Les freins à l'emploi

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DU PR ZOULOUCK

s n i e r Les f i o l p m à l’e

VOUS SAVEZ MADAME, C’EST PAS FACILE D’ÊTRE RÉDUIT À LA SOMME DE SES DIFFICULTÉS !

COMPTECARNET RENDU DE VOYAGE D’ENQUÊTE PERSONNALISÉ

LES CARNETS


E

LÉTIQU FICHE SIGNA

MILIALE CIALE ET FA SITUATION SO m ck Kuglofshei Nom : Zoulou août 1965 à ance : le 3 Date de naiss Rhin (67) 091 509 013 dans le Bas: 1 65 08 67 té sociale nts fa en N° de sécuri 5 rié, nal famille : ma r Internatio eu Situation de êt qu En e: ué iq nd ve l ta re rtemen Profession quêteur Dépa réelle : En . .. Profession nt ve du nd é : ça dépe Ponctualit ENCE E, INTELLIG MORPHOLOGI Q.I. : 98 75 Taille : 1m s e : 65 kilo rm fo de s Poid los ki 77 : el Poids actu 1m 40 Envergure : ULIERS te. IQUES PARTIC ue sur la tê SIGNES PHYS in ig e inconn or d’ e êt i cr ce qu Porte une e un manche . , vole comm ntgolfière Par ailleurs mo en e ac ’il se dépl explique qu HOLOGIQUES , TIQUES PSYC r de leçons CARACTÉRIS ire, donneu to mp re voire x, pé e, eu bl ti ti en ep ét Pr iel, susc it, caractér Professeur soupe au la fait appeler se l (i e an om th my ). es in ôm br un ses dipl a loupé tous veloppé. alors qu’il apté très dé ad in té cô ble, si ogresser. en pr rs à pe Hy che ant, et cher nd pe ce nd A bon fo

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LES CARNETS

DU PR ZOULOUCK

Présentation du carnet Ce carnet est composé de 4 parties. Nous commençons par rappeler le contexte dans lequel l’action s’est inscrite ainsi que la démarche employée. Dans un deuxième temps, nous présentons les résultats de cette enquête (menée auprès de 30 professionnelles et 15 allocataires du RSA) en observant ce qui ressort de leurs points de vue respectifs. Nous proposons ensuite quelques pistes de réflexion pour tenter d’améliorer certaines questions sensibles soulevées lors de la phase d’enquête. Pour finir, nous illustrons notre propos par un exemple, celui du Professeur Zoulouck ! 1) Avant-propos Objectifs Bref historique Démarche employée Représentation artistique Contenu du DVD Remerciements 2) Ce qui ressort de l’enquête sur les freins à l’emploi Ce qui ressort des entretiens faits avec les professionnelles Ce qui ressort des entretiens faits avec les allocataires Conclusion 3) Illustration par un exemple : Zoulouck Les principaux freins identifiés chez Zoulouck Son frein moteur Jeu 4) D’autres choses à rajouter ? Cette dernière partie vous est destinée si le coeur vous en dit ! L’éditeur


Avant-propos Objectifs L’objectif de ce projet est de créer des ressources

Mais une fois cet intérêt manifesté, elles n’ont pas

innovantes sur la question des freins à l’emploi à

fait les choses à moitié puisque les 15 profession-

partir d’une enquête de terrain conséquente réalisée

nelles de Mons/Marcq présentes ont en effet toutes

auprès de professionnels et d’allocataires du RSA.

souhaité être rencontrées individuellement pour par-

Ces ressources s’adressent en priorité aux travailleurs

ticiper à l’élaboration du diagnostic partagé autour

sociaux qui accompagnent ces personnes vers le

de la question des freins à l’emploi.

retour à l’emploi. Elles doivent donc être accessibles, dynamiques et adaptées, de manière à permettre aux

Du côté de Lille-Fives, nous avons eu la chance

professionnels qui le désirent de se les approprier

d’avoir comme interlocutrice une chef de service qui

facilement.

connaissait notre association et était de ce fait déjà convaincue par notre approche. Elle a donc eu plus

Bref historique Démarrage un peu poussif Entre l’écriture du projet et le démarrage réel de l’action (Juin 2011), il s’est écoulé plus de 6 mois. Au départ, plusieurs U.T.P.A.S. avaient été contactées, mais seules deux d’entre elles ont finalement donné leur accord : celle de Fives et celle de Mons/Marcq. Et encore, pour cette dernière, les choses étaient loin d’être acquises lors de la présentation à l’équipe. En effet, quand nous avons présenté le projet ce matinlà, les assistantes sociales présentes étaient fort réservées (pour ne pas dire plus...) quant à l’intérêt de cette action.

de facilités à convaincre son équipe. Au final, nous avons rencontré 26 professionnelles, 15 sur Mons/Marcq, 11 sur Lille-Fives. Sur ces 26 professionnelles, 9 ont été rencontrées par petits groupe (2 ou 3) et 17 dans un cadre individuel. Les entretiens individuels ont duré en moyenne 1 h et les temps collectifs entre 1 h 30 et 3 h. Nous avons également rencontré à plusieurs reprises des personnes représentant l’Institution (Conseil Général du Nord) pour leur faire part de l’avancée de ce travail d’enquête et de création. A chaque point d’étape, celles-ci ont manifesté un grand intérêt et une forte implication.

C’est après avoir vu le petit film et écouté les chansons réalisées dans le cadre d’un projet mené à Roubaix autour du malaise adolescent qu’elles se sont décidées soudainement : « Avant, on était dans le

bla-bla, tandis qu’après le film et les chansons, on a vu ce que ça donnerait, on était dans le concret, on pouvait se projeter », une assistante sociale. C’est donc bien à partir de cet instant que les professionnelles présentes ont pu imaginer les contours de l’action ainsi que les éventuels bénéfices qu’elles pourraient en tirer (en termes de réflexion sur leurs pratiques et sur leurs représentations...).

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ça en fait des belles rencontres tout ça !


MÉTHODOLOGIE

Démarche employée PHASE 1 : L’enquête La rencontre avec les professionnelles Dans l’élaboration de cet outil, nous avons d’abord rencontré les professionnelles dans un cadre individuel si possible pour leur permettre de dire tout ce qu’elles pensent sur le sujet, sans tabou ni peur du jugement des autres. Cette façon de faire a permis de lever des craintes, de créer un climat de

D'abord une première rencontre au cours de laquelle la personne se raconte et dit des choses importantes de son parcours, de son histoire...

confiance entre l’intervenant et les professionnelles

Mme...

