L'OUVERTURE DE L'ÎLOT_ Les apports pour la constitution de quartiers urbains

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Ecole nationale supérieure d’architecture Paris Val-de-Seine

L’OUVERTURE DE L’ÎLOT TOME 1 : Les apports pour la constitution de quartiers urbains – Mémoire

Directeur de Recherche :

par Louis Caudron

L. FEVEILE MA «VT» – Dr en Urbanisme et aménagement – Architecte DPLG

Directeur de Projet : A. PELISSIER Pr «TPCAU» – Dr ès Lettres – Architecte DPLG

Soutenance de Projet de Fin d’Etudes et Mémoire de Recherche

Février 2011


L’OUVERTURE DE L’ÎLOT Les apports pour la constitution de quartiers urbains


AVANT-PROPOS

Le choix d’étudier l’ouverture de l’îlot est issu de mes expériences dans le domaine urbain comme étudiant et comme citadin. Au-delà des voyages qui m’ont permis de découvrir une certaine diversité de tissus et de formes urbaines, c’est à l’origine un constat fait dans le XIIIe arrondissement de Paris qui a piqué mon intérêt. Comme j’y vis depuis toujours, j’ai eu l’occasion de suivre depuis ses débuts le chantier de la ZAC Paris Rive Gauche. Suite à une absence due à un échange Erasmus en 2007/2008, j’y suis retourné après un an et j’ai alors été frappé par la qualité du cadre de vie qui commençait à y prendre place, notamment dans le secteur Tolbiac Nord de Roland Schweitzer. Le secteur Masséna de Christian de Portzamparc était alors encore trop en chantier pour en saisir tout le potentiel. C’est ce constat, confirmant des intuitions que j’avais eues auparavant, qui m’a poussé à étudier plus avant les formes urbaines engendrées par l’ouverture des îlots. A partir de ces premières références, j’entrepris une première recherche bibliographique sur le sujet de l’ouverture des îlots, qui n’a fourni que peu d’information. En effet, il y a un manque d’ouvrages spécifiques ou de référence traitant du sujet comme forme urbaine à part entière. On trouve quelques textes et théories d’architectes pour soutenir leur propre démarche, édités indépendamment ou inclus dans des monographies. Christian de Portzamparc est l’un d’entre eux, principal théoricien de l’« îlot ouvert », selon sa propre

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conception1. Un petit nombre d’articles dans des périodiques traitent des îlots ouverts avec un point de vue critique2 ou présentent les opérations en cours de construction et réalisées3. On trouve des ouvrages qui y font allusion du point de vue de leur développement historique ou de celui de leur pensée4. Enfin, il existe deux mémoires de fin d’études d’étudiants en architecture, l’un traitant de la théorie de C. de Portzamparc et des caractéristiques de l’« îlot ouvert » par l’exemple du quartier Masséna de la ZAC Paris Rive Gauche5 et l’autre comparant les mutations urbaines et architecturales à Paris, à travers les contextes historiques, les règlements urbains et les mutations urbaines d’un quartier haussmannien, d’un quartier Moderne et des « îlots ouverts » de la ZAC Paris Rive Gauche6. J’ai pris alors le parti de réaliser une recherche sur l’ouverture de l’îlot, en travaillant à travers une étude de cas et en sélectionnant un nombre limité de situations urbaines. Aldo De Poli nous rappelle « l’importance qu’il y a à mieux chercher à connaître l’origine des idées, à travers l’examen de cas concrets »7. L’objectif était de mettre en évidence les apports de ces réalisations urbaines pour la constitution du tissu urbain de la ville compacte. Il ne s’agissait donc pas de rendre compte de la genèse des idées ayant conduit à leur 1

Leçon inaugurale du Collège de France : PORTZAMPARC, C de. Figures du monde – Figure du temps et une monographie : JACQUES, M. – LAVALOU, A. Portzamparc. 2 Ne sont cités que ceux ayant servi directement dans ce mémoire : CASTRO, R. « Îlots ouverts génie du lieu », PINON, P. « La ville ne s’invente pas » et ZIMMERMANN, A. « Retour dans l’îlot ouvert». 3 Etant donné la somme des projets et des réalisations, nous ne pouvons en faire une bibliographie exhaustive. 4 Ne sont relevés que ceux ayant servi directement dans ce mémoire : BÜRKLIN, T. Morphologie urbaine, CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre, MAZZONI, C. Les cours de le Renaissance au Paris d’aujourd’hui et SERAJI, N. Logement matière de nos villes. 5 MASSART, C. L'îlot ouvert : quelle ouverture? Saint-Etienne : ENSA de St-Etienne, 2000 6 NAM, S.-T. – Pan, Y. L'îlot ouvert, l'îlot fermé, les mutations des formes urbaines et architecturales - les signes généalogiques de l'apparition de nouvelles formes urbaines et architecturales. Paris : ENSA de Belleville, 2007 7 D’après la préface page 6 de : MAZZONI, C. Les cours de la Renaissance au Paris d’aujourd’hui.

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apparition, ni de l’histoire ou de l’évolution de ces formes urbaines dans l’histoire, même si nous en expliciterons quelques jalons pour les situer dans leur contexte. Ces questions restent donc toujours ouvertes à un travail documentaire et historique plus approfondi. Cependant dans un souci de diversité et de représentativité, j’ai cherché à ce que les quartiers s’inscrivent dans différentes époques. Or, il a été mis en évidence lors de ce travail qu’ils couvrent principalement deux périodes de l’histoire assez récente des villes : le début du XXe siècle, où l’on a expérimenté l’ouverture des îlots à l’échelle des quartiers et la toute fin du XXe du siècle, où des réalisations contemporaines mettent à l’œuvre une ouverture de l’îlot comme réinterprétation de la ville historique à travers le filtre critique du Mouvement Moderne.

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SOMMAIRE 8

INTRODUCTION

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PARTIE I L’ouverture de l’îlot au début du XXe siècle, expérimentation et apparition de premiers modèles

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I – Spaarndammerbuurt, Amsterdam (1913-1921)

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II – Habitations à Bon Marché – HBM – Porte de Montmartre, Paris (1920-1930)

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III – Karl Max Hof, Vienne (1926-1930)

71

PARTIE II L’ouverture de l’îlot contemporain, retour à une certaine conception de la ville

72

I – ZAC Paris Rive Gauche, Paris

78

I.I Secteur Tolbiac-Nord (1991-2002)

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I.II Secteur Masséna-Nord (depuis 1995)

111

II – Java-eiland, Amsterdam (1992-2001)


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PARTIE III Synthèse critique des apports de l’ouverture de l’îlot

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I – Les espaces ouverts dans les îlots renouvellent les paysages urbains

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II – Le bâti exploite une plus grande liberté de formes et d’aménagements

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III – Le végétal s’immisce à toutes les échelles des îlots pour les embellir et y assurer certains rôles

184

IV – La diversité des espaces de circulation au sein des îlots multiplie et agrémente les déplacements

198

V – Les espaces dans les îlots favorisent des pratiques urbaines et acceptent plusieurs appropriations

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CONCLUSIONS

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ANNEXES

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ICONOGRAPHIE

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BIBLIOGRAPHIE


INTRODUCTION

D’après le Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement8, l’îlot est « la plus petite unité de l’espace urbain, entièrement délimitée par des voies (souvent appelée « pâté de maison » dans le français courant[…]) ». L’îlot est lui-même divisé en parcelles – ou « lots » –, qui sont l’unité de propriété de taille variable mais de forme assez souvent quadrangulaire, et dont les limites sont couramment perpendiculaires aux limites de l’îlot9. Traditionnellement, dans un îlot urbain, le plein du bâti, formé par des constructions ou des murs, définit clairement son périmètre et forme la limite entre l’espace privé et le domaine public10. Le bâti est alors dit en alignement sur la rue et constitue un front quasi continu. Suivant les dimensions et la densité de l’îlot, l’espace intérieur est plus ou moins évidé de cours qui séparent des constructions de mêmes dimensions ou souvent plus réduites. Historiquement, ces cours avaient la plupart du temps une fonction domestique11 : lieux de vie populaire, de service et donc peu salubre, ou de représentation, comme dans les Hôtels particuliers ou les Palais italiens. La forme urbaine de l’îlot a constitué pendant des siècles la base du tissu des villes dans la plupart des cultures occidentales. A partir de la toute fin du XIXe siècle, suite à la Révolution Industrielle et à la croissance incontrôlée des villes, des spécialistes : architectes, ingénieurs, médecins et philosophes 8

D’après MERLIN, P. et CHOAY, F. Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. Ibid. 10 D’après BÜRKLIN, T. – PETEREK, M. Morphologie urbaine. 11 D’après MAZZONI, C. Les cours de la Renaissance au Paris d’aujourd’hui. 9

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vont théoriser des formes d’habitat en rupture avec les modèles courants et insalubres. L’émergence de ces théories progressistes, basées pour beaucoup sur des préoccupations hygiénistes, vont peu à peu faire émerger de nouvelles formes d’habiter la ville afin de mieux loger la population ouvrière et améliorer son mode de vie. Pour pallier le manque d’espace, de ventilation et de lumière des cours intérieures, on va chercher à créer entre les immeubles des espaces à ciel ouvert aux dimensions plus importantes et aux statuts nouveaux12. Dans le prolongement de ces mutations, le front que constituait l’alignement du bâti va s’ouvrir sous l’effet de différentes transformations, comme le déplacement des cours intérieures sur la rue, la disposition du bâti en redents, etc.13 C’est à partir de ces premières expérimentations que vont se développer les trois premiers quartiers de notre étude dans les années 1915 à 1930. Il ne s’agit toutefois pas là d’une invention complète et il semble que l’on puisse retrouver des analogies dans des formes urbaines plus anciennes, qui ont pu influencer ces développements. Les villes ont historiquement possédé des îlots dont les cours intérieures hébergeaient des locaux d’artisans et d’ateliers, accessibles publiquement depuis la rue14, comme dans le faubourg Saint-Antoine à Paris. En Flandre, on trouve dès le XIIIe siècle les béguinages dans lesquels des maisons ou immeubles d’habitation sont regroupés autour d’un espace vert où une chapelle prend place. A la fin du XVIIIe, des opérations urbaines ou immobilières comme le Palais-Royal ou la Cour Batave à Paris sont des îlots construits sur une cour dont l’accès est ouvert au public, avec autour des commerces sous galerie et dans le premier un jardin d’agrément au centre15. Enfin, les passages et galeries de la fin XIXe

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D’après MAZZONI, C. Les cours de la Renaissance au Paris d’aujourd’hui. D’après MOLEY, C. Entre villes et logements – en quête d’espaces intermédiaires. 14 D’après BÜRKLIN, T. – PETEREK, M. Morphologie urbaine. 15 D’après MAZZONI, C. Les cours de la Renaissance au Paris d’aujourd’hui. 13

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permettent de traverser les îlots de part en part et intègrent aussi des commerces ou des ateliers16. Ces quelques exemples illustrent aussi la diversité des formes que peut revêtir la notion d’ouverture de l’îlot. Nous avons préféré ce terme, distinct de celui souvent employé d’« îlot ouvert », puisque ce dernier se rattache trop fortement à la conception définie par Christian de Portzamparc dans ses écrits et ses projets. Il a théorisé une ouverture de l’îlot dans des formes particulières, qui n’incluent pas la diversité de celles constituant notre sujet d’étude. En effet, cette recherche prend en compte les deux principes d’ouverture de l’îlot qui nous sont apparus. Le premier produit une ouverture que nous qualifierons de « visuelle » dans le sens où elle crée un vide dans le périmètre bâti de l’îlot permettant une relation strictement visuelle plus ou moins profonde dans son épaisseur. Elle peut permettre un accès privatif à l’intérieur de l’îlot, mais pas un passage public. Le second principe crée une ouverture « passante », c’est-à-dire qu’elle permet à tous d’accéder à l’intérieur de l’îlot, voire de le traverser, en perçant aussi le front bâti au niveau du sol. Les ouvertures « passantes » offrent toujours une certaine ouverture « visuelle » à travers le bâti. L’ouverture des îlots conserve nombre des qualités que l’on voit dans les îlots traditionnels. On y retrouve entre autres : la rue clairement délimitée spatialement par le bâti en alignement, la séparation nette entre les espaces et leurs différents statuts, la conservation d’un parcellaire défini dont le bâti peut évoluer dans le temps, etc. Il n’en sera donc pas fait un commentaire plus détaillé dans ce travail, le sujet ayant déjà été remarquablement traité par un grand nombre d’auteurs. Se pose alors la question : dans quelle mesure les principes d’ouverture de l’îlot sont-ils susceptibles d’être un atout pour la constitution du cadre de vie urbain ? Nous chercherons à mettre en évidence les particularités qui se retrouvent dans les 16

D’après BÜRKLIN, T. Morphologie urbaine.

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différents cas de l’étude, sans qu’elles soient obligatoirement systématiques à tous, pouvant apporter des qualités spatiales et d’usage à la ville. Il s’agit en quelque sorte de produire une connaissance sur les dispositifs et les statuts des espaces publics et collectifs de tissus urbains dont les îlots sont ouverts. Nous nous efforcerons de ne pas juger si un quartier est meilleur, ou moins bon, vis-à-vis de ces caractéristiques ou d’un modèle idéalisé et de ne relever que les traits récurrents qui fonctionnent et semblent avoir un intérêt. Par cadre de vie, nous pensons d’abord aux espaces publics qui comprennent généralement la voirie, les places, les espaces verts… et qui sont accessibles au public et sont de propriété ou de gestion publique. Toutefois, notre étude serait incomplète si nous ne prenions pas en compte certains espaces, du domaine privé, des collectivités ou des particuliers, ouverts à un usage collectif tels les espaces d’accompagnement des équipements collectifs, les espaces semi-publics, les espaces verts des habitations, etc. A l’échelle de l’habitat, nous nous limiterons à étudier ses relations avec ces espaces extérieurs et ne rentrerons pas dans les édifices à proprement parler. L’étude sera orientée principalement dans les domaines de la morphologie et de la sociologie urbaine. Nous aborderons les caractères formels d’esthétique, de paysage et de conditions de vie offerts aux habitants par les quartiers, mais aussi ceux issus de leur organisation fonctionnelle et sociale. Il a été pris parti de ne pas traiter dans le détail des questions plus relatives à la gestion des quartiers et leur population socio-économique qui relèvent moins de la forme urbaine ouverte comme telle. Le volet sociologique sera abordé au niveau du potentiel des lieux à être le siège d’appropriations et de pratiques17. L’étude de la forme physique et spatiale passe par les échelles successives de l’immeuble, de l’îlot, de la 17

En effet, une étude plus poussée faisant appel à des témoignages d’habitants et des observations plus longues sur le terrain n’a pas pu être entreprise faute de temps et de moyens, comme nous le verrons ci-après.

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trame viaire, du quartier et du site, c'est-à-dire depuis l’architecture jusqu’à l’urbanisme18. Elle interagit avec l’étude typologique des édifices, toutefois nous ne l’abordons que très superficiellement. En effet, nous ne rentrons pas dans l’étude détaillée des qualités offertes par l’ouverture des îlots aux logements mêmes, il nous semble que ce sujet mérite la réalisation d’un travail à part entière. L’analyse critique prend en compte les apports à l’îlot uniquement sur le plan des dispositifs. C'est-à-dire que nous chercherons à faire abstraction des styles architecturaux propres à chaque réalisation (ornementations, matériaux, etc.), afin de rester le plus objectif possible dans leur analyse. Nous ne prendrons en compte à l’échelle architecturale que les éléments qui font sens et impriment un caractère à l’espace extérieur. L’ensemble des quartiers choisi dans ce mémoire n’est pas exhaustif, mais offre une vision représentative des principes d’ouverture de l’îlot. Nous avons d’abord écarté les réalisations ponctuelles, c’est-à-dire constituées d’une seule parcelle. Ce choix se justifie d’abord parce que l’échelle de l’îlot est à la charnière entre l’architecture et l’urbanisme. Elle permet de comprendre à la fois l’architecture des bâtiments dans leur autonomie typologique et la forme urbaine dans sa complexité morphologique19. Nous n’avons considéré que des ensembles urbains formés par plusieurs îlots, dans le but de mettre en relief les apports propres aux îlots, de même que ceux à l’échelle du quartier, représentatifs d’un morceau de ville ayant sa physionomie propre et une certaine unité. C’est là aussi qu’est intégrée la dimension humaine de la ville, où se développe – développait ? – la vie quotidienne des habitants et où se fonde la notion d’identité et de communauté. Ce choix nous a conduits à étudier des quartiers compris entre 6 et 14 hectares, des dimensions du même ordre qui permettaient par la même occasion un travail de comparaison. 18 19

D’après MERLIN, P. et CHOAY, F. Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. D’après MAZZONI, C. Les cours de la Renaissance au Paris d’aujourd’hui.

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L’ensemble des opérations ont été sélectionnées pour les qualités conceptuelles ou d’usage de leurs espaces libres, publics ou privés. Elles répondent tout d’abord à un intérêt pour les caractères communs, mais aussi propres à chacune. Comme nous l’avons défini précédemment, nous avons entendu le sens de l’ouverture des îlots selon les deux acceptions : « visuelle » et « passante ». Les exemples choisis tendent à être représentatifs de ces deux sens. D’autres critères, comme la présence d’équipements ou non au sein des îlots, la diversité particulière des formes, la plus ou moins grande présence du végétal, ont été déterminants pour assurer une certaine diversité aux six quartiers. Le choix de certains quartiers – le Karl Marx Hof et l’HBM de la Porte de Montmartre – est particulier en ce qu’ils sont représentatifs de « types » d’îlots – le hof20 et les HBM21 –, répondant à des théories et à des formes, qui ont été généralisés à d’autres réalisations de la même époque. Nous avons choisi ces deux quartiers en particulier pour leur exemplarité vis-à-vis de ces « types », leurs capacités à former un véritable quartier et leurs dimensions proches des autres sujets de l‘étude. Il a fallu aussi exclure certaines réalisations, comme le Plan d’Extension de la ville de Barcelone d’Ildefonso Cerda, pourtant riche d’enseignements sur l’ouverture de l’îlot et la méthode systémique du plan, mais qui avaient subi de trop lourdes altérations dans la réalisation et l’évolution vis-à-vis du projet original. D’autre part, ce choix est justifié par une contrainte méthodologique. Pour pouvoir avoir la meilleure image globale et de détail des quartiers étudiés, je souhaitais associer la connaissance documentaire à celle de terrain. Je devais pouvoir en avoir fait la visite et avoir pratiqué les espaces des différents sites pour y produire mes propres observations, relevés et documents photographiques. Pour cela, j’avais eu l’occasion de visiter le Karl Marx Hof à 20

Un hof, au pluriel höfe, signifie cour en allemand, c’est un type d’îlot ouvert de porches ou de portiques possédant un espace vert public central entouré par le bâti. 21 Pour : Habitation à Bon Marché

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Vienne lors d’un voyage d’étude du Groupe de Projet Masséna en 2007. Les trois sites se trouvant à Paris ne posaient pas de problèmes pour y accéder. Enfin, je me suis intentionnellement rendu à Amsterdam, où j’ai visité le Spaarndammerbuurt et où j’ai découvert assez fortuitement le quartier de Java-eiland, que j’ai alors inclus dans l’étude. Pendant un certain temps – toute la recherche documentaire et jusqu’à la découverte de Java-eiland –, nous avions inclus dans l’ensemble de l’étude la ZAC Bercy de J. P. Buffi. Elle présentait un intéressant travail d’ouverture, de composition des îlots et de constitution du « front de parc » – mais dans l’esprit de celui déjà présent dans le secteur Tolbiac – et une démarche originale, précurseur pour la ZAC Paris Rive Gauche. Cependant, elle n’offrait pas d’ouverture « physique » ce qui nous a conduit à privilégier Java-eiland. Après une importante recherche documentaire, afin d’abord de définir l’ensemble des quartiers à étudier, puis de constituer pour chacun un fond bibliographique et iconographique, j’ai effectué le travail de terrain pour relever mes observations. A partir de ces ressources, j’ai commencé l’analyse des différents quartiers, que j’ai complétée par la réalisation d’une étude de données statistiques et morphologique en plans sur chacun, afin de les mettre en perspective. Par manque de moyens – impossibilité de me rendre de nouveau à Vienne et l’ampleur du travail nécessaire – nous avons choisi de ne pas faire une étude sociologique plus approfondie que le relevé de certaines pratiques in-situ. Dans un premier temps, les quartiers sont étudiés indépendamment et dans le détail. Ils sont situés dans leur contexte historique et géographique, afin de mieux comprendre comment ils ont été conçus et réalisés. Leur organisation et leur morphologie sont décrites et analysées, pour en donner une image précise et rendre compte des richesses particulières de chacun. En complément, est réalisée une synthèse des principes et des innovations qu’ils apportent individuellement. Les quartiers sont regroupés en deux parties, autour des deux époques où ils ont été réalisés. Le début du XXe d’abord, avec le Spaarndammerbuurt à 13


Amsterdam, les Habitats à Bon Marché (HBM) de la Porte de Montmartre à Paris et le Karl Max Hof à Vienne. Ils sont représentatifs des expérimentations et des premiers modèles marquant l’avènement du progressisme. Puis, la fin du XXe avec les secteurs Masséna-Nord et Tolbiac-Nord de la ZAC Paris Rive Gauche ainsi que la Java-eiland à Amsterdam, qui s’inscrivent à la suite d’un certain retour à la forme urbaine de l’îlot traditionnel apparue dans les années 197022, en réaction contre le Mouvement Moderne, tout en assimilant parfois certaines de ses leçons. Dans un second temps est réalisée une étude critique, sur l’ensemble de ces six quartiers pour mettre en valeur quels en sont les apports et les qualités. Elle aborde le paysage urbain que composent ces espaces et ces formes, la place faite à la végétation, la diversification des lieux de déplacement et enfin les appropriations et usages spécifiques aux espaces ouverts.

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Entre autres on trouve les courants du Postmodernisme, de la Tendenza en Italie, etc.

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PARTIE I L’ouverture de l’îlot au début du XXe siècle

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I – Spaarndammerbuurt, Amsterdam (1913-1921)

1.Localisation du Spaarndammerbuurt

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A – Contexte historique et géographique

De 1850 à 1920, sortant d’un longue période de stagnation économique, Amsterdam voit sa population se multiplier par trois, passant de 230 000 à 690 000 habitants. Le redéveloppement du commerce colonial et les premiers effets de la Révolution Industrielle vont rendre la prospérité aux Pays-Bas. Des travaux seront entrepris tout d’abord pour moderniser le Port. La ville va entreprendre une première extension sur les plans de l’ingénieur Kalf en 1875. Il prévoit un développement en couronnes à partir du troisième canal. Mais étant exclusivement préoccupé par les questions de viabilité, il laisse la construction des immeubles aux mains de promoteurs privés. Il en résulte des logements exigus, mal orientés et sous-équipés dans les quartiers ouvriers. Peu à peu, ils occupent presque tous les nouveaux terrains affectés par la ville. L’accroissement démographique se poursuivant, la densification et la surpopulation de ces quartiers deviennent extrêmes23. Dès 1852, quelques sociétés philanthropiques puis des coopératives ouvrières tenteront d’y remédier. Mais une intervention municipale s’imposera à partir de 1896 pour accroître son territoire et son autorité administrative, afin de prendre des mesures en faveur du logement social. Elles passent par l’affectation des nouveaux terrains pour leur construction et l’instauration de services techniques et architecturaux municipaux. Enfin, en 1901 le gouvernement hollandais lui-même vote une Loi sur l’Habitation « Woningwet » pour l’établissement de plans d’extension, la simplification des procédures d’expropriation et allouer des crédits pour la construction des logements sociaux24.

23 24

D’après CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre. Ibid.

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Le Spaarndammerbuurt est un quartier triangulaire entre les docks nord-ouest du port de la ville, qui s’est retrouvé presque enclavé par les voies de chemin de fer de la ligne Amsterdam-Harlem (fig. 1 et 2). Il s’inscrit dans le développement d’un quartier ouvrier attaché au Plan de la ville de 1875. La partie du secteur nous intéressant est réalisée bien plus tard et dans une seconde phase achevant l’urbanisation du quartier. Si la première partie à l’est a été exécutée par des initiatives privées sur le principe d’une spéculation maximale, la seconde a bénéficié de la volonté publique pour la réalisation d’un habitat social ouvrier dans de meilleures conditions, encadré par la Loi sur l’Habitation de 1901. 2.Vue aériennes du Spaarndammerbuurt

3.Vue de la pointe de l’îlot de la Poste

Elle fut possible par la conjonction entre une politique de coopératives pour la production du logement (principalement ici Eigen Haard, « Notre Foyer ») soutenue par une municipalité socio-démocrate et une architecture expérimentale, dont le premier intervenant M. de Klerk deviendra le chef de file de l’Ecole d’Amsterdam25 (fig. 3) dont le père est H. P. Berlage. Deux autres architectes, H. J. M. Walenkamp et K. P. C. de Basel, recherchant avec eux à imposer une architecture moderne à Amsterdam, vont aussi participer à la réalisation de l’ensemble (fig. 4). Le lotissement est projeté dès 1910 par la municipalité qui réalise le plan du secteur. Il sera construit en plusieurs étapes de 1913 à 1921. Son étude présente un intérêt en ce qu’il expérimente et met en place des solutions, encore parfois embryonnaires, qui seront généralisées dans l’extension Sud d’Amsterdam.

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D’après DE WIT, W. et al. L’Ecole d’Amsterdam, Architecture Expressionniste 1915 – 1930.

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4.Plan masse original du Spaarndammerbuurt, d’après l’étude de J. Castex, J.C. Depaule et P. Panerai A, B et C : M. de Klerk D : H. J. M. Walenkamp E : K. P. C. de Basel

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B – Etude descriptive du quartier

5.Aquarelle îlot Nord sur la Spaarndammerplantsoen

6.Aquarelle îlot Sud sur la Spaarndammerplantsoen

7.Vue sur le square de la Spaarndammerplantsoen

En excluant la première phase à l’est du Spaarndammerbuurt, le quartier se trouve délimité par la Spaarndammedijk et anciennement la digue au nord, la Zaanstad parallèle aux voies de chemin de fer à l’ouest et au sud et les Hembrugstraat et Wormerveerstraat à l’est (fig. 27). La municipalité crée d’abord le tracé viaire de l’ensemble, s’intégrant dans le contexte tout en s’affranchissant du système hippodamien26 préexistant. Une place publique (fig.7), la Spaarndammerplantsoen, donne une nouvelle orientation perpendiculaire à l’axe original de l’est du quartier (fig. 25). Le territoire est divisé en cinq ilots polymorphes, qui seront lotis par différents architectes. Ils peuvent être classés et définis selon trois types : l’îlot « traditionnel », l’îlot « pensé d’un bloc » et l’îlot « décomposé »27. De part et d’autre de la Spaarndammerplantsoen, deux îlots « traditionnels » sont entourés d’immeubles d’habitations bâtis à l’alignement de la rue et d’un gabarit uniforme de cinq niveaux sur rez-de-chaussée (fig. 25). Entre 1913 et 1914, M. de Klerk se charge de ceux dont les façades imposantes bordent la place (fig. 5 et 6). Les autres constructions de l’îlot relèvent d’un traitement plus consensuel dans leur disposition et leurs façades sur rue, nous ne nous attarderons pas sur leur étude. Les immeubles montrent une forte différenciation dans le traitement entre le côté public urbain et le côté cour. A l’intérieur de l’îlot, ils permettent une certaine privatisation et une appropriation par leurs habitants, avec de petits jardins individuels pour les logements de plain-pied et des loggias ou balcons aux étages supérieurs. Sur la place, ils semblent former un seul édifice rythmé par les baies et les accès marqués de redents ou de tourelles engagées pour former un véritable décor urbain. 26 27

Plan systématique orthogonal, nom issue du plan d’Hippodamos pour la ville de Milet. D’après CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre.

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8.Vues du porche sur l'Oostzaanstraat depuis l'intérieur et l'extérieur de l'îlot

9.Aquarelle de l’îlot de la poste depuis la Zaanstraat

10.Aquarelle de la placette sur de l'îlot de la poste sur l’Hembrugstraat

Des équipements sont alors intégrés au bâti, dont deux écoles qui respectent l’alignement de la rue avec une cour de récréation prenant place en cœur d’îlot. L’îlot à l’ouest possédait un espace collectif au centre avec un accès qui se faisait par deux porches sur les rues Oostzaanstraat et Vormeveestraat (fig. 8). Aujourd’hui, cet îlot a été réuni au nord avec un second de l’ancien quartier par la suppression de la voie les séparant et la destruction du bâti les bordant. Un groupement scolaire s’est implanté au cœur de l’ensemble, remplaçant l’ancien, desservi par un passage public paysagé. Quelques commerces sur rue prennent place en rez-de-chaussée des immeubles sur les axes principaux, Oostzaanstraat et Hembrugstraat. Au sud, un troisième îlot de forme triangulaire a été presque entièrement conçu par M. de Klerk entre 1913 et 1914 (fig. 25). Aussi construit à l’alignement de la rue, il intègre plus fortement les différentes fonctions le constituant dans une composition d’ensemble. A la pointe aiguë de l’îlot donnant sur la Spaarndammerplantsoen, il positionne un petit bureau de Poste sur deux étages avec une tourelle d’angle et des toitures courbes sculpturales (fig. 3 et 9). Il devient la proue de l’îlot et marque un signal depuis la place. Une école était déjà construite sur la frange nord, le long de l’Oostzaanstraat. Il l’agrandit par l’ajout d’un niveau et l’intègre dans le dessin de la façade de l’îlot. Les deux côtés adjacents à la poste sont bâtis à l’alignement de la rue avec des logements sur cinq niveaux. Le dessin de leurs façades est traité de manière très linéaire, avec des bandeaux horizontaux marqués au rez-de-chaussée par les accès aux logements individuels de plain-pied et collectifs en étage. Sur le plus petit côté de l’îlot, il crée un renfoncement dégageant une placette où les logements redescendent à deux niveaux surmontés par une haute toiture ornementale (fig. 10). Une flèche au centre, sorte de pinacle ou de « clocher symbolique », y constitue un axe

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11.Aquarelle sur la cour de l'îlot de la poste

de quasi-symétrie et de perspective qui compose la mise en scène de l’ensemble de l’îlot28 (fig. 20). Cette rupture d’échelle permet aussi de donner un accès individualisé aux logements y prenant place. Le cœur de l’îlot, outre une importante partie centrale occupée par la cour de l’école, est composé de petits jardins privatifs, à l’instar des deux précédents îlots. Une ruelle semi-publique, aujourd’hui fermée par les habitants, les dessert à partir d’une courette, située à l’arrière de la poste et qu’un porche ouvre au nord sur la rue Oostzaanstraat (fig. 11). Elle permet ainsi de donner accès à certain des logements en rezde-chaussée. « D’une manière encore embryonnaire, le « public » pénètre à l’intérieur de l’îlot. »29 Les immeubles les plus denses sur les cotés adjacents sont occupés par une série d’appartements-type réguliers, desservis deux par deux par un noyau d’escalier. Le traitement des façades y est moins différencié que précédemment (fig. 9). Ailleurs, le plan est décliné en dix-huit variantes dont la distribution intérieure rationalise à son profit les formes complexes qui modèlent la géométrie extérieure.

