Villes de papier et ville capable - Ludivine GAY

ENSA Nancy 2018-2019 Master Architecture, Ingénierie & Environnement Mémoire de fin d’études Date de soutenance : 05-06-2019 Jury soutenance : Jade Berger, Adrien Marchand et Emma Swarb Directrices de mémoire : Jade Berger & Emma Swarb

Villes de papier et ville capable Ludivine Gay

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Villes de papier et ville capable

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ENSA Nancy 2018-2019 Master Architecture, Ingénierie & Environnement Mémoire de fin d’études Date de soutenance : 05-06-2019 Jury soutenance : Jade Berger, Adrien Marchand et Emma Swarb Directrices de mémoire : Jade Berger & Emma Swarb

Villes de papier et ville capable Ludivine Gay

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Villes de papier et ville capable

AVANT-PROPOS

A l’origine de ce mémoire, il y a une réflexion sur une nécessité de revenir à des modes de vie plus simples, peut-être plus vertueux vis-à-vis de l’environnement et de l’humain. Ce questionnement m’a amenée à m’intéresser aux villes du passé, afin de comprendre leur fonctionnement et leur organisation.

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En effet, au cours de ces 4 années premières années d’étude qui m’ont été dispensées par l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy et l’Université Nationale Autonome de Mexico, j’ai eu l’occasion de suivre un grand nombre de cours différents, que ce soit dans le cadre de l’atelier de projet ou dans d’autres formes d’enseignement. Cela m’a permis explorer de nombreux sujets, notamment l’histoire de l’architecture et l’urbanisme ; deux domaines d’étude qui ont attisé ma curiosité vis-à-vis de la question de l’aménagement de la ville et plus précisément de la ville durable. L’apprentissage conjoint de ces deux branches de l’architecture m’a donné les bases de recherche pour le sujet de ce mémoire, à savoir les villes de papier et la ville capable.

Avant-propos

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidée à la rédaction de de ce mémoire.

Tout d’abord, mes remerciements vont à mes référentes pour ce travail, Emma Swarb et Jade Berger, pour leurs conseils avisés et leur grande disponibilité.

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Je souhaite également remercier mes parents et mes frères qui ont toujours su me pousser dans la bonne direction et pour le temps consacré aux relectures attentives. Un grand merci à Arthur Schmidt, pour les discussions constructives, les encouragements tout au long de ce travail et l'aide à la mise en page.

Remerciements

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SOMMAIRE

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Introduction

p. 8-13

Partie I Partie II Partie III Partie IV

p. 15-33 p. 35-57 p. 59- 85 p. 87-119

Conclusion

p. 120-125

Bibliographie

p. 126-127

Table des illustrations

p. 128-133

Table des matières

p. 134-135

Index

p. 136-137

Glossaire

p. 138-139

Table des annexes

p. 140-141

Annexes

p. 142-155

Sommaire

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Villes de papier et ville capable

INTRODUCTION

Apparue il y a à peine un quart de siècle, l’idée de développement durable a connu une diffusion sans précédent alors que l’urbanisation n’a jamais été aussi forte à l’échelle de la planète. Les villes d’aujourd’hui soulèvent de nouvelles problématiques quant au devenir de nos sociétés et de notre relation à l’environnement. La notion de développement durable offre de nouvelles perspectives d’actions basées sur le long terme.

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Si la notion de développement durable est relativement récente, l’idée qu’elle défend est pourtant plus ancienne que ce que l’on pourrait croire. Dès le 18ème siècle, des courants tels que le naturalisme appellent à prendre en considération l’épuisement des ressources naturelles et la nécessité de préserver l’environnement. Ce n’est qu’à partir des années 19701que la notion prend de l’importance. Il devient plus qu’évident que les activités humaines et la croissance démographique vont à terme avoir des effets irréversibles sur l’environnement et plus globalement sur la planète, donc sur nos sociétés, d’une part, parce que ces dégradations sont de plus en plus visibles, mais aussi parce que le grand public commence à prendre conscience de l’urgence de la situation. En 1987, le concept de développement durable apparaît pour la première fois sur le plan international dans le rapport Our common future, plus connu sous le nom de Rapport Brundtland publié par la Commission Mondiale sur l’environnement et le développement2. Ce rapport définit le développement durable comme « […] un développement qui assure la satisfaction des besoins essentiels des membres des générations actuelles, et tout particulièrement des plus démunis d’entre eux, tout en sauvegardant la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ». De cette définition est née la très célèbre représentation schématique en trois piliers de la notion de développement durable qui se définit par des enjeux sociaux, économiques et écologiques.

Ce n’est qu’en 1992 que le développement durable est promu comme l’une des premières préoccupations mondiales lors de la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement de Rio de Janeiro avec la signature de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement et l’adoption de L’Agenda pour le 21ème siècle, dit Agenda 213.

Naissance du concept de développement durable dans les années 60 ; dans GAUZIN-MÜLLER Dominique, Architecture écologique, Editions Le Moniteur, 2001, 250p.

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Le rapport Brundtland est le nom communément donné à une publication, officiellement intitulée Notre avenir à tous (Our Common Future), rédigée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies ; dans COMMISSION MONDIALE SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT, Rapport Brundtland (Our common futur), Editions Volker Hauff, 1987, 383p.

2/

Agenda 21 : L’Agenda 21 est un plan d’action pour le XXIème siècle adopté par 120 chefs d’État lors du sommet de la Terre à Rio de Janeiro en juin 1992 ; Action 21, in Nations Unies Développement durable. Disponible sur : <https://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/> (page consultée en mars 2019).

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Introduction

Peu à peu les pouvoirs politiques et la société prennent conscience de l’urgence à la fois écologique et sociale, appuyée par un élan médiatique fort.

Crises du XXème siècle ; BERSTEIN Serge, Histoire du XXème siècle, la fin du monde européen, Tome 1, Editions Hatier, 2014, 501p. et BERSTEIN Serge, Histoire du XXème siècle, le monde entre guerre et paix, Tome 2, Editions Hatier, 2014, 501p.

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L’Association SUDEN 7 a été créée en mars 2004 par des partenaires du projet européen HQE²R sur l’intégration du développement durable dans les projets d’aménagement et de renouvellement urbain et définit le développement durable : « Le développement durable urbain pose comme hypothèse que la ville a certes besoin d’un développement économique mais que celui-ci doit être mené en respectant les critères du développement durable pour chacun de ses piliers : équité sociale, qualité environnementale, préservation des ressources et du patrimoine, cohérence des territoires. Faute de quoi le développement économique sera contre-productif et la ville n’atteindra pas ses objectifs de cohésion sociale et de qualité de vie indispensable pour son( l’)attractivité (de la ville). En clair, le défi des politiques de développement durable urbain est d’introduire dans la ville la négociation, la concertation, la discussion entre les différents acteurs sociaux, économiques, défenseurs de l’environnement et du cadre de vie pour rendre durable un développement qui aujourd’hui ne l’est pas » 5/

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Le maillage urbain quant à lui, connaît un développement exponentiel à partir de la deuxième moitié du XXème siècle qui va profondément modifier sa morphologie. La croissance de l’espace urbain est transformé par la rapidité de son évolution : les technologies, politiques et économies connaissent des mutations qui vont fortement influencer le développement de ce territoire, remettant en cause toute son organisation. Les villes sont de plus en plus divisées, sur le plan spatial comme sur le plan social, la forme urbaine émergente est celle d’un pôle urbain rayonnant sur une constellation de pôles secondaires et sur une périphérie étendue, principalement de faible densité.

Aujourd’hui, on assiste à de nouveaux phénomènes, une gentrification des centres-villes qui s’opère parallèlement à une périurbanisation de plus en plus importante, faisant disparaître l’opposition historique entre ville et campagne; entraînant le développement de flux migratoires et un morcellement du territoire induit par l’omniprésence des infrastructures de transports, la monofonctionnalité et la segmentation sociale des espaces engendrent une dégradation de l’espace public dans sa conception originelle4. La confrontation entre le caractère non-durable des tendances actuelles d’urbanisation a entraîné une réflexion sur des formes urbaines tendant vers un idéal environnemental, social, économique et politique5. C’est ainsi qu’est née la notion de ville durable, dont la définition reste floue. La ville durable est un projet et ne peut se comprendre en dehors de son contexte. La ville durable pourrait être définie comme une volonté de réappropriation des intentions du développement durable au sein d’un projet politique et collectif à une échelle locale.

Cette perspective nous confirme que la ville et donc l’urbanisme doivent constituer des champs d’action privilégiés pour la concrétisation du développement durable. La ville est l’échelle d’action prioritaire dans la mesure où, d’ici 2050, les trois quarts de la population mondiale devraient vivre en ville6.

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Malgré le caractère exceptionnel de la crise sociale et environnementale que nous vivons aujourd’hui, il est possible de retracer des schémas de bouleversements semblables au cours de l’Histoire qui vont stimuler l’imaginaire des concepteurs de l’espace urbain7.

Le XIXème siècle fut le théâtre de nombreux troubles politiques, économiques et sociaux. Suite à la révolution industrielle, la ville est plongée dans la fumée des industries qui la cernent, les conditions de vie deviennent insupportables, entraînant de multiples revendications sociales et la remise en question de l’organisation citadine.

Quelques décennies plus tard, les deux Guerres Mondiales et la grande crise économique de 1929 font de la première moitié du XXème siècle une période de stagnation des villes, ouvrant cependant le champ à une réflexion théorique : après les dégradations de cette période troublée, l’espace urbain amorce sa reconstruction. La société est à la recherche de nouveaux modes de vie, sans compter que la mécanisation et le développement de la machine offrent de nouvelles possibilités d’aménagement de la ville qui prend de la hauteur et de la vitesse.

Ce n’est qu’à de la partir deuxième moitié du XXème siècle que la ville est marquée par une vague de reconstruction massive, ouvrant le champ à de nombreuses réflexions théoriques8. L’urgence de la situation domine alors sur une remise en cause du système de grands ensembles mis en place pour la reconstruction massive des villes. Cependant, à la fin des années 1950, le développement urbain entame un processus d’accélération qui bouscule l’urbanisme avec l’émergence des banlieues. Les années 1960 marquent alors un nouvelle réflexion théorique face à cette expansion des villes, apportant de nouvelles propositions d’organisation de la ville, liées à une volonté de rompre avec les conventions et les normes établies.

Ces multiples périodes de crise ont ouvert des réflexion théoriques sur la ville, permettant aux architectes et urbanistes d’imaginer de nouvelles cités révolutionnaires, proposant des modèles d’organisation radicaux, s’intégrant dans une restructuration quasi-totale de la forme urbaine. Ces besoins à la fois sociaux, économiques et politiques ont poussé des architectes de ces différents périodes à redéfinir un nouvel environnement urbain. Ils s’inspiraient de l’idée que les villes nécessitaient une reconstruction radicale et complète afin d’enrayer non seulement la crise urbaine mais aussi la crise sociale de leur époque.

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Ibid 4/

8/ Réflexions théoriques sur la ville idéale ; DE MONCAN Patrice, Villes rêvées, Editions du Mécène, 1998, 191p.

Introduction

Les architectes travaillaient sur des modèles de ville, c’est-à-dire sur des plans reproductifs et adaptables à grande échelle. Ces modèles se déploient dans l’imaginaire, il s’agit d’images de la ville future, auquel on donnera le nom d’utopie.

Attribuée à Thomas More, la recherche de la cité idéale remonte à l’Antiquité.

De tout temps, les hommes ont cherché à construire la ville idéale, prenant la forme d’utopies urbaines. Ces utopies sont parfois métaphore spatiale de la société idéale ou à l’inverse, espoir qu’une organisation urbaine nouvelle aura une influence sur la société, les manières d’habiter, … La ville utopique incarne donc, la plupart du temps, la description idéalisée de l’organisation sociale, économique, politique et environnementale d’une société humaine.

L’utopie, telle que définie par Thomas More9 au XVIème siècle, offre un idéal sans lieu réel, il s’agit de la conception d’une cité sans ancrage dans la réalité spatiale du monde.

Thomas More : personnage historique anglais du XVème siècle, inventeur du concept d’utopie ; MORE Thomas, Utopia, 1516 .

10/ Michel Foucault : philosophe et psychologue français ; FOUCAULT Michel, Dits et écrits 1984, Des espaces autres (conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967), in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, p. 46-49.

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Villes de papier et ville capable

Cependant, de nombreux penseurs, architectes et urbanistes ont pensé la ville idéale par rapport à un espace réel et concret, en s’inspirant des villes de leur époque. Nous parlerons ainsi de villes de papier, que l'on définira comme étant des villes imaginées par des architectes ou des penseurs ayant couché leurs idéaux sur papier. Nous utiliserons le terme de Ville de papier car, même si certains principes ou certaines caractéristiques ont pu être réalisés, il s'agit de villes qui n'existent qu'en plan, en image ou en description sur du papier.

Ces villes dépassent l'utopie définit par Thomas More puisqu'elles s'inscrivent dans la réalité à la fois temporelle mais aussi physique du monde et de leur époque ; elles sont ancrées dans un espace géographique réel.

Dans ce travail, nous utiliserons donc cette notion de ville de papier, restreignant nos recherches aux utopies de plusieurs architectes dont certains principes ont pu être réalisés, allant ainsi au delà du concept utopique. Les utopistes qui seront étudiés formulent leurs propositions à différentes périodes du XXème siècle, marquées par des crises et mutations de leurs sociétés respectives.

Nous choisirons de nous intéresser au XXème siècle car c’est une période qui a subi de nombreux troubles politiques, économiques et sociaux, ce qui a entraîné de très nombreuses remises en question et donc une très grande production intellectuelle et théorique d’un point de vue de l’urbanisme et de l’architecture.

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Nous nous intéresserons donc à différentes villes de papier, en France, en Angleterre et aux Etats-Unis, ce choix s’est fait par rapport à l’intérêt de la proposition théorique, sa qualité, et la quantité de documents disponibles.

Nous nous intéresserons plus particulièrement aux Cités Jardins de l’inventeur britannique Ebenezer Howard datant de 1898, aux travaux sur la ville de Paris, théorisés dans les années 1920 par Le Corbusier, ainsi qu’à Broadacre City de l’architecte Frank Lloyd Wright, développée dans les années 1930. Nous étudierons également les travaux du groupe d’architecte anglais Archigram, avec la Plug in City, imaginée au début des années 1960 et laVille spatiale de l’architecte utopiste Yona Friedman développée à la fin des années 1960.

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Toutes ces solutions urbaines inscrites dans un imaginaire concret proposent des principes ré-adaptables à différentes échelles, à une multitude d’espaces et à des sociétés distinctes. Les utopies sont des modèles de ville, à l’image de la notion de ville durable qui énonce des préceptes à suivre afin de révolutionner la ville. Les villes de papier nous donnent des visions, des axes à suivre pour améliorer la qualité de vie, espérant influencer la société et les manières d’habiter. D’une certaine manière, les villes de papier développent des principes qui s’apparentent à ceux recherchés par la ville durable.

Nous allons articuler ces utopies avec des villes actuelles qualifiées de durables par leurs administrations respectives, Rennes, Totnes et Chicago. Le choix de ces trois villes s’est fait, à la fois car elles étaient spatialement cohérentes vis-à-vis des utopies choisies mais également car elles sont de 3 échelles totalement distinctes, nous permettant de faire une analyse comparative des villes de papier théoriques et des villes existante aujourd'hui qualifiées de durables par l'opinion publique.

Nous allons, dans un premier temps, comparer les utopies entre elles, d’un point de vue politique, économique, social, de la mobilité, du logement, etc.

Pour cela, un tableau sera réalisé, permettant d’organiser les différentes visions théoriques des architectes. En parallèle, un second tableau sera réalisé, dans lequel nous allons effectuer la comparaison des trois études de cas selon des critères hérités de l'analyse de nos villes de papier.

Introduction

Pour cela, un travail de recherche a été préalablement effectué afin de constituer une base d’analyse commune qui nous permettra de mettre en transparence cas d’étude et villes de papier sur plusieurs thèmes de recherche définis, en tâchant de comparer les préceptes utopiques à la réalité de la ville durable "physique" soumise à des contraintes économiques, politiques et sociales. Cela nous permettra de dégager les principaux préceptes présents dans les villes du XXème siècle et dans les études de cas. À la dénomination de ville durable aux préceptes flous difficiles à appliquer, nous préférerons celle de ville capable donnée par Cyria Emelianoff. Ici, la ville est capable, capable de se maintenir dans le temps. Car c’est bien le projet de la ville d’aujourd’hui. Une ville capable implique des changements des pratiques urbanistiques. Cette ville doit offrir une qualité de vie, impliquant l’émergence de nouvelles proximités, de nouveaux modes de gouvernance et d’inclusion ainsi qu’un rapport entre l’Homme et la nature différent. La ville capable redéfinit la place du logement, des équipements, afin d’amener de la mixité fonctionnelle et ainsi redéfinir la place des transports dans la ville. La proximité doit s’organiser en réponse aux problèmes liés à l’hypermobilité, qui aujourd’hui est souvent contrainte. La ville capable introduit un projet collectif de développement local auto-soutenable, induisant ainsi un développement équitable sur un plan écologique et social, vis-à-vis du territoire et d’un contexte global. Il s’agit à la fois de réduire les inégalités sociales et les dégradations écologiques, en considérant les impacts du développement urbain à différentes échelles.

11/ Cyria Emelianoff : géographe, maître de conférences à l’université du Maine (Le Mans) française ; EMELIANOFF Cyria, L’Information géographique 2007/3 (Vol. 71).

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Ainsi, nous allons analyser les principes des villes de papier afin de comprendre s’ils s’agissaient de préceptes capables et de dégager ceux qui pourraient nous aider à réinventer un nouvel urbanisme. Dans un premier temps, nous analyserons l’organisation spatiale de ces villes idéales, puis les modes de gouvernance et d’inclusion mis en place. Enfin, nous nous intéresserons à l’émergence de nouvelles proximités dans les villes idéales et pour finir nous comparerons, dans une dernière partie, les principes dégagés dans les hétérotopies permettant de nourrir les réflexions actuelles sur l’urbanisme, en nous aidant des trois villes définies précédemment comme études de cas. Face à ces constats, nous tâcherons de dégager une réponse à la problématique suivante : En quoi les villes de papier du XXème siècle étaient-elles des villes

capables et comment ces préceptes permettent-ils de réinventer l’urbanisme d’aujourd’hui ?

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Partie I

I/ ANALYSE DE L’ORGANISATION SPATIALE DES VILLES DE PAPIER DU XXÈME SIÈCLE

Les inventeurs choisis ont enrichi l’urbanisme de leurs contemporains, par la richesse de leur production et la qualité des principes mis en oeuvre dans les villes idéales qu’ils dépeignent. Au cours de ce travail, nous étudierons certains principes mis en oeuvre dans ces villes de papier pouvant avoir une influence positive sur les pratiques d’aménagement urbain actuelles vers un urbanisme capable.

L’analyse de l’organisation spatiale des villes idéales du XXème siècle va nous permettre de déterminer les échelles d’analyse et d’en dégager les principes d’aménagement : forme, nombre d’habitant, et grands préceptes suivis pour mettre en place la ville de papier. Ces villes idéales seront présentées dans un ordre chronologique, mais aussi regroupées selon les périodes de crises auxquelles elles correspondent.

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1/ Un aimant qui redéfinit l’idéal de la ville

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Ebenezer Howard est un théoricien britannique du début du XXème siècle, personnage renommé pour l’influence durable qu’il a exercé sur la conception des villes. Il est en effet à l’origine des Cités Jardins, bien que le modèle que l’on connaît aujourd’hui soit bien différent de son concept originel. Howard imagine la Cité Jardin selon un modèle culturaliste, c’est-à-dire qu’il utilise des références des villes du passé pour créer un futur urbain. Il veut créer un projet cohérent de nouvel environnement et de nouvelle société.

Cité Jardin Pour Ebenezer Howard, la conception théorique des Cités Jardins est de marier la ville à la campagne. Le contact avec la nature doit être la base de la vie quotidienne. Les villes de son époque sont surpeuplées, sales et mal organisées en raison des industries qui nuisent à leur qualité d’usage, quand la campagne est un terrain vierge de toute pollution humaine. Il s’agit donc selon lui du terrain approprié pour une nouvelle société, il est nécessaire pour lui de bâtir ces nouvelles civilisations dans une campagne non-polluée. Afin de créer ses Cités Jardins, le concepteur s’est imaginé insérer tout ce qu’il y avait de bon dans la société de son époque dans de nouvelles communautés.

L’objectif étant, comme dit plus haut, de marier ville et campagne12. D’après ses observations, la ville et la nature sont faites pour que l’être humain puisse en profiter en même temps. La séparation traditionnelle de la ville et de la campagne ne doit plus exister, il est temps de créer une ville alliant les deux afin d’offrir un cadre de vie agréable aux citoyens.

12/ Cité Jardin ; HOWARD Ebenezer, Les Cités Jardins de demain, Paris : Editions Dunod,

1969, 121p.

Partie I

Fig. 1. Diagramme des 3 aimants / E. Howard

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Howard imagine alors le diagramme des trois aimants (Fig.1), lui permettant d’associer les avantages de la vie en ville et à la campagne au sein d’une troisième catégorie à laquelle il donnera le nom de Cités Jardins : une ville autonome sur le plan géographique même si elle reste attachée par un système routier à d’autres villes. Dans ce diagramme, il expose le fait qu’en ville, l’air est empli de fumée, de nuisances sonores et olfactives et qu’il existe bien trop d’endroits sordides et misérables. Rappelons que Howard grandit dans la banlieue londonienne et observe l’évolution industrielle de la capitale et l’exode rural qui vont l’amener à s’interroger sur le devenir des villes modernes. C’est ici l’organisation spatiale des villes de son époque que Howard critique. Les villes asphyxient, la surpopulation et le manque d’espaces verts en sont les causes.

Villes de papier et ville capable

Afin de solutionner ces problèmes d’insalubrité et de surpopulation, Howard ne propose pas qu’une idée théorique de ce que devrait être la réunion de la ville et de la campagne. Il s’est appliqué à réaliser des plans très précis de ce qu’il nomme les Cités Jardins de demain. Il dessine un plan d’organisation spatiale permettant d’associer les bienfaits de la campagne avec les avantages de la ville héritée de son diagramme des trois aimants. Ce plan se présente sous une forme circulaire (Fig.2). Toutes les fonctions que l’on peut trouver dans une ville de son époque se retrouvent à l’intérieur de ce cercle. La forme circulaire géométrique est un atout pour Howard puisqu’elle permet une utilité, une efficacité et une commodité optimales. Le plan qu’il met en place est découpé en circonscriptions, qui correspondent chacune à une part de ce plan circulaire.

Howard crée 6 circonscriptions partagées par des boulevards de 36m de large.

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Fig. 2. Plan des villes « Sans taudis et sans fumée » / E. Howard

Les 6 avenues arborées qui divisent la ville rayonnent à partir du centre de la cité qui se présente sous la forme d’un parc. Autour de ce parc, en cercles concentriques, se trouvent les infrastructures publiques et la zone dédiée au commerce, le marché. La grande avenue, qui concentre les infrastructures publiques telles que les écoles, les lieux de pouvoirs, la bibliothèque, etc., est circulaire et permet de faire la liaison entre les différentes circonscriptions.

Chacune d’entre elles, comptant 5500 habitants, peut être indépendante, c’est cela qui fait la force du projet de cet utopiste. Selon lui, cette nouvelle cité ne devrait pas dépasser les 32.000 habitants, car au-delà de ce chiffre, ses espoirs de société fondée sur la coopération ne pourraient être atteints13. Howard dessine un plan à la géométrie très stricte au sein duquel il est possible d’imaginer 6 quartiers possédant leurs propres écoles, commerces,et institutions fonctionnant indépendamment les uns des autres.

Le long de la grande avenue, on trouvera la zone d’habitation, puis, toujours placées de façon circulaire, les industries qui prennent la forme d’une ceinture autour de laquelle vient s’insérer le chemin de fer. La ville est ensuite entourée de vastes étendues de champs cultivés par des fermiers vivant dans la communauté. Dans cette vision d’une cité nouvelle, le parc est placé au premier plan, au centre même de la ville, ce qui prouve encore une fois la volonté tenace de l’utopiste quant au retour de l’homme à la nature.

13/ Cité Jardin ; HOWARD Ebenezer, Les Cités Jardins de demain, Paris : Editions Dunod,

1969, 121p.

Partie I

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Pourtant, dans sa théorie d’une ville idéale, Howard ne donne aucune orientation d'aménagement tenant compte des réalités d'un environnement architectural : l’aspect patrimonial et naturel. Pour lui, la seule façon pour l’homme de construire cette ville agréable est de la créer sur une campagne vierge de toute intervention humaine. La géométrie formelle qu’il imagine ne peut être integrée à un tissu urbain existant ; il s’agit de la limite évidente de cette ville de papier, l’utopiste propose un modèle nouveau et révolutionnaire, cependant, il ne peut être installé que sur un terrain vierge, plat et sans éléments existants. En un sens, la recherche absolue d'autonomie qu'affiche les Cités Jardins de Howard est une entrave pour son modèle : comme énoncé précédemment, ces principes s'intègrent difficilement à un environnement physique car il ne tiennent en compte d'aucun paramètre environnemental - la gestion des vents, ou la topographie par exemple - et humain - la présence d'un tissu urbain préexistant -, mais l'autonomie recherchée va de pair avec une limite de développement de ces villes. Ce modèle va à l'encontre d'un modèle évolutif, incapable de croissance sociale, urbaine et économique au delà de son gabarit final.

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2/ La machine au service de la ville

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Le Corbusier et les membres des Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM), après Tony Garnier, apparaissent comme les auteurs les plus représentatifs des approches progressistes. Plusieurs critères déterminants distinguent les deux modèles naturalistes et progressistes : la temporalité, le rapport à la technique, le lien à la nature ou encore la structure sociale. Ainsi, Le Corbusier propose un projet de rénovation du centre de Paris, prônant l’utilisation de la machine à l’avantage de l’Homme, et mettant en application ses idées développées pour la Ville Contemporaine de trois millions d’habitants14.

Fig. 3. Vue perspective de la Ville Radieuse / Le Corbusier

Frank Lloyd Wright, architecte américain, s’interroge à partir de 1931 sur le devenir des grandes villes de son époque. Sa proposition défend un modèle économique, social, politique, radicalement différent de celui en cours dans son pays. Il dessine ainsi sa ville idéale, Broadacre City Usonia, en réponse à ses interrogations sur le devenir de la campagne, des paysages, et l’uniformisation des modes de vie à la suite de l’industrialisation massive des villes15.

