Le marché Long Bien, marcher de nuit

Le marché Long Bien marcher de nuit

Artère principale du marché

AVANT-PROPOS

Ce rapport d’étonnement rentre dans le cadre du séminaire de master d’architecture délocalisé à l’Université d’Architecture d’Hanoï (HAU). Il mettra en avant une étude menée par la promotion de Master 1 de l’année 2022/2023 sur le fonctionnement et la compréhension d’un marché de gros : le marché nocturne de Long Bien à Hanoi. Abordée sous la forme d’un carnet d’étonnement, cette rédaction présente les diverses observations, constats et échanges effectués de 21h00 à 1h du matin le 3 novembre 2022.

Au cours de cette nuit, entre arpentage, observations et entretiens, nous nous sommes préalablement répartis en plusieurs équipes d’analyse en fonction de nos compétences et de nos envies: relevés spatiaux, observations photographiques et graphiques, entretiens, relevés sonores et visuels... D’une part, ce travail a pour objectif d’étudier et cerner le système complexe qu’est ce marché de gros. Les diverses approches choisies par chaque équipe a pour but d’avoir un regard plus large et plus global sur le fonctionnement et les subtilités de chaque composante qui constituent le système complexe du marché.

Cet exercice effectué en groupe est, d’autre part, une première approche qui facilitera le travail de recherche de chaque étudiant pour la rédaction d’un mémoire. La méthodologie choisie permet de savoir comment s’y prendre pour comprendre, analyser puis traiter les données récoltées d’un lieu précis. Les difficultés n’ont pas manqué. Elles concernent particulièrement la perturbation du fonctionnement de ce sytème par notre présence. Elles concernent également la communication avec les individus présents sur le site. Cette situation nous a obligé à se contenter d’autres modes de communications.

SOMMAIRE

SITUATION DU MARCHÉ

L’histoire du marché

Un rayonnement à plusieurs échelles Le marché de Long Bien en quelques chiffres

ANALYSE GRAPHIQUE DE L’EXISTANT

Plan des accès et circulations

Plan des types de ventes Plan des types de produits Relevés de deux points de vente

LES ACTEURS

La gouvernance du marché Portraits du marché

Les marchandises

UN MARCHÉ À DOUBLE VITESSE

Dynamique - moyens de déplacement des marchandises Statique - différentes installations de vente

LA SATURATION DES SENS

Accumulation et abondance

Lumière et obscurité

Les coulisses de Hanoi

Au rythme du marché

CONCLUSION

SITUATION DU MARCHÉ

L’histoire du marché

Lors de la consultation de différents ouvrages nous nous sommes retrouvés devant un manque de données historiques sur le marché Long Biên. Cette réalité s’explique par le développement tardif de ce lieu et en détachement de la ville marchande historique. Par l'analyse de cartes et les lectures on comprend que cette installation à eu lieu en même temps que la mise en place du Plan d'Aménagement et d'Urbanisme de Hanoi élaboré en 1992 par le NIURP (National Institute for Urban and Rural Planning).

Il est important de replacer aussi dans son contexte les deux infrastructures qui longent le marché : la digue routière et le pont Long Biên. Dans un premier temps, la digue est un élément structurant de la ville qui existe depuis les prémices de la construction de Hanoi. Cependant c’est un aménagement qui à subi de nombreuses modifications pour arriver à sa forme actuelle de “route digue”. Dans un second temps, le pont Long Biên permet de relier par voie ferroviaire la rive gauche et la rive droite de Hanoi. Anciennement nommé pont Paul Doumer, c’est le premier pont en acier de style Eiffel à traverser le Fleuve Rouge. C’est un lien de Hanoi vers la ville de Hai Phong et la Chine.

Pour parler de l’histoire actuelle du territoire où se situe le marché, c’est un lieu reconnu pour être mal fréquenté et présenté comme une zone problématique de Hanoi, selon les explications des Vietnamiens.

Carte de Hanoi de 1979 marquée par l’absence du marché Long Bien

Le marché Long Bien, situé à Hanoï dans le Nord du Vietnam est l’un des trois marchés de gros les plus important de la ville. Il ouvre ses portes de 21h à 5h chaque nuit.

