Les bijoux de Tunisie, Jacques Perez

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Découvrir, évoquer, se souvenir d'un lieu, d'une culture, d'un voyage, d'une lumière...

sont les bijoux, nous avons souhaité éviter les vignettes froides et savantes des catalogues sur papier glacé, qui séduisent tant les «spécialistes».

c o l l e c t i o n R E G A R D

Pour ces objets chargés d’histoire et de passion que

porte ; l’œil qui survole l’ensemble, qui peut aller plus loin, fouiller, s’arrêter sur un détail. Du bijou le plus somptueux à la plus modeste des pendeloques, sans aucune hiérarchie, c’est le regard qui a été privilégié. Il en est tout autrement des textes, dus à la plume érudite et experte de l’ethnologue, qui a parcouru le

A paraître dans la même collection : • Sidi bou Saïd • Les Trésors de Carthage • Le Grand Sud • Les Cités de Marbre

pays pendant de longues années, en quête d’infor-

• La Médina de Tunis

mations captées à la source, dans la mémoire vive

• Kairouan...

de la tradition et de la culture. Un savant travail de documentation et d’identification a nourri la conception de ce livre.

Titr e pa r u : • Dar Al Kamila

Enfin, la rigueur de la mise en page - ne devrait-on pas dire de la mise en scène ? - donne à l’ensemble une progression visuelle à laquelle nous espérons que le lecteur ne sera pas insensible. DUNES ÉDITIONS 44, rue Daouletli. 1059 Tunis El Hafsia. Tunisie. Tél / Fax : (00 216) 71 554 259 GSM : (00 216) 98 934 615

LES BIJOUX DE TUNISIE

Ici, c’est l’œil vagabond de «l’amateur» qui l’em-

DUNES EDITIONS

LES BIJOUX DE TUNISIE c o l l e c t i o n R E G A R D DUNES EDITIONS


Jerba. Houmt Souk. Bijouterie

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inconnus dans le reste du pays, des éléments de bijoux de tempes identiques. La glada fom sïd, parure de poitrine «gueule de lion», existe en Libye comme dans l’oasis égyptien de Siwa. Il semblerait que, à l’origine, les mêmes bijoutiers travaillaient indifféremment dans les deux pays. Par la suite, les artisans fixés en Tunisie, tout en gardant les mêmes formes, en ont “tunisifié” la décoration. Un motif particulier, une technique différente, un tracé spécifique permettent

page de droite Jerba. Houmt Souk. Costume de cérémonie.

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en haut Tigar. Sahel 20e s. Argent. L. 33 cm.

à gauche Chayarat. Jerba 20e s. Argent doré et filigrané, corail. L. 26 cm. I.10,5 cm.

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les anneaux pour assembler les mains et les rosaces, les plaques ciselées et les croissants, qui forment les colliers et autres bijoux que les commerçants vendent à travers le pays. Les colliers perdent de leur légèreté. Seuls quelques cabochons de verre enchâssés sur les mains et les disques introduisent une note de couleur. D’aériennes et colorées, comme une broderie, les parures deviennent

Sodra. Jerba. Fin 19e s. début 20e s. Adaptation moderne. Argent doré, corail, lapis-lazuli, fils de couleur. L. 46 cm c

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lourdes, plus banales et moins diversifiées. Conçue par des orfèvres, la chairiya est un collier dont le nom dérive des éléments en forme de grains d’orge qui enserrent le cou et forment des pendeloques. Il consiste en une succession de mains et de croissants assemblés par des anneaux. Aucune perle n’égaie par son éclat ou sa couleur la masse d’argent doré qui enveloppe le haut du buste comme un plastron. De nombreux colliers faits sur le même principe par les orfèvres de Tunis, Sfax et Jerba sont vendus dans plusieurs villages du sud du


Charmoukh. Gabès 19e s. Argent massif. L. 56 cm. Fibules. D. 7 cm.

