Jeudi 1er juin 2023
12 Sivan 5783
Nº 998 | Mensuel
DOSSIER GHETTO DE VARSOVIE, LE DESSOUS DES CARTES
GRAND ANGLE
RENCONTRE AVEC LE GÉNÉRAL DE CORPS
D’ARMÉE BENOÎT DURIEUX
EN VISITE EN ISRAËL
REPORTAGE
ERETZ ISRAËL, TERRE VÉGANE ? SANTÉ
L' INFLUENCE DE L’HORLOGE BIOLOGIQUE
SUR NOTRE SANTÉ
À L'AFFICHE PATRICK BRAOUDÉ, LA LEÇON DE CINÉMA
ל''כנמ
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Ariel Kandel
תישאר תכרוע Rédactrice en chef
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Journalistes :
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Guitel Ben-Ishay
Béatrice Nakache
Nathalie Sosna-Ofir
Pascale Zonszain
Contributeurs :
Yoel Benharrouche
Avraham Dray
Yoel Haddad
Rony Akrich
Rivka Vaniche
Ariela Chetboun
Elie Kling
Carole Rotneimer
Daniel Rouach
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édito
Pourrons-nous encore réfléchir par nous-mêmes ?
Soyons honnêtes : cela fait déjà longtemps que pour plus de confort, par manque de temps, par paresse, parce que cela nous arrange bien, nous nous sommes habitués à absorber ce qui nous est proposé sans l’analyser ni exercer notre esprit critique.
Il ne s’agit pas de nous jeter la pierre, nous faisons ce que nous pouvons. Tentons au moins de rester conscients de ce phénomène afin de porter un regard un peu moins intransigeant sur « l’autre version des faits », en évitant de penser que nous détenons la vérité ultime. Il n’y a pas de vérité unique, sauf dans les dictatures. Il n’a jamais été aussi urgent de le répéter. Car notre monde déjà largement uniformisé est appelé à le devenir encore davantage avec l’intelligence artificielle, qui gagne du terrain et du pouvoir. L’IA, dont le but est de permettre à des ordinateurs de penser et d'agir comme des êtres humains, rédige des articles (pas ceux du LPH !), résout des problèmes mathématiques complexes, fournit des réponses personnalisées à toutes sortes de questions pourtant très humaines. Nous allons devoir apprendre à vivre avec. Il sera alors encore plus déterminant pour l’avenir de l’humanité d’essayer de penser par nous-mêmes – au risque, sinon, de voir l’IA réinventer notre histoire.
Le 20 mai dernier, les dirigeants du G7 ont annoncé la constitution d'un futur groupe de travail pour mener des discussions sur une « utilisation responsable » de l'intelligence artificielle et les risques qu’elle présente. Rassurant. Reste à espérer qu’Israël se pose aussi les mêmes questions. Et pour cause : l’écosystème israélien d'intelligence artificielle est passé de 512 entreprises en 2014 à 1400 en 2020. Les investissements dans les start-ups développant des IA ont été multipliés par 13,5 entre 2011 et 2019, passant de 300 millions de dollars (soit 10 % du total des investissements dans les start-ups israéliennes) à 4 milliards de dollars (soit 42 % des investissements) sur cette période.
Il est évident que notre jeune pays n’aura d’autre choix que de devenir leader dans ce domaine, ne serait-ce que pour garantir sa sécurité. Reste à savoir quelle sera sa stratégie pour mettre sa technologie aux normes internationales, seuls boucliers capables de brider l’IA, par nature incontrôlable.
En attendant, continuons d’ouvrir des livres, de lire des analyses, des reportages et des interviews tels que ceux que nous vous proposons dans ce magazine, afin de demeurer le plus longtemps possible… humains !
Bonne lecture !
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EN COUVERTURE :
© Frédéric Murarotto
3 LPH N° 998
sommaire N°998
6 À L'AFFICHE
Patrick Braoudé, la leçon de cinéma
24 BON À SAVOIR
• Anciens combattants, vous avez des droits !
• Pourquoi est-il devenu si compliqué de renouveler son passeport israélien ?
26 ÉCONOMIE
Baisse des prix de l’immobilier en Israël : entre fantasme et réalité
28 DÉVELOPPEMENT DURABLE
Récompenser les bons comportements
30
SANTÉ – BIEN-ÊTRE
L’horloge biologique, son influence sur notre santé
32 DÉCOUVERTE D'ISRAËL
Un tour dans le temps
34 GRAND ANGLE
Général de corps d’armée Benoît Durieux : « La France entretient des relations bilatérales de défense de confiance avec Israël. »
38 REPORTAGE
Eretz Israël, terre végane ?
10-23 DOSSIER
GHETTO DE VARSOVIE, LE DESSOUS DES CARTES
l INSURRECTION DU GHETTO DE VARSOVIE : LE COURAGE ULTIME
l POURQUOI DEUX GROUPES COMBATTANTS AGISSAIENT AU SEIN DU GHETTO DE VARSOVIE ?
l QUI EST PAWEL FRENKEL ?
l VU DANS LA PRESSE : LES 80 ANS DE LA RÉVOLTE DU GHETTO DE VARSOVIE
l RÉSISTANCES
42 LIVRES ET VOUS
Pierre Lurçat : « Seule la réforme judiciaire pourra restaurer la démocratie en Israël. »
42 CONSCIENCE
Nos émotions nous informent sur nos besoins
ET AUSSI...
Une année avec la Cabale (46), Au nom de la loi (47), Mazal tov (48), Le Kling du mois (49), Les recettes d’Anaelle (50), Immobilier (53)...
4 LPH N° 998
CYCLE MINUIT MIDI
ARRÊT SUR IMAGE
La ministre des Transports et de la Sécurité routière, Miri Regev, a décidé de rénover les routes de Judée-Samarie. 25 % de son budget (13,7 milliards de shekels) seront consacrés aux routes escarpées et sinueuses de cette belle région, si souvent exposées aux jets de pierres et aux attentats. Si cette décision n’a pas plu à tout le monde, les milliers de jeunes familles installées dans cette partie du pays s’en réjouissent.
Patrick Braoudé, la leçon de cinéma
PAR EDEN LEVI-CAMPANA
L’actualité de Patrick Braoudé est riche, foisonnante, multiple – et toujours de qualité. Théâtre, écriture, cinéma, séries, photos… Shiva et ses huit bras n’ont qu’à bien se tenir, on ne rigole pas avec l’humour juif ! Nous voulions offrir aux lecteurs de LPH une leçon de cinéma ; mais le personnage est tellement généreux, diversifié, énorme et attachant que c’est une leçon de vie qu’il nous donne.
LPH : Si vous deviez présenter Patrick Braoudé à un alien, que diriez-vous ?
Patrick Braoudé : Comment je présenterais Patrick Braoudé à un alien ?! Oh là là ! Je lui dirais que c’est quelqu’un qui est passionné par tout ce que font l’homme et la nature, quelqu’un qui s’intéresse à énormément de choses, qui s’intéresse à la vie.
Vous n’en avez pas assez qu’un ancien président vous imite ?! *
Je l’ai appelé, je lui ai dit : « Arrête ! » (rires) J’ai rencontré François Hollande deux fois ; je ne le connaissais pas avant d’interpréter son personnage. Le lendemain de la diffusion de La dernière campagne, j’ai reçu un coup de fil du bureau du Président. Je croyais à un canular et j’ai rappelé depuis un autre téléphone. Finalement, il m’a invité à l’Élysée avec
ma famille. Je l’ai revu à une expo et je lui ai dit : « Maintenant, fais-toi pousser la moustache, pour qu’on arrête de nous confondre ! » (rires)
Votre plus belle réussite ?
Je vais faire une réponse bateau : dans tout ce que j’ai fait artistiquement, que ce soit au cinéma, au théâtre, dans la photo, j’ai pu m’exprimer et avoir beaucoup de plaisir, mais ma plus belle réussite c’est ma famille. C’est un peu juif comme réponse ; mais si je trouve que la réussite professionnelle est une chose importante, la construction familiale est pour moi l’essentiel.
Et au cinéma ?
Le cinéma m’a apporté beaucoup de joie, et il m’en apporte encore. Il arrive par exemple que des gens
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À L'AFFICHE
©
Frédéric Murarotto
de 40-45 ans m’arrêtent dans la rue pour me dire à quel point Génial, mes parents divorcent !, que j’ai fait il y a trente-trois ans, les a marqués. À l’époque, ils avaient 10 ans, et ils me racontent que ce film les a énormément touchés, qu’il leur a apporté un discours sur le divorce de leurs parents et les a libérés. Certains ont vu le film plus que moi et connaissent les dialogues par cœur ! Tout cela, c’est une très grande joie.
J’ai également – autre exemple – éprouvé une grande fierté quand Chris Columbus a réalisé son remake de Neuf mois, avec Robin Williams, Hugh Grant, Julianne Moore et Jeff Goldblum. Je suis allé à San Francisco lors du tournage. Quand je suis arrivé sur le plateau, ils étaient en train de jouer la scène de l’accouchement ; ils sont tous venus me voir. Chris Columbus leur avait montré mon film et ils me connaissaient. Hugh Grant m’a tout de suite accueilli et il a appelé Robin Williams. C’était fou ! Je me suis dit : « La caméra de Surprise sur prise va arriver ! » (rires) Ensuite, nous sommes allés manger ensemble, et jouer au bowling. Plus tard, il y a eu une extraordinaire conclusion avec l’avant-première à Los Angeles, le tapis rouge, mon film avec le générique de la Fox – pour moi qui adore le cinéma américain, c’était un moment inoubliable ! Dans un autre registre, j’ai aussi été très heureux quand Anne Goscinny m’a donné les droits d’adaptation d’Iznogoud. C’était une bande dessinée très importante pour elle ainsi que pour son père, René Goscinny. Anne est très liée à la culture juive et son père l’était également. Je suis venu à elle dans un certain état d’esprit et c’est ce qui l’a convaincue de me faire confiance.
Que pensez-vous du cinéma israélien ?
Ah, j’adore le cinéma israélien ! Qu’un si petit pays ait une industrie audiovisuelle qui cartonne dans le monde entier prouve que les Israéliens sont vraiment gonflés ! Le cinéma israélien est en train de devenir un cinéma important. Je regarde beaucoup les séries et les films israéliens. Je suis accro à Fauda, à Shtisel ; c’est très bien écrit et bien dirigé. J’ai d’ailleurs joué dans une série israélienne : The Attaché, réalisée par Eli Ben-David qui, pour des raisons économiques, l’a tournée en Ukraine. J’étais assez content car c’est le pays où est né mon père et je n’avais jamais été là-bas. J’en ai profité pour passer une journée sur la tombe de Rabbi Nahman de Bratslav, sur le chemin d’Ouman, à l’occasion de 'Hanouka 5779.
Sur le chemin d’Ouman… est justement le titre de votre prochaine exposition à la galerie Saphir… Effectivement. C’était une journée particulière, en marge du tournage. J’ai commencé à photographier, à filmer ; j’ai pris des photos de très près, tout le monde était très tolérant, bienveillant. Il y a un an, j’ai exposé ces photos au Centre Européen du Judaïsme (CEJ) ; et lorsqu’on m’a invité à faire partie du Festival des cultures juives, j’ai proposé cette exposition. La Galerie Saphir – Francine Szapiro – a dit d’accord. Ce festival, qui est organisé par le Fonds Social Juif Unifié (FSJU), a lieu à Paris, dans le Marais ; il y a des expositions, des conférences, des visites. La Galerie Saphir est magnifique. J’ai beaucoup
échangé avec Francine Szapiro, et nous nous sommes entendus. Elle a voulu faire une grande exposition, avec de nombreuses photos, qui relèvent de trois thématiques : d’une part, les photos d’Ouman, qui sont le cœur de l’exposition, d’autre part, mes photos impressionnistes, et enfin une dernière partie sur le sport. C’est très exhaustif : une soixantaine de photos, petits et grands formats. Il y aura une prolongation, car la Galerie Saphir a aussi une galerie en Bretagne, à Dinard, dans laquelle je serai exposé au mois d’août. Si l’on rajoute la pièce de théâtre que nous jouerons bientôt à Tel Aviv avec Michèle Bernier, que j’adore, et le tournage de mon prochain film, My Little Big Boy, que je coréalise avec Guila, mon épouse, mon agenda est serré !
Comment vous répartissez-vous les tâches avec Guila ?
Guila connaît tout. Elle était dans le cinéma avant moi. Elle a une formation de monteuse, elle maîtrise l'écriture cinématographique, lll
7 LPH N° 998 À L'AFFICHE
© Patrick Braoudé
lll les plateaux de cinéma, la mise en scène, et elle sait ce que c'est que les acteurs. Elle écrit et réalise, et nous avons une fabuleuse complicité. Ensemble, nous avons écrit My Little Big Boy et nous le réalisons. Peut-être que là, on va se disputer grave, parce que c’est une première, on n’a encore jamais rien réalisé ensemble ! ( rires ) En réalité, nous voyons les choses de la même façon, et nous avons déjà fait tous les repérages, en Lettonie et ailleurs. En plus, je vais jouer le rôle principal et
mon personnage est très présent à l'image. Mais je fais totalement confiance à Guila. Cela risque d'être un peu plus chaud au montage, parce que j'adore le montage et qu’elle, au départ, est monteuse ; alors là, il va falloir négocier !
Quelle est l’histoire de My Little Big Boy ?
C’est une comédie qui raconte le parcours de gens qui ont été marqués par la Shoah sans le savoir. Toute leur vie, ils ont été déglingués, mais ils ne savent pas d’où ça vient. C’est aussi l’histoire un peu compliquée d’un père et ses deux fils, de deux mariages différents ; l’un a 14 ans et l’autre 45 ans. Le père, que j’interprète, a voulu se couper de ses origines. Sa mère, qui a été déportée à Auschwitz, n’a jamais voulu en parler, donc lui s’est dit qu’il fallait oublier. Le petit, qui est absolument formidable, est aussi déglingué que les autres. Il est obèse, il va chez un psy et c’est là qu’ils vont comprendre que la solution est peut-être à Auschwitz. Alors toute la famille va prendre un bus pour aller jusqu’en Pologne et
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À
L'AFFICHE
Nous avons écrit My Little Big Boy ensemble avec Guila. C'est une première, on n'a encore jamais rien réalisé ensemble.
