Liban, quand fuir devient vital ......... 10 en vogue Leçons d’Histoire européenne ......... 12 Alexandre et Louis XIV réunis ......... 13 Valentino, thèmes et variations ......... 14 Les parisiennes, Kiraz ......... 15 Gainsbourg, toujours ......... 16 Bacon in London ......... 17 europe Deux nations, une Histoire? ......... 19 Au coeur du pouvoir politique allemand ......... 20 Les réformes attendues de la BCE ......... 21 photos Paris, j’en viens ......... 22 france Le règne de François touche à sa fin ......... 28 Un jeunesse qui bouge ......... 29 cinema Mesrine, L’instinct de mort ........ 30 Vicky, Cristina, Barcelona ........ 30 Quantum of Solace ........ 31 W. L’improbable président ........ 31 Burn after reading ........ 32 Entre les murs ........ 32 paris Paris à la mode argentine ........ 34 Septembre, mois international pour les ballets .. 35 Brunchs branchés ........ 36 theatre Le théâtre est un amant éxigeant ........ 38 Fantasio ........ 39

Rédactrice en chef Laure Wagner Responsable des équipes Caroline Tixier Directeur Artistique Dorian Dawance Attaché à la communication Aurélien Hubert

LXXV Magazine 4 rue du Dragon 75006 Paris, France

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Administrateurs/gérants Laure Wagner, Caroline Tixier, Dorian Dawance Contact lxxvmagazine@gmail.com

Rédacteurs Edina Ettig, Yves Souccar, Marion Degeorges, Christina Bezes, Karen Hazan, Sophie Loup, Tatiana Nagorna, Léa Samain, Marie-Blanche Paumier, Henri de Cazanove, Pierre Plettener, Inès Holguin, Laure Wagner, Caroline Tixier, Aurélien Hubert. Illustrateurs & Photographes Coline Brun-Naujalis, Christelle Sipolis, Dorian Dawance, Quentin Sèle-Barancy

le magazine lxxv est édité par l’association loi 1901 lxxv soixante-quinze, siège social : 44 rue du Cherche-midi 75006 Paris, le magazine décline toute responsabilité quant aux sujets et photos qui lui sont envoyés. les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. reproduction interdite


L’attitude geek au service du style

Quoi que l’on puisse dire, Internet a obligatoirement été une source d’inspiration à un moment de notre vie parisienne. Blog , Myspace , Facebook…On exhibe son style au service des autres.

par edina ettig

La grosse tendance qui a émergé, début 2000, est la création d’un blog. La jeunesse stylée a décidé d’utiliser cet espace pour montrer à quel point sa beauté et son style peuvent faire envie. Et cette tendance cartonne ! Les anglais ont évidemment la cote avec des noms aussi «strange» (Coco’s Tea Party) qu’inspirés (I am the Walrus). Certains de ces blogs se détachent aussi bien par leur pointillisme (bobblebee.wordpress. com) que par la volonté d’être un faire-valoir (crevette-liloo. skyrock.com). Les françaises ne sont pas restées avec des blogs de filles trentenaires dans le vent (www.punky-b.com) ou de jeunes filles dans la mouvance londonnienne (misspandorapandora.blogspot.com). Cela dit, la palme de la popularité revient à Cory Kennedy, l’héritiére déjantée postant de nombreuses photos made by « cobrasnake ». Mais, c’est unanimement que toute la communauté bloggienne s’efface au profit des deux leaders incontestés : the Sartorialist et Face Hunter. Ces blogs sont tenus par des globe-trotteurs du style incapables de faire autre chose que de demander aux personnes ayant un look extraordinaire de poser pour eux. Toute cette clique a bien compris qu’il est possible de s’habiller bien et pas cher, tout en restant chez soi et en évitant ainsi essayage et file d’attente. Le site des bonnes affaires est évidemment «ebay», mais il existe aussi des sites de ventes privées permettant d’avoir des articles plus récents au meilleur prix, comme «le Vestiaire» ou «Rushcollection». Le principe est de se lever à sept heures du matin pour être la première. Il vaut donc mieux se tourner vers des sites spécialisés. Les filles se réjouiront de la possibilité de se faire livrer des articles de chez Forever21 ou Topshop directement en France par l’intermédiaire de leur site, tout en signant la pétition pour qu’Urban Outfitters fasse de même. Outre l’omniprésence de la mode féminine, les accessoires ont la cote sur le marché de l’élégance masculine qui se développe, elle-aussi, sur Internet avec des sites comme caliroots. com ou bien zoovillage.com. Les sites internet de « your Eyes Lie » ou bien « Lazy Oaf » permettent, quant à eux, un look rock aussi bien féminin que masculin, tout comme le très parisien « Royal Cheese ». Cette sélection qui peut vous paraître exhaustive vous propose de nouvelles sources d’inspiration, mais n’oubiez pas que le principe d’un look réussi est la touche de personnalité que l’on y met ! Révisez vos cours d’anglais et le monde virtuel vous ouvrira de nombreuses portes dans votre vie réelle. |5


international Selon la formule de George Washington, Monsieur Loukachenko reste bien « le dernier dictateur d’Europe ». C’est ce qu’ont à nouveau démontré les élections législatives du 28 septembre en Biélorussie : alors que soixante-dix opposants avaient été autorisés à se présenter, pas un n’a été élu. On peut pourtant se réjouir que la Biélorussie soit le seul pays dans ce cas, face aux efforts de la Russie pour maintenir son influence en Europe de l’Est. Les pays d’ex-URSS semblent tiraillés entre leur intérêt économique à maintenir de bons rapports avec la Russie, et leur volonté de prendre leur envol politique. La plupart ont amorcé leur émancipation, mais la tâche n’est pas aisée. En 2004, le peuple ukrainien s’était fermement opposé à Viktor Ianoukovitch, le candidat à la présidence choisi par le Kremlin, et avait porté Viktor Ioutchenko au pouvoir. Aujourd’hui, la coalition orange s’effrite. La dernière discorde en date entre le président ukrainien et Ioulia Timochenko, chef du gouvernement ukrainien, est la neutralité de celle-ci dans le conflit géorgien. Ioutchenko soutient Mikheil Saakachvili, le président de la Géorgie sans condition, et a accusé Madame Timochenko de « trahison ». Si aucune coalition ne se forme dans les prochains jours, des élections législatives anticipées devront avoir lieu, aggravant l’instabilité politique en Ukraine. Cette même révolution qui avait inspiré jusqu’au Kirghizstan en 2004, semble aujourd’hui dissuasive pour la Biélorussie. Personne ne souhaite tomber en disgrâce auprès de la Russie, au risque de subir des sanctions, comme les coupures d’énergies en Ukraine le 1er janvier 2006. Par ailleurs, Monsieur Loukachenko reste populaire auprès des biélorusses, qui vivent dans des conditions plus stables que la plupart des habitants des ex-républiques soviétiques. Et le président biélorusse de déclarer : « la démocratie, c’est quand le peuple est bien ». De leur côté, les dirigeants européens ne parviennent pas à s’accorder sur l’attitude à adopter face à la Russie, et ne soutiennent que tièdement les jeunes républiques voisines. Le 1er janvier 2006, l’Ukraine est restée sans courant. Sa candidature à l’Otan a récemment été rejetée. Quant à la Géorgie, elle est toujours occupée par les troupes russes. Si la Russie constitue un acteur politique majeur, à traiter avec attention, les républiques naissantes d’Europe de l’Est méritent notre appui. L’Union européenne a permis à l’Europe d’accomplir d’impressionnantes avancées économiques, mais aussi politiques et démocratiques. C’est un héritage que nous devons transmettre, afin de le défendre

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La Russie, source de zizanie Par Karen Hazan


Bref retour sur les faits de la crise russo-géorgienne

LA CRISE RUSSOGEORGIENNE: une prémonition pour l’Ukraine ? Par Tatiana Nagorna

Après la chute de l’URSS en 1991, la Russie n’a eu de cesse de vouloir réformer, par la loi ou par certaines pressions moins légales, un certain type d’empire, qu’il soit fondé sur des bases économiques ou culturelles. De fait, elle estime que cet idéal impérialiste mérite d’être défendu, dans certaines situations.