Quelques jours plus tard, un second entretien a lieu au cours duquel on lui restitue ce qu'il nous a dit, mais en le structurant, en y apportant parfois notre regard, notre angle de vue. Au cours de cette seconde rencontre, la personne valide notre proposition et donne son accord pour que cet écrit soit mis dans son livret.

et cela a par conséquent facilité l’émergence d’une

Il était une fois...

Lors de la troisième rencontre, nous remettons son livret à la personne. Ensuite, en fonction du désir de chacun, ce livret voyage au sein de la famille, de l'entourage...

parole libre et sincère. A chaque étape, nous avons

Cette expérience courte dans le temps (trois rencontres maximum) produit parfois des effets étonnants en terme de prise de conscience, de changement de regard réciproque...

proposé une restitution de manière à ce que chacun puisse valider nos propositions et vérifier que

Intervieweur > Luc Scheibling Auteurs > Sabrina et Luc Illustrations > Etienne Appert

sa parole n’avait pas été déformée ni sortie de son

© Laisse Ton Empreinte/Luc Scheibling Tous droits de l'éditeur et du propriétaire de l'oeuvre réservés. Sauf autorisation, la duplication ou le prêt de cette oeuvre sont interdits.

contexte. C’est l’ensemble du processus qui crée la

DT Lille- Fives Juin 2011 / Association Laisse Ton Empreinte

confiance. Une fois les professionnelles rencontrées, ce sont elles qui nous ont ensuite servi de relais pour rencontrer le public. Nous partons en effet du principe que si elles ne sont pas elles-mêmes convaincues du bienfondé de l’action, il n’y a aucune chance pour qu’elles puissent convaincre le public de son intérêt. MON E

La rencontre avec les allocataires

M P RE

INTE

Suite à ces premiers entretiens, 15 allocataires ont donc été contactés (2 hommes, 13 femmes) : 5 sur le territoire de Mons/Marcq, et 10 sur celui de Lille-Fives. Le contact avec ces personnes a été très bon. Nous avons vu en moyenne chaque personne 3 fois. A l’issue de ces entretiens, 13 personnes sur 15 se sont vues remettre un livret personnalisé sur lequel elles ont pu apposer leur empreinte. Le temps moyen passé par personne a été de 12 h. Pour réaliser un livret, il faut au minimum 3 rencontres. - Une première au cours de laquelle la personne raPhoto

conte son parcours de vie (durée 1 h 30). - Une deuxième où nous lui restituons sa parole mais en ayant reconstitué les éléments de son histoire. Lors de ce deuxième entretien, la personne valide L'indépendance, c'est la clé !

nos propositions et souvent, parce qu’elle est mise

Etre indépendant ! C’est ça la clé ! On peut réussir, mais pour ça il ne faut pas dépendre d’un homme. Quand on bosse, on gère son propre stress et quand on vit à deux, on a chacun le sien. Ce qui ne va pas par contre, c’est quand le mari qui travaille communique tout son stress à sa femme et se croit tout permis sous prétexte qu’elle dépend de lui. Les reproches, les remarques négatives, la culpabilité, tout ça c’est du poison !

en confiance, ajoute de nouveaux éléments encore plus personnels (1 h 30).

Je viens d’une autre ville, là-bas il n’y avait pas de travail, pas de perspectives. J’y ai laissé ma vie ancienne pour venir construire mon avenir ici, à Lille, dans le quartier de Fives. C’est ici que j’ai trouvé du boulot. Je travaille comme agent d’entretien dans une halte-garderie. Grâce au cumul de mon CAE et de mon RSA, j’arrive à 1000 euros. J’ai suivi le même chemin que ma mère en fin de compte. Ce n’est pas parce qu’on est seule avec deux gosses, qu’on ne peut pas s’en sortir. Ce sont des croyances tout ça, des racontars.

- Lors de la troisième rencontre, nous lui remettons un livret individuel d’une douzaine de pages (tel que celui-ci)

Comment j’ai trouvé du boulot ? C’est tout simple en fait, c’est grâce au bénévolat. D’ailleurs c’est le genre de message que j’ai envie de faire passer à d’autres bénéficiaires. Les gens pour qu’ils nous embauchent, il faut qu’ils nous connaissent, il faut qu’ils sachent à qui ils ont affaire, il faut qu’ils aient confiance. Et pour ça le bénévolat c’est bien. Etc, etc...

qu’elle valide là encore (1 h). Ce livret lui appartient désormais, il n’est pas destiné à être rendu public mais

2

3

elle peut le partager si elle le souhaite.


Phase 2 : représentation artistique A l’issue de la première phase qui nous a permis de

Quelques mots sur Zoulouck

construire un diagnostic partagé avec les profession-

Ah Zoulouck, que ferions-nous sans lui ? C’est notre

nelles et les allocataires, nous avons proposé aux

enquêteur fétiche, notre mascotte, notre... Arrêtons-

personnes volontaires de participer avec nous à l’éla-

nous là car il est très prétentieux et ça pourrait lui

boration de la phase deux, celle de la représentation

monter à la tête ! En tout cas, son côté tête à claques

artistique. A cette étape, nous enregistrons des ex-

fait mouche auprès du public. Sans doute parce qu’il

traits de témoignages, prenons des photos, construi-

représente la posture du donneur de leçons, très

sons le scénario de l’histoire de manière à construire

fort pour pointer les dysfonctionnements des autres,

un propos clair, accessible et si possible attrayant.

mais beaucoup moins quand il s’agit de reconnaître

Car notre objectif est double : il s’agit de faire en sor-

les siens... Zoulouck est donc très important mine de

te que celles et ceux qui y ont participé s’y retrouvent

rien, car il nous permet de dédramatiser, de mettre

mais aussi que cela puisse parler à d’autres profes-

de la distance sur certains sujets sensibles difficiles à

sionnels, d’autres allocataires qui n’ont pas participé

aborder frontalement. En clair, il permet de vulgariser

au projet.

un discours et des notions qui en général relèvent de l’écrit.