12.Vue sur la Oostzaanstraat et les trois îlots

13.Coupe schématique sur la double bande de logements du Zaanhof

Les deux derniers îlots bâtis de 1919 à 1921, le Zaanhof de H. J. M. Walenkamp puis le Zaandammerplein de K. P. C. de Basel, ont une plus grande dimension et une morphologie complexe et originale (fig. 25). Ces îlots « décomposés » sont lotis autour de vastes espaces publics ouverts sur la ville par des ruelles et des passages (fig. 13). Dans les deux cas, le bâti est situé sur la périphérie de l’îlot. Il constitue une double frange de logements séparés par une cour en bande, qui pourrait recréer en quelque sorte un nouvel « îlotage ». Cependant, il apparaît que « l’unité fortement marquée de chacune de ces compositions

28 29

D’après SERAJI, N. Logement matière de nos villes, Chronique Européenne 1900 – 2007. CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre.

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renvoie plutôt à l’idée d’un seul îlot d’un genre particulier ; le hof renouant avec la tradition flamande du béguinage, et réinterprétant l’expérience anglaise du close30 »31.

14.Vue sur la ruelle du Zaanhof depuis la Oostzaanstraat

15. Vue de la place du Zaahof sur Zaanstraat

Le Zaanhof occupe un terrain en bande plus ou moins trapézoïdale. La première « croute » de logements bordant la voirie est constituée d’immeubles en alignement de cinq niveaux dont les soupentes sont aménagées (fig. 14). L’accès depuis les rues se fait par des entrées directes sur l’Oostzaanstraat au nord, ou par des escaliers semi-ouverts du côté des voies ferrées. La bande intérieure est constituée de constructions de moindres dimensions, avec seulement trois étages dont les combles aménagés, mais qui contiennent pareillement des logements collectifs. La différentiation d’échelle y est donc faite pour caractériser la nature différente des deux types d’espaces publics : la rue, espace urbain dense, et la cour, aux allures de village (fig. 22). Les passages vers l’espace central sont assez nombreux, on compte trois ruelles pour les véhicules et deux allées piétonnières. Ils ouvrent le bâti selon différentes configurations, soit en entaillant, soit en générant un porche, alternativement ou simultanément sur l’une et l’autre des bandes construites (fig. 14 à 16). Cela permet d’imprégner un caractère unique à chaque entrée du Zaanhof. L’espace central prend la forme d’un jardin étroit et linéaire servant de paysage pour les logements et d’espace de récréation pour les habitants ou les passants. Les façades des logements mettent ici aussi en évidence une différenciation entre le traitement lisse des immeubles sur rue, l’échelonnement des « maisons » sur le jardin central et celui plus perméable et appropriable donnant sur les cours entres les deux bandes de logements. 30

16. Vue sur le porche au sud depuis le jardin intérieur du Zaanhof

Un close est un ensemble de logements groupés autour d'une place centrale, dont on accède par une voie de desserte se terminant en impasse sur la place centrale. Ce type d'habitat a entre autres été développé par R. Unwin. 31 CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre.

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17.Vue de la place du Zaandammerplein

19.Vue sur la ruelle

18.Vue sur la ruelle du Zaandammerplein depuis Oostzaanstraat

Le Zaandammerplein prend place sur un terrain quasi trapézoïdal deux fois plus vaste que le Zaanhof. Il s’en distingue par son échelle et par son traitement identique des immeubles sur la rue et le centre de l’îlot. Les logements, sur cinq niveaux, forment des ensembles presque indépendants dont le bâti est fermé. Deux ruelles, dont le traitement au sol se distingue des rues environnantes, irriguent en le bordant l’espace central pour l’accès aux véhicules des habitants (fig. 18). Au nord du quartier, cette voie forme un coude créant une placette et se disposant en prolongement du viaire préexistant du quartier. Une troisième ouverture permet une circulation piétonne par un emmarchement depuis la Spaarndammerdijk à l’ouest. Le passage au centre à l’est a été supprimé au profit d’un édifice se distinguant sur la place. Il comprend une école technique et ouvre aussi sur l’extérieur de l’îlot par une placette en redents sur l’Hembrugstraat (fig. 19), dans l’alignement de l’ancienne Wormerveerstraat. Les ensembles de logements sont ponctuellement ouverts de part en part au sol par des passages sous porches, pour la plupart barrés de grilles aujourd’hui, qui donnent accès aux cours jardinées intérieures puis à l’espace central public. Celui-ci est traité plus comme une place que comme un jardin planté, où l’on trouve de petits équipements comme un square, un centre d’animation et des terrains de sport (fig. 17). L’accès aux immeubles s’effectue sur la périphérie des ensembles sur le principe d’un noyau d’escalier pour deux logements traversants. Les cours intérieures sont conçues comme un espace planté s’offrant à la vue de tous les habitants, avec une partie centrale libre et une frange non cloisonnée mais réservée à un usage privé pour les logements de plain-pied (fig. 21). Les façades intérieures ne permettent que peu d’appropriation par les habitants avec des balcons très réduits et ne se différencient presque plus de celles sur rue.

19.Vue sur la placette de l'Hembrugstraat

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C – Principes et innovations principales

L’extension du Spaarndammerbuurt de la ville d’Amsterdam à cette époque est à considérer comme résolument moderne et progressiste, tout en restant dans le respect des formes de la ville « traditionnelle ». Outre l’ouverture même, il est aussi entrepris dans ce quartier une expérimentation sur l’îlot à travers une réflexion partant de la cellule d’habitation jusqu’à la manière d’articuler les immeubles pour définir des espaces particuliers. En cela, on peut rapprocher l’Ecole d’Amsterdam, dont font partie les architectes de ce quartier, des principes Arts and Crafts, à la cherche du pittoresque et de l’œuvre d’art totale. Tout d’abord, on cherche dans les logements l’amélioration notable des conditions de vie pour les habitants. L'architecture du quartier se positionne ensuite comme un trait d’union entre l’intérieur et l’extérieur des immeubles, abritant le premier et caractérisant le second par leur singularité et leur diversité. Enfin, leur aménagement et l’organisation de l’espace public tendent à la constitution de lieux différents et signifiants dans le quartier.

Malgré les dimensions modestes du Spaarndammerbuurt et que l’ouverture y soit apparue peu à peu et sans une grande théorisation, « le nouveau regard qui est posé sur l’îlot à cette occasion annonce, […] le changement de statut de l’espace interne »32. Les cours d’îlots ne sont plus des espaces insalubres, mais elles permettent à la lumière et à l’air d’y parvenir. Elles sont aussi aménagées et plantées, pour offrir un paysage dont profitent les habitants des logements et les passants. En effet, l’ouverture permet aussi la création d’espaces verts publics ou collectifs utilisables et appropriables par tous.

32

CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre.

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20. Vue sur la cour de l’îlot de la poste avec la ruelle semi-publique, les jardinets individuels, la cour de l’école et la flèche dans l’axe, depuis l’arrière de la poste.

26


21.Vue sur les espaces verts sĂŠparant la double bande de logement du Zaandammerplein, depuis un de passage le traversant

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Par ailleurs, comparativement aux logements ouvriers existants, mais aussi ceux construits alors par le secteur privé, les logements sociaux de la coopérative représentent une avancée progressiste. Leur meilleure organisation fonctionnelle, la double orientation traversante et un dimensionnement plus important assurent des conditions de vie minimales aux habitants. La plus grande partie des logements disposent d’extensions extérieures, par des terrasses, des loggias et quelques jardins pour ceux de plain-pied. Un soin est porté à l’architecture des immeubles, notamment ceux des îlots expressionnistes de M. de Klerk et du Zaanhof plus pittoresque de H. J. M. de Walenkamp, avec un souci du détail allant depuis le plan masse jusqu’à l’ornement architectural. L’expression architecturale joue un rôle non négligeable dans la perception du quartier. La façade devient le théâtre entre la ville et le logement, mettant en lumière le problème d’une architecture urbaine où la façade n’est pas la simple révélation du dedans, ni une figure abstraite. « Les façades sont déterminées autant par les espaces extérieurs auxquels elles se réfèrent que par la disposition interne du bâtiment qu’elles clôturent »33. Malgré le nombre de logements qu’il accueille, l’îlot de la poste de M. de Klerk ne semble pas être une accumulation de logements, mais plutôt une forme organique complexe surgi depuis le sol, comme le décrit W. de Wit34. Les façades sur la Spaarndammerplantsoen lui confèrent un caractère monumental, quant à l’inverse le Zaanhof dispose des maisons accolées sur le square intérieur, pour lui donner une échelle plus réduite. Une réflexion est poussée pour marquer des différences dans l’espace urbain et donner un sens à chaque lieu35. Seul le Zaandammerplein présente une architecture plus rationalisée et uniforme.

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D’après CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre. DE WIT, W. et al. L’Ecole d’Amsterdam, Architecture Expressionniste 1915 - 1930. 35 D’après CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre. 34

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22. Vue sur les différentes échelles des édifices depuis le square intérieur du Zaanhof

29


Le plan masse révèle pareillement une réflexion sur la différenciation des espaces. En marquant une place et en composant un tracé irrégulier, néanmoins en continuité avec celui existant qui l’intègre. On évite l’uniformité et la monotonie du quartier nord et on distingue des lieux particuliers. La qualité de l’espace urbain passe par l’organisation complexe des îlots comme portions du territoire, et non plus comme des unités interchangeables conséquences d’un simple découpage et d’un assemblage de parcelles minimales36. De plus, les îlots entretiennent des rapports formels entre eux qui créent des lieux particuliers dans le quartier : certaines des ouvertures des îlots se correspondent, l’îlot de la poste et le Zaanhof s’articulent par les deux placettes, etc. D’autre part, elle touche aussi la voirie et la répartition des fonctions. Les équipements sont distribués et incorporés sur le territoire à proximité des lieux de résidence et les commerces ne sont situés que sur certains axes stratégiques. Au plan morphologique, ils assurent « la qualité du tissu marquant des points singuliers, permettant l’intégration des fonctions différentes (habitat, commerces, équipements) et créant des espaces variés »37.

36 37

D’après CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre. Ibid. Ibid.

30


23.Vue de la mise en scène mettant en relation le Zaandammerplein et le Zaanhof, depuis la ruelle d’accès à l’est de celui-ci

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24.Vue de l’articulation par le bâti et l’espace public de l’îlot de la Poste et du Zaanhof, depuis la placette de celui-ci

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27.Plan de situa on

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25.Plan masse 1/4000 26.Coupes masse 1/4000

1

2

3


II – Habitations à Bon Marché – HBM – Porte de Montmartre, Paris (1920-1930)

28.Localisation des HBM de la Porte de Montmartre

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A – Contexte historique et géographique

Le problème du logement ouvrier dans les villes est apparu en France à partir du XIXe siècle, quand la Révolution Industrielle a engendré un exode rural et une forte croissance démographique. A Paris, il est accentué par l’impossible extension du territoire et la densité des constructions présentes, qui entraînent des conditions d’insalubrité et d’entassement dans les logements. Bien que de rares initiatives plus ou moins philanthropiques et utopistes soient apparues, il faut attendre 1894 et la loi Siegried pour que la France commence à se doter d’un arsenal législatif à la mesure du problème. Cette loi amène la création de sociétés d’Habitations à Bon Marché (HBM) dont le statut peut beaucoup varier (S.A., coopératives ou Fondations). Elle leur facilite les investissements pour entreprendre la réalisation de logements sociaux. La loi Stauss de 1906 fonde des comités départementaux d’HBM qui incitent, assistent financièrement et contrôlent la salubrité des projets. Mais ce n’est qu’en 1912 que le secteur public se décide à assurer la maîtrise d’ouvrage du logement social, avec la création des Offices Publics d’Habitation à Bon marché – OPHBM – municipaux. Des concours sont lancés dans le but de fixer les types d’habitations à édifier. On citera comme pierre angulaire le projet de Tony Garnier pour la Fondation Rothschild, rue de Prague (1905). Il y renonce au strict alignement sur la rue avec la création de cours ouvertes, la rationalisation et l’optimisation de l’implantation du bâti. La Première Guerre Mondiale marque une pause de quatre ans. Mais dès 1919, l’OPHBM de la Ville de Paris assurera aussi la maitrise d’œuvre, en établissant une agence publique municipale dirigée par P. Besnard, A. Maistrasse et H. Provensal, et employant des architectes salariés. Ils mirent définitivement au point les types des HBM. Enfin, le vote de la loi Loucheur de 1928 débloque des crédits pour que l’Office puisse lancer une politique de construction de grande envergure. 35


29.Plan des fortifications et de la bande nonaedificandi entre les Portes de Saint-Ouen et e de Clignancourt, fin XIX

La Ville de Paris n’avait pas établi de politique pour l’acquisition de foncier afin de construire un tel volume de logements. Elle s’est alors retournée vers la dernière étendue de terrain vaste et abordable : l’enceinte de Thiers devenue alors obsolète. Les fortifications furent édifiées entre 1840 et 1845. Elles étaient constituées, en partant de Paris, d’une route militaire, d’une enceinte fortifiée de quatre-vingt-quatorze bastions avec cinquante-deux portes. Une bande non-aedificandi de deux cent cinquante mètres de large l’entourait : le glacis militaire, mais elle avait successivement été couverte de taudis (fig. 30). Cette structure concentrique va dicter la configuration des aménagements urbains de la municipalité. Reconnues comme inutiles, les fortifications de Paris sont condamnées dès la fin du XIXe siècle. Cependant, ce n’est que la Loi du 19 Avril 1919 qui précisera le zonage et le contenu de la zone libérée. Il s’agit d’une bande double composée d’une part de logements, prenant la place des fortifications et d’autre part, sur le glacis, d’une barrière verte hygiéniste et d’équipements entre la ville et la banlieue38 (fig. 30 et 31). L’histoire voudra que la « ceinture verte » ne soit que partiellement réalisée puis construite a posteriori.

30.Vue aérienne metant en évidence la ceinture des HBM

31.Coupe schématique sur les fortifications et le projet d'aménagement

Les premiers coups de pioche sur les fortifications sont donnés aux bastions 37 et 38 à hauteur des Portes de Saint-Ouen, de Montmartre et de Clignancourt, qui sont nivelés fin 1919. Les terrains sont concédés en 1920 à OPHBM de la Ville de Paris, qui organise un concours interne pour son aménagement. Le travail est finalement réparti entre les architectes ayant participé au concours. Le secteur de l’avenue de la Porte de Montmartre à la rue Arthur Ranc sera dessiné par l’architecte A. Maistrasse et celui entre l’avenue et la rue Camille Flammarion par H. Provensal39. De 1921 à 1922 les plans d’exécution sont établis, 38 39

DUMONT, M.-J. Le logement social à Paris, Les Habitations à Bon Marché 1850 -1930 CHIFFARD, J.F. – LAISNEY, F. – ROUJON, Y. « Les HBM et la ceinture de Paris »

36


puis modifiés pour satisfaire la nouvelle politique d’aménagement de la Ville. Elle exigeait une plus grande densité qui poussa à la surélévation d’un étage des immeubles et la suppression de certains squares et voies.

32.Vue sur la faille du secteur Arthur Ranc depuis le Boulevard du Maréchal Ney

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33.Plan masse original des HBM de la Porte de Montmartre (Les immeubles à l’est de la rue Camille Flammarion ne sont pas inclus dans l’étude)

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B – Etude descriptive du quartier

34.Vue depuis le boulevard Ney du groupe Arthur Ranc

35. Vue depuis le boulevard Ney du groupe Camille Flammarion

Les ensembles de HBM – que nous appelons de la Porte de Montmartre parce qu’ils se situent de part et d’autre de l’avenue homonyme – prennent place dans la bande de 150 mètres, définit par le boulevard du Maréchal Ney et la « ceinture verte », au niveau des rues René Binet et Henri Huchard. Les secteurs sont limités par la rue Arthur Ranc, dont nous donnons le nom au groupe à l’ouest de l’avenue, et la rue Camille Flammarion, dont nous donnons le nom à celui à l’est (fig. 55). Le Boulevard du Marechal Ney au sud du quartier a été conçu comme un grand axe de circulation automotrice périphérique séparant la fonction de circulation de la ville (fig.34 et 35). Après sa réalisation et la délimitation de la bande d’espaces verts au nord, le maillage viaire est assuré par les voies préexistantes sortant de Paris – l’avenue de la Porte de Montmartre – puis les voies de lotissement créées dans la bande de logements. Les îlots sont définis selon des règles de tracé, simultanément au choix de l’implantation des constructions. La première règle est que la découpe doit se faire d’abord par les axes sortant de Paris (fig. 55). Ici l’avenue de la Porte de Montmartre sépare le secteur en deux groupes d’HBM. Ensuite, il ne peut pas y avoir de voies secondaires parallèles aux Boulevards des Maréchaux. Une troisième règle fait en sorte que pour l’agrément visuel les voies secondaires soient définies par symétries et éventails, aboutissant à des compositions géométriques variées en forme et en taille40. Les deux groupes d’HBM ont un plan masse très différent dans le dessin, mais ils répondent à des principes de composition similaires issus de l’héritage classique de l’Ecole des Beaux-

36.Vue d'une perspective bloquée dans l'îlot

40

D’après l’étude de LAISNEY, F. Les HBM et la ceinture de Paris, « Les dernières murailles de la ville »

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37.Schémas de « composition addition » des îlots du groupe Arthur Ranc

Arts. Les îlots les composant se distinguent par leur méthode de travail, suivant deux lois de composition (fig. 53). Dans le secteur Arthur Ranc, le premier système par « composition addition »,41 part de trois terrains triangulaires définis par les voies principales et secondaires (fig. 37). Les deux ensembles au sud sont subdivisés en petits îlots par des ruelles de desserte en Y avec un traitement au sol différencié, comme un prétexte pour fractionner les immeubles en unités d’une centaine de logements42. Ils sont de formes simples, triangulaires, permettant une composition géométrique régulière du secteur par des règles d’axialité et de symétrie. L’implantation du bâti se fait le long des axes majeurs et répond au principe de la perspective bloquée, où l’ouverture d’une cour répond au percement d’une voie de desserte, dont la vue est finie par le bâti de cette cour (fig. 36). Les sous-îlots ainsi organisés s’assemblent radialement par trois pour former des ensembles. Cette composition définit une hiérarchisation du système viaire, entre le principal, le secondaire et la desserte locale. Elle permet aussi de développer un maximum de façades sur les rues. La partie nord du groupe Arthur Ranc et le groupe Camille Flammarion répondent à un second système, toujours selon J.F. Chiffard et Y. Roujon43. Là, sont conservés dans leur intégrité les terrains et ils déterminent de grands îlots dits « à redents »44. L’introduction de bâtiments à redents répond au principe d’une occupation rationnelle de l’intérieur de ces îlots. Ils permettent de conserver les recommandations appliquées aux îlots du premier type sur l’occupation périphérique, le fractionnement de l’espace vide en cours et la répartition 41

38.Schémas de « composition à redents » de l’îlot nord du groupe Arthur Ranc

CHIFFARD, J.F. – ROUJON, Y. Les HBM et la ceinture de Paris, « Après les fortifications et la zone, la ceinture ». Or cette valeur correspond au rendement optimal des concierges, d’après DUMONT, M.-J. Le logement social à Paris, Les Habitations à Bon Marché 1850 -1930. 43 CHIFFARD, J.F. – ROUJON, Y. Les HBM et la ceinture de Paris, « Après les fortifications et la zone, la ceinture ». 44 Cette forme d’immeuble en « redents » sera utilisée de manière systématique par H. Provensal dans ses premiers ensembles avant de disparaître progressivement, d’après DUMONT, M.-J. Le logement social à Paris, Les Habitations à Bon Marché 1850 -1930. 42

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39. Vue sur une faille du groupe Camille Flammarion

40. Schémas de « composition à redents » de l’îlot nord du groupe Camille Flammarion

41.Vue sur le square entre les îlots du groupe Camille Flammarion

des activités, tout en y ajoutant une densité bâtie dans l’espace central. L’îlot nord du secteur Arthur Ranc de forme trapézoïdale est édifié à partir de trois ensembles symétriques : deux « crochets » aux sommets opposés et un « U » à redents au centre (fig. 38). Les deux brèches les séparant ne sont que visuelles et sont closes à la circulation par un mur, mettant en évidence une curieuse fermeture sur la « ceinture verte » (fig. 39). Dans l’espace libéré au centre du « U » se trouve la cour de la garderie située en rez-de-chaussée des immeubles. Cette composition ouvre sur un petit îlot du premier type entaillé à l’angle pour offrir une perspective depuis le Boulevard du Maréchal Ney. Une placette prend place entre les deux, que l’absence de traitement transforme plus en parking qu’en véritable espace public. Le groupe Camille Flammarion se compose de deux grands îlots symétriques en bandes, disposés de part et d’autre d’un jardin public triangulaire et séparés par les rues Marcel Sembat et Fréderic Schneider (fig. 55). Chaque ensemble est divisé en deux en son milieu par une faille transversale, close à ses extrémités de grilles et de portails. Les immeubles forment ici aussi une première bande le long des voies de circulation délimitant le périmètre. Quatre éléments en redents orthogonaux sont implantés au cœur des îlots selon un espacement régulier. Les deux logeant les passages internes se retournent par un élément à l’alignement de la rue pour reconstituer la volumétrie de l’îlot et encadrer la présence de la faille. A l’inverse, ceux au centre sont plus courts pour permettre l’ouverture des cours sur l’extérieur et la création d’une avant-cour d’entrée. Le square et les terrains de sport qui prennent place entre les îlots de logements comptaient initialement aussi un jardin d’enfants (fig. 41). A l’instar des parcs et jardins parisiens, il est clos de grilles avec des accès à ses trois angles. La voie de desserte bordant le jardin forme un « Y » dont le rétrécissement se connecte au boulevard du Maréchal Ney lui offrant une respiration en profondeur dans la perspective. 41


42.Vue sur le bâti du groupe Arthur Ranc

43.Vue sur la cour du groupe Camille Flammarion

Le bâti est uniformément nivelé dans les deux groupes à six étages sur rez-de-chaussée (fig. 42), excepté sur les élévations du second groupe Camille Flammarion, où certaines inflexions descendent à cinq niveaux (fig. 49). « La façade apparaît comme l’intervention brutale de l’épannelage parisien dense avec son plafond à hauteur constante et ses « rues corridors » »45. Il est néanmoins interrompu par les larges brèches qui ouvrent l’intérieur directement sur la rue (fig. 42 et 43). L’espace urbain pénètre et ordonne l’intérieur de l’îlot. Il y a constitution d’un nouvel espace, «la cour HBM »46. Les cours prenant place au cœur et entre les immeubles jouent un rôle essentiellement hygiéniste et ne permettent pas une véritable utilisation (fig. 43 et 44). Elles sont trop petites pour être des jardins et sont d’ailleurs en général peu ensoleillées à cause de la hauteur du bâti. On n’y trouve pas de banc, les sols sont en grande partie traités de manière minérale et les plantationss seulement ornementales, les jeux sont interdits pour la tranquillité du lieu et des habitants. Seule la garderie du groupe Arthur Ranc fait exception à ce principe en prenant place en pied d’immeuble (fig. 45). La « ceinture verte » devait initialement accueillir les parcs, les terrains de jeu et les stades. Ce n’était donc pas la fonction des cours d’être des lieux de récréation. L'aménagement des rez-de-chaussée sur rue comporte des commerces, des ateliers d’artisans ou des petits équipements sur les grands axes et des logements souvent surélevés d’un demi-niveau pour en protéger l’intimité depuis les autres voies. Sur cour on trouve quelques logements – parfois transformés en espaces d’activité –, des ateliers et des locaux techniques. On remarque à l’entrée de chacun une loge pour un gardien chargé d’en contrôler l’accès et le calme, ainsi que d’en assurer la maintenance (fig. 44). L’accès aux immeubles se fait exclusivement depuis les cours collectives intérieures. Les ensembles sont découpés en plusieurs immeubles avec un noyau de circulation verticale. Ils desservent 45

44.Vue d’une cour du groupe Arthur Ranc

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LAISNEY, F. Les HBM et la ceinture de Paris, « Les dernières murailles de la ville ». CHIFFARD, J.F. – ROUJON, Y. Les HBM et la ceinture de Paris, « Après les fortifications et la zone, la ceinture ».

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chacun deux logements traversants, n’ayant pas plus d’une pièce habitable orientée au nord, et occasionnellement trois, dont un mono-orienté prenant place aux angles aigus des îlots du groupe Arthur Ranc. L’ensemble comprend neuf cent vingt-quatre logements allant du studio au quatre pièces. Comme il faut alors construire vite et beaucoup, on recherche la rationalisation et la standardisation. Les architectes ont eu l’obligation dans le cadre du travail dans l’agence de reproduire des plans-types développés par l’Office en les adaptant aux formes des îlots. 45.Plan d’étage du groupe Arthur Ranc

46.Vue du passage collectif traversant le groupe Camille Flammarion

La superposition de logements identiques dans le plan sur six étages n’exclut pas cependant la variété formelle extérieure. En façade, on retrouve les différentes écritures des architectes. On peut voir la création d’avancées de certaines baies, bow-windows ou balcons, et de retraits de volumes par des loggias et autres pergolas. C’est particulièrement le cas du groupe Camile Flammarion qui est plus travaillé dans la masse et les volumes (fig. 47). Il est le terrain d’une grande inventivité de formes avec des jeux de mansardes sur un à deux niveaux, de faux pignons retournés en façade ou la présence occasionnelle d’ateliers d’artistes en duplex au dernier étage. Le groupe Arthur Ranc s’exprime plus dans le détail (fig. 45). Néanmoins dans les deux cas, le traitement des façades utilise une combinaison, inspiré du style Louis XIII typique de Paris, avec une maçonnerie en brique soulignée d’éléments en béton, en remplacement et imitation de la pierre de taille trop coûteuse. Les teintes de cette brique varient entre le rouge et l’ocre permettant une variation et diversité chromatique selon les ensembles. Dans l’imaginaire collectif, « la brique s’affirme comme le matériau du logement collectif social »47.

47.Vue du groupe Arthur Ranc depuis la rue Henri Brisson

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CHIFFARD, J.F. – ROUJON, Y. Les HBM et la ceinture de Paris, « Après les fortifications et la zone, la ceinture ».

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C – Principes et innovations principales

La réalisation des HBM n’est pas pensée comme une suture réunifiant le Paris intramuros et la banlieue, sinon comme son prolongement, voire son parachèvement, jusqu’à sa nouvelle « enceinte » de parcs et d’espaces verts. S’elles se positionnent en totale indifférence des communes voisines, elles ne s’autonomisent qu’en partie du tissu parisien voisin. Elles constituent « une sorte de morceau de ville assainie »48. Cette insertion paradoxale, mais au final assez réussie, des premières réalisations de HBM dans Paris répond à la fois au désir d’intégrer le projet dans une forme urbaine reconnue et à celui de créer un espace nouveau autonome répondant aux critères progressistes. Si l’on perçoit bien la bande des HBM comme distincte dans le tissu parisien, c’est qu’elle répond à ces principes communs qui la rendent relativement homogène. Elle est cependant à la fois polymorphe et riche de variations dans la composition et les détails. Les HBM donnent « une identité aux limites de la ville : couleur de la brique, cohérence de l’architecture»49.

Les qualités des HBM se trouvent d’abord dans la considération qu’ils ont pour l’espace urbain traditionnel. Les îlots ont toujours une échelle humaine, comme le souligne J. Dumont50, avec tout de même une fragmentation plus grande que ceux habituels à Paris. Les immeubles se placent à l’alignement de la rue, respectent les gabarits haussmanniens – entre cinq et six niveaux –, le plus souvent le prospect et un rapport privé et public différencié entre l’intérieur et l’extérieur de l’îlot. Les lieux créés se rapprochent des espaces de la ville traditionnelle : rues, ruelles, passages, places, squares. 48

CHIFFARD, J.F. – ROUJON, Y. Les HBM et la ceinture de Paris, « Après les fortifications et la zone, la ceinture » STINCO, A. La ville à livre ouvert, Regard sur cinquante ans d’habitat 50 DUMONT, M.-J. Le logement social à Paris, Les Habitations à Bon Marché 1850 -1930 49

44


48.Vue sur la rue Henri Brisson affichant un profil semblable à celui d’une rue de Paris

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49.Vue sur l’avenue de la Porte de Montmartre montrant l’alignement bâti du groupe Flammarion

46


Le dessin et la composition du plan masse utilisent des principes issus de l’enseignement de l’Ecole des Beaux-arts. Le traitement architectural, fait lui aussi appel à cette histoire de l’architecture parisienne, avec un vocabulaire formel dont le but est aussi de « créer au sein de la ville […] des lieux capables d’éduquer les citoyens à l’art et à la beauté architecturale par la variété et l’harmonie des formes »51. On notera la différenciation des registres, le travail sur les volumes avec le marquage d’avant-corps, la composition avec des symétries ponctuelles et le traitement particulier des angles et des pignons différemment des façades sur rue. A ces éléments historiques, se mêlent les innovations formelles issues de la pensée pittoresque et hygiéniste, dont les attiques avec des pergolas et des ateliers d’artistes ou la multiplication des extensions extérieures aux logements sur loggias ou oriels. On retrouve sur le plan urbain les apports progressistes de l’époque. Dans leur étude J.F. Chiffard et Y. Roujon52 expliquent qu’est prescrite une ouverture de l’îlot pour des raisons sanitaires et esthétiques. Les penseurs hygiénistes critiquent principalement aux îlots clos traditionnels que leur alignement sur la rue impose la constitution de cours intérieures fermées. Celles-ci se révèlent être des lieux insalubres et sans lumière, où l’air stagnant est vicié par des dimensions trop réduites. Dans les H.B.M, les cours deviennent les lieux de desserte et de rencontre distribuant les immeubles, parfois aussi de vie avec l’aménagement des petits équipements collectifs. Cette intégration des équipements à l’habitat tend à renforcer l’unité de l’ensemble d’habitation. Ils considèrent dans un second temps que les façades Haussmanniennes composent des perspectives ennuyeuses et trop uniformes. Il est proposé pour cela d’alterner les espaces plantés plus ou moins publics et les espaces bâtis privés.