© DR
Patrick Braoudé et son épouse Guila
faire ce voyage qu’ils n’ont jamais voulu faire. Sylvie Testud, qui joue le rôle de mon ex-femme, et Michaël Youn, qui interprète celui de mon fils aîné, sont aussi de l’aventure. C’est un road movie vers leurs origines et vers l’origine de leurs traumatismes, teinté d’un humour très Woody Allenien, très psychanalytique.
Un humour juif, finalement…
J’ai l'impression de ne faire que des films juifs, en fait – je crois que je n’ai pas pu faire autre chose –, sur ce ton qui se moque des personnages avec beaucoup de tendresse. Je crois que cette capacité à être dans une totale autodérision est ce qui caractérise l'humour juif. Dans Neuf mois, par exemple, quand le personnage apprend à son père qu’il va être papa, ce dernier dit « mazal tov ! », puis il prend un violon et commence à jouer du klezmer. Ensuite, avec Georges (Daniel Russo), on va à la synagogue pour voir un rabbin (Gad Elmaleh).
Être juif, on ne peut pas y échapper quand on l'est. Lorsqu’on essaie de s'en éloigner, il y a toujours un élastique qui vous ramène. C'est culturel. Je n’ai pas envie de dire que c'est religieux parce qu’on peut être
juif sans être religieux et que je connais énormément de Juifs qui ne sont pas croyants. Pour ma part, j'ai été laïque jusqu'à l'âge de 30 ans. Maintenant, je suis pratiquant, mais que l'on soit pratiquant ou non, être juif, c'est sentir que l'on a un devoir de transmission, que l'on fait partie d'une chaîne et que nous devons transmettre ce que l’on nous a transmis : nous devons transmettre l'universalité de l'homme, l'humain, l'humanisme.
Les dates à retenir ?
La sortie du film My Little Big Boy est prévue au printemps et le vernissage de mon exposition à la Galerie Saphir aura lieu le jeudi 22 juin à 18h. n
Festival des cultures juives : www.festivaldesculturesjuives.org
Galerie Saphir : www.galeriesaphir.com
Site photo Patrick Braoudé: www.patrickbraoude.com
(*) Patrick Braoudé a incarné François Hollande dans La dernière campagne (2013), réalisé par Bernard Stora, Ils sont partout (2016), réalisé par Yvan Attal, et Le 15h17 pour Paris (2018), réalisé par Clint Eastwood.
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© DR
De gauche à droite : Tom Arnold, Patrick Braoudé, Robin Williams et Hugh Grant sur le tournage de Nine Months à San Francisco
Ghetto de Varsovie, le dessous des cartes
C'est à Varsovie, en Pologne, que les nazis établissent le plus grand ghetto d'Europe. À la veille de la guerre, la capitale polonaise abrite 375 000 Juifs, soit environ 30 % de la population totale de la ville. Immédiatement après la reddition de la Pologne en septembre 1939, les Juifs de Varsovie sont brutalement raflés et astreints aux travaux forcés. Un Judenrat (Conseil juif) est établi, sous la direction d'Adam Czerniaków, et en octobre 1940 on annonce l’instauration d’un ghetto. Le 16 novembre, les Juifs sont transférés de force à l'intérieur du ghetto. Bien qu'un tiers de la population de la ville soit juive, le ghetto ne s'étend que sur 2,4 % de sa superficie ; et les nombreux réfugiés amenés à Varsovie portent la population du ghetto à 450 000 âmes. À l'intérieur du ghetto, la vie oscille entre le combat désespéré pour la survie, et la mort qui guette du fait de la faim et de la maladie. Plus de 80 000 Juifs y périront. Dans ce contexte, le soulèvement de groupes de combattants déterminés à donner du fil à retordre aux Allemands qui avaient décidé de liquider le ghetto constitue un événement hors du commun dans l’histoire dramatique de la Shoah. Le 19 avril 1943, veille de la fête de Pessa'h, la résistance des combattants juifs prend les Allemands par surprise. Ainsi que vous le découvrirez dans les articles de ce dossier, l’insurrection du ghetto de Varsovie met en présence le courage, la capacité de s’unir face à un ennemi commun, mais aussi les divisions – que l'histoire a parfois oubliées, de même qu'elle a oublié certains héros.
L’idée n’est évidemment pas de juger – qui oserait ?! – mais bien d’apprendre de notre histoire, sans en omettre les ombres, car ce sont les ombres qui permettent à la lumière de mieux rayonner.
DOSSIER
Insurrection du ghetto de Varsovie : le courage ultime
PAR HERZL MAKOV
Le 14 Nissan 5703, 19 avril 1943, a débuté l'un des épisodes de bravoure les plus nobles et les plus saints de l'histoire de l'humanité : les groupes combattants clandestins du ghetto de Varsovie sont sortis au combat face aux bourreaux allemands qui
Ces jeunes combattants ont décidé que, leur destin étant scellé et leur courte vie condamnée, ils iraient à la mort les armes à la main et en causant à l'ennemi le plus de dégâts, de difficultés et de pertes possible. Les préparatifs ont duré longtemps, les combattants devant créer une organisation, trouver des armes, programmer une stratégie et s'entraîner. Les difficultés ne manquaient pas. Les conditions au sein du ghetto étaient insoutenables. La clandestinité et le secret devaient être totaux, le ghetto pullulant de policiers, d'espions et d'opposants juifs à la défense active. L'acquisition d'armes était impossible, pour ces jeunes comme pour ceux qui pouvaient donner un peu d'argent.
L'expérience aussi manquait à ces jeunes. Mais ils avaient l'esprit, la foi, et ils étaient prêts à donner d’eux-mêmes. Ces trois qualités leur ont permis de surmonter les
difficultés et de se lancer dans un combat dont la fin amère était connue. Cependant, une difficulté insurmontable subsistait : la division régnait même au sein
du ghetto et face à l'ennemi. Les mouvements de jeunesse socialistes avaient fondé le ŻOB (Żydowska Organizacja Bojowa – Organisation Juive de Combat), que les travaillistes sionistes et le Bund non sioniste ont rejoint. Le Betar, du sionisme révisionniste, avait fondé le ŻZW (Żydowski Związek Wojskowy – Union Militaire Juive) et ouvert ses rangs aux jeunes non-partisans voulant prendre part au combat. Les tentatives d'union n’ont eu aucun succès. Malgré tout, il existait un lien et une coordination en ce qui concernait le partage des différents districts du ghetto ainsi que d'autres collaborations. La machine de guerre allemande et sa folie assassine s'est heurtée à quelques centaines de jeunes Juifs qui se sont trouvés de nouveau à Massada – Massada de Varsovie. Mais les combattants du ghetto ont attaqué l'ennemi avec courage et audace, ils l’ont contraint à déployer de nombreux efforts et
12 LPH N° 998 DOSSIER
préparaient la dernière
« action », la liquidation des derniers Juifs du plus grand des ghettos, dont la destination était les camps de la mort.
Herzl Makov, directeur du Centre Menahem Begin à Jérusalem ©DR
ils lui ont fait subir des pertes, des dégâts et de la frustration. Sur le toit du bâtiment du siège du ŻZW, place Muranovski, les combattants juifs ont brandi les drapeaux israélien et polonais, qui ont flotté fièrement sur la ville. Pendant plusieurs jours, ils ont tenu en haleine les forces allemandes qui tentaient d'ôter les drapeaux dont la photo était arrivée à Berlin. Quand elles y sont parvenues, cela a été le signe de la fin de la révolte. Après la fin des combats, une autre bataille a débuté, qui avait pour but d'effacer le rôle du ŻZW de
l'histoire. Des survivants du ŻOB et des membres du mouvement travailliste qui ont voué leur vie à perpétuer la mémoire de la révolte et à en faire un récit central dans la mémoire de la Shoah, ont ignoré la part centrale du ŻZW, dont les dirigeants sont tombés au combat. Le narratif israélien, forgé par les institutions de mémoire, les universités et le monde de la culture, n’a donné aucune place au groupe qui comptait pourtant le même nombre de combattants, qui était mieux armé et plus expérimenté. Pour les quelques
survivants du ŻZW, cette bataille n’a pas été moins dure, et encore plus douloureuse. n
(traduit de l'hébreu par Yoël Haddad)
13 LPH N° 998 DOSSIER
Monument commémoratif de la lutte armée des combattants juifs dans le ghetto de Varsovie. Il a été installé à l'emplacement même où ont débuté les premiers combats contre les soldats nazis.
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© Isaac Harari/FLASH90
La
scission face à l'ennemi absolu :
Pourquoi deux groupes combattants agissaient au sein du ghetto de Varsovie ?
Dans l'histoire moderne du peuple juif, l'exemple le plus connu de manque d'unité est celui du ghetto de Varsovie.
Comment est-il possible que face au persécuteur absolu, qui ne faisait aucune distinction dans sa volonté d'exterminer la totalité du peuple juif, les Juifs du ghetto de Varsovie aient choisi de se battre au sein de deux groupes différents, l'un socialiste, l'autre sioniste révisionniste, et qu’ils ne se soient jamais unis, malgré plusieurs tentatives ?
Pour répondre à cette question, il faut comprendre la situation politique des Juifs d'Europe de l'Est avant la guerre, en commençant par se souvenir qu’à l’époque la majorité des Juifs, qu'ils fussent ultraorthodoxes, communistes ou autres, n'optaient pas pour le sionisme. Au sein même des sionistes, la controverse régnait entre les sionistes socialistes, pour qui le socialisme avait une valeur aussi primordiale que celle du sionisme, et les sionistes de droite, qui donnaient priorité à l'objectif même de la création d'un État, avant de s'intéresser à la nature de son système social.
Avec la création du ghetto de Varsovie, les divers courants juifs se sont organisés au sein de différents groupes d'opposition clandestine. Jusqu’à la Grande Action, qui a débuté en juillet 1942, les autorités juives ellesmêmes s'opposaient à tout combat face aux nazis, estimant en général que le danger ne pesait pas sur les Juifs du ghetto et que le combat risquait justement d'aggraver leur sort. C'est seulement après le début de la liquidation du ghetto de Varsovie, durant laquelle 350 000 Juifs ont été déportés et exterminés à Treblinka, que tout le monde a compris que le ghetto n'avait qu'une finalité : la mort.
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PAR YOSSI SUEDE
Mordechaj Anielewicz © DR
Massada ou Modiin ?
« Sachez vous unir face à l'ennemi. Dans le ghetto, nous étions émiettés. Les Juifs se divisaient, se querellaient, se trahissaient, se dénonçaient ; ils n'avaient plus aucune volonté de s'unir et de se dresser face à leurs bourreaux, si ce n'est lors de l'avant-dernier moment. La nation se doit de faire autrement. Sachez vous unir face à l'ennemi et vous tenir contre lui, solidement, comme un seul peuple. Plus jamais la minorité ne sera abandonnée à son sort pour le sauvetage – fictif – de la majorité, car elle aussi tombera. Mais la minorité se doit de se lever et de se mettre en danger pour la majorité, et elle aussi sera sauvée.
L'opposition armée s'est organisée autour de deux groupes : le ŻZW du Betar, commandé par Pawel Frenkel, et le ŻOB, de tendance socialiste, dirigé par Mordechaj Anielewicz. Le ŻZW se considérait comme un groupe militaire et non politique, et il acceptait des communistes dans ses rangs. Le ŻOB, quant à lui, considérait son combat avant tout comme une lutte contre le fascisme. Le Betar étant, selon lui, fasciste, la collaboration était donc impossible. Lors des pourparlers pour une union, le ŻOB exigeait que le ŻZW soit soumis à un conseil politique provenant de ses rangs, et n'acceptait l'adhésion des membres du ŻZW qu'en tant qu'individus. Le ŻZW, lui, exigeait que le commandant ait une expérience militaire, alors que le plus important pour le ŻOB était l'idéologie. Nos recherches au Centre Begin nous montrent d'autres lignes de scission importantes : une moyenne d'âge de 35 ans pour le ŻZW et de 25 ans pour le ŻOB ; une formation militaire et un cursus académique pour les uns, et une formation agricole pour les autres ; les uns étaient issus de milieux aisés, les autres du prolétariat. Il est important de préciser que malgré tout, le ŻZW a fourni des informations et des armes au ŻOB, et qu'un groupe commun s'est formé lors des dernières étapes de l'insurrection. n
Yossi Suede est chercheur au Centre Begin (traduit de l’hébreu par Yoël Haddad)
Qu'apprenons-nous de Massada1 ? Comment ne pas y arriver. Qu'apprenons-nous de Modiin2 ? Comment la réaliser. C'est la leçon. Plus de Massada. À chaque génération, si la contrainte s'impose, si l'heure est venue – Modiin. Car le chemin qui a été tracé devant Yehouda et Israël à notre époque, par les combattants et les rebelles, n'est pas le chemin de la perte avec honneur, mais celui de l'honneur avec la victoire. »
Menahem Begin, 1978
(traduit de l'hébreu par Yoël Haddad)
1 Référence au suicide collectif de Massada, en l'an 73.
2 Référence à la révolte des Maccabées.
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DOSSIER
[…]
Qui est Pawel Frenkel ?
Le personnage de Pawel Frenkel, l'un des commandants de la révolte du ghetto de Varsovie, reste encore aujourd'hui mystérieux.
Son vrai nom, son passé, son parcours sont inconnus.
Récemment, Yossi Suede et Dror Bar-Yossef, deux chercheurs du Centre Begin à Jérusalem, auraient réussi à retrouver des traces de lui.
Interview exclusive, réalisée par Yoël Haddad.
Yoël Haddad : qui était Pawel Frenkel ?