Plan Voisin et Ville Radieuse ; LE CORBUSIER, Manière de penser l’urbanisme, nouvelle édition, Genève : Editions Gonthier, 1963, 198p.

15/ Broadacre City ; WRIGHT Frank Lloyd, The Art and Craft of the Machine, National League of Industrial Art, mars 1902, 112 p.

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Partie I

Plan Voisin et Ville Radieuse Le Corbusier formule des principes fondamentaux d’urbanisme qui définissent les règles du jeu pour la Ville Radieuse (Fig.3). La construction d’un environnement dans lequel l’homme, la nature et la machine seraient réconciliés est la solution pour une cité idéale. Pour ce faire, Le Corbusier souhaite remplacer les villes existantes, tout comme Wright, que nous étudierons par la suite. Malgré cela, leurs visions sont pratiquement opposées. L’architecte d’origine suisse voit en l’industrialisation une possibilité de créer des villes basées sur de nouvelles formes de communautés, et explique que la restructuration spatiale de la ville est la clef à une ère d’harmonie et de beauté. La ville de l’avenir serait une cité planifiée, à la fois dans son organisation spatiale et dans son centre administratif. Au contraire de Wright, Le Corbusier souhaite densifier les villes, et recréer des super-centres urbains, afin de réconcilier l’homme et la nature. Le Corbusier conçoit un environnement complet, afin de répondre aux mauvaises conditions de vie et à l’insalubrité des grands centres urbains déformés par les reconstructions hâtives d’après guerre.

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Construire un environnement dans lequel l’homme, la nature et la machine seraient réconciliés nécessite une planification globale et précise de la nouvelle ville. Le Corbusier fait de la symétrie son outil contre les cités désorganisées par l’arrivée des industries. Dans cette nouvelle cité, tout doit être planifié.

Ainsi, l’architecte opère une distinction analytique des fonctions qui sont ensuite localisées dans différentes zones de la ville. La conception de la Ville Radieuse se base sur plusieurs principes, outre la symétrie extrême, la ville sera dense et basée sur un système de grands parcs (Fig.4). Son urbanisme s’appuie sur une densité très importante grâce à de nombreux gratte-ciels occupés par la population de la cité et de nombreux équipements. Les buildings sont comme plantés au milieu d’immenses parcs structurant la ville. Au centre, se trouvent les gratte-ciels abritant le centre d’affaire de la ville contemporaine, le cerveau de la région et le siège naturel du pouvoir. Les prouesses techniques de son époque lui permettent d’imaginer cette ville qui se vit à la verticale.

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La cité est organisée selon les fonctions des bâtiments, les logements, l’industrie, les bureaux, etc. Tout est classé au sein de la ville, la zone d’affaire se situe au centre, les logements en périphérie et la place de l’industrie n’est pas précisée par l’architecte, bien qu’il souligne son existence au sein de la cité. La gare trouve sa place au centre, elle est entourée de 24 gratte-ciels d’acier et de verre de 60 étages chacun. Le Corbusier imagine pour cette nouvelle ville un centre urbain dense et développé où l’homme aurait des conditions de vie idéales.

L’architecte dresse ses tours au milieu de parcs, si bien qu’elles n’occupent que 15% du centre d’affaire, l’espace libéré au sol accueille des parcs, des jardins et des installations de loisir16. Le gratte-ciel représente plus d’espace utile qu’un bâtiment ancien d’après Le Corbusier, et cela permet aux hommes de profiter à la fois d’un centre urbain efficace et naturel.

Le Corbusier propose une restructuration massive de la ville dans ces villes de papier, pour installer les buildings et le plan d’une extrême symétrie qui forment sa ville idéale, une grande partie de la ville existante doit être détruite.

L’architecte imagine son utopie à Paris, dans une ville très dense au bâti très ancien, un bâti qu’il souhaite supprimer pour y construire des tours et mettre en place une cité hyper planifiée où toutes les voies se croisent à angle droit.

Si l'impact du tourisme n'avait que peu d'incidence sur le mode économique à son époque, son essor à permis un développement économique conséquent de certaines métropoles, dont Paris. La question de la destruction d'un patrimoine profitable fragilise aujourd'hui largement sa proposition.

Ville Radieuse ; DE MONCAN Patrice, Villes rêvées, Editions du Mécène, 1998, 16/

191p.

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Fig. 4. Plan de la Ville Radieuse / Le Corbusier

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De plus, dans cette ville de papier, Le Corbusier sépare les fonctions d’habiter, de loisir et de travail, donnant lieu à des déplacements pendulaires, vecteurs de nuisances écologiques.

Mais ce modèle va aussi à l'encontre du développement du secteur du travail actuel, qui tend plus à une valorisation du temps libre de ses acteurs par des activités diverses, citons par exemple les géants de la sillicon valley, qui mettent en place des infrastuctures de travail jallonées d'activités pour pourvoir à l'épanouissement de leurs salariés et augmenter ainsi leur productivité. Si ce modèle de travail fait figure d'exception, son efficience incite aujourd'hui de plus en plus d'entreprise à reconsidérer la gestion de leur ressource humaine. Cette dissossiation des secteurs du travail et du loisir forme ainsi une limite à la modernitée de la Ville Radieuse.

Villes de papier et ville capable

Broadacre city

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Fig. 5. Plan de Broadacre City / F.L. Wright

Pour Frank Lloyd Wright, la conception théorique de la ville de demain est très différente de celle de Ebenezer Howard. Selon lui, l’Homme ne peut profiter de l’âge de la machine tant qu’il vit en ville, autrement dit; l’ère de l’industrie n’apporte rien à l’homme tant que celui-ci ne s’affranchit pas de la ville.

Wright défend une décentralisation radicale, autant du point de vue politique et économique que spatial. Il préconise alors l’urbanisation de la campagne de façon clairsemée, la ville doit se fondre dans la nature environnante. Bien qu’il rejoigne l’idée de Howard du retour de l’homme à la nature, l’architecte est beaucoup plus radical. Wright a un immense respect envers la nature et la campagne, c’est pour cette raison qu’il imagine un environnement travaillé par l’homme qui se fond dans la nature elle-même, tel un élément organique qui se déploie dans la campagne. Le contact entre les hommes et la nature doit se faire dans le respect le plus total, les éléments bâtis doivent disparaître dans leur environnement. Wright ne conçoit pas uniquement un nouveau type de ville, il imagine une cité extensible, car à y regarder de plus près, on s’aperçoit que sa volonté d’urbanisation de la campagne de manière clairsemée peut s’étendre à l’infini. De cette volonté naîtra l’idée de Broadacre City, une ville imaginée par l’architecte dont le plan prend en compte les contraintes naturelles du site, une nécessité absolue pour Wright (Fig.5).

Frank Lloyd Wright imagine une ville décentralisée avec Broadacre city, il souhaite affirmer un changement nécessaire par rapport aux villes de son époque. Les conditions de vie dans les grandes agglomérations se dégradent, il y a de plus en plus de pauvreté, les habitants ne sont même plus capables de s’offrir un logement, seuls certains riches propriétaires bénéficient encore de cette chance. La plupart des citoyens sont locataires, c’est pour cette raison que Wright souhaite redonner le droit à la propriété à travers Broadacre city17. Il dessine un plan ouvert, permettant l’implantation de nombreuses habitations.

Ce sont les routes qui définissent le plan en damier, mais la principale particularité de cette proposition hétérotopique est l’absence de centre. Effectivement, la ville n’a pas de centre, il s’agit là d’une des grandes volontés de Wright vis-àvis de la société de son époque. L’objectif est de créer une société de citoyens indépendants géographiquement, dans un tissu ouvert de fermes disséminées dans la campagne.

Broadacre City ; FISHMAN Robert, L’utopie urbaine au XXème siècle, Liège : Pierre Mardaga Editeur, 1979, 207p.

17/

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La composante principale de son projet est l’unité agricole, qu’il décide d’éparpiller dans la campagne. Les institutions, les industries et les édifices commerciaux sont eux aussi disséminés dans la nature. Ce sont les routes qui relient tous les points d’intérêts. Ainsi, l’organisation de la ville imaginée par Wright s’appuie avant tout sur la machine et l’utilisation des nouvelles technologies imaginées par l’Homme pour se déplacer, les voitures, les hélicoptères ou les avions privés, permettant ainsi une mobilité rapide et efficace.

Le modèle proposé par Wright présente une densité d’habitat très faible, car il a choisi, pour sa ville de papier, de créer un plan dirigé par les voies de communications ; les maisons individuelles sont dispersées dans la campagne américaine. La ville est basée sur les routes, la circulation automobile, et le transport individuel, ne donnant que très peu de place aux connexions et aux interactions sociales. Ce modèle va à donc l'encontre des problématiques d'étalement urbain et de rationnalisation des mobilités, mais on peut aussi critiquer un manque de diversité architecturale dans une ville qui serait une campagne infinie; les varations typologiues apportant une richesse aux espaces urbains.

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3/ La ville en mouvement

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Archigram est un groupe d’architectes anglais composé de Warren Chalk, Dennis Crompton, Peter Cook, David Greene, Michael Webb, Ron Herron et Peter Taylor. Le groupe plonge dans la culture pop pour inventer des villes de papier où l’individu retrouve son indépendance. Le collectif publie une revue du même nom de 1961 à 1970 qui s’attaque aux conventions en adoptant un ton ironique.

Yona Friedman, architecte et théoricien d’origine hongroise, devenu français en 1964, exprime très vite sa vision de l’architecture et de l’urbanisme, mais aussi celle de la société. Il anticipe, dès les années 1950, la plupart des mutations que le monde traverse actuellement : surpopulation, crise environnementale, bouleversements politique, etc... Il va alors proposer des solutions, de plus en plus réalistes et réalisables. Friedman prône l’autonomie et l’épanouissement de l’individu et défend, entre autres valeurs humanistes, l’autogestion, la mobilité, le recyclage et la réversibilité. C’est ainsi qu’en 1958, dans son essai L’architecture mobile, Yona Friedman propose une architecture pensée par ses habitants et transformable à l’infini.

Fig. 6. Dessin-collage de la Walking City / Archigram Partie I

Plug-in City, Living City et Walking City Le groupe Archigram formule les principes d’une architecture qui se veut mobile. Ils ont une foi inébranlable en la ville vivante. Leur revue vient questionner la culture de consommation qui est à l’œuvre dans les années 1960. La ville devient pour eux un terrain d’expérimentation, qu’ils vont représenter sous la forme d’images s'inspirant du courant Pop Art. Selon eux, et plus particulièrement pour Peter Cook, la mobilité de l’architecture est essentielle, car la vitalité de la ville vient des mobilités. La ville est consommatrice et est habitée par des consommateurs, la société est en constante évolution, c’est pourquoi le bâti doit s’adapter à cette nouvelle manière de vivre. Archigram remet en question l’attachement au sol (Fig.6), le groupe prône en effet une déterritorialisation ainsi qu’un mouvement perpétuel des villes. Le groupe d'architectes imagine une ville dont l’extension serait infinie, un ensemble ouvert caractérisé par sa mobilité, sa flexibilité, et sa stratification. Archigram propose une vision idéale d’une ville mouvante, redonnant aux individus une cité à l’organisation spatiale se voulant capable de satisfaire leurs besoins de consommateurs.

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Le principe de base de la ville proposée par le groupe anglais s’inscrit parfaitement dans le prolongement de leurs réflexions. Il s’agit de créer une mégastructure qui pourrait potentiellement se placer au-dessus de n’importe quelle ville. L’objectif du collectif d’architectes est d’adapter la ville et les bâtiments à la société de consommation, et pour cela, les architectes repensent la ville comme une denrée périssable. Ils créent alors une mégastructure uniforme et continue s’étendant au-dessus de la ville. Cette structure supporte à elle-seule toutes les installations de l’habitat mais aussi tous les moyens de transport les desservant. La mégastructure, faite de béton, est la plateforme fixe où viennent s’attacher les éléments modulaires métalliques amovibles. Ainsi, Archigram propose des bâtiments périssables et évolutifs sur un interface fixe, des habitats de consommateurs adaptés à la société des années 1960. La ville devient alors une superposition de strates, d’éléments modulaires, rattachés à une structure fixe les distribuant (Fig.7).

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Fig. 7. Dessin-collage de la Plug-in City / Archigram

Plug-in City ; COOK Peter dans GUIHEUX Alain, Archigram, Editions du Centre Pompidou, 1994, 223p.

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Le groupe Archigram conçoit sa ville comme un organisme vivant pouvant se mouvoir, et chaque élément présent dans une cité classique est présent et facilement accessible pour l’habitant. La ville s’échelonne sur de nombreuses strates, dans lesquelles il est possible de retrouver tous les équipements nécessaires à la vie et aux loisirs. La clé de la vitalité de la ville se trouve dans le mouvement perpétuel. Pour rendre ce mouvement possible, Archigram écrit que les « communications, services et équipements doivent constituer une sorte de substrat au-dessus duquel la ville se déploie »18. Cela signifie que les différentes strates sont organisées de telle sorte que tous les niveaux sont connectés entre-eux. Les circulations sont intégrées au sein des bâtiments de la structure, permettant une totale liberté de mouvement et des « tubulures » distribuent les flux et les marchandises. L’idée est que les fonctions essentielles des différentes parties de la ville puissent circuler entre elles. Archigram imagine donc des villes mobiles, mouvantes, imaginées pour une société d’échanges, rapide et éphémère, capable de s’adapter aux besoins des habitants.

Si les différents modèles de Archigram sont extrêmement novateurs, ils reposent sur des principes techniques utopiques, faisant appel à des moyens collossaux. Au delà de l'utopisme d'un tel modèle, ces supertructures mobiles feraient appel à une telle quantité de ressources et d'énergie pour leur production et leur subsitance, qu'elles seraient difficilement imaginables avec les contraintes d'un monde limité en ressources. Ce modèle, presque industriel, s'oppose à beaucoup de critères favorisés par l'urbanisme durable qui privilégie une rationnalisation de la consommation, avec des matériaux à faible impact environnemental par exemple. D'un autre coté, nous pouvons aussi critiquer ce modèle de densité, dans lequel on imagine difficilement l'épanouissement de l'individu. La production de Archigram semble plutôt favoriser l'idée de la ville comme un organisme, et semble donc favoriser l'épanouissement de cette entitée au profit de celui de l'individu. Ici nous retiendrons l'aspect critique sociétal développé dans cette ville de papier.

Il nous semblerait possible que cette proposition fasse part d'un modèle critique du consumérisme croissant de la fin du XXème siècle, mêlée à des propositions très intéressantes sur des questions d'architecture et de mobilité.

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Ville Spatiale

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Yona Friedman pense, lui, que l’utopie prend naissance au sein d’un groupe organisé, rassemblé sur un même territoire : la ville. Pour l’architecte, la ville relève plus d’une organisation que d’un territoire habité. Il défend l’autonomie et l’épanouissement de l’individu par son autogestion, la mobilité et la réversibilité des objets et des habitants de la ville. L’utopiste imagine un urbanisme spatial, poussé par la volonté de la libération d’un maximum d’espace au sol.

Yona Friedman souhaite que les constructions touchent le sol en une surface minimum, afin d'accroître les potentialités des habitants, à la fois dans leur cadre domestique mais également dans les espaces communs qu’ils partagent.

Cela induit alors des possibilités infinies de mobilité sociale. Pour Friedman, la ville s’installe sur la ville, il propose des principes d’urbanisme appelant à la réversibilité des objets, c’est-à-dire que la ville est capable d’évoluer dans le temps, mais il sème aussi l’idée du recyclage des ressources, faisant de sa ville idéale une ville durable. L’architecte crée une idéalité de la ville qu’il transmet aux habitants dans un manuel leur permettant de s’affranchir de la nécessité d’un architecte. Yona Friedman pense que les individus doivent eux-mêmes imaginer leur habitat, leur ville, afin de retrouver leur liberté individuelle.

Cette volonté de faire participer l’habitant à la construction de son habitat l’a mené à imaginer la Ville spatiale dans laquelle les individus de la communauté décident de l’organisation de la ville. Friedman propose une mégastructure, de la même manière que le groupe anglais Archigram, cependant, il s’agit ici d’une ossature vide sur pilotis capable d’accueillir différents aménagements urbains. L’urbanisme est ainsi tridimensionnel, puisqu’il prend la forme d’une structure surélevée à 35m au-dessus du sol par un système de pylônes. Cette ville spatiale pourrait se déployer au dessus de n’importe quelle ville. L’architecte Yona Friedman crée une organisation tramée prenant la forme d’un damier possédant toujours le même nombre de cases vides. Ainsi, malgré la superposition avec la ville existante, chacun profite du même rapport à l’environnement. La ville imaginée par l’utopiste prend la forme d’un pont habité, tramé par un système de cases dans lesquelles les habitants viennent aménager leurs habitats et équipements, et venant se superposer à un environnement construit (Fig.8).

Fig. 8. Dessin-collage de la Ville Spatiale / Y. Friedman Partie I

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Yona Friedman souhaite laisser le maximum de liberté à chaque individu, si bien que la Ville Spatiale qu’il imagine est pour lui la résultante de l’action combinée de l’architecte et des habitants. Ce sont les usagers qui choisissent et définissent les fonctions qu’ils souhaitent voir se développer à l’intérieur de cette ossature vide. L’objectif est de superposer les différents usages, ces villes-ponts ignorent la saturation de l’urbanisme passé (Fig.9). On branche sa maison à l’ossature composée de cases vides ou pleines, les cellules habitables ne sont pas toujours les mêmes. L’architecture mobile imaginée par Friedman, logée dans une mégastructure, est démontable et transformable à l’infini, selon les souhaits et les besoins des habitants19.

La dépendance à une structure politique donnée peut donc se lire comme une critique de la ville spatiale de Friedmann puisque la dite structure est théorique et dépend de la stricte égalité et entente des individus qui la compose. On ne peut que spéculer sur l'efficacité d'un tel système, mais la radicalité politique qu'il affiche s'oppose avec la réalité du monde actuel. Dun point de vue économique par exemple, il est difficile d'imaginer une telle structure sociale avec un système capitaliste de croissance économique.

Partie I

Fig. 9. Dessin de principe de la Ville

Spatiale / Y. Friedman

Ces villes de papier du XXème siècle dont nous venons d’étudier et de critiquer l’organisation spatiale et les principes conceptuels témoignent de bouleversements radicaux des modes de vie à des moments de crises sociales ou de progrès technologiques qui vont permettre aux architectes de réinterroger la ville.

Ebenezer Howard, Frank Lloyd Wright, Le Corbusier, Archigram et Yona Friedman ont, à eux cinq, fortement influencé l’urbanisme actuel au travers de leur oeuvre architecturale, à la fois sur le plan théorique et sur le plan pratique.

Pourtant, certains principes énoncés par ces architectes dans leurs modèles utopiques restent des pistes qui pourraient encore nourrir nos réflexions vers un urbanisme durable.

19/ Ville Spatiale ; FRIEDMAN Yona, Utopies réalisables, Paris : Union générale d’éditions,

1975, 309p.

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II/ MODES DE GOUVERNANCE ET D’INCLUSION

Dans leurs projets de villes idéales au XXème siècle, les architectes se sont questionnés sur la place des pouvoirs politiques, l’organisation économique mais aussi la situation de l’individu au sein de la société. Ainsi, certains principes qu’ils prônent dans leurs théories sont des préceptes de la ville durable et font des villes qu’ils proposent des modèles pour nos métropoles actuelles. Il est possible de dégager dans les villes de papier du XXème siècle des principes communs entre chacunes des théories, qui sont ici regroupés dans de grandes thématiques à plusieurs échelles. Ainsi, chaque paragraphe traitera d’une thématique récurrente chez les inventeurs en détaillant uniquement les villes idéales les plus intéressantes vis à vis du thème abordé.

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1/ Une politique et une économie locales favorisant l’autonomie à l’échelle de la ville Politique locale

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Fig. 10. Dessin du rôle d’une ville / Y. Friedman

L’idée forte que l’on peut retrouver chez Howard, Le Corbusier et Friedman est la dimension restreinte de la ville. Pour les trois inventeurs, cela est nécessaire au bon fonctionnement de la cité. Ebenezer Howard propose une ville qui ne dépasse pas les 32 000 habitants alors que Le Corbusier imagine une métropole de 3 millions de citoyens. Cependant, dans les deux cas, l’objectif est de préserver un dimensionnement raisonnable afin que l’organisation politique, économique et sociale de la ville soit performante.

Howard repense l’urbanisme en réponse à l’insalubrité et aux conditions de vie dans les villes de son époque, c’est pour cette raison qu’il développe cette théorie d’une cité aux dimensions restreintes. Cela apporterait selon lui une organisation plus aisée à la ville, permettant la mise en place d’une politique locale et non dictée par un pouvoir supérieur. La taille de la ville de Howard est idéale pour mettre en place un système politique local qui amoindrirait l’effet de dominance des mégalopoles sur les villes de taille moyenne. Howard imagine un réseau homogène de ses Cités Jardins, leur permettant d’affirmer leur autonomie et d'équilibrer ainsi leur développement politique20.

Selon Friedman, la société ne peut fonctionner que si le groupe de personnes la composant est relativement restreint, car sans cela, il devient impossible de prendre une décision et de créer une civilisation égalitaire. Yona Friedman, défend l’idée d’un consentement collectif, c’est à dire que chaque citoyen doit connaître les options et informations relatives à une prise de décisions au sein

Politique locale ; FISHMAN Robert, L’utopie urbaine au XXème siècle, Liège : Pierre 20/

Mardaga Editeur, 1979, 207p.

21/ Politique locale ; FRIEDMAN Yona, Utopies réalisables, Paris : Union générale d’éditions, 1975, 309p.

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de la ville. Tout comme dans l’urbanisme de Frank Lloyd Wright, les pouvoirs politiques et administratifs ne prennent que très peu de place dans sa vision de l’urbanisme idéal. La société doit être égalitaire pour les hommes et hiérarchique vis-à-vis des objets, c’est ici la volonté de Friedman, qui imagine les citoyens chercher et décider ensemble des solutions à leurs besoins et à leurs problèmes21 (Fig.10).

Les principes énoncés par les architectes sont difficilement applicables dans notre société actuelle dans laquelle tout est interconnecté. Aujourd’hui, en raison de la mondialisation, les villes ne fonctionnent plus seules ; or les villes de papier se heurtent à la problématique du maintient d'entités politiques autonomes dans un équilibre économique et politique global. L'autonomie souhaitée peut alors apparaître comme contraignante aujourd'hui dans un réseau déjà installé et efficient. Ainsi, sans un retour à un mode de vie plus simple, dans lequel l’Homme limiterai ses besoins et rationnaliserait sa consommation, il est difficile de redonner de l’autonomie aux villes.

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Economie locale Aux yeux de Howard, l’économie doit être locale, la cité doit être autonome, en étant capables de subvenir aux besoins de tous les citoyens. Les citoyens ont la possibilité de travailler dans des entreprises privées ou publiques, dans le domaine de leur choix, ou encore en tant d'agriculteur saisonnier dans des exploitations agricoles, si bien que chacun est libre d’adopter l’activité qui lui convient. Cependant, les habitants produisent tous des biens de consommation qui sont directement vendus au centre de la cité, dans le Crystal Palace, et alimentent également les Cités Jardins alentours.

En effet, Ebenezer Howard imagine des Cités Jardins installées sous la forme d’une constellation interconnectée (Fig.11), grâce à laquelle la mise en place d’un système économique autonome à l’échelle de la ville et entre les villes est possible. Les marchandises circulent entre les Cités Jardins au moyen d’une voie ferrée et à l’intérieur de la ville par le biais de voies alimentant directement le centre-ville et le marché. Howard souhaite développer un circuit court de production et de distribution des biens, favorisant une économie locale.

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Fig. 11. Plan des villes « Sans taudis et sans fumée » / E. Howard

Wright va encore plus loin en proposant une ville où les habitants seraient dépendants de leur propre unité familiale et dont l’économie est totalement indépendante. Il imagine une société totalement décentralisée où les institutions sont distribuées à travers la campagne. Ce schéma permettrait selon lui une totale autonomie vis-à-vis des autres cités et d’une indépendance économique à l’échelle d’un pays. L’architecte imagine une société de petits fermiers indépendants, chacun produit alors tout ce qu’il est en mesure de produire, en fonction de la main d’oeuvre et du terrain qu’il a à sa disposition. Les citoyens subviennent ainsi à leurs propres besoins en consommant leur production et peuvent également revendre l’excédent dans de petites coopératives dispersées à travers la ville.

La mise en place de circuits courts de production favorisant une économie plus autonome, voire plus locale, est compliquée à mettre en place dans les mégapoles actuelles puisque celles-ci ne bénéficient pas ou très peu d’espaces de production qui permettraient d’alimenter la ville. L'autonomie si recherchée est alors étroitement liée au progrès technologique, nous ramenant à l'éternel paradoxe du progrès, comme démontré par .... dans sa conférence Why technology cant save us. L'auteur y explique et démontre que la résolution technologique d'un problème amène à la création d'une multitude d'autres problèmes. De cette façon, afin de donner la capabilité aux villes de produire les ressources dont les citoyens ont besoin, il serait nécessaire de trouver de nouveaux espaces de production mais aussi de générer des circuits courts, c’est à dire que la production de la ville servirait pour les habitants de celle-ci et non pour l’exportation. Ainsi, toute la complexité de la question de l'autonomie alimentaire doit être traitée avec une harmonie de nos progrès techniques, aujourd'hui nécessaires au vu de la densité de nos espaces urbains, et d'une rationnalisation de ces moyens pour permettre de mettre en place des dispositifs durables.

Indépendance des villes et des hommes

Indépendance des villes et des hommes ; FISHMAN Robert, L’utopie urbaine au XXème siècle, Liège : Pierre Mardaga Editeur, 1979, 207p.

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Aujourd’hui, on observe que l’interdépendance entre les villes génère des déséquilibres entre les mégapoles et les petites villes à tous les points de vue : géographique, économique, qualitatif… Les utopistes du XXèmes siècle semblent ainsi valoriser une ville autonome. Pourtant si la ville doit être indépendante, les hommes doivent l’être également.

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C’est pour cette raison que Howard souhaite créer des Cités Jardins qui fonctionnent en réseau22, c’est-à-dire des villes de même envergure qui seraient en relation les unes par rapport aux autres, mais de manière égalitaire et homogène. De cette façon, les cités ne dépendent pas les unes des autres ou d’un pouvoir supérieur, elles obtiennent une sorte d’autonomie, à la fois politique, économique et sociale. L’autonomie de la Cité Jardin passe par une économie locale composée d’une classe de fermiers et entrepreneurs indépendants. Le contrôle de la distribution des marchandises se fait par le Crystal Palace, le marché entourant le parc central de la cité.