Il y a trois mois, les troupes géorgiennes pénétraient sur les territoires des provinces autonomes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, dans l’espoir de les annexer. La réaction du côté de Moscou ne s’est pas fait attendre : peu après, les troupes russes entraient à leur tour sur le territoire de ces provinces. Et cela, dans le but de protéger toute une partie des habitants de ces provinces qui possèdent un passeport russe, ce qui signifiait pour la Russie qu’une partie des ses citoyens était attaquée et qu’il lui fallait donc leur venir en aide. Tout cela recouvre des ambitions impérialistes, puisque la Russie a toujours considéré, d’une manière plus ou moins officielle et légale que ces provinces lui appartenaient. Mais quel est l’impact que cette crise peut avoir pour d’autres Etats de l’Est et du Sud de l’Europe ? Une prémonition pour l’Ukraine ? Le cas de la Crimée La presqu’île de Crimée, qui se trouve dans le Sud de l’Ukraine, pourrait-elle à son tour s’enflammer comme cela a été le cas pour l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie ? Cette république autonome, qui est du reste propriété de l’Etat ukrainien, est peuplée, en grande majorité, de russophones. De plus, la flotte militaire russe est amarrée dans le port de Sebastopol, la principale ville portuaire de Crimée. La Russie a donc des intérêts stratégiques et militaires directs en Ukraine. Au vu de la crise politique que traverse actuellement l’Ukraine, il ne serait pas impossible d’envisager une crise sur le modèle du conflit russo-géorgien en Crimée. Si les Ukrainiens, pris en ce moment de protectionnisme culturel fervent, s’avisaient, d’une manière ou d’une autre, de lancer une opération militaire ou autre en Crimée, comme pour signifier à la Russie que ce territoire reste le leur, alors le scénario risquerait bien de se répéter. Les Russes estimeraient « à nouveau » qu’une partie de leurs citoyens, pour la majorité des militaires en ce qui concerne la Crimée, est menacée et pourrait donc intervenir militairement. Tout cela reste, bien sûr, pour le moment, de pures hypothèses. Néanmoins, ce qui est certain c’est que la configuration politique actuelle, autant en Russie qu’en Ukraine, présente bien un terrain favorable à ce type de crise. Ainsi, sans aller jusqu’à dire que l’Europe du Sud-Est est en voie de balkanisation, il est intéressant de noter que la situation de cette région pourrait bien revenir sur le devant de la scène médiatique assez souvent, ne seraitce que parce qu’elle représente une zone tampon entre l’Europe et la Russie et donc, un certain nombre de conflits d’intérêts

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international Si McCain gagne ces élections, je pars au Canada; s’il meurt et que Sarah Palin prend le pouvoir, je m’exile en Antarctique ! Cette phrase prononcée par Meaghan, une jeune étudiante en sciences politiques à Harvard de dix-neuf ans, pourrait résumer l’état d’esprit de la plupart des jeunes américains de la côte est, à quelques semaines du scrutin final. Ainsi : sur une dizaine de jeunes étudiants, tous de la côte Atlantique du pays, mais de villes, d’universités et de formations différentes, une seule personne s’est déclarée « honnêtement apolitique et sans intérêt pour la politique » et dit « n’être pas encore sûre » quant à son choix entre les deux candidats, tandis que tous les autres soutiennent fermement Barack Obama. Cette petite enquête est loin d’être exhaustive, mais permet de vérifier et de compléter des caractéristiques sociologiques sur les élections aux Etats-Unis, ainsi que les prévisions des différents sondages.

par laure wagner

Dossier sur les élections américaines, reposant sur des témoignages de jeunes étudiants américains pendant la campagne électorale. 8|


Si l’on observe une carte indiquant la couleur politique des différents états constituant les États-Unis, il apparaît clairement que les états du centre et du sud sont plutôt républicains, tandis que ceux de la côte est et de la côte ouest sont plutôt démocrates. Et les sondages concernant les élections présidentielles de cette année semblent confirmer cette tendance. (cf. l’infographie sur l’évolution des sondages relatifs aux élections américaines sur le site du Figaro). En interrogeant directement quelques étudiants des Etats de la côte Atlantique, LXXV a cherché à comprendre les motifs de cette tendance largement favorable à Barack Obama chez ces jeunes américains, au-delà de l’idée reçue d’une population plus jeune, plus cultivée et plus ouverte dans les états limitrophes, en opposition à une population âgée, rurale et réactionnaire dans le centre et le sud du pays. Barack Obama a été l’objet d’un engouement sans précédent chez les jeunes du monde entier, symbolisant une volonté profonde de changement de la part des Etats-Unis ; il s’agit pour LXXV de déterminer pourquoi Barack Obama séduit les jeunes Américains et de voir ce qu’ils attendent de lui. Tout d’abord, l’intérêt des jeunes pour cette campagne est très fort. « Je m’intéresse énormément à cette élection présidentielle et pense que ce sera une des élections les plus importantes auxquelles je serai confrontée de mon vivant » raconte Meaghan. Quant à Mercy, vingt-trois ans, diplômée de l’université du Massachussetts, elle se considère « extrêmement concernée » par ces élections. Enfin, Alexander, vingt ans, étudiant en pharmacie à l’université de Rhode Island, explique que « la politique figure dans les discussions au déjeuner et avec les amis ». En effet, sur une échelle de 10, ils situent tous leur intérêt pour la campagne entre 8 et 10, à l’exception d’une personne. Cet intérêt semble dû à une volonté profonde de changement de la part de ces jeunes. Volonté manifestant un profond raz le bol de l’administration Bush : « la politique n’était plus très importante dans ma vie quotidienne : avec Bush, je ne regarde pas énormément les nouvelles et j’ai une tendance à ne pas vouloir regarder ses conneries » raconte Alexander. Volonté de changement, incarnée dans la candidature de Barack Obama : pour Jonah, 21 ans, étudiant en Lettres à l’université du Massachussetts, Obama a « l’esprit vivace, curieux et analytique ; des qualités qui devraient être indispensables chez un chef d’Etat et que nous n’avons pas eu à la Maison Blanche pendant maintenant huit ans ».

Barack Obama semble donc représenter un espoir pour ces jeunes en quête de changement. Ils disent tous avoir confiance en lui et en ses idées pour diriger le pays à l’intérieur comme à l’extérieur. Maggie, vingt ans, étudiante en relations internationales à l’université américaine de Washington, dit qu’elle « soutient Barack Obama parce qu’[elle] pense que ses projets politiques sont les meilleurs pour les Etats-Unis aujourd’hui et qu’ils auront les meilleurs effets à l’intérieur comme à l’extérieur du pays ». Elle ajoute qu’elle «croit en lui personnellement», qu’elle a «confiance en son caractère», et qu’elle a «confiance en le fait qu’il va mener une administration ouverte et honnête». Cet espoir, incarné par Barack Obama, est sans aucun doute lié au fait qu’il soit très jeune : à 44 ans, il serait le deuxième président le plus jeune des Etats-Unis après John Fitzgerald Kennedy, s’il est élu. Espoir lié également à la couleur de sa peau : avoir un président noir (métisse) dans un pays qui a pratiqué pendant longtemps la ségrégation représenterait un véritable tournant. Pour Alexander, « le fait qu’il puisse être le premier président noir des Etats-Unis est très important » et « le monde a besoin de savoir que l’Amérique est un pays moderne et que ce n’est pas juste un pays géré uniquement par des vieux messieurs blancs ». Enfin, selon ces étudiants, le système politique américain nécessite d’être réformé. Pour Maggie « il y a eu beaucoup de corruption et d’influence négative ». En général, ils sont contre le bipartisme de la vie politique. John, 21 ans, étudiant en littérature anglaise à l’université du Massachussetts, est enregistré comme indépendant, sans affiliation à un parti. Il affirme « détester le bipartisme » qui « apporte trop de dichotomie au processus électoral et réduit le nombre de choix possible de candidats ». Mercy explique : « on a beaucoup de réformes à faire, je pense qu’on a besoin de plus de partis ». Globalement, c’est tout le système qui nécessite d’être réformé selon ces jeunes américains. Pour Meaghan, « le système politique aux Etats-Unis est complètement défectueux ». Mais, c’est surtout le collège électoral qu’ils critiquent. En effet, aux Etats-Unis le suffrage est universel indirect : ce sont les grands électeurs, regroupés en un collège électoral, qui élisent le président de la république. Ce système est perçu comme antidémocratique par beaucoup d’Américains, principalement des démocrates. Ainsi, Meaghan rappelle qu’Al Gore a gagné les élections au niveau national, mais n’a pas obtenu la majorité du collège électoral, ce qu’elle juge « complètement grotesque ». Alexander explique, quant à lui, que « ce modèle où les 800 « superdelegates » (ou grands électeurs) tiennent 20% du pouvoir, mais ne composent pas 20% de la population qui vote pendant les primaires n’est pas démocratique du tout ». Barack Obama a scandé son discours de campagne pour les primaires dans le New Hampshire par le leitmotiv « Yes We Can » en Janvier dernier. Aujourd’hui, c’est le peuple américain qui lui répond « Yes You Can ». Sa victoire aux élections présidentielles qui a suscité un taux record de participation (environ 66% des électeurs) montre que cet intérêt pour la campagne et ce désir de changement de la part des Américains était bien réel. L’élection d’un président noir à la tête des Etats-Unis représente incontestablement un fort symbole. Mais Barack Obama saura-t-il être à la hauteur de tous les espoirs qu’il a déclenchés ? L’histoire seule nous l’apprendra

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international

LIBAN Par Yves Souccar

quand fuir devient vital...

Apres une longue guerre civile, l’occupation syirenne, et des politiciens corrompus, le moral des libanais parait s’user quelque peu... et ceux qui le peuvent s’expatrient.