Yossi Suede : Pawel Frenkel était le commandant militaire de l'ATZY [Irgoun Tsva'i Yehoudi, organisation militaire juive connue sous le nom de ŻZW, Y.H], le groupe armé du Betar qui a combattu dans le ghetto de Varsovie. Il agissait en parallèle au groupe plus connu : l'EYAL [Irgoun Yehoudi Lo'hem, groupe juif combattant désigné sous le nom de ŻOB, Y.H] de Mordechaj Anielewicz, qui, lui, était principalement composé de membres de différents mouvements de jeunesse socialistes. L'ATZY était non moins grand, peut-être même plus grand, et certainement bien plus armé et plus prêt au combat. Toute la conception de l'ATZY était différente, au niveau tactique et stratégique. Ses membres se considéraient euxmêmes comme faisant partie d'une unité militaire qui avait pour but de faire payer aux Allemands le prix le plus élevé et de continuer le combat tant que cela serait possible. L'EYAL, lui, voyait son combat comme une opposition massive et armée aux nazis, mais sans programme militaire clair, et il avait beaucoup moins d'expérience militaire que l'ATZY.
Y.H. : D’où provient ce que nous savons de Pawel Frenkel ? De témoignages de survivants ?
Y.S. : Personne ne le connaissait. Le grand public ne savait rien de lui. C'est seulement ces dernières années que ce nom commence à occuper une certaine place.
Y.H. : Mais alors, d’où connaissons-nous ce nom ?
Y.S. : Le nom de Pawel Frenkel apparaît immédiatement après la révolte du ghetto de
Varsovie, dans la presse et dans un livret édité par le Betar en Eretz Israël, avec des détails sur la révolte. Ayant lu la majorité des témoignages, je peux affirmer que personne n'omet de mentionner son nom et de dire qu’il était commandant dans l'organisation ou de l'organisation. Pourtant, alors que nous avons des photos de tous les commandants de la révolte, toutes tendances confondues, et des informations historiques à leur sujet, Pawel Frenkel fait exception – c'est très surprenant. En général, on trouve dans les archives polonaises la photo de n'importe quelle personne de cette époque sur laquelle on effectue une recherche – mais rien au sujet de Pawel Frenkel. On ne savait donc pas qui était cet homme, l'histoire de l'ATZY étant elle-même déjà très peu connue – l'absence de photos et de documentation permet d’ailleurs à ceux qui veulent minimiser le rôle de cette organisation et donner plus de place à d'autres acteurs de laisser planer le doute sur l'existence même de l’ATZY. Du côté de l'EYAL, il y a eu des survivants, ce qui a permis, immédiatement après la révolte, de raconter leur histoire, alors que du côté de l'ATZY, pratiquement aucun leader n'ayant survécu, leur histoire n'a pas été racontée.
Y.H. : Pendant toutes ces décennies, a-t-on a essayé de retracer la vie de Pawel Frenkel ?
Y.S. : On a trouvé à l'Institut Jabotinsky des annonces publiées dans la presse dès les années 1950, qui appelaient les lecteurs
Les deux chercheurs du Centre Begin à Jérusalem, Yossi Suede (à droite) et Dror Bar-Yossef (à gauche)
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possédant des photos de « Pawel (Pin'has) Frenkel, commandant de l'ATZY dans le ghetto de Varsovie », à les transmettre à la rédaction – mais personne n'a jamais envoyé de photo. En 1963, Chaim LazarLitai, un chercheur indépendant, sans formation académique, a publié un livre intitulé Massada de Varsovie. Ancien du Betar, il voulait mettre en lumière la bravoure des Betarim dans les révoltes contre les nazis qui commençaient, dans ces années-là, à prendre leur place dans l'ethos sioniste. Il a recueilli des témoignages pour son livre, parmi lesquels on
trouve celui d'Adam Halperin, ancien du Betar de Varsovie. Celui-ci disait avoir connu là-bas Pawel Frenkel, qui serait né en 1920 ou 1921. Ce sont pratiquement les seules informations qu'il transmet et c’est sur cette base que Chaim Lazar-Litai forge le personnage de Pawel Frenkel qui prend sa place dans la culture et la mémoire.
Y.H. : Quel est le problème de cette identification ?
Y.S. : Elle n'est fondée sur aucun document. Dror Bar-Yossef : On n'est même pas sûrs qu'Adam Halperin ait rencontré Pawel Frenkel. Personne ne retient totalement cette identification – pas même Lazar-Litai, d’ailleurs. C'est seulement un témoignage oral d'Adam Halperin.
Y.H. : Et l’on en arrive à votre découverte…
D.B.-Y. : En effet. Au hasard d'une autre recherche, on a trouvé un article de Yirmiyahu Halpern, responsable de la formation militaire au Betar. Cet article, jamais publié, est fondé sur un échange avec Dawid Wdowiński, l'un des seuls leaders de l'ATZY ayant survécu. Les deux hommes parlent du ghetto de Varsovie et de Pawel Frenkel, que Wdowiński a évidemment très bien connu. Halpern reconnaît en lui un élève du nom de Yaakov Frenkel qu'il a eu à l'école marine du Betar qu'il dirigeait à Civitavecchia, en Italie, et qui avait embarqué avec lui en 1937 à bord du bateau « Sarah Alef », d'Italie en Eretz Israël, puis dans le sens inverse. Halpern le connaissait bien et il est donc plus que probable que les deux hommes ont réussi à identifier Pawel Frenkel avec Yaakov Frenkel l'élève de Halpern.
Y.H. : En vous basant sur cette information, vous avez été chercher un Frenkel à bord du « Sarah Alef »…
D.B.-Y. : Exactement. Puis on a cherché davantage de détails sur ce Yaakov Frenkel dans des livres, lll
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Les portraits-robots de Pawel Frenkel comparés aux photos de l'Institut Jabotinsky en Israël et des archives de l'armée polonaise (dernière photo sur la droite)
lll dans les archives de l'Institut Jabotinsky, dans la presse de l'époque et d'après. Grâce à son inscription sur le « Sarah Alef », on savait qu'il était né en 1911. Nous avons écrit aux archives de l'armée polonaise et ils nous ont envoyé son dossier militaire. Halpern nous avait appris qu'il était commandant à Białystok, et les archives polonaises nous ont appris qu'il y était aussi né. Nous avons donc fait des recherches plus focalisées sur Białystok, et nous avons trouvé des informations sur ses différentes nominations à la tête du Betar de la région, dont une nomination effectuée par Menahem Begin en 1938.
Y.H. : Comment Pawel Frenkel s'est-il retrouvé dans le ghetto ?
D.B.-Y. : Nous supposons qu'il s'y est rendu de son plein gré. Il a fait usage de ses connaissances et de son expérience militaires pour entrer dans le ghetto afin d'y diriger la révolte. Il faut ici rappeler qu’initialement, les armes collectées n'étaient pas destinées à la lutte contre les nazis, mais à la conquête d'Eretz Israël.
Y.S. : Shoshana-Emilka Kossower, de la résistance polonaise, a rencontré Pawel Frenkel dans le ghetto et lui a proposé de l’en faire sortir pour rejoindre la Résistance. Elle lui a dit qu'ayant une apparence aryenne, il ne serait pas inquiété en dehors du ghetto et qu’il pourrait diriger l'ATZY de l'extérieur. Frenkel lui a répondu qu'il préférait mourir dignement aux côtés de ses frères, qu'il ne fuirait pas et qu'il resterait jusqu'au bout.
Y.H. : Qu'en est-il de sa photo ?
Y.S. : Moshé Arens, voyant que le travail de Chaim Lazar-Litai n'avait malheureusement pas eu d'impact sur la mémoire, s'est attelé à un nouveau livre :
Drapeaux sur le ghetto , paru en 2009. Il a découvert qu'il n'existait aucun document ni aucune photo de Pawel Frenkel, et il est donc allé à la rencontre des trois dernières personnes encore en vie qui l’avaient connu : Kossower, Phela Finkelstein et Israel Ribak. Il les a rencontrés séparément, et pour chacune des rencontres il a demandé à Gil Gibli, un illustrateur israélien dessinateur de portraits-robots pour la police israélienne, de faire le portrait de Pawel Frenkel d’après leurs descriptions. Les trois portraits étaient assez similaires, et il a créé un portrait les combinant – qui est devenu le portrait de Pawel Frenkel que l’on connaît. En 2013, un timbre de ce portrait a été publié, et en 2021 il est entré à Yad VaShem, dans la salle commémorant la révolte du ghetto de Varsovie. Lorsqu’on a trouvé la photo de Yaakov Frenkel dans les archives militaires polonaises, on l'a tout de suite envoyée à Gil Gibli qui, ému, l’a trouvée très ressemblante à l'un des premiers portraits qu'il avait réalisés.
Y.H. : Que manque-t-il pour déterminer avec une totale certitude que Pawel Frenkel était bien Yaakov Frenkel ?
D.B.-Y. : Un témoignage de quelqu'un qui l'aurait connu et qui attesterait que son vrai nom était Yaakov.
Y.S. : Ou bien un témoignage de quelqu'un qui aurait connu Yaakov Frenkel dans sa jeunesse, et qui confirmerait que son surnom était Pawel. Ou encore un témoignage qui attesterait que Pawel Frenkel avait une formation marine et qu'il était à Civitavecchia. Il existe d'ailleurs un témoignage du général polonais Cezary Szemley, selon lequel Pawel Frenkel a effectué un entraînement militaire en Eretz Israël , ce qui concorde avec son voyage à bord du « Sarah
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Alef ». n
Ci-dessus : le timbre à l'effigie de Pawel Frenkel émis à l'occasion du soixante-dixième anniversaire de la révolte du ghetto Ci-dessous : Yaakov Frenkel (au centre)
© Institut Jabotinsky en Israël
PAR GUITEL BEN-ISHAY
Les 80 ans de la révolte du ghetto de VarsovieVUDANSLAPRESSE
La journée annuelle du souvenir de la Shoah en Israël – Yom HaZikaron LaShoah véLaGvoura – était placée sous le signe des 80 ans de la révolte du ghetto de Varsovie. Les médias du monde entier n’ont pas manqué de souligner cet épisode héroïque de l'histoire de la Shoah. Tour d'horizon.
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En Europe
L'anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie a été souligné par les médias français qui, pour la plupart, ont choisi de rapporter avec force détails le déroulement de la cérémonie qui s'est tenue à Varsovie, rappelant les faits historiques de cette révolte.
La Dépêche a insisté sur « la demande de pardon » du président allemand lors de cette commémoration. Le Monde a traité le sujet sous l'angle des actions commémoratives organisées par la société civile polonaise ; et c’est aussi ce qu'a fait le média polonais TVN Warszawa, qui a publié un article sur l'exposition Autour de nous, une mer de feu, au Musée Polin de l'histoire des Juifs polonais (Varsovie), décrivant les documents exposés : des journaux, des journaux intimes, des récits et des témoignages.
Le journal allemand Der Tagesspiegel, quant à lui, s’est penché sur le phénomène « peu connu » de la résistance juive pendant la Shoah.
Aux États-Unis
L'exemple du New York Times montre que la politique n'est jamais loin, même lorsqu'il s'agit de rapporter un tel événement historique. En effet, le célèbre journal américain a publié une tribune de Marci Shore, professeure d’Histoire intellectuelle à Yale. Elle a choisi d'évoquer la révolte du ghetto de Varsovie en perspective avec l'histoire du sionisme et d'Israël. Elle parle de la bravoure des Juifs à Varsovie mais conclut en citant un des héros du soulèvement qui était contre « un État à nation unique » et n'était pas attiré par le sionisme.
CNN , pour sa part, a choisi de mettre en avant les histoires personnelles et familiales racontées par les proches des survivants de la Shoah et de la révolte du ghetto de Varsovie. C'est aussi ce que
l' Associated Press , repris par le site Yahoo!, a décidé de rapporter.
En Israël
En Israël, la cérémonie qui s’est tenue à Varsovie en présence du président Herzog a été largement couverte. Maariv a évoqué un concert donné à l'occasion de cette date particulière, et qui avait la particularité d'être joué au même moment à Tel Aviv et à Varsovie, l'objectif étant de réunir symboliquement les deux pays à la mémoire des Juifs du ghetto de Varsovie. HaAretz s’est penché sur Pawel Frenkel, le mystérieux héros du soulèvement du ghetto de Varsovie dont l'identité fait toujours l’objet de recherches [voir l'interview de Yossi Suede et Dror Bar-Yossef dans les pages précédentes]. Sur Ynet, on a rappelé que cette année, la Marche des Vivants était elle aussi placée sous le signe des 80 ans de la révolte du ghetto de Varsovie. n
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L'histoire du ghetto de Varsovie et de ses héros est tragique et passionnante. Si Mordechaj Anielewicz fut le leader de la révolte armée, il s'avère qu’il y eut aussi d'autres héros, et il est aujourd’hui évident qu'il faut parler non pas de la résistance mais des résistances. La majorité d’entre elles n'étaient pas liées aux armes mais à des gens comme vous et moi qui décidèrent de résister aux nazis en faisant battre le cœur des communautés
PAR ARIEL KANDEL
la fin de sa vie. Lorsqu'on lui demandait pourquoi le commandant était Anielewicz, il aimait raconter qu'enfant, le petit Mordechaj accompagnait sa mère qui vendait des poissons au marché. Afin de l'aider, il colorait en rouge les ouïes des poissons pour qu'ils paraissent plus frais aux yeux des clients. Edelman rapportait cette anecdote pour montrer que lui et ses amis n'avaient pas été formés pour être des héros. Ils étaient de simples êtres humains, avec leurs qualités et leurs défauts, qui un jour étaient devenus des héros car l'Histoire le leur avait imposé, et parce qu'à un moment de leur vie ils avaient réalisé qu'ils devaient prendre leurs responsabilités. À nous, aujourd’hui, de nous rappeler de chacun d’entre eux et de prendre exemple sur tous.
juives via la pratique de la religion, l'éducation, l'art, la culture… Elles permirent à des milliers de résistants de s'opposer aux bourreaux.
La révolte armée, elle, débuta le soir du Seder de Pessa'h 1943. Aux côtés de son leader sioniste évoluait Marek Edelman, que l'Histoire a moins retenu car il était bundiste, socialiste, non pratiquant, et surtout parce qu’il n’était pas sioniste. Il survécut à la guerre et devint médecin en Pologne où il demeura jusqu’à
L'écriture de l'Histoire juive doit évacuer les influences politiques qui, au fil du temps, ont mis en avant certaines histoires plus que d'autres afin de revendiquer les exploits du peuple juif. Nous devons absolument considérer que les combattants armés, les rabbins, les éducateurs, les comédiens, de droite, de gauche, sionistes ou non, pratiquants ou non – tous ont œuvré pour qu'aujourd'hui nos jeunes apprennent de leurs actes le principe de responsabilité.