51 52

MAZZONI, C. Les cours de le Renaissance au Paris d’aujourd’hui. CHIFFARD, J.F. – ROUJON, Y. Les HBM et la ceinture de Paris, « Après les fortifications et la zone, la ceinture »

47


50.Vue sur le groupe Ranc à l’angle de la rue Jean Varenne et Henri Huchard affichant le soin de l’écriture architecturale

48


51.Vue sur le groupe Flammarion à travers le square Marcel Sembat avec le fractionnement des volumes en redents et des façades en détails architecturaux

49


52.Vue sur une cour intÊrieure ouverte du groupe Ranc montrant l’assainissement de cet espace

50


D’autre part, l’Office H.B.M de Paris va définir un type de logements répondant à une conception normalisée. Elle se caractérise entre autres par l’utilisation de systèmes constructifs rationnels, la distribution réduite des logements par niveaux – s’opposant ici aux espaces communautaires utopistes –, la multi-orientation des logements pour une ventilation croisée. Elles conduisent à la réalisation d’immeubles distinctifs en bandes et en redents pour une occupation maximale mais salubre du cœur de l’îlot.

51


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Rue R. Binet

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55.Plan de situa on

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2

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53.Plan masse 1/4000 54.Coupes masse 1/4000

1

2

3

4


III – Karl Marx Hof, Vienne (1926-1930)

56.Localisation du Karl Marx Hof

53


A – Contexte historique et géographique

La Première Guerre mondiale met fin à l'empire austro-hongrois, dont Vienne est la capitale depuis 1804. En 1919, Vienne devient la première métropole gouvernée par une coalition de Sociaux-démocrates et de Chrétiens-Sociaux, qui lui vaut le surnom de « Vienne la Rouge ». Elle est alors divisée du reste de l’état autrichien et devient une province avec ses propres droits et un contrôle de ses revenus. La période de crise entre 1919 et 1934, y a engendré une inflation effrénée, un chômage désastreux et une pénurie de logements53. Pour pallier ce manque, Vienne va entreprendre une politique communale sociale en ce qui concerne l’éducation et la construction de logements. Un département municipal d’architecture est créé au sein de l’administration de la ville par K. Seitz. Elle y dirige par l’intermédiaire de ses planificateurs la réalisation de Plans Quinquennaux de construction de logements sociaux54. Au total cent dix-neuf personnes y sont engagées pour la construction de höfe55 viennois. Grâce à des mesures fiscales importantes, il a été réalisé dans cette période environ soixante-trois mille logements dans des ensembles avec des équipements collectifs à caractère social, tels que des jardins d'enfants, des petits centres éducatifs, des dispensaires, des antennes d’aide sociale et un complexe de piscines et bains-douches. Ils se caractérisent aussi par une dimension allant de larges parcelles à de super-îlots, un bâti relativement élevé mais peu dense et une cour intérieure collective voire semi-publique, reliant des portions de rues.

53

Références historiques issues de : http://fr.wikipedia.org/wiki/Vienne_(Autriche) TAFURI, M. Vienne la Rouge, La politique immobilière de la Vienne socialiste, 1919 – 1933 55 Pour rappel : höfe est le pluriel germanique de hof. 54

54


Les höfe sont réalisés ponctuellement sur des terrains appartenant à la Municipalité, ces interventions ne porteront donc pas sur l’ensemble de la ville, mais sur des secteurs choisis essentiellement dans la proche périphérie de la ville56. Le Karl Marx Hof s’étend sur plus d’un kilomètre dans un site alors aux franges nord de la ville, à proximité de la gare Heiligenstadt et des voies de chemin de fer qui la desservent. Le site était en train de se développer et comptait à peine quelques immeubles et des siedlungen57 (fig. 57).

57.Vue aérienne du Karl Marx Hof en 1930

58.Vue de la place du 12 Februar en chantier depuis la Heiligenstädter Strasse

L’ensemble est conçu par K. Ehn, sous la direction de l’ingénieur en chef du bureau technique municipal, J. Bittnerau. Il fut construit au cours des années 1927 et 1930. Le Karl Marx Hof extrapole à des dimensions « héroïques » le type urbain viennois alors déjà éprouvé que constitue le hof. Il prend une double valeur symbolique, « à Vienne le « monument socialiste » est le logement collectif ouvrier modèle de l’équipement résidentiel complet et d’un nouveau mode de vie social, issu de son programme même »58. D’autre part, étant construits sur des terrains périphériques de la ville, les höfe constituent une couronne autour de Vienne, tel un second Ring. Si elle n’a nullement la vocation unificatrice de celui-ci, elle n’en est pas moins très marquée par la monumentalité et l’identité socialiste de ces lieux. La réalisation du Karl Marx Hof en un complexe unifié relève d’une nécessaire et claire volonté d’en faire un monument du socialisme ouvrier. Comme le souligne l’ouvrage édité par la ville pour l’inauguration du projet : « Lorsque l’Administration de la Commune de Vienne prit la décision de construire sur l’Heiligenstädter Strasse, elle dut 56

Pour d’autres exemples de höfe voir TAFURI, M. Vienne la Rouge, La politique immobilière de la Vienne socialiste, 1919 – 1933 57 Pluriel germanique de siedlung, littéralement « colonie d'habitation ». Il s’agit d’un type de lotissement de masse pour loger les ouvriers qui s’est développé à la même époque, à l’opposé des Höfe et en conflit sur leurs théories, en suivant les idées progressistes des cités-jardins. 58 TAFURI, M. Vienne la Rouge, La politique immobilière de la Vienne socialiste, 1919 – 1933

55


affronter un problème plus difficile que tous ceux qu’elle avait connus jusqu’alors. […] L’utilisation la plus rationnelle du terrain aurait été de le diviser en une série de lots : on décida au contraire de réunir les différents lots en un ensemble unique. Pour construire une surface aussi grande, il fallait affronter les exigences nombreuses et variées posées par des citoyens, des techniciens, des administrateurs. »59 Il n’est alors pas anodin qu’il soit baptisé à la gloire de l’un des plus importants théoriciens du mouvement social-ouvrier, Karl Marx.

59

Op. cit. éditée par la Commune de Vienne à l’occasion de l’inauguration du Karl Marx Hof, in : TAFURI, M. Vienne la Rouge, La politique immobilière de la Vienne socialiste, 1919 – 1933.

56


59.Plan masse du Karl Marx Hof d’origine

57


B – Etude descriptive du quartier

60.Vue du porche monumental depuis la Boschstrasse et la Heiligenstadt Banhof

61.Vue aérienne de la place du 12 Februar

62.Vue du porche monumental depuis la place du 12 Februar

Le Karl Marx Hof se situe entre la Heiligenstädter Strasse, et la Boschstrasse et se déploie le long de l’axe principal du terrain en une construction unique et linéaire d’un kilomètre deux cent de long (fig. 80) – ce qui par ailleurs en fait le plus long bâtiment au monde –. Il compte près de mille quatre-cent logements, abritant une population approximative de cinq mille habitants. Seul un cinquième de la surface au sol du Karl Marx Hof est construite, le reste étant dédié à des espaces publics60. Il se compose de deux vastes ensembles de deux cours chacun, bordés par les logements et disposés de part et d’autre d’une place publique – place du 12 Februar – plantée d’un square (fig. 61). Celle-ci constitue un espace central répondant à la situation du hof, en correspondance avec le nœud d’infrastructure urbaine qu’est la gare Heiligenstadt. Elle est mise en valeur par le corps de bâtiment désaxé et le plus haut du hof – six niveaux plus combles –. Il relie les deux ensembles et forme sur la place aussi bien un fond que des entrées monumentales (fig. 60). En effet, le socle de celui-ci est rythmiquement perforé par six arches colossales de dix-huit mètres, qui ouvrent l’accès aux piétons vers cette esplanade. Elles sont surmontées de tourelles symboliquement anthropomorphiques avec des oriflammes. Une série de degrés côté gare et un remblai végétal avec trois emmarchements côté place créent une plateforme au pied des quatre portails centraux qui permettent de masquer l’animation de la rue et de préserver la tranquillité du jardin. La place est bordée transversalement par deux voies qui assurent la circulation des véhicules à travers le complexe (fig. 62). 60

Données tirées d’après KAISER, G. – PLATZER, M. (ARCHITEKTURZENTRUM WIEN). Architecture in Austria in the 20th & 21st Centuries, a_show.

58


63. Vue de la rue bordant la place du 12 Februar

64. Vue d’un porche sur Heiligenstädter Strasse

65.Vue sur l’« Österreichischer Verband für Wohnungsreform »

Les immeubles qui encadrent les espaces intérieurs ont quatre niveaux plus un attique de combles. Ils sont fractionnés en quatre-vingt-dix-huit modules ou unités d’habitation de mêmes dimensions qui se déforment et se translatent de la moitié de leur entraxe, perpendiculairement à l’axe nord-sud (fig. 64). Il est probable que cela soit principalement pour s’adapter à la forme du site, mais cela permet aussi d’apporter une certaine variation aux espaces des cours et aux volumes construits. Le fractionnement du bâti redonne à l’intérieur des cours une échelle plus humaine au Karl Marx Hof. Il intègre différents équipements collectifs au service de ses habitants et des services publics pour le quartier. Certains prennent place dans des édifices spécifiques et indépendant au bâti du hof, d’autres s’intègrent à lui. C’est le cas de la bibliothèque (fig. 68), de la maison des jeunes, de la caisse d’assurance sociale, le centre de l’« Österreichischer Verband für Wohnungsreform »61 – société autrichienne pour la réforme du logement – (fig. 65), du bureau de poste, des coopératives, des auberges et des commerces qui se trouvent en rez-de-chaussée des axes Heiligenstädter Strasse et Boschstrasse. De part et d’autre de la place, le hof commence par s’agencer de façon parfaitement symétrique puis des différences naissent peu à peu (fig. 78). On y trouve d’abord deux grands jardins identiques avec un bâti rectiligne sur quatre unités d’habitation et un passage piétonnier transversal en leur centre. Puis des deux côtés s’opère un rétrécissement par le décalage des blocs deux par deux jusqu’aux rues transversales, puis une légère réouverture. Ils enchâssent ainsi les édifices à usage d’équipements qui sont situés en vis-à-vis de chaque côté des deux rues. Ces deux voies sont dans le prolongement des rues environnantes et traversent le hof sous d’imposants porches similaires aux précédents (fig. 63). L’effet de mise en valeur de ces lieux est accentué par la surélévation de deux niveaux des blocs situés aux 61

KAISER, G. – PLATZER, M. (ARCHITEKTURZENTRUM WIEN). Architecture in Austria in the 20th & 21st Centuries, a_show

59


charnières du bâti (fig. 66). Dans les deux cas, les équipements situés en vis-à-vis des rues transversales sont constitués pour l’un d’un jardin d’enfants et pour l’autre d’un bain public, avec cabines de douches, piscine et blanchisserie (fig. 67 et 69). Dans la cour sud, s’y ajoute une clinique dentaire associée à un centre de consultation maternelle.

66.Vue d’un porche ouvrant sur une rue transversale depuis la Heiligenstädterstrasse

67.Vue intérieure d’un des bains publics

68.Vue sur la bibliothèque

69.Vue aérienne sur les cours au sud

Au Sud, le hof s’achève par une cour trapézoïdale, la plus réduite des quatre, qui ouvre à son extrémité un passage sur la rue Geistingergasse par un porche (fig. 78). Au nord, il se prolonge par un vaste espace irrégulier. La bande ouest de logements converge fortement vers le centre par rapport à l’axe du complexe, en décalages successifs de trois unités, à cause du tracé de la rue latérale incurvée. Elle est traversée par quatre passages publics sous des porches, au niveau des charnières, qui perméabilisent exceptionnellement le hof avec son environnement. Inversement, la bande à l’est en diverge légèrement pour conserver une largeur suffisante dans la cour et n’ouvre qu’un passage sur l’extérieur de l’îlot. A l’instar des autres cours, les décalages du bâti hiérarchisent et rythment l’espace en quatre jardins en relation avec les accès au hof. Le dessin des squares et des plantations permettent de tenir les vides et d’en atténuer les dimensions (fig. 59). Il existe une différenciation dans leur traitement entre les façades sur l’intérieur des cours et celles donnant sur la ville. Comme nous l’avons déjà vu, si le bâtiment central sur la place comportait une volumétrie et un décor monumental (fig. 60), les façades sur rue sont aussi plus sculptées avec un travail composé de balcons filants ou en gradins et de bow-windows maçonnés (fig. 71). A l’inverse, sur cour elles sont plus lisses, avec l’utilisation de loggias creusées et font preuve d’une plus grande sobriété formelle (fig.72). Le traitement des façades dans les tons ocres-beiges et surtout avec le rouge sur l’extérieur, souligne encore l’effet que doit produire l’édifice sur le passant et cherche sans doute à rappeler la couleur du socialisme.

70.Vue sur les cours au nord

60


71.Vue sur le porche semi-public depuis Geistingerstrasse

Les unités de logements comprennent un noyau de circulation verticale, avec un escalier desservant divers types de logements (fig. 72). Il regroupe deux à cinq appartements par paliers, cette distribution se répétant de manière presque constante, à un rythme qui dépend du découpage du bâtiment. Les appartements ont des dimensions variant d’une unique pièce de 21 mètres carrés, à un quatre pièces de 50 à 60 mètres carrés. Comme le constate Manfredo Tafuri62, les logements n’ont pas fait l’objet d’une attention particulière. Les appartements y sont de qualité moyenne et ne proposent pas d’apports ou d’innovations particulières pour l’époque. Parmi les défauts, on notera les types de plans pauvres et non fonctionnels, l’ensoleillement médiocre, la mono-orientation et le manque d’aération transversale. Si les logements disposent de l’eau courante et d’un cabinet, on n’y trouve pas de salles de bain et les ablutions se font dans les bains-douches communautaires.

72.Vue d’une unité de logement depuis la cour intérieure

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TAFURI, M. Vienne la Rouge, La politique immobilière de la Vienne socialiste, 1919 – 1933

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C – Principes et innovations principales

Dans le Karl Marx Hof, ce n’est ni une expérimentation sur une forme urbaine nouvelle qui intéresse Karl Ehn et ses commanditaires, ni d’ailleurs une recherche sur une expression architecturale d’avant-garde ou sur la propre cellule d’habitation. Il s’agit de réaliser un habitat ouvrier digne qui corresponde à la nouvelle idéologie de la « Vienne rouge ». Pour cela, le logement sera conçu comme un équipement résidentiel complet, à l’image d’un monument ou d’un palais social, se détachant de la ville bourgeoise historique.

Le complexe suit le modèle du hof viennois qui n’implique pas une théorie fondamentalement nouvelle pour la ville. « Le bloc d’immeuble viennois, au moins dans ses tendances, se pose en héritier de toute une tradition de l’habitat : dernière étape d’une longue marche »63. Les premières références à Vienne remontent au XVIIIe siècle avec des modèles de vie communautaires inspirés des casernes, des couvents, puis des cités ouvrières. Ils regroupent peu à peu dans des ensembles achevés et complets des logements, des équipements collectifs et des lieux de travail – ici absents – autour de cours qui prennent la fonction et la morphologie d’une place et d’un square. Contrairement au mouvement moderne d’avant-garde, il ne prétend pas une restructuration totale du territoire mais bien la préservation de la diversité du tissu urbain sur lequel il n’intervient pas directement. Le Karl Marx Hof s’insère dans la maille de la ville existante et en accepte toutes les servitudes. Il répond à son contexte et n’en fait pas abstraction, mais c’est pour mieux mettre en évidence son opposition à celui-ci. 63

TAFURI, M. Vienne la Rouge, La politique immobilière de la Vienne socialiste, 1919 – 1933

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73.Vue sur la cour nord offrant un vaste espace vert avec les décalages volumétriques du bâti et un petit équipement

63


74.Vue sur un des porches piétonniers assurant l’accès entre la cour et la rue depuis l’intérieur

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En effet, le Karl Marx Hof tend sous plusieurs aspects à s’autonomiser de son environnement, dans le cadre de ses limites physiques. La présence des nombreux équipements de proximité en son sein, principal apport du hof viennois, permet à ses habitants d’y trouver les services dont ils ont besoin au quotidien. Il permet fondamentalement d’améliorer leur qualité de vie en répondant au plus près à leurs besoins sur le territoire même du hof. En contrepartie, ceux-ci ont de moins en moins l’obligation d’en sortir, mettant en évidence une distanciation des habitants avec le reste du quartier. Il reste à s’interroger : comment les habitants extérieurs du hof le pratiquent-ils pour trancher de son indépendance vis-à-vis du reste de la ville ? D’autre part, le Karl Marx Hof fait preuve d’une architecture urbaine qui le convertit en une quasi forteresse close sur l’extérieur. Malgré les avancées et les retraits des masses, le front bâti est continu sur un kilomètre deux cent d’un côté et deux fois cinq cents mètres de l’autre. Il est presque étanche, seulement ouvert par des porches monumentaux tous les soixante à deux cent mètres. On est presque plus proche de la forme d’une « barre moderne» d’habitation, que de l’îlot. L’autre point le plus évident est la disposition systématique et unilatérale des entrées des immeubles sur l’intérieur du hof. On favorise certainement ainsi l’accès aux espaces verts, aux équipements et les relations entre les habitants, garantissant un esprit de communauté. Mais à l’inverse on ferme d’autant plus le contact entre les habitants et l’environnement extérieur. On voit même la disposition d’une « douve », autant physique que symbolique, entre le Karl Marx Hof et l’extérieur par une bande végétale ornementale tout autour des logements en rez-de-chaussée servant à les protéger de la rue. Enfin, l’architecture du Karl Marx Hof met en exergue cette rupture. S’il est commun de trouver des différences entre le traitement extérieur et intérieur d’un îlot, pour les raisons connues des caractères différents respectivement publics et privés, ici elles sont magnifiées. 65


75.Vue sur les porches chevauchant de part et d’autre Halteraugasse

66


76.Vue sur les porches monumentaux face à la Heiligenstädt Bahnhof depuis Boschstrasse

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Le Karl Marx Hof prend véritablement l’image d’un palais fortifié depuis ses environs. Le traitement architectural sur rue cherche à monumentaliser le complexe. Il joue de rapports avec sont site d’implantation, comme pour le portail héroïque entre la gare et l’esplanade jardinée ou les porches des voies transversales. Le Karl Marx Hof « lance un défi à la ville : il proclame qu’il est différent de celle-ci, en dénonce la pauvreté, en souligne la détresse morale. »64

64

TAFURI, M. Vienne la Rouge, La politique immobilière de la Vienne socialiste, 1919 – 1933

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77.Vue sur le jardin-esplanade du 12 Februar avec un des porches centraux monumentaux

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N

JARDIN 12 FEBRUAR

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80.Plan de situa on

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78.Plan masse 1/4000 79.Coupes masse 1/4000

1

2

3

4


PARTIE II L’ouverture de l’îlot contemporain

71


I – ZAC Paris Rive Gauche, Paris

81.Localisation des secteurs Tolbiac et Masséna de la ZAC Paris Rive Gauche

72


Contexte historique et géographique

82.Vue aérienne du site avant l’aménagement

Paris, dont les limites rendent impossible l’extension, a du mal à satisfaire la croissance urbaine et son manque de logement qui pousse les moins riches à la quitter. La ville est en effet contrainte de se reconstruire sur elle-même, tirant parti de sites laissés à l’abandon, dont les activités sont considérées trop faibles ou n’ayant plus leur place dans le centre. Les terrains de la ZAC Paris Rive Gauche accueillaient des activités industrielles, liées à la présence des voies de chemin de fer, qui déclinaient peu à peu par la modernisation et les nouvelles formes d’approvisionnement de la ville. « C’est l’époque où les Halles quittent le centre de Paris pour Rungis ; où Orly, Garonor et bientôt le pôle de Roissy se développent à l’extérieur de la ville »65. Rive Gauche, condamné comme espace de services, apparaît aux yeux des pouvoirs publics comme une potentielle réserve de foncier à la fin des années 1970. Elle s’inscrit dans la tendance qui consiste à greffer les nouvelles opérations d’urbanisme à proximité des gares et à se servir des flux d’emplois, de services et de consommation comme point de départ du développement urbain66. Le projet pour la ZAC Paris Rive Gauche a été lancé en 1983 par le Conseil Municipal de Paris. Il s’intègre – avec celui de la ZAC Bercy – dans le volet Pôle de Seine Sud-Est du plan programme de la ville, qui a pour but de rééquilibrer les disparités entre l’Est et l’Ouest de la capitale. L’Apur (Atelier parisien d’urbanisme) et la DAU (Direction de l’Aménagement Urbain) ont travaillé conjointement sur le programme et le périmètre, dont les bases ont varié au fil du temps et des consultations d’architectes. En 1991, est officiellement créée la ZAC Seine Rive Gauche qui couvre 130 000 m² et fait l’objet d’un PAZ (Plan d’Aménagement 65 66

PELISSIER, A. La consultation Masséna : Projets d'urbanisme pour un nouveau quartier de Paris. Ibid.

73


de Zone)67. Il sera rebaptisé ZAC Paris Rive Gauche, suite à l’annulation du PAZ en 1993, sa révision et sa nouvelle validation en 1996. Il s’agit de la plus grande opération d’aménagement depuis les rénovations urbaines de 1950 à 1970. Le programme final veut doter l’Est parisien d’un quartier d’affaires (900 000 m²), complété de logements (500 000 m²) et d’équipements (350 000 m²)68. Outre les enjeux à l’échelle de la ville de Paris, la ZAC Paris Rive Gauche doit relier le quartier au reste du 13e arrondissement et le mettre en rapport avec la Seine. Il constitue aussi un défi technique majeur puisqu’une partie de la ZAC est construite sur le faisceau des voies de la gare d’Austerlitz (anciennement SNCF, aujourd’hui RFF) et la Ligne RER C. Si le projet a été lancé dans une période d’euphorie des années 1980, qui a d’ailleurs poussé à voir toujours plus grand le périmètre de l’opération, le développement de la ZAC a souffert d’un contexte économique pas toujours favorable, avec notamment la crise de l’immobilier des années 1990. Elle a ralenti les investissements et sa réalisation, mais en contrepartie elle a permis de donner du temps pour faire évoluer la culture du projet et les objectifs de l’aménageur69. Au cours des vingt années antérieures au projet, l’Apur et la DAU ont défini une manière de concevoir de nouveaux îlots à travers les opérations en ZAC (Zone d’Aménagement Concerté)70. Ici le travail a été effectué en liaison avec les différentes Direction de la Ville de 67

Le PAZ est un document d'urbanisme qui pouvait être créé dans les ZAC, afin de réglementer le droit d'utilisation des sols lorsque le document d'urbanisme local (Plan d'occupation des sols - POS) était inadapté ou inexistant, d’après : MERLIN, P. – CHOAY, F. Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. 68 LUCAN, J. « Seine Rive Gauche, Continuer Paris », in AMC – Le Moniteur Architecture. 69 Anonyme. « Paris Rive Gauche, un nouveau centre urbain », in Technique et Architecture. 70 Une ZAC est un secteur sur lequel s’applique une procédure d’urbanisme opérationnel d’aménagement concerté (Loi de 1967), « qui repose sur la réunion de représentants de la puissance publique […] et des

74


Paris et la SEMAPA (Société d'économie mixte d'aménagement de Paris) désignée pour conduire l’opération71. Etant donné les dimensions du secteur et les délais d’exécution nécessaires, la ZAC a été fractionnée en secteurs, pour éviter un unique plan masse figé dans le temps et la forme.

83.Plan de la SEMAPA de répartition des architectes coordinateurs par secteurs dans la ZAC Paris Rive Gauche

L’étude des plans masse a été confiée à sept équipes d’architectes coordinateurs, indépendantes des services de la ville (J. Nouvel avec AREP, Ch. Devillers, B. Reichen et P. Robert, R. Schweitzer, P. Gangnet, Ch. de Portzamparc, B. Fortier et Y. Lion – fig. 83). D’autre part, P. Andreu a été chargé du traitement et de la mise en valeur de l’avenue de France et différentes catégories de citoyens intéressés […] afin de préparer la décision et la réalisation» d’après : MERLIN, P. – CHOAY, F. Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. 71 Anonyme. « ZAC Paris Rive Gauche – Secteur Tolbiac/Paris », in Architecture Méditerranéenne.

75


des îlots de bureaux la bordant72 (fig. 84). Chacun des plans de secteur, constituant une entité presque indépendante, vise à définir l’organisation du quartier et le parti architectural dans lesquels pourront évoluer avec plus ou moins de contraintes les maîtres d’ouvrage des différents édifices. L’architecte coordonnateur a donc la charge de rédiger un Cahier des Charges avec la répartition du programme, la composition urbaine et les règles volumétriques et architecturales. Il interviendra par la suite dans le suivi du respect de leur mise en œuvre dans les projets architecturaux73.

84.Plan masse et coupe du projet de P. Andreu pour l’avenue de France

Le secteur Tolbiac-Nord, attribué à Roland Schweitzer, prend place le long de la Seine, de part et d’autre de l’esplanade de la Bibliothèque nationale de France. C’est le premier de la ZAC Paris Rive Gauche à avoir été réalisé, avec le concours en 1991 et la fin du chantier en 2002. Il présente un aspect singulier dans la procédure, en ce qu’avant même que les propriétaires des lots ne soient désignés, un concours a eu lieu pour choisir les quatre équipes d’architectes74 en charge des quatre ensembles de logements en front de Seine. L’organisation interne des logements est laissée libre à la maîtrise d’œuvre qui peut les retravailler à sa guise. Par ce biais, la SEMAPA a clairement indiqué sa volonté de contrôler la qualité architecturale des immeubles les long de l’axe prestigieux de la Seine. De l’autre côté de la rue Neuve Tolbiac se dresse le secteur Masséna-Nord. La consultation qui s’est tenue en 1995 a désigné l’équipe de Ch. de Portzamparc et Th. Huau pour définir et coordonner le quartier. Le projet présente une approche originale pour son développement. Il ne propose pas un plan masse rigide mais un plan avec des îlots dans lesquels les constructions viennent se placer librement. Pour encadrer sa réalisation, des règles sont dictées dans un Cahier des Charges – sur l’implantation, la volumétrie, le traitement des 72

LUCAN, J. « Seine Rive Gauche, Continuer Paris », in AMC – Le Moniteur Architecture. ARNOLD, F. « Concevoir un quartier, cinq méthodes » in Architecture d’intérieur – CRÉÉ. 74 Les équipes lauréates sont : P. Gazeau, G. Maurios, P. Gangnet et J. Ripault & D. Duhart. 73

76


espaces et du bâti – et des fiches pour la démarche opérationnelle définissent successivement les contraintes particulières à chaque îlot : parcellaire, présence des équipements, SHON attribuée, enveloppe volumétrique maximale. Le chantier a commencé dans le courant de l’an 2000 et se poursuit encore sur quelques parcelles, les dernières opérations devant s’achever d’ici deux ans au plus.

77


I.I – Secteur Tolbiac-Nord (1991-2002)

85.Plan général du secteur Tolbiac-Nord de la ZAC Paris Rive Gauche

78


A – Etude descriptive du quartier

86.Vue de l’îlot à l’est de la Bibiothèque nationale de France depuis le quai de Seine

87.Vue du square J. Joyce entre les îlots ouest

Le secteur Tolbiac-Nord de la ZAC Paris Rive Gauche est divisé en deux parties par la Bibliothèque nationale de France, entre le quai François Mauriac, prolongé par celui de la Gare, et l’avenue de France, le boulevard Vincent Auriol et la rue Neuve Tolbiac (fig. 108). Ces deux sites, en forme de parallélogramme, totalisent une superficie d’un peu plus de six hectares et s’étirent sur près de 700 mètres le long de la Seine, en incluant la Bibliothèque. Il compte quelque 950 logements, à 95% aidés – en location PLA et PLI75 ou en accession sociale à la propriété –, 100 000 mètre carrés de bureaux et 30 000 de commerces et activités. Les immeubles ont été réalisés par différentes agences d’architectes76. Deux principes dirigent le dessin du plan masse, formant une géométrie plus ou moins rectangulaire : les voies de circulation et un tracé régulateur, inspiré des bastides occitanes et principalement déduit par le vide créé par les quatre tours de la Bibliothèque nationale de France (fig. 88). La référence aux bastides illustre une idée de la ville où « les pleins et les vides s’organisent sur un même principe géométrique », dont « le caractère régulier et compact de sa forme traduit une création globale instantanée » et dont « la géométrie rigoureuse n’exclut pas la diversité »77 (fig. 86 et 87). La présence du vide entre les tours génère des faisceaux, que les enfilades de rue et les transparences entre les façades accentuent. Ce tracé cadre le découpage interne des îlots et la division en lots constructibles. 75

88.Schémas du tracé régulateur du quartier

PLA : Prêt locatif aidé et PLI : Prêt locatif intermédiaire. Outre ceux précédemment cités, les agences sont pour les bureaux : P. Chaix & J.-.P Morel, A. Fainsilber, G. Thin & Cianfaglione – P. Gravereaux, F. Dusapin & F. Leclerc, J.-M. Charpentier, M Rolinet, pour les logements : ACAUR, P. Barthélemy & S. Grino, J.-P. Buffi, F. Hammoutène, F. Soler et J. Brunet & E. Saulnier, et pour les squares : Desvisgnes & Dalnoky. 77 Les trois extraits in SCHWEITZER, R. Etude de développement du PAZ, Rapport de synthèse. 76

79


Vis-à-vis du plan masse proposé par le PAZ, qui distinguait neuf îlots – de 40 sur 60 mètres ou de 80 sur 60 mètres – dans la partie à l’ouest de la Bibliothèque nationale de France, et pareillement trois dans celle à l’Est sur un système orthogonal, R. Schweitzer procède à sa décomposition et recomposition78 (fig. 106). La première partie tend à constituer une figure unifiée – un macro-îlot « décomposé » dans l’esprit du Zaanhof ou du Zaandammerplein – où la majorité des tracés de voies internes ont été transformées en ruelles (fig. 89) ou en allées (fig. 90 et 91) pour privilégier les espaces de proximité et piétonniers. 89.Vue sur la rue Balanchine et l’école

90.Vue sur la rue Abel Gance depuis la Seine

Seuls les îlots prévus au sud, le long de l’avenue de France et partiellement sur la dalle, conservent leur forme de bloc et intègrent – comme le prévoyaient les épures de P. Andreu – les immeubles de bureaux. Le square James Joyce (fig. 87) et une chapelle, Notre Dame de la Sagesse de l’architecte P.-L. Faloci (fig.101), se tiennent en lieu et place de l’îlot central. Les autres îlots du périmètre se transforment en une sorte d’ « enceinte » bâtie autour du jardin, plus ou moins ouverte de cours-ouvertes, de failles, de passages – rue Jean Arp, rue Valery Larbaud et rue Jean Giono (fig. 91) –. Ces immeubles hébergent des logements, construits sur les terrains en plein sol près de la Seine, à l’exception de celui de bureaux proche de l’angle entre le boulevard Vincent en Auriol et de la rue Edmond Flamand. Des équipements, tel qu’un groupe scolaire et une halte-garderie, sont répartis dans les rez-dechaussée et dans les cours de certains de ces immeubles – rue Balanchine et rue Jean Giono – et des locaux de petites activités sur la rue Abel Gance. A moindre échelle, de par sa taille plus réduite, la seconde partie à l’Est du quartier reproduit une organisation analogue en réunissant les îlots dessinés par l’Apur pour ne plus former que deux îlots (fig. 106). Le plus grand est traversé par une allée – rue Jean Anouilh (fig. 100) – avec une placette au milieu et par un passage – rue Choderlos de Laclos –. Un

91.Vue de la rue J. Giono à travers l’îlot est

78

LUCAN, J. « Seine Rive Gauche, Continuer Paris », in AMC – Le Moniteur Architecture.