Marché de Long Bien et les différentes zones d’importation de produits au Vietnam

Port de Hai Phong

Hanoi

Un rayonnement à plusieurs échelles

Tous les soirs se réunissent à Long Bien, des vendeurs venus des provinces voisines comme Bac Giang, Bac Ninh, Ha Nam, Phu Tho, et même d’autres districts en banlieue de la ville. D’après les entretiens effectués avec les commerçants, nous avons pu comprendre que les produits mis en vente venaient en partie du Port de Ho Chi Minh Ville, situé au Sud du Vietnam. Les marchandises y sont alors acheminées jusqu’à Hanoï, en passant par le port de Hai Phong, le port le plus proche sur la côte Est du pays. A l’échelle de la ville, le marché de Long Bien a une place majeure dans le commerce de la ville puisqu’il fournit jusqu’à 70-80% des fruits et légumes frais qui y sont vendus.

Le marché de Long Bien dans la ville de Hanoi

Marché Long Bien

Situé au nord-est de Hanoi, le marché de Long Biên se localise à la frontière entre trois quartiers : Ba Đình, Hoàn Kiếm et Long Biên. Également, il se situe à la limite, hors de la protection de digue qui entoure la ville. La délimitation formelle du marché qui avant était encadré dans des hangars s’étend aujourd’hui sous le pont Long Biên et derrière la digue. (voir photo ci-contre)

Le marché Long Bien et la digue de Hanoï

Marché Long Bien Districts de Hanoï Digue Zone inondable

Le marché de Long Bien en quelques chiffres

40 échoppes dans chaque allée

40 échoppes dans chaque allée

1 400 scooters par heure qui rentrent et qui sortent

1 400 Scooters par heure qui rentrent et qui sortent

3 à 4 personnes par échoppes

3 à 4 personnes par échoppes

Population variée avec autan d'hommes que de femmes, aucun rôle n'est genré

Aucun enfant, aucun visiteurs

Population variée avec autant d’hommes que de femmes, aucun rôle n’est genré Aucun enfant, aucun visiteurs

Surface de 25 000 m²

Surface de 25 000 m²

Horaire d'activité: 21h/5h

Horaire d’activité: 21h/5h

ANALYSE GRAPHIQUE DE L’EXISTANT

Plan des accès et circulations

L’entrée principale se trouve près d’un axe routier très fréquenté. La première porte est divisée en trois passages, en partie maîtrisée par des “gardiens”, régulant le flux et la circulation des camions chargés de marchandises. Piétons, scooters, camions... se partagent cette même entrée. Elle donne la vue directe sur la plus grande allée du marché, marquée par une arche indiquant le début du marché initialement encadré. Car en effet, les ventes vont au-delà des limites du site.

La partie très active se trouve cependant dans l’axe central. Le pont ferroviaire semble marquer une réelle limite physique, habité d’un parking figé, face à l’activité rythmée du marché. Cette partie était relativement sombre et beaucoup plus silencieuse, exclusivement réservée au transfert de marchandise (background).

Axe de stationnement

Entrée principale Structure d’entrée en pierre, trois ouvertures de passage Camions, voitures, scooters, piétons

Accès /axe camions

Allée principale

Axe camions, piétons, scooters

Axe livraisons scooters et chariottes Pont ferroviaire

Accès livraisons scooters et chariottes (parking camions sous pont)

Axe commerçant continu vers la ville

Plan des types de ventes

Ce lieu foisonnant d’activité semble tout de même reposer sur une certaine organisation spatiale, qui n’était pas forcément visible à première vue. En effet, le mouvement perpétuel des acteurs et la multiplicité des étals forme en ce lieu une unicité particulière.

Cependant, suite à nos observations, nous avons organisé sur un plan (redessiné) les différents types de ventes. Ils sont aussi le reflet de l’appropriation des Vietnamiens dans l’espace: les rues extérieures au marché sont occupées par des marchands, le vide sur site est beaucoup moins important car les ventes débordent sur les espaces de circulation.

Cela expose aussi les différentes temporalités liées aux commerce comme : la vente au camion, où l’on suppose un temps d’occupation limité et à contrario les box construits, où l’activité semble être permanente.

Vente au RDC des habitations Vente

Plan des types de produits

Les produits sont eux aussi organisés sur le site, selon leurs types. Nous avons tout de même observé une grande majorité de fruits à cette période de l’année.