« Ce que tu ne comprends pas, c’est que nous (les libanais) avons grandi dans l’idée de nous expatrier pour fuir l’instabilité, la guerre et l’intégrisme qui gangrènent notre pays… toi tu es plutôt dans l’optique d’aller ailleurs, et encore ce n’est pas sûr, pour gagner plus ». Ce sont là les propos d’un chrétien libanais de 17 ans. Le Liban n’a aujourd’hui plus aucun avenir pour la grande majorité des chrétiens, les jeunes cerveaux fuient en direction des Etats Unis ou de l’Europe, et ceux qui restent le font pour leurs parents. Certains optimistes croient encore en une stabilité prochaine : « bien sûr, d’ici 30 ans tout ira mieux ! ». L’accession au pouvoir du nouveau président Michel Sleiman avait pourtant, dans un premier temps, redonné confiance aux libanais, confiance qui s’étiola rapidement face aux difficultés rencontrées. Le gouvernement a en effet mis deux mois à se constituer. De plus, la Déclaration Ministérielle, sorte de feuille de route du gouvernement, a été à de nombreuses reprises reformulée, débattue, contestée durant l’été 2008, faisant perdre tout crédit aux dirigeants libanais. Cette déclaration mettait en lumière certains sujets sensibles, comme les armes du Hezbollah, milice chiite qui se comporte comme un Etat dans l’Etat et fait régner sa loi dans le sud du pays. Cette milice, qui a pour but de faire du Liban un pays musulman, est a l’origine du conflit avec Israël (été2006). Ces divers problèmes expliquent une partie des inquiétudes du peuple chrétien. Sur place, on ressent également un profond raz le bol à l’égard du monde politique. Les dirigeants de partis sont considérés comme des profiteurs qui détournent des fonds, s’enrichissent eux et leur famille, et s’embourbent dans d’éternels règlements de compte. Ces dirigeants ont en effet tous connu la guerre civile, et n’arrivent pas à dépasser leurs rancœurs passées et à se dire que désormais l’objectif est national et non plus communautaire. La vision d’un Liban pluriculturel et uni n’est toujours pas d’actualité. On note cependant plusieurs tentatives de rapprochement entre communautés, qu’il faut saluer et encourager. L’uléma Sayyed Mohammed Hussein Fdlallah (chiite) est par exemple prêt à se rapprocher des sunnites. Le Liban est constitué de 18 communautés religieuses, cette diversité culturelle, au lieu d’être une force, est un frein au développement du pays et fait perdre de plus en plus de crédit au Liban en tant que démocratie. Comment en effet expliquer le tapage médiatique orchestré par le Hezbollah pour récupérer des prisonniers faits par Israël, quand on sait que l’un d’eux est Samir Kantar ? Pourquoi un pays qui se veut libre, tourné vers le progrès, démocratique, fête en héros un monstre qui a fracassé la tête d’une fillette de 3 ans sous prétexte qu’elle était juive ? D’autre part, il convient de remarquer que le Hezbollah n’a réclamé absolument aucun prisonnier détenu par la Syrie… Il est en effet plus intelligent de critiquer « l’ennemi » du monde arabe et de le désigner comme seul fautif plutôt que de réveiller de vieux souvenirs, surtout quand il s’agit de la Syrie, pays qui a occupé le Liban pendant un certain temps. Il y a un mois environ, un avion de l’armée libanaise a été abattu par le Hezbollah, celui-ci survolait une zone contrôlée par la milice… L’hébétude des jeunes chrétiens libanais est tout à fait compréhensible, leur pays n’a pas les moyens de les retenir, il ne leur offre aucune perspective d’avenir

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en vogue

Leçons d’Histoire européenne Par Laure Wagner

A l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, vingt-sept grands historiens européens participent à un cycle de vingt-sept conférences organisé cet automne par les « Rendez-vous de l’Histoire » de Blois, dans toute la France.

Histoire commune et diversité culturelle, voici le paradoxe européen que doivent illustrer les historiens choisis pour présider les vingt-sept conférences sur l’histoire européenne. Une tâche délicate pour ces historiens, tous de pays, de cultures et d’écoles différentes. Cependant, un point les rassemble : l’intérêt qu’ils portent à l’Europe dans leurs travaux. Chaque conférence met donc à l’honneur un historien et un des vingt-sept pays de l’Union européenne, mais traite toujours d’un thème concernant tous les pays européens. Les sujets peuvent évoquer des faits nationaux, s’ils touchent l’histoire de l’Europe, ou bien des thématiques transversales. Cette série de conférences permet ainsi de mettre en valeur la contribution des historiens au processus européen : tandis que les juristes tentent de déterminer des critères institutionnels pour l’Europe, les historiens essayent, eux, de définir une histoire commune et une identité européenne. C’est l’anglais Eric Hobsbawm qui a inauguré ce cycle, lundi 22 septembre, dans les salons de Boffrand de la présidence du Sénat, au palais du Luxembourg, sur le thème «Europe : histoire, mythe et réalité». Haut lieu prestigieux de la République française pour accueillir cet éminent professeur qui s’est déclaré «très honoré» d’avoir été choisi pour entamer ces vingt-sept conférences. Célèbre pour ses affinités avec le marxisme, Eric Hobsbawm a disserté pendant une heure en français, malgré son grand âge. Rappelant que «l’Europe cartographique est une construction moderne» et que la construction européenne est plus historique que géographique, il a insisté sur la réussite de l’Union européenne. Cependant, un certain euroscepticisme n’a pas épargné son discours, conclant sur le fait que «les Européens ne s’identifient pas à leur continent» et que «l’identification première [des Européens] reste nationale». Carton plein au Sénat pour cette première conférence, aucun siège n’était vide, ce qui est moins sûr pour les autres... Trois lieux différents pour accueillir les conférences. Paris, tout d’abord, dans des hauts lieux de la culture comme l’Institut National d’Histoire de l’Art, L’Ecole Normale Supérieure, le Collège de France ou le Centre National du Livre. Blois, ensuite, dans le cadre de la onzième édition des «Rendez-vous de l’Histoire», consacrée cette année au thème «les Européens» et à l’origine de cette manifestation. Les villes universitaires de Province, enfin, pour s’adresser à un public plus large, plus jeune et plus divers. C’est à votre porte, courez-y, la France n’est à la présidence de l’Union européenne que jusqu’à la fin du mois de décembre ! 12 |


Alexandre et Louis XIV réunis aux Gobelins Par Laure Wagner

De nouveau ouverte au public depuis plus d’un an, la galerie d’exposition de la manufacture des Gobelins présente l’exposition « Alexandre et Louis XIV, Tissages de Gloire » jusqu’au 1er mars 2009. Illustrer les actions du roi à travers l’art est une vieille tradition de la monarchie française. La peinture, la sculpture, l’architecture ont ainsi pendant longtemps été au service de la propagande royale. Le roi est le lieutenant de Dieu sur terre, il est sacré, c’est pour cette raison que sa figure doit être glorifiée par l’art. Ce n’est qu’à partir du XVIIIème siècle que cette glorification de la figure royale est remise en question. En 1756, Damiens tente de tuer Louis XV, il touche directement le corps du monarque absolu, et donc celui de Dieu. Depuis, le roi cesse d’être perçu comme un roi sacré dans les mentalités. Et il n’est plus exalté de façon grandiose et somptueuse. Cette démystification de la figure royale se manifeste sensiblement à travers l’art : il suffit de comparer les représentations de Louis XIV à celles de Louis XV, puis de Louis XVI, au musée du Louvre pour en avoir un aperçu. L’exposition «Alexandre et Louis XIV, Tissages de Gloire» s’inscrit complètement dans cette tradition de la monarchie française. Elle est divisée en deux parties. Le premier étage présente, pour la première fois au public depuis l’Ancien régime, les onze tapisseries de «L’Histoire d’Alexandre le Grand» réalisées par Charles le Brun (1619-1690) pour Louis XIV, à l’intérieur même de la manufacture des Gobelins. Au rezde-chaussée, on découvre deux pièces de la tenture «L’Histoire du roi» du peintre flamand Adam-Franz Van der Meulen (1632-1690), glorifiant l’action de Louis XIV lors de la guerre menée contre les Provinces-Unies, de 1672 à 1678. On peut ainsi apercevoir sur l’une des deux tentures, réalisées à partir de soie peinte, le Roi-Soleil qui prend part lui aussi aux combats, à pied, aux côtés de son armée. Le mécène de l’exposition, Jacques Garcia, propose un décor tout à fait adapté. Des miroirs permettant de mieux appréhender l’étendue des tapisseries et des tentures, les portes du trésor du Garde-meuble royal placées juste avant les deux tentures de «L’Histoire du roi» en forme d’arc de triomphe, et plusieurs mobiliers provenant des réserves du Mobilier National. Cette exposition permet donc de mesurer pleinement l’ampleur de la glorification d’un Roi-Soleil qui se comparait à Alexandre le Grand. Le rôle des artistes dans la propagande royale se manifeste à travers l’œuvre de Charles le Brun qui s’illustre encore une fois dans l’exaltation de la monarchie française, après le somptueux décor de la galerie de glaces à Versailles

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«Alexandre et Louis XIV, Tissages de Gloires», jusqu’au 1er mars 2009, manufacture des Gobelins, 75013, Paris.