Howard défend l’idée qu’une grande ville ne peut accueillir une civilisation coopérative comme il l’imagine. Il prône l’aménagement de petites communautés décentralisées, facilitant ainsi une économie et un projet politique local.

De la même façon, Yona Friedman imagine une ville égalitaire, où chacun participe à la politique et à l’économie de la cité. D’après lui, la solution est d’impliquer les citoyens dans les prises de décisions, afin d’obtenir une démocratie directe qui favoriserait l’autonomie des villes et la vie en communauté.

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La mise en réseau des villes existe déjà actuellement, cependant il ne s’agit pas de villes de la même envergure puisqu’il s’agit de villes existantes qui se sont développées au cours des siècles et qui de ce fait sont très différentes, d’un point de vue morphologiques comme démographique. Or, Howard, lorsqu’il imagine les Cités Jardins en réseau, il s’agit de nouvelles villes créées sur la campagne vierge, donc qui sont égales dès l’origine, dès leur création. Dans le système actuel, il y a toujours une sorte de dominance des villes de grandes dimensions sur les villes de tailles moyennes, ainsi l’autonomie et l’indépendance prônées par les utopistes sont difficiles à atteindre.

Des villes autonomes évoquent également une grande complexité juridique, économique et politique. D'un point de vue plus contemporain, l'autonomie des villes n'est plus envisageable suite à l'emergence de l'internet vers la fin du XXème siècle. Les réseaux dématérialisés ont tissé une toile infinie de connections entre les êtres humains, à la fois bénéfique et perverse, mais attachant l'Homme à une connection intellectuelle constante avec le reste du monde.

Ainsi, il est légitime de s'interroger sur le devenir des connections immatérielles si une autonomie physique de la ville était atteinte.

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Ainsi, ces utopistes valorisent un partage équitable des ressources à la fois matérielles mais aussi les connaissances, rendant leurs systèmes attractifs et très égalitaires. Ce schéma s’oppose fortement au schéma réel, qui favorise souvent la concentration de l’intelligentsia dans les mégapoles générant des inégalités dans le partage des connaissances. Les inventeurs avaient déjà, au XXème siècle, imaginé des solutions aux problèmes politiques, économiques et sociaux en proposant une gestion beaucoup plus locale de l’urbanisme et en renforçant l’autonomie de la ville de manière à donner de l’importance à des institutions à l’échelle de la cité.

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2/ Un projet politique collectif basé sur une vie en communauté Organisation en communautés autonomes

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Nous avons pu observer l’attachement de nos utopistes à la mise en place d’un projet politique collectif à l’échelle du quartier ou de la communauté.

Howard réfléchit particulièrement à la question de la collectivité. Tout dans son dessin de la Cité Jardin amène à une vie en collectivité. L’utopiste souhaite créer une communauté organisée en circonscriptions, qui seraient des parts égales du plan circulaire qu’est la Cité Jardin. Pour lui, il est nécessaire que les circonscriptions soient autonomes, tout comme la ville l’est également.

Chaque portion de la cité est une ville en soi et dispose de tout le nécessaire pour se développer et prospérer sans dépendre des autres circonscriptions.

L’autonomie est également très importante pour Yona Friedman qui développe sa propre image d’une ville basée sur les relations humaines. L’architecte Friedman définit cela comme la clé, l’unique solution de développer une communauté égalitaire entre les Hommes. Il imagine des communautés formées par des groupes de personnes capables de prendre des décisions ensemble au sein d’une société basée sur l’indispensabilité de chaque individu.

C’est une réponse également proposée par Le Corbusier qui crée dans la

Ville Radieuse des unités d’habitation permettant la mise en place d’une vie

de communauté au sein de chaque tour, amenant une autonomie à l’échelle d’une collectivité d’individus23. Chaque unité d’habitation est composée d’un ensemble de personnes partageant des espaces mis à leur disposition et les habitants de ces blocs de logement vivent au sein d’une communauté (Fig.12).

23/ Organisation en communautés autonomes ; LE CORBUSIER, Vers une architecture, 3ème édition (1ère édition en 1929), Paris : Edition Flammarion, 1995, 253p.

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Fig. 12. Dessin de la communauté / Le Corbusier

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L’organisation en circonscriptions existe dans la plupart des villes, mais souvent sans l’autonomie puisque chaque quartier dépend d’un ensemble plus grand. La volonté de créer des circonscriptions indépendantes suggère ainsi que ces circonscriptions disposent chacune de tous les corps de métier nécessaires à l’autonomie et au bon fonctionnement de la communauté, or ce système est très compliqué à mettre en place puisqu’il faudrait que ce soient les Hommes qui choisissent de former une communauté. Pourtant, la notion de communauté est un thème recurant de l'urbanisme contemporain et dans un monde toujours plus individualiste, elle serait le fondement des relations sociales. Ainsi, d'un point de vue d'une pure complémentarité des membres, dans l'atteinte d'une autonomie de la communauté, le schéma est criticable puisque les enjeux de la communauté pourraient se calquer plus facilement aujourd'hui sur la seule idée de l'interaction sociale, en développant les loisirs par exemples, ou la mixité de l'habitat. Le problème fondamental de la communauté est qu'elle doit par essence rassembler des individus différents pour nos utopistes, pourtant les communautés se forment naturellement entre les individus quand ils ont des points communs.

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Fig. 13. Plan détail d’une circonscription d’une Cité Jardin / E. Howard

Engagement citoyen collectif L’engagement citoyen doit se faire de manière consciente et non subie. Chaque citoyen doit alors oeuvrer pour l’intérêt de la collectivité, comme l’imagine Howard dans les Cités Jardins. Effectivement, chaque habitant et travailleur permet de faire prospérer la circonscription dans laquelle il habite. Il participe en générant des ressources pour participer au modèle autonome de la Cité Jardin, mais s’engage aussi politiquement grâce à son pouvoir décisionnel dans la gestion de la communauté. Les citoyens prennent ainsi part à la politique locale, ils sont capables de prendre des décisions à l’échelle de leur quartier qui se répercutent sur l’ensemble de la communauté. A l’échelle de la collectivité, il est beaucoup plus facile, selon Ebenezer Howard, d’inclure les individus dans la vie politique24. L’organisation en ensembles autonomes permet une indépendance des habitants et une meilleure gestion des biens, des marchandises et des hommes (Fig.13).

Comme l’explique Friedman, il doit s’agir d’un consentement collectif où chacun doit agir en totale connaissance de cause et pour le bien de la communauté. L’idée forte que Friedman défend est la notion de communauté, un groupe restreint d’hommes et de femmes capables de prendre les décisions ensemble, dans un consensus collectif24. Yona Friedman développe le concept d’une ville dans laquelle il prône une égalité et une indispensabilité des hommes qui la compose. Ce modèle permet à chacun d’avoir la capabilité de pouvoir s’exprimer sur la politique de la cité (Fig.14).

Yona Friedman et Ebenezer Howard aspirent à la création de modèles communautaires car ceux-ci permettent à chacun d’avoir un poste essentiel au fonctionnement de la communauté. Si tout le monde est essentiel, tout le monde a un pouvoir décisionnaire qui de ce fait est pris en compte.

A l'instar de l'autonomie politique, l'engagement citoyen collectif reste un modèle utopique, il y a aujourd'hui trop de variables qui entrent en jeu pour pouvoir parler d'équiter politique. Par exemple, la seule difference économique peut exercer des inegalités politiques : un individu aisé saurait consacrer du temps à des réflexions politiques quand un individu moins aisé devrait en consacrer plus à sa subsistance.

24/ Engagement citoyen collectif ; FRIEDMAN Yona, Utopies réalisables, Paris : Union générale d’éditions, 1975, 309p.

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Les prises de décisions collectives impliquent que chacun doit avoir connaissance des choix et des options relatifs à la vie de la communauté mais aussi un pouvoir décisionnaire direct, c’est à dire une influence directe sur l’organisation de la communauté, ce qui suggère la mise en place de votes directs de chacun des membres de la communauté.

Union des hommes par la vie de communauté

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La question de la connexion entre les individus est également très importante pour les inventeurs.

Le Corbusier imagine une société unie par les loisirs. Dans sa ville idéale, les hommes travaillent durant 8 heures, puis ils ont l’opportunité de se détendre aux pieds des buildings de grande hauteur (Fig.15). Il tombe sous le sens, aux yeux de l’architecte, que le manque de loisirs et d’équipements de qualité de son temps est lié à un problème d’architecture et d’urbanisme. L’organisation des villes de son temps ne permet pas aux hommes de se retrouver et de se distraire, car chacun passe son temps au travail, puis dans les transports et dans son logis. La connexion entre les individus doit alors se faire par les loisirs que l’on retrouve dans chaque quartier. Ainsi, l’utopiste développe une idée de communauté humaine en permettant aux citoyens de partager des moments de récréation ensemble.

Si Le Corbusier veut unir les hommes par le loisir, Wright souhaite à l’inverse que ce soit le travail qui fasse l’union entre les hommes. Les citoyens de Broadacre City réalisent des travaux à la fois physiques et intellectuels qui effacent la frontière entre le travail et le loisir. Ainsi, les habitants ont une connexion forte car ils partagent des tâches de la vie quotidienne ensemble, comme des travaux de construction, ou des réalisations artisanales.

Howard développe également cette idée de proximité sociale entre les individus, puisqu’il souhaite que la Cité Jardin fonctionne grâce au travail conjoint des hommes de chaque circonscription, mais aussi que les citoyens aient la possibilité de se retrouver au centre de la cité, dans le parc central, qui est à la fois un lieu de loisir et de prises de décisions communautaires.

Fig. 14. Dessins d’une ville communautaire / Y. Friedman

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Aujourd'hui pourtant les modes de vies ont drastiquement évolués. Un individu peut être considéré ou se voir comme très sociable sans sortir de chez lui en ne disposant uniquement que d'une simple connection internet. Il devient alors primordial de recréer un contact social "physique" entre les hommes. Les utopistes Wright et Howard proposent des modèles intéressants, conjuguant loisirs et travaux, à l'image de nos jeunes star up innovantes. Pourtant, ces demarches sont aujourd'hui catalysatrices de lien social, et se voient de plus en plus encouragées par l'urbanisme contemporain.

Cette pratique, la conjugaison des loisirs et du travail doit devenir prédominante dans notre société actuelle car il s'agit des deux milieux générant le plus de liens sociaux ; il serait donc pertinant d'intervenir à travers ces domaines là, comme le suggèrent les architectes du XXème siècle.

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A l’échelle du quartier, les inventeurs souhaitent mettre en place un système de communautés autonomes, cela permettrait à la fois de valoriser la collectivité en mettant en avant l’individu au sein de l’organisation politique, économique et sociale de la ville mais aussi créer une connexion entre les individus de la communauté.

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Fig. 15. Plan Voisin / Le Corbusier Villes de papier et ville capable

3/ Une organisation sociale à la frontière entre individualisme et coopération Coopération et mutualisation

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Fig. 16. Dessin d’organisation de la Ville

Spatiale / Y. Friedman

Les villes de papier du XXème siècle attachent une réelle importance à la place de l’individu dans la société. Pour Yona Friedman, Ebenezer Howard, Le Corbusier, Frank Lloyd Wright ou Archigram, la société doit être à la fois coopérative tout en permettant le développement personnel des individus.

Friedman explique que l’utopie est avant tout sociale et prône une harmonie des relations sociales. Pour se faire, les habitants doivent construire leurs propres villes idéales, l’homme devient ici le seul acteur de son destin. L’architecte imagine une ville relationnelle où coopération et mutualisation sont les réponses à la hiérarchisation des villes qu’il connaît. Les citoyens et la société fonctionnent en autogestion, c’est-à-dire que ce sont les utilisateurs qui, euxmêmes, construisent leur mode de vie (Fig.16). De cette façon, Friedman compte accroître les potentialités des habitants, à la fois dans leur espace privé mais aussi dans le domaine public. La coopération et la mutualisation des savoirs comme des biens est ici la réponse à la hiérarchisation subie dans les sociétés humaines25.

Il n’est pas le seul à avoir une vision d’une société coopérative puisque Howard imagine lui aussi un modèle de société coopérative. Il souhaite trouver un équilibre entre coopération et individualisme or, pour cela, il bannit les environnements qui, selon lui, entravent la fraternité, tels que les rues insalubres, les habitats construits à la hâte, les cités ouvrières, etc. Il rompt avec les villes mal aérées et malsaines de son époque et met en place une Cité Jardin agréable,

Coopération et mutualisation ; HOWARD Ebenezer, Les Cités Jardins de demain, Paris : Editions Dunod, 1969, 121p.

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accessible à tous et où chacun peut profiter des équipements de qualité. Howard imagine une ville à la frontière de la ruralité, où la nature prend une place importante et qu’il organise de telle sorte que les citoyens peuvent profiter d’espaces publics qui se transforment en lieux de coopération.

La construction de la ville par les habitants suggère que ceux-ci prennent les décisions ensemble et de ce fait pose des problèmes de gestion puisque si ce sont les citoyens qui décident, ce ne sont pas forcément eux qui construisent. Dans l’idée des architectes, tout est pensé et fabriqué par les citoyens qui mettent en commun leurs savoirs et leurs biens, or, dans actuellement, il n’est pas possible pour un groupe de personne, ou une communauté de construire ce qu’elle souhaite car il existe des règles et des normes dictées par le gouvernement, comme le PLU, etc.

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En mettant de coté l'impact juridique et politique de l'autoconstruction, l'autoconstruction aurait de nombreux impacts dans notre monde actuel et notamment sur un secteur fondamental de l'économie. Le monde de la construction génère aujourd'hui des miliards de bénéfices brut en France, or, l'autoconstruction suggérée par Friedman sugère qu'il n'y plus d'ouvriers spécialisés et que chacun construise son habitat par ses propres moyens. De plus, donner à un citoyen inexpérimenté dans ce domaine la responsabilité de construire son logement pose problème, d'un point de vue de la sécurité et de la salubrité de l'ouvrage mais aussi vis-à-vis de sa réalisation. En effet, nous vivons dans une société où tout nous est offert de manière finie, définitive, aussi bien la ville que les produits de consommation, si bien que l'Homme devrait se réhabituer à fabriquer quelque chose de ses propres mains.

De nombreux essais auront déjà mis en evidence l'ambiguité de l'autoconstruction. Pourtant, il n'en reste pas moins certain qu'imaginer son habitat est fondamental à l'Homme26. Cependant, intégrer ce paramètre à l'aménagement des villes reste un vrai défi.

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Espaces partagés De façon à encourager cette coopération et la mutualisation des biens au sein de la ville, Howard imagine des espaces partagés, dans les Cités Jardins, permettant aux habitants de se rencontrer et de collaborer. Il existe ainsi dans la ville, comme nous avons pu le découvrir plus en amont, des lieux de coopération, tels que des jardins ou des aires de loisirs accessibles à tous26. Chacun peut y venir planter ses légumes et ses fleurs et le matériel nécessaire au jardinage est mis à disposition des usagers.

Fig. 17. Dessin d’organisation de l’habitat de la Ville Radieuse / Le Corbusier

Yona Friedman, lui, imagine un autre type de partage dans sa Ville Spatiale, puisque ce sont les habitants eux-mêmes qui choisissent les équipements qu’ils souhaitent mettre en place au sein de l’ossature. Ainsi, les citoyens coopèrent de manière à distinguer et à évaluer leurs besoins et d’y répondre au mieux en installant dans une case de la structure un équipement ou un service dont la communauté a l’utilité. Ce qui est très important dans cette démarche c’est que Friedman donne de la responsabilité aux individus dès l’aménagement de son hétérotopie, il fait naître une communauté avant qu’elle ne se soit déjà formée.

Le Corbusier, lui aussi, propose aux habitants des espaces partagés intérieurs, au sein des buildings, où l’architecte met en place des services de proximité venant profiter à toutes les familles. Les bâtiments de logement sont accompagnés de multiples services en communs, ceux-ci bénéficient à tous, tout en préservant l’intimité et l’autonomie de la famille27. Les services sont de tous types, l’architecte installe des laveries, des garderies, des salles de sport, et toutes les fonctions de l’habitat qui peuvent être partagées sont communes aux habitants (Fig.17).

26/ Coopération et mutualisation ; THOREAU Henry David, Walden, Paris : Albin Michel, 2017 (1ère édition parue en 1854), 430p.

27/ Espaces partagés ; FRIEDMAN Yona, Utopies réalisables, Paris : Union générale d’éditions, 1975, 309p.

28/ Espaces partagés ; LE CORBUSIER,

Manière de penser l’urbanisme, nouvelle édition (1ère édition parue en 1946), Genève : Editions Gonthier, 1963, 198p.

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Aujourd'hui pourtant, la dématérialisation permet l'épanouissement de toute une strate de nouveaux espaces. La miniaturisation de l'équipement de travail par exemple, permet aujourd'hui à un employé de bureau de s'installer dans un espace quelconque pour exercer son activité. Ainsi, un florilège d'espaces partagés sont apparus dans les projets contemporains, modifiant habitat, lieu de travail et espaces publics. On assiste à de nouvelles gradations des espaces publics, donnant lieux à des espaces privés partagés, réservés par exemple à un groupement d'habitation. Ainsi aujourd'hui, la dématérialisation si polèmique peut pourtant favoriser la mutualisation des espaces.

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Individualisme modéré Frank Lloyd Wright, avec Broadacre City, réfléchit à une unité d’habitation basée sur la famille. Comme dans toute son œuvre architecturale, il place le foyer comme unité économique de base. L’individu doit être son propre centre, chaque membre de la famille travaille et produit de quoi faire vivre le foyer. Les citoyens possèdent autant de terrain qu’ils peuvent en utiliser, l’individualisme est ici extrême mais la proposition de l’hétérotopiste est intéressante car à l’image de la ville, l’individu est autonome. En effet, la famille est indépendante à la fois matériellement et économiquement.

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Au sein des Cités Jardins de Ebenezer Howard, les familles possèdent des maisons individuelles connectées grâce à des jardins partagés mais d’autres parties de l’habitat sont également communes. Bien que l’unité familiale dispose d’un espace privé, l’inventeur amène les habitants à se regrouper et à mutualiser leurs biens à travers des cuisines coopératives ou des terrasses.

Ainsi, les usagers peuvent utiliser le matériel dont ils ont besoin. L’unité familiale prend alors une autre dimension dans les Cités Jardins, car le partage d’espaces communs amène des liens sociaux à se former entre les habitants des différentes maisons29.

Le groupe Archigram, de son côté, opère lui une dissociation extrême entre la structure durable, extensible et homogène et les éléments habitables, périssables, souples et mobiles. Ainsi, la situation sociale au sein de l’habitat est très changeante. Cette proposition permet aux citoyens d’être mobiles face à une ville en constante évolution. L’habitat, très rigide, devient presque une sorte d’hôtel, car tout est accessible à l’extérieur, la capsule est utilitaire (Fig.18) et pousse les usagers à pratiquer la ville30.

Les utopistes du XXème siècle ont amorcé une réflexion sur l'individualisme au sein du foyer dans nos sociétés actuelles. Dans Sapiens, une brève histoire de l'humanité, Harari, l'auteur, explique le lien entre nos foyers modernes et l'individualisme de nos sociétés occidentales développées. L'auteur démontre comment une simple chambre moderne devient un vecteur d'individualisation par sa disposition, ses usages et sa sacralité.31 Ainsi la réouverture sociale de l'homme moderne doit s'opérer dès la cellule d'habitat et il est indispensable d'y générer de nouveaux espaces de partage cohérents avec les besoins modernes.

Individualisme modéré ; FISHMAN Robert, L’utopie urbaine au XXème siècle, Liège : Pierre Mardaga Editeur, 1979, 207p.

30/ Individualisme modéré ; GUIHEUX Alain, Archigram, Editions du Centre Pompidou, 1994, 223p.

31/ Individualisme modéré ; HARARI Yuval Noah, Sapiens, a brief history of humankind, Paris : Albin Michel, 2019, 496p.

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Les utopistes repensent ainsi la place de l’individu dans la société, celui-ci devient autonome au sein d’une communauté coopérative. Tout est mis en place pour encourager les échanges et la communication à l’échelle de l’individu. On retrouve donc un schéma plus ou moins similaire pour ces différents cas d’étude, où chaque architecte requestionne la place de l’individu à chaque échelle, ville, communauté, et foyer pour le placer au centre de ces différentes structures. Bien que variant dans leur disposition et leur dimensionnement, l’efficacité de ces villes de papier est intrinsèquement liée à l’épanouissement personnel de l’individu au sein de sa communauté.

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Fig. 18. Dessin dâ&#x20AC;&#x2122;organisation de lâ&#x20AC;&#x2122;habitat de la Plug-in City / Archigram

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Les principes énoncés par les inventeurs sont très intéressants visà-vis des problèmes d’urbanisme auxquels nous faisons face aujourd’hui. Ils se sont penchés sur des sujets et ont réfléchi à des solutions qui peuvent nous inspirer afin de révolutionner nos villes actuelles. Au XXème siècle, ils imaginent déjà la ville comme une unité indépendante aux mains des citoyens, où l’économie est locale. Dans ces centres urbains, la vie s’organise en communautés autonomes dans lesquelles les individus composant la société trouve un équilibre entre coopération et individualisme.

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Partie III

III/ EMERGENCE DE NOUVELLES PROXIMITÉS

Le XXème siècle s’affirme comme une période de constante évolution des mobilités. Les progrès technologiques permettent aux individus et marchandises d’aller plus loin, plus vite, remettant en question toute l’organisation d’un maillage urbain historique, devenant une certaine entrave à l’hypermobilité qui s’est développée jusqu'à notre ère. Les différents utopistes s’emparent de cette question de la mobilité pour en faire l’un des fondement de leur réflexion.

Ils imaginent de nouvelles proximités, mais aussi de nouvelles façons de se déplacer et d’habiter qui bousculent alors les standards de leurs ères respectives.

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1/ Une tridimensionnalité des réseaux induisant une distribution efficace de la ville Réseau horizontal

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L’organisation spatiale de la ville, comme nous avons pu nous en rendre compte dans la première partie de ce mémoire, joue un rôle très important dans le fonctionnement des activités humaines, et plus particulièrement à notre ère d'hypermobilité, où l’absence de desserte prend souvent des formes de ségrégation. Les utopistes du XXème siècle ont réfléchi à des solutions afin de rendre l’urbanisme le plus cohérent et le plus ergonomique possible en mettant en place des systèmes de voiries et de liaisons efficaces et directement intégrés dès la construction de la ville.

Pour Howard, la mobilité ne doit pas être forcée ou subie, elle est uniquement nécessaire et utile. L’idée de Ebenezer Howard est de créer une ville centre fonctionnant en réseau. Dans ces cités maillées, les activités rayonnent autour d’un point d’intérêt d’importance. Les Cités Jardins de Howard profitent d’un point central distribuant toute la cité par des avenues larges et arborées de 36m de large permettant des échanges performants avec les autres villes (Fig.19).

Le plan circulaire de la Cité Jardin de Howard est un atout car il permet à l’utopiste de disposer tous les équipements à équidistance les uns des autres mais aussi les Cités Jardins les unes par rapport aux autres. Il met ainsi en place des micro-centralités disposant de leurs propres équipements et éléments attractifs, ce qui permet une connectivité performante au sein de la ville. Le dispositif de voie férée viendrait ceinturer chacune de ces Cités Jardins, optimisant grâce à son plan concentrique l’acheminement des individus, comme des marchandises32.

Fig. 19. Diagramme des liaisons entre les Cités

Jardins / E. Howard

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Réseau horizontal ; FISHMAN Robert,

L’utopie urbaine au XXème siècle, Liège :

Pierre Mardaga Editeur, 1979, 207p.

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Un réseau horizontal seul ne peut être suffisant dans les villes actuelles, bourdonnantes et surpeuplées. Howard imagine une ville étalée, de plain-pied, qui fonctionne selon un plan circulaire d’une seule dimension. Son organisation fonctionne dans les Cités Jardins grâce à ce plan circulaire mais un tel plan, aussi stricte, n’est pas réalisable dans une ville déjà existante dans laquelle la toile de transport est déjà mise en place. Ainsi, c'est l'organisation générale des Cités Jardins qu'il faut retenir, à savoir une organisation concentrique des voies de transport pour une meilleure distribution des Hommes et des biens. Le plan circulaire ne peut pas être totalement respecté mais reste néanmoins un système intéressant dans la mesure où il permet de concentrer les flux piétons au centre, alors que les flux de marchandises sont relégués en périphérie.

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Réseau vertical Le Corbusier conçoit un réseau horizontal performant, formé par des axes Nord/Sud et Est/Ouest, qu’il complète d’un système de déplacement vertical. L’inventeur crée des tours de grande hauteur, libérant un maximum d’espace au sol.

Ainsi, près de 85% de la surface du terrain d’une tour est occupé par des parcs et des équipements de loisir, et il intègre également des services à l’intérieur des buildings, profitants à tous. La compacité et la densité font parties des préoccupations de l’architecte qui imagine une ville dans laquelle toutes les fonctions classiques se superposent au sein de 24 gratte-ciels de 60 étages33. Un systèmes d’ascenseurs permet le transit des marchandises et des individus au sein de ces tours. Ces ascenseurs permettent de développer un nouveau vocabulaire de la rue qui deviennent des “corridors” verticaux, distribuant les différents espaces.

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Partie III

Le Corbusier crée des strates qui ne sont pas en relation les unes avec les autres, chaque étage des tours contient un seul et unique élément, qui, de part la verticalité de sa proposition, n’est pas mis en relation direct avec les autres éléments. Malgré le fait que ce système apporte de la compacité et de la densité à sa ville utopique, chaque fonction est séparée et n’amène pas une mixité fonctionnelle souhaitée et efficace au sein de la ville. D'autre part, ce système est hautement consommateur de ressources, à la fois pour sa construction mais aussi pour son alimentation, ce qui n'en fait pas un système durable.

Les villes ne doivent donc pas se contenter d'un réseau horizontal ou vertical, mais conjuguer les deux afin de répondre aux enjeux de compacité et de mixité fonctionnelle.

Fig. 20. Dessin de la superposition des éléments dans la Ville Spatiale / Y. Friedman

33/ Réseau vertical; LE CORBUSIER, Vers une architecture, 3ème édition (1ère édition

en 1929), Paris : Edition Flammarion, 1995, 253p.