Fruits

Bureaux

Fruits et légumes Objets divers

Fruits de mer Pont ferroviaire

Relevés de deux points de vente

Après avoir essayé de comprendre l’organisation du marché et les différents types de points de vente à grande échelle, nous nous sommes concentrés sur deux types de points de vente pour comprendre l’espace utilisé, leurs dimensions, ainsi que la relation de ces points de vente avec le reste de l’espace.

Relevé d’un box de vente et de son rapport à la rue principale du marché

Ce premier relevé s’effectue sur un bâtiment qui longe l’axe principal du marché. Celuici est une succession de petits stands (boxs) qui s’ouvrent sur la rue principale, sur un espace de trottoir de 2,5m de large, destiné uniquement à la vente et non pas à la circulation des piétons.

Les camions, les charrettes et les scooters chargés de marchandises roulent tout le long de la route, de façon un peu chaotique, à l’image de la circulation à Hanoï.

Les piétons, quant à eux, doivent également marcher sur la route tout en évitant les véhicules qui roulent assez rapidement pour une voie si concentrée en termes de flux d’individus.

Relevé d’un point de vente au camion

Ce deuxième relevé s’effectue sur un point de vente au camion. Comme dans le reste de Hanoï, le moindre vide ne reste jamais délaissé longtemps. À plusieurs endroits du marché, le vide est occupé par des camions ouverts pour vendre la marchandise stockée dans leur coffre.

Ce point de vente au camion est un espace assez vaste, tout de même, mais qui permet d’accueillir presque une quarantaine de camions, tous serrés les uns aux autres, limitant voire même empêchant les gens de pouvoir passer.

Peu d’accès permettent aux personnes de venir dans cet espace : seulement quelques petites ouvertures depuis les points de vente sous halle, ou alors un espace légèrement plus large entre deux camions pour que l’on puisse passer.

Là aussi, l’espace offert aux individus est assez étroit, et nous avons souvent l’impression de gêner le passage des scooters et des marchands.

Camion plein de marchandises, en attente d’un acheteur

LES ACTEURS

La gouvernance du marché

Un marché surveillé

Jusque dans les années 1980, le gouvernement à joué un rôle majeur dans la gestion de l’approvisionnement et de la distribution de produits alimentaires, pour ensuite laisser la place au marché privé. Les marchés de gros de Hanoi, dont celui de Long Biên, se sont développés de manière spontanée : vente de nuit dans des zones facilement accessibles. C’est d’ailleurs cette installation qui donne la réputation de marché «désorganisé».

La vente de légumes sur le marché Long Biên, s’organise selon la fragilité du produit. Tout d’abord le prix dépend de la disponibilité du légume selon la saison. Le prix augmente nettement entre juillet et septembre à cause des conditions climatiques qui rendent les produits périssables plus rapidement. Ensuite, la provenance des produits à un impact sur le lien vendeur-acheteur. Lorsque les produits périssent rapidement, par exemple sous 2 jours pour les légumes-feuilles, se sont des productions agricoles en périphérie de la capitale qui vendent leurs produits, en personne, directement sur le marché. Cependant, quand les produits sont acheminés de plus loin et donc moins périssables comme les tomates, c’est un système plus organisé. Les productions vendent plusieurs tonnes de légumes qui sont envoyés par camion quotidiennement et revendus par des grossistes sur le marché. La re-vente se fait auprès de clients réguliers demandeurs d’une certaine qualité, comme des restaurants, magasins. Le prix quant à lui n’est pas décidé par les vendeurs mais par un marché concurrentiel reprenant le système de l’offre et de la demande.

Pour les vendeurs, la position de leur stand dans le marché est importante pour la bonne vente des produits. Cette variable rend les parcelles plus ou moins chères à la location.

Portraits du marché

Nguyen Thi Thanh

Marchande de mains de bouddha, depuis 15 ans. Locataire avec un loyer de 5 000 000 d, situé à la rue perpendiculaire aux halles. Recette par mois : 5/10 000 000 d

La Marchande de mangues, depuis 18 ans. Situé devant la digue (extérieur).

Son

Marchande de fruits vietnamiens, en provenance de Saigon, depuis 30 ans. Locataire, situé dans la rue perpendiculaire aux halles. Recette par mois : 90/120 000 000 VND.