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jardin public – Georges Duhamel (fig. 92) – prend place au centre de cet îlot principal. Cette seconde partie de la ZAC se différencie ensuite de la première dans le détail de son aménagement. Au nord, on retrouve le même type d’immeubles de logements, mais ceux disposés à l’est et à l’ouest du jardin lui sont directement mitoyens. Les rez-de-chaussée de ces immeubles accueillent des logements avec des jardinets privatifs de plain-pied. Une crèche se situe sous l’immeuble à l’angle des rues Emile Durkeim et Choderlos de Laclos (fig. 93). Au sud de l’allée et dans l’îlot sur l’avenue de France se trouvent deux blocs de bureaux. 92.Vue sur le square George Duhamel

93.Vue sur la crèche en pied d’immeuble

94.Vue de l’immeuble rue G. Duhamel

95.Vue sur les immeubles de bureaux de la rue Raymond Aron

Le site présente une pente entre l’avenue de France et le niveau du quai sur la Seine qui est géré au sol par un étagement progressif des deux niveaux. D’autre part, ce décalage est accentué en toiture par les plafonds différents des immeubles, dictés par l’APUR. Il y a une différence entre les hauteurs des logements le long de la Seine, à vingt-quatre mètres et celles des bureaux sur l’Avenue de France, à trente-cinq mètres. Ce décalage est traité de diverses façons, en vélum oblique – comme les bureaux rue R. Aron (fig. 95) – et en gradins à étagement continu – comme les immeubles de logement rue G. Duhamel et rue R. Aron (fig. 94 et 102) – ou discontinu – comme les immeubles boulevard Vincent Auriol –. Les prescriptions du Cahier des Charges ne se limitaient pas au plan masse et aux gabarits du bâti, elles définissaient aussi certains points de la volumétrie et des matériaux. Les immeubles le long de la Seine ont un traitement particulier, puisqu’ils prolongent la ligne de hauteur du parvis de la Bibliothèque Nationale de France par un socle, dont l’horizontalité s’oppose à la verticalité de ses tours (fig. 96). Elle compose une élévation en trois niveaux : un socle de commerces en rez-de-chaussée et mezzanine, un creux à hauteur du parvis et le corps central. Les immeubles sont ouverts de failles qui les articulent, créent des relations entre l’intérieur et l’extérieur des îlots et accueillent les accès (fig. 97 et 103). Elles constituent des portes urbaines, qui sont occupées en hauteur par des terrasses-jardins à l’exception du premier étage en retrait qui assure la continuité du socle. 81


96.Schéma de principe des élévations pour les immeubles sur le quai de Seine

97.Vue sur un immeuble sur le quai de la Gare

98.Vue sur la cour depuis la rue J. Arp

99. Vue sur les bureaux depuis l’avenue de France

Le traitement des façades sur Seine et le long de la Bibliothèque ne comporte aucune saillie par rapport à l’alignement, seuls sont autorisés les retraits pour former des loggias (fig. 97). Le bandeau couronnant le socle est en béton blanc poli, tandis que le reste des façades est traité soit en pierre claire, soit en brique blanche, soit en béton blanc poli. Sur l’arrière, l’espace intérieur pourra développer par contraste une volumétrie plus libre et une architecture plus fragmentée. Elle développe des balcons et des terrasses avec comme accompagnement des pergolas, des garde-corps, des écrans et des filtres, pour renforcer l’intimité des logements et la convivialité des espaces (fig. 98). Cette différenciation assure une transition nécessaire entre l’ordre monumental extérieur et le caractère plus domestique des espaces intérieurs79. Sur l’avenue de France les élévations des bureaux s’organisent sur un principe tripartite qui affirme une continuité sur toute la longueur du quartier (fig. 99). Elles sont constituées par un soubassement – rez-de-chaussée, ou rez-dechaussée plus un premier étage, de commerces ou hall des bureaux –, un corps principal de l’édifice sur six niveaux et un couronnement caractérisé par un auvent pouvant être clos de vitrages à 25%. L’accès aux logements et aux bureaux se fait depuis les voies, c'est-à-dire les rues pour les immeubles situés vers l’extérieur et sur les ruelles et les allées pour ceux sur les espaces intérieurs. Chaque îlot de bureau est occupé par un immeuble unique, qui s’organise autour d’une cour ou d’un atrium couvert. Les logements ayant été réalisés par dix équipes d’architecte différentes proposent des organisations et des types de logements variés.

79

D’après SCHWEITZER, R. Etude de développement du PAZ, Rapport de synthèse.

82


B – Principes et innovations principales

La ZAC Paris Rive Gauche est, au-delà de la réalisation d’une ZAC « traditionnelle », l’occasion de concevoir un véritable morceau de ville, représentant un peu plus d’un pour cent du territoire Parisien. Après une certaine période d’incertitude des doctrines de l’urbanisme, qu’incarne la fin du XXe siècle80, le parti des instances qui ont participé au projet, a été de concevoir dans la ZAC des quartiers intégrés, mixtes et denses, regroupant tout ce qui historiquement constitue la ville. La question qui restait à traiter à R. Schweitzer dans son secteur, était la forme à donner à cette ville. Sans prendre d’orientations très expérimentales, son projet cherche à utiliser l’histoire des villes comme référence et inspiration, tout en concevant un ensemble assez original. Le parti pris de la mixité y est traité de manière à ce que les différentes activités soient placées idéalement en fonction de leurs besoins, de ceux des habitants et des interrelations pouvant en émerger. Le quartier s’inscrit dans son site et tend à mettre en valeur ses caractéristiques. Pour cela, le plan masse et le travail volumétrique offre deux échelles de perception et de pratique, l’un correspondant au rôle du quartier dans la ville et le second à celui qu’il joue pour les habitants.

Le quartier cherche la mixité des activités qu’il accueille et une population socioéconomiquement composite. Le plan masse ne concentre pas en deux zones distinctes les deux parties du programme – habitation et activités –. Les différentes activités se répartissent dans le quartier afin d’être situées au mieux de leur demande et de celle de la population. Ainsi les grands immeubles de bureaux sont le long de l’axe structurant et de 80

LUCAN, J. « Seine Rive Gauche, Continuer Paris », in AMC – Le Moniteur Architecture.

83


100.Vue sur la rue Jean Anouilh depuis la Bibliothèque Nationale de France où cohabitent immeubles de bureaux et de logements, en bordure de l’allée piétonne longeant le square Georges Duhamel

84


représentation du quartier, à proximité des transports (station « Bibliothèque François Mitterrand » du métro ligne 14 et du RER C). Les commerces se tournent vers les rues principales les plus fréquentées, quelques bars et restaurants profitant du calme de certaines des allées pour étendre des terrasses. Les équipements de proximité se logent dans les espaces protégés à l’intérieur des îlots ou dans les allées et passages, au plus près des habitations. Enfin, les logements, avec la diversité socio-économique de leurs habitants, bordent le paysage du quai de Seine ou entourent des jardins et des cours vertes, pour leur offrir le meilleur environnement. Le soin de Schweitzer dans l’organisation du quartier se traduit aussi dans le travail de composition du plan masse et de sculpture des volumes. Il cherche au mieux à les adapter au site pour mettre en valeur ses caractéristiques et ses contraintes. Si le gabarit des immeubles est similaire à celui du tissu Haussmannien de Paris, le découpage ne s’appuie pas sur son système parcellaire traditionnel, auquel est associé le type d’immeubles entre mitoyens, et qui a généralement pour résultat la formation d’îlots fermés81. Sur la topographie, le travail en toitures accompagne et souligne la perception de la pente entre l’avenue de France et la Seine, depuis l’autre rive ou sur les rues latérales. « La Bibliothèque nationale de France apparaît comme une référence incontournable dans la composition du projet »82. Le quartier établit un dialogue avec elle par les alignements communs du tracé régulateur et le dessin des élévations sur la Seine.

81 82

LUCAN, J. « Seine Rive Gauche, Continuer Paris », in AMC – Le Moniteur Architecture. Anonyme. « ZAC Paris Rive Gauche – Secteur Tolbiac/Paris », in Architecture Méditerranéenne.

85


101.Vue sur la rue Abel Gance bordée de logements avec des commerces s’ouvrant sur le passage piétonnier, de la Chapelle Notre-Dame de la Sagesse et du square James Joyce

86


102.Vue de la rue Raymond Aron avec l’échelonnage en gradin des immeubles entre l’avenue de France et le quai de la Gare

87


Dans l’échelle de représentation de la ville, le quartier apparaît avec une dimension altière et un caractère assez monumental côté Seine, comme le souligne J. Lucan83. On a noté la volonté de contraster l’horizontalité et la hauteur réduite des logements sur la Seine et la verticalité de la Bibliothèque nationale de France. Le quai de Seine est magnifié dans sa composition par le traitement homogène et continu du bâti – dicté presque comme une « façade à programme »84 : volumes géométriques parfaits et lisses, récurrence des formes et détails, similitude des matériaux, rythmes des failles, etc. –. Sur l’avenue de France les bureaux, doivent eux aussi répondre à des principes de composition des élévations, bien que moins stricts. Enfin, la disposition même du bâti tend à le faire percevoir depuis l’extérieur comme une « enceinte » fermée, percée par les quelques ouvertures qui à l’échelle du piéton assurent une nécessaire continuité entre le lieu d’habitation et la ville. De fait, le quartier présente un travail des échelles suivant deux ordres : un ordre majeur qui assure une cohérence urbaine à l’ensemble du projet et des ordres secondaires qui intègrent les différences du programme et affirment la singularité de chaque lieu.85 Pour cela, R. Schweitzer fait « référence au plan des bastides dont la géométrie rigoureuse n’exclut pas la diversité, au contraire – le but final étant d’arriver à une identification de chaque quartier tout en conservant une unité suffisamment affirmée pour répondre à la force du lieu »86. Le tracé régulateur, qui ordonne et définit le plan masse, et le traitement monumental du quartier répondent au premier ordre, ils unifient les deux quartiers dans la diversité.

83

LUCAN, J. « Seine Rive Gauche, Continuer Paris », in AMC – Le Moniteur Architecture. Référence aux façades Haussmanniennes ou des Places Royales, in BENEVOLLO, L. Histoire de la ville. 85 SCHWEITZER, R. Etude de développement du PAZ, Rapport de synthèse. 86 Houzelle, B. « Une île à construire, ZAC Seine Rive Gauche, Paris », in Technique et Architecture. 84

88


103.Vue sur le front bâti le long du quai de la Gare rythmé verticalement par les rues et les failles et horizontalement par la composition tripartite avec des variations dans le détail et une certaine unité formelle

89


Les ordres secondaires se traduisent par tout le travail interne aux îlots : les ouvertures des failles comme des portes urbaines vers l’intérieur des îlots, la distinction des types des voies – ruelles, allées, passages et placettes –, la répartition des petits équipements et les différentes formes d’implantation des immeubles et des cours. De même, les squares intérieurs participent pleinement à créer l’image des deux ensembles, « ils identifient les communautés de chaque quartier, de part et d’autre de la Bibliothèque nationale de France »87. Le contraste est par exemple évident entre l’avenue de France minérale et les cœurs d’îlots à l’environnement végétal. Malgré sa perméabilité, la continuité de l’« enceinte » bâtie affirme l’unité de chaque ensemble88.

87 88

Anonyme. « ZAC Paris Rive Gauche – Secteur Tolbiac/Paris », in Architecture Méditerranéenne. SCHWEITZER, R. Etude de développement du PAZ, Rapport de synthèse.

90


104.Vue sur le square George Duhamel depuis la rue Jean Anouilh montrant l’espace vert pacifié enserré dans le bâti

91


105.Vue sur la cour d’un immeuble reliÊe au front de Seine par les portes urbaines depuis le rue Pierre Choderlos de Laclos

92


Quai d e la G ar e

Quai F. M auriac

Rue J. Arp Rue V. Larbaud Rue J. Giono

Braudel

Av e n u e

0

100

200

108.Plan de situa on

d e Fr a n ce

JARDIN G. DUHAMEL

Rue J. Anouilh

Rue P. Casals

Rue Neuve de Tolbiac

BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE Rue R. Aron

Rue F.

Rue A. Gance

JARDIN J. JOYCE

Rue P. Choderlos de Laclos

Rue E. Durkheim

Rue G. Balanchine

Av en ue V. Au rio l

N

LA SEINE


3 4

2

1

106.Plan de masse 1/4000 107.Coupes de masse 1/4000

1

2

3

4


I.II – Secteur Masséna-Nord (depuis 1995)

109.Plan masse du secteur Masséna-Nord de la ZAC Paris Rive Gauche

94


A – Etude descriptive du quartier89

Le secteur Masséna-Nord de la ZAC Paris Rive Gauche forme une figure quadrangulaire, de quelques 450 mètres de long sur 300 de large, délimité par le quai Panhard et Levassor, l’avenue de France, la rue Neuve Tolbiac et la rue Watt (fig. 137). Il a été choisi d’en exclure l’îlot où se trouvent les Grands Moulins et la Halle aux Farines qui préexistaient au projet et qui constituent un équipement, l’université Paris 7 Diderot, de trop grande échelle, à l’instar de la Bibliothèque nationale de France pour le secteur Tolbiac. Le quartier compte un programme mixte d’habitation – 82 500 m² soit quelques 900 logements en PLI, en PLS90, en locatif libre et en accession sociale ou libre – et d’activités – 140 000 m² de bureaux et de commerces –. 110.Maquette de la continuité des secteurs

Le maillage viaire poursuit la géométrie orthogonale de l’ensemble de Paris Rive Gauche, de même que ses lignes directrices, en inscrivant des continuités avec le secteur Tolbiac (fig. 110). Il adopte un rythme serré perpendiculairement à la Seine, avec des îlots de 35 sur 90 mètres ou de 60 sur 90 mètres. Ch. de Portzamparc souligne que « ce rythme produit une accentuation dans ce petit quartier, de la présence de la rue comme thème répété, comme image de l’espace public »91 (fig. 111 à 113). Les rues ne sont affectées qu’à la desserte locale et non à un trafic important. Elles se caractérisent par des dimensions relativement étroites pour certaines, les rues descendant vers la Seine faisant 10,5 ou 16 mètres, et 12 ou 18,6 mètres pour celles longitudinales. De telles largeurs ne sont possibles que dans le cadre

111.Vue de la rue O. Messiaen 89

Le secteur Masséna Nord de la ZAC Paris Rive Gauche étant défini comme un système, dont la mise en forme est assez libre, plus que comme un plan masse figé, il sera principalement décrit à travers les règles qui le conditionnent et illustré par des exemples de situations types. 90 PLS : Prêt locatif à usage social, ils remplacent les PLA depuis 1999. 91 PORTZAMPARC, Ch. de. Cahier des charges particulières d’urbanisme et d’architecture.

95


des îlots ouverts où les rues ont des proportions verticales mais des « parois ouvertes »92 (fig. 130).

112.Vue de la rue R. Goscinny

113.Vue de la rue R. Goscinny

114.Maquettes de deux scénarios possibles du processus d’implantations sur les mêmes îlots

A partir de ce maillage, le cahier des charges de Ch. de Portzamparc ne dicte ni l’implantation exacte, ni la volumétrie des immeubles sur un plan masse. Il ordonne seulement des règles permettant aux différents intervenants de suivre les principes morphologiques du quartier et de se positionner en fonction des immeubles déjà réalisés. Il s’agit d’une conception dynamique du plan masse, tel un système pouvant évoluer et s’adapter dans l’espace et dans le temps (fig. 114). L’implantation des immeubles est ordonnée sur la bordure des voies publiques. La somme des linéaires bâtis en limite de l’îlot doit être comprise entre 50% et 70% du périmètre total, en ne comptant que les constructions au-delà de R+1. Les failles crées entre les constructions sont d’au moins 6 mètres pour assurer une ouverture minimale et éviter des vis-à-vis trop restreints. Sur le périmètre restant, une moitié est laissée libre et plantée, la seconde peut faire l’objet de constructions comprises entre un rez-de-chaussée et un premier étage (fig. 115). Certaines constructions sont disposées en retrait d’alignement de la bordure de l’îlot. Si elles sont supérieures à R+1, elles se trouvent à une distance d’au moins 10 mètres par rapport à la bordure ou d’au moins 6 mètres avec les autres bâtiments. Cette règle assure l’alternance des pleins et des vides sur le pourtour de l’îlot et les percées visuelles vers l’intérieur, tout en conservant assez d’éléments en bordure pour conserver la perception d’une « paroi sur rue »93 (fig. 112 et 113).

92

115.Schémas des règles d’implantation du bâti

93

PORTZAMPARC, Ch. de. Cahier des charges particulières d’urbanisme et d’architecture. Ibid.

96


116.Schémas de principe de l’altérance du bâti

117.Schémas de principe des chevauchements

118.Vue des îlots sur la rue des Frigos

119.Vue de l’îlot sur la rue Th. Mann

120.Schémas de principe de la répartition des différentes hauteurs

De part et d’autre des rues les immeubles suivent un principe de quinconce, c’est-à-dire que les propositions de pleins et de vides sur le pourtour des îlots se font en tenant compte des constructions précédemment projetées et situées en face. Les constructions élevées ont pour vis-à-vis des constructions basses – inférieures ou égales à R+1 – ou des espaces vides et plantés (fig. 116). Le chevauchement de deux immeubles de part et d’autre d’une rue est autorisé sur une longueur limité à 4 mètres (fig. 117). Cette disposition vise à assurer une distance suffisante entre les immeubles à même d’offrir vue et ensoleillement aux logements, et s’appuie sur l’idée que le prospect est respecté en prenant en compte le vide de l’îlot en pendant. L’ouverture des angles est recherchée dans le cas d’un ensoleillement difficile ou de carrefours déjà construits sur les trois autres angles (fig. 118). Elle prend idéalement place au sud ou à l’ouest des îlots et une faille d’au moins 6 mètres permet à la lumière de passer à travers. Pour éviter la création d’un bâti trop massif des règles limitent certaines de ses dimensions. La longueur des immeubles jusqu’à R+4 n’excède pas les 45 mètres, quant à ceux supérieurs ils sont limités à 30 mètres linéaires (fig. 115). S’il présente des variations de hauteur supérieures ou égales à 4 niveaux, sa longueur peut atteindre les 60 mètres, tant que la partie au-delà de R+5 ne dépasse pas les 45 mètre linéaires et qu’un minimum de 15 mètres est à plus que R+1. Dans le cas des immeubles à l’angle d’un îlot, le développé de façades de part et d’autre de l’angle à une longueur limité à 60 mètres, avec une répartition respectant les deux premières règles citées. La hauteur des immeubles sur les grands côtés des îlots se répartie suivant la règle : 25% minimum du linéaire des façades est compris entre R+1 et R+5, 25% minimum est supérieure à R+7 et la moitié restante est laissé libre (fig. 119 et 120). La limite maximale des constructions s’inscrit dans celle donné par le PLU de Paris, qui correspond ici à un R+12. La variation dynamique des hauteurs est recherchée pour favoriser la pénétration de la lumière dans les rues et les îlots et pour créer un paysage urbain contrasté. 97


La séparation entre l’extérieur et l’intérieur privé de l’îlot est voulue nette, afin de garantir une définition claire de l’espace public. Le périmètre non bâti est clos par des dispositifs de séparation d’une hauteur comprise entre 2 et 3 mètres. Une moitié peut être constituée d’une partie opaque, mur ou muret (fig. 121), l’autre doit être constitué de grilles de serrurerie – dont le dessin est concerté entre les différents intervenants du quartier et approuvé par le coordonnateur – (fig. 122).

121.Vue sur de jardins privatifs clos de murets rue R. Goscinni

122.Vue sur un jardin collectif clos de grilles rue H. Brion

123.Vue sur une terrasse plantée rue P. Levi

Le traitement des cours peut être varié. L’occupation par des jardins privatifs en pied des immeubles est privilégiée, aussi bien en cœur de l’îlot que sur sa périphérie (fig. 121). Il permet de créer des espaces intérieurs de qualité où l’intimité est préservée, grâce aux dispositifs de clôture, mais où les vues dégagés sont possibles. Pour assurer un bon aménagement paysagé des espaces intérieurs des îlots, il est demandé que 10 à 15% de la surface au sol soit laissée en pleine terre ou bien que 50% de la surface soit laissé libre de construction. Au totale 50% de la surface non bâtie doit être planté et compter un arbre pour 2000 m² de SHON. Dans le cas d’immeubles de bureaux ou mixtes, cette contrainte peut être compensé par des terrasses plantées (fig. 123). Dans certain îlots accueillant de petits équipements en rez-de-chaussée, l’espace libre peut être dévolu à la cour de récréation (fig. 124). Si le travail volumétrique et d’écriture architecturale est laissé parfaitement libre sur les faces latérales et internes de immeubles, les élévations en alignement sur rue sont réglés par quelques recommandations comme le fait qu’elles ne disposent pas d’inflexions incurvées sur rue. Les balcons et oriels, qui doivent permettre une véritable occupation par leurs dimensionnements, y restent ponctuels et non systématiques – représentant moins de 10% de la surface de la façade. De même, les loggias sur rue sont autorisées dans la limite de 30% du plan de façade à l’alignement.

124.Vue sur un îlot accueuillant une école en rez-de-chaussée rue K. Van Dongen

98


125.Vue de l’îlot à l’ouest du square

126.Vue sur un îlot entre les rues Th. Mann et R. Goscinny

Le cahier des charges définit des « scénarios »94 envisagés lors de la coordination pour ce qui est des matériaux et du traitement de la volumétrie propre ou commune aux immeubles. Ils ne sont cependant pas imposés aux architectes et donc en général assez peu mis en œuvre. Par exemple, un certain nombre de matériaux sont proscrits et il est envisagé que les différentes façades sur une rue reprennent des dominantes de couleurs (figure 125). Dans la volumétrie, des enchainements de bâtiments sont proposés pour créer des situations urbaines, le traitement des clôtures et des constructions basses est souhaité en continuité, les toitures à leurs divers niveaux sont à traiter avec grand soin, comme des cinquièmes façades, enfin les angles coupés polygonaux ne sont pas souhaités mais peuvent être formés d’un retrait bas ou sur toute la hauteur de l’immeuble sur approbation du coordinateur. La variété des immeubles réalisés par les architectes répond parfaitement à la volonté de Ch. de Portzamparc d’un quartier diversifié répondant à la culture architecturale contemporaine du « bâtiment objet »95. Cependant, la recherche de l’originalité à tout prix chez certains, crée des dissonances qui n’aident pas à la cohésion de l’image du quartier.

127.Vue sur le bâtiment Buffon de l’université

128.Vue sur un immeuble de bureaux depuis l’avenue de France

94 95

D’après PORTZAMPARC, Ch. de. Cahier des charges particulières d’urbanisme et d’architecture. D’après PORTZAMPARC, Ch. de. Architecture : Figures du monde – Figures du temps.

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B – Principes et innovations principales

La proposition du « bocage urbain » dans le secteur Masséna Nord de la ZAC Paris Rive Gauche apparaît comme une approche novatrice pour fabriquer un quartier. Ch. de Portzamparc s’interroge sur les traits de la ville passée qui ont toujours une valeur actuelle et ceux nouveaux qui sont à inventer pour poursuivre le génie du lieu96. Sa réflexion s’appuie sur une théorie qu’il baptise le IIIe Age de la ville. Si ce n’est pas la première fois qu’il applique ces idées dans un projet architectural ou urbain97, l’échelle de celui-ci – comme véritable quartier – en constitue un laboratoire représentatif. Sur le plan formel elles se traduisent par la conservation du maillage des rues comme structure lisible du quartier et l’innovation dans l’organisation interne de l’îlot. D’autre part, le processus d’aménagement du secteur est l’occasion d’inventer une méthode de travail originale.

La théorie des trois âges de la ville de Ch. de Portzamparc classe synthétiquement l’héritage de l’histoire urbaine en deux périodes, pour en faire la synthèse : l’Age III. Il cherche à conserver leurs attraits toujours valables, sans réitérer ce qui est maintenant considéré comme inacceptable par les habitants. De la ville « traditionnelle » – ou l’Age I –, c'est-à-dire toutes celles jusqu’au début du XXe siècle, il maintient la continuité de l’espace public de la rue définit clairement par les îlots et le respect de règles comme le gabarit ou l’alignement sur rue du bâti. De celle du Mouvement Moderne – ou l’Age II –, il valorise la régénération du tissu par l’apport des édifices autonomes et de l’ouverture de l’espace. L’Age III a

96

D’après PELISSIER, A. La consultation Masséna : Projets d'urbanisme pour un nouveau quartier de Paris. e On citera les Hautes Formes et la restructuration des îlots rue Nationale, tous deux dans le 13 arrondissement de Paris. 97

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129.Vue sur l’angle des rues Hélène Brion et Elsa Morante avec des immeubles autonomes en alignement séparés par des espaces ouverts

101


commencé avec la critique de la production des Grands Ensembles, s’étayant sur l’analyse spatiale issue de la sociologie à partir de 196898. Dans le projet de Ch. de Portzamparc, la conservation de la rue est l’élément unificateur du quartier. Elle assure d’abord le maintien de l’espace public par l’alignement d’une part significative des façades, permettant la «lisibilité claire du volume en creux »99, et sa délimitation physique par rapport à l’îlot. Malgré la grande diversité des écritures architecturales et les importantes ouvertures, la « paroi de rue » unifie les ensembles volumétriques plus ou moins complexes. D’autre part, le maillage viaire joue un rôle de premier ordre par ses caractéristiques particulières. Comme il a été détaillé précédemment, il imprime une identité forte au quartier par sa géométrie, son rythme et ses dimensions. Enfin, « la rue n’est plus seulement un instrument de circulation, elle redevient sensible comme espace architectural.»100 A l’inverse des rues « corridors »101, un jeu de formes, d’ombres et de lumières est permis par les décrochements en plan et en volume des immeubles. L’îlot est non seulement ouvert, il est fragmenté en une alternance de vides et de pleins. Ce « bocage urbain » est pensé en premier lieu comme un espace traversant de rue à rue. A travers les îlots, le jardin perçu englobe à la fois l’espace privé et l’espace public. Ch. de Portzamparc s’appuie sur l’idée que la forme de la ville n’est pas tant dans les bâtiments, 98

Il a été inauguré en 1975 par trois réalisations : la Noiseraie d’Henri Ciriani à Marne-la-Vallée, l’ensemble résidentiel de Maurepas par Henri Gaudin à Saint-Quentin-en-Yvelines et les Hautes Formes de Ch. de Portzamparc à Paris, d’après PELISSIER, A. La consultation Masséna : Projets d'urbanisme pour un nouveau quartier de Paris. 99 PORTZAMPARC, Ch. de. Cahier des charges particulières d’urbanisme et d’architecture. 100 PELISSIER, A. La consultation Masséna : Projets d'urbanisme pour un nouveau quartier de Paris. 101 Nom donné par Le Corbusier, et repris ici par Ch. de Portzamparc, aux rues traditionnelles bâties en alignement continue.

102


130.Vue sur la rue Hélène Brion au traitement de la voirie classique, clairement défini par les « parois ouvertes » tout en étant animé par la diversité architecturale

103


131.Vue sur le jardin ouest du square des Grands Moulins depuis la rue René Goscinny établissant une transparence à travers de l’îlot

104


ni le tracé des voies qui la structure, mais dans l’articulation entre les deux102. C’est le regard qui passe entre les édifices qui tisse les pleins et les vides. Ce paysage, où les édifices sont « plantés » dans des jardins, tout en étant traversé par les rues, cherche aussi à exaucer le souhait de l’homme de réconcilier l’architecture et la nature. La décomposition du plan masse des îlots, sans principes de mitoyenneté, permet une autonomie de chaque immeuble. Elle répond à la culture architecturale contemporaine « qui tend à procéder par bâtiments « objets » »103. Il laisse totalement libre l’expression des différents architectes intervenant dans le quartier, toutefois à l’intérieur du cadre des règles du Cahier des Charges. De plus, dans ce site en transition entre le Paris haussmannien et la banlieue hétérogène, il propose le long de cette séquence une transformation progressive et harmonieuse, qui irait des quartiers ouest très réguliers, voire monumentaux marqués par la Bibliothèque nationale de France, vers des îlots plus diversifiés en devenir. Pour finir, le fractionnement des immeubles en entités autonomes veut satisfaire l’aspiration aux vues dégagées et à la lumière des habitants. Un même logement peut ainsi bénéficier de plusieurs orientations, avec des lumières distinctes, des vues variées sur des paysages contrastés. Pour parvenir à ses intentions, Ch. de Portzamparc définit une manière originale de planifier le quartier. « Aujourd’hui, ici, ce sont de nouvelles règles locales qu’il faut inventer, des règles qui encadrent la création d’un tissu urbain différent, fait d’ouvertures et de diversité. »104 Les principes fermement établis offrent plusieurs solutions au moment de le réaliser. Le projet du secteur Masséna peut se traduire par l’équation : « le tracé viaire + la 102

Ch. de Portzamparc in JACQUES, M. – LAVALOU, A. Portzamparc. Bordeaux – Bâle : éd. Arc en rêve centre d’architecture & Birkhauser – Publishers for Architecture, 1996 103 D’après PORTZAMPARC, Ch. de. Cahier des charges particulières d’urbanisme et d’architecture. 104 D’après Ch. de Portzamparc in PELISSIER, A. La consultation Masséna : Projets d'urbanisme pour un nouveau quartier de Paris.

105


132.Vue sur un jardin en pied d’immeuble prenant place en cœur d’îlot depuis la rue René Goscinny

106


133.Vue sur un immeuble depuis le rue Elsa Morante montrant l’autonomie et la libertÊ de leur traitement architectural

107


règle de l’îlot ouvert = une infinité de plans possibles »105. Ils reflètent aussi la volonté que le quartier s’apparente à un processus de stratification accéléré, qui permette de tenir l’image du quartier dans le temps et qui autorise les adaptations du projet et ses modifications futures.

105

D’après Ch. de Portzamparc in PELISSIER, A. La consultation Masséna : Projets d'urbanisme pour un nouveau quartier de Paris.

108


134.Vue sur le bâti bordant le square des Grands-Moulins constitué d’un ensemble de fragments en alignement sur la rue

109


N

LA SEINE

Av e n u e 0

137.Plan de situa on

100

200

d e F ra n ce

S

R ue K . van Dongen

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Rue A. D o mo n t

JARD IN DES G RA N D S MOU L IN

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Rue des MoulinsG.