La représenter Pour pouvoir le faire, nous avons besoin d’un narrateur qui mette en perspective les différents messages de manière à produire un discours accessible. Le ton employé doit être léger, distancié pour contrebalancer la sensibilité de certains sujets et procurer les respirations nécessaires. C’est ici que Zoulouck, notre passeur rentre en piste ! Toujours dans un processus de restitutions/validations successives, nous élaborons le scénario. A chaque étape, nous soumettons aux professionnels et allocataires volontaires nos propositions qu’ils valident et complètent éventuellement. Nous avons ainsi réuni trois fois (en novembre 2011, février et mai 2012) des professionnelles, des personnes représentant l’Institution et des usagers pour leur présenter l’avancée du film d’animation avec Zoulouck. Ces projections collectives ont été en outre l’occasion pour les allocataires et les professionnelles d’échanger, de confronter leurs points de vue de façon fructueuse, et même de lever certains malentendus.

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Tête à c laques toi-même !


MÉTHODOLOGIE

Contenu dU DVD

Les freins

à l’emploi Durée : 32’50’’

LES CARNETS

DU PR ZOULOUCK

VOUS SAVEZ MADAME, C’EST PAS FACILE D’ÊTRE RÉDUIT À LA SOMME DE SES DIFFICULTÉS !

L’histoire Le professeur Zoulouck se fait interpeler par Roger Baldeck son voisin, allocataire du RSA. Celui-ci lui demande de le remplacer pour une convocation à l’U.T.P.A.S. de Mons en Fivois. Il ne supporte pas ce genre d’endroit et encore moins d’être convoqué car ça lui rappelle de mauvais souvenirs (période de collège...). Par dessus le marché, son assistante sociale de référence est absente et c’est une autre qui la remplace, une soi-disant Mme Létourneau et ça Baldeck le supporte très mal... Zoulouck après quelques hésitations finit par accepter la proposition de Baldeck d’autant plus qu’il lui est redevable...

Ensemble, ils font le point sur sa situation de demandeur d’emploi et abordent un certain nombre de questions sensibles qui se posent dans la relation allocataire / travailleur social, reprenant en cela les éléments importants qui sont ressortis de notre enquête. Soudain Marie se rend compte que Zoulouck lui a menti. S’ensuit une grosse colère qui finit par déboucher sur des aveux sincères de Zoulouck mais aussi de Marie. La vraie rencontre qui permet de lever certains blocages et malentendus a enfin lieu... Cerise sur le gâteau, à l’issue de cet entretien, Marie Létourneau trouve les mots pour convaincre Roger Baldeck (le vrai !) de se rendre à l’U.T.

2) Dialogue Zoulouck/Létourneau Zoulouck rencontre Marie Létourneau qui ne s’aperçoit pas du subterfuge (vu qu’elle ne connaît pas Roger Baldeck).

3) La soufflante de Ronceval Dans cette partie, Zoulouck a rendezvous avec le Docteur Ronceval, son employeur et mentor qui lui passe une

1) L’introduction.

sérieuse soufflante. Le Doc vient en effet d’avoir eu vent de son usurpation d’identité par Irène Chassagnou, une amie de sa femme, qui se trouve être par ailleurs la Directrice des U.T. du Nord. Ceci-dit, au vu des premiers retours de Baldeck et de Mme Létourneau, il apparaît à nos décideurs qu’il ne serait peut-être pas inutile que Zoulouck poursuive cette enquête... 4) Témoignages des acteurs Zoulouck revient vers son employeur après avoir mené son enquête auprès de 15 allocataires et 26 professionnelles de terrain. Il lui montre des extraits de différents témoignages assez représentatifs et souvent émouvants qui interpèlent et donnent à réfléchir sur cette fameuse question des freins à l’emploi, mais plus largement aussi sur la relation des travailleurs sociaux avec le public.


Remerciements Aux allocataires Un merci tout particulier pour leur participation et leur implication tout au long du projet à Sabrina Kébabla, Muriel Lenormand, Hakima Berdeg, Hélène Bouquillon, Rachida Errachidi, Dominique Vivier, Sylvie Masselot, Nora Bienaimée, Thierry Le Pennec. Merci aussi à Kathleen, Nicole, Marie, Clémence, Nadège, Carole.

Aux professionnelles et personnes représentant le Conseil Général du Nord L’U.T. de Fives Mme Sissamouth, Responsable de l’U.T. Patricia Levecq, Chef de Service Et les travailleurs sociaux : Myriam Laabousi, Marlène Dupont, Brigitte Manchaussat, Fouzia Rachad, Marie Morel, Chloé Abadie, Thérèse Bobin. Un merci tout particulier à Yamina Boudjma et Cécile Tessa pour leur implication. L’UT de Mons/Marcq Mme Payage, Responsable de l’U.T. Sylvie Becamel, chef de service Et les travailleurs sociaux : Isabelle Boxelé, Christine Fleury, Marie France Vaillant, Peggy Vanderwoorde, Carole (stagiaire), Elisabeth Hague, Odile Brossier, Ben Sefir. Un merci tout particulier à Vanessa Dupont, Véronique Caudron, Stéphanie Ducarne, Marie-Caroline Cattier, Sandrine Sohier pour leur implication. Un special thank à Céline Geeraert, pour sa participation et son rôle déterminant dans le DVD. C’est elle qui joue avec brio Mme Létourneau. Un grand merci aussi pour leur intérêt et leur implication à : Martine Carpentier, Directrice Adjointe de la Direction Territoriale de la Métropole Lilloise Elodie Hamard, Responsable du P.L.E.P.S. (Direction Territoriale Métropole Lilloise) Francine Delemasure, Responsable du P.L.E.P.S. secteur Lille-Est Céline Murray, Animatrice Insertion au P.L.E.P.S.

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s e d e vu e d t in o P LE professionnelles

Rentrons dans le vif du sujet Ă prĂŠsent.

si vous le voulez bien !


des histoires difficiles Les personnes que l’on voit ont souvent eu une histoire difficile. Celles qui ont juste un accident de parcours rebondissent en général, on les remet sur les rails et elles repartent. Mais celles qui sont cassées depuis l’enfance, c’est autre chose. Elles n’arrivent pas à se reconstruire à cause de ruptures familiales, d’évènements marquants ou parce qu’elles ont subi différentes formes de maltraitance (il y a beaucoup d’allocataires qui ont été placés durant leur enfance...). Les séparations jouent un rôle important dans la dégringolade. Les hommes semblent particulièrement fragiles à ce sujet. On a affaire quelquefois aussi à des personnes qui se sont mobilisées, qui y ont cru, mais qui ont connu des échecs, des fins de non-recevoir et qui ont totalement perdu confiance en elles.

à lui-même et ça peut être violent.