Thui Thi Thuy

Marchande de mangues, en provenance de Saigon, depuis 20 ans. Locataire avec un loyer de 15/20 000 000 d, situé sous la halle. Recette par mois : 30/40 000 000 VND.

Duong Giang

Marchande de pomelos, en provenance de Saigon, depuis 20 ans. Situé dans la rue perpendiculaire aux halles

Nguyen Duc Anh

S’occupe de la protection, de la sécurité et de la protection incendie Ses collègues et lui sont répartis en 3 équipes travaillant de nuit pendant 8 heures

Do Thi Ha

Marchande de pommes à sucre, depuis 10 ans.

Locataire avec un loyer de 10 000 000 d, situé sous la halle. Recette par mois : 30 000 000 d

Nguyen Tien

Marchande de noix de coco et de fruits cloche.

Locataire avec un loyer de 5 000 000 d, situé à la rue perpendiculaire aux halles. Recette par mois : 10 000 000 d.

Nous avons mené ces interviews comme une enquête nous permettant d’en découvrir plus sur le fonctionnement du marché. Elles nous renseignent sur le rôle de chacun, le voyage parcouru par les produits, ou encore les contraintes financières caractéristiques de la vie des marchands.

Les marchandises

Dans le marché, c’est la grande richesse des ressources qui favorise les échanges entre les différents acteurs. Chacun trouvera ce dont il a besoin.

Le parcours de la marchandise

Le marché de Long Bien est approvisionné par des camions qui suscitent chaque soir un va et vient permanent entre 22h et 2h00 du matin. Chaque soir arrive entre 200 et 300 tonnes de marchandises et représentent entre 70 et 80 pourcents de fruits et légumes frais vendus dans toute la ville et ses provinces avoisinantes.

Les transporteurs arrivent en camions qui sont déchargés à l’aide de chariots, qui vont ensuite approvisionner les étals des grossistes. Chaque course est payée entre 15.000 et 20.000 dongs. Par ailleurs, certains camions ne sont pas déchargés car la vente s’y effectue directement.

Pour finir, ce sont les marchands au détail ainsi que les commerçants qui viennent circuler dans le marché pour acheter des marchandises qu’ils revendront dès le levé du jour. Ils sont généralement véhiculés à moto ou en petits camions.

Au petit matin, les vendeurs payent les transporteurs et c’est à ce moment que l’on fait les comptes.

UN MARCHÉ À DOUBLE VITESSE

Dynamique - moyens de déplacement des marchandises

Modes de déplacements - Entre va et vient de camions de livraison, passage de charrettes poussées et tirées à la force des bras, et traversées de scooters débordant de la cargaison de fruits et de légumes. Dans ce dense mélange de flux, s’arrêter n’est pas possible sans gêner ni créer de blocages.

Statique

-

différentes installations de vente

Cependant de part et d’autre de ses axes de circulation, les stands de ventes sont posés et offrent un tout autre rythme à ce marché. C’est entre points de vente permanent, sous la halle, et temporaire, sous forme d’empilement de caisses de marchandise, de parasols et de chaises pliables, que nous pouvons nous éloigner du mouvement pour s’arrêter et dessiner un instant.

LA SATURATION DES SENS Accumulation et abondance

Dès que l’on s’infiltre dans le marché, on se retrouve cernés par une multitude de marchandises. La fascination de l’abondance et l’accumulation des produits concentrés dans cet espace donne lieu à un sentiment d’émerveillement. Notre champ de vision se voit limité par des tas de mollusques et des tours de cartons empilés. Nous essayons tant bien que mal de nous frayer un chemin. Les cris des commerçants se mêlent au bruit des klaxons tout autour de nous. En continuant la marche, le tamisage des coquillages, les glaçons dans les bacs de poissons, tout comme le fruit, à côté, qui vient de se faire couper, chacun à tour de rôle tente de se faire entendre. Tous essayent alors de dominer dans cet orchestre.

Notre promenade est rythmée par les couleurs qui composent le marché. Entre la vibrance des piments et l’éclat des barquettes de fruits, ainsi que la sobriété morbide des étals de poisson, ce nuancier vient nous surprendre.