34/ Réseau multidirectionnel ; FRIEDMAN Yona, Utopies réalisables, Paris : Union générale d’éditions, 1975, 309p.

35/ Réseau multidirectionnel ; DE MONCAN Patrice, Villes rêvées, Editions du Mécène, 1998, 191p.

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Réseau multidirectionnel Les architectes Friedman et Archigram s’interrogent sur la consommation de terrain qu’amène le développement des villes. Contrairement à Howard, à Le Corbusier et à Wright, qui eux font table rase du passé pour proposer un nouveau modèle et ainsi réimaginer le réseaux de distribution, Archigram et Friedman s’appliquent à conserver les vestiges de leur civilisation en venant s’insérer au-dessus de la ville existante avec des mégastructures tridimensionnelles34 (Fig.20). Ces deux dernières villes de papier ne hiérarchisent plus le système des voies de circulation, les citoyens marchent, utilisent les vélos ou les ascenseurs, tous les modes de transport se superposent dans toutes les directions possibles. La stratégie n’est plus de rationaliser les voies de transport mais de les multiplier afin d’en améliorer l’efficacité et de laisser à l’usager une totale liberté de déplacement.

Mais le groupe Archigram pousse la réflexion de la mobilité encore plus loin : dans la Living City, ce sont les bâtiments eux-mêmes qui sont en mouvement, car les architectes défendent l’idée que les fonctions essentielles des différentes parties de la ville doivent s’articuler entre-elles (Fig.21). Leurs différentes propositions s’articulent souvent grâce à des “supermachines” utopiques : La Walking City propose par exemple une ville capable de se déplacer grâce à une machine, et la Plug in City, un réseau de grue permettant d’en déplacer les composantes35. La ville est alors en perpétuel mouvement, amenant les équipements à se déplacer afin de mieux profiter aux habitants.

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Ainsi, la complexité du réseau multidirectionnel est étroitement liée au développement technologique et à la ressource spatiale. Pourtant, la ville multidirectionnelle n'est plus si loin, le déplacement des marchandises ne saurait que croître avec l'expansion du numérique. Nous pouvons d'ores et déjà par exemple, nous faire livrer nos courses à domicile.

Cette simple formalité aujourd'hui témoigne déjà de la progression du réseau multidirectionnel proné par les utopistes du XXème siècle. La multiplication des modes et des voies de transport était déjà une de leurs idées fortes et sa concrétisation, aujourd'hui, par des liaisons toujours plus rapides démontre que ce réseau multidirectionnel pourrait être une solution à la saturation des flux de transport classiques. Cependant, la livraison à domicile pose de nouvelles problématiques ; comme il est aisé d'accéder au monde depuis notre cellule d'habitat, l'Homme aura tendance à ne pas vouloir la quitter. Ainsi, les villes de papier d'Archigram, si utopique soit elle, n'en devient plus si eloignée de nos espaces urbains modernes.

Partie III

Fig. 21. Coupe de la Plug-in City / Archigram

Les villes de papier que ces architectes nous proposent sont des modèles présentant un réseau performant qui permet une proximité spatiale au sein de la ville, grâce à un réseau de liaisons efficace, horizontal, vertical et en superposition. Cette tridimensionnalité des structures de mobilité amène une faible consommation de l’espace au sol ainsi qu’une compacité de la ville.

Les utopistes multiplient les modes de déplacement, l’usager ne doit plus être tributaire de l’un ou l’autre mode de transport, dans l’objectif de limiter les ségrégations spatiales.

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2/ Des modes de transport amenant une proximité entre les équipements et les individus Modes de transport

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Les utopistes du XXème siècle imaginent de nouveaux modes de déplacement en lien avec les avancées technologiques de leur époque, et réinventent la disposition des voies de circulation. Ces progrès de la technique nourrissent la réflexion des architectes qui les proposent comme des alternatives de transport viables dans leurs modèles.

Ebenezer Howard, en plus de créer une véritable connexion entre tous les différents espaces de la ville, intègre aux Cités Jardins des modes de déplacement doux que l’on pourrait aujourd’hui qualifier d’écomobilités. L’utopiste explique que les villes de son époque qui sont saturées et pleines de fumée à cause des industries ne sont plus vivables, lui faisant prendre conscience de la nécessité de revenir à un mode de vie plus sain et plus simple, c’est ce qu’il met en évidence dans son diagramme des trois aimants (Fig.22). Ce diagramme montre les attraits et les inconvénients et des modes de vie rural et citadin dans deux aimants alors que le troisième aimant représente la Cité Jardin, qui reprend les avantages de la ville et de la campagne. C’est ainsi que Howard décide d’intégrer à son projet des rues de grandes dimensions permettant la circulation des piétons et des cyclistes dans un cadre agréable. Dans cette ville, les liaisons sont douces et permettent aux habitants de parcourir toute la cité et de rejoindre chacun des équipements36.

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Modes de transport ; FISHMAN Robert,

L’utopie urbaine au XXème siècle, Liège :

Pierre Mardaga Editeur, 1979, 207p.

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Fig. 22. Diagramme des 3 aimants / E. Howard

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Fig. 23. Vue perspective du nœud de réseaux dans la Ville Radieuse / Le Corbusier

Le Corbusier imagine une ville aux réseaux hiérarchisés, dans laquelle tous les équipements et services installés à différents niveaux sont accessibles par des circulations verticales, les ascenseurs. Ceux-ci, démocratisés dans les années 192537, donnent une nouvelle dimension à la ville, offrant la possibilité de déplacer plusieurs personnes à la fois mais aussi des marchandises. L’ascenseur limite l’étalement de la ville en permettant la superposition des éléments, il s’agit donc d’un mode de transport que l’on pourrait qualifier de vertueux (Fig.23).

Dans les villes imaginées par les anglais du groupe Archigram, les éléments de la ville eux-mêmes sont en déplacement, grâce à des ballons dirigeables et à un système de grues, la ville devient vivante. Ces modes de transport originaux et ancrés dans un imaginaire ne servent pas uniquement au transport de personnes mais aussi de marchandises, d’éléments de la ville et de bâtiments.

Une grue, qui est fixée au sommet de la mégastructure, permet de déplacer un édifice complet alors que plusieurs ballons sont nécessaires pour réaliser la mobilité d’un bâtiment. Ces deux systèmes se complètent ainsi de façon à proposer différents modes de déplacement suivant les nécessités de la société.

Ainsi, dans la Living City, les bâtiments et les objets sont déplacés par des grues, et les citoyens y accèdent lorsque ceux-ci se trouvent à proximité38.

Il devient alors possible de circuler très librement dans ces villes de papier, à l'aide de modes de transports innovants et variés formant une toile performante reliant tous les points d’intérêts.

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Modes de transport ; LE CORBUSIER,

Vers une architecture, 3ème édition (1ère

édition en 1929), Paris : Edition Flammarion, 1995, 253p.

38/ Modes de transport ; GUIHEUX Alain, Archigram, Editions du Centre Pompidou, 1994, 223p.

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Les nouveaux modes de transport mis en place par le utopistes nécessitent des voies de circulation adaptées et adaptables mais surtout une réorganisation totale de la ville. Dans les villes actuelles, les circulations douces côtoient les automobiles, or, pour les séparer et créer un cadre agréable pour les piétons il faudrait repenser toute l’organisation des voies de circulation actuelles. De plus, les moyens de transport aériens individuels ne sont pas forcément très raisonnable d’un point de vue énergétique et de leur efficacité. La proposition des utopistes d'utiliser de nouveaux modes de transport afin d'acheminer les marchandises se reflète néanmoins dans les tentatives actuelles d'utiliser des moyens de transport électriques ou aériens, comme les drônes télécommandés à distance capables de livrer les habitants des villes.

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Connexions entre les modes de transport Certains utopistes, comme Howard, Le Corbusier ou le groupe Archigram partagent la même idée d’une connectivité des réseaux, c’est-à-dire que dans leurs villes idéales, les différents systèmes servant de liaisons entre les éléments urbains sont connectés entre eux afin de permettre aux habitants d’accéder à l’intégralité de la ville de toutes les manières possibles.

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Le Corbusier, quant à lui, imagine un plan quadrillé par un réseau de rues symétriques. Les axes Nord/Sud et Est/Ouest formant la grande «traversée»39 se croisent au centre-ville qui devient alors un échangeur multimodal sur plusieurs niveaux qui viendra constituer le point central des différents modes de mobilité que l’architecte propose dans plusieurs de ses projets : autoroute, métro voies cyclables et piétonnes mais aussi une piste d'atterrissage pour avions. Les deux axes centraux, surélevés, sont destinés aux transports à grande vitesse. Là où l’architecte tranche fondamentalement avec l’urbanisme de son temps est dans l’imagination d’un système de circulation verticale, les rues ne sont plus des couloirs bondés et encombrés par le trafic, elles deviennent des ascenseurs verticaux desservant les équipements et les habitats. La circulation piétonne se fait au sol, au niveau des jardins et des parcs, profitant du meilleur cadre de sa proposition urbaine.

Dans les Cités Jardins de Howard, la forme circulaire apporte une proximité et une connexion des réseaux entre eux, car elle ne génère que peu de distance entre les différentes commodités, et chaque liaison est réfléchie de manière à desservir les habitants de la façon la plus efficace. Le réseau composé de voies piétonnes et cyclables permet aux citoyens d’être proche de tout, ils n’ont que 500m à parcourir40, au maximum, pour atteindre le centre-ville (Fig.24).

La multi-connectivité des réseaux tend à apporter à ces villes une réelle efficacité à l’échelle des quartiers car chaque mode de transport permet aux habitants de parcourir leur espace de proximité mais aussi de rejoindre tous les équipements de la ville en utilisant le moyen de circulation le plus adapté.

Connexions entre les modes de transport ; LE CORBUSIER, Vers une architecture, 3ème édition (1ère édition en 1929), Paris : Edition Flammarion, 1995, 253p.

40/ Connexions entre les modes de transport ; HOWARD Ebenezer, Les Cités Jardins de demain, Paris : Editions Dunod, 1969, 121p.

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Fig. 24. Plan détail d’une circonscription d’une Cité Jardin / E. Howard

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La mise en place d’un réseau hiérarchisé où chaque moyen de transport à sa place et sa position dans la ville suggère la restructuration de la ville car pour les séparer et donner à chacun un espace dédié, il serait nécessaire que les voies ne se croisent pas afin que chacun ait sa place. Or, aujourd’hui, toutes les voies sont sur le même plan : bus, voiture, piéton, piste cyclable, tramway, train, etc. Seuls les métros sont en souterrain, ce qui les rend plus efficaces. La grande problématique actuellement est la question de la connection des zones périphériques, peu desservies, avec le centreville. Peut être que la hiérarchisation voulue par les inventeurs pourrait permettre le développement de voies rapides desservant les périphéries, tout en conservant des voies piétonnes et agréables au centre-ville, où toutes les commodités se trouvent à proximité.

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Équipements de proximité distribués par différents modes de transport Afin de rendre la ville fonctionnelle et agréable à vivre, les utopistes du XXème siècle ont repensé la disposition des équipements au sein même de la cité, avec pour objectif de les rendre accessibles à tous de manière aisée et d’amener une qualité de vie supérieure.

La distribution des équipements et services publics est une grande préoccupation de l’inventeur Ebenezer Howard, qui grâce à son plan circulaire, les intègre dans une couronne dédiée, distribuée efficacement et facilement accessible. Ainsi, l’inventeur met à la disposition de ses usagers un marché d’artisanat local ainsi que des espaces partagés dédiés aux loisirs, introduisant une notion de plurifonctionnalité dans ses bâtiments. Les bâtiments scolaires peuvent par exemple servir de lieux de cultes, abriter des concerts, des bibliothèques, des réunions, de sorte que la dépense que représente la construction de l’édifice puisse être ajournée à une phase plus avancée de l’entreprise.

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Le Corbusier, quant à lui, génère des circulations verticales qui desservent les gratte-ciels et ainsi les services et équipements d’ordre public. Dans les gratteciels, l’architecte vient installer la fonction de travail, mais à au niveau de la rue, se superposent des restaurants, des boutiques, des théâtres et salles de sport. D’une manière générale, Le Corbusier associe les modes de circulation les plus agréables et ludiques aux espaces de loisirs alors que les transports performants sont plutôt associés à la zone de travail38.

Les anglais d’Archigram viennent appuyer les services publics de leur ville vivante et mobile contre un viaduc, c’est la mégastructure qui rassemble les éléments de circulation desservant les parties mobiles. Effectivement, ce système opérant une triple mobilité, celle de l’objet, de l’ensemble architectural et de l’utilisateur, apporte à l’urbanisme une dimension de proximité au sein même de la ville. Il n’y a alors plus de modes de transport entre les équipements car ce sont eux qui sont en mouvement (Fig.25). Chaque élément peut être connecté ou déconnecté rapidement selon les besoins, de cette façon, les liaisons sont beaucoup plus performantes. L’idée des inventeurs est de relier les équipements entre eux mais aussi de les rendre accessibles à tous les citoyens à travers toute la ville.

Fig. 25. Dessin d’organisation des réseaux dans la Plug-in City / Archigram Partie III

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Friedman, qui imagine un plan libre, laisse le choix aux habitants de générer leur proximités, en s’accordant sur la position, le dimensionnement et la destination de leurs équipements. La question du transport reste pour lui secondaire car c’est la ville historique qui va assurer cette fonction en conservant son réseau existant, réservant sa mégastructure à la circulation piétonne41. L’architecte n'exclut pourtant pas dans sa proposition la possibilité d’ouvrir son système à d’autres modes de transport, où ici aussi, le champ est laissé libre aux usagers qui définiront eux-mêmes leurs besoins (Fig.26).

La triple mobilité voulue par le groupe Archigram pose problème car malgré le fait qu’ils pensent installer leur ville au-dessus des villes existantes grâce à leur mégastructure, il est impensable de mettre en mouvement les bâtiments existants, ce qui signifie que tout ne peut être mobile dans leur modèle. Leur système de déplacement impliquant le mouvement de l’objet, de l’ensemble architectural, et de l’utilisateur ne fonctionne pas pour des villes ayant un passé.

Partie III

Fig. 26. Dessin d’organisation des équipements dans la Ville Spatiale / Y. Friedman

Les utopistes, dans leurs propositions de villes idéales, tendent à mettre en place des systèmes de liaisons permettant la proximité, à la fois des hommes vis à vis des réseaux de transport mais aussi des réseaux par rapport aux équipements. Les déplacements subis sont ainsi réduits au profit d’une distribution équitable des équipements et des moyens de transport. Leurs propositions valorisent également une multitude d’alternative de transport permettant, à plusieurs niveaux, d’éviter une mobilité contrainte.

41/ Equipements de proximité ; DE MONCAN Patrice, Villes rêvées, Editions du Mécène, 1998, 191p.

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3/ Une typologie d’habitat donnant lieu à une proximité spatiale entre les individus Proximité de l’habitat

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La possibilité de circuler aisément à travers la ville et de profiter des équipements, apportée par la connectivité et la multiplicité des réseaux de transport est un précepte d’une ville capable de se développer et de se réinventer dans le temps. Les inventeurs du XXème siècle : Wright, Howard, Le Corbusier, Archigram et Yona Friedman construisent ainsi des hétérotopies dans lesquelles les mobilités favorisent la proximité de l’habitat et des individus au sein de la ville.

Comme le démontre Howard dans la Cité Jardin, la ville peut disposer d’une mixité fonctionnelle, c’est-à-dire mêler les équipements et l’habitat. Effectivement, l’organisation concentrique permet aux réseaux de transport d’apporter une certaine proximité entre les différentes zones d’intérêt. Il est possible d’échanger des biens et informations au marché, lieu central de son modèle.

La position centrale de cet équipement lui confère une certaine importance et lui donne un caractère fort de lieu de rencontre42. Tout comme le marché, le parc et les jardins font parti du quotidien de la communauté et procurent aux habitants une grande qualité de vie. Grâce aux voies de circulation du réseau de transport performant, ces équipements de qualité sont au centre de la vie de communauté au même plan que l’habitat. En effet, les logements sont très proches du centre, formant une couronne le long des grandes avenues, les habitants profitent de cette manière des équipements centraux disposés à équidistance de chacun des citoyens.

42/

Proximité de l'habitat ; FISHMAN Robert,

L’utopie urbaine au XXème siècle, Liège :

Pierre Mardaga Editeur, 1979, 207p.

43/ Ibid 42/

Partie III

Au même titre que Howard, Le Corbusier positionne la fonction d’habiter en périphérie directe du centre-ville. Dans la Ville Radieuse, les habitants sont installés dans la couronne proche qui entoure les gratte-ciels, profitant ainsi du réseau de transport mis en place par l’architecte. Les logements bénéficient du meilleur cadre de vie de toute la cité, en effet, ils prennent la forme de petits immeubles implantés au milieu de parcs et de zones de loisir, leur conférant alors une grande qualité de vie.

Dans Broadacre City de Frank Lloyd Wright, les équipements urbains sont les seuls lieux d’échanges. Les maisons individuelles étant éparpillées à travers la campagne dans laquelle les services sont dispersés, il impose une proximité partielle aux habitants vis-à-vis des équipements. L’architecte pense une ville à l’échelle des nouveaux modes de transport individuels qu’il imagine à une période où la voiture est en plein essor (Fig.27). En effet, les citoyens sont proches des commodités puisqu’ils possèdent chacun leur moyen de transport individuel leur permettant de se déplacer très librement. En plus de cela, Wright dispose les équipements et les habitats à équidistance les uns des autres43, si bien que les citoyens profitent d’une proximité spatiale entre leur logement et les services de la ville.

Les progrès techniques de leurs époques respectives ont permis aux architectes d’imaginer des villes nouvelles, cependant, ils dissocient encore l’habitat et les équipements ; même si l’habitat se rapproche du centre-ville, il reste un ensemble imperméable qui n’intègre que peu de services, voire pas du tout.

Même si l’habitat prend la forme de petits immeubles chez Le Corbusier, il est positionné en périphérie. Wright, lui, compte sur les transports individuels pour relier les habitants aux équipements, ce qui est l’inverse des volontés actuelles. La position de l'habitat en périphérie et plus particulièrement les cités dortoirs que l'on peut observer aujourd'hui sont de réels problèmes dans la fabrication de la ville actuellement. L'enjeu est de rendre accessible le centre-ville par tous les habitants des quartiers éloignés, ce qui s'avère compliqué puisque la ville s'étend de plus en plus. La solution, que les utopistes esquissent dans leurs visions de villes idéales, est peut être de ramener de les équipements à l'habitat, c'est à dire de créer un lien direct entre les cellules d'habitat et leurs besoins : commerces, services, ou encore loisirs de proximité.

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Habitat adapté aux besoins de l’individu La problématique de l’habitat est un sujet sur lequel les inventeurs ont mené de nombreuses réflexions, notamment par rapport aux dimensionnements de celui-ci. En plus de son positionnement dans la ville qui apporte une proximité spatiale et une mixité fonctionnelle, l’habitat doit être adapté aux besoins des usagers. Dans la Broadacre City de Frank Lloyd Wright, les familles peuvent disposer d’autant de terrain qu’elles sont capables d’en utiliser. Ainsi, chaque unité familiale possède au minimum une acre, ce qui correspond à 4000m² environ, qu’elle va pouvoir aménager et cultiver comme bon lui semble. Le titre de son hétérotopie sera d’ailleurs hérité de ce principe, “broad” signifiant “vaste” et “acre” désignant son module de base44. L’architecte imagine des maisons horizontales, se fondant avec la nature, construites à partir de bois et de pierre, ayant une forte relation avec l’extérieur et qui seraient construites par les habitants eux-mêmes.

Partie III

Fig. 27. Véhicules dans Broadacre City / Frank Lloyd Wright

Habitat adapté ; FISHMAN Robert, L’utopie urbaine au XXème siècle, Liège : Pierre 44/

Mardaga Editeur, 1979, 207p.

45/ Habitat adapté ; LE CORBUSIER, Vers une architecture, 3ème édition (1ère édition en 1929), Paris : Edition Flammarion, 1995, 253p.

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Le Corbusier conçoit des habitats en série qui ne se ressemblent pas. Ici, le logement et la localisation ne dépendent pas de la position dans la hiérarchie sociale, les appartements sont des maisons sur deux niveaux insérés dans des « casiers » (Fig.28). L’habitat est dissocié de la zone de travail, cependant, le logement est accompagné de multiples services, si bien que la dimension de l’appartement importe peu puisque toutes les commodités sont à portée de main. L’habitat se trouve dans des immeubles de dimensions plus restreintes que ceux présents au centre-ville, les appartements donnent de part et d’autre sur les grands parcs que l’architecte installe dans sa Cité Contemporaine de 3 millions d’habitants et dans la Ville Radieuse45. Ces logements en série permettent une construction rapide tout en conservant une certaine forme d’adaptabilité vis à vis des différentes personnes composant la société. Le Corbusier construit ainsi des buildings dans lesquels il vient superposer les services et les habitats, et la hauteur qui résulte de cet empilement amène une densité bâtie très intéressante pour la ville.

Les utopistes souhaitent donner aux habitants un maximum de liberté et des logements de qualité, cependant, le compromis entre un habitat de qualité et une densité relative de la ville n’est pas acquis ici. Wright adopte un système consommateur de terrain qui, certes, s’intègre dans la nature, mais la remplace par des surfaces agricoles artificielles. La nature de Wright n'est plus une nature sauvage mais deviendrait alors la nature de l'antropocène, gérée par et pour l'Homme. Sa volonté de préserver l'espace naturel est alors remis en question puisqu'on ne pourrait plus considérer cette nature comme un espace naturel dans toute sa compléxité ecosystèmique. Le Corbusier, lui, crée avec son système de casiers, une densité bâtie extrêmement élevée qui n’est pas la meilleure option pour les habitants d’un point de vue de la qualité de vie. Cette typologie s'incrit à l'opposé des nouveaux codes de l'urbanisme moderne, plutot orientés vers des logements ouverts et traversants. Sa proposition reste pourtant très intéressante au vu de sa densité, et de l'economie de matière qu'elle pourrait induire.

Une vision plus nuancée des deux systèmes de ces architectes amènerait sans doute une densité urbaine plus intéressante et plus vivable au sein de la ville. A la croisée entre une extension importante de la ville sur la campagne et l'hyper densité de tours de logements, la ville idéale disposerait d'une densité raisonnée, permettant une grande qualité de vie à une population à mi-chemin entre la ruralité et la vie citadine.

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Fig. 28. Dessin d’organisation spatiale de l’habitat dans la Ville Radieuse / Le Corbusier

Habitat adaptable, mobile et transformable L’habitat, dans les villes idéales du XXème siècle, est pensé en adéquation avec les besoins des usagers, mais certains hétérotopistes repensent son aspect “figé” en imaginant des logements mobiles et transformables à l’infini, s’adaptant aux transformations rapides subies par l’environnement urbain.

Yona Friedman remet en question la place de l’architecte dans la conception de l’habitat, pour lui, c’est l’habitant, en partenariat avec l’architecte, qui doit construire son logement (Fig.29). Il souhaite que le citoyen pense et imagine son habitat suivant ses propres besoins. Ainsi, grâce à sa mégastructure sur pilotis qu’il installe dans sa Ville Spatiale, l’architecte laisse un maximum de libertés individuelles à chaque personnalité, l’ossature est ainsi utilisée à la guise et selon la volonté de l’habitant. La maison se branche alors à la structure, elle est déplaçable, suivant la trame en damier, transformable et démontable. Le logement est constitué d’éléments produits industriellement qui sont ordonnables par l’habitant lui-même, ce qui signifie que chacun peut adapter les dimensions de sa maison à la taille de son unité familiale. L’ossature offre ainsi des cases subdivisibles qui deviennent des cellules habitables permettant aux citoyens d'accroître leurs potentialités dans leur cadre domestique mais aussi dans la ville en y insérant des équipements de proximité. En effet, l’organisation en cellules de l’habitat au sein de la Ville Spatiale de Yona Friedman apporte un lien physique entre les différentes composantes et les échanges sont alors facilités par cette nouvelle proximité46.

46/

Habitat adaptable ; DE MONCAN Patrice,

Villes rêvées, Editions du Mécène, 1998,

191p.

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La communication entre les unités d’habitation est également un sujet de recherche du groupe Archigram dans sa Living City. En effet, dans cette ville, la mobilité des équipements est aussi applicable aux logements, toujours par ce système de “grues distributives”, ce qui leurs confère une dimension adaptable et modifiable. Le groupe imagine des capsules comme unités de logement. Il s’agit d’éléments modulaires métalliques déplaçables et amovibles. Les bâtiments sont ainsi mobiles et s’adaptent aux besoins des utilisateurs qui ont la possibilité d’assembler les modules entre eux, les éléments de grande taille étant déplacés par les grues et les éléments de petite dimension se voulant manuportables. Ces modules préfabriqués sont empilables et peuvent former une tour, amenant de cette façon les habitants à être au plus proche des équipements et des autres unités de logement. De plus, chaque élément de la capsule d’habitation est fait sur mesure à partir d’éléments en métal moulé ou en résine dans le but de pouvoir être remplacé selon les avancées technologiques et les besoins de l’habitant47.

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Les solutions d’habitats proposées par les utopistes sont certes innovantes mais le problème principal est la question de l’attache au sol naturel et le rapport à la nature de ces différentes solutions : alors que les inventeurs relèvent le manque de nature en ville et le besoin de l’Homme d’évoluer à proximité de celle-ci, leurs solutions d’habitats ne vont pas exactement dans ce sens, puisqu’ils éloignent l’Homme de son habitat naturel. Malgrès l'aspect novateur de ces propositions, nous pouvons nous questionner sur la valeur qualitative d'une telle disposition de l'habitat. Son eloignement absolu de l'environnement naturel de l'Homme rend difficilement imaginable la qualité de son espace de vie.

47/

Habitat adaptable ; DE MONCAN Patrice,

Villes rêvées, Editions du Mécène, 1998,

191p.

Partie III

Au sein de ces différentes villes de papier, les inventeurs s’effacent plus ou moins au profit des individus, qui ne sont plus de simples usagers mais des acteurs de la ville et de leur environnement proche, l’habitant participe à la conception de son logement, les architectes proposant des structures flexibles développant les potentialités des citoyens. Dans plusieurs de ces modèles la proximité est générée dès la conception grâce à la participation citoyenne.