Les Allemands avaient choisi la date du 19 avril pour marquer la disparition définitive de la plus grande communauté juive d'Europe. Le lendemain, c’était l'anniversaire d'Hitler, et cela aurait dû être son cadeau. Mais la révolte ne dura pas qu'un jour ; elle dura plusieurs semaines et ses répercussions se font sentir encore aujourd'hui. n
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Résistances
Sur les trottoirs de Varsovie (Pologne), on peut voir une ligne marquant l'emplacement des limites du guetto.
DOSSIER
« Ici, à cet endroit où nous nous rassemblons, se dressait le ghetto, exigu et débordant de vie. À proximité se trouvait le " point de collecte ", ou " Umschlagplatz ". C’est là que fut scellé le sort de 300 000 Juifs polonais : enfants, vieillards, femmes et hommes déportés au camp de la mort de Treblinka. Quand je ferme les yeux, je vois les braves guerriers de la révolte, les membres de l’Organisation Juive de Combat et de l’Union Militaire Juive, les quelques centaines d’âmes qui ont affronté les milliers de soldats nazis qui ont pris d’assaut le ghetto pour les anéantir. Face aux forces de l’oppresseur nazi – entraîné, monstrueux et armé jusqu’aux dents – qui a fait irruption porte après porte, maison après maison, dans une chasse vicieuse et inconcevable aux Juifs confrontés à un seul destin – la mort et l’extermination –, un groupe de jeunes Juifs polonais étaient déterminés, pleins de foi et d’espoir, tirant leur force de la séquence héroïque qui parcourt comme un fil conducteur l’histoire juive, des hommes courageux du roi David aux guerriers de Massada, Bar Kokhba et les Maccabées. Ils se sont battus contre toute attente. Des toits, des égouts, des caves les plus profondes, dans les rues et dans les cours, derrière les murs qui s'effondraient et dans les pièces qui s'enflammaient. Et ils ont gagné. »
Extrait du discours du président de l’État d’Israël Itzhak Herzog depuis Varsovie où il s’est rendu le 20 avril 2023 (traduit par LPH Info)
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© GPO
Anciens combattants, vous avez des droits !
Saviez-vous que les anciens combattants français sont éligibles à des droits ? Quels sont ces droits ? Et les anciens combattants français qui vivent en Israël peuvent-ils en bénéficier ? Rencontre avec Gisèle Grosz, présidente de la Commission des affaires internationales à l’Union fédérale des anciens combattants.
Pourriez-vous nous présenter votre association ?
L’Union fédérale dans anciens combattants est la plus ancienne fédération du monde combattant : il faut remonter à 1917 pour trouver la date de son premier congrès national, organisé par des mutilés de guerre qui, de retour dans leurs foyers, avaient à cœur d’aider leurs compagnons d’armes blessés dans les combats de la Première Guerre mondiale.
Quelles sont vos missions ?
L’Union fédérale des anciens combattants relaie les services publics, notamment le ministère des Armées, pour apporter de l’aide à nos compatriotes qui bénéficieraient de droits à réparation, notamment le droit à la retraite de combattant pour ceux qui ont été combattants pendant plus de quatre-vingt-dix jours en tant qu’appelés, militaires de carrière, engagés dans la Légion étrangère, ou encore soldats sur le terrain d’opérations extérieures. Nous les accueillons pour les aider dans leurs démarches administratives. Ces droits à réparation sont également ouverts aux victimes civiles de guerre, comme les résistants ou les déportés, mais aussi aux victimes d’actes de terrorisme, en complément de leurs fonds de garantie.
Combien les anciens combattants sont-ils aujourd’hui ?
Les anciens combattants français seraient actuellement environ deux millions. Hors des frontières de France, il se trouverait à peu près cent mille anciens combattants français.
Quels sont les droits dont peuvent bénéficier les anciens combattants ?
Ces droits sont régis par le Code des pensions militaires d’invalidité. Ils sont calculés en fonction de l’activité de l’ancien combattant. Par exemple, un ancien combattant qui n’a pas été blessé et qui a combattu pendant un minimum de quatre-vingt-dix jours peut, à partir de 65 ans, prétendre à la carte de combattant, qui lui donne droit à la retraite de combattant, de l’ordre de 800 euros par an. Autre exemple : la pension militaire d’invalidité versée aux anciens militaires blessés ou ayant contracté une maladie durant leur service, pour lesquels est calculé un taux d’invalidité. Ces droits à réparation sont non imposables, incessibles, insaisissables, et ils ne sont pas conditionnés aux ressources. Ils peuvent être perçus en France et à l’étranger.
Comment prétendre à ces droits lorsque l’on réside à l’étranger ?
Ces personnes doivent se rapprocher soit des associations locales, soit des consulats généraux de France. n
Pour plus d’informations : Consulat général de France à Tel Aviv
Consulat général de France à Jérusalem
Demande en ligne : contacter l’Office national des anciens combattants sur le site https://www.onac-vg.fr/
Plateforme téléphonique : 0801907901 (numéro vert)
Union fédérale des anciens combattants : +33-(0)144542270
contact@union-federale.com
24 LPH N° 998 BON À SAVOIR
Pourquoi est-il devenu si compliqué de renouveler son passeport israélien ?
Si historiquement, et face aux nombreuses vagues d’Alya, Israël avait coutume de délivrer des passeports très facilement, ce n’est plus du tout le cas, et les plaintes de la population commencent à créer un vrai désordre au sein des administrations israéliennes.
Les difficultés rencontrées pour la délivrance et le renouvellement du passeport israélien sont devenues un fait de société ; les médias s’en emparent et un mouvement social est en train de naître. Les raisons sont multiples. Notamment : + Conflit social au sein du ministère des Affaires étrangères depuis mars 2022, non résolu à ce jour. Compte tenu de la forte demande, le ministre de l’Intérieur avait autorisé les sorties du territoire avec un passeport étranger jusqu’à fin mai 2023. Cette mesure est prolongée jusqu’au 30 juin 2023.
+ Durcissement du ministère de l’Intérieur qui exige dorénavant des banques de s’assurer de la résidence fiscale de leurs clients.
Or voici qu’un nouveau problème se présente. Il est parti d’une histoire plutôt anecdotique, mais que la Knesset a prise très au sérieux : un citoyen norvégien s’est plaint d'un refus de renouvellement de son passeport et a fait appel auprès de la Cour suprême. Le plus honnêtement du monde, il avait répondu au ministère de l’Intérieur qu’il avait besoin de renouveler son passeport pour… dissimuler des comptes bancaires ! Ce cas marque le début d’un tournant total de la Knesset qui ordonne désormais au ministère de l’Intérieur des contrôles
stricts et systématiques pour toutes les demandes de délivrance et de renouvellement de passeport. Les entrées et sorties des demandeurs doivent désormais être dûment contrôlées. Le comble : il est dorénavant encore plus compliqué d’obtenir le passeport bleu (passeport israélien) que le passeport rouge (passeport de résidence fiscale), pour lequel il est nécessaire de passer au moins 183 jours par an – ou au moins 425 jours sur trois ans – en Israël, ou bien de justifier que son « centre de vie » (« merkaz 'hayim ») se trouve en Israël.
Initialement, les conditions de demande et de renouvellement du passeport israélien n’étaient pas drastiques et au bout d’un an à compter de , le citoyen remplissant les conditions suivantes obtenait son
– Avoir la nationalité
– Qu’Israël soit son « centre de vie » merkaz 'hayim »)
Depuis le cas du citoyen norvégien, le renouvellement du passeport israélien requiert des vérifications plus strictes ; et si, au cours des cinq dernières années, vous n’avez pas passé le nombre de jours requis en Israël, votre demande sera tout bonnement rejetée et il faudra vous contenter d’un laissez-passer (« teoudat maavar »).
Si vous vous trouvez dans une situation similaire, Natco Consulting est spécialisé en fiscalité israélienne et internationale, et pourra vous aider dans toutes vos démarches. N’hésitez pas à prendre contact avec nous. n
25 LPH N° 998 BON À SAVOIR
Baisse des prix de l’immobilier en Israël :
entre fantasme et réalité
PAR ARI LIVER
Mi-avril, le Bureau central des statistiques annonçait une baisse de 0,2 % des prix de l'immobilier par rapport au mois précédent. « Ventes d'appartements en chute libre », « Immobilier en baisse, une première depuis 2020 » ou encore « Fort ralentissement des transactions immobilières » : ce sont là quelques-uns des nombreux titres d’articles publiés par les médias. L'impact est immédiat, acheteurs et investisseurs prennent peur tandis que les vendeurs y voient une lueur d’espoir. « Ce n’est qu’une légère baisse des prix. Ce
n’est pas une mauvaise chose et elle ne durera pas. Dans le pire des cas, les prix se stabiliseront mais ne chuteront pas. En tant qu’agent immobilier, face à tant de cacophonie, mon rôle consiste à calmer tout le monde, aussi bien les vendeurs que les acheteurs », explique Eliran Bouzaglou, agent immobilier à Eilat. Des chiffres à relativiser, donc, mais sur le terrain les conséquences sont visibles : « Il y a des transactions mais moins que l’an passé. L’année dernière, on ne maîtrisait rien, c’était fou. Aujourd’hui, la situation s’est un peu ralentie, il y a moins d’acheteurs que
de vendeurs, les prix ont donc tendance à baisser », commente Rachel Cohen, avocate francoisraélienne du centre d'Israël. Barak Yakobovich, entrepreneur et investisseur immobilier, nuance ces affirmations : « La baisse des prix ne concerne pas toutes les villes. De plus, les prix ont tellement augmenté ces dernières années qu’on ne peut pas dire que les prix ont chuté, c’est un simple ralentissement. »
Les causes de cette baisse de la demande sont multiples : inflation, crise économique et instabilité politique, mais surtout l’augmentation du taux d’intérêt
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Si depuis 2015, les prix de l’immobilier ont connu une augmentation sans précédent, ces derniers mois la tendance semble ralentir. Simple passade ou réelle inversion de la courbe ? Des experts du terrain livrent leur analyse.
Rachel Cohen
Barak Yakobovich
Eliran Bouzaglou
directeur de 0,5 % par la Banque d'Israël le 2 janvier dernier. « Dès que les taux d'intérêt ont augmenté, la situation était claire. […] Beaucoup ont arrêté de vendre ou d'acheter à cause de cela », affirme Revit Boukara, agente immobilière à Lod. Une observation partagée par Rachel Cohen : « L’augmentation des taux d’intérêt des prêts immobiliers pratiqués par les banques a rendu les potentiels acheteurs plus frileux. » Cette frilosité se reflète dans les chiffres. Selon la Banque d'Israël, en avril dernier, les banques du pays ont accordé des prêts immobiliers d'un montant de 4,6 milliards de shekels, une somme inférieure à celles enregistrées ces trois dernières années. Plus encore, selon le ministère des Finances, en février 2023, 6311 appartements ont été vendus : 4 % de moins qu’en février 2022. Et en mai, la Banque centrale ajoutait que la vente d’appartements neufs avait diminué de 50 % en un an.
Des vendeurs et des investisseurs contraints de s’adapter
Face au ralentissement du marché, vendeurs et investisseurs doivent s’adapter. « Le but des investisseurs est évidemment de faire fructifier leurs investissements. Ces vingt dernières années, Israël n’a jamais été le bon endroit pour cela, mais des investisseurs ont quand même évolué en Israël. Dernièrement, leur tâche s’est complexifiée puisque le marché est devenu moins propice aux transactions. De plus en plus d'investisseurs se sont donc
tournés vers des marchés plus accessibles comme Beer-Sheva, laissant les villes plus chères aux acheteurs privés », explique Barak Yakobovich. L’entrepreneur de la région de Tel Aviv note par ailleurs : « Comme la demande a diminué, les investisseurs ralentissent leurs projets de construction et se concentrent sur la vente de leurs appartements. Pour parvenir à vendre, ils sont prêts à proposer des accords plus souples aux acheteurs. Par exemple, ils peuvent accorder à l’acheteur qu’il paie 20 % du bien à l’achat et les 80 % restants sur plusieurs années. Ce type d'accord est une vraie opportunité pour les acheteurs qui ne peuvent pas prendre de prêt mais qui ont un capital de départ intéressant. » Concernant les vendeurs, les options sont plus réduites : « S’ils ne sont pas pressés, la plupart des vendeurs préfèrent attendre une amélioration de la configuration pour vendre. Quant à ceux qui doivent vendre, ils sont parfois contraints de revoir leurs aspirations à la baisse », rapporte Eliran Bouzaglou. Une réalité que Rachel Cohen doit aussi expliquer régulièrement aux clients nostalgiques des prix enregistrés il y a six mois : « Même s’ils doivent revoir leurs prix à la baisse, les vendeurs ne sont pas perdants et réalisent tout de même de très belles plus-values. Donc si la plusvalue est là et que l’acheteur doit absolument vendre, je conseille de vendre. » Ainsi, si une baisse des prix généralisée est observée, il est pour le moment exagéré d’évoquer une inversion de la courbe – pour preuve, les chiffres récemment publiés par les observateurs.
Une opportunité pour certains
Au milieu de l’agitation, la baisse des prix et de la demande, l’augmentation de certaines devises, tel que l’euro face au shekel, et l’assouplissement des conditions d’acquisition par les entrepreneurs, sont source d’opportunités pour certains acheteurs. « Pour ceux qui n’ont pas besoin de contracter de prêt important, c’est le moment d’acheter, surtout s’ils ont de l’euro. L’euro a augmenté et on ne sait pas quand il redescendra. De plus, les acheteurs ont une plus grande marge de négociation. Comme toujours, je conseille donc de ne pas attendre », explique Rachel Cohen. Un appel entendu par nombre d’étrangers, selon l’avocate qui assure voir notamment revenir les Français, ravis de l’augmentation du euro face au shekel.