Lumière et obscurité

Il y a comme un paradoxe dans ce marché de nuit car il est éclairé comme en plein jour.

En majorité la lumière est blanche et sert principalement à éclairer les produits mis en vente. Ces photos illustrent certaines ambiances lumineuses, fréquentes ou exceptionnelles que l’on peut retrouver au sein de ce marché.

Les coulisses de Hanoi

C’est dans ce marché que nous avons mis les pieds Loin des rizières et de la Lotte; C’est ici que l’on vient marchander fruits et légumes qui ont voyagé.

Il n’a fallu faire qu’un seul pas Pour sentir cette atmosphère, Si particulière.

Nos cinq sens étaient bouleversés, le sol était sale, Nous ne savions plus où mettre les pieds.

Ca sent mauvais, c’est ce que l’on répétait; Malgré l’odeur, les aliments paraissent appétissant Sans doute car la lumière les rendait resplendissants.

Le raffut était continu, C’est dans ce marché Que nous nous sommes perdus.

Au rythme du marché

Cette vidéo, (accessible grace au QRCode ci-contre) retrace les différentes particularités sonores du marché de Long Bien. On y retrouve la forte présence des klaxons ainsi que le bruit des moteurs, les discussions et le déplacement des charrettes. De manière générale, c’est le mouvement qui génère une multitude de bruit qui s’assemble continuellement pour former un gigantesque fond sonore. Certains bruits sont continus et d’autres viennent ponctuer cette mélodie omniprésente qui nous enivre et nous suit toute la nuit.

CONCLUSION

Nous avons découvert à travers l’exploration du marché de Long Bien un lieu singulier tant par le caractère pérène de son installation, proche du pont historique que par le grouillement interne qui le caractérise. En effet, les nombreux passages des véhicules et des chariots animés par les livreurs, acheteurs et vendeurs sont des sources d’innombrables bruits et odeurs imprégnant la nuit calme de la ville endormie. En parallèle, tout un étalage de marchandises est organisé en véritables rues éclairées comme en plein jour. Leur stabilité est renforcée par les boxs de stockage qui offrent aux vendeurs un moment de répit propice à la somnolence. La double-vitesse est le cœur même de l’organisation parfois difficile à déceler de ce système complexe dont le réseau étend ses racines jusqu’au port de Saigon pour certains produits. C’est au fil des heures et des renouvellements de marchandises passant de fruits et légumes aux fruits de mer, jusqu’aux fleurs, que l’activité atteindra son apogée.. Et déclinera lentement au lever du jour, s’endormant doucement pendant que la ville se réveille.

Le marché est par définition un « lieu public, couvert ou en plein air, où se tiennent toutes sortes de marchands qui exposent et vendent des denrées alimentaires, des articles de bazar et des objets d’usage courant. » (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, Lexicographie marché)

Au Vietnam, la frontière entre public et privé peut parfois paraître floue, conséquence en partie d’une appropriation de l’espace et du lien étroit entre commerce et habitat dans un même lieu de vie.

Les limites du site s’animent à la même allure que le marché, son influence va en effet au-delà de ses frontières. Les rues extérieures se remplissent de camions de marchandises, scooters, piétons, les marchands se positionnent le long des axes, faisant un lien continu avec le quartier. Cette appropriation des rues fait la transition avec le quartier et ses commerçants. Elle donne aussi au marché un caractère plutôt accessible à première vue, ouvrant ses portes vers la ville. Nous avons chacun pu remarquer différents types de marchés à Hanoï (halle permanente avec tranche horaire, marché de rue …) et à la différence des autres, le marché de gros de Long Bien ne laisse pas beaucoup de place aux « flâneurs ». S’adressant principalement à des professionnels, on ressent la pression du temps, dans un rythme de flux très soutenu.

L’espace a ainsi le caractère public d’un marché, ouvert sur l’extérieur. L’activité, au contraire, montre vers quels types d’acteurs le marché se tourne.

LES APPORTS

L’étude du marché de gros nocturne de Long Bien est enrichissante sur de nombreux points.

En effet, celle-ci nous a donné l’opportunité de mettre en pratique les outils appris lors de notre formation d’architecte dans un contexte nouveau, tant par sa temporalité (la nuit), que par l’environnement dans lequel il est situé (la ville d’Hanoï, au Vietnam).