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Fig. 29. Dessins de l'adaptabilitĂŠ de lâ&#x20AC;&#x2122;habitat dans la Ville Spatiale / Y. Friedman

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Partie III

Le XXème siècle s’affirme comme une période de remise en question de l’organisation du maillage urbain historique, les hétérotopistes cherchent sans cesse des réponses aux enjeux de l’hypermobilité de la société et aux nouveaux modes d’habiter qui en découlent. Divers systèmes sont imaginés pour amener une proximité homogène entre les modes de transport, les équipements et les habitants de la ville. Les inventeurs multiplient les façons de se déplacer afin de limiter les ségrégations spatiales et créent un réseau tridimensionnel favorisant la réduction des déplacements subis et valorisant une proximité homogène et une desserte rationalisée. Ainsi, les utopistes valorisent l’individu en lui offrant un maximum de potentialités, à la fois dans ses déplacements mais aussi dans ses loisirs et dans sa vie de famille, en s'effaçant au profit d’une conception commune de l’architecte et de l’habitant.

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IV/ DES PRINCIPES UTOPIQUES NOURRISSANT LES RÉFLEXIONS ACTUELLES SUR L’URBANISME

Les villes de papier choisies dans ce mémoire offrent un panel très large d’inventions et de propositions urbaines s’apparentant à des préceptes de la ville durable. Et bien que cette notion n’existait pas encore lorsque les inventeurs ont réfléchi à leur vision de la cité idéale, les principes qu’ils abordent semblent familiers puisqu’ils se rapprochent de ceux de l’urbanisme durable.

Le projet de ville durable ne peut se comprendre en dehors de son contexte et des mutations qui affectent l’habitat humain. La ville et l’urbanisme évoluent à un rythme sans précédent dans l’histoire, on assiste aujourd’hui à un étalement urbain mais surtout à des crises sociales, fruits des inégalités et de la dégradation des conditions de vie. Pourtant, au sein des villes, de nouvelles volontés et mobilisations tentant de forger de nouvelles réponses aux problèmes du XXIème siècle voient le jour.

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1/ Des préceptes utopiques présents dans les études de cas

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Il nous a été possible, plus en amont, de nous rendre compte de l’ampleur de la production des inventeurs Howard, Wright, Le Corbusier, Archigram et Friedman, qui ont marqué l’histoire de l’urbanisme par leurs cités idéales. Ils ont aussi bien pris en compte l’organisation spatiale de la ville que les modes de gouvernance et d’inclusion sociale mais aussi les questions de proximités.

Aujourd’hui, certaines villes se dégagent dans le paysage mondial par leur caractère durable, c’est le cas de Rennes, en France, de Chicago aux Etats-Unis et de Totnes, en Angleterre. Ces trois villes sont des exemples de villes durables car elles présentent de nombreux principes de l’urbanisme durable qu’elles ont su mettre en application. Ces trois villes, dont nous faisons la présentation plus détaillée en annexes, nous serviront de comparaison vis-à-vis des villes de papier du siècle passé.

Au XXème siècle, les villes ont connu des crises à la fois sociales, politiques et économiques ayant poussées les hommes à se questionner quant à l’avenir des aires urbaines. Le modèle bien connu du développement durable incarne aujourd’hui la nouvelle utopie urbaine, car il porte en lui un véritable un projet de société, tel que défini dans le rapport Brundtland48. À la croisée entre une définition minimale et peu explicite de la ville qui dure et une définition politique de la ville qui se réfère à l’Agenda 21, la ville durable reste une notion floue. Dans son texte de 199949, Cyria Emelianoff apporte à la notion de la ville durable la qualité de vie en milieu urbain, une notion qui est reprise par l’urbanisme durable qui souhaite ouvrir la voie à une nouvelle génération de politiques urbaines tentant d’intégrer les impacts du développement exponentiel des villes sur l’environnement, en prenant en compte les dimensions sociales et écologiques.

Rapport Brundtland ; COMMISSION MONDIALE SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT, Rapport Brundtland (Our common futur), Editions Volker Hauff, 1987, 383p.

49/ Ville durable ; Comment définir une ville durable ?, in dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale. Disponible sur : <http://base.d-p-h.info/fr/fiches/ dph/fiche-dph-8294.html> 48/

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Politique locale Dans les projets idéaux du XXème siècle, les inventeurs se sont interrogés sur l’organisation économique et politique des villes mais également sur la place de l’individu dans la société. Ainsi, de nombreux principes que nous avons pu mettre en évidence précédemment sont similaires aux préceptes de la ville durable. Aujourd’hui, de très nombreuses villes dans le monde affichent une volonté écologique et durable, c’est le cas de Rennes, Chicago et Totnes, qui sont dotées de systèmes politiques, économiques et d’ambitions sociales très intéressants. Les utopistes du XXème siècle souhaitent conserver des villes aux dimensions restreintes, car une trop forte concentration d’hommes au même endroit complique l’organisation de la cité. C’est un schéma que l’on peut retrouver à Rennes, ville de 200 000 habitants et à Totnes, ville de 8000 habitants. Les dimensions restreintes de ces deux villes ont favorisé des dynamiques locales, comme le développement d’une politique interne très active.

Rennes et Totnes ont la volonté d’amener une politique favorisant les proximités et l’indépendance des deux cités. Le Corbusier et Howard prônaient déjà cette idée de villes de tailles moyennes, connectées entre elles, mais ayant leur propre autonomie. La métropole de Rennes fonctionne de la même manière que les villes de papier du XXème siècle, elle a su garder sa forme d’archipel, la rapprochant des formes urbaines que nous avons pu étudier dans les villes de papier. La ville centre est entourée d’une ceinture verte et de communes alentours distribuées comme des constellations. Une organisation du territoire proche de celle défendue par Howard qui a permis à cette ville de maintenir un lien fort avec la campagne.

Économie locale

Ville de Totnes ; History, in Transition Town Totnes, Home, about. Disponible sur : <https://www.transitiontowntotnes.org/>

50/

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La volonté d’une politique locale va de paire avec une économie développée à l’échelle de la ville. À Rennes, un conseil local de la biodiversité a été mis en place en 2016, il s’agit d’un lieu de réflexion où se croisent toutes les disciplines engagées dans la fabrique de la ville, et qui permet de gérer des problèmes à une échelle locale. Cela est sans nous rappeler les théories de Wright, de Howard et de Friedman qui préconisaient déjà au XXème siècle une politique locale et l’intervention de citoyens aux différents statuts sociaux. Afin de limiter l’interdépendance entre les villes, Totnes a imaginé, en 2006, la création de la « livre de Totnes »50, une monnaie locale qui a pour objectif de rendre visible l’importance du commerce local et des circuits courts.

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Indépendance des villes et des hommes La ville de Totnes en Angleterre souhaite, d’ici quelques années, être capable de répondre aux besoins de tous ses habitants par elle-même. Pour cela, la ville possède un conseil local encourageant les initiatives à l’échelle de l’aire urbaine.

Les pouvoirs politiques sont limités et les décisions sont prises avec le consentement des habitants, cela permet de définir ensemble les objectifs à atteindre et les moyens pour y parvenir.La ville est capable d’auto subvenir à ses besoins, c’est-à-dire que l’économie locale est suffisante et assez efficiente pour combler les nécessités de la vie quotidienne (Fig.30). La création d’une monnaie locale n’est pas la seule initiative de la ville de Totnes qui multiplie les projets : AMAP, systèmes d’autopartage, ouverture de vergers publics et de centrales d’échanges permettant d’offrir une seconde vie aux objets que l’on utilise plus.

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Partie IV

Organisation en communautés autonomes

Fig. 30. Affiche en faveur du commerce local / Totnes

51/ Ville de Chicago ; Le système de parcs de Chicago, in Trame verte et bleue, expériences des villes étrangères, Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature, CERTU. Disponible sur : <http://www.environnement-urbanisme.certu.equipement. gouv.fr/IMG/pdf/fiche_tvb2_Chicago_version_longue.pdf> 52/ Ville de Rennes ; Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, in Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, Ville Cesson Sevigne. Disponible sur : <https://www. ville-cesson-sevigne.fr/2018/10/18/rapport-dactivites-et-de-developpement-durable-2017-de-rennes-metropole/>

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L’organisation de ces villes durables se fait par des communautés autonomes. à Chicago, la ville est divisée en « secteurs communautaires », au nombre de 77, dont les périmètres ont été proposés par le comité de recherche en sciences sociale de l’Université de Chicago. Le découpage s’est effectué suivant des critères sociaux, des données démographiques et des statistiques de la ville. En plus de ces secteurs, la ville est redécoupée en 228 quartiers, souvent des quartiers ethniques rassemblant des communautés de même origine géographique, religieuse ou sociale51. Ces circonscriptions possèdent chacune leur autonomie vis-à-vis de l’ensemble de la ville. L’idée de communautés avait germée dans l’esprit d’Ebenezer Howard lorsqu’il a imaginé les Cités Jardins, celles-ci étant découpées en secteurs autonomes possédant les équipements nécessaires à la vie de communauté. A Totnes aussi la communauté est primordiale, les habitants se rassemblent ainsi en groupes de réflexion partageant les mêmes ambitions. Cet engagement se fait de manière volontaire, il s’agit de citoyens ayant une envie commune de modifier les modes de vie. De cette façon, il est possible pour la communauté de développer une vie collective basée sur une économie et une politique locales qui permettent aux habitants d’être autonomes. Dans les villes de Chicago, de Rennes ou de Totnes, on encourage les initiatives citoyennes. Les usagers sont inclus dans la politique locale qui prend alors la forme de groupes de discussion, comme c’est le cas à Rennes. Dans cette ville, de nouveaux quartiers voient progressivement le jour, nés d’une réflexion conjointe entre les acteurs et les usagers des projets.

C’est le cas du quartier ViaSilva52 dont l’organisation spatiale et les équipements sont pensés pour favoriser l’échange entre les habitants, les entreprises, et les politiques de Rennes sur divers thèmes tels que l’intégration des personnes âgées ou des jeunes au quartier, la construction d’un équipement, etc.

Le but est de sensibiliser les citoyens aux problématiques actuelles en leur donnant la parole et la possibilité d’agir et d’encourager les projets collectifs. Yona Friedman défendait cette idée dans sa ville relationnelle, pour lui l’engagement citoyen au sein de la vie de la cité doit venir d’un consentement collectif où chaque habitant doit agir en pleine connaissance de cause.

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Engagement citoyen collectif

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Fig. 31. Magasin-troc / Totnes

À Chicago, la ville encourage elle aussi les initiatives collectives, la communication est très importante sur les projets, de telle sorte que les habitants se sentent concernés et y participent. La mégapole américaine incite les usagers à s’approprier l’espace urbain, de nombreux lieux publics tels que les trottoirs ou les places sont financés et gérés par les riverains, un bon moyen d’impliquer les citoyens dans la vie de leur ville. Chicago engage et coordonne des programmes d’action et favorise les initiatives et démarches citoyennes. La ville héberge de nombreux groupes et associations favorisant un contact direct entre les hommes et les équipements. Elle dispose de nombreux équipements de qualité, notamment tout un système de parcs reliés les uns aux autres. Ces espaces publics sont très importants puisqu’ils permettent aux habitants des communautés de se retrouver. Par l’aménagement de lieux de qualité, comme les parcs, un mobilier urbain agréable, l’entretien des rues, Chicago est une ville offrant une grande qualité de vie en permettant à ses habitants de profiter ensemble de ces aménagements et équipements urbains. Cela permet ainsi aux citoyens de vivre ensemble et de partager des tâches de la vie quotidienne, comme le proposait Le Corbusier dans les années 1930.

Union des hommes par la vie de communauté Les villes durables mettent ainsi à disposition des usagers des zones partagées, comme l’imaginait Howard dans les Cités Jardins. Effectivement, les habitants de Chicago et de Totnes peuvent profiter de zones qui leur permettent de se rencontrer et de collaborer. Dans la première, à l’intérieur des parcs et des jardins publics prévus pour favoriser les liens sociaux et la collaboration, des espaces sont prévus, laissés en friches ou moins entretenus que le reste des parcs, pour accueillir les élans collaboratifs des utilisateurs. Ils peuvent ainsi, à plusieurs, créer une zone qui leur appartient. La ville de Chicago met à disposition des citoyens, en plus des espaces verts, des installations sportives, organise des festivals et des conférences, amenant la population à échanger53.

Dans la seconde, la ville de Totnes, on favorise le partage et la mutualisation des compétences, en effet, la cité promeut l’apprentissage et la diffusion de savoir-faire d’antan tombés en désuétude en formant des ateliers (Fig.31).

Chaque citoyen ayant sa spécialité, cela permet une mutualisation des savoirs bénéfique à l’ensemble de la communauté.

Ville de Chicago ; Le système de parcs de Chicago, in Trame verte et bleue, expériences des villes étrangères, Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature, CERTU. Disponible sur : <http://www.environnement-urbanisme.certu.equipement. gouv.fr/IMG/pdf/fiche_tvb2_Chicago_version_longue.pdf> 53/

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Coopération et mutualisation À l’échelle de l’individu, il y a une volonté, notamment à Chicago et à Totnes, de créer une communauté qui soit à la fois coopérative et porteuse d’un individualisme modéré. Pourtant, ces villes durables n'affichent pas autant de possibilités que les villes de papier. La mise en place concrète de cette idée n’est pas toujours facile et se résume souvent à la simple création d’espaces publics partagés et de solutions techniques par rapport à l’habitat. C’est le cas de ces villes durables, les réflexions sur les modes d’habiter et sur l’espace urbain comme lieu d’appropriation de l’individu sont très secondaires. Alors que les utopistes du XXème siècle avaient imaginé, à l’image de Yona Friedman, des villes construites par et pour les habitants, les villes durables ne proposent que quelques aménagements, le plus souvent techniques en réponse aux questions sur les liens sociaux et l’habitat.

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Espaces partagés Une fois dans son habitat, le citoyen ne dispose d’aucun lien avec le reste de la communauté, les villes durables opère une politique du « chacun chez soi ». L’aspect collectif de la vie citadine s’arrête sur le seuil de la maison où chacun dispose des équipements dont il a besoin et de ce fait, la cellule familiale se replie sur elle-même. Alors que de nombreuses initiatives à l’échelle du quartier encouragent les habitants à se rencontrer et à partager à la fois des savoirs, mais aussi des espaces, l’habitat est un espace beaucoup plus fermé et imperméable. La question du logement n’est traitée que d’un aspect technique, comme à Rennes ou à Chicago, le principal critère de la durabilité se résume à des caractéristiques techniques comme construire des bâtiments à faire consommation énergétique ou encore de rénover le bâti ancien (Fig.32).

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Individualisme modéré Les questions d’actions communautaires connaissent encore une faible graduation dans la mesure où elles ne sont appliquées qu’à certaines échelles. Or dans les modèles utopiques, les inventeurs se prononçaient justement sur un partage à tous les niveaux, par exemple en invitant les citoyens à construire ensemble leur logement. Là où ces villes durables pourraient encore gagner en dynamisme serait dans des micro-initiatives citoyennes, à l’image des principes de Friedman.

Réseau horizontal Fig. 32. Toit végétalisé du « City Hall » / Chicago

Dans les projets de villes de papier du XXème siècle, les inventeurs ont su mettre en place une organisation urbaine favorisant l’émergence de nouvelles proximités, tant à l’échelle de la ville, du quartier comme de l’individu. Ainsi, de nombreux principes que nous avons pu mettre en évidence dans les premières parties de ce mémoire s’apparentent aux préceptes de la ville durable. À l’échelle de la ville, un urbanisme durable a pour objectif de relier efficacement les villes entre elles par des moyens de transport vertueux vis-à-vis de l’environnement et égalitaires pour tous. La ville de Chicago est un bon exemple de cette volonté de connectivité puisque la ville s’organise autour d’un noyau central distribuant toutes les grandes artères reliant la ville aux autres communes alentours. L’échelle et les dimensions de la ville américaine font que les réseaux de voirie sont extrêmement développés. Il s’agit d’une ville d’importance mondiale, l’aéroport de Chicago a vu transiter 83,3 millions de passagers en 2018, ce qui démontre bien son statut de mégapole. Cependant, la plupart des réseaux ne sont absolument pas vertueux puisqu’il s’agit de voies de circulation automobile très importantes et d’un aéroport excentré, des transports aux antipodes des principes de la ville durable. Chicago dispose pourtant d’une grande gare centrale desservant très efficacement les communes alentours et d’autres villes plus éloignées. La gare ferroviaire est un immense atout pour la ville, lui permettant une grande efficacité des échanges.

L’Eurométropole de Rennes a pour objectif de développer la ligne à grande vitesse afin de relier Paris et les principales métropoles françaises en moins de 2h. Rennes installe ici un système performant, le développement du quartier gare est un choix important pour la métropole, la priorité ainsi donnée aux réseaux ferrés confère à la ville le caractère de ville durable pour leur faible impact environnemental.

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Réseau multidirectionnel La superposition est également un des grands préceptes des villes de papier du XXème siècle, notamment afin de limiter la consommation de terrain. Alors que les villes durables se dotent de réseaux de transports souterrains ou ancrés dans le paysage de la ville, les utopistes imaginaient déjà des villes tridimensionnelles, s’installant au-dessus des villes existantes pour limiter la consommation de terrain mais aussi augmenter les potentialités de déplacements des habitants. À Chicago, construire plus haut permet de dégager plus d’espace au sol pour des parcs, des pistes cyclables qualifiant ainsi un réseau aujourd’hui trop tourné vers l’automobile. Pour la ville, il s’agit de limiter l’empreinte du bâti au sol en construisant des immeubles plus étroits qui laissent passer un maximum de lumière. La densification du centre permet à la ville d’enrayer l’étalement urbain des périphéries54.

Modes de transport

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À Rennes comme à Chicago, le dimensionnement des voies est très important car il permet une grande efficacité des déplacements. La ville américaine possède des grandes avenues de 6 ou 8 voies de circulation qui desservent la ville de part en part (Fig.33). Ces voies partent du point central de la ville et rayonnent de façon concentrique, à la manière des avenues dans la Cité Jardin de Howard ou dans les plans de Le Corbusier. À Rennes, une seconde ligne de métro, actuellement en construction, réunira le Nord-Est et le Sud-Ouest de la ville, assurant ainsi les liaisons transversales et reconstituant la couture du tissu urbain. L’hyperconnexion entre les différents points stratégiques de la ville est un principe de la ville durable dont Friedman et Archigram prônaient les mérites. La cité de Totnes a développé des modes de transport doux, en accord avec les principes de la ville durable. En effet, les citoyens ont inventé une sorte de pousse-pousse, petit véhicule motorisé, qui est alimenté par les déchets des habitants. Celui-ci est utilisé pour les transports intramuros des habitants de Totnes. Le reste des déplacements au sein de la ville se font à vélo, grâce aux nombreuses pistes cyclables ou à pieds. Pour faciliter cette transition, d’un monde automatisé à un équilibre de l'espace urbain, la ville a décidé de valoriser les quelques anciennes voies automobiles qui ne servent plus en les transformant en jardins à destination des habitants.

54/ Ville de Chicago ; Le système de parcs de Chicago, in Trame verte et bleue, expériences des villes étrangères, Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature, CERTU. Disponible sur : <http://www.environnement-urbanisme.certu.equipement. gouv.fr/IMG/pdf/fiche_tvb2_Chicago_version_longue.pdf>

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Fig. 33. Carte des espaces Ă valoriser / Chicago

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Connexions entre les modes de transport

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Fig. 34. Système de parcs du plan Burnham / Chicago

Les villes de papier du XXème siècle soulignaient la nécessité d’une connectivité des réseaux, afin d’amener de la proximité. Il s’agit ici d’un précepte d’urbanisme durable, puisque comme nous avons pu le montrer précédemment, ce modèle s’appuie sur ce principe de proximité induit par une mobilité à toutes les échelles. À Chicago, les rues forment un réseau quadrillé, comme le proposait Le Corbusier ou Frank Lloyd Wright, et distribuent les équipements de manière équidistante. Effectivement, chaque habitant peut se rendre partout dans la ville de façon rapide et efficace, grâce à un réseau de rues interconnectées les unes aux autres hérité du modèle américain.

Depuis le point central de la gare, tous les réseaux de bus, de métro, les voies cyclables et piétonnes sont reliées entre eux. L’autre particularité de la ville réside dans un réseau de parcs homogène, jouant un rôle de connecteur entre les différentes façons de parcourir la ville, et amenant à favoriser les déplacements doux. Comme dans la Ville Radieuse de Le Corbusier, Chicago possède un échangeur à plusieurs niveaux. Ce hub multimodal permet à toutes les voies de circulation de se croiser en un seul point stratégique permettant une redistribution efficace des flux. La ville de Rennes, dans la même optique de durabilité, fait en sorte que les voies de circulation soient reliées afin d’améliorer la fonctionnalité du système de transport.

Ville de Rennes ; Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, in Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, Ville Cesson Sevigne. Disponible sur : <https://www. ville-cesson-sevigne.fr/2018/10/18/rapport-dactivites-et-de-developpement-durable-2017-de-rennes-metropole/> 56/ Ville de Chicago ; Le système de parcs de Chicago, in Trame verte et bleue, expériences des villes étrangères, Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature, CERTU. Disponible sur : <http://www.environnement-urbanisme.certu.equipement. gouv.fr/IMG/pdf/fiche_tvb2_Chicago_version_longue.pdf> 57/ CROMPTON John, The impact of parks 55/

Équipements de proximité distribués par différents modes de transport Dans les nouveaux projets qui ont déjà vu le jour, ou dans les futurs aménagements, la ville de Rennes se donne pour objectif que chaque habitant se trouve à moins de 500 mètres d’une station de métro ou d’un arrêt de bus, privilégiant ainsi les modes de transport plus respectueux de l’environnement. L’inventeur Ebenezer Howard proposait déjà cette limite de 500 mètres de distance entre deux points d’intérêt pour un habitant, la distance s’effectuant à pieds pour lui mais il explique que cela permet une distribution plus efficace de la ville55. À Totnes, ville tranquille du Sud-Ouest de l’Angleterre, la voiture est bannie ou très mal vue quand elle est utilisée au sein de la ville.

on property values : a review of the empirical evidence, Journal of Leisure Research, 2001, 131p.

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La ville de Chicago offre elle aussi de nombreux espaces publics et des équipements qui profitent de l’hyper connexion des réseaux de transport. C’est le cas des parcs côtiers et des parcs urbains, reliés entre eux par des boulevards végétalisés. Plus particulièrement, le Washington Park et le Jackson Park, connectés par une avenue-promenade, ce qui permet aux habitants de profiter d’un espace de loisir et d’équipements de proximité56 . La ville offre ainsi un chapelet de parcs et d’équipements de valeur, mettant à disposition des habitants des espaces de récréation et de détente selon des critères fonctionnels de proximité et de qualité des aménagements paysagers (Fig.34). La possibilité de circuler aisément à travers la ville et de profiter des équipements, apportée par la connectivité des réseaux de transport est un précepte de la ville durable.

D'un point de vue économique, des études ont été realisées et ont mis en évidence l'impact foncier d'un espace vert.

Cette plu-value est générée par deux vecteurs fondamentaux ; premièrement l'amélioration du cadre de vie que permet la présence du végétal mais aussi pour la pérénité de ces espaces au sein d'un espace urbain en renouvellement constant. 57 Villes de papier et ville capable

Proximité de l’habitat

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Les villes idéales produites par Frank Lloyd Wright, Ebenezer Howard, Le Corbusier et Yona Friedman dans lesquelles les transports favorisent la proximité de l’habitat au sein de la ville amènent à une mixité fonctionnelle à l’échelle de la ville qui se reflète à l’échelle de l’individu. Comme Howard dans la Cité Jardin, la ville de Totnes dispose d’une mixité fonctionnelle, c’est-à-dire qu’elle mêle les équipements et l’habitat. Effectivement, l’organisation de la petite cité permet aux réseaux de transport d’apporter une certaine proximité entre les différentes zones d’intérêt que sont les équipements et l’habitat. Tout est prévu pour favoriser les échanges entre les individus, le marché d’artisanat (Fig.35) et de produits locaux, les commerces de marchandises régionales, mais aussi et surtout les logements qui se mêlent à cette vie de communauté58.

Au centre-ville, les logements se trouvent à l’étage des commerces, si bien que les habitants se trouvent à proximité de toutes les commodités. Cependant, lorsqu’on s’éloigne du centre, les maisons individuelles sont de plus en plus nombreuses et le nombre de commerces ou de services s’amoindrit. Ainsi, la proximité spatiale entre les hommes et les équipements, faisant partie des principes de la ville durable est restreinte à l’unique centre de la cité. C’est un problème que les villes de Rennes et de Chicago rencontrent également, même si la ville américaine a tout mis en place pour faire migrer sa population vers le centre-ville en proposant des loyers attractifs, etc., il n’empêche qu’il subsiste de nombreux quartiers uniquement résidentiels dans la couronne périphérique59.

Ici à nouveau, nous pouvons soulever l'intérêt foncier de la proximité de l'habitat aux voies de communication. Dans les secteurs immobilier, la présence d'un équipement de communication à proximité du bien est l'un des principaux critères sélectif pour le potentiel acheteur en milieu urbain. Ce critère est d'autant plus qualitatif dans les grands ensembles urbains.

Habitat adapté aux besoins de l’individu Outre les incitations financières qui accompagnent les programmes de repeuplement de la ville centre de Chicago, l’objectif est de rendre aux habitants une proximité avec des services et des équipements dont ils ont besoin au quotidien. Dans les concepts de la ville durable, il n’est que très peu question des dimensions de l’habitat ou de son lien vis-à-vis de son environnement direct.

Fig. 35. Marché et lieux d’échange / Totnes

Ville de Totnes ; History, in Transition Town Totnes, Home, about. Disponible sur : <https://www.transitiontowntotnes.org/> 59/ Ville de Chicago ; Le système de parcs de Chicago, in Trame verte et bleue, expériences des villes étrangères, Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature, CERTU. Disponible sur : <http://www.environnement-urbanisme.certu.equipement. gouv.fr/IMG/pdf/fiche_tvb2_Chicago_version_longue.pdf> 58/

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Bien que sa proximité aux commodités soit souvent abordée, son organisation interne en lien avec les usagers est régulièrement négligée. Aujourd’hui, dans les villes durables, l’architecte, l’urbaniste, le constructeur, le promoteur, etc., décident de l’habitat, de ses dimensions comme de ce qu’il va englober comme type de services. Dans ce modèle favorisé aujourd’hui, on oublie souvent que le concepteur n’est pas l’usager et ne répondra ainsi jamais aussi efficacement aux attentes des habitants que les habitants eux-mêmes. Dans les villes durables, il n’est pas possible pour l’habitant d’adapter leur logement à leurs modes de vie. Il n’y a aucun lien spatial entre les cellules d’habitat, ce qui diminue les potentialités des usagers, à l’échelle de leur cadre domestique comme à l’échelle de la ville.