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en vogue

par caroline tixier

valentino themes et variations Même s’il a quitté les podiums en janvier dernier, Valentino est toujours présent. Paris, ville de son début et de sa fin de carrière, lui a rendu un grand hommage aux Arts Déco. Plus de 200 modèles retraçaient le vaste parcours d’un homme dont l’ambition n’était, ni plus ni moins, que d’embellir la Femme. L’Italie, son pays d’origine lui avait déjà fait ses adieux dans une exposition similaire à Rome. L’Europe s’est donc mobilisée pour encenser ce couturier qui grâce à ses idéaux de grâce et de sophistication devint, entre autre, le créateur chouchou de Jackie Kennedy. Ses œuvres connurent un succès phénoménal aux États-Unis, il était aussi bien connu dans le monde du cinéma que dans celui de la mode. Bref, ce spécialiste de haute couture s’impose même après son départ à travers cette rétrospective, hommage à l’élégance, à la classe et au glamour. 14 |

L’exposition est organisée avec beaucoup d’originalité : quatre variations et douze thèmes, font défiler les robes du créateur. On admire les robes du soir, de cocktail et les tailleurs, qui se côtoient dans un dégradé d’époques, de couleurs et de styles. Au milieu de cette diversité, même les moins coutumières en matière de mode sauront voir émerger un style au service du féminin. On profite alors des séries rouges, noires ou or. Cependant, la pénombre régnant dans la salle rend la visite très frustrante. L’absence de miroirs nous prive d’une vue sur le devant des robes, les mannequins étant souvent présentés de dos. Les projecteurs à la lumière crue braqués sur les pièces n’aident pas plus. Les murs gris et les commentaires (plus qu’avares de détails) empêchent d’admirer totalement la subtilité des robes. On déplore l’absence de vidéos, de portraits de ses mannequins fétiches. Une rétrospective ambitieuse, plus que justifiée au regard du maître de l’élégance qu’était Valentino, dommage néanmoins de ne pouvoir en profiter autant qu’on le souhaiterait

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Les Parisiennes,

Kiraz

Par Caroline Tixier

Le Musée Carnavalet, ou Musée de l’Histoire de Paris, rendait hommage au dessinateur qui a pris les parisiennes pour muses. Pourtant, Kiraz n’est pas né à Paris, il est arrivé du Caire et s’est installé dans le Paris de l’après-guerre, avenue Montaigne, avec pour ambition de tout connaître sur ces femmes ayant inspiré tant de créateurs, d’artistes et de peintres. Ses dessins parurent dans Jours de France et Playboy et illustraient ces femmes, si minces, toutes en jambes, sophistiquées et surtout charmantes. Si l’essence des Parisiennes est parfaitement capturée, l’exposition ne s’arrête pas là : à travers ces portraits ayant voyagé, on comprend mieux l’imaginaire quasi cliché qui entoure les parisiennes à l’étranger. Ainsi, les styles défilent, les époques aussi, mais ces représentations si vraies et pleines d’un humour, en somme très parisien, demeurent

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Les Parisiennes de Kiraz, Musée Carnavalet Du 14 mai, 21 septembre 2008 | 15


en vogue

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Peintre, acteur, chanteur, provocateur, dandy déjanté, et poète maudit, il orne le paysage artistique français et son image est encore médiatique dans un milieu où la complaisance et les intérêts sont souvent rois. Dix-sept albums et cinq crises cardiaques après, Gainsbourg n’est plus. Mais il flotte comme un air de javanaise sur nos ondes françaises… Gainsbourg a révolutionné la variété, mais depuis, quoi de neuf ?

G a i n s b o u r g

par marie-blanche paumier

N’avez-vous jamais remarqué que tous ceux qui l’ont croisé, ne peuvent s’empêcher d’en parler ? Que Jane Birkin elle-même ne se prive pas d’ajouter un « avec Serge,… » dans presque chacune de ses phrases. C’est peut être cela le charisme… Le fait qu’il nous hante toujours par ce regard hagard et ces tubes indémodables, 17 ans après sa mort. La cité de la musique organise d’ailleurs une exposition évènement, l’occasion peut être pour vous de découvrir ce personnage emblématique de la chanson française, et même, de la culture française. Ceux qui le connaissent mal le réduisent au provocateur, au Gainsbarre qui dérape avec Whitney Houston, qui brule un billet de « 500 balles ». Même si ces pieds-de-nez à la société sont marquants, il serait réducteur de s’en arrêter là. Gainsbourg, c’est aussi un précurseur, un curieux qui s’est essayé à tout, un éternel insatisfait. Heureusement pour nous, car cette insatisfaction, c’était son moteur. Elle lui a fait quitter à contrecoeur la peinture pour la chanson, dont il a exploré avec génie tous les styles. Ses créations oscillent ainsi entre chanson française, reggae, pop, rap ou même rock progressif, avec l’un de ses plus beaux albums : Histoire de Melody Nelson. Ainsi, quel rapport voyez-vous entre le poinçonneur des lilas et Marilou reggae ? Quelle ressemblance entre une Brigitte Bardot et une Vanessa Paradis ? Peut être la chance d’avoir rencontré un parolier qui ne faisait que du sur mesure ! En effet, Gainsbourg adorait composer pour ces nombreuses femme qu’il connut et avec qui il aimait entretenir le doute et l’ambiguité . Ainsi il avance « Pour l’amitié entre hommes et femmes, impensable. Parce qu’il y a toujours sous-jacent le désir animal. »

toujours...


Le 28 octobre 2009 Francis Bacon aurait eu cent ans. La Tate Britain de Londres inaugure les célébrations prévues à l’occasion du centenaire de la naissance du peintre irlandais en présentant au public une rétrospective inédite. Londres avait déjà accueilli deux rétrospectives sur son œuvre à la Tate Gallery en 1962 et en 1985. Cette fois-ci, l’accent a été mis sur des travaux découverts après sa mort en 1992, lors des recherches effectuées dans son atelier. Toute une salle, intitulée « Archive », est consacrée à ces travaux et nous permet de découvrir notamment les montages photographiques de Bacon. Bien entendu, les œuvres les plus connues de l’artiste sont également présentes : « Three Studies from the Painting of Innocent X by Velasquez», « Three Studies for Figures at the Base of a crucifixion », « Three Figures in a Room », et « Triptych » pour n’en citer que quatre. Artiste hors norme, Francis Bacon (1909-1992) fait partie des peintres les plus reconnus du vingtième siècle. Les musées comme les collectionneurs particuliers s’arrachent ses œuvres. Après un début de vie difficile et instable, rejeté par sa famille à cause de son homosexualité, il est contraint à s’exiler, voyageant entre Londres, Berlin et Paris. C’est après la seconde guerre mondiale qu’il s’illustre dans la peinture avec « Three Studies for Figures at the Base of a crucifixion » dont la violence surprend, choque, mais marquera surtout à jamais les esprits. Son style se civilise et se diversifie pendant sa carrière, mais la violence contenue en lui reste toujours sous-jacente. Son œuvre se réfère sans cesse à l’étude du corps humain, vu comme celui d’un animal, c’est ce qui la rend si particulière. Même s’il se reconnaît dans la lignée du surréalisme, on peut dire que Bacon a créé son propre style qui est unique. Cette rétrospective, classant une soixantaine de tableaux en dix salles, se veut à la fois chronologique, en suivant la carrière du peintre depuis ses débuts (dans les années quarante) jusqu’à sa mort (en 1992), et thématique, en recherchant un thème et une unité pour chaque salle correspondant à chaque fois à un aspect différent de son œuvre. Elle permet, de cette façon, aux amateurs d’art contemporain qui ne connaissent pas encore ce peintre de s’ouvrir à son univers, et aux fans de l’artiste, d’admirer ses pièces les plus célèbres tout en découvrant des travaux inédits. Donc, une rétrospective à voir absolument lors d’un séjour dans la capitale du Royaume-Uni !