Rue O. M ess iaen

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Rue P . Le vi

Rue Neuve de Tolbiac

Ru e

ny

Quai Panhard et Levassor


1

2

135.Plan masse 1/4000 136.Coupes masse 1/4000

1

2


II – Java-eiland, Amsterdam (1992-2001)

138.Localisation de Java-eiland

111


A – Contexte historique et géographique

La ville d’Amsterdam, à l’instar de nombreuses villes européennes, a été le siège d’un important exode de la ville vers sa banlieue entre 1960 et 1980. Il a conduit à une chute de la population de 850 000 à 640 000 habitants106 et l’occupation des habitants par logement était descendue de 3,5 à 2,1. A partir de la fin des années 1970, un retour d’une demande de logements a poussé la ville à se focaliser sur sa production et la recherche de sites où les construire. Or à ce même moment, l’économie subissait un déclin des activités industrielles qui ont libéré des secteurs entiers en proche périphérie des villes prêts à être réutilisés. Cependant A. Jolles souligne que « si les circonstances avaient été différentes, le district est du port ne serait jamais devenu une zone résidentielle – ou seulement une partie l’aurait été »107. En effet, son développement a aussi bénéficié du tournant qu’a constitué le boom économique de la toute fin du XXe siècle, dont les conséquences ont été une forte hausse du marché de l’immobilier. Entre 1996 et 2000, un accroissement du pouvoir d’achat des ménages hollandais a favorisé l’accès à des logements relativement onéreux à une plus grande partie de la population. La hausse du marché a conduit à ce que l’on en prenne compte ces anciens terrains d’activités, qui auparavant n’auraient probablement pas fait l’objet d’un aménagement urbain108. Ce redéveloppement de friches en grande proximité avec le centre de la ville historique, s’inscrit aussi dans un regain d’intérêt pour la ville et sa régénération urbaine apparu à partir des années 1980. Il influe d’autre part dans les 106

Dates tirées de A. Jolles in ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam : urbanism and architecture. 107 Traduction personnelle d’A. Jolles in ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam : urbanism and architecture. 108 D’après A. Jolles in ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam : urbanism and architecture.

112


recherches faites sur les moyens de créer une plus grande qualité des villes, allant vers des configurations plus fermées des formes urbaines, des articulations claires des rues et des espaces publics, c'est-à-dire une redécouverte de la ville et ses morphologies historiques.

139.Vue aérienne des anciens docks du district est du port

La Java-eiland prend place sur une île artificielle sur la mer Ij au nord-est de la ville d’Amsterdam. Le district est du port (fig. 139), dont elle fait partie au même titre que d’autres quartiers associés à son développement, appartient à une longue tradition d’îles portuaires, qui commença dès le XVIIème siècle aux Pays-Bas. Le développement dans sa disposition actuelle fut initié en 1900, par la KNSM109 (Compagnie Royal Néerlandaise des Paquebots) pour accueillir des embarcadères et des quais de déchargement. Après une période d’intense activité, la zone déclina jusqu’aux années 1970, par la diminution du trafic maritime passager, les dimensions trop réduites du site et une inadaptabilité des infrastructures aux besoins des transports mercantiles. La décision de reconvertir le secteur est du port d’Amsterdam en zone résidentielle fut prise en 1975. Cependant, le port resta un temps abandonné et sans activités, mais ponctuellement squatté par une population (sanslogis, artistes alternatifs, etc.) vivant dans les bâtiments désaffectés à partir des années 1980110. Les recherches sur le développement du quartier ont été initiées par le DRO, département de planification de la municipalité, qui était chargé d’établir les conditions de planification et un pré-plan d’implantation purement illustratif. Le programme était presque exclusivement dédié à l’habitat et devait suivre le cahier des charges du Woonatlas111. Littéralement, cet 109

Dates tirées d’ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam: urbanism and architecture. Ibid. 111 D’après J. de Waal in ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam: urbanism and architecture. 110

113


« atlas du logement » défini quatorze « styles de vie » contemporains nécessitant des besoins et des formes particuliers – par exemple une famille avec un enfant émancipé, une personne travaillant à domicile, un espace pour un hobby, etc. Pour compenser les dépenses liées aux infrastructures particulières du site – construction de ponts et tunnel, fondations sur des quais, etc. – une densité de cent logements à l’hectare était exigée. Sur ces bases formelles et programmatiques, quatre équipes d’architectes ont concouru pour le plan final. L’équipe de S. Soeters a finalement été sélectionnée pour son projet. Une contribution au projet fut apportée par les services du DRO et l’architecte R. Uytenhaak. Les premiers se sont chargés du plan de la frange de transition entre Java et KNSM-eiland et du dessin des jardins intérieurs aux îlots avec l’aide des bureaux d’étude de la ville. Les idées du second se retrouvent dans les logements en Palazzi disposés en partie centrale. Des artistes sont intervenus dans le dessin de portails dans et entre les immeubles et autour de la qualification de la piste cyclable. Les travaux se sont déroulés en seulement trois ans, de 1995 à 1998. Si à l’origine du projet dans les années 1980, la politique de la ville d’Amsterdam était très régulatrice et prescriptive, avec comme priorité le logement social – due à la loi de 1901 l’obligeant à en fournir à tous ses habitants112 – dix ans après faute de financement public les partenariats public-privé sont devenues chose commune. Ceci explique qu’à l’inverse de la majorité des logements construits auparavant, la Java-eiland est occupé par 70% de logements privatifs113. De la sorte, on a permis la création d’un quartier avec une bonne mixité sociale. 112

FERNANDEZ PER, A. Amsterdam recupera los antiguos muelles. D’après J. de Waal in ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam: urbanism and architecture.

113

114


140.Plan masse original de Java-eiland

115


B – Etude descriptive du quartier

Le quartier de Java-eiland correspond à la moitié de l’île artificielle située à l’extrémité de l’ancien port à l’est d’Amsterdam, entre la mer Ij et l’Ijhaven, l’autre moitié étant occupée par le quartier appelé KNSM (fig.167). Il s’étend sur une bande de près de 1 300 mètres de long sur 130 mètres que deux ponts relient, à chaque extrémité, à la ville. En cela, il s’agit d’un quartier relativement retiré, même si les distances au centre sont parfaitement réalisables en vélo, transport privilégié à Amsterdam, ou avec la navette flottante qui fait la liaison en dix minutes114. L’ensemble compte quelques mille trois-cent logements, soit une densité de cent logements par hectare, une valeur correspondant à celle des quartiers historiques de la ville d’Amsterdam115.

141.Vue aérienne vers l’est de Java-eiland

142.Vue sur un des canaux transversaux

143.Vue sur le dock nord depuis la mer Ij

Java-eiland est redécoupé par quatre petits canaux artificiels en cinq secteurs qui sont identifiables à des îlots (fig. 141 et 165). Ce parti pris pouvant paraître formaliste car ils cherchent a réinterprété les canaux traditionnels de la ville d’Amsterdam, il permet de subdiviser l’île et d’en rompre la très grande longueur et la monotonie. Les canaux renforcent aussi la relation physique et visuelle entre les deux rives de l’île, en permettant sa traversé de part en part et en dégagent des vues transversales depuis l’intérieur et l’extérieur de l’île (fig. 142). Ces modifications de la topographie de l’île sont toutefois trop subtiles pour altérer la géométrie de l’ancien site industriel et l’aspect très longiligne du quartier depuis l’extérieur (fig. 142).

114 115

D’après FERNANDEZ PER, A. Amsterdam recupera los antiguos muelles. Anonyme, « Projekte VO – Projects by : Sjoerd Soeters, Adrian Gueuze, Ben von Berkel, JO Coenen”.

116


143.Vue des docks depuis l’Ij

144.Vue sur le dock sud de l’Ijhaven

145.Vue aérienne d’un îlot autour d’une cour

146.Vue d’un immeuble à « poinçons »

Une voie principale de desserte parcourt tout le quartier et relie l’île aux deux ponts et au quartier KNSM, en passant le long du dock au nord (fig. 145). Sur cette artère vient se greffer un système de dessertes locales des immeubles en boucle, qui encerclent les îlots. Elles longent de part et d’autre les petits canaux, pour passer le long du dock sud. Celui-ci est conçu comme une promenade en relation avec le paysage et son accès aux véhicules est limité par le traitement au sol et le mobilier urbain (fig. 144). A l’interface entre les quartiers de Java-eiland et de KNSM une bande oblique est laissée vide pour accueillir un espace vert, créant un axe visuel depuis la voie central du quartier KNSM vers le sud, l’Ijhaven et l’horizon amstellodamois (fig. 157). Un ensemble de deux immeubles s’y distingue en bout du dernier îlot, il compose un pivot entre les deux quartiers et assure le rôle de porte d’entrée mais aussi d’intermédiaire entre les plans et les formes urbaines différents des deux quartiers. A l’autre pointe de l’île sied un espace laissé libre pour le moment et servant de terrain vague, ou avec une certaine régularité d’espace pour des évènements publics (fig. 135). Le bâti du quartier est distribué pour la plus grande partie en deux bandes le long des docks, parallèlement à l’axe de l’île, pour profiter un maximum des vues sur la rivière de l’Ij et l’Ijhaven (fig. 136). Un module dimensionnel systématique de 27 mètres de long divise le parcellaire des deux bandes de logement. Les immeubles en mitoyenneté mesurent donc tous 27 mètres de long sur une épaisseur allant de 12 à 13 mètres, à l’exception de ceux en bout des canaux qui se retournent pour former les angles (fig. 138). Ils atteignent une hauteur maximale de neuf étages dans la bande située au nord et de six dans celle au sud, assurant un meilleur ensoleillement de la zone verte centrale et présentent des avancés de corps plus basses sur cour comme des « poinçons » (fig. 137). Des porches ou des failles sont ouverts à travers les deux bandes de logements pour permettre leur traversé et assurer des vues sur l’eau environnant le quartier (fig. 165). 117


147.Vue d’une immeuble d’angle

148.Vue d’une cour et d’un Palazzo au fond

S. Soeters avait choisi six « styles de vie » parmi ceux proposés dans le Woonatlas. Quatre équipes d’architectes116 ont été sélectionnés pour dessiner des immeubles types, qui sont répétés avec quelques variations et répartis de façon aléatoire sur l’ensemble du secteur. Par ailleurs, S. Soeters et d’autres équipes117 ont réalisé sept immeubles singuliers qui sont aussi distribués dans le quartier. Les logements en location privée ou sociale, de même que ceux en propriété, sont indistinctement mélangés. L’image résultant du quartier est une sorte de patchwork exprimant la diversité des logements et des habitants, tout en assurant une certaine unité formelle à l’ensemble : une variation restreinte118. Les immeubles accueillent entre trente-cinq et quarante logements, le plus souvent traversants et correspondant à un même « style de vie », autour d’une circulation centrale. En règle générale, il apparaît une différenciation entre les façades exposées au nord relativement fermées et lisses et celles au sud avec des balcons et des loggias plus animés. Entre les bandes de logements sont créés comme des cours intérieures sans accès pour les automobiles, où prennent place des jardins publics ouverts à toute heure. Ils sont parcourus par des allées servant de circulations douces pour les piétons et les vélos (fig.148 et 149). Une première venelle structurante traverse le quartier d’est en ouest au nord, lui assurant un ensoleillement constant et une seconde en bifurque depuis l’îlot central pour longer les cours par le sud. A l’intérieur des cours se trouvent des sortes de « villas urbaines », immeubles de logements de quatre à cinq niveaux en plots, appelés Palazzi119(fig. 148). A l’instar des éléments en « poinçon » sur les bandes de logements, ils réduisent l’impression 116

Les agences sont : A. Cruz & A. Ortiz, J. Geurst & R. Schulze, KCPA, K. van der Meer. Les agences sont : Atelier Z. van der Pol, AWG & Groep 5, J. Crepain, KCPA, R. Meyer & J. van Schooten, K. van der Meer. 118 D’après J. de Waal, in ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam: urbanism and architecture. 119 De l’Italien signifiant : « immeuble » ou « palais », au singulier Palazzo, d’après Anonyme, « Projekte VO – Projects by : Sjoerd Soeters, Adrian Gueuze, Ben von Berkel, JO Coenen”. 117

149.Vue d’une cour et des allées piétonnes et cyclables

118


de masse de la bande bâtie et offrent un rapport avec une échelle plus intime et conviviale dans les jardins publics.

150.Vue d’une allée traversant un des canaux

151.Vue sur un des canaux

152.Vue des jardins sur cour des maisons

153.Vue de la passerelle « Image »

154.Vue de la passerelle « Science »

Les canaux transversaux sont flanqués d’étroites maisons de ville sur quatre ou cinq niveaux qui séparent les cours intérieures (fig. 150). De la même façon que les immeubles d’habitation, les trente-deux maisons sont construites sur un module, de cinq mètres quarante d’entraxe, et selon des modèles conçus par neuf agences d’architectes120. Elles se répètent et sont positionnés en ordre varié le long des canaux, pour que chacun ait une apparence distincte. Certaines maisons sont basées sur les typologies des habitations traditionnelles amstellodamoises, tandis que d’autres la modifient ou s’en détachent ouvertement (fig.151). Elles disposent de jardins privés sur l’arrière, côté cour (fig. 152), et d’une toiture le plus souvent aménagé en terrasse. Outre la réduction de l’échelle bâtie avec les maisons individuelles, les quais des canaux transversaux sont réalisés un mètre et demi plus bas que les docks, soulignant le passage à un espace plus intime (fig.158). En réduisant la hauteur entre la voie et l’eau, ils permettent aussi d’y amarrer des canots et des petits bateaux pour les habitants des maisons. Ces variations d’échelles et d’ambiances sont perceptibles et plaisantes lorsque l’on traverse l’ensemble par les allées piétonnes. Les petits canaux sont enjambés par deux types de ponts : les premiers permettent le passage de l’axe de circulation au nord et sont tous identiques en maçonnerie de brique, les seconds sont des passerelles piétonnes et cyclables conçus d’après un « alphabet » plastique et des formes diverses représentant chacun un mot et une idée (fig. 153 et 154).

120

Les agences sont : D. Ponce, C. Heuff, J. van Eldonk, G. S. Kruunenberg, J. Boesch, M. Maeseneer, A. Zaaijer, M. Rohmer et R. van Zuuk.

119


Le quartier de Java-eiland est essentiellement résidentiel et ne comprend presque pas d’implantations d’activités. Seule une surface de 5 000 m² répartis en rez-de-chaussée est utilisable pour des espaces de travail réduits, du type agence ou cabinet libéral, et des commerces très limités (fig. 156). Il faut tout de même signaler que si l’île ne possède pas une mixité d’usages, un nouveau quartier de bureaux, équipé aussi de locaux récréatifs et de commerces, prend place sur l’autre rive de l’Ijhaven, sur Piet Heinkade. 155.Vue sur les immeubles du dock sud

156.Vue du restaurant en pied d’immeuble

157.Vue sur l’espace vert entre Java-eiland et KNSM

120


C – Principes et innovations principales

Le développement du Port Est d’Amsterdam, et avec lui du quartier de Java-eiland, a été une opportunité pour une certaine expérimentation. Ce fut une chance comparativement aux nombreuses réalisations entreprises dans d’autres secteurs d’Amsterdam, où l’on ne trouve que des logements locatifs, dans des immeubles uniformes sur quatre niveaux. Si elle s’est faite en douceur, cette rupture, qui intervient à ce que certain considèrent comme un âge d’or de l’architecture et de l’urbanisme des Pays-Bas121, a conduit à ce que le plan de Javaeiland donne une échelle humaine à cette vaste île, en s’intégrant au mieux à son site et en réinterprétant des éléments de la ville traditionnelle. Le programme des logements a été l’occasion de faire un véritable travail novateur sur la mixité sociale.

Le projet de Java-eiland n’a pas pour objectif d’inventer une forme urbaine, et S. Soerters emprunte clairement des principes et des formes issues d’exemples anciens et éprouvés de l’urbanisme. « Les typologies connues y ont été réinterprétés de façon assez inventive suivant le postulat commun que l’habitat est la matière première avec laquelle la ville est constituée »122. Les références et la diversité morphologique s’adapte et sert à mettre en valeur leur emplacement. Il ne dispose des maisons s’inscrivant dans la tradition flamande en alignement très vertical que le long des canaux et place des blocs plus imposants dont l’échelle est en rapport avec leur situation le long des docs et plus élevés au nord qu’au sud pour favoriser l’apport de soleil dans les jardins centraux. Il recrée les variations de

121

D’après H. Ibelings, in ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam : urbanism and architecture. 122 Ibid.

121


158.Vue sur un canal transversal bordĂŠ de maisons individuelles, enjambĂŠ par une passerelle en bout et dont les quais sont rabaissĂŠs pour amarrer des embarcations

122


159.Vue sur les immeubles du dock sur l’Ij montrant la voie de desserte automobile et la densité du bâtie au nord

123


dénivellations typiques des canaux ou avec des ponts les franchissant afin de produire des changements d’échelle et de rythme dans la traversée de l’île. De même, s’il aménage dans les îlots de profonds jardins, à l’instar de ceux privatifs sur cour des maisons des canaux Amstellodamois ou des Béguinages, ils sont publics et les passages les traversant sont utilisables par tous. Les Palazzi sur jardins sont à l’image de maisons de ville, dimensionnés sur les « poinçons » pour diminuer la massivité du bâti entourant les cours. La réutilisation de types éprouvés n’est donc pas le fruit d’un simple formalisme, il permet une mise à l’échelle de l’île et la création d’un quartier morphologiquement complexe. C’était l’un des enjeux de l’aménagement de l’île, de réduire perceptivement la grande dimension du site à une taille plus humaine pour constituer un quartier à l‘échelle des quartiers historiques. Ceci explique le découpage par les canaux, la création de centralité autour des cours intérieures et les variations de statuts et d’échelles entre les différents espaces. A tout moment il cherche à réduire la monotonie qui pourrait régner sur l’île par la répétions du même principe des cinq blocs ouverts équivalents, tout en faisant usage d’une juste répétition pour réduire les coûts de production et assurer une certaine unité au quartier. Il ajoute à ces qualités urbaines un fort rapport à la nature par le paysage, en l’occurrence l’eau de l’Ij et de l’Ijheaven, dont profitent le plus grand nombre des logements, ou des canaux qui sont des lieux à-part-entière, et par les nombreux espaces verts répartis. Toute fois, Java-eiland fut aussi vivement critiqué par plusieurs personnalités de l’art et de l’architecture dans les années 1990. Ils considérèrent comme « criminel »123, frauduleux et rétrograde, le fait qu’au XXe siècle on crée quatre canaux qui traversent l’île, en imitation de ceux intérieurs de la ville et datant du 17e siècle.

123

Paroles de P. Müller rapportées par B. Hulmans, in ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam : urbanism and architecture.

124


160.Vue sur une allée transversale débouchant par une faille sur le dock de l’Ijhaven et l’espace vert central bordé de la bande d’immeubles avec les « poinçons » et d’un Palazzo

125


162.Vue sur l’allée au nord traversant tout Java-eiland à l’intersection avec un des canaux montrant la séquence constitué par l’alternance des types d’espaces et de bâtis

126


De nombreux architectes hollandais et de l’étranger ont participé au projet et y ont laissé une trace au travers d’un catalogue de logements urbains. Cependant, cette multiplicité des architectes, n’a pas été problématique ni préjudiciable dans le développement des quartiers, comme c’est souvent le cas. Ici, grâce à une certaine retenue de leur part et un nombre limité de bâtiment plus ostentatoires, ils sont parvenus à donner au quartier « un sens et des qualités par la cohérence du tout et non par des fragments exceptionnels » 124. Il ne s’agit pas d’une uniformité totale sur le quartier mais d’un jeu subtil de variations et différences, de qualité des extérieurs, de types et de plans de logements, de détails et de finitions. Javaeiland présente une grande homogénéité morphologique, où l’architecture prend part à la cohésion de l’ensemble plus qu’à une collection de particularités. « L’urbanisme dicte les règles ; l’architecture y participe »125. La grande réussite de Java-eiland se trouve dans la manière dont S. Soeters à résolut la mixité du quartier. Comme le souligne J. de Waal126, la différenciation des types de logements selon plusieurs critères assure une mixité socio-économique du projet : des logements de la petite à la grande dimension, des logements locatifs sociaux pour 30%, normaux et de standing pour le reste, des logements en propriété accessibles et de haut de gamme et les typologies du Woonatlas. Il parodie presque le programme, en le séparant et en donnant à chaque élément sa propre image, par contre il prend place sans distinction sur le bord du canal, il n’est pas question de créer une ségrégation socio-spatials mais bien une intégration de tous les habitants. Ici l’utilisation du Woonatlas n’est pas une innovation comme tel, puisqu’il avait déjà été mis en place et utilisé avant le projet. Il s’agit tout de

124

Traduction de l’auteur de H. Ibelings in ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam : urbanism and architecture. 125 Ibid. 126 J. DE Waal in ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam : urbanism and architecture.

127


même d’un apport important comme outil de la programmation et de la conception des logements.

128


163.Vue sur le jardin Taman Sapi montrant la mise à l’échelle de chaque composant du quartier et la diversité des architectures contenue par l’unité morphologique

129


N

Javakade

Jan-Schaeferbrug 0

JARDIN TAMAN SAPI

IJHAVEN

100

200

166.Plan de situa.on

JARDIN KRATON

Seranggracht

JARDIN IMOGIRI

Sumatrakade Majanggracht

Sumatrakade

Lamonggracht

JARDIN TOSARI

Brantasgracht

HET IJ

Azartplein JARDIN BOGOR


2

3

4

5

1

164.Plan masse 1/4000 165.Coupes masse 1/4000

1

2

3

4

5


PARTIE III Synthèse des apports de l’ouverture de l’îlot

131


I – Les espaces ouverts dans les îlots renouvellent les paysages urbains

L’ouverture des îlots conduit à la création de quartiers morphologiquement assez divers, comme le montre l’ensemble de notre étude. Elle produit des espaces et des formes urbaines plus variés que ceux issus des seuls principes de la rue corridor traditionnelle ou des plans masse libres du Mouvement Moderne. La ville retrouve une complexité et tend à rendre sa place au « dessin de ses vides au détriment de celui de ses pleins, le dessin de ses traces au détriment de celui de ses masses »127. Tout d’abord la variété des types d’ouvertures intervient directement dans l’aspect de l’espace des rues en le renouvelant. La création des nouveaux espaces qui sont intégrés dans les îlots participe aussi pleinement à la constitution de lieux particuliers par leurs formes. Au-delà même de cette diversité des lieux, des rapports se créent entre l’espace extérieur de l’îlot et ceux intérieurs apportant des relations visuelles, sonores et spatiales entre les deux.

127

Pierre Micheloni cité dans MAZZONI, C. Les cours de le Renaissance au Paris d’aujourd’hui.

132


167.Plan des espaces ouverts du Spaarndammerbuurt

Espaces ouverts visuels

Relations visuelles

Espaces ouverts passants

Relations passantes

Porches


168.Plan des espaces ouverts des HBM de la Porte de Montmartre

Espaces ouverts visuels

Relations visuelles

Espaces ouverts passants

Relations passantes

Porches


169.Plan des espaces ouverts du Karl Marx Hof

Espaces ouverts visuels

Relations visuelles

Espaces ouverts passants

Relations passantes

Porches


170.Plan des espaces ouverts du secteur Tolbiac de la ZAC Paris Rive Gauche

Espaces ouverts visuels

Relations visuelles

Espaces ouverts passants

Relations passantes

Porches


171.Plan des espaces ouverts du secteur Masséna de la ZAC Paris Rive Gauche

Espaces ouverts visuels

Relations visuelles

Espaces ouverts passants

Relations passantes

Porches

(relations visuelles données à titre indicatif et non exhaustif)


172.Plan des espaces ouverts de Java-eiland

Espaces ouverts visuels

Relations visuelles

Espaces ouverts passants

Relations passantes

Porches


A – La diversité des types d’ouverture dans les îlots enrichit le paysage urbain

La discontinuité en bord de rue peut être enrichissante pour le paysage urbain, ainsi que le souligne Pierre Gangnet128, dès lors que les limites entre l’espace public et privé sont clairement définies par le traitement architectural. L’ouverture des îlots peut prendre des formes très diverses en fonctions des principes la conditionnant. Outre le traitement dans le détail pouvant être particulier pour chaque ouverture, on peut d’abord les classer selon deux échelles d’intervention : l’architecturale, touchant la volumétrie même des bâtiments, et l’urbaine, affectant leur disposition dans l’îlot. D’autre part, il faut rappeler la distinction sur le fait qu’elles soient « passantes » – avec un statut pouvant être semi-public ou public – ou non passantes – c’est-à-dire exclusivement « visuelles » – joue un rôle important dans leur définition. En fonction de ces critères, des ouvertures ayant les mêmes configurations formelles pourront être perçues de manières assez différentes. Cette variété des formes fait que les rues profitent d’un paysage urbain plus complexe.

1 – Il existe deux types d’ouvertures qui touchent l’échelle architecturale, même si leurs effets interviennent pleinement sur le paysage urbain. Le premier dispositif concerne la volumétrie des bâtiments, sans pour autant les traverser. Il consiste à créer des vides relativement importants (de 6 à 23 mètres de longueur sur 5 à 15 mètres de profondeur) en retrait de l’alignement sur rue qui peuvent intervenir depuis le sol – comme dans de nombreux immeubles de bureaux du secteur Masséna – ou à partir d’étages inférieurs – à partir de R+1 jusqu’à R+3 – comme dans certains logements de la même ZAC. S’ils concernent la totalité de la hauteur du bâtiment, ils sont assimilables au principe de la « cour 128

GANGNET, P. et all. Paris Coté cours, la ville derrière la ville.

139


sur rue »129. En règle générale, ils sont clos en rez-de-chaussée et ne permettent qu’occasionnellement un accès privatif aux espaces évidés. Ces ouvertures rompent l’uniformité et la continuité du volume bâti de l’îlot, selon les cas elles apportent à l’espace de la rue des impressions de relief, de ponctuation et de rythme. Le second dispositif architectural consiste à ouvrir des porches relativement vastes, larges de 4 à 10 mètres sur 3 à 6 mètres de hauteur, traversant de part en part les immeubles jusqu’à l’espace intérieur de l’îlot. Comme le souligne Camilo Sitte, ils permettent « d’offrir une fermeture impeccable au regard, tout en se pliant aisément aux exigences de la circulation »130. Selon que les porches soient publics, intermédiaires ou privés, ils peuvent assurer ces différents accès. Ils sont respectivement soit totalement ouverts et de plein-air en faisant place à des rues telles que les arcades du Karl Marx Hof ou à des passages piétonniers telle que ceux du Zaanhof, soit pourvus de grilles tels que les porches des passages du Zaandammerplein, des cours du Karl Marx Hof ou de l’îlot de la Poste du Spaarndammerbuurt, soit enfin clos de portails ou de baies transparentes tels les halls d’immeubles des secteurs Tolbiac et Masséna. Les porches peuvent être combinés avec d’autres principes d’ouverture pour parvenir à des agencements plus complexes, comme ceux du Zaandammerplein qui sont dédoublés, certains du Karl Marx Hof qui sont intégrés dans des retraits du bâtiment et ceux du Zaanhof qui les associent au principe de la faille –que nous verrons ci-après –, pour traverser la double épaisseur des immeubles. Les porches offrent l’ouverture la plus réduite en volumétrie, puisqu’ils interviennent essentiellement au niveau du sol et peu dans l’espace.

129 130

D’après MOLEY, Ch. Entre villes et logements – en quête d’espaces intermédiaires SITTE, C. L’art de bâtir les villes.

140


Cependant leurs effets ne sont pas négligeables dans l’animation plastique de la rue, comme le montrent les arcades monumentales du Karl Marx Hof.

2 – A l’échelle urbaine, les ouvertures se définissent par la création d’une discontinuité entre des édifices placés en alignement sur la périphérie de l’îlot, que l’on nommera une faille. En fonction de ses dimensions et de son caractère passant ou non, elle peut prendre des aspects très différents. Les ouvertures les plus structurantes sont celles créées par les ruelles internes aux îlots qui permettent un accès des véhicules. Elles sont le plus souvent formellement semblables à des rues classiques, avec un bâti les bordant latéralement en continuité de celui sur rue comme sur la place du Zaandammerplein. Le bâti peut être aussi à son tour occasionnellement ouvert – de cours sur rue dans les ruelles en Y des HBM Arthur Ranc, de failles de passage le long des canaux et du dock de la Java-eiland et de porches traversant le bâti dans le Zaanhof. Dans les deux premiers exemples, le Zaandammerplein et les HBM, on trouve aux angles du bâti de ces ouvertures des pans-coupés semblables à ceux situés aux intersections des rues courantes, marquant que la distinction entre le statut des deux est limitée. Cependant, elles s’en différencient par des dimensions souvent plus réduites – entre 9 à 11 mètres de largeur contre 14 à 20 pour les rues –, un tracé ne servant qu’à une desserte locale des immeubles et un traitement particulier au sol. Spatialement et plastiquement, les ruelles n’apportent pas une amélioration notable des rues dans les différents quartiers, puisqu’elles ne s’en distinguent que peu, exception faite de celles du Zaanhof où l’architecture y prend des dispositions particulières en close et dans Java-eiland où elles s’adaptent à la présence des canaux et des docks. Dans un second ordre, on trouve les failles qui ouvrent des passages publics, à travers lesquelles la circulation est strictement piétonne et occasionnellement cyclable. Elles sont traitées selon deux types : soit comme des « brèches » coupées, soit avec un véritable retour 141


de l’immeuble. Les « brèches » conservent la lecture du pignon entre les immeubles, avec des façades partiellement aveugles, comme dans certains îlots de logement du secteur Tolbiac et dans la Java-eiland. Les ouvertures qu’elles créent sont dans la plupart des cas de dimensions assez réduites, de 6 à 8 mètres de largeur. Si elles ouvrent le bâti en conservant nettement l’image de l’îlot, elles constituent un apport plastique moindre au paysage urbain en disposant d’un traitement certes particulier mais moins riche. Dans le secteur Tolbiac les « brèches » peuvent être partiellement obstruées par l’aménagement de balcons, de terrasses ou de parties de logements en surplomb qui limitent mais conservent la perméabilité tout en les agrémentant formellement. Dans le second type, les failles sont souvent plus larges – de 6 à 19 mètres – et les immeubles les bordant disposent d’une façade à part entière, comme s’il s’agissait d’une façade sur un espace public classique. Ce principe est utilisé assez ponctuellement, on en trouve un exemple dans le passage du secteur Masséna, deux dans celui de Tolbiac, dans l’escalier du Zaandammerplein et dans les placettes du Zaanhof. Dans ces cas, l’espace du passage offre une véritable ouverture originale où le traitement architectural et occasionnellement celui du sol offrent de véritables espaces urbains. Enfin, on trouve les failles ne permettant pas un passage public car elles sont closes de grilles ou de murets. Elles peuvent cependant selon les cas offrir un accès contrôlé privatif ou collectif aux espaces internes et aux logements. Leurs dimensions peuvent tout autant être similaires – de 6 à 9 mètres de largeur – par rapport à celles des ruelles ou des passages, que bien plus amples – jusqu’à 55 mètres dans les HBM –. Dans le premier cas, les failles créent une discontinuité dans le bâti qui ponctue le paysage urbain mais conserve clairement l’intégrité morphologique de l’îlot. De la même manière que pour les passages, elles peuvent avoir des façades quasi aveugles, en « brèche », telles que celles des accès aux immeubles du secteur Tolbiac ou des façades traitées en retour, telles que les deux failles qui ouvrent l’îlot 142


nord des HBM Arthur Ranc ou les passages privés du secteur Camille Flammarion et certains du secteur Masséna. Dans le second cas, plus les failles sont larges plus elles dissipent fortement la forme de l’îlot et font directement participer les espaces internes au paysage urbain. Les immeubles sont ici tous traités avec des façades en retour, qui dans les îlots autour du square central du secteur Camille Flammarion ne se différencient pas entre l’intérieur, l’extérieur et la faille, alors que dans les immeubles de logement du secteur Masséna l’architecture met plus librement en valeur les différentes situations.