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Les Fibules Accessoires indispensables des vêtements drapés, les fibules, connues depuis l’antiquité, semblent avoir encore Kh' '1a tah.1 égion de Médenine. Début 20e s. Argent massif ciselé. D. 8 à 18,5 cm.

Comme par le passé, elles remplissent une fonction précise, qui est de retenir autour du corps les grands rectangles de laine, de soie ou de coton qui constituent les pièces maîtresses des costumes féminins dans de nombreuses régions du pays. Cependant, les spécificités régionales très marquées des costumes comme des bijoux tendent avec le temps à s’atténuer. Les modes locales deviennent régionales, sinon nationales. Ainsi les Gabésiennes, comme les femmes de Zarzis, ont délaissé depuis longtemps leurs lourdes fibules torsadées en argent massif, de près de cinq centimètres de diamètre, qui figurent parmi les plus beaux modèles de fibule connus en Tunisie. Les premières ont adopté les fibules à anneaux plats, munies d’une épingle à tête triangulaire, les secondes retiennent leur vêtement à l’aide de fibules en or à neuf carats, répliques sans caractère des anciennes, dont la beauté résidait justement dans la massivité de la forme.

Les villageoises du cap Bon, comme celles du Sahel et de la région sfaxienne, utilisent également des fibules rondes. Moins massives que les précédentes, leurs diamètres sont plus importants et leurs épingles plus longues. Portées par paires, reliées par une chaîne Détail de la liaison de l’épingle au corps de la fibule.


ci-contre Bracelet inspiré des h'a.u m de unis. 20e s. Argent doublé d’or, éclats de diamant. l.3 cm. D. 7 cm.

à droite dida. Bijou très répandu. unisie 20e s. r jaune et blanc massif ciselé. l. 1,9 cm. D. 7 cm.

a )ou6a. unis. Mahdia. 19e s. r, argent, ébène, éclats de diamant. l. 2 cm.D. 6 cm.

o.y s1diama)t . Mahdia 20e s. Argent doublé d’or, éclats de diamant. l. 3 cm. D. 6,5 cm.

arda. unis 19e s. Argent, or, émeraudes, diamants. l. 2,5 cm. D. 6,5 cm.

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Les Khomsa En milieu traditionnel, les menaces qui hantent le monde extérieur, identifiées ou non, mais toujours prêtes à surgir, préoccupent si profondément les esprits que rien n’est Le geste, la parole, et bien sûr le bijou, objet de convoitise pas excellence, conjuguent donc leurs pouvoirs pour détourner les maléfices que l’on peut prévoir et surtout ceux qui restent plus difficiles à débusquer. S’il était encore nécessaire de prouver la fonction protectrice «du beau que l’on porte sur soi», le bijou tunisien en fournirait une excellente démonstration. Dans les parures des Tunisiennes, tout renvoie à des symboles dont chacun s’accorde à penser qu’ils ont une fonction protectrice ; cela va de leur couleur, à la matière employée et à la forme des éléments qui les composent. La main, dite khomsa, que seule la voyelle de la première lettre différencie du chiffre cinq (khamsa), en est l’élément essentiel. La khomsa est le bijou tunisien par excellence. Sa valeur intrinsèque, associée à celle du chiffre cinq, lui attribue une capacité de protection à toute épreuve. Aussi est-elle présente en bijouterie comme en broderie, dans la peinture sur bois comme dans la céramique, ainsi que sur les encadrements de porte des maisons et des zaouias. Bien mise en évidence en milieu villageois ou rural, la khomsa se fait plus discrète dans le monde citadin, qui se targue de se libérer des superstitions mais sans toujours y parvenir.

Si, à Tunis, la khomsa est portée comme broche ou petit pendentif en argent et or incrusté de pierres précieuses, à Mahdia, à Gabès, dans l’Ouest et le Sud du pays, les mains constituent souvent l’unique ornement des parures ; les femmes les exhibent sur leur poitrine, non pas pour afficher leur Khomsa. Provenant d’une chaîne de poitrine. Mahdia 19e s. Argent filigrané. L. 8,5 cm.


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