Bacon in London par laure wagner

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europe

Deux nations, une Histoire ? Par Christina Bezès

« Ich will den Hass gegen die Franzosen… ich will ihn für immer » (Je veux la haine contre les français… je la veux pour toujours). Tels ont été les mots d’Ernst Moritz Arndt, le secrétaire particulier du baron réformateur prussien Heinrich Friedrich Karl vom Stein, en 1813, dans le contexte de guerre contre la suprématie française. Qui aurait cru qu’il serait un jour possible que des lycéens français et allemands puissent apprendre l’Histoire à partir d’un même livre, dont le contenu soit identique et compatible avec les programmes scolaires? Depuis 2006, cette « utopie » est devenue réalité avec la publication d’un premier tome pour les élèves de terminale: Histoire/Geschichte – L’Europe et le monde depuis 1945. Suivent un deuxième tome, Histoire/Geschichte – L’Europe et le monde du congrès de Vienne à 1945 (2008), pour les classes de première et un troisième tome, allant de l’Antiquité à Napoléon, pour les classes de seconde. L’initiative du projet émane du parlement franco-allemand de la jeunesse, composé de 550 lycéens français et allemands. Il s’est réuni à Berlin, du 18 au 23 janvier 2003, pour fêter le quarantième anniversaire du traité de l’Elysée. Parmi leurs nombreuses résolutions se trouvait celle de « concevoir un livre d’histoire commun pour les lycéens des deux pays afin de réduire les préjugés causés par la méconnaissance mutuelle ». Après le feu vert du chancelier Gérard Schröder et du président de la République Jacques Chirac, le projet a été approuvé par les deux gouvernements en Juin 2003. Un comité scientifique bilatéral a été mis en place. Il est donc lancé mais de nombreuses difficultés surviennent. Comme l’éducation est une affaire de région en Allemagne, il existe seize programmes d’histoire plus ou moins différents. L’uniformisation de ceux-ci et la méthode d’enseignement qui diffère aussi selon les deux pays représentaient les défis majeurs à relever. De cette coopération multiple et intense résulte un manuel commun d’histoire fort réussi. Publié en allemand et en français, il est utilisable dans les cours d’histoire des deux côtés du Rhin. De plus, ce livre est une œuvre de réconciliation qui permet aux élèves de contempler l’Histoire avec le regard de l’autre et de prendre de la distance avec la perception traditionnelle du passé. Ce manuel est aussi l’occasion de relancer l’amitié franco-allemande. De façon plus générale, une rédaction commune de l’Histoire des peuples est le meilleur ciment pour bâtir une identité européenne

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europe

par christina Bezès Si tel est votre souhait, rendez-vous dans le « Mitte » à Berlin pour une excursion à travers les hauts lieux de la politique. Dans ce quartier gouvernemental, où la Chancellerie et le Parlement ont leur siège, vous rencontrerez les hommes politiques, les journalistes, les lobbyistes et les touristes. Première visite : la Chancellerie, le centre du pouvoir, est ouvert aux visiteurs. Il faut seulement faire preuve d’un peu de patience avant de pouvoir admirer l’architecture inédite du bâtiment principal : un cube de 36 mètres de haut très lumineux. Au sixième étage vous découvrirez la salle du conseil des ministres et au septième le bureau de la Chancelière. En regardant par sa fenêtre vous apercevrez la deuxième visite : le Reichstag. Ce monument historique est le siège du Parlement allemand (Bundestag) depuis 1999. L’édifice, datant de 1894, incarne le passé comme la modernité. Sa célèbre coupole de verre et d’acier, imaginée par l’architecte Norman Foster, attire beaucoup de visiteurs. Environ 3 millions de personnes y affluent chaque année. De là haut, la vue sur le quartier gouvernemental de Berlin est imprenable, et, au centre de la coupole, vous pourrez contempler la salle plénière comme vue du ciel. Il est aussi possible de la visiter et d’assister aux débats parlementaires pendant une heure. Pour cela il vous suffit de vous inscrire par écrit au service des visiteurs. L’adresse est la suivante : Deutscher Bundestag, Besucherdienst, Platz der Republik 1, 11011 Berlin. Un autre moyen d’être au centre du pouvoir allemand est d’effectuer un stage dans le bureau d’un député. Pour cela envoyez votre candidature à la centrale de chaque groupe parlementaire ou directement au bureau du député de votre choix. Osez, car même ceux qui n’étudient pas les sciences politiques ont leur chance! En semaine parlementaire, vous aurez la possibilité de suivre en direct, dans la salle plénière, les débats parlementaires de votre choix et les commissions dont votre député est chargé. Vous pourrez également assister aux réunions de votre groupe parlementaire et aux réunions internes. Vous découvrirez le quotidien d’un député et connaîtrez les coulisses du Parlement. Voici quelques possibilités qui s’offrent à vous. N’hésitez pas, le centre politique de Berlin, en plein renouveau, vous ouvre ses portes

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Par Henri De Cazanove

Les réFormes attendues de La bCe

Les banques centrales ont été créées pour améliorer le fonctionnement de l’économie et pour éviter les crises financières. La BCE existe depuis près de dix ans. Présidée par Jean-Claude Trichet, elle a comme objectif unique la stabilité des prix et la crédibilité. La stabilité des prix est le maintien de l’inflation inférieure à 2 %. Ses outils sont les taux directeurs dont le principal est le taux de refinancement destiné à fournir des liquidités de manière régulière. La crédibilité est la capacité à convaincre les différents acteurs économiques qu’il n’y a aucun risque que l’inflation reprenne. Cette capacité permet d’obtenir des taux bas, car les anticipations inflationnistes sont faibles, et, donc, de favoriser la croissance. Pourtant, la BCE a besoin d’être réformée car ses statuts actuels ne lui permettent pas d’avoir une grande marge de manœuvre et ses objectifs ne sont plus d’actualité. Pour la banque centrale, le combat contre l’inflation est devenu un prétexte pour augmenter ses taux. En effet, l’inflation n’existe plus, du fait de la globalisation des marchés. Elle est de 1,5 % hors énergie et alimentation. L’augmentation des matières premières est uniquement due à leur rareté et à l’évolution de la productivité. L’inflation monétaire a été tirée vers le bas par l’arrivée des pays émergents (Inde, Chine…) du fait de leur faible coût de main d’œuvre. De plus, la hausse des prix de services n’a rien à voir non plus avec l’inflation car le mouvement haussier des prix des services est dû seulement à la productivité plus lente. Par conséquent, la BCE mène un combat déjà vaincu sur l’inflation. La seconde difficulté réside dans l’absence de coordination entre la politique monétaire du ressort de la banque centrale et la politique structurelle (politique budgétaire, fiscale…) du ressort des gouvernements. La croissance de la zone euro est faible car l’investissement en matière de recherche, d’enseignement supérieur et de nouvelles technologies est relativement bas. Les gouvernements doivent donc améliorer les gains de productivité afin d’augmenter leur croissance potentielle. Ainsi, la BCE pourra adopter une politique d’expansion monétaire et adapter ses opérations structurelles en s’ajustant sur les politiques hétérogènes des différents pays de la zone euro. Cependant, il faudrait changer les statuts d’indépendance de la banque centrale. Par ailleurs, la BCE devrait uniformiser ses crédits. Lorsque la banque centrale augmente ses taux d’intérêts à court terme, les banques accroissent leurs taux des crédits d’où un ralentissement de l’activité économique. Mais cette variation est différente selon les pays. En effet, les crédits immobiliers dispensés aux ménages se font dans certains pays à taux variables (le coût du crédit évolue selon les taux à court terme de la BCE révisés tous les trois mois) et dans d’autres pays les crédits se font à taux fixes (la variation est basée sur les taux d’intérêts à long terme). Par conséquent, les variations des taux à court terme sont très dangereuses pour certains pays. Cependant, les banques centrales contrôlent de moins en moins les taux à long terme, la plus grande partie des investissements se faisant à long terme. En effet, les marchés obligataires sur l’euro sont devenus mondiaux. Les investisseurs majoritairement étrangers, les pays émergents, ont un poids très important d’accumulation de réserve de change beaucoup plus que les politiques monétaires de la zone euro. En outre, les banques centrales attendent en général que les prix des actifs soient exagérément élevés et les taux d’endettement colossaux pour accroître les taux d’intérêt, ce qui provoque des catastrophes car les prix d’actifs chutent, les pertes de richesse s’accentuent et les emprunteurs font défaut. Il s’ensuit une crise bancaire, une crise de liquidités et enfin une contagion mondiale du fait de la mondialisation des marchés. La BCE devrait, par conséquent, revoir ses statuts afin de diminuer les risques de crise. Il faudrait redéfinir la coordination en Europe entre la BCE, les banques centrales nationales et les nombreuses agences jugées trop complexes. Cependant, la banque centrale a très bien réagi face à la crise actuelle en injectant des liquidités ciblées et en combattant le risque de faillite du système bancaire par la baisse de ses taux d’intérêts

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photos

Paris, J’en Viens Par Coline Brun-Naujalis

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ne pouvoir

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se passer de paris, marque de bĂŞtise;

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ne plus l’aimer,

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signe de décadence.