En somme, Rachel Cohen, Eliran Bouzaglou, Revit Boukara et Barak Yakobovich sont unanimes : les prix pourraient continuer à baisser mais ils ne chuteront pas. L’heure est plutôt à la stabilisation, avant, peutêtre, une nouvelle hausse. Eliran Bouzaglou conclut: « La situation actuelle était attendue. Ce n'était qu'une question de temps. » n
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ÉCONOMIE COURRIER DES LECTEURS Envoyez vos réactions, vos commentaires ou vos suggestions à contactisrael@actualitejuive.com
Récompenser les bons comportements
Plateforme amusante de nettoyage de lieux publics, l’application
CleanCoin vise à rendre le monde plus propre, en encourageant l’adoption de nouveaux comportements grâce au jeu et à l'aide de récompenses.
L’entreprise incite les citoyens à ramasser les ordures et ainsi contribuer à la lutte contre la crise climatique.
Une start-up israélienne a créé la première plateforme de nettoyage au monde conçue pour encourager les utilisateurs à nettoyer leur environnement. « Je voulais créer une entreprise qui ferait du bien au monde et j'avais beaucoup d’idées. Je suis un grand voyageur, je me sens très connecté à la nature, et c'est déchirant de rencontrer un gros tas de déchets dans un endroit magnifique ou de voir un poisson pris au piège dans des sacs en plastique », explique Gal Lahat, cofondateur et directeur technique de l’entreprise. Les déchets sont en effet éparpillés partout, dans les zones urbaines et rurales, et jusque dans les rivières et les océans. Notre planète se pollue plus vite que jamais, c'est le problème que CleanCloin veut contribuer à résoudre.
L’application rassemble des milliers d’utilisateurs qui peuvent cartographier les déchets, les collecter, les trier ou les transporter vers des centres de recyclage. À chaque fois qu’ils terminent une de ces missions, les utilisateurs choisissent, à leur guise, parmi diverses récompenses : de la monnaie virtuelle, des remises
dans des magasins qui vendent des produits respectueux de l’environnement ou un don à faire à un organisme de bienfaisance. CleanCoin est une crypto-monnaie basée sur un concept de crédit pour bonne conduite écologique.
Comment ça marche ?
La plateforme a été pensée comme une chasse au trésor, avec différents niveaux et des points. L’application permet de voir en temps réel où se trouvent les déchets à nettoyer. Vous vous promenez avec vos enfants sur la plage lorsque vous voyez un énorme tas de déchets éparpillés. Vous décrochez votre téléphone et vous le signalez immédiatement à CleanCoin. Harry est chez lui, à proximité, et voit votre rapport. Il a du temps libre et décide de gagner un peu d'argent et de faire une bonne action : il part faire le ménage. Il termine le travail en laissant la poubelle à l'un des points de chute désignés et prend un selfie pour confirmer que le travail est fait. Ces trois étapes sont vérifiées par la plateforme CleanCoin en temps réel. Vous êtes ensuite récompensé… et Harry aussi, évidemment ! « Chaque
point noir sur la carte représente un lieu où se trouve des déchets et qui a été signalé par un utilisateur », montre sur son téléphone Adam Ran, 37 ans, cofondateur et directeur général de CleanCoin dans les bureaux de la start-up à Haïfa.
Un problème israélien
La monnaie virtuelle CleanCoin est subventionnée par plusieurs organismes privés et publics, notamment par des municipalités et des conseils régionaux qui voient là un outil pour optimiser la gestion des déchets, un véritable problème en Israël. L’État hébreu est accro au plastique, notamment aux sacs qui, abandonnés, polluent ses côtes et ses espaces verts. En Israël, le plastique est malheureusement partout, même sur les plages et dans la mer : entre 70 % et 90 % des déchets trouvés dans la mer et sur le sable sont des ustensiles en plastique. Selon les données fournies par CleanCoin, l’application compte environ 30 000 utilisateurs, qui ont collecté plus de 600 000 litres de déchets au cours de l’année dernière. Téléchargez CleanCoin et rendez notre si beau pays plus propre ! n
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Notre organisme possède sa propre horloge interne, située au cœur de notre cerveau, dans l’hypothalamus. Cette horloge régit ce que l’on appelle des cycles circadiens, d’une durée de vingt-quatre heures, en rapport avec le cycle jour/nuit, et elle régule de nombreuses fonctions telles que la température corporelle, l’alternance veille/sommeil, le métabolisme, les sécrétions hormonales, l’humeur…
La lumière joue un rôle très important dans la synchronisation de notre horloge biologique ; mais d’autres facteurs environnementaux et comportementaux, tels que nos habitudes alimentaires et nos activités intellectuelles et physiques peuvent également aider à la synchroniser, ou au contraire la dérégler. L’exposition à des lumières vives le soir, le manque d’exercice physique, le tabagisme, le stress chronique, l’heure du dernier repas : autant de facteurs qui perturbent notre horloge biologique et peuvent provoquer des troubles du sommeil, du rythme cardiaque, du système hormonal, et générer de l’embonpoint, du diabète, des troubles cognitifs comme une baisse de l’attention et de la concentration, des troubles de l’humeur, du stress, de la déprime…
Les études montrent que le vieillissement est également une source d’altération de l’horloge interne. Ceci pourrait expliquer certains changements liés au sommeil, à la cognition et à l’humeur en rapport avec l’âge. Chez les séniors, l’horloge biologique est moins souple et la capacité de récupération réduite.
PAR JUDITH HADDOK
Comment synchroniser notre horloge biologique ?
Plus nos activités quotidiennes sont régulières, plus nos rythmes biologiques sont synchronisés.
l Se lever à la même heure tous les jours, même le week-end, en s’autorisant seulement un décalage de trente minutes.
l Se coucher quand on ressent la fatigue.
l Faire des balades matinales. Plus on s’expose tôt à la lumière du soleil, plus on régule son horloge biologique en aidant le corps à faire le plein de sérotonine le matin, qui se transformera en mélatonine, l’hormone du sommeil, le soir.
l Manger léger le soir.
l Ne pas manger après 20h.
l Baisser l’intensité des lumières après le dîner.
l Ralentir notre activité au moins trente minutes avant le coucher, y compris sur les écrans, les téléphones et les tablettes.
l Dormir dans une chambre bien aérée, à 18 °C maximum si possible.
l Pratiquer de l’activité physique régulière, si possible quotidienne : marche, vélo, natation, yoga, gym, sports de groupe… Mais l’arrêter au moins trois heures avant le coucher.
Protégeons nos yeux
L’information lumière/obscurité est captée par la rétine et envoyée au cerveau, à l’hypothalamus,
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L’horloge biologique, son influence sur notre santé
En respectant notre horloge biologique, nous améliorons le fonctionnement de nos différents organes et les échanges biochimiques à l’intérieur de notre corps. En étant conscients de ce fragile équilibre, nous pouvons changer certaines de nos habitudes afin d’améliorer notre bien-être ainsi que notre santé au quotidien et à long terme.
responsable des rythmes circadiens. Le vieillissement des yeux peut provoquer une dégénérescence rétinienne, la cataracte… N’oubliez pas vos lunettes de soleil !
La chrononutrition
Domaine de recherche en pleine expansion, cette manière de manger, basée sur l’horloge biologique, permet d’apporter au corps les différents nutriments au moment où il en a le plus besoin, en fonction de ses sécrétions hormonales et enzymatiques.
Exemple : le petit déjeuner idéal permet d’optimiser le fonctionnement des différents systèmes du corps et de faire le plein d’énergie pour la journée. Le matin, le cerveau a besoin de protéines animales et végétales, et de bonnes graisses pour pouvoir se ravitailler en dopamine et aider au bon fonctionnement de la thyroïde. Le petit déjeuner doit être riche en tyrosine, qui est un précurseur de la dopamine et des hormones thyroïdiennes. La tyrosine se transforme d’une part en hormones thyroïdiennes, et de l’autre en dopamine qui apporte énergie et vitalité, et qui elle-même se transforme en noradrénaline en début d’après-midi pour aider à la concentration et aux performances cérébrales.
Aliments riches en tyrosine :
l œufs, qui doivent être consommés avec le jaune coulant, au plat ou à la coque.
l poissons
l amandes, noix, sésame (te'hina), graines de courge, noix de cajou
l avocats
l fromages
l poivrons verts, poireaux, épinards
En rajoutant une tranche de pain complet, de préférence à l’épeautre (plus digeste), quelques bâtonnets de légumes ou une salade agrémentée de citron frais et d’huile d’olive, on obtient un délicieux
CYCLE CIRCADIEN
MINUIT MIDI
petit déjeuner équilibré et adapté aux besoins du corps. Attention aux petits déjeuners sucrés (céréales de petit déjeuner ou tartines de confiture) ! Ils diminuent la synthèse de la dopamine qui est le neurotransmetteur du dynamisme, de la motivation et du plaisir. Mauvais pour notre santé, ils peuvent même, à la longue, être à l’origine de déséquilibres thyroïdiens chez l’adulte. Chez les enfants, les recherches montrent un rapport évident entre la consommation de sucre, spécialement au petit déjeuner, et l’hyperactivité. n
Judith Haddok
Coach sportif & santé et conférencière
Diplômée de l’Institut Wingate
Contactez-moi pour intégrer mon groupe
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Tél. : 050-6592160
judith.haddok@gmail.com
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SANTÉ – BIEN-ÊTRE
PLUS HAUTE PRESSION SANGUINE PLUS HAUTE TEMPÉRATURE DU CORPS LIBÉRATION DE MÉLATONINE MEILLEURE VITESSE DE RÉACTION
EFFICACITÉ CARDIOVASCULAIRE ET FORCE MUSCULAIRE MEILLEURE COORDINATION ÉTAT D’ALERTE MAXIMAL ARRÊT DE LA SÉCRÉTION DE MÉLATONINE PLUS
PRESSION SANGUINE TEMPÉRATURE CORPORELLE
SOMMEIL LE PLUS PROFOND
MEILLEURE
FORTE HAUSSE DE LA
LA PLUS BASSE
Un tour dans le temps
Le Musée de la Tour de David nous entraîne dans un voyage à la découverte du riche et plurimillénaire passé de Jérusalem, et de son importance pour les religions monothéistes, à travers les cultures, les royaumes et les religions qui s’y sont succédé, depuis les toutes premières traces de l’existence de la ville au IIe siècle avant notre ère et jusqu’à ce que Jérusalem soit déclarée capitale de l’État d’Israël en 1949. Cette institution culturelle fondée en 1988 dans la Citadelle de Jérusalem, et devenue l'un des monuments les plus emblématiques et l'un des sites les plus visités de la ville, rouvrira ses portes le 1er juin dans une version rénovée, après des travaux de conservation qui auront coûté plus de 50 millions de dollars. C’est en passant par la porte de Jaffa qu’on entre dans la Citadelle qui surplombe fièrement la ville. Un ensemble d'édifices destinés,
32 LPH N° 998 DÉCOUVERTE D'ISRAËL
Le Musée de la Tour de David, dans la Vieille Ville de Jérusalem, vient d'être classé parmi les plus beaux sites au monde par le Time, l'un des principaux et des plus influents magazines américains. Un voyage au fil de l'histoire de notre éternelle et indivisible capitale.
Plus récemment, en 1917, les forces britanniques ont utilisé la Citadelle comme quartier général de leur armée en Palestine, et elle a joué un rôle militaire dans le conflit entre Israël et la coalition arabe en 1948. Depuis cet endroit stratégique, les Arabes pouvaient observer ce qu'il se passait de l’autre côté de la ligne d’armistice. Au fil de la visite, de salle en salle de ce musée récemment équipé d'une technologie de pointe, objets, vidéos, présentations multimédias et cartes de différentes périodes de l'histoire de Jérusalem permettent de comprendre comment la ville s'est développée dans le sillage des Romains, des Byzantins, des Musulmans ou des Britanniques, et pourquoi elle fut et reste l'objet de toutes les convoitises. Objet phare, une sublime maquette présente Jérusalem au XIXe siècle. La Citadelle étant située sur un important site archéologique, dans la cour centrale, des vestiges de la période du Premier Temple, des parties d'un mur du 1er siècle avant notre ère et pléthore d'artefacts sont autant de témoignages de l’ancestrale présence juive pour ceux qui en douteraient encore.
À la nuit tombée, la Citadelle devient le décor d'époustouflants spectacles son et lumière – absolument pas kitsch, comme on pourrait le craindre –, grâce aux technologies les plus sophistiquées au monde. Les murailles s’illuminent alors de mille couleurs pour conter virtuellement la fascinante histoire de Jérusalem tout au long de ses deux mille ans d’existence, ainsi que celle du roi
David, jeune et valeureux guerrier, mais aussi poète et musicien, qui fut roi d’Israël et fondateur de Jérusalem. Le musée, équipé depuis peu de deux ascenseurs supplémentaires afin que les personnes à mobilité réduite puissent accéder aux parties supérieures de la Citadelle, propose également des visites guidées, des ateliers éducatifs et des événements culturels. Un parcours de cordes avec tyrolienne autour de la Citadelle est ouvert à certains moments de l'année, en été et pendant les fêtes.
Et voici le meilleur pour la fin – d'ailleurs d'aucuns ne viennent au musée rien que pour elle – : la vue à 360 degrés, à couper le souffle, depuis le sommet de la tour dite de Phasaël, la seule qui subsiste de la Citadelle originelle. En un regard, on embrasse la ville antique et la ville contemporaine, tableau ineffaçable. n
Du dimanche au jeudi de 9h à 16h, le vendredi de 9h à 14h, le samedi de 9h à 16h
Réservation de visite guidée : +972-2-6265347
education@tod.org.il
Le musée est accessible aux personnes à mobilité réduite.
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À la nuit tombée, la Citadelle devient le décor d'époustouflants spectacles son et lumière.
© Flash90
Général de corps d’armée Benoît Durieux
Quarante auditeurs du Département «
sécurité économique de l’Institut des hautes études de Défense nationale (IHEDN) se sont rendus en Israël et dans les territoires palestiniens dans le cadre d’une mission menée par son directeur, le général Benoît Durieux, qui a accepté de livrer ses impressions en exclusivité à LPH.
La France entretient des relations bilatérales de défense de confiance avec Israël.