B – Les nouveaux espaces urbains créés dans les îlots constituent de véritables lieux particuliers

On doit tout d’abord relever le fait que l’ouverture des îlots n’est pas garant de la quantité en surface des espaces publics. En effet, le secteur Masséna en possède le plus fort ratio – 32% contre 14 à 28% pour les autres (Annexe I) – et ne compte qu’un petit passage ouvert. Néanmoins, l’ouverture des îlots offre une diversité dans le traitement des espaces générés en leur sein. Face aux profils et aux dimensions réglés des rues, les ouvertures, les resserrements et les dilatations qu’ils créent les ponctuent et leur donnent des espaces de respiration131. Elles permettent aussi de signifier certains lieux, non plus seulement visibles mais accessibles depuis l’espace public, qui apportent une véritable diversité spatiale au paysage urbain. Ceci est d’autant plus vrai que l’on assiste souvent dans le même ensemble à une mise à l’échelle et à un traitement spécifique de chacun de ces lieux, pour mettre en 131

D’après GANGNET, P. et all. Paris Coté cours, la ville derrière la ville.

143


valeur un caractère propre. Ils peuvent acquérir une signification comme repère urbain et favoriser la lisibilité du quartier. Pour cela, les quartiers comptent en grande part sur l’agencement et la combinaison des différents types d’ouvertures vus précédemment et du bâti, ainsi que sur le statut de l’espace ouvert, plus ou moins public ou privé.

1 – En premier lieu, on remarque l’ouverture de l’îlot par des espaces en dégagement assurant la création de lieux publics directement en contact avec la rue. On distinguera d’abord les plus classiques d’entre eux : les passages piétonniers, que l’on trouve par exemple dans les secteurs Tolbiac et Masséna. Ils traversent l’îlot par un passage public dont l’agencement est analogue à celui d’une rue classique. Cette disposition offre une originalité spatiale réduite mais l’image la plus simple et identifiable pour les usagers. Lorsque les dégagements sont partiellement entourés ou clos de constructions, ils offrent des dispositions en placettes ou parvis de dimensions modestes, entre 10 et 31 sur 14 et 28 mètres. Dans le Spaarndammerbuurt, on en trouve trois exemples parmi les plus représentatifs : une placette double en vis-à-vis entre les îlots de la Poste et du Zaanhof, un petit parvis au niveau du bâtiment du lycée technique du Zaandammerplein et un second dans le Zaanhof en continuité du passage sous porche sur la Zaanstraat. Comme le rappelle Pierre Pinon132, la disposition des dégagements en dent creuse, c'est-à-dire n’ouvrant que sur un seul espace, n’est pas la plus judicieuse, à l’instar de celle à l’angle nord du Zaandammerplein. Le secteur Masséna offre un autre exemple de ce type dans l’îlot à l’est de la rue des Grands Moulins, le long de l’avenue de France.

132

D’après PINON, P. Lire et composer l’espace public.

144


Le petit jardin qui lui est adossé et celui au nord du square des Grands Moulins appartiennent au troisième type d’espace en dégagement sur rue : les jardins publics implantés en bordure de l’îlot. Ils présentent certaines de leurs faces à la rue, les autres étant protégées par le bâti qui les longe. On retrouve aussi cet agencement dans la Spaarndammerplantsoen, la place du 12 Februar du Karl Marx Hof et le jardin à l’est de Javaeiland.

2 – En second lieu, on trouve les espaces intérieurs qui ne sont pas en contact direct avec les rues. Dans un premier cas, il s’agit d’espaces ayant un statut pleinement public, c'est-à-dire que leur traversée et les usages éventuels de ces lieux sont offerts à tous, habitants et passants. Ils ont des dimensions relativement larges, de 15 sur 15 jusqu’à 90 sur 135 mètres, sont le plus souvent traités en squares public et peuvent aussi accueillir de petits équipements – une église, un jardin d’enfants, une école, des bains-douches, etc. Malgré les dimensions assez vastes de certains, ces espaces ont une configuration suffisamment fermée à même de créer de véritables « pièces » urbaines, dans le sens de Camilo Sitte133. On en distingue un premier type, occupant presque la totalité de l’espace intérieur de l’îlot. Ils sont ouverts et le passage public s’effectue directement au travers, comme dans les quatre jardins semi-publics du Karl Marx Hof et les cœurs d’îlot de Java-eiland. Ce dernier exemple est à nuancer puisqu’il intègre sur sa bordure intérieure des espaces privatifs relevant de la troisième catégorie que nous aborderons ci-après. Dans le second type, espaces centraux aménagés de jardins sont bordés d’une voie de circulation pouvant être : mixte, comme dans le Zaanhof, exclusivement piétonne, comme pour le square G. Duhamel du secteur Tolbiac, ou combiner les deux, comme dans le square 133

SITTE, C. L’art de bâtir les villes.

145


J. Joyce de celui-ci. Dans ces deux derniers, les deux squares sont clos de grilles qui en interdisent l’accès la nuit. Enfin, on trouve un troisième type d’espace public dans les HBM du secteur Arthur Ranc, où les ruelles en Y forment des placettes centrales, et dans le Zaandammerplein, où l’espace central est occupé par une esplanade bordée de voies et par un jardin d’enfants et de terrains de sport. Cette disposition est celle offrant le moins d’intérêt car les espaces publics créés sont relativement pauvres, soit par la trop grande présence des véhicules dans les HBM soit par un manque de contenu et de qualification de l’espace dans la Zaandammerplein.

3 – Pour finir, on assiste à la modification du statut des cours intérieures d’îlots privées par la présence de traversées publiques, toutefois limitées au sol. Les espaces intérieurs acquièrent alors un statut particulier et intermédiaire. Ils conservent un caractère fortement privatif, puisqu’à l’intérieur le sol est principalement dévolu à des usages soit individuels de jardinets et de terrasses comme dans l’îlot de la Poste et le Zaanhof, soit collectifs de cours et de plantations collectives comme dans le secteur Tolbiac et le Zaandammerplein. De plus, ils restent relativement fermés sur eux-mêmes par le périmètre bâti et ont des dimensions plus réduites par rapport aux précédents espaces, cours de 20 sur 30 mètres ou bandes d’environ 15 mètres de largeur. Néanmoins, le passage de ces traverses ouvertes en permanence – seul le Zaandammerplein et l’îlot de la Poste comptent un dispositif de clôture la nuit – les font pleinement participer au domaine public de la ville. Ils lui offrent des lieux particuliers plus retirés, en relation directe avec les aménagements paysagés des espaces privés des îlots. Les îlots de la Java-eiland offrent une version intermédiaire entre cette disposition et la précédente. Les vastes espaces intérieurs sont bordés de plantations collectives et de petits jardins individuels le long du bâti, les passages les séparant des espaces verts public au cœur des îlots. 146


C – L’articulation entre la rue et le cœur de l’îlot offre des mises en relation originales

Au-delà de la création de formes diversifiées et d’espaces originaux offerts au paysage urbain, l’ouverture des îlots produit des rapports perceptifs directs entre l’extérieur et l’intérieur, voire tout au travers de lui. Nous aborderons principalement les sens les plus sollicités dans l’espace public : la vue et l’ouïe, à savoir que nous n’excluons pas de la perception spatiale les autres sens, mais nous ne les détaillerons pas sauf exception. Le contact physique sera étudié spécifiquement plus tard (cf. section « IV – La diversité des espaces de circulation au sein des îlots multiplient et agrémentent les déplacements »). Cette mise en relation prend des formes originales et diverses en fonction des configurations précédemment citées. On peut les regrouper selon trois ordres, selon qu’elles soient superficielles et ne perçant pas le bâti, qu’elles pénètrent le bâti de façon plus ou moins large pour mettre en relation la rue et le cœur de l’îlot ou qu’elles traversent aussi la totalité de l’îlot pour offrir des relations plus lointaines. Ces échappées visuelles sur la ville ou certains éléments particuliers sont autant de moyens de repère pour sa meilleure lisibilité.

1 – Le rapport le plus limité et créant le moins d’effets est mis en évidence dans les dispositifs en redents ou en « cours sur rue ». On en trouve nombre d’exemples dans le secteur Masséna, surtout dans les immeubles de bureau et dans quelques immeubles de logement. Tout d’abord, ils n’offrent que des vues superficielles dans l’îlot, en ne perçant pas totalement le bâti et en n’ouvrant que sur des espaces assez réduits. Cependant, ces ouvertures décloisonnent en partie l’espace de la rue et lui apportent des dilatations et des rythmes, par le jeu plus ou moins sculptural des volumes et de leur profondeur dans l’îlot. Elles permettent aussi différents angles de vue latéraux et plus reculés sur les édifices ouverts, de même que des dégagements originaux sur la végétation plantée le cas échéant et 147


vers le ciel134. Ces espaces ne constituent pas de véritables intériorités et le rapport au bruit y est équivalent à celui directement sur rue. Selon les situations et les orientations, ces vides peuvent offrir un apport de lumière solaire direct à la rue en fonction des heures de la journée et constituer des jeux d’ombre et de lumière135.

2 – Les ouvertures offrant un rapport direct entre l’espace de la rue et celui de l’intérieur de l’îlot assurent des relations plus complexes et variées. Elles offrent des percées qui comme précédemment aèrent les rues et les décloisonnent. A l’instar des redents et des cours sur rue, ces ouvertures peuvent selon les cas offrir un apport de lumière solaire direct à la rue en fonction de l’orientation et des dimensions de l’ouverture. Elles y associent des vues nouvelles et variées sur les bâtiments, avec un autre rapport que celui exclusivement frontal ou tangentiel des rues corridors, et les intérieurs d’îlots. On assiste à une nette réduction de la hiérarchie dans les rapports de vision du quartier. Tous les espaces deviennent plus ou moins identiquement visibles, et traduisent une sincérité de l’aménagement des îlots, sans distinction entre l’ancien « avant » sur rue du paraître et l’« arrière » sur cour délaissé. L’intérieur de l’îlot n’est plus caché et devient lui aussi l’espace d’une certaine représentation des édifices. Il faut d’abord rappeler la distinction entre deux des types d’ouvertures concernées : celles en porches et celles en failles, qui n’offriront pas exactement les mêmes conditions. Dans tous les cas néanmoins, plus l’axe dégagé par l’ouverture dans l’îlot est profond, comme dans les passages de la Java-eiland ou les ruelles en Y des HBM Arthur Ranc, plus le rapport visuel pourra être intéressant, en permettant de percevoir plus amplement l’intérieur de 134

Idée défendue dans son projet par Ch. de PORTZAMPARC, in Cahier des charges particulières d’urbanisme et d’architecture 135 Ibid.

148


l’îlot, son architecture et son traitement paysagé. La largeur de la faille joue aussi un rôle déterminant dans les rapports entre les deux espaces. Les porches ou les failles les plus étroites – comme par exemple celles du secteur Tolbiac ou de la Java-eiland – offrent plus des ponctuations visuelles focalisés depuis la rue, telles des fenêtres ou portes urbaines, puisqu’ils ne permettent les vues à l’intérieur que lorsque l’on se trouve exactement dans leur axe. Les porches comparativement aux failles dégagent une vue plus partielle et limitée en hauteur. Ces deux types d’ouvertures ont cependant l’avantage d’assurer une certaine protection des espaces internes face aux possibles nuisances de la rue, de même qu’une certaine autonomie et une identité propre vis-à-vis des espaces urbains extérieurs, comme le montrent les cours de la Java-eiland ou celles du Karl Marx Hof. La présence de dispositifs de clôture, notamment les grilles et les portails, peuvent altérer la perception dans l’esprit des personnes. Malgré la transparence qu’elles offrent sur les espaces et la progressivité des statuts, ils se réfèrent inévitablement à l’image négative de l’enfermement. On comprend l’importance du soin à apporter dans leur dessin quand elles sont nécessaires, ainsi que le montrent les grilles imposées pour le secteur Masséna ou les clôtures végétales de Javaeiland. Quand les ouvertures sont plus amples – au-delà de 20 mètres de large et pouvant prendre place aux angles des îlots comme dans le secteur Masséna – la relation est d’autant plus forte entre la rue et les espaces internes. Elles offrent une plus vaste impression d’espace à la rue qui s’en voit nettement dilatée, au risque parfois de modifier la lisibilité de la forme générale de l’îlot, comme dans ceux le long du square du groupe Camille Flammarion des HBM ou dans le secteur Masséna. Elles apportent un agrément notable dans le paysage de la rue en libérant pleinement la pénétration de la lumière et en lui faisant entièrement profiter des qualités de l’intérieur de l’îlot, quand il est paysagé à l’instar d’un grand nombre du 149


secteur Masséna. De ce point de vue, il est regrettable que les espaces libres intérieurs des HBM ne soit pas traités avec plus de soin et ne jouent que partiellement ce rôle. D’autre part, dans cette configuration aussi bien l’intimité de l’espace central de l’îlot que sa protection vis-à-vis des nuisances tel que le bruit sont nettement altérés.

3 – Sur la base de cet agencement, on peut trouver des variantes où les ouvertures de part en part de l’îlot forment un axe le traversant. Elles possèdent les mêmes qualités et les mêmes apports respectivement à leurs différentes dispositions que précédemment. A cellesci s’ajoutent en premier lieu la création de vues plus lointaines qui peuvent constituer des perspectives plus ou moins fermées sur les édifices ou les aménagements paysagers du quartier comme dans les deux passages du secteur Camille Flammarion ou des axes de focalisation sur certains équipements ou monuments comme dans le secteur Tolbiac sur la Bibliothèque Nationale de France. Le quartier du secteur Masséna en présente l’exemple le plus développé où la disposition des édifices en plots offre une infinité de vues au travers des îlots sur les jardins aménagés et l’architecture des immeubles. Par la même occasion, ces échappées visuelles peuvent orienter et favoriser les cheminements dans le quartier quand les ouvertures sont des passages publics (cf. section « IV – La diversité des espaces de circulation au sein des îlots multiplient et agrémentent les déplacements »). Dans le cas particulier de Java-eiland, l’ouverture des canaux et des failles pour les passages piétonniers mettent en rapport des éléments extérieurs à l’îlot, les bras de l’Ij et l’Ijhaven, permettant la lecture de sa situation particulière d’île136.

136

ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam : urbanism and architecture

150


II – Le bâti exploite une plus grande liberté de formes et d’aménagements

Les principes d’ouverture des îlots peuvent apporter une plus grande liberté d’implantation des immeubles et une diversité architecturale au sein des quartiers ainsi construits. Tout en suivant la règle, tacite ou dictée, d’un alignement sur les rues, les îlots ne constituent plus systématiquement un front bâti continu et peuvent plus ou moins se fragmenter en édifices plus libres formellement. La multiplication des façades offre une plus grande représentation des édifices dans la ville comparativement aux quatre pans, ou plus selon la forme, d’un îlot bâti classique. Cette flexibilité de l’implantation et la variété des formes architecturales pouvant en découler, est à même d’offrir une plus grande richesse plastique aux quartiers. Face aux constructions autonomes mais identiques du mouvement moderne, la diversité est ici retrouvé comme qualité spatiale et plastique de la ville, tout en maintenant une cohérence spatiale et d’échelle du quartier.137 Elle est aussi une manière de qualifier, d’après Pierre Pinon138, elle permet de mieux se repérer et de lire la ville.

137 138

D’après ZIMMERMANN, A. « Le retour dans l’îlot ouvert » PINON, P. Lire et composer l’espace public.

151


173.Plan d'épannelage du Spaarndammerbuurt

de R+0 à R+1

de R+6 à R+7

de R+2 à R+3

de R+8 à R+9

de R+4 à R+5

au delà de R+10


174.Plan d'épannelage des HBM de la Porte de Montmartre

de R+0 à R+1

de R+6 à R+7

de R+2 à R+3

de R+8 à R+9

de R+4 à R+5

au delà de R+10


175.Plan d'épannelage du Karl Marx Hof

de R+0 à R+1

de R+6 à R+7

de R+2 à R+3

de R+8 à R+9

de R+4 à R+5

au delà de R+10


176.Plan d'épannelage du secteur Tolbiac de la ZAC Paris Rive Gauche

de R+0 à R+1

de R+6 à R+7

de R+2 à R+3

de R+8 à R+9

de R+4 à R+5

au delà de R+10


177.Plan d'épannelage du secteur Masséna de la ZAC Paris Rive Gauche

de R+0 à R+1

de R+6 à R+7

de R+2 à R+3

de R+8 à R+9

de R+4 à R+5

au delà de R+10


178.Plan d'épannelage de Java-eiland

de R+0 à R+1

de R+6 à R+7

de R+2 à R+3

de R+8 à R+9

de R+4 à R+5

au delà de R+10


A – L’ouverture des îlots accompagne une diversité des dispositions et des formes du bâti

La conservation de la forme de l’îlot construit sur sa périphérie, à l’inverse de l’urbanisme Moderne, mais dans laquelle les édifices ne constituent plus systématiquement un front bâti continu, comme dans la ville traditionnelle, autorise une grande diversité de leurs aménagements. Elles réutilisent et surtout combinent, plus ou moins, les trois types de bâti que l’on retrouve communément : le bâti planaire – fait de vastes masses perforées de cours –, le bâti linéaire et continu et le bâti ponctuel et isolé139. Cette liberté dans l’aménagement du plan masse permet la disposition d’une variété de typologies et d’échelles des édifices.

1 – Tout d’abord on trouve quelques utilisations d’aménagements selon les types déjà établis. La partie monumentale entre la place du 12 Februar et la Boschstrasse du Karl Marx Hof est strictement linéaire et continue pour les accompagner ainsi que relier le hof. On trouve certains édifices isolés comme l’école du Spaarndammerbuurt et les maisons au bout du Zaanhof, les Palazzi de Java-eiland et la chapelle du secteur Tolbiac. Comme le montre leur affectation ou leur appellation, ils ont vocation à être des éléments à connotation particulière ou symbolique. L’aménagement le plus fréquemment rencontré dans les quartiers est constitué par la combinaison des types de bâti planaire et linéaire, qui peut être plus poussé sur l’un ou l’autre de ses deux principes. Il se caractérise par la délimitation claire de l’îlot sur la rue en constituant à première vue une masse ou un front, pouvant être atténué par les failles, à l’instar du groupe Camille Flammarion et de l’îlot nord du groupe Arthur Ranc des HBM, du 139

Pour plus de précisions se référer à PINON, P. Lire et composer l’espace public.

158


secteur Tolbiac et de Java-eiland. A l’intérieur de l’îlot, toutefois, l’espace est unifié et majoritairement évidé, et le bâti en périphérie ne constitue qu’une bande linéaire relativement étroite – de 11 à 20 mètres –, comparativement à la profondeur de l’îlot. Le Karl Marx Hof et le Spaarndammerbuurt utilisent aussi cette même disposition dans l’ensemble de leurs îlots. Les groupes cités des HBM de la Porte de Montmartre y apportent la présence des constructions en redent à l’intérieur des cours, qui sont des éléments linéaires placés orthogonalement. De même, les « poinçons » de la bande d’immeuble de Java-eiland modifient la linéarité sur l’intérieur en apportant des éléments isolés. Dans ces deux exemples, les rajouts internes n’altèrent pas profondément l’ordre global de l’îlot, mais traduisent une conception plus planaire. On trouve d’autres combinaisons utilisées de manières moins courantes. Les HBM du groupe Arthur Ranc et les immeubles le long de la Seine du secteur Tolbiac répondent à un second assemblage, avec respectivement des édifices isolés présentant une linéarité ou continus mais fragmentés en plusieurs immeubles. Ils se caractérisent par un bâti relativement ponctuel, aux constructions séparées les unes des autres. Les édifices, à l’emprise plus réduite que précédemment, se placent tout de même de manière linéaire le long des voies avec une épaisseur toujours de l’ordre de 12 à 20 mètres. Les blocs de bureaux du secteur Tolbiac sont des édifices isolés conçus sur des principes planaires, en ce que chaque îlot est bâti d’un seul immeuble autonome, dont l’organisation interne est massive, avec des vides inférieurs aux pleins et parfois découpés en plusieurs cours réduites. Enfin, certains aménagement en cherchent à constituer des îlots planaires à partir d’édifices isolés, comme les petits équipements entre cours et rues du Karl Marx Hof et surtout l’ensemble des îlots du secteur Masséna. En s’alignant sur la rue, les constructions, pourtant indépendantes, redéfinissent « une paroi de rue »140 et une certaine unité de l’îlot. 140

PORTZAMPARC, Ch. de. Cahier des charges particulières d’urbanisme et d’architecture.

159


2 – Outre la variété des dispositions du bâti, l’ouverture des îlots permet d’accueillir une grande diversité typologique d’édifices. Sans refaire un catalogue exhaustif des formes possibles, rappelons toutefois les plus particulières. Si nous partons de la plus petite échelle, abordons les maisons de ville individuelles adossées qui se trouvent à l’arrière de l’îlot de la Poste du Spaarndammerbuurt ou sur les canaux de Java-eiland et celles isolées à l’extrémité du Zaanhof. Ces constructions abaissent ponctuellement les dimensions du bâti dans leurs quartiers – entre deux à cinq niveau –, apportant une réduction d’échelle et un accompagnement des lieux particuliers, comme nous l’avons vu dans le détail des descriptions. Dans ce même objectif, certains immeubles adoptent des gabarits plus petits – trois ou quatre niveaux – que la moyenne de ceux les environnant, à l’image des fausses maisons de ville à l’intérieur du Zaanhof et des blocs en « poinçon » ou en Palazzo de Javaeiland. Les petits équipements offrent des formes et des dimensions réduites se distinguant du reste bâti. Quant ils s’intègrent à des immeubles, ils peuvent en changer l’uniformité, à l’instar de la société autrichienne pour la réforme du logement du Karl Marx Hof et des écoles en pied d’immeuble des secteurs Tolbiac et Masséna. Ils peuvent aussi prendre une place à part entière dans le bâti de l’îlot et y créer un événement plastique, comme, la poste et l’école du même îlot du Spaarndammerbuurt, le lycée du Zaandammerplein, ou une rupture d’échelle, comme l’école sur la rue Balanchine du secteur Tolbiac. Ils peuvent enfin s’en isoler et constituer des objets autonomes avec leur part symbolique et de représentation – école du Spaarndammerbuurt dans la cour du Spaarndammerbuurt, équipements à l’intérieur du Karl Marx Hof et chapelle du secteur Masséna –. La majeure partie du bâti constituant les quartiers étudiés sont des immeubles possédant entre cinq et sept niveaux. Logiquement, et sachant que l’emprise du bâti est similaire dans tous les quartiers – entre 20 et 35% –, les moins denses tendent à avoir les plafonds les plus 160


bas, Karl Marx Hof et Spaarndammerbuurt, et les plus denses les plus hauts, HBM et secteur Tolbiac (celui de Masséna possède un épannelage trop irrégulier pour être associé dans cette comparaison). Le nivellement du bâti peut être parfaitement homogène dans un quartier, comme dans les immeubles sur rue du Spaarndammerbuurt – et malgré les différents découpages possibles des toitures –, les HBM du groupe Arthur Ranc ou le long des docks de Java-eiland, ou présenter de petites variations. Ils peuvent assurer le respect de meilleurs prospects en descendant d’un niveau dans le cas de cours trop petites, comme dans le groupe Camille Flammarion, accompagner et souligner un site présentant un topographie irrégulière, comme dans le secteur Tolbiac, ou mettre en valeur en se surélevant à certains endroits particuliers, comme dans les immeubles des porches sur rue du Karl Marx Hof et les angles et pignons du précédant groupe HBM. Certains immeubles dépassent ces hauteurs moyennes pour atteindre de neuf à douze niveaux. Dans le Karl Marx Hof la partie centrale sur le jardin 12 Februar joue un rôle essentiellement monumental et symbolique. Mais dans la plupart des cas, ils servent surtout à augmenter la densité bâtie en compensation des espaces libérés au sol. C’est le cas des immeubles de bureaux que l’on trouve le long de l’avenue de France des quartiers Tolbiac et Masséna. Dans la Java-eiland, une des bandes de logement adopte aussi un plafond plus élevé que le reste du quartier mais, comme nous l’avons vu, elle se place au nord pour éviter d’ombrager les cours, se pare à l’intérieur des « poinçons » réduisant la perception d’une barre et crée une façade plus imposante sur la mer Ij. On distingue le cas particulier du secteur Masséna où les édifices prennent librement des dimensions variées, dans le respect toutefois des règles définies par le Cahier des Charges et la limite des 42 mètres du plafond parisien. Les immeubles d’habitation composent en général des plots ou petites tours, allant de sept à treize étages, accompagnées au sol d’une base plus ou moins étendue de deux à quatre niveaux. Les formes donc dictées par le 161


compromis entre les contraintes réglementaires, la recherche de la densité construite et celle de la plus ou moins grande qualité plastique de l’objet architectural.

B – Les aménagements tirent différents partis des apports qu’offre cette diversité du bâti

Outre la potentielle fragmentation et variétés des formes du bâti, l’ouverture des îlots permet de composer des quartiers avec des morphologies particulières. En effet, ces principes offrent une grande souplesse de mise en œuvre et permettent une grande diversité d’aménagements possibles. Cette liberté formelle ne se traduit pas uniquement par une quête d’originalité dans la composition des quartiers. Elle accompagne souvent la mise à l’échelle et la création de rapports particuliers entre le bâti et les espaces des îlots. Même quand des quartiers atteignent une certaine autonomie des formes, ils parviennent le plus souvent, à s’intégrer à leur environnement urbain, qu’il s’agisse aussi bien du site que des constructions mêmes.

1 – De la diversité des formes et des dispositions possibles du bâti, résulte rarement une accumulation incohérente d’objets architecturaux, mais bien des compositions urbaines à part entière. La souplesse de mise en œuvre et la diversité des formes et des espaces que peuvent offrir les principes d’ouverture de l’îlot conduisent à une diversité morphologique. Tout d’abord, on trouve les quartiers dont l’aménagement est le plus uniforme et qui offrent le moins de richesse dans le bâti et les espaces libres. Le Karl Marx Hof est le quartier présentant l’aménagement le plus systématique et le plus rigide. Mis à part la place du 12 Februar et le traitement des rues traversant le hof, il présente peu de variations formelles par rapport à un îlot classique clos. De même, dans les deux groupes des HBM, s’ils 162


présentent une composition géométrique complexe, leurs plans masse possèdent un moindre intérêt morphologique par l’uniformité de leurs immeubles. Dans la majorité des quartiers on assiste à la composition d’un tissu associant une certaine harmonisation et continuité des formes autour des îlots, tout en laissant une liberté architecturale et un refus de l’uniformité et de la monotonie. Pour cela, le plus souvent la définition des espaces publics, et a fortiori ceux en cœur d’îlot, précède et subordonne celle du bâti. La continuité, non dépourvue de certaines originalités, des plans du Spaarndammerbuurt, du secteur Tolbiac et de Java-eiland prévaut sur la diversité de leurs formes architecturales. Il y existe un certain nombre de règles qui y stipulent un cadre unificateur, tacite entre les architectes du premier141 ou dictés par un projet urbain dans les seconds, permettant la juxtaposition des interventions et assurant le maintien des vides. On peut y critiquer un déficit de complexité dans certains cas, ne laissant pas assez de liberté aux architectes : limitation des formes des immeubles, réduisant les possibilités de variation des typologies internes, uniformité seulement agrémenté par le traitement des façades et des toitures. Cependant, ils semblent réussir un certain compromis entre l’unité nécessaire à un quartier et une certaine diversité architecturale. A l’inverse, si le secteur Masséna définit aussi clairement l’espace public et les îlots par les rues, son traitement est dépourvu de grandes originalités. A l’instar des principes du « townscape » de Gordon Cullen142 sur la continuité urbaine et la discontinuité architecturale, Ch. de Portzamparc décide de dicter une règle donnant une plus grande liberté aux architectes. On reconnaît les réussites du secteur Masséna dans le découpage en plan successif des vues sur le quartier et la sculpture de l’épannelage. Toutefois, comme il le 141 142

D’après CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre Cité d’après PINON, P. Lire et composer l’espace public.

163


reconnaît lui-même, le résultat ne présente pas que des réussites et reflète deux des écueils de l’architecture contemporaines : des édifices tertiaires presque uniformes, avec leurs façades rideau en verre, et un « zoo urbain » fait d’immeubles hétéroclites paraissant vouloir tous se contredire143. Le patchwork que peut provoquer cette trop grande créativité semble montrer les limites de la logique des constructions objets pour réaliser un espace urbain. 144

2 – Il a été ponctuellement souligné, l’introduction d’une plus grande diversité d’édifices – maisons de villes, petits ou grands collectifs, linéaires ou verticaux, etc. n’est pas issue seulement de la volonté d’une originalité formelle ou d’une nostalgie des typologies historiques. Elle cherche surtout à assurer la mise à l’échelle du bâti pour accompagner et créer des lieux particuliers ouverts dans les îlots, comme dans les Spaarndammerbuurt et Java-eiland, où ils composent des espaces plus petits et pittoresques. Dans certains cas, à l’instar du Karl Marx Hof, le bâti magnifie et met en scène des espaces du quartier. Dans l’ensemble des quartiers, exception faite du secteur Masséna, l’architecture de certains édifices qualifie complètement les espaces qu’ils accompagnent. Par ailleurs, certains dispositifs permettent de réduire la massivité perçue des constructions. Les failles, les décrochements, les retraits des corps de bâtiment réduisent le sentiment de densité de certains quartiers, comme dans les secteurs Tolbiac et Masséna – de densités bâties à la parcelle respectivement de 5,9 et 4,4 contre 1,7 à 3,6 pour les autres (Annexe IV). Les HBM sont fractionnées et suivent des principes de composition des voies : axes, sinuosités, perspectives fermés… destinés à réduire l’impression d’ennui et de densité des ensembles – valeur de 4,2 –. En général, ces quartiers combinent les pleins et les vides de 143 144

D’après PORTZAMPARC, Ch. de. Architecture : Figures du monde – Figures du temps. Paris ZIMMERMANN, A. « Le retour dans l’îlot ouvert »

164


façon a donner un caractère aux masses architecturales et ménager des échappées vers les espaces plantés.