gustave flaubert

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france

F.Hollande

Le règne de François touche à sa fin Par Aurelien Hubert

Trépignant d’impatience à l’idée d’élire son nouveau souverain, toute la cour du Royaume Socialiste s’affaire dans l’attente du couronnement prévu à Reims en novembre. Parmi les prétendants, Dame Royal fait beaucoup jaser : portée par l’adoption de sa motion, elle profile une redéfinition du Parti autour d’un axe centregauche, n’excluant pas un projet de gouvernement avec le Modem. Dame Aubry est sa principale rivale : elle dispose de l’appui des plus influents barons du royaume, tant Strauss-kahniens que Fabiusiens, auxquels s’ajoute l’aura bienveillante de Lionel Jospin, le Sieur déchu. Quant à Sieur Delanoë, celui qui voulait incarner l’unité en appelle désormais à un « rassemblement majoritaire » contre Royal. Une guerre de succession qui ne saurait masquer la crise idéologique que traverse le royaume depuis 2002. Séculaire baron du Palais de Solferino, Henri Weber concède que « le PS ne remplit vraiment que la fonction électorale de sélection des candidats. Il assume assez mal la fonction programmatique et surtout les fonctions intellectuelle et idéologique qui permettent de porter un grand récit, une représentation de la société et d’un avenir possible et souhaitable.» Adoptée en juin dernier, la refonte de la Déclaration de Principe du Parti brandit un nouveau slogan, « aller vers l’idéal, comprendre le réel ». Une formule de Jaurès revisitée par un PS qui n’en finit plus de ressusciter ses icônes. Certes, le retrait du terme « révolution » de la Déclaration témoigne d’une volonté de s’affranchir enfin du joug marxiste ; mais simultanément dépossédé du monopole de l’action sociale par une droite opportuniste, le socialisme semble avoir perdu au mieux son pouvoir de représentation, au pire son utilité. A défaut de ces « propositions adaptées » que 45% des français appellent de leurs vœux selon un sondage Le Monde/SOFRES de novembre 2008, les quelque 320 députés socialistes affichent désaccord voire mutisme lors de débats cruciaux tels le revenu de solidarité active ou l’aide apportée aux banques en pleine tempête boursière. Une cacophonie qui ne concourt pas seulement à la dé-crédibilisation d’un Parti perçu comme non dynamique par 72% des sondés, elle met aussi en péril la vitalité démocratique de nos institutions : alors que le Royaume Socialiste se cherche un semblant d’innovation politique entre deux querelles intestines, le poste essentiel de parti d’opposition demeure vacant. A l’aulne des défis sociaux engendrés par les dérives du Marché, l’éclairage humaniste du socialisme relève pourtant de l’urgence

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Le lancement du Campus UMP a eu lieu en présence de Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Le concept est simple et pourtant rien n’avait été fait avant. D’où le slogan de « Jeunes Révolutionnaires ». Parce qu’il en faut du courage et de la volonté pour avoir l’ambition de reprendre les facultés françaises longuement détenues par l’extrême gauche. Pour ce faire, l’UMP compte bien faire basculer la majorité silencieuse, celle qui lors des blocages soupire mais ne fait rien, celle qui lors des élections des étudiants représentants ne vote pas. En somme ceux qui craignent de prendre parti ou restent en retrait. Et pourtant, il est temps que tout le monde se mobilise, il est temps de savoir, de voir si la majorité des étudiants soutient ou non ces blocages, comme le prétendent les syndicats étudiants d’extrême gauche. Si elle soutient le fait qu’à Tolbiac, après un mois de paralysie l’année dernière, les notes de TD du premier semestre ont été annulées et que les élèves soient tous passés en examen final. Pour commencer à tout changer, il y avait déjà la loi d’autonomisation des universités, réforme courageuse et socle d’autres changements futurs pour les facultés françaises qui doivent retrouver une renommée internationale. Les jeunes de l’UMP veulent compléter cette action législative en ouvrant des permanences dans les universités, en expliquant les réformes et en mobilisant les jeunes. Les actions consisteront à organiser des débats avec les représentants de gauche, pour comparer les idées, à inviter des personnalités et des ministres à s’exprimer sur tel ou tel points… Cela promet de l’action ! A l’UMP, on espère par contre que cette action sera menée sous le signe du fair-play. C’est une évidence que les Jeunes de l’UMP ne seront pas bien accueillis dans les universités, ils souffrent depuis trop longtemps d’une image négative dans ce milieu. Pourtant cette volonté de fer, dont ils font preuve, et ce courage qui accompagne les tâches lourdes d’importance seront des compagnons qu’ils espèrent suffisants. En effet, pour les universités, c’est le début d’une longue série de débats, les replaçant dans leur rôle d’espace de réflexion, sur leur statut dans la société. Tout ceci promet du grand spectacle ! Cet engagement politique est courageux, il n’échappera pas à la polémique malgré le souhait de ses auteurs. Mais, il réintroduira les débats et la mobilisation dans les universités, à l’image des grandes universités telles que Columbia ou Princeton. En attendant de voir les réactions des autres partis, on peut dire pour l’instant, comme le scande l’UMP, que la jeunesse qui bouge semble effectivement avoir « changé de camp » !

N.Sarkozy

Par Caroline Tixier

Une Jeunesse qui bouge, qui bouge, qui bouge… Campus UMP : La « Révolution » des « Révolutionnaires ».

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cinema

Critiques rédigées par Pierre Plettener et Karen Hazan

L’instinct de mort, première partie du diptyque consacré à la vie du célèbre gangster Jacques Mesrine, relate les débuts de celui qui deviendra l’ennemi public numéro 1 et restera une véritable légende des années après sa mort. Ce premier volet nous immerge dans la période qui va lui permettre de se forger une réputation : de son retour d’Algérie, au début des années soixante, à son exil au Canada, dix ans plus tard. Tous les éléments sont réunis par Jean-François Richet pour faire de ce film l’un des plus attendus de l’année : une icône «made in France», un des acteurs français les plus en vue du moment (Vincent Cassel), un scénario digne des meilleurs films de gangsters et un tournage marathon de neufs mois, fort en rebondissements. Cassel avait même refusé de tourner dans la première mouture du scénario qu’il jugeait trop manichéenne et trop loin de la réalité. Le film ne déçoit pas. Ultra-maîtrisée, violente et nerveuse, peut-être trop pour certains, la réalisation est impeccable, toute en virilité. Sans originalité, certes, mais terriblement efficace. Vincent Cassel, excellent, impressionne par son charisme et son énergie. On est devant un grand film de gangster, du pur cinéma mêlant la «french touch» à l’efficacité hollywoodienne. Vivement le second volet!

réalisé par Jean-François Richet, sorti le 22 oct. 08

M esr ine , L ’ in stin ct de mo rt

VICKY , CRISTINA , BAR CELONA

réalisé par Woody Allen, sorti le 08 oct. 08

Vicky et Cristina sont amies, elles partagent les mêmes opinions sur beaucoup d’aspects de la vie…excepté l’amour. Un été, elles rendent visite ensemble à des parents éloignés de Vicky à Barcelone, l’une pour poursuivre son master, l’autre pour oublier ses échecs amoureux. Mais la ville a d’autres projets pour elles. Lorsqu’elles rencontrent Juan Antonio, un peintre catalan, insolent et intriguant, leurs univers respectifs sont bouleversés. Pendant 1h37, vous verrez l’Espagne à travers les yeux de Woody Allen, décidément charmé par les mœurs européennes. Ici, l’amour ne tient qu’à un fil, il n’est qu’alchimie. Il s’agit de trouver la bonne formule et tous les coups sont permis pour y arriver, de l’adultère aux amours saphiques. C’est une tâche à laquelle Scarlett Johansson et Penelope Cruz se vouent avec une fougue et une sensualité exceptionnelle. On n’est certes pas dépaysé par cet univers propre à Woody Allen, mais il n’en demeure pas moins pétillant, et très agréable pour le spectateur.

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Une première dans la saga : cet opus commence une heure après le précédent, Casino Royal. Bond, en cherchant à venger Vesper, se retrouve face à une organisation extrêmement puissante, dont il n’imaginait même pas l’existence, dirigée et utilisée par l’homme d’affaires Dominic Greene (Le frenchie Mathieu Amalric) pour prendre le contrôle de très importantes ressources naturelles. Casino Royal renouvelait avec audace et brio la série en proposant un Bond sans gadget, plus violent mais tout aussi réussi. Malgré un nouveau réalisateur qui n’est pas un habitué du genre, Marc Forster (Neverland, Les cerf-volants de Kaboul), ce nouvel épisode joue la continuité : le style et l’acteur (Daniel Craig) sont les mêmes, la qualité est elle aussi au rendez-vous. Cependant, Quantum of solace s’encombre de scènes d’action et de poursuite, certes très bien faites, mais répétitives et superflues, comme la scène se déroulant à l’opéra, qui nous empêchent de profiter totalement du reste du film. On regrette donc que le réalisateur ne s’attarde pas plus sur le personnage et ses tourments, au lieu de se complaire dans les cascades high-tech. Ce James-Bond, toujours plus sombre, reste cependant un bon film du genre, dans la lignée de son prédécesseur, bien qu’un peu en dessous. Et cela notamment grâce à l’interprétation parfaite, toujours juste, de Daniel Craig. Côté James Bond girl, Olga Kurylenko est superbe, mais n’a pas grand chose d’autre à offrir. On ressort du film éprouvé, satisfait, mais surtout avec l’envie de voir la suite, de voir si James peut apprendre de ses erreurs. Mention spéciale pour le générique.