: Quels ont été les objectifs de votre visite en Israël et dans les territoires palestiniens avec la délégation de l'IHEDN dont vous êtes le Général de corps d’armée Benoît Il s’agissait d’appréhender les enjeux locaux en matière de sécurité, de résilience et de développement économique dans leur contexte géopolitique. Je suis venu avec quarante auditeurs de la majeure « Défense et sécurité économique » de la session nationale de l’IHEDN : des chefs d’entreprise, des militaires, des parlementaires ou encore des hauts fonctionnaires qui étudient les moyens d’assurer la sécurité des acteurs économiques français et la souveraineté en matière d’approvisionnements, et de nous protéger contre les ingérences ou l’espionnage. Leur champ d’études inclut les pratiques françaises en la matière, mais aussi ce que font nos alliés ou proches partenaires, dont Israël fait partie.
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© DR
Le général de corps d’armée Benoît Durieux est directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et de l’Enseignement militaire supérieur.
Pourquoi ce déplacement était-il important ?
D’abord parce qu’Israël est un grand partenaire, un pays avec lequel la France a de nombreux liens, et que c’était une occasion de renforcer ces liens. Une deuxième raison, c’est qu’Israël est au cœur d’une région où les enjeux géopolitiques sont extrêmement importants pour la stabilité régionale et internationale. Enfin, Israël est un pays particulièrement performant dans les domaines qui intéressent les auditeurs de la spécialité « Défense et sécurité économique ». Ce pays occupe le premier rang mondial par habitant pour le nombre de brevets et de sociétés dites « licornes ».
Quel est l'intérêt de la France pour la sécurité et la défense de cette région ?
Quand un officier français vient en Israël, il a à l’esprit une histoire commune très importante. Par exemple, pendant une très longue partie de son histoire, l’armée de l’air israélienne a été équipée d’avions de chasse français Mirage, et cela reste dans les esprits. Israël, comme la France, est une démocratie qui porte un certain nombre de valeurs, et un partenaire important dans la région. La France a des opérations en Méditerranée orientale, avec notre Marine très régulièrement, mais aussi avec nos forces aériennes. Elle est un contributeur important à la Force des Nations Unies au Liban, un pays avec lequel elle a également des liens forts, et qui a lui aussi besoin de sécurité. La France, préoccupée par le redressement de l’Iraq et par la guerre en Syrie, travaille en outre avec la Jordanie ; enfin, elle a aussi de bonnes relations avec l’Égypte dans le domaine de la défense.
Quel est le rôle de la France dans la région en matière de sécurité et de développement économique, et comment l'IHEDN contribue-t-il à renforcer les relations bilatérales ?
La France comme Israël sont attachés à l’État de droit, donc au principe de sécurité juridique et à un ordre multilatéral équitable. La France est avant tout très attachée au maintien de la paix dans la région ; elle prend des positions fortes pour la sécurité d’Israël, bien sûr, mais aussi en ce qui concerne
le conflit israélo-palestinien ou ce qui se passe à la frontière avec le Liban. L’Agence française de développement mène des projets dans les territoires palestiniens. La France a de bonnes relations économiques avec Israël, et ses entreprises y investissent : Renault, Decathlon, Eric Kayser, Carrefour, Sanofi… L’IHEDN serait intéressé à développer ses relations dans ce pays ; et cette mission a, je l’espère, contribué à semer les graines de futurs fruits.
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© Photos DR
lll Pouvez-vous nous en dire plus sur les rencontres que vous avez eues avec les officiers de l'armée israélienne ?
Nous avons eu une séquence autour des forces de défense israéliennes, à Haïfa et à la frontière avec le Liban ; nous avons rencontré des acteurs de l’industrie de la défense, par exemple en nous rendant dans les locaux de la société Elbit Systems qui opère dans le domaine de l’armement. La délégation a également pu échanger avec quelques officiers de l’armée israélienne et visiter un site abritant une batterie du « Dôme de Fer ». L’ensemble nous a permis de bien nous familiariser avec les questions de défense en Israël. Nous avons aussi été très impressionnés par la maturité et la motivation des jeunes officiers que nous avons rencontrés.
Qu'est-ce qui vous a le plus interpellés en matière de défense ?
Je crois que tous les auditeurs ont été frappés par la densité des enjeux humains, sociaux, politiques, militaires et économiques, et par leur interpénétration, dans une situation très évolutive. C’est précisément la « marque de fabrique » de l’IHEDN de s’intéresser à l’interconnexion de ces différents enjeux.
Cette visite a-t-elle permis à certains membres de la délégation de réviser leurs a priori sur la défense israélienne ou sur Israël ?
près de Haïfa, à la très émouvante commémoration du quatre-vingtième anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, ou en visitant Yad VaShem à Jérusalem.
Comment évaluez-vous l'écosystème économique israélien – en particulier dans le domaine des hautes technologies –, que vous avez eu l'occasion de découvrir lors de votre visite ?
L’exploration de l’écosystème économique israélien, particulièrement réputé pour son secteur des hautes technologies, a évidemment tenu une place centrale dans notre visite. Après l’échange au ministère de l’Énergie, la délégation a découvert la plateforme Start-Up Nation Central et rencontré des entrepreneurs spécialisés dans le cyber, dans la fintech et dans l’intelligence artificielle. Nous avons également pu apprécier le très haut niveau technologique du pôle universitaire du Technion. Ce qui frappe, c’est la forte interconnexion entre le monde de la recherche et les milieux opérationnels, qu’ils soient civils ou militaires.
Créé en 1936, l'IHEDN est un établissement public interministériel placé sous la tutelle de la Première ministre, dont la mission est de permettre aux responsables de haut niveau d'approfondir leurs connaissances et de perfectionner leurs compétences en matière de défense et de sécurité.
Je ne crois pas qu’il y avait des a priori, mais ce qui revient souvent dans mes conversations avec les auditeurs, c’est que tous ont été frappés par la chaleur de l’accueil qui nous a été réservé, partout où nous sommes allés. Beaucoup n’étaient encore jamais venus en Israël. Tous ont compris la complexité de la zone, ainsi que l’importance du poids de l’histoire, notamment en assistant, dans le kibboutz Lo'hamei HaGuetaot,
Comment se porte la coopération entre la France et Israël dans le domaine de la sécurité et de la défense, et quelles sont les perspectives d’avenir ? La France entretient des relations bilatérales de défense de confiance avec Israël. La coopération militaire entre la France et Israël repose sur des consultations stratégiques au niveau politico-militaire, ainsi que sur un dialogue entre les autorités militaires des deux pays. Ce dialogue stratégique permet des échanges sur des questions de sécurité régionale, et sur la dimension européenne et méditerranéenne de notre politique au Proche et au Moyen-Orient. Un volet important est aussi consacré aux grands enjeux des proliférations.
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© IDF
Une coopération-défense dynamique entre la France et Israël
« La coopération en matière de défense entre Israël et la France est un partenariat dynamique qui vise à renforcer la connaissance mutuelle entre les deux armées et à maintenir des relations de confiance, ce qui facilite la déconfliction entre les deux forces lors de la conduite de leurs opérations », a confié à LPH l'Ambassade de France. « Cette coopération, a-t-elle précisé, se concentre principalement sur le domaine naval, avec de nombreux échanges via des exercices communs, des escales régulières, et des échanges au niveau des experts et des autorités. »
Les relations entre les deux armées de l'air ont également connu des développements significatifs ces dernières années, avec la participation de pilotes français à l'exercice aérien Blue Flag organisé en Israël. Les rencontres entre hauts responsables des deux ministères sont fréquentes afin de partager des analyses des menaces sécuritaires. « Il faut noter que les deux armées possèdent une très forte expérience opérationnelle et une remarquable maîtrise des nouvelles technologies, chacune ayant ses propres domaines d'excellence. Par exemple, Israël est intéressé par le savoir-faire de la flotte française en haute mer, tandis que l'expertise de Tsahal dans le domaine du cyber ou des drones est bien connue. »
L’ambassade de France conclut : « Les deux armées partagent le désir de continuer à approfondir leur partenariat dans tous les domaines et de trouver de nouveaux champs de travail en commun. » Et les rencontres entre responsables sont donc l'occasion d'identifier ces pistes pour renforcer encore davantage la coopération en matière de défense entre la France et Israël.
Des exercices réguliers se déroulent également entre nos forces aériennes et nos forces navales. Enfin, nous partageons nos réflexions dans les domaines de la doctrine ou du retour d’expérience.
Quelle est votre vision de la résolution du conflit israélo-palestinien, et comment pensez-vous que la France peut y contribuer ?
En tant que directeur de l’IHEDN, je n’ai pas d’autre vision que celle du gouvernement français, qui soutient la solution des deux États et qui condamne toute infraction au droit international, d’où qu’elle vienne. Dans cette optique, il était important que lors de cette visite, nous ayons pu aller dans les territoires palestiniens, à Ramallah, à la rencontre d’officiels de l’Autorité palestinienne qui nous ont reçus chaleureusement et que nous avons entendus avec intérêt. Nous avons également visité le Centre pour la paix et l’innovation Shimon Peres à Tel Aviv, où nos auditeurs ont aussi pu mesurer l’histoire de
ce conflit, et réfléchir aux chances et aux pistes de solution.
Comment pensez-vous que les découvertes et les enseignements tirés de cette mission pourraient être utilisés pour informer et influencer les politiques de sécurité ?
Cette visite nous a rappelé la nécessité d’avoir des principes communs entre alliés et proches partenaires, de s’entendre, notamment sur des mesures de désescalade, ou pour adapter notre doctrine de défense nationale, qui est bien plus large que la défense militaire, avec la défense économique, celle de la cohésion de la nation, la défense numérique, etc. Pour revenir à la thématique précise de notre voyage, le domaine économique, on doit pouvoir se comprendre et mettre en œuvre des mesures de confiance mutuelle, par exemple pour éviter l’espionnage entre alliés. n
Propos recueillis par Nathalie Sosna-Ofir
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© Ambassade de France en Israël
Eretz Israël, terre végane ?
PAR EDEN LEVI-CAMPANA
Le 16 avril 1948 est publiée la découverte de la B12, une vitamine que ne synthétise pas l’organisme humain, rendant possible une alimentation végétale et le retour à un Eden alimentaire. Une complémentation adéquate en B12 d’origine bactérienne nous permet désormais de vivre en accord avec notre conscience, sans exploitation des animaux. Un mois plus tard, le vendredi 14 mai, David Ben Gourion proclame la naissance de l'État d'Israël, rendant cette fois possible le retour à un Eden tout court. Depuis cette date, les enfants d’Israël et l’alimentation végétale font route commune.
Remilk, une start-up de technologie alimentaire fondée en 2019, vient de lever des fonds à hauteur de 120 millions de dollars. Basée à Tel Aviv et à New York, cette société est spécialisée dans le développement de lait et de produits laitiers végétaliens. Aviv Wolff et Ori Cohavi, les cofondateurs de l’entreprise, sont fiers de leur création : « Remilk produit des protéines de lait au travers d’un processus de fermentation qui permet de les rendre chimiquement identiques à celles du lait provenant des vaches. Le nôtre est garanti sans lactose, sans cholestérol, sans hormones de croissance, sans
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« Voici, je vous ai donné toute l’herbe offrant de la semence qui existe à la surface de toute la Terre, et tout arbre qui porte des graines donnant du fruit – cela vous servira de nourriture.
»
(Genèse 1, 29)
La vitamine B12 rend possible une alimentation végétale et le retour à un Eden alimentaire.
antibiotiques : une révolution ! » Mazal tov ! L’alimentation végétale n’est plus une idée de doux rêveur mais une réalité économique.
Rue Jaffa, à Jérusalem, je passe devant plusieurs restaurants qui proposent des falafels. Je pense à David Leitner, dit Dougo, et me dit que décidément les petites histoires font la grande. La vie de Dougo en est la parfaite illustration. Ce Juif hongrois déporté à Auschwitz à l’âge de 14 ans, a été évacué le 18 janvier 1945, alors que les Russes approchaient du camp de concentration. Commencent alors, pour les déportés, les terribles « marches de la mort ». Des milliers de martyrs meurent d’hypothermie, d’inanition et d’épuisement. Dougo tient le choc. Il doit sa survie à une pensée : les petits pains que préparait sa maman. Nombreux sont les survivants qui, comme lui, ont puisé une force inestimable dans des souvenirs de leur passé. Après la Shoah, Dougo fait son Alya (il est cofondateur du mochav Nir Galim) et décide que chaque 18 janvier, comme un rituel en mémoire de ces petits pains salvateurs, il mangera autant de falafels qu’il pourra. Et depuis 2016, l’« opération Dougo » est devenu un événement national.
Si c’est bon au niveau du goût, bon pour la santé, bon pour l’environnement, bon pour les animaux, pourquoi ne sommes-nous donc pas tous végans ? La difficulté, avec l’alimentation, c’est que l’on touche à l’intime. Nous comprenons tous le message éthique,
mais quand il faut remettre en question le sacro-saint « klops » (pain de viande) de Babunia Natasza, c’est une autre histoire. Heureusement, en Israël, les plats moyen-orientaux à base de féculents, la cacherout et le multiculturalisme sont des facteurs déterminants qui favorisent la transition alimentaire vers le végétal.
À Tel Aviv, je fréquente le Bana, un restaurant végétalien branché, à deux pas du boulevard Rothschild, le Barzilay, le North Abraxas, le George & John (dans l’hôtel Drisco), et parfois le HaSalon – mais là, les prix sont plus élevés. Quoi qu’il en soit, dans la ville blanche, on trouve facilement un restaurant végan à portée de sa bourse. Tel Aviv, qui compte près de 400 restaurants vegan friendly pour 470 000 habitants, revendique le titre de la ville la plus végane au monde, devant Londres et Berlin.
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lll Je reçois un appel d’un ami qui me propose de le rejoindre à Haïfa. Rendez-vous est pris au Hummus Bar, un restaurant végan : « cuisine internationale, fusion, Moyen-Orient, régimes spéciaux, choix végétaliens, végétariens, 15 à 60 shekels le plat, le meilleur restaurant d’Israël », me dit-il. Diantre ! Le meilleur restaurant d’Israël, avec des plats entre 15 et 60 shekels (4 à 15 euros) ? À ce prix, pourquoi s’en priver ? Surtout que j’avais prévu de monter à Haïfa – en train, bien entendu, ne négligeons pas l’empreinte carbone. Sur la route, je regarde le menu du Hummus Bar : baba ganouch, chiche-kebab, moussaka, tofu chraime (plat de poisson séfarade), chawarma végétalien, couscous, soupes, salades, gâteau au fromage. Les hamburgers sont des Beyond Meat, de la start-up de viande végétale – plébiscitée par Leonardo Di Caprio himself ! – qui, en 2019, a enflammé Wall Street en levant 241 millions de dollars.