La question des jeunes

Pour lutter, c’est humain, certains

Certains jeunes n’ont jamais vu

vont tenter en retour de discréditer

leurs parents travailler et s’identi-

leur choix. A la longue, cela peut

fient à eux. Pour eux vivre du RSA,

devenir intenable. J’en connais qui

c’est la norme.

ont été obligés soit de quitter le secteur, soit d’arrêter le boulot.

parents travailler toute leur vie Dans des secteurs moins défavori-

en tant qu’ouvriers, puis être mis

sés, c’est au contraire celui qui est

au chômage et toucher pour finir

au RSA qui est pointé du doigt...

une retraite de misère. Pourquoi iraient-ils travailler ? Pour toucher

Aller chercher du travail

700 euros de retraite au final ? Ça

Il n’y a pas si longtemps, dans

leur fout la haine, ils ont de la ran-

une région comme le Nord, le tra-

cune contre le système. C’est aussi

vail venait à nous collectivement

ce genre de pensées qu’il faut par-

alors qu’aujourd’hui c’est nous qui

fois combattre ! Et ça passe par la

devons aller à lui, de façon indivi-

rencontre. Il faut avoir de l’énergie,

duelle qui plus est. Travailler sup-

la foi en l’autre, imaginer qu’il est

pose donc d’opérer un véritable

capable de se relever. Certains

retournement. C’est la façon d’en-

n’attendent que cela du reste mais

visager la vie qui doit être revue.

derrière, il y a les amis, la famille,

Le fossé à franchir est énorme

le groupe, contre lesquels il faut

quand ça fait 3 générations qu’il

lutter et ça, parfois ça pèse lourd !

n’y a pas eu de travailleurs à la maison...

Parlez plus fort,

Les problèmes de santé

je suis un peu dur

Les conduites addictives

de la feuille.

Le poids de l’environnement

exemple sont accros à cette vie-là, aux jeux vidéo, au cannabis, aux

Dans certaines familles, c’est à

sorties nocturnes. Ils se lèvent

l‘homme de chercher du boulot,

vers 13 h, tranquilles. Pourquoi se

c’est son rôle. Il ne viendrait pas

mettraient-ils à travailler ? Ce sont

à l’idée que la femme puisse en

un peu des « Tanguys » qui vivent

chercher avant lui. Ce ne serait pas

en décalage avec le monde réel,

dans l’ordre des choses. Pour quel bénéfice ? Le regard des autres

Quand on est bénéficiaire du RSA

Il y a des phénomènes de loyauté

quel intérêt a-t-on de travailler ?

par rapport à l’environnement, par-

Quand on travaille, on perd la CMU

ticulièrement dans des secteurs

et d’autres avantages… Jusqu’à un

touchés par des décennies de

mi-temps, ça peut être avantageux,

précarité comme Fives. « Si je me

mais après ça se discute. On peut

remets à travailler, je vais renvoyer

avoir le sentiment qu’on perd plus

une autre image de moi à mon en-

qu’on ne gagne. Du moins en appa-

tourage ». Du coup, en face, cha-

rence, si on se réfère à un point de

que membre du clan est renvoyé

vue purement comptable…

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Elles empêchent la reprise de l’emploi. Beaucoup de jeunes par

Le rôle de la femme

10

Beaucoup de jeunes ont vu leurs

qui squattent chez leurs parents, qui sont eux-mêmes débordés, dépassés… En même temps, quand on gratte un peu, ils ne sont pas fiers de mener cette vie-là. On peut les remobiliser avec des projets collectifs pour lesquels on introduit peu à peu la notion de changement de rythme. Parce qu’on ne peut pas demander à un jeune qui se lève à midi de se remettre à travailler du


lessive le soir, se lever tôt, faire les

Certains parents prennent prétexte

où ça se produit, le jeune décroche

courses entre midi et deux... Faut

des problèmes de garde de leur en-

souvent très rapidement, ce qui

assurer ! Ce n’est donc pas juste

fant pour justifier le fait de ne pas

contribue à renforcer sa mauvaise

travailler qui nous est demandé,

chercher de boulot, mais derrière,

image de « bon à rien ».

mais aussi de mettre en place une

il y a souvent d’autres raisons, plus

organisation qui permette au reste

profondes qui viennent de loin..

Certaines croyances

de la maison de fonctionner… On

Souvent, les gens se voient com-

peut se décourager et ce d’autant

me malades alors qu’ils ne le

plus qu’il est difficile de demander

sont pas forcément autant qu’ils

de l’aide, d’avouer qu’on a du mal

le croient. La maladie représente

à y arriver alors qu’on est censé

un peu l’image qu’ils ont d’eux-

précisément devenir autonome.

mêmes. Certains nous le disent d’ailleurs : « mais vous ne vous

La peur de s’y remettre, le fait

rendez pas compte ! J’ai déjà tel-

de se confronter aux autres, au

lement de soucis de santé que si

monde du travail, le respect des

en plus je me mettais à travailler,

horaires, tout ça ce sont des

ce serait la bérézina ! ». Mais c’est

freins importants. Ce n’est pas

une idée qu’on peut également

facile de changer ses habitudes

renverser. Le travail permet d’éva-

de vie tranquille, sans contrainte

cuer des difficultés personnelles,

ni

d’éviter qu’on soit dans la rumina-

l’entourage qui joue un rôle

tion permanente, ça contribue à

important et peut décourager la

nous donner de l’air et ça permet

personne de changer.

obligation.

Sans

compter

au final d’aller mieux.

.Autres

POINT DE VUE des PROFESSIONNELLES

jour au lendemain. Les rares fois

sujets abordés

La question du surendettement C’est le surendettement passif qui touche plus particulièrement notre public. Les gens tombent dans le surendettement à la suite d’un accident de la vie : perte d’emploi, séparation, maladie… Après c’est un cercle vicieux qui se met en place. On prend un crédit pour un achat qui peut se justifier, mais ensuite, comme on n’a pas les moyens de le payer, on en prend un deuxième puis un troisième... Le travail au noir Il y a beaucoup de travail au noir, faut pas le nier. Mais convaincre les

La question de l’hygiène

Les problèmes de garde

Les besoins des personnes sont

Le fait de faire un enfant

subtils parfois, il faut pouvoir y ré-

Faire un enfant, pour certaines

pondre de façon adaptée. Certains

jeunes filles, c’est s’émanciper,

qui ont une hygiène correcte vivent

avoir une place qu’elles n’ont pas

dans des logements insalubres

forcément eue dans leur propre

et l’odeur finit par s’incruster sur

famille. C’est donner du sens à sa

leurs vêtements. Parfois, ils ne sa-

vie. L’enfant grandissant, elles se

vent pas quelle tenue mettre pour

cachent derrière pour justifier le

aller à un entretien d’embauche et

fait de ne pas travailler en disant :