3 – Enfin, on note que même si les quartiers réalisés selon les principes d’ouverture de l’îlot, apportent certaines originalités formelles et spatiales, ils parviennent le plus souvent à parfaitement s’intégrer dans leur environnement –. Il est entendu que dans cette section ne seront abordés que les quartiers contemporains, les trois réalisations du début du XXe étant certes une évolution de la ville historique, mais de la même époque voire antérieure à leur environnement. Nous avons déjà plus ou moins abordé le fait qu’une majorité des quartiers pouvaient s’appuyer sur les caractéristiques de leurs sites pour ancrer leurs aménagements, voire pour mettre en valeur des caractéristiques particulières : pente et quai de Seine du secteur Tolbiac, bordure de dock et dimensions de l’île de Java-eiland, etc. L’intégration au tissu urbain environnant est réalisée par la production de continuités et de régularités, dans la relation lisible avec l’existant. Tout d’abord, le bâti reprend ou interprète souvent des gabarits et des typologies issues de la ville historique. Sans qu’il s’agisse de pastiches, ils tentent de renouer le dialogue avec elle, comme dans les secteurs Tolbiac et Java-eiland. On y retrouve un tracé rigoureux, des espaces publics clairement définis autour desquels sont contenus les espaces bâtis, tandis qu’un travail de coordination suivi précise le découpage au sol des opérations et les types architecturaux auxquels elles doivent obéir. De même, la « mitoyenneté paisible »145, leur permet de se développer dans le temps et dans l’espace tout en conservant une forte identité d’elle-même. Mais ces types sont interprétés par des écritures architecturales différentes qui enrichissent le paysage urbain de ses rues et espaces. 145

D’après GANGNET, P. et all. Paris Coté cours, la ville derrière la ville.

165


Enfin, le secteur Masséna, par son caractère hybride entre la ville historique et la ville moderne, créé un intermédiaire pouvant relier les deux de manière plus harmonieuse. Comme les autres quartiers, il présente un rapport physique entre les pleins et les vides de la première, pouvant être décrit en termes de proportions et de qualités visuelles, tandis que ses immeubles autonomes bordés d’espaces verts le rattachent à la seconde.

166


III – Le végétal s’immisce à toutes les échelles des îlots pour les embellir et y assurer certains rôles

La présence végétale dans les quartiers étudiés n’est pas négligeable. Si elle est appréciable sur le terrain, c’est qu’elle est aussi souvent revendiquée par les concepteurs. En effet, les espaces verts sont chargés de valeurs essentiellement positives – hygiène, santé, liberté, jeu, enfance, sécurité, calme, sociabilité146 –, issues pour une grande part des idées progressistes de la fin du XIXe et des théories du Mouvement Moderne. Ils sont aujourd’hui plus rattachés à un univers de loisirs et de plaisirs, aussi bien collectif qu’individuels. Comme le souligne Géraldine Texier-Rideau147, de nos jours les espaces verts tendent à remplacer peu à peu les espaces urbains plus traditionnels de type places, placette, passages, etc. Cependant, il semble qu’il faille nuancer ses valeurs au vue des échecs des « espaces libres » et incontrôlés qu’a pu développer le Mouvement Moderne. Si les quartiers étudiés possèdent une part importante de leurs surfaces traités avec de la végétation, c’est pour constituer des espaces bien définis, avec des qualités d’esthétique et d’usages.

146

D’après PICON-LEFEBVRE, V. et al. Architecture des espaces publics modernes. D’après des propos se référant aux différents projets de ZAC récents, recueillis dans le cadre des Cours Publics de l’Ecole de Chaillot à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine: « La place à Paris, figure incertaine de la ville (XIXe-XXe siècles) » par Géraldine Texier-Rideau le 18/03/2010. 147

167


179.Plan des espaces verts du Spaarndammerbuurt

Espaces verts publics ornementaux

Espaces verts d'un ĂŠquipement

Espaces verts publics appropriables

Espaces verts privatifs

Espaces verts collectifs ornementaux Espaces verts collectifs appropriables


180.Plan des espaces verts des HBM de la Porte de Montmartre

Espaces verts publics ornementaux

Espaces verts d'un ĂŠquipement

Espaces verts publics appropriables

Espaces verts privatifs

Espaces verts collectifs ornementaux Espaces verts collectifs appropriables


181.Plan des espaces verts du Karl Marx Hof

Espaces verts publics ornementaux

Espaces verts d'un ĂŠquipement

Espaces verts publics appropriables

Espaces verts privatifs

Espaces verts collectifs ornementaux Espaces verts collectifs appropriables


182.Plan des espaces verts du secteur Tolbiac de la ZAC Paris Rive Gauche

Espaces verts publics ornementaux

Espaces verts d'un ĂŠquipement

Espaces verts publics appropriables

Espaces verts privatifs

Espaces verts collectifs ornementaux Espaces verts collectifs appropriables


183.Plan des espaces verts du secteur MassĂŠna de la ZAC Paris Rive Gauche

Espaces verts publics ornementaux

Espaces verts d'un ĂŠquipement

Espaces verts publics appropriables

Espaces verts privatifs

Espaces verts collectifs ornementaux Espaces verts collectifs appropriables


184.Plan des espaces verts de Java-eiland

Espaces verts publics ornementaux

Espaces verts d'un ĂŠquipement

Espaces verts publics appropriables

Espaces verts privatifs

Espaces verts collectifs ornementaux Espaces verts collectifs appropriables


A – La multiplication et la diversité du végétal dans les îlots

La place que prennent les espaces verts dans les quartiers étudiés est relativement importante. Cependant, elle n’est pas que quantitative, elle est aussi de qualité et peut revêtir une diversité de formes. En effet, à l’inverse par exemple des espaces verts unifiés et uniformes du Mouvement Moderne – symptomatiquement appelés « espaces libres » par opposition à ce qui est occupé : les voies et le bâti –, il peut s’agir ici d’interventions très ponctuelles ou de véritables espaces paysagés.

1 – Les espaces verts recouvrent une surface importante des quartiers. Il faut toutefois faire la distinction entre deux groupes : dans les trois quartiers parisiens cette valeur, somme toute honorable, est de l’ordre de 16 à 20%, alors que dans les autres quartiers elle atteint près du double, de 33 à 43% de la surface totale du quartier (Annexe II). Si cette disparité s’explique principalement par la combinaison entre les différences de l’emprise de la voirie et du bâti dans les quartiers (Annexe I), elle reflète la différence des densités moyennes bâties entre ces deux groupes, de l’ordre elle aussi du simple au double – de 1,9 à 2,7 pour les premiers contre 0,9 à 1,5 pour les seconds (Annexe IV) –. Les espaces verts se composent en moyenne pour la moitié d’espaces verts publics, exception faite du Karl Marx Hof où ils ne représentent qu’un cinquième de la surface car les vastes cours ne sont que de statut semi-public. Si dans deux quartiers – le Spaarndammerbuurt et le secteur Tolbiac – une petite portion de ces espaces ne sont que des plantations ornementales, la majeure partie sont des squares et des jardins publics. Les cours récréatives des petits équipements constituent un apport réduit mais non négligeable d’espaces avec de la végétation dans certains quartiers, notamment le secteur Masséna – 174


avec 4% de la surface – et subsidiairement le Spaarndammerbuurt, les HBM, le Karl Marx Hof et le secteur Tolbiac qui tourne autour de 1 et 2%. Si les espaces verts jusque là cités sont déjà plus ou moins inclus dans les îlots, excepté le square Marcel Sembat et le cœur du Jardin des Grands Moulins du secteur Masséna, l’apport le plus remarquable de l’ouverture des îlots est leur intégration dans le bâti. Ils peuvent y représenter jusqu’à 34% de la surface du quartier, comme dans le Karl Marx Hof. Toutefois en règle générale cette valeur est moindre, respectivement de 14% et 20% pour les Spaarndammerbuurt et Java-eiland et inférieure à 10% pour les HBM et les secteurs Tolbiac et Masséna.

2 – La présence végétale n’est pas ici que quantitative, elle est aussi de qualité et peut revêtir une diversité de formes. « Il paraît souhaitable d’aboutir à une spécification fort nette des différents espaces verts des villes », comme le souligne Henri Pasquier148. En effet, à l’inverse par exemple des espaces verts unifiés et uniformes du Mouvement Moderne – symptomatiquement appelés « espaces libres » par opposition à ce qui est occupé : les voies et le bâti –, il peut s’agir d’interventions très ponctuelles ou de véritables espaces paysagés, qui se répartissent dans les quartiers sous des aspects variés. Entre ces deux mesures il existe une gradation à toutes les échelles du quartier. Ainsi, il semble que le premier échelon de cette intégration du végétal aux quartiers passe par les extensions extérieures des logements : les terrasses, les loggias et les balcons. Les dimensions de ces espaces, leur ouverture, leur orientation et leur vues conditionnent au moins autant l’aménagement que les choix individuels et les moyens des habitants. Quant elles sont propices, on assiste à une véritable « végétalisation » des immeubles comme le montrent les toitures-terrasses du secteur Masséna et occasionnellement celles de Java148

Cité par Bernadette Blanchon in PICON-LEFEBVRE, V. et al. Architecture des espaces publics modernes.

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eiland ou du secteur Tolbiac, de même que ses failles. Quant elles ne le sont pas, ces espaces restent vides ou pire s’encombrent d’objets divers relégués des logements. Au niveau de l’espace public on retrouve des plantations d’arbres isolés ou en alignement dans tous les quartiers, comme dans un grand nombre de rues traditionnelles, qui offrent les vertus de leur panache – ombre, bouquet et floraison – au passant. Dans certains cas elles prennent aussi place dans les espaces publics crées par l’ouverture des îlots, comme dans les passages du secteur Masséna, les ruelles et placettes du Zaanhof, la place du Zaandammerplein, les docks de Java-eiland ou le petit parvis du secteur Masséna. Ces espaces peuvent aussi être accompagnés de petites surfaces engazonnées et/ou plantés de massifs et d’arbustes qui constituent un certain embellissement sans composer de véritable paysage. Il faut en distinguer deux sortes : les plantations appartenant à l’espace public, tel que celles du Zaanhof et du Zaandammerplein ou du secteur Tolbiac, et celles bordant ou compénétrant les édifices dont elles dépendent, tel que celles du Karl Marx Hof, de Javaeiland ou des immeubles de bureau du secteur Masséna. Les cours intérieures de certains îlots se voient aussi agrémentées de parterres similaires, dont ceux des HBM, mais leurs faibles dimensions, la pauvreté de leur traitement et la présence trop importante de l’asphalte tout autour, en amoindrissent les qualités. Enfin, la présence de petits équipements, ayant des cours récréatives, au sein des îlots d’habitation constitue la dernière intégration de végétal dont les effets sont réduits. Les plantations y prenant place sont en général limités en nombre et en qualité, comme le montrent tous les quartiers en possédant. D’autres espaces verts composent eux de véritables lieux paysagés. Ils sont aménagés avec plus de souci du traitement végétal, un certain soin pour la différenciation des ambiances et des dimensions leur permettant d’exister pleinement. Ainsi, les espaces intérieurs des îlots 176


peuvent faire l’objet d’un aménagement végétal individuel, c’est le cas pour les jardins privatifs se trouvant dans le Spaarndammerbuurt, Java-eiland et les secteurs Tolbiac et Masséna. Certaines grandes plantations, dont les arbres, sont parfois incluses dès leur construction, pour le reste ils sont laissés à la libre appropriation des habitants, à l’instar des extensions extérieures précédemment cités. De même, les espaces collectifs, qui constituent la grande majorité des surfaces libres des immeubles, permettent la création de jardins qui s’ils sont le plus souvent ornementaux, à l’image des cours du secteur Tolbiac, des pieds d’immeubles du secteur Masséna et de certains immeubles de Java-eiland, peuvent aussi autoriser des pratiques collectives, dans le Zaandammerplein, voire semi-publiques, dans le Karl Marx Hof. Outre les squares classiques qui prennent place dans des îlots indépendants, comme le square Marcel Sembat des HBM et celui des Grands-Moulins du secteur Masséna, on trouve nombre d’exemples de jardins publics s’intégrant plus ou moins entre le bâti de certains îlots. En fonction de leur situation, ils créent des espaces aux formes et aux aménagements différentes. Sans rappeler les caractéristique particulières de chacun, on trouve dans les jardins en cœur d’îlot : le jardin d’agrément du Zaanhof et celui minéral de l’îlot au nord de la Spaarndammerplantsoen, les véritables squares James-Joyce et Georges-Duhamel du secteur Tolbiac et les différents jardins Tosari, Imogiri, Taman Sapi et Kraton de Java-eiland. D’autre part, il y a les jardins en partage de l’îlot comme ceux en esplanade de la Spaarndammerplantsoen ou de la place du 12 Februar du Karl Marx Hof, les deux dépendances de jeu et de sport du square des Grand-Moulins du secteur Masséna et les vastes pelouses du jardin Bogor de Java-eiland.

177


B – La diversité des espaces verts apporte des qualités et une mise en valeur aux espaces intérieurs des îlots

L’intégration d’espaces verts dans les îlots n’est pas une fin en soi. Par delà la quantité et la diversité des formes du végétal prenant place dans les îlots, on remarque aussi comment chacun tend à profiter des différentes échelles et à s’intégrer aux lieux. Leur répartition et leur localisation est le plus souvent pensée pour mettre en valeur les lieux où ils se situent, et en tirer eux-mêmes le meilleur parti. Ils peuvent aussi assurer différents rôles pour les immeubles ou les quartiers, au delà de leur mission primaire d’esthétique et d’assainissement. Le premier comprend leur aspect symbolique et psychologique pour les habitants ou les passants, le second leur valeur d’usage et leur appropriation possible par eux (cf. section « V – Les espaces dans les îlots favorisent des pratiques urbaines et acceptent plusieurs appropriations »).

1 – Les espaces verts profitent d’abord de meilleures conditions pour leur établissement. Tous ceux localisés en cœur d’îlots sont à l’abri des nuisances de la rue, comme le dit poétiquement Camillo Sitte du jardin d’autrefois, ils « […] sont protégés contre le vent et la poussière de la rue par l’enceinte des hautes maisons. Il (ndlr : le jardin) offre une fraicheur bienfaisante et un air aussi pur et propre que cela est possible dans nos grandes villes »149. Par ailleurs, leur relative fermeture leur permet d’exister comme lieu et de créer un véritable espace maîtrisé, quel qu’en soit le statut et malgré des dimensions assez restreintes – toutefois avec certaines limites comme le montrent certains espaces trop réduits des HBM et du secteur Masséna. 149

SITTE, C. L’art de bâtir les villes.

178


Ensuite, ces espaces offrent un cadre de qualité et parfois plus accueillant à leur entourage. Ils créent des lieux pacifiés et paysagés sur lesquels les immeubles les bordant peuvent s’ouvrir directement. Dans le cas d’espaces verts fréquentables, comme les jardins du Spaarndammerbuurt, de Java-eiland, les cours du Karl Marx Hof, et les squares du secteur Tolbiac, l’absence de rues entre eux et les logements facilite et en sécurise l’accès par les habitants, au premier rang desquels les enfants. Les espaces verts s’intègrent pleinement et s’articulent avec les composants du quartier. L’ouverture de l’îlot permet la mise en rapport visuelle de la rue avec ses espaces intérieurs, comme il a été mis en évidence précédemment. Cette relation est alors d’autant plus bénéfique pour l’espace public que ces espaces sont agrémentés par un traitement paysager de qualité, à l’instar du principe de bocage urbain proposé par C. de Portzamparc. On la trouve aussi parfaitement illustrée par les failles sur les cours des immeuble du secteur Tolbiac et dans une moindre mesure celles des HBM, de Java-eiland et les autres dispositifs en porches. Par ailleurs, les jardins individuels des logements en rez-de-chaussée du Spaarndammerbuurt, de Java-eiland et des secteurs Tolbiac et Masséna assurent une articulation entre les immeubles et le sol avec des espaces ayant un véritable sens pour l’espace urbain et un usage pour les habitants. Enfin, dans certains quartiers l’addition de cette diversité d’espaces verts – en nombre, statuts, dimensions, aménagements... – devient elle-même une valeur ajoutée pour les quartiers, en ce qu’ils ne constituent pas une simple accumulation d’éléments autonomes, mais qu’ils ont la capacité de composer un ensemble paysager associé au bâti. Ils se valorisent les uns les autres et étendent la perception visuelle de chacun. C’est le cas pour les cœurs d’îlots de Java-eiland, du secteur Tolbiac et, avec un moindre succès, du « bocage » du secteur Masséna. 179


2 – Au niveau de la perception des quartiers, on dénombre un certain nombre de sens particuliers qui peuvent être mis en valeur par l’insertion des espaces verts dans les îlots. Ces espaces verts participent d’abord à imprimer un caractère à certains lieux et assumer une part de représentativité. C’est le cas par exemple des jardins en esplanade du Karl Marx Hof ou de la Spaarndammerplantsoen qui appuient la monumentalisation qui est faite des édifices les bordant, pour qu’ils deviennent un repère dans le quartier. Dans le Zaanhof, le jardin central renforce l’impression d’être dans un village, en utilisant des dispositions semblables aux béguinages ou aux closes. Enfin, dans le secteur Tolbiac la végétation relativement dense et libre formellement des squares leur donne une image de véritable bosquet qui contraste avec la rigidité du cadre bâti pour l’atténuer. Ils peuvent aussi avoir un rôle plus psychologique sur les personnes. En effet, les espaces situés au centre d’un ensemble tendent à en être fédérateurs, à l’instar des places pour les quartiers les entourant. Dans les quartiers dont les intérieurs d’îlot sont constitués de grands espaces verts publics, ceux-ci deviennent des lieux majeurs de centralité et d’identification non seulement pour les habitants mais aussi pour les passants, comme l’ambitionne R. Schweitzer dans les squares du secteur Tolbiac150. Il en est de même avec les jardins de Javaeiland et les cours du Karl Marx Hof. Dans ce second exemple, les cours assurent aussi un rôle direct et plus particulier au niveau des habitants. Elles forment un lieu de cohésion renforcée par la présence du végétal et peuvent être une clé du sentiment d’appartenance à une certaine communauté de voisinage, réuni autour de ces espaces151. Cependant, il est nécessaire pour cela que ces lieux constituent une intériorité suffisante et ne soient pas excessivement ouverts, comme 150 151

SCHWEITZER, R. Etude de développement du PAZ, Rapport de synthèse. D’après MOLEY, C. Entre villes et logements – en quête d’espaces intermédiaires.

180


tendent à l’être certains îlots du secteur Masséna. Ces espaces verts revêtent une grande importance, même s’ils sont de dimensions plus réduites, comme ceux des HBM, ou ne permettent pas un usage physique, comme les cours des immeubles du secteur Tolbiac. En effet, ils en permettent tout de même une appropriation visuelle et mentale.

3 – La végétation joue aussi un rôle pacificateur de tampon pour séparer des espaces ayant des conditions pouvant créer des incompatibilités entre elles. Dans les Karl Marx Hof et la Java-eiland on trouve des espaces verts, entre respectivement les rues, ou les passages publics, et le bord des immeubles. Ils permettent d’abord leur mise à distance physique en créant un vide intermédiaire entre eux. De plus, en fonction de la densité avec laquelle ils sont plantés, ils peuvent constituer un écran visuel entre les oppositions de statut publicprivé, d’ambiance statique-dynamique, etc. et former une sorte de tampon absorbant atténuant les nuisances de bruit et de pollutions. De même, dans les cœurs d’îlots, qui sont des lieux d’accès aux immeubles et constituent des espaces intermédiaires entre la ville et les logements (cf. section « V – Les espaces dans les îlots favorisent des pratiques urbaines et acceptent plusieurs appropriations »), ces propriétés des espaces verts y assurent pour une bonne part de la progressivité dans la séquence d’accès et du sentiment de transition. C’est le cas en partie dans les cours des HBM et du Karl Marx Hof, et plus particulièrement dans l’îlot de la poste du Spaarndammerbuurt et certains du secteur Masséna.

181


IV – La diversité des espaces de circulation au sein des îlots multiplie et agrémente les déplacements

L’ouverture des îlots peut apporter aux quartiers de nouveaux espaces publics qui permettent de nouveaux déplacements à travers eux. Ces espaces acceptent des pratiques qui sont les plus adaptés à chaque mode de circulation. De la sorte, ils créent plusieurs niveaux hiérarchisés dans le maillage des déplacements depuis les rues automobiles jusqu’au allées piétonnes. Ces espaces de déplacement ouverts peuvent aller du simple passage à travers un îlot qui connecte deux rues, jusqu’à un véritable réseau parallèle à celles-ci. Le quartier offre alors des parcours diversifiés et des séquences de promenades qui le traversent ou donnent accès à différents lieux. Dans ce cas, ils bénéficient de meilleures conditions et dispositions pour leur fréquentation.

182


185.Plan des espaces de circulation du Spaarndammerbuurt

Rues

Passages ou allĂŠes publics

Ruelles de desserte

Passages ou allĂŠes semi-publics

Espaces verts permettant un cheminement


186.Plan des espaces de circulation des HBM de la Porte de Montmartre

Rues

Passages ou allĂŠes publics

Ruelles de desserte

Passages ou allĂŠes semi-publics

Espaces verts permettant un cheminement


187.Plan des espaces de circulation du Karl Marx Hof

Rues

Passages ou allĂŠes publics

Ruelles de desserte

Passages ou allĂŠes semi-publics

Espaces verts permettant un cheminement


188.Plan des espaces de circulation du secteur Tolbiac de la ZAC Paris Rive Gauche

Rues

Passages ou allĂŠes publics

Ruelles de desserte

Passages ou allĂŠes semi-publics

Espaces verts permettant un cheminement


189.Plan des espaces de circulation du secteur Masséna de la ZAC Paris Rive Gauche

Rues

Passages ou allées publics

Ruelles de desserte

Passages ou allées semi-publics

Espaces verts permettant un cheminement


190.Plan des espaces de circulation de Java-eiland

Rues

Passages ou allĂŠes publics

Ruelles de desserte

Passages ou allĂŠes semi-publics

Espaces verts permettant un cheminement


A – Des voies offrant des dispositions plus adaptés aux modes de déplacement doux

Nous analyserons les voies à travers les trois différents modes de circulation urbaine : motorisé – indistinctement qu’il soit individuel ou collectif –, cyclable et piétonnier. En fonction de leur disposition, les voies peuvent assurer une pratique par plusieurs de ces modes. Nous les répartirons principalement selon deux axes : les voies « classiques » avec une circulation automobile centrale – comme les rues, les avenues ou les boulevards – et les voies « douces » qui ne la permettent pas.

1 – Les quartiers de cette étude comportent tous des voies de circulation classiques. Ces rues structurent les territoires en définissant le maillage des îlots et les grands axes de déplacement. Elles se distinguent ici peu de l’organisation que l’on retrouve dans d’autres quartiers. Les transports motorisés, sans en avoir un monopole de l’usage, en dictent souvent les principales caractéristiques. Leur circulation y est clairement distinguée des autres, avec une partie dédiée aux déplacements et une seconde toute aussi importante de stationnement. Le viaire utilise une grande part de la surface de la rue, particulièrement dans les HBM où il en couvre près de 60% – soit 29% du quartier (Annexe I) –, au détriment de l’espace public. On remarquera logiquement que le découpage et l’échelle des îlots influent beaucoup sur le ratio des espaces de voirie. Ainsi les quartiers possédant en moyenne les îlots les plus vastes (en moyenne de 20 000 à 25 000 m²), comme le Spaarndammerbuurt, le Karl Marx Hof et la Java-eiland, ne totalisent qu’environ 10% de viaire automobile sur leur territoire, contre 20% et plus pour ceux plus petits (de 5000 à 15000m²) des HBM et des secteurs Tolbiac et Masséna.

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Les piétons occupent le reste de la rue, c’est-à-dire principalement les trottoirs longeant les îlots, qui constituent alors de l’espace public. Si l’on ne considère que ces espaces qui sont extérieurs aux îlots, l’espace public a une moyenne de 8 à 18% de la surface totale des quartiers, exception faite du Karl Marx Hof où il atteint 28%. On voit bien l’étroitesse de l’espace qui y est laissé à l’homme. Si toutefois on doit reconnaître que l’usage de ces espaces linéaires n’est pas dénué d’attraits pour le piéton – commerces, paysages architecturaux et végétaux que nous avons précédemment détaillés –, on ne peut faire abstraction des nuisances dues aux véhicules motorisés : le bruit, la pollution et le danger. Nous ne préjugerons pas des valeurs négatives qui peuvent y être associées, comme la perception du mouvement dynamique, de la vitesse et de l’aspect artificiel de l’univers mécanisé152, qui sont somme toute subjectives. Mais dans certains cas, les qualités des rues sont nettement amoindries quand il y a une absence d’activité et un manque de fréquentation, comme dans certaines rues secondaires de l’ensemble d’HBM sans commerces et sans accès de logements. Enfin, les rues ne libèrent dans l’ensemble que peu d’espace pour une utilisation par les bicyclettes. Le plus souvent celles-ci doivent se contenter de partager la voirie avec les véhicules motorisés ou l’espace des trottoirs – nous ne rappellerons pas ici dans le détail les incompatibilités qui à l’heure actuelle entravent cette cohabitation (Cf. le dossier « A bicyclette » dans la revu Urbanisme153). Les rues classiques sont difficilement aménageables pour pouvoir les accueillir pleinement, avec des espaces qui leur seraient réservés comme des pistes cyclables. Il n’y a qu’une exception avec la ville d’Amsterdam, la seule à donner place à une utilisation efficace des bicyclettes sur son domaine public par des pistes cyclables quasiment systématiques. 152 153

D’après PICON-LEFEBVRE, V. et al. Architecture des espaces publics modernes. PAQUOT, Th. et al. « A bicyclette », in Urbanisme : Paris, n° 366, mai-juin 2009, p 42-68

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2 – Une variante à ce premier type de voie est constituée par les ruelles internes aux îlots. Elles en diffèrent par le fait qu’elles accueillent un trafic automobile nettement limité en volume, puisqu’elles sont censées ne desservir que les îlots traversés, et seulement par leurs habitants ou visiteurs. Cette réduction affecte d’un moindre effet l’emprise au sol de leur chaussée, qui est représentée le plus souvent dans le même rapport de proportion que dans les rues classiques. Cependant, leur statut intermédiaire, qui se lit aussi par leurs dimensions plus réduites et dans le traitement particulier de leurs sols, permet leur utilisation partagée par les piétons et les cyclistes. C’est le cas des ruelles sur les canaux et les docks de la Javaeiland, où seuls certains potelets distinguent le tracé automobile, ou autour de la place et du square des Zaandammerplein et Zaanhof, dont la chaussée bien que différenciée permet une circulation piétonne et cyclable plus libre. Malgré cela, certaines ruelles peuvent aussi massivement se couvrir de stationnement, comme dans les HBM du secteur Arthur Ranc, qui entrave un usage plus partagé par les modes doux.

3 – La véritable originalité des quartiers avec des îlots ouverts est d’offrir des espaces internes plus ou moins développés permettant une circulation de laquelle les véhicules motorisés sont exclus. Ils favorisent alors une pratique plus adaptés aux deux autres modes de déplacement : la marche à pied et le vélo. Ils y sont protégés du flot automobile et de ses nuisances de bruit, de pollution et potentiellement de celle visuelle en cas de trafic congestionné. Les piétons et les cyclistes sont mis à l’écart de la circulation automobile et gagnent une plus grande liberté de déplacement dans ces espaces propres. Ils apportent aussi des espaces avec de nouvelles qualités qui améliorent les déplacements, comme les placettes des Spaarndammerbuurt ou du secteur Tolbiac qui offrent aux cyclistes des espaces transitoires où descendre et déposer leurs vélos, comme les passages où les passants se rencontrent plus facilement ou comme les squares qui produisent des promenades. Mais nous reviendrons en détail sur ces qualités paysagères plus tardivement. 191


D’autre part, les différents statuts que peuvent avoir ces espaces occasionnent des usages pouvant être différents. Une bonne partie sont franchissables sans restrictions puisqu’ils appartiennent pleinement au domaine public, c’est le cas des allées et des squares de la Java-eiland, des passages du secteur Tolbiac, du jardin de la Spaarndammerplantsoen et de quelques autres passages du Spaarndammerbuurt. Bien que publics, les squares des secteurs Tolbiac et Masséna ou au nord de l’îlot de la Spaarndammerplantsoen ne sont franchissables que durant certains moments de la journée, étant donné qu’ils ferment la nuit. Les autres ayant des statuts intermédiaires voient potentiellement leur utilisation soumise à certaines restrictions. Ils pourront être occasionnellement ou périodiquement fermés – les porches d’accès au Karl Marx Hof ont des grilles ouvertes mais nous n’avons pu avoir plus d’informations sur leur possible fermeture – ou définitivement closes et contrôlées par la décision des habitants lorsqu’ils passent par des espaces privés, comme les porches traversant les habitations du Zaandammerplein.

B – Une multiplication des voies et leur maillage peuvent constituer un réseau secondaire plus perméable

Les espaces de circulation traversant les quartiers doivent avoir un sens pour véritablement servir aux déplacements des habitants et des passants. C’est une des conditions pour qu’ils puissent avoir une bonne fréquentation et par là assurer la sûreté des lieux. Ces cheminements se positionnent idéalement en continuité des tracés des voies du secteur dans lequel ils s’intègrent et vont tendre à desservir des points particuliers ou des nœuds du quartier. Les passages et autres allées peuvent relier des lieux de part en part et créer simplement des connexions ponctuelles entre eux. Qui plus est leur multiplication et leur 192


mise en relation peut parvenir à former un véritable maillage et un réseau de circulations douces parallèle à celui des rues classiques.