Arrivés sur place, le patron, Omri Raviv, un farouche partisan de la défense de la cause animale, nous
fait bon accueil. L’endroit est simple et mon ami m’explique que ce minimalisme cadre parfaitement avec le mouvement végan mondial qui, à son avis, a de belles perspectives devant lui : « En 2030, d’après l’étude Bloomberg, le marché des aliments à base de végétaux pourrait représenter jusqu'à 7,7 % du marché mondial des protéines. Le marché mondial des protéines végétales devrait donc être multiplié par plus de cinq entre 2020 et 2030. Le'hayim ! » Je lève mon verre, il sourit, je mange mon couscous, lui ses brochettes. C’est bon, très bon. Si je m’écoutais, je ferais comme tous ces Israéliens, qui pendant l’« opération Dougo » publient des photos de leurs repas sur les réseaux sociaux, avec la mention « Am Israël 'Haï ! ». n
Hummus Bar
22 rue Natanzon, Haïfa
Ouvert du lundi au dimanche de 12h à 22h
Sur place, sièges en terrasse, livraison, retrait en magasin Tél. : 04-6906808 – Hummusbar.co.il
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Pierre Lurçat : « Seule la réforme judiciaire pourra restaurer la démocratie en Israël. »
LPH : Qu’avez-vous voulu démontrer dans votre livre ?
Pierre Lurçat : Depuis la « révolution constitutionnelle » du juge Aharon Barak dans les années 1990, Israël n’est plus une démocratie authentique. Aharon Barak a décidé, seul, que le pouvoir devait être soustrait des mains des élus. Israël est ainsi devenu un « gouvernement de juges » qui privilégient leur propre interprétation au détriment du respect de la loi. En principe, le premier pouvoir devrait être celui de la Knesset, mais ces dernières décennies, les contre-pouvoirs, la Cour
suprême et les médias sont devenus les premiers pouvoirs. Pour restaurer la démocratie en Israël, il faut rendre son pouvoir à la Knesset et, à travers elle, au peuple. Plusieurs ministres de la Justice ont tenté de s'attaquer au système judiciaire pour rétablir un équilibre des pouvoirs, y compris des ministres de la Justice qui n'étaient pas de droite. Ils ont tous eu des problèmes professionnels (accusations de harcèlement sexuel, de corruption…) ou personnels (affaire du compte en dollars de Rabin), et ils ont fait l’objet de fausses inculpations, comme le ministre Yaakov Neeman. Il y a onze ans déjà, Yariv Levin
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Dans son récent ouvrage, Quelle démocratie pour Israël ?*, le juriste et essayiste franco-israélien Pierre Lurçat explique avec brio et pédagogie comment le pouvoir a été retiré aux électeurs israéliens, et il décrypte les grands enjeux du débat actuel. Rencontre avec un intellectuel franco-israélien engagé dont le message, universel, s’adresse aux lecteurs francophones en Israël et en Diaspora, juifs et non juifs.
m'avait exposé les grandes lignes de la réforme judiciaire, ce qui montre bien qu’elle n'a rien à voir avec les récents procès de Netanyahou.
La réforme est-elle allée trop vite ? Au contraire ! On a laissé le temps aux opposants de s’organiser, de recevoir des fonds de l’étranger, de faire pression et d’édulcorer la réforme, en la privant de sa substance. En allant plus vite, on risquait une crise, mais le gouvernement ne se serait pas retrouvé coincé dans cette situation d’instabilité. L’alliance informelle entre la Cour suprême et les médias israéliens se renforce chaque jour davantage. Il aurait fallu faire plus de « hasbara », mais la conseillère juridique a interdit au gouvernement d’expliquer les enjeux de la réforme. Cette censure a conduit à l’aliénation d’une partie de la population.
Quels sont le programme et l’idéologie d’Aaron Barak ?
Aharon Barak est un « fondamentaliste du droit ». Il considère que nul aspect de la vie ne peut échapper au droit, pas même nos pensées les plus intimes, et que seul le juge sait ce qui est bon pour le peuple. Son putsch silencieux est passé sous les radars durant des décennies. Sa forme ultime s'exprime actuellement par la contestation de la rue et l’emploi d’un narratif digne de Georges Orwell. Les manifestants disent vouloir « protéger la démocratie », alors qu’elle a été entamée depuis longtemps ; ils réclament la « séparation des pouvoirs », mais cette Cour suprême activiste se mêle de tout ; ils agitent le drapeau israélien mais appellent au boycott ; ils disent défendre « les droits de tous les citoyens » mais se battent en réalité pour leurs privilèges, notamment dans la high-tech ; ils prétendent vouloir « protéger l’économie » tout en répandant des rumeurs qui effraient les agences de notation. Ces tromperies sémantiques, cette « novlangue », véhiculées par les médias, faussent le débat. Haïm Ramon, ancien dirigeant du Parti travailliste, qui fut jadis un ardent soutien de Barak, considère aujourd’hui qu'on s'est servi de lui, qu’il a été un « idiot utile ». Les vidéos de sa prise de conscience sur les réseaux sociaux sont un témoignage inestimable sur le plan historique.
Avez-vous décelé des manœuvres des progressistes ?
On a vu beaucoup de drapeaux LGBTQ+ dans la rue, alors que leurs droits ne sont pas menacés. Toute forme de chaos est profitable aux ennemis d’Israël. Interrompre un processus législatif légitime par des manifestations de rue crée un précédent dangereux. Cela montre l’urgence de cette réforme judiciaire. n
Propos recueillis par Esther Amar
* Quelle Démocratie pour Israël ? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges, éditions L’Éléphant, 2023 15,50 euros sur Amazon
Pierre Lurçat, juriste et lanceur d’alerte
Pierre Lurçat, né aux États-Unis en 1967, est juriste, traducteur et écrivain. Il a fait son Alya en 1993 et vit à Jérusalem. Auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels La trahison des clercs d’Israël et Israël, le rêve inachevé, il a également traduit et préfacé en français Le Mur de Fer. Les Arabes et nous de Zeev Jabotinsky et il est le fondateur de la Bibliothèque sioniste. Il intervient régulièrement sur Qualita et dans Tribune Juive. Sur son blog vudejerusalem, il commente l’actualité en la replaçant dans une perspective historique.
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© Flash 90
Des activistes de l'association Im Tirtzou manifestent à Netanya en faveur de la réforme judiciaire du gouvernement le 26 mars dernier.
Nos émotions nous informent sur nos besoins
PAR MICHAELA ASSOULINE
Arrête de bouger comme ça », « arrête ton cinéma », « ce n'est pas grave »… Qui n'a pas entendu ces affirmations durant son enfance ? L’enfant bouge pour manifester sa joie mais de telles phrases mettent en doute sa capacité à exprimer librement ses émotions. Rapidement, il comprend qu'il ne peut pas leur faire confiance et s'habitue à ne pas leur conférer d’importance. Mais si Maman attribue les pleurs de l’enfant à des caprices et ne cherche pas à décoder précisément ce qu’ils recouvrent, il ne sait pas mettre les bons mots sur ses émotions et ne peut donc pas apprendre à développer cette aptitude durant l’enfance. Pourtant, la joie s'exprime quand mes besoins sont comblés et que je vis un moment de sérénité. Elle renforce mon mental et me fait du bien.
C'est pourquoi il est essentiel, à l'âge adulte, de (ré)apprendre à écouter mes émotions pour mieux les comprendre. Reconnaître une émotion, c’est pouvoir la nommer. Je dois comprendre quelle émotion je ressens afin de la décoder. Si mon ami a révélé à nos connaissances communes une erreur que j'ai commise, ma colère envers lui ne cache-t-elle pas une honte ? Après avoir calmement analysé la situation, je peux décoder que ce que je ressens n’est pas de la colère envers mon ami mais de la honte du fait que tout le monde est au courant de mon erreur, honte qui elle-même recouvre une peur de l’exclusion de notre groupe.
Mes émotions m'informent sur mes besoins. J'atteins un objectif ? Je vis un moment serein ? La joie m'indique que cela va bien et que mes besoins sont comblés ; elle me signale ce qui me procure de la satisfaction et vers quoi aller pour me sentir bien. Elle peut aussi me conduire à entrer en relation avec les autres. Par là, j’apprends que je devrais accorder davantage d'importance à la joie pour renforcer ce qui me fait du bien.
J'ai peur de me tromper, de ne pas remplir mes objectifs, d’être mal vu ? La peur me pousse à la fuite et elle exprime le besoin d’être soutenu, rassuré. Si je comprends que ma peur vient de mon besoin d’être rassuré sur mes compétences, je peux alors m’entraîner pour me sentir prêt.
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«
J'ai le sentiment qu’on a porté atteinte à mon intégrité ou qu’on a bafoué mes valeurs ? La colère engendre des réactions d’autodéfense. Je dois apprendre à l’exprimer de manière saine pour poser des limites claires et faire respecter mes valeurs. J'éprouve de l'impuissance ? La tristesse indique que j'ai besoin de soutien et exprime un sentiment de deuil. Si elle me pousse à me protéger en me recentrant sur moi-même, l'accepter peut me permettre de gérer certaines situations au lieu de les éviter. Si elles ont une valeur informative, pourquoi mes émotions me font-elles peur ? C'est parce qu'elles représentent un risque de perte de la maîtrise de moi-même et de l’image que je souhaite donner aux autres. Ainsi, l’impulsivité est une expression sans filtre de mes émotions, qui révèle non seulement une perte de contrôle mais également un manque de connaissance de moi-même. De plus, en société, l’expression incontrôlée des émotions est souvent prohibée car elles peuvent être source de désordre. Pourtant, mes émotions ont un rôle d’alerte et de guide, me poussant à réagir de façon spontanée ou réfléchie. Ma capacité de gestion de mes émotions en dit long sur moi. C'est pourquoi je dois (ré)apprendre
à les écouter pour m'en servir comme déclencheurs d’actions appropriées : afin de bien agir, en accord avec mes émotions, je dois savoir être à leur écoute. Pour ce faire, je vais d'abord identifier mes émotions en fonction des critères suivants : l'émotion que je ressens est-elle temporaire ou permanente ? A-t-elle un impact négatif ou positif sur mon comportement ? Ce décodage va me permettre de dédramatiser. Puis je vais tenter de distinguer les émotions externes des émotions internes, les négatives des positives, pour influencer ma prise de décision. Enfin, je vais agir sur la base de mon écoute attentive.
D-Strece peut m'aider à être à l’écoute de mes émotions et à agir en accord avec elles. C'est une technique thérapeutique efficace dont le but est de supprimer mes blocages en identifiant et en annulant mes croyances inconscientes qui en sont la source, afin de me re-trouver enfin ! Grâce au test musculaire – différents états toniques du bras –, qui nous renseigne sur le contenu de l’inconscient, le thérapeute et moi-même allons chercher et identifier ensemble les difficultés et les blocages qui m’empêchent de réaliser mon potentiel de vie.
Car apprendre à écouter mes émotions, c’est aussi apprendre à me construire. Mes émotions sont de précieuses alliées, et chercher à les étouffer est une erreur. Il est au contraire primordial de leur prêter attention, pour s’en servir comme leviers. Si la survenue d’une émotion échappe à mon contrôle, je peux apprendre à contrôler la manière dont je vais y réagir, et le thérapeute D-Strece dispose de différents outils (outre le test musculaire) pour m’y aider. Pour m'apprendre à écouter sereinement mes émotions, il va désactiver l'hypersensibilité qui se manifeste lorsque, de façon inconsciente, je fais passer toutes les informations qui m'arrivent par un filtre émotionnel, au lieu de les appréhender avec distance et logique. Cette désactivation va permettre de mettre fin à mes débordements émotionnels et, ainsi, de me sentir en accord apaisé avec les autres et moi-même. n
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45 LPH N° 998 CONSCIENCE
BéHaalotekha
Ramener un Juif égaré
PAR ARIELA CHETBOUN
Àla naissance, l’âme juive pénètre dans le corps par un nigoun, une mélodie, et elle en ressort de même à la fin de l’existence terrestre. Au Temple, le grand-prêtre connaissait le chant de l’âme de chaque Juif. En entonnant son nigoun, il lui était possible de « réparer » l’être perturbé, de le recentrer. Cela permettait aux émotions troublées de s’exprimer de nouveau de la bonne façon, d’évacuer les traumatismes et les blessures de l’âme par le langage, comme on le fait aujourd’hui par la peinture, la musique ou l’écriture, ou par l’étude de la Torah qui a les mêmes vertus reconstructrices. Le grand pontife avait ainsi cette faculté de récupérer les âmes abîmées, les êtres profondément perturbés, en chantant leur nigoun, le chant qui parlait à leur âme. Quand un Juif s’égare, il peut déchoir jusqu’à oublier son identité véritable, son origine divine, et se perdre dans les plaisirs terrestres, les chaloch klipot haTméot. Ces « trois écorces d’impureté », ce sont les niveaux de négation de la Divinité unique. Elles sont enracinées dans « l’Autre Côté ». Le Juif peut aussi, à l’inverse, dans un éclair de conscience – parfois avec un rien : une idée, un parfum, un goût, un mot –, déclencher un mouvement de retour vers lui-même, vers son peuple, son Dieu, et faire techouva.
Pardès – le Verger –, ce sont les quatre niveaux d’étude de la Torah. Ariela Chetboun met par écrit l’enseignement oral reçu de ses maîtres en Kabbala et 'Hassidout. Que cet éclairage vienne דייסב compléter ce que nous savions jusqu'ici.
Au temps du Temple, il y était aidé. L’inconscient, les forces cachées de l’âme peuvent se retrouver prises au piège du Mal absolu. Comment procédait alors le Cohen Gadol pour ramener ces Juifs perdus dans un ravissement de plaisirs futiles très éloignés de Dieu ? Que faisait le Cohen Gadol ? Il allumait la Menora du Temple. Pour les âmes pures comme celle du grand-prêtre, le voile qui dissimule la vérité de l’existence était moins opaque. Il lui était donné de « voir » à travers les mondes divins qui se superposent au nôtre, de « voyager » de l’un à l’autre : d’être clairvoyant.