éprouvent de ce fait un sentiment

« mais je ne peux pas, il a besoin

de honte. Nous, ça nous paraît

de moi ! » alors que ce sont plutôt

anodin de choisir un habit correct

elles qui ont besoin de lui. Vers 50

mais pour certains, ça représente

ans, certaines nous disent : « je

une sacrée prise de tête !

n’ai jamais travaillé de ma vie, ce

gens de bouger sur cette question, c’est pratiquement impossible. Il y a bien la question de la retraite, mais bof, ce n’est pas suffisant. Ce qui est marrant, c’est que ces personnes nous en parlent très ouvertement, c’est un gage de leur confiance. Une question qu’on pourrait peut-être leur poser, c’est :

« le travail, ça représente quoi pour vous, en définitive ? ». Moi, j’ai pas de problème dE garde puisque c’est Bibiche qui s’occ upe des gosses !

n’est pas maintenant que je vais

Les problèmes d’organisation Certaines personnes ont des difficultés d’organisation importantes. On ne se rend pas compte quand

commencer ! » et la boucle est bouclée. C’est tout un système de croyances qu’il faut lever, et parfois, ça pèse des tonnes !

on travaille des automatismes que cela suppose : mettre en route la

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Petit dialogue entre A.S. -C’est vrai qu’il y a sans doute des choses à faire pour améliorer l’accueil, la prise de contact. Il y a des maladresses, des oublis, des incompréhensions qui peuvent créer des malentendus… -Le fait aussi qu’on ne se sente pas toujours légitime pour accompagner la personne vers le retour à l’emploi. -Mais il y a aussi beaucoup de bonne volonté chez les travailleurs sociaux ! -Et puis nous aussi, on a des contraintes, des imprévus, des départs soudains ou des mutations qu’il faut gérer. Sans compter qu’à nous aussi on pose des lapins ! -En fait la question centrale, c’est comment rendre les gens pleinement acteurs ! -Alors, qu’est-ce qu’on pourrait changer ? -Déjà le ton de la convocation qui est un peu brutal, infantilisant. Ça n’incite pas à la confiance ! -On pourrait peut-être aussi laisser davantage le choix à l’allocataire du référent qui l’accompagne, ça permettrait de le rendre de suite acteur du projet.

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- Oui, c’est une bonne idée !

-Tout à fait d’accord !

-On pourrait aussi éviter de commencer par le C.E.R. qui complique les choses…

-Ce qui est peut-être un peu difficile, c’est le démarrage.

-Prendre le temps de la rencontre, apprendre à se connaître pour créer de la confiance. -Parce que sans confiance, y a pas de parole sincère, et du coup, rien ne se passe. -Mais ne pas commencer par le C.E.R., ça pose la question de la contrainte institutionnelle ! -En fait dans cette histoire, on est le cul entre deux chaises si on peut dire. Parce qu’on nous demande à la fois d’exercer une mission de contrôle dans le cadre de la loi, avec un imprimé, des objectifs, des cases et des codes à remplir et en même temps d’accompagner les gens de façon personnalisée. -C’est un peu contradictoire faut reconnaître ! -Du coup, on a du mal à gérer les deux ensemble… -Je voudrais rajouter qu’on a aussi du plaisir à rencontrer les gens et on pense qu’il y a beaucoup de personnes qu’on voit régulièrement qui sont satisfaites !

-C’est l’image ! -Une fois essayé, c’est adopté ! -On fait un métier qui est assez particulier, il faut le reconnaître où il y a encore pas mal de fabulation. Mais ceux qui nous craignent sont souvent ceux qui nous méconnaissent... -C’est vrai qu’on a le sentiment d’être souvent critiquées, montrées du doigt par les usagers... -C’est relié à des choses négatives comme les placeuses d’enfant. -Par rapport à l’image, je pense qu’il y a un truc qui reste et qui est tenace, ce sont nos origines. Les premières étaient des bonnes soeurs, puis ce fut des femmes de notables avec ce côté charitable et donneuse de leçons. -Les dames au chapeau vert ! -Il y a eu aussi la fameuse affiche de Pétain où il était marqué qu’elles étaient censées apporter joie et santé dans votre famille. Ça marque un truc pareil !


ça donne à réfléchir tout ça

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POINT DE VUE des PROFESSIONNELLES


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LE Point de vue des Allocataires Pourvu que je ne ME mélange pas les pinceaux comme la dernière fois

CE Qui ressort des TéM C’est que les gens.sont très gentils mais que le... heu... système n’est pas toujour

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défaillance du système Il n’y a pas assez de suivi pour les gens qui sont en galère, qui ont été cabossés par la vie comme moi. Pourtant, c’est important qu’on nous aide à reprendre confiance en nous, sinon on s’enferme. Moi j’ai la chance d’avoir une assistante sociale qui m’aide en tout : la recherche d’emploi, l’aspect financier... Je crois que sans elle, je serais tombée dans une galère noire. Elle est de bon conseil, m’accompagne dans mes démarches. Mais je sais aussi pour en discuter avec des amies qui sont dans la précarité que ce n’est pas forcément le cas pour tout le monde. Certaines ont trop tendance à donner quelques contacts et à laisser la personne se débrouiller seule. Mais elles ne peuvent pas puisqu’elles sont justement en difficulté ! Je pense aussi que certaines professionnelles ne se rendent pas compte des galères qu’on a traversées, de l’enfance qu’on a eue... Si elles en avaient connaissance, je crois que ça changerait leur regard sur nous. Moi non plus, je ne suis pas un numéro ! Et je déteste qu’on me mette dans une case !