Pourtant il convient aussi de souligner les différenciations culturelles de la cellule d'habitat. Pour plaire à un usager, un logement doit éepondre à des critières sociaux professionnels. Associé au brassage culturel préexistant des espaces urbains, il devient difficile d'anticiper les besoins en habitat d'usager en constante évolution.

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Habitat adaptable, mobile et transformable Les villes durables fournissent encore majoritairement des logements construits et immuables qui ne peuvent s’adapter aux changements qui s’opèrent au sein de la ville mais aussi à l’échelle de la planète. Au contraire de ce que propose Yona Friedman, les immeubles de logement qui ne sont que peu ou pas réversibles, c’est-à-dire qu’ils sont construits pour un certain type d’occupation et qu’il n’est pas possible, sans travaux d’envergure, de les transformer afin d’accueillir un autre type d’occupation. Il ne s’agit alors pas de bâtiments durables et transformables, un des grands principes de l’urbanisme durable. Ainsi, dans la ville de Rennes, le nouveau quartier ViaSilva60 (Fig.36) est conçu par des promoteurs n’offrant aucune possibilité d’aménagement ou programmatique proposée par les habitants eux-mêmes. Ce manque se reflète aussi dans de nombreuses villes en France où l’on observe des locaux neufs inoccupés ne répondant pas aux attentes de leurs potentiels occupants.

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D'un point de vue environnemental, ce constat est catastrophique, car les bâtiment n'amortissent pas les coûts énergetiques de sa fabrication. De même, l'absence d'une utilisation et d'un entretient par l'usager ou une utilisation différente de sa programmation accelère parfois la détérioration de ces bâtimentsAinsi, au dela d'une analyse approfondie de l'espace de projet pour que celui ci réponde au mieux aux critères et besoins de son environnement, la reversibilité s'augure comme une réelle pluvalue de notre société en mutation, et donc un comme un enjeu détérminant pour la ville durable.

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Fig. 36. Coupe du nouveau quartier résidentiel ViaSilva / Rennes

Ville de Rennes ; Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, in Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, Ville Cesson Sevigne. Disponible sur : <https://www. ville-cesson-sevigne.fr/2018/10/18/rapport-dactivites-et-de-developpement-durable-2017-de-rennes-metropole/>

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2/ Des cas d’étude et des villes de papier possédant des caractéristiques de la ville capable La ville durable

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La notion de ville durable (Fig.37), bien que très répandue aujourd’hui, soulève certaines interrogations. Même si de nombreux préceptes mis en évidence précédemment sont vertueux, la mise en œuvre concrète d’un urbanisme durable démontre un certain nombre de manques, de lacunes au sein de la définition comme de l’application de la ville durable. La ville durable peut se comprendre sur le plan purement technique et dans cette perspective, le rôle du bâti joue un rôle prédominant. Les conditions techniques de construction des bâtiments mais aussi la façon dont on imagine le quartier et la ville sont au premier plan car mis en avant par les politiques urbaines.

Cependant, les réflexions sur les modes d’habiter sont très limités, la ville durable ne prend que peu en considération la ville comme un lieu où se déploie l’habitat, où vivent les hommes, ou comme un espace qu’ils peuvent s’approprier. La grande problématique des villes durables est ainsi la prédominance des réponses techniques plutôt que sociales et humaines. Effectivement, les réponses techniques et les approches environnementales aux enjeux de la ville durable ont très vite pris le pas sur d’autres types d’actions, et monopolisé les actions d’aménagement urbain durable. Pour Alain Bourdin, sociologue et urbaniste, auteur Du bon usage de la ville61, cela a eu pour effet de réduire la notion de ville durable à une technicité exacerbée portée par des normes et des procédés écologiques. De cette façon, la ville durable a été appréhendée sous l’aspect d’une planification spatiale et constructive normée par des labels divers tels que HQE ou BBC, mais aussi par des logiques d’aménagement du territoire s’appuyant uniquement sur des approches environnementales.

Fig. 37. Schéma des enjeux de la ville durable

61/ Réponses techniques à la ville duable ; BOURDIN Alain, Du bon usage de la ville, Edition Descartes et Cie, 2009, 174p.

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L’urbanisme durable s’appuie sur logiques écologiques de planification spatiale et infrastructurelle comme les écoquartiers ou les trames vertes et bleues. Cependant, ces préoccupations environnementales, bien que très importantes, ont quelque peu laissé de côté le pilier social de l’urbanisme durable, comme c’est le cas dans les villes de Rennes, Totnes et Chicago. Or, la prise en compte de l’aspect social de l’organisation de la ville est primordiale dans l’urbanisme durable.

La ville durable prône une qualité de vie amenée par la participation citoyenne à la politique de la cité mais aussi une implication comportementale, et bien que incontournable dans la mise en place d’une durabilité urbaine, ces notions sont très compliquées dans son fonctionnement réel. Les acteurs de l’urbanisme durable amènent la participation citoyenne et l’évidence de bonnes pratiques comportementales au sein de leur discours, cependant, la réalité est très différente, en raison des difficultés de la mise en œuvre d’un tel projet. En effet, l’accessibilité aux projets d’aménagement est très restreinte pour les citoyens qui n’ont alors aucun pouvoir décisionnaire et les modes de vies vertueux nécessitent une mise en place sur le long terme qu’on ne peut que supposer.

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De la ville durable à la ville capable

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Il nous a été possible de mesurer l’importance des préceptes dictés par les inventeurs du XXème siècle, et ainsi de prendre conscience que certaines solutions allaient encore plus loin que ce que les villes durables actuelles mettent en place. De cette façon, la définition de la ville durable ne correspond plus aux principes énoncés par les utopistes, et nous parlerons donc de ville capable, une notion avancée par Cyria Emelianoff en 199962. Une ville capable est, selon elle, « une ville capable de se maintenir dans le temps, de garder une identité, un sens collectif, un dynamisme à long terme. ». Le terme durable n’est plus assez fort, il invoque la ténacité des villes qui ont su à travers l’Histoire se maintenir, se reconstruire et demeurer intact malgré l’affront du temps. La géographe met en avant les capacités de pérennité, de renouvellement et de résistance des villes. Une ville doit être capable de se maintenir dans le temps et de se renouveler afin de faire face aux nouveaux défis des sociétés contemporaines.

Pour ce faire, la ville doit pourtant s’appuyer son passé, il s’agit de l’ancre à laquelle la ville s’accroche afin de mieux évoluer et qui affirme d’autre part son identité. Malgré un besoin de distanciation avec son présent, la ville doit s’attacher à son patrimoine et à la diversité culturelle qui la définit, afin d’être capable de se réinventer de manière cohérente. La ville doit être capable d’offrir une qualité de vie à tous, peu importe le lieu, l’environnement, le territoire.

Cela implique de repenser de manière différente des dualités jusque-là connus comme irréconciliables. La ville devrait être capable d’associer la ruralité et l’urbanité, des politiques locales et globales à la fois, ou encore des proximités respectant l’intimité. Il est nécessaire, pour que la ville soit plus que durable, qu’elle favorise l’émergence de nouvelles proximités mais aussi qu’elle soutienne l’émergence d’un projet politique commun. Une ville capable, est par conséquent, une ville qui, comme défini dans le programme de l’Agenda 2163 adopté à la Conférence de Rio, opère une politique collective et locale. L’enjeu est de considérer les impacts du développement urbain à plusieurs échelles, celle de la ville, du quartier et de l’individu. La durabilité des villes se définit à toutes ces échelles, c’est pourquoi la ville capable est une ville à la recherche d’un développement qui ne nuit ni aux générations actuelles ni aux futures. Ce développement doit être équitable, écologiquement comme socialement, par rapport à l’échelle locale de la ville comme à une échelle plus globale.

Ville durable ; Comment définir une ville durable ?, in dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale. Disponible sur : <http://base.d-p-h.info/fr/fiches/ dph/fiche-dph-8294.html> 63/ Agenda 21 ; Action 21, in Nations Unies Développement durable. Disponible sur : <https://www.un.org/french/ga/special/sids/ agenda21/> (page consultée en mars 2019).

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Cyria Emelianoff résume cet enjeu comme « […] trouver des solutions acceptables pour les deux parties, ou encore, de ne pas exporter les coûts du développement urbain sur d’autres populations, générations ou sur les écosystèmes. ». La ville capable redéfinit la politique comme un projet collectif local, visant à réduire les inégalités sociales ainsi que les dégradations écologiques en considérant toutes les échelles de la ville. La ville capable doit apporter de nouvelles proximités, favorisant une mixité fonctionnelle et sociale au sein de la ville. Il doit s’agir d’une ville capable de renouveler ses modes de transport et d’apporter des équipements de proximité à une population urbaine. Elle limite l’interdépendance des villes en mettant en place des réseaux locaux efficaces et en développant de nouveaux modes de circulation à l’intérieur de la cité. La ville capable met à disposition des habitants des commerces et des services de proximités mais aussi des lieux de loisirs et des parcs, en prenant soin de les rendre accessibles à tous en valorisant l’écomobilité. L’enjeu est de répondre à des besoins locaux tout en les intégrant à une démarche beaucoup plus globale.

Il est possible de résumer la démarche du projet de la ville capable en quelques points capitaux. La ville capable adopte une attitude patrimoniale vis-à-vis de la ville, l’existant est un trésor de culture et de patrimoine qu’il faut mettre en valeur. Elle met en place une politique transversale, qui s’actionne à toutes les échelles de la ville. La ville est capable car elle réduit la mobilité contrainte et donne aux habitants la capabilité de circuler dans la ville par tous les modes de transports et ainsi, offre la possibilité aux usagers de profiter des divers équipements mis en place. Dans un souci de mixité fonctionnelle, la ville capable offre différents services et équipements de proximité également répartis sur le territoire. La ville est également capable de promouvoir un projet politique participatif, engendré par une nouvelle vision, et une nouvelle organisation de l’espace urbain.

La ville capable se distingue de la ville durable dans le fait qu'elle met l'accent sur l'organisation et l'imbrication des différents éléments et disciplines qui apportent la qualification de ville durable à une ville. Là où la ville durable se contente d'additionner des actions isolées, la ville capable nourrit le projet d'une mise en relation et d'une imbrication des interventions en faveur d'une ville plus durable. Il s'agit d'une vision d'une globale de la ville durable, qui souvent se limites à des actions locales sans relations les unes avec les autres.

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Préceptes capables dans les études de cas

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Les études de cas du XXIème siècle partagent des principes d’organisation politique, économique, mais aussi des transports, des équipements, etc., avec les villes de papier du XXème siècle. Totnes, Rennes et Chicago présentent de nombreux préceptes appartenant à la notion de ville durable, ce sont des villes où la qualité de vie est très supérieure par rapport aux autres villes de leur pays respectifs64.

Du point de vue de l’organisation politique et économique de ces villes, de grandes mesures ont été prises ces dernières années afin d’amoindrir l’impact de l’homme sur la planète. La mise en place d’une politique locale est en cours dans les trois études de cas, mais l’application d’un tel système est très complexe puisqu’il implique une réelle volonté d’indépendance de la ville, qui, à l’heure d’une mondialisation exacerbée, est encore loin de pouvoir subvenir à ses besoins seule. Aujourd’hui, les villes sont interdépendantes, les échanges se font à l’échelle mondiale et le fonctionnement des villes dépend de la vitesse et de l’efficacité de ces échanges. De nos jours, c’est une politique globale dûe à la mondialisation qui définit les échanges entre les villes et donc régit le développement des cités; la vie et les besoins des individus sont donc liés à l’interdépendance des villes. En effet, chaque ville dépend d’un réseau d’autres villes, que ce soit pour l’approvisionnement en denrées alimentaires, pour le travail, etc. C’est pourquoi de plus en plus de villes cherchent à rétablir une politique plus locale afin d’avoir plus de pouvoir et de contrôle sur les échanges et les conditions de vie au sein de la ville. Toutes les démarches politiques, économiques et environnementales des villes de Totnes, Chicago et Rennes se retrouvent au sein de prises en considération plus locales, à l’échelle de la collectivité. L’Agenda 21, qui est une démarche globale initiée par une collectivité locale et conduite avec la population et les acteurs locaux, présente l’ambition collective de faire du développement durable le nouveau modèle de développement du territoire. L’objectif de ce plan d’action est de définir comment le développement durable doit se décliner au niveau local. Ainsi, les études de cas ont la volonté de développer une politique plus locale, Rennes est dotée d’un plan d’action en faveur de l’énergie durable et du climat (PAEDC)65 et Totnes possède la « livre de Totnes », une monnaie indépendante acceptée dans les ¾ des commerces de la ville. Les études de cas réinventent des initiatives collectives dans l’objectif de préparer la ville à la transition post-carbone. Dans les trois études de cas, tout est fait pour favoriser les initiatives citoyennes et la vie de communauté.

Annexes p. 138 Plan d'action ; Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, in Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, Ville Cesson Sevigne. Disponible sur : <https://www. ville-cesson-sevigne.fr/2018/10/18/rapport-dactivites-et-de-developpement-durable-2017-de-rennes-metropole/> 64/

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Fig. 38. Connectivité des réseaux / Rennes

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À Chicago, le Sustainable Backyard Program encourage la création de jardins publics notamment des jardins de pluie afin de filtrer les émissions de polluants à la source et de limiter les rejets des eaux de ruissellement dans les milieux récepteurs. Ce n’est pas la seule initiative collective mise en place par ces villes, la ville de Rennes profite ainsi de la restructuration d’anciens quartiers en écoquartiers pour favoriser la création de communautés de quartier, et de collectifs de discussion. La prise en compte de l’individu, dans ces études de cas, est très limitée, mis à part les groupes de discussions dans les cafés citoyens installés à Rennes dans les nouveaux quartiers, l’habitant reste très fermé sur luimême car peu d’aménagements consacrés à cet effet lui permettent d’échanger avec la communauté. La cellule même de l’habitat n’est pas un point d’intérêt de l’Agenda 21, qui délaisse le pilier social du développement durable. Une société coopérative n’est pas possible dans les logements actuels, car ceux-ci entravent souvent les volontés et les potentialités de vie commune des habitants par leur construction systématique ne laissant aucune liberté à l’usager.

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Les études de cas profitent d’une connectivité exacerbée avec toutes les autres villes du monde puisqu’elles possèdent des voies de communication très rapides et efficaces qui les desservent. Chicago, par son échelle de mégapole, possède un aéroport international ainsi que des voies d’accès performantes qui lui procurent la proximité avec d’autres villes américaines. Cependant, ces modes de transport que sont l’avion et la voiture, ne sont pas des moyens de transport vertueux de l’environnement que la notion de ville durable veut développer. C’est pourquoi ces villes du XXIème siècle cherchent des solutions durables afin de relier la ville centre et les villes alentours. L’hypermobilité à l’œuvre de nos jours présente des risques à la fois climatiques, économiques, énergétiques, dus à l’épuisement des ressources, aux conflits d’intérêts visà-vis du pétrole, à la consommation excessive de terrain, etc. Cette mobilité humaine doit être contrôlée, et pour cela, il est nécessaire que les modes de transport changent. Mais ce changement ne doit pas être une entrave au déplacement de l'usager. Au contraire, la réduction de l'usage préférentiel de la voiture pourrait ramener d'autres bénéfices comme le gain spatial de la limitation des véhicules en ville. L'impact spatial de la voiture est considérable, sa réduction pourrait entrevoir une réponse à d'autres problématiques comme l'espace laissé aux autres moyens de transport ou le besoin d'espaces végétalisés. À Rennes, le développement de la gare (Fig.38) permet la diminution de la dépendance à la voiture et offre ainsi aux citadins un moyen de transport plus propre pour voyager. La ville développe aussi une seconde ligne de métro qui permettra dans l’avenir de relier l’ensemble de l’agglomération dans un soucis de mixité fonctionnelle. Cette seconde ligne de métro desservant l’entièreté de l’aire urbaine a pour objectif de limiter l’utilisation de la voiture au sein même de la ville, et ainsi dans l’avenir, pouvoir apporter une proximité spatiale entre les différents équipements de la ville et les habitats. Pour les transports longs, les trois etudes de cas ont su justement donner la priorité aux voies férrées.

Le bilan carbone d'un voyage en train est bien inférieur à d'autres modes de déplacemennt, et nos sociétés développées disposent en outre d'un réseau conséquent déjà bien implanté. Malgré cette volonté d’amener de nouveaux moyens de transport, les études de cas n’apportent pas une réelle proximité entre les hommes et les services. À Totnes c’est en effet le train qui permet de faire la liaison avec Londres66, et les habitants possédant une voiture la laisse à l’extérieur de l’enceinte de la ville. La gare de Chicago, en plein centre-ville, distribue efficacement la couronne alentour, ce qui pourrait permettre, à terme, de limiter la mobilité automobile.

Ville de Totnes ; History, in Transition Town Totnes, Home, about. Disponible sur : <https://www.transitiontowntotnes.org/>

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Même si les centres-villes disposent le plus souvent d’une mixité fonctionnelle, l’habitat reste concentré dans la majorité des cas dans les couronnes périphériques. Nos études de cas disposent cependant de nombreux équipements de qualité, comme la ville de Chicago qui possède un réseau de parc très important, à proximité des habitats mais aussi du centre-ville. La ville américaine dispose de nombreux atouts d’une ville durable et capable, mais, l’importance est donnée à la restructuration du centre-ville, or les zones les plus touchées par le manque d’équipements de proximités et par la mobilité contrainte sont les périphéries des villes, avec un modèle de banlieues pavillonnaires. Ainsi, la mixité fonctionnelle tant voulue par les villes du XXIème pour remédier à tous les problèmes liés à l’hypermobilité, à la consommation de terrain, ou encore à l’épuisement des ressources, peut s’avérer compliquée dans sa mise en pratique. La conséquence de l’absence de mixité fonctionnelle est la perte de proximité entre les individus. En effet, à Rennes, le nouveau quartier ViaSilva67 propose de l’habitat collectif mais aucun moyen concret de créer une vie de communauté, en proposant par exemple des espaces privés partagés, ou des équipements de loisirs ponctuels..

Ville de Rennes ; Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, in Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, Ville Cesson Sevigne. Disponible sur : <https://www. ville-cesson-sevigne.fr/2018/10/18/rapport-dactivites-et-de-developpement-durable-2017-de-rennes-metropole/> 65/ Ville de Totnes ; History, in Transition Town Totnes, Home, about. Disponible sur : <https://www.transitiontowntotnes.org/> 67/

Villes de papier et ville capable

À l’échelle de l’individu, les initiatives pour une meilleure qualité de vie sont limitées à des démarches technologiques, techniques ou scientifiques. À Chicago, comme à Totnes, la solution à un manque de proximité entre l’habitat et les équipements est la proposition d’espaces partagés, comme des jardins, des salles communes de discussion, etc65. Or, c’est la cellule d’habitat elle-même qui doit donner des potentialités aux habitants, et non des solutions techniques qui s’accordent à l’Agenda 21. L’enjeu social de la durabilité urbaine est complètement mis de côté dans les trois cas d’étude, l’habitat n’est pas durable car il est replié sur lui-même. Les modes de vie et d’habiter doivent changer, il ne suffit pas de requalifier l’espace urbain pour faire de la ville une ville durable, il s’agit d’avantage d’encourager les nouvelles pratiques urbaines comme les micro-initiatives de coopération ou de mutualisation des biens et des savoirs. À Rennes, Totnes et Chicago, les logements sont construits par des architectes ou des promoteurs sans aucune concertation avec le futur usager, si bien que les habitats ne sont pour la plupart pas adaptés à leur(s) occupant(s).

Si ce bâti neuf ne trouve pas une optimisation d’usage cohérente avec sa programmation, il restera une dépense énergétique conséquente quelque soit les titres et labels durables qu’il possède.

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Il faut donc repenser l’habitat en lui-même mais également la manière d’habiter (Fig.39) même si la transition à un mode de vie et à des comportements plus vertueux reste compliquée. Il est facile de présupposer que le citoyen va devenir éco-responsable de lui-même mais la réalité peut être beaucoup plus complexe. L’habitant doit se plier aux nouvelles injonctions et aux bonnes pratiques telles que le recyclage, le compostage, la mobilité douce, etc. Mais il s’agit ici de bonne volonté et il n’est en aucun cas possible de forcer la « bonne conduite ». Ainsi, le pilier social des villes est, bien qu’encore largement oublié, un levier majeur pour une transition vers une ville capable. Il est donc nécessaire de prendre en considération l’individu au sein de la ville et de son environnement proche.

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Fig. 39. Nouveaux modes d'habiter / Y. Friedman

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Préceptes capables dans les villes de papier Bien que ces villes présentent des principes d’urbanisme durable et certains principes de la ville capable, il est nécessaire de noter que certains principes prônés au XXème siècle dans les villes de papier ne sont pas développés dans les études de cas. Les villes du XXIème siècle souffrent de quelques faiblesses à plusieurs niveaux qui sont présentent dans les villes idéales du XXème siècle. À tous les égards, les villes inventées par les utopistes démontrent que certains systèmes d’organisation de la ville, d’un point de vue politique, économique, social ou encore de qualité de vie, sont très efficaces et ces préceptes peuvent nous inspirer afin de construire un nouvel urbanisme pour la ville de demain.

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Les villes de papier du XXème siècle, en plus d’une volonté d’autonomie vis-à-vis des autres villes, défendent une politique locale citoyenne. Ces villes mettent en place une politique transversale, qui s’actionne à toutes les échelles de la ville. Si l’interdépendance des villes est limitée dans les villes du XXème siècle, c’est par la mise en place de réseaux locaux efficaces. Bien que nécessaire à l’heure de la mondialisation, l’hyperconnectivité des villes entre elles engendre un phénomène de dépendance subi auquel les villes du XXème siècle avait déjà réfléchi. Les idéaux de Howard, Le Corbusier, Wright, Archigram et Friedman tendaient déjà vers cette volonté d’indépendance au profit d’une ville dont le fonctionnement et l’organisation seraient gérés de manière plus locale. Dans les villes de papier, les inventeurs limitent la dépendance de leur ville en imaginant des réseaux de communication d’une grande efficacité jouant le rôle de liaison avec les autres villes. Ainsi, les transports permettant la connexion avec les villes périphériques servent à l’échange de marchandises et d’informations avec la couronne directe et avec les villes les plus proches, ce qui donne aux villes idéales la possibilité de posséder un circuit court d’échanges. Afin d’affirmer cette autonomie, les villes du XXème siècle possèdent un réseau efficace à l’intérieur de la cité, car un réseau local performant permet une distribution des biens et des personnes rapides et efficace. C’est pourquoi les inventeurs ont recréé des réseaux locaux destinés à un mode de vie collectif. Dans les Cités Jardins, la communauté se veut très forte, il s’agit d’une organisation de ville à part entière, permettant aux individus de profiter de toute une vie de quartier au sein de la ville.

Partie IV

La mise en place de réseaux locaux efficaces et le développement de nouveaux modes de circulation à l’intérieur de la cité limite l’interdépendance des villes mais améliore surtout la qualité de vie des usagers en leur donnant accès à la parole et en leur permettant d’agir vis-à-vis de la politique de la cité. De cette façon, les villes idéales du XXème siècle proposent un projet politique collectif, voire une démocratie directe, à l’image de Yona Friedman. À la différence des villes du XXIème siècle, les hétérotopies engendrent une nouvelle organisation de l’espace urbain ayant une réelle incidence sur le projet politique collectif. Ces villes du XXème siècle donnent la capabilité aux individus de prendre place au sein de la vie politique. Effectivement, les inventeurs ne se limitent pas à la création de groupes de discussions ou d’associations, les habitants eux-mêmes font partie de l’organisation de la cité et chacun apporte sa contribution et son avis.

Dans les villes idéales, les citoyens sont acteurs de leur mode de vie, comme dans la ville relationnelle de Yona Friedman où le projet politique collectif vient d’un consentement commun, chacun connaît les options et peut prendre les décisions en conséquence. Les villes du XXème siècle apportent à l’individu la capabilité de choisir, de prendre part à l’organisation de la cité, il a le pouvoir décisionnaire et les potentialités nécessaires à une qualité de vie durable.

Les inventeurs repensent ainsi la place de l’individu dans la société, celui-ci devient autonome au sein d’une communauté coopérative. Tout est mis en place pour encourager les échanges et la communication à l’échelle de l’individu. Les citoyens coopèrent de manière à distinguer et à évaluer leurs besoins et d’y répondre au mieux en installant dans une “case” de la structure urbaine un équipement ou un service dont la communauté a l’utilité. D’autre part, les villes de papier installent des lieux partagés, tels que des jardins mais aussi des cuisines, des appareils ménagers, des zones de loisirs en commun. Les liens sociaux se créent alors grâce à une organisation de la ville qui laisse place à la coopération, les individus partagent des espaces, ce qui implique qu’ils interagissent et forment une communauté. Ainsi, la coopération est encouragée par des dispositifs qui favorisent les liens sociaux entre les individus d’une même communauté et pourrait tendre à un fort développement identitaire de ces villes théoriques dans un contexte réel..

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Les villes idéales que ces architectes nous proposent sont des modèles présentant un réseau performant qui permet une proximité spatiale au sein de la ville, grâce à un réseau de liaisons efficace, une tridimensionnalité des structures de mobilité et une faible consommation de l’espace au sol amenant une compacité. La proximité entre les hommes est accentuée par des principes permettant la mise en réseau de toute la cité. Les avantages de la tridimensionnalité de la ville sont à la fois la limitation de la consommation de terrain, la protection de l’existant, l’efficacité de la distribution et la densité de construction (Fig.40). Les villes de papier du XXème siècle installent des structures viaires efficaces qui distribuent la totalité des cités en amenant ainsi une grande proximité entre les différents points d’intérêts de la ville. Elles présentent, contrairement aux villes du XXIème siècle, une hiérarchisation claire des voies de distribution, des voies ferrées pour les échanges commerciaux alors que les individus utilisent d’autres modes de déplacement. Les modes de circulation doux sont privilégiés, comme la marche ou le vélo, mais aussi le tramway. Les voies s’insèrent les unes au-dessus des autres, permettant aux voies de circulation douces de profiter de tout l’espace au sol. De cette façon, les villes hétérotopiques limitent la consommation de terrain et protègent l’existant.