C’est par un geste – néfilat haPanim, « la figure qui tombe », tête baissée au creux du bras replié – que le Cohen Gadol pouvait voir dans une dimension parallèle les âmes juives perdues, tombées dans les forces du Mal. Il traitait ensuite cette âme égarée en allumant les nerot du grand candélabre une à une, chaque sefira, chaque sentiment de l’Arbre de Vie. Il regardait dans ce qui est invisible à nos yeux voilés et pouvait ainsi repiquer l’âme déchue comme le ferait un martin-pêcheur dans une onde courante. Il la voyait, l’élevait et la ramenait à la surface, entonnait son nigoun.
Le Beit Mikdach était un espace de projection dans la réalité divine. Le Temple avait pour fonction d’atteindre tous les degrés de
la matière, jusqu’à la matière subjective dont est fait chaque homme. La Menora était un point qui s’épanchait, qui éclairait, de l’intérieur vers l’extérieur, de Jérusalem vers le monde. Ce qui se faisait autrefois avec le Temple, avec la Menora , avec la musique et les chants des Leviim , avec les sacrifices, peut se faire de nos jours par l’étude de la Torah, par la prière et par les mitzvot n
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46 LPH N° 998
UNE ANNÉE AVEC LA CABALE
Birkat HaMazone : tous les fondements du judaïsme concentrés sur une miche de pain
Le Birkat HaMazone, littéralement « bénédiction de la nourriture », est la prière que l’on récite après le repas. D’après la Torah, c’est la seule bénédiction obligatoire, comme il est écrit : « Tu mangeras, tu seras rassasié et tu béniras l’Éternel ton Dieu. » (Deutéronome 8, 10)
Le Birkat HaMazone est constitué de quatre bénédictions principales :
• La première fut composée par Moïse pour remercier Dieu de donner la manne (le pain du ciel, aliment complet) au peuple juif dans le désert.
• La seconde fut composée par Josué pour remercier Dieu pour « la terre, désirable, bonne et vaste », à l'époque de la conquête de la Terre d'Israël et de l'établissement de la souveraineté juive sur la Mère Patrie.
• La troisième fut composée par les rois David et Salomon en l'honneur de Jérusalem, le cœur de la Nation, et pour la construction du Temple.
• La quatrième fut composée par les Sages de Yavné après l'échec de la grande révolte et pour rendre grâce à les toutes les bontés que Dieu témoigne à Son peuple dans toutes les générations. Une rapide analyse du Birkat HaMazone nous permet d'affirmer que cette action de grâce est un exercice de déclaration et de motivation qui rassemble tous les fondements du judaïsme autour d’une miche de pain. Précisément au moment du repas, nous nous trouvons face à une sorte de défi. Il est en effet parfaitement légitime de se préoccuper de son équilibre alimentaire afin de subsister et d'assurer sa santé. Cependant, la préoccupation égoïste de notre subsistance peut nous laisser rivés au niveau
individuel, nous faire oublier la raison de notre existence et annihiler toutes nos aspirations.
L'attention
exagérée portée à la qualité et à la diversité des mets que nous consommons risque quant à elle de nous faire sombrer dans le gouffre de l'addiction aux satisfactions hédonistes.
C'est alors que le modèle proposé par la formulation du Birkat HaMazone prend toute sa valeur. Il vient nous élever afin que nous puissions participer au projet divin pour la collectivité d'Israël :
• Assurer sa subsistance individuelle – première bénédiction.
• Être un digne fils de la Nation d’Israël afin d’assurer l’existence et le devenir de cette Nation – seconde bénédiction.
• Pouvoir, au sein de cette Nation, assumer sa mission de transcendance de l'humanité : Jérusalem, lumière des nations, avec en son cœur le Temple destiné au bonheur de l'humanité. C'est Le projet des rois David et Salomon – troisième bénédiction.
Et voilà que tout le projet divin pour Son peuple est clairement exposé.
Tu restes dîner avec nous ?… n
Rav Avraham Dray
Rabbin de communauté à Ashdod - Fondateur de Chadarim Directeur du Desk France du Mizra'hi mondial Pour contacter le rav Dray : avdery7@gmail.com
47 LPH N° 998 AU NOM DE LA LOI
Sivan et les Gémeaux
Le signe des Gémeaux se traduit en hébreu par « Téomim », à savoir : les jumeaux. Ce signe double éclaire le monde durant le mois de Sivan, le troisième mois du calendrier, où a eu lieu le don de la Torah. Ce don est le jumelage entre les valeurs du ciel et celles de la nature. Selon la Kabbala, il s'agit du but même de toute la Création. Lorsque le ciel se reflète sur la terre, alors le monde est parfumé des senteurs de l’Eden.
La tribu de ce mois est celle de Lévi qui, en hébreu, signifie « l'accompagnateur » ou « le faiseur de liens », ce qui va dans le sens du rôle de cette famille qui fut choisie par l’Éternel pour enseigner la Torah à Israël. L'élément minéral qui correspond aux Gémeaux est l’émeraude – en hébreu : « baréket », « l'éblouissante » –, leur élément fondamental est l’Air, et leur planète d’influence Vénus. Le chiffre 3, qui indique le troisième mois de l'année, n’est pas fortuit. Il est synonyme d'équilibre et, dans la Kabbala, il fait référence à la séfira de Tiferet, indiquant le juste équilibre entre la Bonté et la Rigueur. Dans le Talmud, ce mois est appelé par nos sages « le mois triangulaire ». Le signe du mois est représenté par des jumeaux, comme les deux tables venues du ciel, les deux parties de la Torah – écrite et orale –, le corps et l'âme qui s'associent plus fortement durant le mois de Sivan, le jour et la nuit,
l'homme et la femme, le Naassé et le Nichma. Ce signe double est le représentant de l'harmonie nécessaire pour vivre pleinement la Torah – une vie qui ne néglige ni l'esprit ni la matière, mais qui bien au contraire sait conjuguer les degrés complémentaires.
L'élément Air octroie aux natifs des Gémeaux la capacité du verbe : ce sont des orateurs hors pair. Intellectuellement brillants, les Gémeaux percent les secrets des dualités binaires et nous révèlent l'unité céleste dans notre monde rempli de nuances. La qualité requise étant la joie, les Gémeaux la possèdent et elle leur sert de véhicule afin de faire passer leurs messages. Nous pouvons tous nous imprégner des qualités du mois de Sivan pour recevoir à nouveau la Torah qui correspond à notre vie, à celle de notre Terre ainsi qu'à celle de notre génération. n
Rav Yoel Benharrouche, artiste peintre, enseignant www.orotvekelim.com
PLANÈTE : Vénus
PIERRE PRÉCIEUSE : l'émeraude (« baréket », en hébreu)
ÉLÉMENT FONDAMENTAL : l'Air
ATTRIBUT : Tiferet, l'équilibre
Horaires de Chabbat
48 LPH N° 998
MAZAL TOV
BeHaalotekha 2 juin 2023-13 Sivan 5783 Jérusalem 19h00 20h23 Tel Aviv 19h20 20h25 Netanya 19h20 20h26 Chabbat Chela'h 9 juin 2023-20 Sivan 5783 Jérusalem 19h03 20h27 Tel Aviv 19h24 20h29 Netanya 19h24 20h30 Chabbat Kora'h 16 juin 2023-27 Sivan 5783 Jérusalem 19h06 20h29 Tel Aviv 19h26 20h32 Netanya 19h27 20h33 Roch 'hodech Tamouz 19 et 20 juin 2023 Chabbat 'Houkat 23 juin 2023-4 Tamouz 5783 Jérusalem 19h08 20h31 Tel Aviv 19h28 20h34 Netanya 19h28 20h34 Chabbat Balak 30 juin 2023-11 Tamouz 5783 Jérusalem 19h08 20h31 Tel Aviv 19h29 20h34 Netanya 19h29 20h35
Chabbat
Yitro ou les limites d'un philosémite
PAR ELIE KLING
Non, je n'irai pas. C'est vers mon pays et ma patrie que j'irai.
C'est par ces mots aussi fermes qu'inattendus que Yitro compte bien mettre fin à l'échange que vient d'entamer avec lui son gendre Moïse. Inattendus parce que rien ne laissait supposer que le prêtre de Midian, qui à peine quelques mois auparavant avait abandonné son respectable statut de chef spirituel de la nation midianite pour rejoindre un peuple d'esclaves fraîchement affranchis et errant dans le désert, refuserait de suivre Israël jusqu'au bout de son parcours !
Cela fait presque un an que les Hébreux campent au pied du Sinaï. Yitro était à leurs côtés, apportant son importante contribution à l'organisation du campement. C'est donc tout naturellement que Moïse va voir son beau-père et lui annonce l'imminent départ : « Nous partons vers l'endroit que Dieu nous a promis. Viens avec nous. » L'invitation aurait dû n'être qu'une formalité ; le refus de Yitro va créer l'événement ! Moïse insiste : « Ne nous laisse pas tomber ! Tu connais notre situation et ton aide nous est précieuse. »
Mais le récit biblique nous laisse sur notre faim : la réaction de Yitro n'est pas mentionnée. On ne saura donc jamais s'il s'est laissé convaincre ou s'il s'est obstiné à rentrer chez lui. Toujours est-il que si l’on retrouve bien la trace des enfants de Yitro près de Jéricho dans le livre des Juges, en revanche on n'entendra plus jamais parler de lui. Pour Rachi et le Midrach, il se serait contenté de faire un aller-retour pour tenter de convertir le reste de sa famille. Mais il faut bien avouer que cette thèse est difficilement compatible avec le très tranché « c'est vers mon pays et ma patrie que j'irai ! », qui sous-entend plutôt un retour définitif à la case départ et fait d'ailleurs irrémédiablement penser au fameux « quitte ton pays et ta patrie » adressé à Avraham. Sauf que le patriarche, lui, fit le trajet en sens inverse, ce qui l’a mené vers la Terre d'Israël !
Qu'est-ce qui peut bien motiver ce refus de poursuivre la route du peuple d'Israël jusqu'à sa Terre ? Notre homme est prêt à sacrifier statut et honneur pour embrasser la foi d'Israël et étudier sa Torah mais dès qu'il s'agit de s'affirmer en tant que nation se dirigeant vers sa Terre, Yitro se souvient qu'il en a déjà une, bien à lui. En d'autres termes : le plus sympathique non-Juif de l'histoire biblique a du mal avec la reconnaissance de la dimension nationale du peuple hébreu. Si le judaïsme est une religion, d'accord.
Mais s'il prétend se définir comme une nation, c'est différent. Bien des siècles plus tard, un autre grand défenseur des Juifs l'exprimera dans une formule restée célèbre. Le 23 décembre 1789, le comte de Clermont-Tonnerre s'adresse à l'Assemblée : « Il faut tout refuser aux Juifs en tant que nation et tout leur accorder comme individus. » Le deal est posé : si vous désirez que l'on vous traite avec bienveillance, sans discrimination, il vous faut renoncer à votre identité nationale et réduire le judaïsme à une simple « confession ». C'est ainsi qu’a pris naissance le concept de citoyen français de confession israélite, que les Juifs se sont empressés d'adopter, tant leur soif d'égalité, et leur besoin de sortir des ghettos physiques et moraux dans lesquels on les parquait depuis si longtemps étaient grands ! Mais parallèlement au réveil national de la conscience juive au XXe siècle, certains philosémites se sont progressivement réconciliés avec la notion de nation juive. Si le cas de Balfour est le plus connu, il n'est pas le seul. Prenez Orde Wingate, par exemple. Arrivé en 1936 en Palestine avec la cinquième division britannique, ce capitaine écossais qui ne se sépare jamais de sa Bible, de son revolver et de sa fiasque de whisky, est d'emblée séduit par la cause sioniste. Si Yitro a aidé les Hébreux du désert à organiser leurs tribunaux, Wingate enseigne aux jeunes bâtisseurs d'Israël l'art des combats de commando. Ses « escadrons de la nuit » deviendront les futurs cadres du Palmah. En six mois, il révolutionne la pensée militaire des défenseurs du Yichouv. Un de ses premiers cours est basé sur la tactique militaire de notre père Avraham lors de l'attaque contre les quatre puissants rois qui avaient capturé Lot. En relisant avec eux le chapitre 14 de Berechit, Orde Wingate conclut : « Nous devons apprendre à attaquer la nuit, à utiliser des escouades légères et à exploiter au maximum l'effet de surprise. » Le jeune Moshé Dayan est présent et retiendra la leçon. Les défenseurs non juifs d'Israël ont parcouru un immense chemin depuis l'époque de Yitro ; l'antisémitisme racial du siècle précédent et la renaissance de l'État juif ont apparemment enterré le deal de Clermont-Tonnerre. J'ai bon espoir que même les dirigeants du rabbinat français finiront bien par s'en rendre compte un jour… Arrêtez-moi si je dis des bêtises… n
49 LPH N° 998 LE KLING DU MOIS
klingelie@gmail.com
Tiramisu
PRÉPARATION
l Battre les jaunes d’œufs avec le sucre jusqu'à ce que le mélange blanchisse et double de volume.
l Rajouter le mascarpone et la crème liquide, et continuer de battre jusqu'à ce que le mélange devienne crémeux.
l Tremper les boudoirs un par un dans le café et les placer dans le fond d’un moule rectangulaire.
l Recouvrir du mélange crémeux.
l Superposer une deuxième couche de boudoirs, puis encore une couche de crème.
l Mettre au frigidaire pour au moins cinq heures, idéalement pendant une nuit.
l Avant de servir, saupoudrer de cacao amer.
Bon appétit !
INGRÉDIENTS
• 1 paquet de boudoirs
• 1 verre de café
Pour la crème :
• 70 g de sucre
• 3 jaunes d’œufs
• 300 g de crème liquide entière bien froide
• 250 g de mascarpone
• Poudre de cacao non sucré pour décorer
Pour plus de recettes, abonnez-vous à ma page Instagram : cuisine_et_moi
50 LPH N° 998 RECETTE
Photo illustrative –non contracuelle © DR
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