réalisé par Marc Forster, sorti le 30 oct. 08

QUANTUM O F SO L A C E

W . L ’ IMPROBAB LE PRESIDENT

réalisé par Oliver Stone, sorti le 29 oct. 08

L’histoire de George W. Bush, encore à la tête des Etats-Unis à la sortie du film, de son adolescence de sale gosse privilégié à sa présidence de la première puissance mondiale. Oliver Stone aborde ce sujet brûlant avec l’objectif de nous faire comprendre le personnage, son parcours et ses actes, notamment sa gestion du Moyen-Orient. Le film et l’attente qu’il a pu provoquer tiennent beaucoup au fait qu’il sort en salle à la fin du mandat de Bush, moment charnière dans la politique américaine et mondiale. A l’heure du bilan, le film s’attarde sur les causes et non les conséquences des faits marquants de cette présidence. Le film, avec une réalisation proche du téléfilm, ne nous transmet jamais réellement de message, d’impression ou de sentiment. Il ne fait que poser la question « comment un gentil-mais-vraiment-pas-très-malin incapable comme lui a pu en arriver là ? » sans approfondir, ni apporter d’autre réponse qu’une suite de faits maladroitement mis en scène. Reste l’excellente interprétation de Josh Brolin, parfois troublant de ressemblance, et quelques scènes savoureuses. L’objectif est en partie atteint, mais on aurait souhaité qu’il fasse l’objet du grand film qu’il méritait. Oliver Stone déçoit, encore. | 31


cinema

Critiques rédigées par Léa Samain et Christina Bezès

Un CD contenant les mémoires d’un ancien agent de la CIA atterrit entre les mains de deux employés de club de gym peu scrupuleux qui essaient de le revendre... Après O’Brother (2000) et Intolérable Cruauté (2003), le dernier né de la fameuse «trilogie des idiots», réalisée et écrite par les frères Coen, arrive enfin sur nos écrans. Burn after reading, choisi il y a quelques mois pour faire l’ouverture du festival de la Mostra à Venise, met en scène une demi-douzaine d’acteurs plus doués les uns que les autres pour cet exercice de style qu’est la comédie satirique. Dans ce film qui commence et s’achève dans les bureaux de la célèbre Central Intelligence Agency, les événements et les rencontres s’enchainent de façon imprévisible et drolatique, sans que personne ne parvienne à y changer quoique ce soit. Le duo sexy qu’avaient pu former George Clooney et Brad Pitt lors de la sortie d’Ocean Eleven se transforme ici en un magnifique duo de loosers. Le premier multiplie les conquêtes féminines pour soigner sa paranoïa grandissante, tandis que le second, coach sportif dans un club de remise en forme, tente de faire chanter un ancien analyste de la CIA. Nos deux cambrioleurs de casinos sont ici deux personnages bien affligeants. On nous avait pourtant prévenus: «...Intelligence is relative» indiquait le sous-titre de l’affiche.

Réalisé par Joel & Ethan Coen, sorti le 10 dec. 08

BURN A F TER READIN G

ENTRE

L ES

MURS

Réalisé par Laurent Cantet, sorti le 24 sep. 08

Récompensé par la Palme d’or au festival de Cannes, Entre les murs, le film de Laurent Cantet adapté du roman de François Bégaudeau, nous fait entrer dans l’univers d’une vie de classe au sein d’un établissement défavorisé. Le jeune professeur de français, Vincent B (François Bégaudeau) enseigne la langue de Molière à des élèves de 4ème qui ne s’identifient pas toujours à celle-ci ou à ce pays, la France. Le film montre essentiellement les situations d’apprentissage et les échanges entre Vincent et ses élèves : Esmeralda, Khoumba, Souleymane… Des échanges souvent très mouvementés, parfois même conflictuels et irrespectueux. Ce film a beaucoup divisé les professeurs. Il y a ceux qui estiment que le film montre la véritable difficulté du métier d’enseignant et les autres qui dénoncent l’image caricaturale du professeur, incarnant le rôle d’un « prof-copain ». D’autres, encore, critiquent la mise en valeur des scènes de disputes par rapport aux situations d’apprentissage et de travail. Même si Cantet filme de vrais élèves, de vrais professeurs ou de vrais conseillers d’orientation, le film reste une fiction malgré un réalisme étonnant. Dans Entre les murs, tous les sujets importants de la vie à l’école sont abordés et de bonnes questions sont posées : le rôle du professeur, l’égalité des chances dans un modèle républicain, le français comme facteur d’intégration culturelle et sociale des jeunes issus de l’immigration, la lutte contre l’échec scolaire, le rôle et l’efficacité des sanctions… 32 |


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Paris à la mode argentine par laure wagner

Dans le cadre d’une exposition sur la ville de Buenos Aires cet automne, le Bon Marché propose des cours de tango. L’occasion pour LXXV de revenir sur ce phénomène et cette danse qui séduisent tant les parisiens.

Rien n’a été négligé sous la verrière du deuxième étage au Bon Marché afin d’organiser pour la rentrée une exposition consacrée à la capitale de l’Argentine. Mode, design, cinéma, cuisine, musique, et surtout danse sont au programme. L’espace a été complètement aménagé pour l’occasion : une cuisine a été bricolée, des tables ont été installées, un orchestre convoqué et une piste de danse improvisée. De grands noms pour l’événement. Côté photo, on découvre des clichés de Gabriel de La Chapelle et Mario Pignata Monti. Béatrice Ardisson rythme l’espace mode et design avec une bande son créée pour l’occasion. Le restaurant argentin du onzième arrondissement de Paris, Unico, soumet la dégustation de certaines de ses saveurs. Daniela et Marcia Romano présentent une sélection d’une trentaine de films sur le tango intitulée « Buenos Aires stories ». Et la compagnie du chorégraphe José Castro propose des cours de tango aux volontaires. Vaste programme complété par des vitrines consacrées à la psychanalyse signées Gotan Project. Rappelons que le nom du célèbre groupe de musique n’est autre que le verlan de tango ! Au premier étage : un retour sur le parcours de la créatrice de la maison Azzaro, Vanessa Seward. Enfin, au sous-sol du magasin, l’argentin Diego Martin Staffolani présente des figurines réalisées avec du plastique recyclé. Né à la fin du XIXème siècle dans la région du Rio de la Plata (estuaire marquant la frontière entre l’Argentine et l’Uruguay), le tango est au départ une musique et une danse d’immigrés, associées aux bordels. C’est en Europe que cette danse gagne sa notoriété et son prestige dans les milieux de la haute société, quand les milongueros (danseurs de Tango) débarquent à Paris en 1910. N’ayant pas réussi à s’imposer dans la haute société argentine ou uruguayenne, c’est auprès de la jeunesse parisienne des années folles, en quête de nouveauté et de frivolité, que le tango fait ses ravages. Son caractère cosmopolite et universel finit par toucher l’élite argentine et uruguayenne. Après cette folie de l’entre-deux-guerres, le tango doit laisser sa place aux nouveaux genres musicaux de l’après deuxième guerre mondiale pour devenir une danse musette ou de salon en Europe. Mais depuis les années 90, cette danse connaît une nouvelle naissance grâce à plusieurs tournées mondiales de spectacles de tango. Depuis, elle se démocratise de plus en plus : les cours ainsi que les milongas (bals où l’on danse le tango) se multiplient un peu partout. Si vous voulez apprendre ou consolider vos pas de danse, rendez-vous rue de Turenne, dans le troisième arrondissement de Paris, avec José Castro pour des stages de tango argentin. Et si vous voulez mettre à l’épreuve ce que vous avez déjà appris, rendez-vous directement là où l’on danse le tango, comme au Bistrot Latin ou à la Milongas du 18 ! 34 |


Septembre,

Par Caroline Tixier

mois international pour les Ballets Les ballets anglo-saxons en visite à Paris après des décennies d’absence. Cela faisait plus de quarante ans que le New York City Ballet n’était pas venu en France, pays même de ses débuts. L’Australian Ballet, lui ne s’y était pas produit depuis 1965. Pourtant, en ce mois de septembre 2008, ils paraissaient en même temps à Paris. Le NYC ballet fut reçu à l’Opéra national de Paris, avec en ouverture un gala, et pour représentation quatre programmes aussi variés qu’ambitieux. C’était naturellement que le NYC Ballet devait repasser par Paris. George Balanchine, son fondateur, avait quitté Saint-Pétersbourg sous la Révolution et était venu à l’Opéra de Paris avant de monter une troupe Outre-Atlantique, chose inédite ! Quel parcours singulier dans ce XXème siècle pour cet homme de génie ! Balanchine partit à NYC, et c’est en 1952 que le NYC Ballet se produisit sur le continent pour la première fois. Puis, c’est en 2008 que sa troupe revient sous la direction de Peter Martins. Longue absence compensée par un programme artistique témoignant d’un large répertoire. En présentation, on s’attendait bien sûr à du Balanchine et à du Peter Martins. On découvre agréablement du Christopher Wheeldon (jeune chorégraphe incarnant le néoclassicisme américain) et on admire du Jérôme Robbins (ayant eu sa part à la création du NYC Ballet) dont le nom est surtout connu dans la mémoire collective pour sa chorégraphie de West Side Story avec Bernstein. On lui rend d’ailleurs hommage en ce moment à l’Opéra de Paris. Toutes ces chorégraphies, parfaitement interprétées par celles et ceux qui en sont en somme les héritiers, permettent d’entrapercevoir l’originalité et la modernité de cette troupe. Dans l’ensemble, une grande réunion réussie, ayant attirée un large public. Pourtant, si le programme choisi dépeint parfaitement l’âme du NYC ballet, il n’en reste pas moins un peu trop moderne et original pour un public français, plus habitué au classique. Autre troupe longtemps absente de la scène française et ayant fait son retour, c’est l’Australian Ballet. Programme moins démonstratif que le NYC Ballet. La réception était atypique. C’est au Théâtre du Châtelet que s’est produite cette troupe, théâtre plus connu pour ses comédies musicales ou ses spectacles de danse originaux. Pourtant, le programme avait de quoi attirer : Le Lac des Cygnes fut interprété sublimement, charme classique faisant toujours mouche, on pouvait voir les petites filles assises à côte de leur maman, des étoiles plein les yeux à l’entracte. Si certains étaient tentés de considérer ce choix comme trop lisse, qu’ils se détrompent. Le premier programme était composé de la Symphonie Fantastique et de Rites sur le Sacre du Printemps de Stravinsky avec le Bangarra Dance Theatre (danseurs aborigènes). L’Australian Ballet a surpris : lieu de représentation atypique, choix de chorégraphies prouvant la richesse de leur répertoire, une originalité dans leurs racines qu’ils revendiquent, tout en arrivant à faire espérer à chaque petite fille qu’elle sera un jour danseuse étoile. Le NYC ballet est arrivé en grande pompe à Paris, où il a trouvé sa place, son répertoire moderne et très actuel était tout à fait en phase avec la politique de l’Opéra de Paris. On salue la performance. L’Australian ballet, lui, a osé agir différemment, il a misé sur le spectaculaire, et il a eu raison. En sortant de l’Opéra Bastille les critiques bonnes ou mauvaises fusaient, discussions intellectuelles et commentaires techniques étaient à l’honneur. En comparaison, en sortant du Théâtre du Châtelet, alors que les étoiles n’avaient pas tout à fait disparu des yeux des grandes filles, elles espéraient emmener, un jour, leur propre fille voir Le Lac des Cygnes, pour leur transmettre cette magie