L’administration française

Ça change tout le temps. Il faudrait

En ce moment, je suis déprimée,

avoir une personne de référence

j’ai plein de soucis, je ne m’en sors

qui suive notre dossier. Moi par

pas. Comme j’ai perdu mes droits,

exemple, j’avais mon A.S. qui me

j’ai des factures à payer, du coup

suivait et du jour au lendemain,

mon loyer est en retard et le pro-

sans me prévenir de quoi que ce

prio me met la pression, c’est un

soit, ça a été une autre. Il a fallu

véritable engrenage. Les papiers,

tout réexpliquer, ma situation, mes

c’est terrible. Avec ma référente,

difficultés... Le mois passé, j’ai vu

on a fait tout un dossier pour avoir

4 personnes différentes, ce n’est

un recours auprès d’EDF afin de

pas logique ! Pour que ça marche,

payer moins cher, et bien il man-

il faut créer une certaine affinité,

quait toujours quelque chose ! Ça

une certaine confiance, on ne peut

a duré des semaines comme ça à

pas changer sans arrêt d’interlocu-

compléter le dossier, à renvoyer un

teur ! On nous demande de nous

formulaire pour finir par s’enten-

déshabiller et en même temps, on

dre dire que je n’y avais pas droit.

passe de main en main ! Il y en a

On perd trop de temps, ça use, ça

marre de répéter toujours les mê-

mine le moral ce genre de choses.

mes choses !

Besoin d’aide !

Manque d’écoute

Je voudrais dire aux travailleurs so-

Chez les travailleurs sociaux, je

ciaux qu’ils prennent notre détres-

pense que ce qui manque le plus

se, notre problème à bras le corps,

c’est l’écoute. Ils n’écoutent pas.

qu’ils ne nous laissent pas comme

Du moins pas vraiment... Certains

ça, perdus. Sérieusement, qu’on

sont là dans une forme de routine,

ait affaire à un professionnel qui va

ils regardent leur montre ou dé-

jusqu’au bout de nos problèmes,

crochent leur téléphone au milieu

car on voit des personnes arriver

de la conversation et du coup, on

l’une après l’autre et on doit tou-

se sent nié. Alors on se referme

jours recommencer. C’est usant !

comme une huître car nous, on est

Nous laisser, c’est nous tuer. Il faut

souvent très sensibles, suscepti-

de l’écoute ! Chaque problème nor-

bles, manquant de confiance en

malement a une solution comme

nous, parce qu’on a souvent été

on dit, mais on a l’impression que

niés dans notre propre famille…

pour nous il n’y en a pas. Ce qu’on

La peur de bouger existe aussi, de

demande c’est de l’aide, c’est tout.

prendre des initiatives. Il n’y a pas

Et on a besoin de professionnels

d’écoute aussi parce que les gens

pour ça, car si on y arrivait tout

cherchent avant tout à nous mettre

seul, on ne serait pas là !

dans une case qui nous corresponde. Mais c’est impossible, puisque

16

| LTE | LES FREINS À L’EMPLOI

On n’est pas des numéros !

chaque cas est particulier ! Avant

Je trouve que les assistantes socia-

de conseiller quoi que ce soit, il

les ne font pas assez preuve d’hu-

faut d’abord écouter la personne

manisme. Elles ne s’investissent

avec les oreilles et le cœur grand

pas assez. On n’est pas des numé-

ouvert. Et puis aussi, y a le fait

ros ! On passe trop d’un service à

qu’on passe d’une structure à une

l’autre, d’une personne à l’autre

autre, du C.C.A.S. à Pôle Emploi,

et on reste avec notre sacerdoce.

puis à l’U.T.P.A.S. On ne comprend


âge. Du coup, les conditions d’em-

dépense de 10 euros, tu dois

parfois la personne dit qu’elle ne

bauches ne sont pas favorables à

l’anticiper ! Moi, j’ai un cahier de

peut pas décider pour nous, que

des structures qui désirent m’em-

compte dans lequel je note chacu-

c’est son supérieur qui doit le fai-

baucher. Encore une fois, je ne ren-

ne de mes dépenses. Et quand ma

re... Mais comment peut-il nous ju-

tre pas dans les cases !

fille part en colonie, je dois budgé-

ger puisqu’il ne nous connaît pas ?

ter sur trois mois la somme de 75 Ma C.E.S.F. m’aide bien, elle est

euros, ce qui m’oblige à anticiper à

On ne nous fait pas confiance

très réactive et c’est important

l’avance et à sacrifier certains pos-

La psy de l’AFPA, je suis rentré en

pour les gens en galère comme

tes de dépenses. Je suis obligée

conflit avec. Elle me disait que je

moi. Ce qui ne marche pas, c’est

régulièrement de travailler au noir

faisais fausse route dans ce désir

que normalement, je devrais avoir

en Belgique. J’y bosse comme bar-

de travailler dans le social. Elle me

une A.S. de secteur qui puisse me

maid chez un ami. Ça me ramène

disait que je n’avais pas le niveau,

suivre et croiser les infos avec la

60 euros pour une journée, une

que je faisais des fautes, que je ve-

conseillère, mais je ne connais

fois déduit le prix de l’essence, il en

nais du monde de l’entreprise, que

même pas son nom.

reste 50 ce qui me permet d’ache-

j’étais trop sensible, que je n’arri-

ter parfois une fringue à ma fille.

verais pas à couper en sortant du

A propos du RSA

boulot. J’ai dû batailler comme un

Les solutions proposées dans le

beau diable pour la convaincre. En-

cadre du RSA sont inadaptées par

Il existe beaucoup de préjugés par

core une fois faire mes preuves...

rapport aux besoins et aux difficul-

rapport aux bénéficiaires du RSA.

tés réelles des personnes. Ça man-

T’as l’impression d’être une tare

Et des peurs qui subsistent

que de concret et de suivi tout ça.

quand tu es au RSA !

Avec l’assistante sociale, il subsiste

Quand on te dit que les prochaines

des peurs quand on en rencontre

perspectives ne seront pas avant

J’ai beaucoup d’amis, de personnes

une. Elles ont le pouvoir de nous

trois mois, c’est décourageant. Les

autour de moi qui pensent qu’on

enlever une aide, de bloquer une

gens n’imaginent pas ce que c’est

peut s’en sortir avec le RSA, et donc

demande, en un mot, elles ont le

que de vivre en situation précaire

que ce n’est pas forcément la peine

pouvoir de l’arbitraire. Et puis, elles

en fait ! Je défie quiconque de s’en

d’aller bosser. Moi, je ne pense pas

convoquent, elles n’invitent pas.

sortir avec un enfant à charge,

comme ça. J’ai envie de travailler,

Par ailleurs, on ne sait jamais qui

588 euros de RSA, 334 d’APL et

vraiment. Rester enfermée entre

nous suit, du coup on est obligé

un loyer de 460 ! On est en préca-

4 murs, ça ne me va pas ! Je crois

de raconter sa vie à différentes per-

rité, c’est une réalité ! La moindre

que j’ai besoin d’être utile. J’aime-

sonnes. C’est l’éternel recommencement. Vous savez, c’est très pénible de devoir répéter les choses, d’avoir l’impression de rabâcher, de ne pas être comprise.