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Fig. 40. Aménagement de la Ville Spatiale / Y. Friedman

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Cela amène également une grande efficacité de distribution des personnes et des biens. Ces villes mettent en réseau les équipements et ce système est très intéressant puisqu’il apporte une accessibilité et une proximité exacerbées des hommes par rapport aux équipements. De cette façon, les équipements sont disposés équitablement dans la ville afin que chacun puisse y accéder rapidement. Ces villes sont donc capables de réduire la mobilité contrainte et donnent aux habitants la capabilité de circuler par tous les modes de transports et ainsi, offre la possibilité aux usagers de profiter des divers équipements mis en place. D’autre part, contrairement aux villes du XXIème siècle, l’habitat se mêle aux équipements, il prend place au cœur de la ville, et non dans des quartiers dortoirs périphériques. C’est un des grands principes apportés par les inventeurs, l’habitat et les services s’insèrent au sein du même système d’organisation urbain apportant de la mixité fonctionnelle dans la ville (Fig.41). Les types de logements proposés dans ces villes donnent eux aussi lieu à des échanges. Les habitats sont adaptés à l’individu, dans leurs dimensions, dans leur place dans la ville et dans leur potentialité de déplacements.

Les inventeurs proposent des logements que l’habitant lui-même imagine à sa convenance, c’est-à-dire que l’usager sait mieux que le constructeur ce dont il a besoin, et de ce fait, est capable de créer son habitat. Les villes capables du XXème siècle donnent la capabilité à l’usager de construire son foyer en mettant à sa disposition des structures vides ou des cases qu’il peut utiliser comme il le souhaite. Ce qui diffère des villes du XXIème siècle, est que ces espaces se trouvent au sein même des zones d’habitat et sont réfléchies par les usagers, c’est eux qui déterminent les besoins et y répondent.

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Fig. 41. Vie de communauté / Y. Friedman

Les cités idéales du XXème siècle sont donc des villes capables, puisqu’elles défendent plusieurs aspects mis en évidence dans la définition de la ville capable donnée en amont. Les inventeurs adoptent ainsi une politique transversale s’actionnant à toutes les échelles de la ville qui permet à la fois l’indépendance et l’autonomie des cités mais aussi la prise en compte de l’individu dans son organisation. Ils donnent à l’individu la capabilité de circuler et d’accéder librement aux équipements de proximité mis à leur disposition, générant une mixité fonctionnelle souhaitée par la ville capable.

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CONCLUSION

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Les visions théoriques proposée par Ebenezer Howard, Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Archigram et Yona Friedman au XXème siècle ont eu de fortes répercussions sur l’urbanisme d’aujourd’hui. Ils ont inspiré nombre de leurs contemporains par leurs idéaux urbains, inscrivant le débat d’une ville nouvelle sur le long terme. Ce travail a poursuivi l’objectif d’évaluer l’influence qu’ont eu les villes de papier du XXème siècle sur la réflexion contemporaine en matière d’urbanisme, et de dégager les préceptes de ces villes idéales pouvant nous permettre de réinventer l’urbanisme d’aujourd’hui.

Dans ce but, nous avons premièrement comparé les visions de Ebenezer Howard, Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Archigram et Yona Friedman.

Cette analyse comparative a mis en évidence des préceptes que les inventeurs ont imaginé dans leurs théories de villes idéales. Si ces préceptes diffèrent selon les villes de papier, tous les inventeurs ont su, en accord avec leur époque, repenser la ville à travers des principes durables et idéaux. Certains éléments de leurs théories ont des visées communes même si tous ne les expriment pas de la même manière. Ainsi, nous avons pu dégager plusieurs grands principes urbains énoncés par les inventeurs du XXème siècle : la volonté d’un projet politique collectif et d’une économie locale, basée sur une vie de communauté, d'équilibre entre individualisme et coopération, et l’ambition d’une distribution efficace de la ville grâce à une tridimensionnalité du réseau, à la fois viaire, d’équipement et de personnes générant des proximités et une mixité fonctionnelle, variant au sein de ces différents modèles.

L’analyse comparative des trois premières parties nous a permis de faire ressortir les grands préceptes d’urbanisme mais aussi des principes sociaux, politiques et économiques mis en place dans les villes de papier du XXème siècle. Cela nous a permis de créer une grille d’analyse applicable aux visions urbaines des études de cas du XXIème siècle. Nous avons ainsi pu mettre en évidence les points de convergence et de divergence entre les visions utopiques du XXème siècle et la réalité du XXIème siècle. De cette manière, nous avons mis en exergue la notion de ville capable, qui caractérise les cités idéales afin de comprendre comment les préceptes énoncés dans ces villes pourraient nous aider à réinventer l’urbanisme actuel.

Conclusion

La comparaison entre les principes des villes du XXIème siècle et ceux des cités du XXème siècle nous a permis de comprendre que les concepteurs des villes de papier avaient déjà mis en place des principes s’apparentant à la notion de ville durable telle que nous la connaissons aujourd’hui. Or, nous avons pu nous rendre compte que les villes durables, étudiées à travers nos études de cas, ne possèdent pas tous les principes sociaux, économiques ou politiques que l’on trouve dans les villes idéales du XXème siècle. Ainsi, la ville capable étant une ville durable, certains principes présents dans les villes de papier pourraient potentiellement être appliqués aux études de cas pour les amener à devenir des villes capables.

Bien que certains principes énoncés par les inventeurs du XXème siècle aient déjà été mis en place dans les villes que nous avons pris comme cas d’étude, la grande faiblesse de l’urbanisme actuel est le manque d’emboitement des différentes échelles de considération de la ville durable. En effet, alors que les utopistes mettent l'accent sur l'organisation et l'imbrication des différents éléments et disciplines qui apportent la qualification de ville durable, les villes d’aujourd’hui ne donnent pas beaucoup de potentialités aux habitants et ne permettent pas l’emboitement des différentes échelles de réflexion de la ville durable. Nous avons alors préféré l'idée de ville capable, qui, au delà de la quantification d'élément dits "durables" isolés, prône une interdisciplinarité de la ville sur des plans variés, mais interconnectés et pouvant générer une réelle synergie durable.

Malgré cet aspect capable de nos villes de papier, il apparait pourtant que la construction d’un projet réel d’urbanisme est conditionné et réglé par de nombreuses contraintes dont les utopistes ne se sont pas préoccupés dans l’imagination de leurs modèles théoriques.

Ainsi, nos modèles théoriques ne sauraient dépasser, sous leur forme actuelle, leur format utopique. À ce phénomène, nous avons principalement évoqué l'aspect du "climat architectural", qui n'tait que très peu pris en compte par les différents utopistes. Un projet s'inscrit dans un cadre spatial et temporel, lequel est influencé par tout un ensemble de facteurs : juridiques, environnementaux, économiques, politiques, sociaux et patrimonaiux. Mais malgré ces facteurs, nous avons voulu démontrer comment ces modèles théoriques pouvaient inspirer urbanisme et architecture vers un modèle capable.

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L’application d’une politique et d’une économie locale favorisant l’indépendance et l’autonomie des villes est un précepte pouvant inspirer l’urbanisme actuel, même si à l’heure de la mondialisation, les villes sont interconnectées et un retour en arrière semble compliqué avec un réseau de ville qui n’a eu de cesse que de se développer depuis le XXème siècle dans une dynamique d’hyperconnexion. Cette volonté d’autonomie passe par des circuits courts de production comme de consommation, une politique à l’échelle de la ville, mais aussi par un changement des comportements individuels. On peut rattacher cela au principe de décroissance que beaucoup prônent aujourd’hui, la véritable ville capable serait alors une ville qui réussirait à allier les préceptes utopiques et les moyens modernes et technologiques que nous avons aujourd’hui.

Il n’est pas possible de revenir à des modes de vie du passé d’un seul coup et compromettre brutalement nos modes de vie actuels, la décroissance doit se faire progressivement et en lien avec les technologies car elles font aujourd’hui parties de notre quotidien.

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Pourtant, la technologie ne peut se voir comme une entrave au développement des villes capables. Nous avons par exemple évoqué la dématérialisation, ce phénomène d'unification technologique pourrait tendre à une réelle transformation de nos espaces, tant d'activité que d'habitat. Imaginez un bureau à l'ère de nos théoriciens : table, machine à écrire ou ordinateur archaïque, papiers, et outils de bureautique... et voyez notre bureau aujourd'hui, qui pourrait se résumer à un ordinateur capable de tenir dans une enveloppe. Les besoins en espace évoluent, mais ces évolutions sont pleines de promesses si l'on peut considérer cette observation à la mutabilité de nos espaces aujourd'hui, qui pourraient alors atteindre les prétentions utopiques de nos théoriciens.

Conclusion

Une autre limite à l’application des principes utopiques des villes de papier est le mode de vie actuel des hommes qui est tourné vers la technologie. La mise en place de zones partagées ou de lieux de collectivité, la coopération et la mutualisation des biens et des savoirs au sein de zones de partage est un principe complexe à appliquer puisque dans nos sociétés actuelles, l’individu à tendance à vivre au sein de sa cellule privée fermée et les micro-initiatives sont encore rares à cette échelle de l’habitat. Bien que déjà à l’œuvre dans certaines communes aujourd’hui, la mise en place d’une société coopérative reste problématique car notre modèle de société développée tend plutôt vers un isolement presque complet de la cellule familiale voir à l’isolement de ces différentes composantes avec un mode de vie tourné vers la technologie et non plus le rapport social direct.

La mise en place d’un réseau multidirectionnel distribuant efficacement la ville existe déjà en partie dans les études cas, cependant, la gestion actuelle des réseaux de transport est encore très lié au maillage historique et reste encore très limité par la dépendance à la voiture, entravant souvent à la connexion de réseaux alternatifs. La volonté d’un retour à des modes de transport plus vertueux vis-à-vis de l’environnement est un grand principe de la ville durable, que les hétérotopistes ont rendu capable en hiérarchisant les modes de circulation : les transports doux sont alors réservés aux hommes alors que les voies ferrées et automobiles servent au déplacement de marchandises.

Pourtant si ce schéma peut nous sembler étranger à première vue, il pourrait tout à fait redevenir cohérent dans une société où la consommation en ligne progresse, et où le transport individuel revient donc à être réinterrogé dans ses usages et ses capacités.

Mais dans un maillage où la refonte des réseaux de communication n’est pas envisageable, l’évolution technologique pourrait elle aussi offrir de nouvelles possibilités, phénomène que l’on observe dès à présent avec l'émergence de tout un panel de nouveaux transports électriques. Cette révolution technologique questionne aujourd’hui déjà l’urbanisme, créant de nouvelles interprétation de la question du transport.

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La mise en place d’équipements de proximité liés aux réseaux de transport est quand à lui un précepte facilement applicable aux villes actuelles car ces villes possèdent déjà les prémices d’une telle organisation. Cependant, l’habitat reste situé en couronne périphérique de la ville, donnant lieu à des mobilités contraintes, une consommation de terrain exacerbée et un grand individualisme, et il est nécessaire de mettre en place une proximité entre l’habitat, les équipements et les réseaux. Ces problématiques, aujourd’hui à l’oeuvre dans les villes, mais aussi dans les milieux ruraux, prouvent la nécessité de mettre en place des proximités, dans un environnement où les commerces et équipements de proximité n’existent plus, où la mobilité se résume à l’usage de la voiture et où l’habitat n’est plus adapté. Le vieillissement de la population, qui va probablement marquer une forme de crise dans les années à venir et créer de nouvelles problématiques urbaines, démontre et imposera le besoin de repenser les réseaux de proximité et l’habitat. La construction d’un habitat adapté et adaptable à l’individu et par l’individu est ainsi une des grandes priorités qui permettra aux villes durables de devenir capables.

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Nous avons pu comprendre tout au long de l’argumentaire que certains préceptes des hétérotopies restent très compliqués à mettre en œuvre dans la réalité économique, politique et sociale actuelle. L’installation de tels principes nécessiterait des changements considérables à toutes les échelles de la société, certaines propositions, restant très utopiques et bien trop ancrées dans le passé, donc non adaptées à notre monde moderne.

Les visions des utopistes du XXème siècle étaient peut être « trop foisonnantes et immatures pour pouvoir être projetées immédiatement dans de nouveaux modèles urbains », comme le dit Jean Haëntjens68. Ce mémoire a ainsi révélé l'influence relative des théories générales de la société idéale mais, en revanche, le rôle croissant joué par les initiatives croisées de multiples acteurs, y compris des habitants. Si certains préceptes utopiques du XXème siècle seraient aujourd'hui ajustables et potentiellement applicables dans nos sociétés actuelles, ils demandent et impliquent un changement des modes de vie ; nous ne pouvons donc qu'insister sur la nécessité des prises d'initiatives individuelles. Le changement de nos mentalités devra sans doute devancer celui de nos villes pour que celles-ci deviennent capables. Mais en serions nous capables ?

Villes idéales ; HAENTJENS Jean, Urbatopies, Nouvelles éditions de l'Aube, 2010, 68/

137p.

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Fig. 1. Diagramme des 3 aimants / E. Howard HOWARD Ebenezer, The three magnets, schéma, 1898, in Open edition books. Disponible sur : https://books.openedition.org/pur/30184?lang=fr Fig. 2. Plan des villes « sans taudis et sans fumée » / E. Howard HOWARD Ebenezer, Group of slumless smokeless cities, dessin, 1898, in Open edition books.

Disponible sur : https://books.openedition.org/pur/30184?lang=fr Fig. 3. Vue perspective du réseau viaire de la Ville Radieuse / Le Corbusier LE CORBUSIER, Perspective de la Ville Radieuse, dessin, 1930, in Fondation Le Corbusier.

Disponible sur : http://www.fondationlecorbusier.fr/ Fig. 4. Plan de la Ville Radieuse / Le Corbusier LE CORBUSIER, Plan de la Ville Radieuse, dessin, 1930, in Fondation Le Corbusier. Disponible sur : http://www.fondationlecorbusier.fr/ 128/158

Fig. 5. Plan de Broadacre City / F.L. Wright WRIGHT Frank Lloyd, Plan de Broadacre City, maquette, 1934, in MoMA. Disponible sur : https://www.moma.org/explore/inside_out/2014/02/03/frank-lloyd-wrights-living-city-liveson-conserving-the-broadacre-city-model/ Fig. 6. Dessin-collage de la « Walking City » / Archigram HERRON Ron, A Walking City, dessin-collage, 1966, in MoMA. Disponible sur : https://www. moma.org/collection/works/813?artist_id=8113&locale=fr&page=1&sov_referrer=artist Fig. 7. Dessin-collage de la « Plug-in City » / Archigram COOK Peter, Plug-in City, dessin-collage, 1964, in MoMA. Disponible sur : https://www. moma.org/collection/works/797 Fig. 8. Dessin-collage de la « Ville Spatiale » / Y. Friedman FRIEDMAN Yona, Photomontage of a Ville Spatiale over the Seine in the heart of Paris, photomontage, 1959, in Paris Spatiale. Disponible sur : http://www.yonafriedman.nl/?page_id=431 Fig. 9. Dessin de principe de la « Ville Spatiale » / Y. Friedman FRIEDMAN Yona, Elements of the city, dessin, 1956, in Studies for mobile architecture. Disponible sur : http://www.yonafriedman.nl/?page_id=396

Table des illustrations

Fig. 10. Dessin du rôle d’une ville / Y. Friedman FRIEDMAN Yona, Cités virtuelles, dessin, 1979, in L’architecture pour les vivants. Disponible sur : https://www.pca-stream.com/fr/articles/yona-friedman-l-architecture-pour-les-vivants-122 Fig. 11. Plan des villes « sans taudis et sans fumée » / E. Howard HOWARD Ebenezer, Group of slumless smokeless cities, dessin, 1898, in Open edition books.

Disponible sur : https://books.openedition.org/pur/30184?lang=fr Fig. 12. Dessin de la communauté / Le Corbusier LE CORBUSIER, Concept de vie communautaire, dessin, 1930, in Fondation Le Corbusier.

Disponible sur : http://www.fondationlecorbusier.fr/ Fig.13. Plan détail d’une circonscription d’une cité jardin / E. Howard HOWARD Ebenezer, Ward and center, dessin, 1898, in Open edition books. Disponible sur : https://books.openedition.org/pur/30184?lang=fr Fig. 14. Dessins d’une ville communautaire / Y. Friedman FRIEDMAN Yona, Manual, dessin, 1973, in Manuals. Disponible sur : http://www.yonafriedman.nl/?page_id=516 Fig. 15. Plan Voisin / Le Corbusier LE CORBUSIER, Plan Voisin, dessin, 1925, in Fondation Le Corbusier. Disponible sur : http:// 129/158 www.fondationlecorbusier.fr/ Fig. 16. Dessin d’organisation de la « Ville Spatiale » / Y. Friedman FRIEDMAN Yona, Impressions of the functionning green architecture, dessin, 1979, in Green architecture. Disponible sur : http://www.yonafriedman.nl/?page_id=435 Fig. 17. Dessin d’organisation de l’habitat de la « Ville Radieuse » / Le Corbusier LE CORBUSIER, La Ville Radieuse, schéma, 1924, in Site et cité. Disponible sur : https://siteetcite.com/2017/02/18/une-affaire-de-representation/ Fig. 18. Dessin d’organisation de l’habitat de la Plug-in City / Archigram COOK Peter, Capsule home, dessin, 1964, in MoMA. Disponible sur : https://www.moma.org/ collection/works/797 Fig. 19. Diagramme des liaisons entre les cités jardins / E. Howard HOWARD, Ebenezer, Garden city, dessin, 1898, in Open edition books. Disponible sur : https:// books.openedition.org/pur/30184?lang=fr

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Fig. 20. Dessin de la superposition des éléments dans la Ville Spatiale / Y. Friedman FRIEDMAN Yona, Photomontage of a Ville Spatiale over a place, photomontage, 1959-70, in Ville Spatiale, scale of the concept. Disponible sur : http://www.yonafriedman.nl/?page_id=634 Fig. 21. Coupe de la Plug-in City / Archigram COOK Peter, Plug-in City, dessin-collage, 1964, in MoMA. Disponible sur : https://www. moma.org/collection/works/797 Fig. 22. Diagramme des 3 aimants / E. Howard HOWARD Ebenezer, The three magnets, schéma, 1898, in Open edition books. Disponible sur : https://books.openedition.org/pur/30184?lang=fr Fig. 23. Vue perspective du nœud de réseaux dans la Ville Radieuse / Le Corbusier LE CORBUSIER, Ville Radieuse, dessin, 1925, in Fondation Le Corbusier. Disponible sur : http://www.fondationlecorbusier.fr/ Fig. 24. Plan détail d’une circonscription d’une cité jardin / E. Howard HOWARD, Ebenezer, Ward and center, dessin, 1898, in Open edition books. Disponible sur : https://books.openedition.org/pur/30184?lang=fr

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Fig. 25. Dessin d’organisation des réseaux dans la Plug-in City / Archigram COOK Peter, Plug-in City, dessin-collage, 1964, in MoMA. Disponible sur : https://www. moma.org/collection/works/797 Fig. 26. Dessin d’organisation des équipements dans la Ville Spatiale / Y. Friedman FRIEDMAN Yona, Spatial concentration, dessin, 1959, in Spatial settlements. Disponible sur : http://www.yonafriedman.nl/?page_id=1053&wppa-album=4&wppa-occur=1&wppa-photo=27 Fig. 27. Véhicules dans Broadacre City / Frank Lloyd Wright WRIGHT Frank Lloyd, Plan de Broadacre City, maquette, 1934, in MoMA. Disponible sur : https://www.moma.org/explore/inside_out/2014/02/03/frank-lloyd-wrights-living-city-liveson-conserving-the-broadacre-city-model/ Fig. 28. Dessin d’organisation spatiale de l’habitat dans la Ville Radieuse / Le Corbusier LE CORBUSIER, Ville Radieuse, dessin, 1925, in Fondation Le Corbusier. Disponible sur : http://www.fondationlecorbusier.fr/ Fig. 29. Dessin de l’adaptabilité de l’habitat dans la Ville Spatiale / Y. Friedman FRIEDMAN Yona, Spatial concentration, dessin, 1959, in Spatial settlements. Disponible sur : http://www.yonafriedman.nl/?page_id=1053 Fig. 30. Affiche en faveur du commerce local / Totnes NANDA Shammi, Regular shop, photographie, 2014, in Local currency works in Totnes, UK. Disponible sur : https://courageouscommunication.wordpress.com/2014/10/07/

Table des illustrations

Fig. 31. Magasin-troc / Totnes CAMMACK Steve, Secondhand records shops : Totnes, photographie, 2010, in Muhmur. Disponible sur : http://muhmur.blogspot.com/2010/10/secondhand-records-shops-6-totnes.html Fig. 32. Toit végétalisé du « City Hall » / Chicago Waterson. D, Le jardin sur le toit de l’Hôtel de ville de Chicago, photographie, 2015, in Nos villes, ces labos d’innovation : des jardins sur les toits de Chicago. Disponible sur : https://share. america.gov/fr/nos-villes-ces-labos-dinnovation-des-jardins-sur-les-toits-de-chicago/ Fig. 33. Carte des espaces à valoriser / Chicago Ville de Chicago, Open space and sustainability plans, plan, 2006-2008, in Planning and Development. Disponible sur : https://www.chicago.gov/city/en/depts/dcd/provdrs/planning_and_ policydivision/svcs/open-space-and-sustainability-plans.html Fig. 34. Système de parcs du plan Burnham / Chicago Chicago park district, Burnham plan, plan, 1909, in Strategic plan. Disponible sur : https:// www.chicagoparkdistrict.com/about-us/strategic-plan Fig. 35. Marché et lieux d’échange / Totnes Save Totnes, Totnes market square, photographie, 2016, in Save Totnes market. Disponible sur : http://www.savetotnes.co.uk/ Fig. 36. Nouveau quartier résidentiel / Rennes Ville de Rennes, Coupe ViaSilva, dessin, 2018, in Cesson-Sévigné/Rennes – Atalante Via- 131/158 Silva. Disponible sur : http://www.territoires-rennes.fr/fr/projets/cesson-sevignerennes-atalante-viasilva Fig. 37. Schéma des enjeux de la ville durable Campus for all, Le développement durable, schéma, in Développement durable. Disponible sur : https://www.campusforall.com/developpement-durable/ Fig. 38. Connectivité des réseaux / Rennes FGP – Paris, GAZEAU Philippe, RAILLARD Louis, Agence TER, ZAC Euro Rennes, projection 3D, 2013-2017, in Urba Rennes. Disponible sur : http://www.urba-rennes.fr/pages/zacs/ zac-euro-rennes/ Fig. 39. Nouveaux modes d'habiter / Y. Friedman FRIEDMAN Yona, Study to incorporate agricultural uses, dessin, 1959, in Spatial settlements.

Disponible sur : http://www.yonafriedman.nl/?page_id=1053 Fig. 40. Aménagement de la Ville Spatiale / Y. Friedman FRIEDMAN Yona, Study to incorporate agricultural uses, dessin, 1956, in Spatial settlements.

Disponible sur : http://www.yonafriedman.nl/?page_id=1053

Villes de papier et ville capable

Fig. 41. Vie de communauté / Y. Friedman FRIEDMAN Yona, Une axiomatique des liaisons entre personnes et objets, schéma, 1976, in Utopies réalisables.

Fig. 42. Le « Totnes Pound » / Totnes NANDA Shammi, Totnes Pound, photographie, 2014, in Local currency works in Totnes, UK. Disponible sur : https://courageouscommunication.wordpress.com/2014/10/07/ Fig. 43. Marché et ateliers communautaires / Totnes GUZZETTI Silvia, La piazza della città di transizione Totnes, 2017, in Ambiente. Il clima giusto per salvare la Terra. Disponible sur : https://www.avvenire.it/economia/pagine/il-clima-giusto-per-salvare-la-terra Fig. 44. Jardin partagé de l’opération « jardiner ma rue » / Rennes DIAIS. C, Le jardin partagé de la maison de l’environnement, photographie, 2017, in Jardiner en ville. Disponible sur : https://metropole.rennes.fr/jardiner-en-ville?idParent=14&typeParent=taxonomy_term Fig. 45. Requalification du pôle gare / Rennes FGP – Paris, GAZEAU Philippe, RAILLARD Louis, Agence TER, ZAC Euro Rennes – axonométrie 7, projections 3D, 2013-2017, in Urba Rennes. Disponible sur : http://www.urba-rennes. fr/pages/zacs/zac-euro-rennes/ 132/158

Fig. 46. Master plan et système de parcs / Chicago SOM, Chicago lakeside master plan, plan, 2010, in Chicago lakeside master plan – sustainable design. Disponible sur : https://www.som.com/projects/chicago_lakeside_master_plan__sustainable_design Fig. 47. Master plan pour la réhabilitation du quartier Lincoln Yards / Chicago Lincoln Yards, Master plan, projection 3D, 2019, in Downloads – Master plan. Disponible sur : https://www.lincolnyards.com/ Fig. 48. Connectivité des réseaux à partir de la gare / Chicago Chicago transit authority, « L » system map, plan, 2019, in Maps. Disponible sur : https://www. transitchicago.com/maps/

Table des illustrations

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Villes de papier et ville capable

TABLE DES MATIÈRES

8 - 13 15 - 33

I/ Analyse de l’organisation spatiale des hétérotopies du XXème siècle

35 - 57

II/ Mode de gouvernance et d’inclusion

59 - 85

III/ Emergence de nouvelles proximités

16-19 20-25 26-33

36-41

42-49 50-55

134/158

Introduction

60-65

66-75

76-85

87 - 119 88-103 104-119

120-125

1/ Un aimant qui redéfinit l’idéal de la ville 2/ La machine au service de la ville 3/ La ville en mouvement

1/ Une politique et une économique locales favorisant l’autonomie

à l’échelle de la ville

2/ Un projet politique collectif basé sur la communauté

3/ Une organisation sociale à la frontière entre individualisme et coopération

1/ Une tridimensionnalité des réseaux induisant une distribution efficace de la ville 2/ Des modes de transport amenant une proximité entre les équi pements et les individus 3/ Une typologie d’habitat donnant lieu à une proximité spatiale entre les individus

IV/ Des principes hétérotopiques nourrissant les réflexions actuelles sur l’urbanisme

1/ Des préceptes des hétérotopies dans les études de cas 2/ Des cas d’étude et des hétérotopies possédant des caractéris tiques de la ville capable

Conclusion

Table des matières

126 - 127

Bibliographie

128 - 133

Table des illustrations

134 - 135

Table des matières

136 - 137

Index

138 - 139

Glossaire

140 - 141

Table des annexes

142 - 155

Annexes

142-145 146-149 150-155

Villes de papier et ville capable

1/ Totnes 2/ Rennes 3/ Chicago

135/158

INDEX

Agenda 21 : p. 8, 86, 104, 105, 106, 107, 109 Autonomie : p. 18, 36, 39, 40, 41, 43, 54, 60, 80, 87, 89, 90, 93, 98, 100, 108, 113, 114, 116, 119 CommunautĂŠ : p. 19, 30, 42, 43, 47, 49, 50, 53, 55, 78, 87, 89, 91, 92, 99, 100, 109, 112, 117 DĂŠveloppement durable : p. 8, 86, 107 Rapport Brundtland : p. 8, 86 Utopie : p. 11, 30 136/158

Utopiste : p. 12, 13, 19, 39, 41, 42, 47, 54, 55, 59, 60, 63, 65, 66, 70, 72, 74, 75, 78, 83, 87, 94, 104, 119 Ville capable : p. 13, 104, 105, 112, 115, 117, 119, 121 Ville de papier : p. 11, 15, 35, 50, 53, 63, 69, 81, 85, 96, 98, 106, 112, 113, 114, 118, 119, 121 Ville durable : p. 9, 13, 85, 86, 87, 89, 90, 93, 97, 98, 99, 100, 102, 103, 104, 108

Index

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Villes de papier et ville capable

GLOSSAIRE

Agenda 21 : L’Agenda 21 est un plan d’action pour le XXIème siècle adopté par

120 chefs d’Etats lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992. Ce plan s’applique à toutes les échelles, régions, départements, et villes. Il s’agit d’une démarche globale initiée par une collectivité locale et conduite avec la population dans l’objectif de faire du développement durable le nouveau modèle de développement du territoire.