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paris/londres

brunchs branchés Par Caroline Tixier

Le Kong

LA Bistrothèque

1, rue du Pont Neuf 75001 Tel : 01 40 390 900 Entre 15-20 euros le Brunch

23-27 Wadeson Street Londres Tel : 0044 208 983 79 00 Environ 20 euros le Brunch

Atmosphère branchée dans ce Bar / Restaurant, situé près du Pont Neuf. Particularité ? Il est situé au sixième étage du siège social de Kenzo et offre une vue imprenable sur le Paris de la Rive Gauche. On regrettait la fermeture de la Samaritaine et donc l’accès à sa terrasse… Le Kong remplace largement ce manque. Décor choc et arty façon Starck pour ce restaurant aux chaises à visages de femmes, au bar tapissé de fleurs oranges et de lumière rose, aux toilettes gardées par une dame pipi devenue bébé sumo, allez voir pour comprendre ! La clientèle tendance et internationale ajoute encore à l’ambiance originale de cet endroit mythique. Un conseil : profitez du dimanche, à partir de midi un brunch vous est proposé, œufs Bénédicte mémorables et café excellent !

La Bistrothèque propose un brunch idéal pour un petit weekend à Londres. Ambiance mode, clientèle tendance, décoration simple mais design. Au milieu de la pièce, trône un piano grâce auquel une musique douce calme l’ambiance agitée de ce restaurant qui monte. Au menu, les classiques du Brunch : Pancakes, œufs Bénédicte ou Florentins, mais aussi des plats très anglais. Ainsi, les plus motivés opteront pour un « Fish and Chips » dès dix heures du matin ; à chacun sa façon de commencer la journée… En revanche attention, munissez-vous d’un plan très précis avant de partir à la recherche de ce Brunch au trésor ! En effet, dans la rue, ni numéros, ni magasins, pas de panneaux portant le nom du lieu, à peine une âme qui vive… Bref, quasiment impossible de le trouver à moins de savoir qu’il est là. Bien sûr, le plus est que, du coup, pas besoin de réserver et la clientèle est très « select ». Donc, même si le brunch vaut sincèrement le détour, mieux vaut s’armer de courage pour le trouver !

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theatre Par Marion Degeorges

le théâtre est un amant exigeant

On ne naît pas spectateur de théâtre, on le devient.

Nouvelle rentrée scolaire, nouveau départ, et déjà un trimestre avant la nouvelle année ; c’est l’heure des bonnes résolutions pour repartir du bon pied. Au-delà des réformes d’organisation de la routine, permettons-nous un instant de nous éloigner vers un pays que nous ne cessons de rechercher : le divertissement. Et si nous mettions un peu de théâtre dans nos vies ? Mais, , peut-être que se trouve déjà là un obstacle… En effet, le théâtre peine parfois à rendre ses amants fidèles. Et, pour ceux d’entre-nous qui ne le visitent que très rarement, voire jamais, la liste des inconvénients qui l’éloigne du mot « divertissement » peut s’avérer être décourageante. Ainsi, au premier abord, aller au théâtre demande une certaine organisation, de la patience et bien sûr de l’argent. Puis, même une fois confortablement installé dans votre fauteuil rouge, il se peut que le décollage pour le septième ciel se trouve tardif voire inexistant. Car à l’heure où tout est facile, à l’heure où l’on peut regarder une quelconque vidéo dans son lit, sur la table de la cuisine ou en prenant sa douche ; à l’heure où l’on peut « zapper » n’importe quelle émission, film ou chanson qui nous agace, le théâtre se trouve être un amant bien exigeant. Il exige en effet de nous que nous restions assis, que nous regardions, que nous écoutions, que nous sentions ; en somme que nous soyons spectateurs. Le monde environnant nous pousse de plus en plus à atrophier certains de nos sens pour en surexploiter d’autres. Ainsi équipés, sans doute ne percevonsnous pas tout ce que nous devrions lorsque nous sommes face à un spectacle vivant, face à une pièce. Un « spectacle vivant » comme son nom l’indique, porte une forte valeur d’instantanéité. Alors, comme nous ne sommes pas en mesure, dans une salle de théâtre, de rembobiner, de mettre sur pause ou d’accélérer, nos cinq sens se doivent d’être à l’écoute si l’on veut pouvoir apprécier à son maximum le spectacle qui se déroule sous nos yeux. Simplement, il ne s’agit pas là d’une affaire conclue, car même une fois vos sens tout ouïs, vos mains accrochées aux accoudoirs, prêts à décoller… Catastrophe. Et si cela ne vous plaisait pas. Le théâtre est un amant aimant, mais comme dans beaucoup de relations partagées, ici avec les autres membres du public, il faut savoir faire des sacrifices ; car comme l’amour, le théâtre peut être frustrant. C’est ici qu’intervient la notion d’échange. Cet art du vivant dont nous parlons indique bien que performance et public partagent un même espace théâtral, ainsi qu’un même espace-temps. Ainsi, si votre amant aux rideaux rouges et aux planches de bois provoque en vous une quelconque émotion, plaisante ou déplaisante, il est de votre DEVOIR de l’exprimer, au nom de l’instantanéité qui caractérise votre relation. Etre disposé et à l’écoute, savoir recevoir et rendre, entretenir la communication et accepter certaines fois d’être frustré. Voilà somme toute une recette qui pourrait, le sait-on jamais, accroître ou tout simplement améliorer les visites rendues à ce cher amour de théâtre. Et surtout, n’oubliez pas de varier les plaisirs, car puisqu’on ne naît pas spectateur de théâtre, on le devient : il faut avoir la soif d’apprendre et de découvrir chaque jour de nouveaux terrains d’exploration. Voyez du classique, voyez du contemporain, du baroque, du conceptuel, du vaudeville, du mime, de la danse… Qu’importe ! Mais rendez visite, de temps en temps, à votre cher amant

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Fantasio Par Sophie Loup

Attention, réservez votre place à l’avance pour voir ce spectacle ! Dans le cas contraire, vous risquez de vous retrouver tout en haut du théâtre, près des haut-parleurs qui diffusent les bruitages. Et là, un léger manque d’articulation des acteurs et vous ratez les tirades. Vous verrez en plus les acteurs apparaître avant leur entrée en scène et les techniciens enlever leurs costumes, faisant disparaître l’illusion théâtrale. Ce qui serait vraiment dommage, car la mise en scène de Denis Podalydès est ingénieuse et permet au spectateur de rentrer dans l’ivresse de Fantasio au moyen d’un plateau tournant s’imposant dans la majeure partie de la scène. L’utilisation de musique et même du cinéma renforce une impression féerique qui devrait enchanter même les moins enthousiastes de théâtre classique. Fantasio est un jeune bourgeois, qui se fait bouffon du roi pour tromper son spleen et prendre part aux préparatifs du mariage de la princesse Elsbeth à sa façon, pour « sortir de [sa] peau pendant une heure ou deux ». Il est à la recherche d’une action qui lui donnerait sens. Le choix de faire interpréter ce rôle masculin par Cécile Brune ajoute au doute qui semble habiter ce personnage. Fantasio ne devient entièrement masculin que dans la scène finale

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Fantasio, pièce en deux actes d’Alfred de Musset. Salle Richelieu en alternance du 18 septembre 2008 au 15 mars 2009

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