POINT DE VUE des ALLOCATAIRES

pas la logique. On nous reçoit et

C’est vrai que parfois, on a l’impression que le système marche sur la tête !

C’est très important pour moi.

rais également me prouver à moimême que je suis capable de ça... Un système parfois défaillant Je trouve que le système est mal fichu en France. Il ne pousse pas

Les formes de contrat

les gens à travailler, il aurait plutôt

Les freins actuels pour moi, ce sont

tendance à les décourager. Parce

les formes de contrat également. Je

que quand on bosse à mi-temps

n’ai pas droit au contrat d’adulte

pendant 3 mois comme je l’ai fait

relais car vivant à Marcq, ce n’est

dernièrement, ce n’est pas forcé-

pas considéré comme une zone

ment avantageux. Aujourd’hui, je

sensible et je n’ai pas non plus été

touche 420 euros, je n’ai plus de

éligible au C.U.I. à cause de mon

17


CONCLUSION ,

Ce qui ressort de cette enquête c’est le besoin de

Sans compter le fait que derrière, cela suppose pour

rencontre manifesté de part et d’autre. En effet, pour

lui de téléphoner, de multiplier les contacts alors que

lever les freins, insuffler du changement, accompa-

c’est souvent difficile pour différentes raisons. Ça

gner, il faut une parole vraie, et donc créer un climat

peut créer du découragement.

de confiance. Pour ça, il n’y a pas forcément besoin

- Toutes ces petites choses qui créent des malenten-

de 10 entretiens. En deux ou trois rencontres, on peut

dus : un rendez-vous ajourné au dernier moment, un

aller loin avec une personne…

remplacement non signalé, la difficulté qu’on a globalement à contacter directement les travailleurs so-

Qu’est ce qui fait obstacle à la rencontre ?

ciaux, le ton d’une lettre, d’une convocation, etc…

- Le fait de commencer par un document administra-

- La posture parfois distante adoptée par le profes-

tif tel que le C.E.R. n’incite pas à la confiance. Comme

sionnel (au nom de la fameuse neutralité bienveillan-

nous l’avons souligné lors de cette enquête, une

te) mais qui peut, sans s’en rendre compte, mettre la

personne ne se résume jamais à ses difficultés. Avec

personne à des kilomètres (la grande majorité des

ce genre de document, elle peut avoir le sentiment

allocataires l’ont souligné).

d’être jugée, évaluée, mise dans une case, et donc instinctivement être tentée de se replier.

Ce qui ressort également, c’est que la plupart des allocataires ont eu une enfance très difficile, avec

C’est vrai que ça n’inc ite pas à la rencontre un doc ument pareil !

des parcours souvent chaotiques qui les ont amenés à un moment ou à un autre de leur vie à se défier des autres, à créer une sorte de bulle de protection. Ainsi, pour lever les freins à l’emploi, il semble qu’il faille d’abord identifier ce système de protection mis en place par la personne (en général depuis l’enfance) pour éviter de souffrir mais qui paradoxalement l’empêche souvent aujourd’hui d’aller de l’avant. Le fait d’identifier un lien entre un frein actuel (par exemple le fait qu’on ne veut pas confier son enfant) et les raisons intimes, profondes pour lesquelles on agit de la sorte (cette méfiance vis-à-vis des autres trouve souvent ses racines dans notre propre enfance...) permet à la personne de mettre du sens sur ce problème. Cela lui permet du même coup de prendre du recul sur cette difficulté. Elle redevient actrice de sa propre vie. Tandis que lorsqu’on la résume à la somme de ses difficultés, c’est tout simplement dé-

De plus, le fait de démarrer par le C.E.R. incite le pro-

sespérant. Dans certains cas, et nous l’avons vérifié à

fessionnel une fois les freins identifiés à passer le

plusieurs occasions lors de l’enquête, cette façon de

relais à plusieurs spécialistes, vu qu’il ne se sent pas

procéder permet même de lever le frein en question.

légitime pour traiter ce genre de question. L’effet per-

Pour créer de l’émancipation, favoriser l’autonomie

vers, c’est que l’allocataire peut le ressentir comme

de la personne, il semble donc important de l’aider

un abandon, un manque d’intérêt de sa part.

à sortir d’une vision morcelée de son parcours, en remettant du sens sur ce qui fait obstacle.

cation, les problèmes de Et si le manque de qualifi ent, étaient la résultansanté, de mobilité, d’isolem et non l’inverse ? te d’un parcours difficile

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| LTE | LES FREINS À L’EMPLOI

Par ailleurs, est-ce qu’une person ne se réduit à la somme des problèmes identifiés ? Je peux avoir un problème avec la cigarette, avec l’alcool, avec mon conjoint, avec mes gosses, mais est-ce que ça suffit pour me définir ? Poser la question, c’est déjà y rép ondre, non ?


Quelques préconisations

Pour l’institution

Avant de démarrer le C.E.R., faire un ou deux entre-

Attention aux demandes faites, à la clarté des expli-

tiens ouverts afin de faire le tour de la situation avec

cations, à la façon dont on fait passer le message,

l’allocataire en prévoyant, pourquoi pas, une restitu-

aux injonctions paradoxales, aux malentendus. Par

tion* qui permette à chacun de garder une trace de

exemple, le C.E.R. a été pensé comme un outil pour

ce constat partagé. A l’issue de ces rencontres, on

remobiliser la personne mais a été perçu par les

pourra remplir de façon plus efficace le C.E.R en sé-

professionnels comme un préalable, une injonction

riant non pas 5 ou 6 freins, mais en identifiant avec

administrative visant le contrôle (y compris d’eux-

la personne le système de protection qu’elle a mis en

mêmes) et a pris, de ce fait, le pas sur tout le reste,

place souvent depuis longtemps. Le fait de relier ce

notamment la rencontre.

frein « moteur » à ses difficultés actuelles donne du sens, favorise la prise de recul, le changement.

En conclusion, le C.E.R. peut être un très bon outil mais à condition qu’il intervienne dans un second

Par rapport au retour à l’emploi et aux préjugés,

temps, une fois qu’on a identifié le système de pro-

deux points importants ont été soulevés.

tection (le frein moteur) et montrer les liens qui exis-

- D’une part, le fait qu’il ne faut pas sous-estimer le

tent entre celui-ci et les difficultés de la personne. Et

décalage existant entre les conditions de vie des pro-

ça, ça passe par la rencontre. Une fois ce travail ef-

fessionnels et des allocataires, décalage qui vient

fectué, on peut définir si nécessaire un petit nombre

parfois brouiller notre regard sur la « dure réalité » du

de priorités et pour le coup, trouver ensemble le ou

monde de l’entreprise... et nous amène à sous-esti-

les relais opportuns qui nous permettront d’avancer

mer l’effet émancipateur du travail pour l’allocataire.

concrètement sur ce qui pose problème.