Tout d’abord, la temporalité dans laquelle s’inscrit ce travail nous a permis d’en apprendre plus sur la ville d’Hanoï, par le contraste entre la vie de quartier pendant la journée et pendant la nuit. Nous sommes arrivés dans un endroit complètement calme et presque désert à l’exception de ce marché, où l’agitation offre un paradoxe des plus étonnants. Le flot incessant de centaines de véhicules et les interviews menées auprès de nous aide à comprendre l’importance de cet endroit dans le fonctionnement général de la ville. Plus largement, cela nous a renseigné sur l’importance de lieux de commerce comme les marchés dans les grandes métropoles comme la ville d’Hanoï.

Par la suite, le travail sur les différents usages du marché en interne a été un apport avant tout sur la culture et les pratiques vietnamiennes. Une impression de toujours gêner le passage de la circulation aussi dense que dans les rues d’Hanoï en plein jour nous a incitée à nous déplacer et arpenter le lieu. Cette pratique s’est avérée très utile pour comprendre le fonctionnement interne de ce système complexe tant les mobilités sont variées. Effectivement, nous avons pu observer un contraste entre les camions apportant les marchandises au sein du marché et les livreurs les déchargeant, tirant leur carriole à pied.

Quant au scooter, nous avons encore une fois constaté son importance dans la culture vietnamienne. Que ce soit pour vendre, acheter, livrer, il est omniprésent. Nous avons dû nous immiscer, nous glisser, nous adapter à cette agitation pour établir des relevés et établir les plans principaux du marché. Par ailleurs, les ambiances singulières du marché générées par ses différentes temporalités, rythmes, sons et odeurs ont imposé une mobilisation de nos cinq sens afin de pouvoir capturer sous un angle sensible ce qu’est le marché de Long Bien. Nous avons joué avec les lumières se détachant sous le fond nocturne, nous nous sommes intéressés à la population locale en essayant de deviner le rôle de chacun. Tout cela a favorisé l’immersion dans l’atmosphère du lieu et contribué à trouver des méthodes pour la décrire par le dessin, la photographie ou encore les enregistrements audio et vidéo.

Pour finir, ce travail nous aura donné l’occasion de collaborer en groupe. Nous avons pu établir des méthodologies pour réussir à travailler ensemble et en apprendre plus les uns des autres, autant sur les compétences de chacun que sur le plan humain. La répartition en petits groupes chacun spécialisé en une représentation différente (croquis, photographies...) a permis à chacun d’exprimer le plus efficacement possible sa compréhension du lieu.

Aussi, le partage de ce travail entre les étudiants vietnamiens et français a non seulement aidé à surmonter la barrière de la langue sur le marché et, par conséquent, pu apporter de précieuses informations, mais aussi apporte une expérience unique et enrichissante aidant à développer un regard critique, une curiosité et une ouverture d’esprit, nécessaires au métier d’architecte et chercheur.

BIBLIOGRAPHIE

Sauvegarde et développement du patrimoine de Hanoi et Hué, document UNESCO, 1994

Hà Nôi, future métropole : rupture de l’intégration urbaine des villages, Sylvie Fanchette, 2015

“L’Urbanisme Hydraulique de Hanoi”, mémoire réalisé par Oopatham Ratanasupa, 2010.

“Organisation et efficience des marchés de légumes approvisionnant Hanoi (Vietnam)”, par Paule Moustier, Isabelle Vagneron, Bui Thi Thai, 2004 Pour en savoir plus

- “Paul Doumer : aux origines d’un grand projet, le chemin de fer transindochinois”, Histoire, économie & société, revue 2011/3, Armand COLIN, 2011

Ce travail à été réalisé par les M1 de l’HAU, 2022-2023

Son Bau Maxime Bourgade

Victor Briand Anouck Cortial Tessa Esnault Lucie Hauquin Alicia Hurtaud Elisa Moyen Lilas Nung Chau Pham Marine Rosaire Clémence Rouaire Cameron Strachan

Viet Anh Tran Ludmilla Wsevolojsky

Avec l’encadrement de Luc Gwiazdzinski, Nguyen Minh Phuong et Pijika Pumketkao

Le carnet d’étonnement consiste à éprouver et retranscrire notre immersion collective dans un territoire urbain.