Autonomie : Pour les utopistes, l'autonomie se définit par la volonté et le projet

que la communauté subvienne à ses propres besoins, c'est-à-dire que le groupe de personnes vivant ensemble produise et distribue de quoi alimenter chacun en énergie, en nourriture, etc. Il s'agit d'une volonté d'autosuffisance matérielle mais aussi sociale puisque le projet d'autonomie expliqué par les utopistes comporte également une dimension politique.

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Communauté : La communauté, comme le définit Friedman ou Howard, est

un groupe social dont les membres vivent ensemble, ou ont des biens ou des intérêts communs. Il s'agit d'un groupe restreint vivant ensemble, pas forcément dans les mêmes bâtiments, mais partageant des valeurs, des biens mais aussi des liens sociaux.

Développement durable : Le terme développement durable désigne un mode

de développement veillant au respect de l’environnement par l’utilisation prudente des ressources naturelles afin de les rendre durables dans le long terme. Selon le rapport Brundtland, « le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent dans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Cette définition intègre les contraintes liées à l’environnement et aux enjeux sociaux mais aussi à une croissance économique s’inscrivant sur le long terme.

Glossaire

Rapport Brundtland : Le rapport Brundtland est le nom communément donné à la publication rédigée en 1987 par la Comission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies, officiellement intitulée « Our Common Future », traduit par Notre avenir à tous. C’est dans ce rapport qu’est utilisé pour la première fois l’expression de développement durable, traduite de l’anglais « sustainable development ». Ce rapport sera utilisé comme support de base lors du Sommet de la Terre en 1992 à Rio. Utopie : Le terme utopie est apparu au XVème siècle dans l’ouvrage de Thomas

More, Utopia, dont le titre complet en latin est De optimo rei publicæ statu, deque nova insula Utopia. C’est en 1516 que Thomas More publie ce livre fondateur de la pensée utopiste. Le mot utopie est dérivé de son titre qui est construit d’après une racine grecque signifiant « lieu qui n’est nulle part », οὐ τοπος en grec. L’utopie est donc une construction imaginaire d’une société qui représente, pour celui qui l’imagine, un idéal.

Thomas More est un juriste, historien, théologien et homme politique du XVème siècle, et son ouvrage, Utopia, peut être considéré comme une satire de la société de son temps qui inspirera de nombreuses théories politiques, économiques et sociales chez ses contemporains.

Utopiste : Le terme utopiste désigne les inventeurs des utopies.

Ville capable : Une ville capable est une ville capable de se maintenir dans le

temps, ce qui implique une recherche d’autonomie mais aussi des changements des pratiques urbanistiques. Cette ville doit offrir une qualité de vie, impliquant une mixité fonctionnelle et sociale ainsi que l’émergence de nouvelles proximités et la diminution de la mobilité contrainte.

La ville est capable lorsqu'elle met l'accent sur l'organisation et l'imbrication des différents éléments et disciplines qui apportent la qualification de ville durable, il s'agit d'une ville durable globale.

Ville de papier : Une ville de papier est définie dans ce mémoire comme une

ville imaginée par un architecte ou un penseur qui existe sur le papier ; il s'agit d'une ville qui n'existe qu'en plan, en image ou en description mais qui sont inscritent dans la réalité temporelle et physique du monde et de leur époque.

Ville durable : Ville dans laquelle les principes d’urbanisme suivent les 3 axes du développement durable.

Villes de papier et ville capable

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TABLE DES ANNEXES

I/ Annexe 1, Totnes

p. 138 - 141

II/ Annexe 2, Rennes

p. 142 - 145

III/ Annex 3, Chicago

p. 146 - 151

140/158

Table des annexes

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Villes de papier et ville capable

I/ ANNEXE 1

TOTNES Totnes est une ville de 8000 habitants au sud du Devon en Angleterre.

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La ville fait partie du réseau des « villes en transition », un mouvement d’ampleur internationale. Son objectif est de préparer la société à l’après pétrole.

Le mouvement des villes en transition prône la résilience des villes, c’est-àdire des villes capables de s’adapter aux événements qui se produisent afin d’amoindrir les effets des crises écologiques et de se réadapter rapidement à un changement majeur. C’est le professeur de permaculture Rob Hopkins qui a lancé l’expérience de TTT (Totnes Transition Town) en 2005, la ville est alors devenue la première ville en transition au monde. Selon lui, il n’y a pas de modèle absolu, chaque territoire doit trouver ses propres réponses. Les habitants de la ville réalisent, depuis le début de l’expérience, des projections basées sur des calculs afin d’affirmer des objectifs viables, vivables et équitables pour la ville. Totnes souhaite relocaliser l’économie et la production d’énergie pour limiter l’empreinte carbone des villes. L’objectif majeur est l’autonomie par l’autosuffisance et pour cela, les dirigeants de la ville ont lancé en 2006 la « livre de Totnes », une monnaie locale qui doit dans un premier temps rendre visible l’importance du commerce local et des circuits courts (Fig.42). La ville pourrait être autonome en énergie à 84% en 2030 mais elle vise également l’autarcie alimentaire. Avant le projet, l’économie était déjà très locale, le long des rues, de nombreux magasins vendant des produits locaux, des commerces de biens artisanaux, des librairies ou des herboristeries font la part belle aux circuits courts et à la production locale et collaborative66.

Fig. 42. Le « Totnes Pound » / Totnes

Ville de Totnes ; History, in Transition Town Totnes, Home, about. Disponible sur : <https://www.transitiontowntotnes.org/>

66/

Annexe 1

Pour beaucoup dans cette ville, la communauté est le modèle d’un avenir post-pétrole écologique et coopératif. Les membres des différentes communautés de transition organisent également des ateliers pour favoriser la « grande requalification », c’est-à-dire l’apprentissage et la diffusion de savoir-faire d’antan tombés en désuétude tels que la mécanique, les petits travaux en tout genre ou la connaissance des plantes médicinales. L’idée, est de se préparer à être autonome en cas de crise, tout en créant du lien social, le mode de vie dans cette ville s’articule donc autour de la communauté. Une multitude de projets vertueux sur les plans écologique et social voient le jour dans le cadre des « villes en transition », comme la création d’AMAP, l’ouverture de vergers publics ou de « centrales d’échanges », etc. La ville en transition prône un projet porté par une communauté de citoyens bénévoles, ceux-ci contribuent à différents groupes de travail et peuvent se retrouver afin de repenser l’ensemble de l’organisation de leur territoire à l’échelle de la communauté.

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Villes de papier et ville capable

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Annexe 1

De nombreux projets sont initiés à l’échelle de la communauté, mais à l’échelle de l’individu, peu d’initiatives sont mises en place. En effet, le projet collectif se base sur la bonne volonté des citoyens, or il s’agit d’initiative individuelle, et si tous les citoyens ne participent pas à la vie commune, les efforts communs ne pourront pas atteindre les objectifs fixés.

Totnes n’entretient que très peu de relations avec les autres villes, il s’agit majoritairement d’échanges de personnes. La petite ville possède une gare ferroviaire située sur la ligne de Reading à Plymouth et des trains directs relient Plymouth à Londres. Elle est également desservie par la route nationale A38 qui passe à 10 km du centre-ville. Un autre type de transport est utilisé au sein de la ville, il s’agit d’un pousse-pousse motorisé. Celui-ci est alimenté par des déchets et en plus d’être écologique, il est gratuit pour inciter les habitants à se déplacer de manière propre.

A Totnes, les habitants n’utilisent quasiment plus leurs voitures, et cette diminution du nombre d’automobiles a un effet positif sur l’organisation de la ville puisque les parkings sont transformés en jardins ou en équipement de quartier. Les citoyens se déplacent par des moyens de transport doux car la ville est majoritairement piétonne et cycliste. La mise en place de pistes cyclables et de cheminements piétons qui desservent toute la ville confère une grande qualité de vie à Totnes (Fig.43). En effet, il y a peu de pollution, grâce à la diminution du nombre de voiture, et de ce fait, les rues sont arborées et de dimensions adaptées à l’Homme. La création d’un réseau de pistes cyclables et de chemins piétons assure l’accessibilité aux équipements de la ville pour tous, malgré la disparition de la voiture dans la ville.

Dans la petite ville d’Angleterre, les habitats sont individuels, chacun possède sa maison, de grande dimension, car il s’agit pour la plupart d’anciennes bâtisses historiques. Cependant, les habitants de Totnes ont misé sur le développement de l’habitat écologique pour les nouvelles constructions. Ils ont choisi de construire avec des éco-matériaux mais surtout en utilisant des matériaux locaux provenant de circuits courts. Malgré ces bonnes volontés, l’habitat reste assez dispersé à travers la ville et il n’est pas adapté à l’individu, ne lui offrant que très peu de potentialités.

Fig. 43. Marché et ateliers communautaires / Totnes Villes de papier et ville capable

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II/ ANNEXE 2

RENNES

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Rennes est la préfecture de la région Bretagne, au nord-ouest de la France.

La ville de 215 000 habitants est un modèle à l’échelle nationale pour son programme de transition énergétique et sa qualité de ville durable. L’objectif de la ville est d’accélérer la transition énergétique du territoire afin de devenir une ville post-carbone à l’horizon 2030. Rennes s’est dotée d’un plan d’action à l’échelle de la ville en faveur de l’énergie durable et du climat, un plan qui s’articule en cinq axes et dix chantiers qui se déroulent sur une période de 3 ans à partir de 2017. De nombreuses initiatives voient le jour à l’échelle de l’agglomération, comme la mise en place en 2016 d’un conseil local de la biodiversité, permettant de sensibiliser et d’intégrer la biodiversité au quotidien et dans les politiques de la ville67. Il y a une réelle volonté d’agir au niveau local, la ville a créé ce conseil local afin d’en faire un lieu de réflexion croisée entre scientifiques, représentants d’associations, constructeurs, etc., afin d’encourager les initiatives à l’échelle de la métropole. Cela est également possible grâce à la forme de la ville, en effet, l’agglomération rennaise a su garder sa forme d’archipel. La ville centre est entourée d’une ceinture verte et des communes alentours qui sont distribuées comme des constellations. Cet ordonnancement du territoire a permis à la ville de maintenir une agriculture de proximité et un lien avec la nature environnante, lui conférant une certaine autonomie vis-à-vis des autres villes.

La ville de Rennes possède de nombreuses associations de quartier qui gèrent des équipements collectifs. La métropole encourage les initiatives collectives en proposant des espaces où les citoyens peuvent se retrouver. La ville favorise depuis de nombreuses années les plantations sur l’espace public avec l’opération « embellissons nos murs », qui donne aux habitants la possibilité de végétaliser les espaces publics qu’ils fréquentent. En 2017, la ville a élargi cette opportunité en proposant une nouvelle opération « jardiner ma rue » qui propose aux citoyens de créer leur propre jardin sur l’espace public (Fig.44).

Fig. 44. Jardin partagé de l’opération « jardiner ma rue » / Rennes

Ville de Rennes ; Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, in Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, Ville Cesson Sevigne. Disponible sur : <https://www. ville-cesson-sevigne.fr/2018/10/18/rapport-dactivites-et-de-developpement-durable-2017-de-rennes-metropole/> 67/

Annexe 2

Ces opérations font faites pour sensibiliser à la transition énergétique et encourager les projets collectifs qui sont la clé d’un nouveau mode de vie plus responsable. Dans les nouveaux quartiers qui vont voir le jour dans les prochaines années, Rennes tente de mettre en place des lieux de discussions afin de favoriser l’échange entre les habitants et les entreprises et de permettre la création de communauté au sein de la ville.

A l’échelle de l’habitat et de l’individu, la ville de Rennes n’offre pas beaucoup de potentialités, la prise en compte de l’individu est faible et se limite à la création de logements énergétiquement performants. Effectivement, la métropole propose la rénovation des bâtiments existants afin de faire baisser les consommations d’eau et d’électricité et la construction de nouveaux bâtiments très performants sur le plan énergétique. La prise en compte de l’individu et de ces besoins sont limités, le mode de vie est très individualiste, chacun possède sa maison ou son appartement avec tout ce qu’il nécessite à l’intérieur, si bien qu’il n’y aucune coopération au sein de la ville. Même si la ville de Rennes tente de créer de nouveaux quartiers possédant des zones de partages, l’habitat n’encourage pas les citoyens à utiliser ces espaces puisqu’ils ont tout ce dont ils ont besoin dans leur cellule privée.

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Villes de papier et ville capable

Rennes possède un réseau de communication très important et d’une grande efficacité la reliant au reste de la France et aux métropoles mondiales. Outre un maillage viaire performant, c’est la gare et tout le réseau ferré qui tend à être améliorer ces dernières années. Rennes met en avant ce mode de transport plus respectueux de l’environnement afin de renforcer sa position à l’échelle du Grand Ouest. En 2017, la création de la ligne à grande vitesse permet aux rennais de rejoindre Paris et les grands hubs européens en seulement 1h25. D’ici 2020, la ville souhaite doubler le nombre de voyageurs transitant par cette gare qui devra accueillir 128 000 personnes par jour contre 62 000 en 2017. La métropole a fait le pari de réaménager le quartier gare afin de permettre une diminution de l’utilisation de l’automobile et une amélioration de ses communications avec les villes alentours (Fig.45). Renne cherche ainsi à limiter les modes de transport consommateurs d’énergie fossile. Dans cette optique, la ville développe une deuxième ligne de métro, en plus de celle déjà existante, qui reliera le Nord-Est au Sud-Ouest de l’agglomération. Ce projet a pour but de reconstituer la couture du tissu urbain existant en créant des liaisons transversales qui assureront une nouvelle distribution au sein de la ville.

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Annexe 2

Fig. 45. Requalification du pôle gare / Rennes

Ville de Rennes ; Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, in Rapport de développement durable 2017 de Rennes Métropole, Ville Cesson Sevigne. Disponible sur : <https://www. ville-cesson-sevigne.fr/2018/10/18/rapport-dactivites-et-de-developpement-durable-2017-de-rennes-metropole/> 68/

Villes de papier et ville capable

Renne souhaite relier les réseaux entre eux afin d’en accroitre la fonctionnalité.

En effet, la ville, en plein développement urbain, cherche à mettre en relation toutes les zones d’habitat et d’équipements en connectant les différents systèmes de transport. Ainsi, la superposition des modes de transports permet la limitation de la consommation de terrain, la ville se reconstruit sur la ville, en maitrisant l’urbanisation et les réseaux de circulation. A Rennes, depuis 2017, de nombreuses opérations de requalification de l’espace urbain sont en court, visant à reconquérir des zones délaissées ou mal reliées au reste de la ville. D’anciennes friches industrielles et militaires ont été réhabilitées afin de créer de nouveaux quartiers qui se veulent durables, comprenant des réseaux de voies cyclables et piétonnes et un accès facilité au métro et au bus. La ville cherche à créer une vie de communauté au sein de ces nouveaux quartiers, en imaginant des bâtiments capables d’accueillir à la fois du logement de tout type mais aussi des activités et des équipements de proximité. L’objectif est de limiter la mobilité contrainte et de permettre à tous d’accéder facilement à des modes de transport doux ou plus vertueux, en fixant la distance maximale entre l’habitat et les transports à 500 mètres68.

Cependant, l’habitat reste très largement individuel dans toute l’agglomération, et malgré la volonté de la ville de créer des espaces plus communautaires, les citoyens n’ont pas beaucoup de possibilités au sein de leur quartier.

En effet, chacun possède son logement et les zones partagés se situent à l’extérieur du périmètre de leur habitat, ce qui ne les encourage pas à profiter de ces espaces. La ville souhaite encourager la vie de communauté et la coopération mais les dispositifs qui permettrait cela, tels que les jardins partagés, la mise à disposition d’une cuisine commune, etc., ne sont pas encore assez développés. D’un point de vue énergétique, la ville encourage la rénovation dans les logements et le tertiaire et incite à la construction de logements et de bâtiments performants énergétiquement, cependant, ce sont les seules mesures proposées, et elles ne permettent pas la mise en place d’un urbanisme performant à l’échelle de l’individu.

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III/ ANNEXE 3

Fig. 46. Master plan et système de parcs / Chicago

CHICAGO La ville de Chicago, située au bord du lac Michigan, dans l’État de l’Illinois, fait partie des plus grandes villes des États-Unis.

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La ville, avec ces 2,7 millions d’habitants, est une mégapole d’envergure internationale, aussi bien par sa démographie que par ses lieux d’intérêts et son influence à l’échelle du pays. En 20 ans de pouvoir, le maire de Chicago a su transformer l’image vieillissante de la ville, en y menant une politique dynamique centrée sur la volonté de faire de la métropole une ville verte. Cette détermination politique, menée à l’échelle de la ville, a pour objectif de faire de Chicago un exemple pour toutes les autres communes américaines. Ainsi, la ville se développe selon des plans précis, élaborés par un conseil local qui connait les besoins et les objectifs de la métropole. Le développement de Chicago est régi par un document de planification établi à l’échelle régionale et de l’aire métropolitaine, le Master Plan (Fig.46), qui s’apparente au schéma de cohérence territoriale français. La politique et la gestion de la ville se fait à l’échelle locale, à travers de nombreux acteurs influents qui viennent informer et sensibiliser le grand public des axes de développement de la ville. Chicago possède de nombreuses associations capables de produire des réflexions et de mobiliser le grand public pour des causes communes, et cela permet la production d’une politique locale basée sur l’avis collectif. L’organisation d’évènements festifs, tels que les BioBlitz69, pour la population permet également la communication entre les différents acteurs de la ville et ainsi d’engager les acteurs locaux dans la vie politique de la ville.

Ville de Chicago ; Le système de parcs de Chicago, in Trame verte et bleue, expériences des villes étrangères, Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature, CERTU. Disponible sur : <http://www.environnement-urbanisme.certu.equipement. gouv.fr/IMG/pdf/fiche_tvb2_Chicago_version_longue.pdf>

69/

Annexe 3

La ville Nord-Américaine possède de nombreuses communautés urbaines, en effet, Chicago est divisée en « secteurs communautaires », délimitées en 1920 par le comité de recherche en sciences sociales de l’Université de Chicago. La ville est redécoupée en 228 quartiers, qui se sont formés historiquement, et qui rassemblent des communautés de même origine géographique, religieuse ou sociale, maintenant une forte identité. Ce découpage permet une meilleure gestion de la ville et donne plus de potentialités aux habitants. En effet, de nombreux espaces publics, tels que les trottoirs ou les places, sont financés et gérés par les citoyens qui s’occupent de les entretenir. La ville favorise ainsi les initiatives et les démarches citoyennes et collectives et coordonne des programmes d’actions en relation avec les habitants.

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Villes de papier et ville capable

Chicago offre de cette manière une grande qualité de vie à ses résidents, notamment grâce aux nombreuses actions visant à rendre le centre-ville agréable, comme la création de jardins partagés, etc. C’est dans cette optique que la ville attache beaucoup d’importance au Lake Front Park, un chapelet de parcs publics allant du Nord au Sud de la ville le long du lac Michigan, qui offre un réseau d’équipements aux habitants de Chicago. Cette continuité paysagère rend accessible les équipements, les services et les lieux de loisir à tous et apporte une grande qualité de vie au centre-ville70.

La ville de Chicago organise de nombreuses activités, propose des installations sportives et organise des événements, dans le but de créer des relations sociales entre les individus. Cependant, malgré la mise en place de ces événements sociaux, la ville reste un espace très individualiste. Il y a très peu de coopération au sein de la métropole, les habitants n’ont que très peu d’espaces de partage qui leur permettrait d’échanger réellement et à l’échelle de la communauté. Chacun possède son logement, dans lequel il évolue sans tenir compte des autres puisqu’il détient tout ce dont il a besoin.

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Fig. 47. Master plan pour la réhabilitation du quartier Lincoln Yards / Chicago

La ville de Chicago présente un système de réseaux très efficaces qui permettent de rejoindre les villes alentours très rapidement. La ville est une des premières villes américaines à se doter d’un plan global d’urbanisme structuré par un système de parcs. Ce plan, appelé « plan Burnham » propose un schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme où la qualité du graphisme révèle avec une grande précision les pôles d’urbanisation, les lignes de chemin de fer, les voies de circulation, les ports, les emprises des manufactures et des industries. Ainsi, les voiries s’articulent en étoile à partir d’un point central si bien que la ville est très bien distribuée par tous types de transports. Outre les autoroutes, la ville dispose de nombreux autres moyens de circulation, comme la voie ferrée passant au centre-ville et permettant de rejoindre les cités alentours. Cette organisation des réseaux en toile d’araignée rend possible les échanges de biens et de personnes et l’accessibilité à tous les équipements de la ville. La grande particularité de Chicago est son réseau maillé de parcs et de promenades, rendu possible grâce à long processus de planification urbaine datant des années 1900.

Les deux plus grands parcs urbains, Washington Park et Jackson Park, sont reliés par une avenue-promenade, la Midway Plaisance, qui est un boulevard végétalisé de 1,6 kilomètre de long sur 140 mètres de large muni d’un généreux terre-plein central engazonné. Il est ainsi possible de circuler à travers les parcs de la ville en vélo ou à pieds en utilisant cette voie de circulation, celle-ci étant agréable et confortable car aménagée de platebandes fleuries et de cheminement piétons arborés. Chicago relie de cette manière tous les points d’intérêts de la ville, disséminés à proximité des parcs (Fig.47). La ville a depuis longtemps fait le choix de construire en hauteur, afin de laisser passer un maximum de soleil entre les buildings et ainsi permettre à la nature de se développer. Construire plus haut permet de dégager plus d’espace au sol pour des parcs, des pistes cyclables, cela permet de rendre la ville plus dense et d’éviter l’étalement urbain.

Ville de Chicago ; Le système de parcs de Chicago, in Trame verte et bleue, expériences des villes étrangères, Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature, CERTU. Disponible sur : <http://www.environnement-urbanisme.certu.equipement. gouv.fr/IMG/pdf/fiche_tvb2_Chicago_version_longue.pdf>

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La ville possède un réseau de transport interconnecté qui permet à chacun de se déplacer le plus librement possible à travers la cité. La gare centrale est le point de ralliement de tous les systèmes de déplacement, on y trouve le métro, le bus, les pistes cyclables ainsi que les cheminements piétons. Tout est connecté en ce point mais également à travers la ville (Fig.48).

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Fig. 48. Connectivité des réseaux à partir de la gare / Chicago

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Cela permet aux habitants de relier les différents équipements et services de la manière qu’ils le souhaitent. En plus d’offrir des espaces verts de détente pour les habitants, les parcs urbains sont également des lieux multifonctionnels, comme le Millennium Park qui dispose d’une salle de concert en plein air ou le Lincoln Park, le plus grand parc de Chicago, qui accueille 20 millions de visiteurs par an, soit le 2ème parc le plus visité après Central Park à New York.

Le Lake Front Park est composé d’un long chapelet de parcs publics s’étalant du Nord au Sud de la ville. Il s’agit d’une continuité paysagère quasi ininterrompue qui relie les parcs les uns aux autres, via des promenades plantées, pistes cyclables, chemins piétons, plages, etc. L’objectif est d’offrir des espaces de récréation, de détente et de partage de proximité aux habitants et des aménagements paysagers de qualité. La volonté de Chicago est de tenir les habitants informés des initiatives et ainsi de les encourager à profiter des espaces à leur disposition. Pour la ville, ce sont les citoyens eux-mêmes qui participent à l’amélioration de leur cadre de vie, il est donc nécessaire de faciliter les démarches collectives en offrant des espaces participatifs. Les démarches citoyennes ont profondément transformé l’aspect de la ville, auparavant très minéral, les habitants ainsi informés et sensibilisés peuvent agir à l’échelle de leur quartier et réintégrer la nature à leur quotidien.

L’avantage de construire en hauteur est que la mixité fonctionnelle devient plus aisée, en effet, à Chicago, les buildings abritent à la fois des logements, des bureaux et des services. Même si ce n’est pas le cas de tous les immeubles et malgré la périurbanisation importante que subit la ville, Chicago souhaite rendre le centre-ville agréable et habité. Si les nombreux buildings du centre sont occupés majoritairement par des bureaux, la ville souhaite changer cela et propose des services et une assistance technique complète aux citoyens.

Cependant, comme dans de nombreuses villes, les objectifs sont avant tout techniques, en effet, Chicago souhaite végétaliser ses toitures afin d’améliorer les performances énergétiques des logements et cartographie les îlots de chaleur urbains, sans prendre en compte la dimension sociale des changements à effectuer. La ville fournit à chaque famille ou chaque logement des aides afin d’acquérir des citernes de récupération des eaux de pluies ou des composteurs, alors que ces outils devraient faire partie des équipements de base d’un bâtiment et être mis en commun afin de profiter à plusieurs logements.

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ENSA Nancy 2018-2019 Master Architecture, Ingénierie & Environnement Mémoire de fin d’études Date de soutenance : 05-06-2019 Jury soutenance : Jade Berger, Adrien Marchand et Emma Swarb Directrices de mémoire : Jade Berger & Emma Swarb

Ludivine Gay

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