- D’autre part, il semble important d’inverser notre façon de penser le retour à l’emploi. A savoir que c’est le travail qui permet souvent de lever les freins identifiés et non le contraire... C’est ce qui ressort des entretiens : aider une personne à retrouver du travail, ce n’est pas l’aider à remplir son CV (ça viendra en temps utile et on pourra alors à ce moment-là faire appel à ce type de compétence) mais c’est avant tout ranimer la flamme, l’aider à mettre du sens sur son parcours, montrer qu’on croit en elle, en ses ressources. C’est

* Au sujet du climat de confiance à créer, l’intérêt de la restitution semble fondamental car elle permet justement de créer cette confiance indispensable entre le professionnel et l’usager. C’est une forme de contractualisation, de constat partagé entre adultes, dont il reste une trace. Cela incite la personne à se livrer car elle pressent que cela vaut la peine. On peut y revenir éventuellement et du coup ça permet d’avancer. La personne ne se sent pas dépossédée de sa parole, elle comprend l’intérêt qu’elle a à ne pas tricher, à parler vrai.

aussi l’aider à visualiser le bénéfice qu’elle pourra retirer de ce retour vers la vie que symbolise le travail.

d’avoir Le fait d’avoir un emploi me permet plus ne de l’esprit tranquille, d’être apaisée, qu’estme demander à longueur de journée : « je vais ce que je vais devenir, qu’est-ce que 5 h 30, à tôt, plus pouvoir faire ? ». Je me lève sée apai suis je rentre le soir, je suis calme, je avec mes enfants.

Depuis que j’ai trouvé du travail, j’ai retrouvé le goût de vivre. Avant, quand je me voyais dans un miroir, je me disais : « c’est qui cette femme-là ? Et comment se fait-il que personne ne s’intéresse à elle, que personne ne lui propose quoi que ce soit ? C’est parce qu’elle n’est pas digne de confiance ! ». Et je pleurais et je pleurais. Finalement cette mauvaise image, elle déteint sur nous, elle nous colle à la peau et on finit par devenir ce qu’on croit que les autres voient. Alors que c’est faux tout ça, on vaut bien mieux que ça ! Mais les préjugés, ce n’est pas forcém ent les autres qui les ont, ils sont en nous ! Pourquoi ? Je ne sais pas... Peut-être à cause des blessures d’enfance, du manque de confiance en soi...»

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| LTE | LES FREINS À L’EMPLOI


Etude de cas du Pr. Zoulouck à présent, je vous propose d’étudIer mon propre cas si vous le voulez bien

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LES FREINS de ZOULOUCK ça fait un choc !

H

abituellement, j’accepte facilement de payer

de ma personne pour illustrer le propos de l’auteur, mais ce coup-ci, franchement, j’ai hésité ! En effet, quand j’ai rempli mon C.E.R. et fait la liste de mes freins, ça m’a complètement retourné dans un premier temps. Franchement, je ne pensais pas avoir autant de difficultés ! Heureusement, j’ai de la ressource et j’accepte de me regarder en face, moi ! Ainsi donc, après réflexion, j’ai accepté de partager avec vous un petit résumé de cette liste. Pourquoi résumé ? Et bien parce que j’ai d’autres freins qui sont indiqués dans mon C.E.R. mais j’estime que 5, c’est déjà suffisant comme entrée en matière. Faut pas pousser Mémé dans les orties quand même ! Ah j’oubliais ! Avant que vous ne vous reportiez à la page de droite, je voudrais vous rappeler les deux enseignements principaux que nous avons tirés de notre petite enquête : - Une personne ne se résume pas à ses freins. - Derrière les difficultés identifiées, il y a toujours un système de protection mis en place qui constitue le frein principal ou le frein moteur si vous préférez !

ce frein moteur etant souvent const itué d’un mélange de repli, de mauvaise image de soi, de méfiance vis-à-vis des autres qui nous empêche d’aller de l’avant, de croire en nous. bref de faire les démarches nécessaires pour trouver du boulot.

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ÉTUDE DE CAS DU PR ZOULOUCK

Problème de com’ Brouillon, parfois hystérique. A du mal à canaliser ses émotions, à se décentrer. Du coup, il a de vraies difficultés à se faire comprendre.

Cerveau, langue, prises de bec

Problèmes de santé Addictions (alcool, tabac...), problèmes psychologiques : tocs, hypocondriaque tendance à la parano, etc...

Cerveau, gorge, foie, poumons

Problèmes éducatifs Absences fréquentes du domicile familial, problème d’autorité, d’exemplarité...

Coeur, raison, cerveau

Problème/argent Tendance marquée au radinisme, peur de manquer, de partager...

Poches, coeur, cerveau

Problème de transport Ne supporte pas les transports en commun, du coup voyage en montgofière qui est un moyen de transport très aléatoire...

Pieds, ailes, cerveau, coeur 23


D’autres choses à rajouter ?

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Mais encore...

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POUR FINIR, JE VOUS DEMANDERAIS DE BIEN VOULOIR LAISSER VOTRE EMPREINTE !

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Ce carnet est le fruit d’une véritable enquête de terrain menée auprès de 31 professionnelles (assistantes sociales, conseillères en économie sociale et familiale, personnes représentant le Conseil Général du Nord) et de 15 allocataires du RSA. On y parle du C.E.R. (Contrat d’Engagement Réciproque), mais plus largement de la posture du travailleur social, de sa relation avec le public, des représentations et

LA VACHE ! JE NE PENSAIS PAS QUE CETTE ENQUÊTE AURAIT UN TEL IMPACT SUR MOI. JE ME SENS LÉGER, LÉGER...

préjugés qui peuvent exister de part et d’autre mais surtout du besoin de parole vraie manifesté avec force par les allocataires...

24,50 € ISBN 978-2-918571-12-4

Laisse Ton Empreinte 85 rue Massena, 59 800 Lille contact@laissetonempreinte.fr Site Internet : www.laissetonempreinte.fr Tel : 03 20 30 86 56 / 06 15 87 96 85


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