1 – Les ruelles, passages et autres placettes des îlots étudiés tendent à se placer aux abords de certains éléments aussi bien intérieurs qu’extérieurs au quartier afin de les mettre en relation par ces lieux particuliers. Ils peuvent se placer en pendant d’un édifice particulier à l’instar de la placette et du square du secteur Masséna rue des Grands Moulins vis-à-vis du collège Thomas Mann, ou d’un lieu marquant pour le quartier, comme c’est le cas des porches monumentaux et de l’esplanade du 12 Februar du Karl Marx Hof face à la gare de la Heiligenstädter Strasse, des failles transversales de la Java-eiland sur les docks, du jardin nord du square des Grands Moulins du secteur Masséna face à l’école de la rue Renée Goscinny ou des passages et ruelles (rues F. Braudel, J. Arp, J. Giono, J. Anouilh et Ch. De Laclos) de celui de Tolbiac qui se connectent à la station de Métro Quai de la Gare ou au parvis de la Bibliothèque Nationale de France. Dans ce dernier exemple, ils sont non seulement en contact avec l’édifice mais leur tracé se cale sur les vides qui séparent les tours afin de créer une continuité totale avec elle. D’autre part, les espaces de circulation internes aux îlots peuvent prendre pour origine les axes des voies structurantes du quartier afin de s’intégrer directement à son tissu. La Houtrijkstraat et la placette devant le centre social du Zaandammerplein se placent directement en continuité des rues qui le bordent, de même que le seul passage du secteur Masséna se trouve dans l’alignement de la rue courbe qui passe à l’arrière des anciens Grands Moulins – reliant ainsi l’université à ses annexes de la rue Hélène Brion –. Nous rappellerons enfin que le Jardin de la Spaarndammerplantsoen se place dans l’axe de la Knollendamstraat et réoriente le quartier selon une direction orthogonale. 193


2 – Les espaces de circulation internes vont créer des liaisons ponctuelles dans un îlot, ou plus ou moins développées à l’échelle du quartier. Lorsqu’elles sont ponctuelles, ces liaisons peuvent ouvrir un accès simple sur l’intérieur de l’îlot : on en trouve un unique exemple dans l’îlot de la Poste du Spaarndammerbuurt où il ne dessert que les logements sur la cour. Le plus souvent, elles constituent une traversée de part et d’autre de l’îlot en reliant de deux à plusieurs rues entre elles, tels que le font le square et ses deux allées dans la Spaarndammerplantsoen, les différents porches via les cours dans le Karl Marx Hof et les uniques passages et jardins à travers deux des îlots du secteur Masséna. Dans les deux premières situations ses connexions jouent un rôle essentiel, au vue des dimensions fort importantes des îlots, en permettant une meilleure perméabilité de chaque côté. Ces espaces peuvent jouer en quelque sorte un rôle de raccourcis pour les piétons et les cyclistes. Par ailleurs, les différents espaces de circulation peuvent aussi se relier entre eux et créer des connexions entre les îlots. Le Zaanhof et le Zaandammerplein s’articulent via la ruelle de desserte du premier et le passage sous porche avec dégagement du second. Cette mise en relation entre les espaces intérieurs offre des continuités et des séquences parallèles à la voirie traditionnelle. De la même manière, les trois îlots des HBM du groupe Arthur Ranc sont reliés par les ruelles en étoile qui constituent une ébauche de réseau de déplacements pouvant se distinguer des rues. Mais dans ce cas la trop forte présence automobile, son autonomie et l’absence de véritable sens autre que celui du tracé géométrique sont une entrave à sa réelle pratique comme tel.

3 – L’aspect le plus intéressant de la création des passages à travers les îlots apparaît donc lorsqu’ils permettent la traversée de tout le quartier par la création d’un réseau de 194


déplacements piétonniers et cyclables. Le développement de ces voies douces établit des continuités avec les voies à l’extérieur des quartiers pour créer de véritables réseaux perméables dans la ville. On trouve alors une utilisation généralisé des points qui viennent d’être décrits. Le secteur Tolbiac offre un certain maillage d’espaces praticables réservés à l’usage des piétons et des cyclistes. Il est constitué principalement de deux axes qui permettent de parcourir l’ensemble du quartier longitudinalement et de quelques axes perpendiculaires qui joignent l’avenue de France et la Seine. Ces traversées, parallèles aux rues classiques, alternant des passages interdits aux véhicules, des ruelles, des squares publics, les franchissements de rues classiques et l’esplanade de la Bibliothèque Nationale de France. De même, les passages de Java-eiland constituent un réseau de circulations douces qui permettent la traversée totale tant longitudinalement que transversalement du quartier, depuis la rue, les quais du dock ou des canaux et les deux extrémités de l’île. Ici, le fait qu’il s’agisse d’une île relativement indépendante a permis de cantonner la circulation automobile le long du quai nord, les ruelles n’assurant qu’une desserte locale. Le reste de la Java-eiland est séparé du trafic et des nuisances ce qui permet une utilisation idéale des espaces publics par les piétons et les cyclistes.

C – La diversification des espaces de déplacement et des accès offre des séquences particulières au quartier et des espaces intermédiaires de transition

L’ouverture des îlots par des espaces de déplacement internes produit non seulement une multiplication du nombre des trajets, par rapport aux seules rues classiques, mais engendre aussi pour chacun des séquences plus variées. Ces séquences concernent d’une part les traversées proprement dites des îlots, qui s’effectuent à partir d’espaces aux formes et aux caractères différents ou alternants. D’autre part, elles affectent aussi la manière par laquelle 195


on accède à certains lieux ou édifices. Elles jouissent enfin d’espaces de transition, mieux adaptés à leur utilisation et au statut pouvant être intermédiaire.

1 – Les espaces de cheminement créés à travers les îlots sont bien plus que des voies supplémentaires qui s’ajouteraient à côté des rues des quartiers étudiés. Il a été fait mention de la diversité des types d’ouvertures que l’on pouvait y trouver (dégagements, porches, failles, etc.) et des aménagements intérieurs (en ruelles, passages, placettes, plantations, jardins et squares) que l’ouverture des îlots composaient. Or ces différents aménagements peuvent se combiner et se juxtaposer pour créer des séquences et des parcours diversifiés dans les îlots. « A chaque instant le tableau varie, en même temps que les impressions ressenties »154. Ils créent des lieux de halte et des respirations, « pauses offertes à la vacuité rêveuse »155 dans les déplacements des passants et des habitants, comme avec les placettes et les squares du Spaarndammerbuurt ou ceux de la Java-eiland et du secteur Tolbiac. Le traitement architectural et paysager particulier des espaces internes et des passages leur assure des qualités plastiques et une originalité par rapport aux rues et aux espaces publics classiques. Ils constituent ainsi des espaces de promenades vertes quand ils sont traités en allées plantées, quand ils sont bordés par la végétation des jardins privatifs ou collectifs et des squares publics que l’on trouve diversement répartis dans les quartiers ou simplement quand ils traversent ceux-ci. On remarquera que dans les cinq îlots de la Java-eiland, dont trois ont pourtant presque les mêmes formes et dimensions, les espaces intérieurs ne sont pas identiques et comptent des variations dans l’aménagement du bâti et des jardins. Dans les quartiers dont ces espaces forment un réseau, comme la Java-eiland et le secteur Tolbiac, la succession entre les ruelles des canaux ou les rues bordés de bâti, éléments artificiels, et 154 155

D’après SITTE, C. L’art de bâtir les villes traitant des séquences que composent les centres-villes historiques. Claude Eveno cité dans MAZZONI, C. Les cours de le Renaissance au Paris d’aujourd’hui.

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les vides des espaces paysagés centraux, éléments naturels, créer une alternance narrative qui rythme les cheminements. La présence des failles y scande aussi les parcours en offrant des vues ponctuelles respectivement sur les docks et sur la Seine. Enfin les passages peuvent bénéficier d’évènements et d’appropriations particulières qui en ponctuent les parcours, comme nous l’avons vu avec certaines activités et commerces : des magasins, des restaurants et des cafés avec leurs étals ou leurs terrasses principalement dans le secteur Tolbiac, ou bien des équipements de type scolaire des HBM du groupe Arthur Ranc, du Spaarndammerbuurt et des secteurs Tolbiac et Masséna, ou de type bain-douches et dispensaires du Karl Marx Hof.

2 – Les espaces ouvrant des entrées à ces édifices, améliorent les conditions de leur accès par rapport à ceux donnant sur des trottoirs plus ou moins étroits. Ainsi que nous l’avons souligné précédemment, ces lieux sont protégés des nuisances et des dangers que peuvent comporter les rues automobiles. De plus, ils offrent des espaces pouvant être plus larges et plus adaptés, en permettant d’y demeurer un instant avant de reprendre son chemin ou d’y rencontrer d’autres personnes (cf. section « V – Les espaces dans les îlots favorisent des pratiques urbaines et acceptent plusieurs appropriations »). Quand ces espaces mettent en relation plusieurs lieux ou édifices pouvant présenter un lien dans leurs fonctions, par exemple pour des enfants : une école, un square et leurs logements, pour des personnes actives : un lieu de travail, des commerces et leurs logements, pour des personnes âgées : un dispensaire, une chapelle et leurs logements… Ils facilitent grandement leur utilisation par les habitants.

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V – Les espaces dans les îlots favorisent des pratiques urbaines et acceptent plusieurs appropriations

Plus qu’un simple décor qui embellit la ville, le fait d’ouvrir les îlots apporte des espaces permettant certaines utilisations par les habitants et les passants. Si elles ne sont pas fondamentalement nouvelles, elles peuvent être retrouvées ou favorisées par les dispositions de ces lieux. Il vient d’être fait part de l’apport de ces espaces à la fonction de circuler, nous ne reviendrons pas dessus, même si certaines pratiques lui sont directement liées. Ces utilisations sont de deux registres, selon qu’elles concernent une pratique fonctionnelle de l’espace, en offrant des qualités particulières ou en répondant à des besoins tangibles, ou une pratique sociale, c'est-à-dire qu’elles participent à la mise en relation et à l’échange entre les personnes. Comme le remarque P. Pinon156, l’un des garants de la qualité des espaces urbains est la présence de fonctions et d’usages concrets, voire mieux d’une multifonctionnalité. Une fois établis, ils confortent généralement l’établissement des pratiques du second registre. Cette appropriation ne se fait pas de la même manière en fonction du statut des espaces ouverts dans les îlots, qu’ils soient privés ou collectifs, c'est-àdire d’accès contrôlé et fréquentés seulement par les habitants ou visiteurs, ou publics et semi-publics, donc fréquentables librement par tous. Cette délimitation est souvent la plus claire possible afin d’assurer la compréhension de quelle appropriation correspond à chacun.

156

D’après PINON, P. Lire et composer l’espace public.

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191.Plan des usages et des appropriations du Spaarndammerbuurt

Equipements Espaces d'usages dépendant d'un équipement

Espaces d'usages semi-publics

Espaces d'usages publics liés à un équipement

Espaces d'usages collectifs

Espaces d'usages publics particuliers

Espaces verts ouverts d'usages publics

Espaces d'usages publics liés à des commerces

Espaces verts clos d'usages publics


192.Plan des usages et des appropriations des HBM de la Porte de Montmartre

Equipements Espaces d'usages dépendant d'un équipement

Espaces d'usages semi-publics

Espaces d'usages publics liés à un équipement

Espaces d'usages collectifs

Espaces d'usages publics particuliers

Espaces verts ouverts d'usages publics

Espaces d'usages publics liés à des commerces

Espaces verts clos d'usages publics


193.Plan des usages et des appropriations du Karl Marx Hof

Equipements Espaces d'usages dépendant d'un équipement

Espaces d'usages semi-publics

Espaces d'usages publics liés à un équipement

Espaces d'usages collectifs

Espaces d'usages publics particuliers

Espaces verts ouverts d'usages publics

Espaces d'usages publics liés à des commerces

Espaces verts clos d'usages publics


194.Plan des usages et des appropriations du secteur Tolbiac de la ZAC Paris Rive Gauche

Equipements Espaces d'usages dépendant d'un équipement

Espaces d'usages semi-publics

Espaces d'usages publics liés à un équipement

Espaces d'usages collectifs

Espaces d'usages publics particuliers

Espaces verts ouverts d'usages publics

Espaces d'usages publics liés à des commerces

Espaces verts clos d'usages publics


195.Plan des usages et des appropriations du secteur Masséna de la ZAC Paris Rive Gauche

Equipements Espaces d'usages dépendant d'un équipement

Espaces d'usages semi-publics

Espaces d'usages publics liés à un équipement

Espaces d'usages collectifs

Espaces d'usages publics particuliers

Espaces verts ouverts d'usages publics

Espaces d'usages publics liés à des commerces

Espaces verts clos d'usages publics


196.Plan des usages et des appropriations de Java-eiland

Equipements Espaces d'usages dépendant d'un équipement

Espaces d'usages semi-publics

Espaces d'usages publics liés à un équipement

Espaces d'usages collectifs

Espaces d'usages publics particuliers

Espaces verts ouverts d'usages publics

Espaces d'usages publics liés à des commerces

Espaces verts clos d'usages publics


A – Les espaces publics ouverts dans les îlots favorisent des pratiques urbaines

Les espaces ouverts qui appartiennent au domaine public se différencient des espaces publics classiques, que sont les trottoirs, les places ou les dégagements sur rue, en ce qu’ils apportent de meilleures conditions pour leur utilisation. S’ils ne semblent pas créer de nouvelles utilisations à proprement parler, ils favorisent celles que l’on peut voir communément dans la ville.

1 – Ils présentent d’abord des dimensions en général suffisamment généreuses pour permettre d’y demeurer un temps sans gêner le flux des circulations piétonnes ou cyclables. Comme nous l’avons aussi vu précédemment, ces espaces libres sont plus protégés de certaines nuisances – bruits, pollutions, etc. – et sécurisés vis-à-vis du trafic automobile dont ils sont séparés. Ils offrent certaines qualités de confort et d’ambiance, en atténuant certains facteurs climatiques – protection du soleil par le bâti ou les plantations, arrêt du vent par les formes semi-fermées des espaces, etc. – et en apportant certains caractères propres à chaque lieu – spatialité, lumière, architecture, paysage, etc. –. Pour l’anecdote, les passages sous les porches des Karl Marx Hof, Spaarndammerbuurt, Java-eiland et secteur Tolbiac constituent par exemple d’excellents abris en cas d’intempéries. De plus, certains dispositifs et aménagements urbains, comme les bancs, les plantations d’arbres ou en parterres, etc. sont aussi essentiels pour inciter à l’appropriation et aux rencontres. Il a été constaté que plus les espaces publics sont à même de créer un lieu particulier et bien défini physiquement, plus leur pratique et leur appropriation peut-être grande. Pour cela, il est préférable qu’ils soient certainement accessibles en plusieurs points, et non en impasse 205


que P. Pinon qualifie d’introverties157, sans toutefois en perdre spatialement la délimitation158. La densité et la mixité du bâti (voir Annexes II et IV) dans les quartiers joue un rôle non négligeable, car elle agit sur le nombre et la durée de leur potentielle fréquentation. Ainsi, dans les quartiers peu denses comme le Spaarndammerbuurt et le Karl Marx Hof, les vastes espaces libres sont bien utilisés ponctuellement par les habitants mais restent relativement vides comparativement à leur échelle, tandis que dans le secteur Tolbiac plus densément aménagé, avec de plus petits espaces libres, leur utilisation est plus importante. Cette fréquentation plus importante, sans tout de même arriver à de la promiscuité, augmente les potentiels croisements et donc échanges entre les personnes. De même, le secteur Tolbiac offre une certaine animation tout au long de la journée du fait de sa mixité – activités, logements, commerces et équipements –, qui multiplie les raisons et les temporalités des présences dans l’espace public, alors que dans Java-eiland les espaces peuvent être déserts durant certains temps.

2 – Les espaces publics internes aux îlots permettent essentiellement trois appropriations. Les plus jeunes trouvent dans les allées et les passages piétonniers des espaces où ils peuvent s’amuser librement et en sécurité – jeux de ballons, roller, skate, etc. –, tels que ceux du Spaarndammerbuurt, de la Java-eiland ou du secteur Tolbiac. Ils sont d’autant plus profitables que ces espaces de jeu sont comme ici en relation direct avec les immeubles d’habitation. C’est aussi le cas pour les espaces plus vastes de la Spaarndammerplantsoen, des cours semi-publiques du Karl Marx Hof et des jardins de Java-eiland, comme nous 157 158

PINON, P. Lire et composer l’espace public. Pour plus de précisions sur ces principes se reporter à SITTE, C. L’art de bâtir les villes.

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l’avons vu précédemment (cf. section « II – Le végétal s’immisce à toutes les échelles des îlots pour les enrichir et y assurer certains rôles »). Cependant, on ne peut ignorer la question de la cohabitation de ces espaces de jeu avec les logements, au regard des plaintes habituelles que peuvent émettre les habitant les moins tolérants – ou ayant oublié leur propre enfance –. Ces lieux peuvent aussi devenir le terrain de pratiques plus paisibles. En fonction de leur agrément potentiel, ces espaces peuvent devenir l’occasion de pauses dans les déplacements des personnes et laisser place à la rêverie ou au repos si les espaces verts ou les bancs le permettent. C’est d’autant plus le cas quand les espaces sont attenants aux espaces verts – squares du secteur Tolbiac –, ou que ceux-ci sont partie intégrante de l’espace public ouvert, comme les jardins des Spaarndammerplantsoen, Zaanhof, Java-eiland et la place du 12 Februar du Karl Marx Hof, ou semi-public, comme les cours du Karl Marx Hof. Parmi ces espaces de détente, certains jouissent de situations d’où l’on peut contempler un paysage particulier : les failles, les canaux et les docks de Java-eiland offrent un panorama sur les skylines de l’Ij ou de l’Ijhaven, et la placette du secteur Masséna en bordure de l’avenue de France ouvre sur les jardins et les Grands Moulins. Par ailleurs, ces lieux de récréation ou de pause facilitent le contact entre les personnes. En ralentissant les rythmes dans les déplacements et en offrant des lieux où les personnes peuvent se réunir, ils incitent les rencontres et les rapports. Sur ce plan et pour créer des échanges, on notera l’importance d’une ouverture lisible et accessible de ces espaces, afin qu’ils soient partagés par les habitants intérieurs aussi bien qu’extérieurs.

3 – Certains de ces espaces publics prennent un sens particulier du fait de leur proximité avec des équipements ou certaines activités. D’autres se situent en contact avec des 207


équipements de quartiers comme l’école du Spaarndammerbuurt, la chapelle et les petits ensembles éducatifs du secteur Tolbiac ou la garderie du secteur Masséna. Comme il a été dit dans la section précédente, ils créent des dégagements au niveau de leur accès où les personnes peuvent attendre des enfants à la sortie des classes ou se réunir à celle de l’office, ce qui favorise la mise en rapport des habitants et l’établissement de relations sociales. Ceci est d’autant plus bénéfique que ces espaces se prolongent par d’autres lieux intermédiaires en prolongement, où ils peuvent poursuivre les échanges durant les déplacements, à l’instar des réseaux du secteur Tolbiac et de Java-eiland. D’autre part, on trouve des espaces libres ouverts en contact avec des commerces, en l’occurrence des cafés, bars et restaurants des secteurs Tolbiac et Masséna, qui profitent de ces prolongement extérieurs pour aménager des terrasses. Elles profitent des conditions retirées et paysagées de ces lieux et leur apportent en contrepartie une animation grâce à leur fréquentation. Encore une fois se pose la question de la bonne cohabitation entre les espaces internes pacifiés et les nuisances que cette présence est susceptible d’engranger.

B – Les espaces ouverts privatifs des îlots constituent des intermédiaires entre la ville et les logements

Les espaces ouverts privatifs sont de deux types, individuels ou collectifs, et permettent certaines utilisations par leurs habitants, à l’instar de ceux pouvant être présents dans les îlots classiques. Leur présence en interface de la ville et de l’habitat leur confère aussi certaines valeurs et modes d’appropriations particuliers. Cette situation d’intermédiaire leur faire jouer un rôle majeur dans la séquence d’accès aux logements et dans la perception de celle-ci. Elle peut être le fédérateur d’une certaine unité résidentielle et de l’appartenance à 208


un même voisinage. Comme dans le cas de ceux publics, la manière dont sont aménagés ses espaces et leurs qualités sont un facteur important pour favoriser ces appropriations.

1 – Les espaces individuels en rez-de-chaussée constituent des jardins, plus ou moins privatisés, pour les logements qui y sont directement rattachés. On en trouve dans le Spaarndammerbuurt, Java-eiland et les secteurs Tolbiac et Masséna. Il a précédemment été fait part du fait qu’ils sont en général librement aménageables et appropriables individuellement par les habitants. Les jardins du Zaandammerplein, de l’îlot de la poste du Spaarndammerbuurt et certains du secteur Masséna présentent la particularité d’avoir un accès direct depuis l’espace public. Ce détail a toute son importance, car ils deviennent alors un lieu de transition et participent à l’individualisation des logements. Ils permettent de les comprendre de la même manière qu’une maison individuelle avec son jardin devant et apportent une forte valeur symbolique à ces espaces.

2 – Dans la même idée, les espaces collectifs ouverts entre les immeubles de logement jouent aussi un rôle d’intermédiaire collectif entre la ville publique et les logements privés. Comme souvent l’accès à ces espaces est contrôlé par une loge ou directement par les habitants, exception faite du Karl Marx Hof et ses cours semi-publiques. Mis à part les « espaces vides de terrain affectés à la détente et au temps libre, à l’intérieur du bloc Hollandais ou du Hof Viennois»159, la grande majorité de ces espaces ne permettent pas de véritables pratiques à l’intérieur. Les jeux sont par exemple interdits dans les HBM, les parties paysagées des secteurs Tolbiac et Masséna ne sont pas véritablement accessibles et les immeubles de Java-eiland ne disposent presque pas d’espaces qui soient collectifs. 159

MAZZONI, C. Les cours de le Renaissance au Paris d’aujourd’hui.

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Cependant, ils permettent certaines appropriations par les habitants. Il a précédemment été souligné comment les espaces verts jouaient un rôle symbolique et favorisaient leur appropriation mentale (cf. section « III – Le végétal s’immisce à toutes les échelles des îlots pour les embellir et y assurer certains rôles »). Les espaces intermédiaires « sont de plus en plus perçus comme éléments d’isolation et de confort et comme matériaux de l’art urbain »160. Par delà leur caractère de représentation vis-à-vis de la ville, ils assurent une part de l’identité de l’habitat et un seuil avec l’extérieur. Le principal intérêt des espaces collectifs ouverts dans les îlots est le fait qu’ils s’intègrent dans la séquence d’accès des immeubles et ne constituent pas un simple espace annexe joint aux immeubles. De la sorte, leur fréquentation est d’abord assurée par l’entrée et la sortie des habitants. Les cours de distribution des HBM, les halls entre les failles du secteur Tolbiac et les jardins de celui Masséna en sont l’illustration même. Sous couvert que ses espaces soient plus ou moins aménagés et agrémentés de certains dispositifs – bancs, treilles, plantations, circulations extérieures associées, etc. – ils deviennent des lieux appropriables, où peuvent se tisser des relations de voisinage, autre que la simple rencontre sur un palier. Sociologues et anthropologues s’accordent pour mettre l’accent sur le fait que les espaces intermédiaires de l’habitat sont remarquables par la densité des expériences qu’ils cristallisent et constituent de véritables « scènes de la vie sociale »161. En cela, les espaces au cœur de l’îlot sont à même de fédérer une certaine collectivité, « une ambiance de résidence privilégiée » et un « côté village » 162, face à un simple rassemblement d’individus. Enfin, on trouve le cas particulier du Karl Marx Hof, qui associe à ces

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Jacques Allégret in PICON-LEFEBVRE, V. et al. Architecture des espaces publics modernes. MAZZONI, C. Les cours de le Renaissance au Paris d’aujourd’hui. 162 Expressions recueillis lors d’entretiens avec des habitants des Hautes Formes par ZIMMERMANN, A. in « Le retour dans l’îlot ouvert ». 161

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appropriations physiques et mentales des espaces ouverts, de vĂŠritables lieux de pratiques collectives dans ces cours.

211


CONCLUSION

A travers cette étude, nous avons pu montrer que l’ouverture de l’îlot permet un certain nombre d’apports dans la constitution d’un quartier compact avec des qualités urbaines. Elle ne constitue pas une révolution à proprement parler dans la conception de la ville. Nous avons abordé ses prémices en introduction dans des formes urbaines remontant dans l’histoire et on ne peut oublier que les trois premiers quartiers de l’étude vont bientôt avoir cent ans. Mais le mérite des quartiers étudiés ne vient-il justement pas du fait qu’ils conservent une filiation avec la ville historique, dans laquelle ils s’insèrent et réutilisent certaines caractéristiques éprouvées, sans chercher à tout bouleverser? Néanmoins, ils ne sont pas non plus dans sa simple reproduction et lui apportent un certain nombre de qualités. Pour les trois quartiers du début du XXe, il s’agit de véritables innovations sur le plan de l’hygiène et des conditions de vie. Pour ceux contemporains, il semble que la formule de Ch. De Portzamparc d’une « synthèse » entre la ville traditionnelle et les conquêtes du Mouvement Moderne soit somme toute assez juste. Ils ne constituent pas une régression, car ils apportent de meilleurs conditions de vie : ensoleillement minimum, ouverture des espaces évitant la promiscuité avec un contrôle sur leurs qualités, multiplication des espaces verts mais avec un souci de délimitation, de répondre à une échelle et un usage, qui sont autant de lacunes des réalisations de celui-ci. La diversité des quartiers montre combien l’ouverture de l’îlot peut produire des formes différentes et composites. En cela, il s’agit bien pour nous de principes, qui ne relèvent ni de 212


types urbains figés, ni de modèles à calquer ou à systématiser. Il semble que les quartiers parlent d’eux-mêmes : ici les quartiers les plus réussis et qui fonctionnent le mieux sont aussi ceux qui tirent le plus partie et cherchent à mettre en valeur le site qu’ils occupent – comme environnement construit et topographique –, à l’instar des Spaarndammerbuurt, Java-eiland et secteur Masséna. A l’inverse, ceux se constituant sur des principes abstraits ou un système autonome, aboutissent à des résultats moins probants. De plus, ces principes ne sont aucunement une garantie pour parvenir à la constitution de quartiers avec des espaces urbains réussis et une architecture soignée. S’ils bénéficient d’un potentiel pour leur apporter les qualités que nous avons détaillées, tout se joue dans la manière dont ils sont mis en œuvre pour parvenir à leur succès. Si nous ne les avons pas toujours relevés ou critiqués, certains des quartiers présentent en effet des dispositions qui ne sont pas que des réussites. Les ouvertures peuvent toutefois assurer une diversité des échelles et des formes urbaines, ce qui n’est pas un moindre mérite au regard de l’histoire récente de la ville. Nous nous interrogeons alors, au vu de ces qualités potentielles, pourquoi les principes d’ouverture des îlots ne sont pas plus souvent utilisés dans des aménagements urbains? Peut-être que ces qualités, si elles concernent bien la vie de tous et de tous les jours, sont trop discrètes et justement pas assez originales en terme d’image. Peut-être aussi que ces principes soulèvent certaines contraintes ou complications dans les opérations, qui freinent leur mise en œuvre. Sur ce point, il serait nécessaire d’étudier plus particulièrement des questions comme le montage de ces opérations urbaines, le maintient du contrôle et de la sécurité dans les différents espaces et la gestion des espaces aux statuts intermédiaires.

213


ANNEXES

214


Annexe I

REPARTITION DE L'USAGE DES SOLS

Spaarndammerbuurt Amterdam

SURFACE DU SECTEUR

HBM Montmartre Paris

Karl Marx Hof Vienne

Java Eiland Amsterdam

ZAC Rive-Gauche Tolbiac Paris

ZAC Rive-Gauche Masséna Paris

110500

65900

135800

134000

81100

126600

VOIRIES 12900

16400

15600

13800

16100

25000

Ratio de la voirie publique

12%

25%

11%

10%

20%

20%

Surface de la voirie locale Ratio de la voirie locale

6200

2500

0

10600

600

0

6%

4%

0%

8%

1%

0%

19100

18900

15600

24400

16700

25000

17%

29%

11%

18%

21%

20%

41000

Surface de la voirie publique

Surface de la voirie Ratio de la voirie

ESPACES PUBLICS (sans la voirie) 15500

12100

38100

28900

21100

Ratio des espaces publics urbains

14%

18%

28%

22%

26%

32%

Surface des espaces publics verts Ratio des espaces publics verts

20300

5000

11700

25000

8100

12900

18%

8%

9%

19%

10%

10%

Surface des espaces publics Ratio des espaces publics

35800

17100

49800

53900

29200

53900

32%

26%

37%

40%

36%

43%

34900

18300

26900

31400

28100

42900

32%

28%

20%

23%

35%

34%

Surface des espaces privés libres Ratio des espaces privés libres

21000

11600

43500

24300

7100

21200

19%

18%

32%

18%

9%

17%

Surface des espaces privés Ratio des espaces privés

55900

29900

70400

55700

35200

64100

51%

45%

52%

42%

43%

51%

Surface des espaces publics urbains

ESPACES PRIVES Surface des espaces privés bâtis Ratio des espaces privés bâtis

(Les pourcentages sont arrondis à l'entier, ce qui explique que la somme des ratios intermédiaires puisse être différente au ration final)


Annexes II

REPARTION DES ESPACES VERTS

Spaarndammerbuurt Amterdam

SURFACE DU SECTEUR

HBM Montmartre Paris

Karl Marx Hof Vienne

Java Eiland Amsterdam

110500

65900

135800

1800

500

2%

1%

ZAC Rive-Gauche Tolbiac Paris

ZAC Rive-Gauche Masséna Paris

134000

81100

126600

1100

0

2000

5000

1%

0%

2%

4%

ESPACES VERTS DES EQUIPEMENTS Surface des espaces verts des équipements Ratio des espaces verts des équipements

ESPACES VERTS PUBLICS Surface des espaces verts publics ornementaux Surface des espaces verts publics praticables Surface globale des espaces verts publics Ratio des espaces verts publics

800

0

0

0

1500

0

19400

5000

11700

25000

6600

12900

20200

5000

11700

25000

8100

12900

18%

8%

9%

19%

10%

10%

ESPACES VERTS PRIVES Surface des espaces verts collectifs ornementaux Surface des espaces verts collectifs praticables

0

5300

2500

5600

3500

1400

10000

0

43100

1700

0

5000

Surface globale des espaces verts collectifs

10000

5300

45600

7300

3500

6400

9%

8%

34%

5%

4%

5%

Surface des espaces verts individuels Ratio des espaces verts individuels

11600

0

0

11800

900

500

10%

0%

0%

9%

1%

0%

Surface globale des espaces verts privés Ratio des espaces verts privés

21600

5300

45600

19100

4400

6900

20%

8%

34%

14%

5%

5%

43600

10800

58400

44100

14500

24800

39%

16%

43%

33%

18%

20%

Ratio des espaces verts collectifs

ESPACES VERTS GLOBAUX Surface globale des espaces verts Ratio global des espaces verts

(Les pourcentages sont arrondis à l'entier, ce qui explique que la somme des ratios intermédiaires puisse être différente au ration final)


Annexe III

DIMENSIONNEMENT DES ILOTS

Spaarndammerbuurt Amterdam

HBM Montmartre Paris

110500

SURFACE DU SECTEUR

Karl Marx Hof Vienne

65900

Java Eiland Amsterdam

135800

ZAC Rive-Gauche Tolbiac Paris

134000

ZAC Rive-Gauche Masséna Paris

81100

126600

DIMENSIONS DES ILOS moins de 5000

0

0

0

2

2

8

entre 5000 et 10000

1

4

0

1

1

9

entre 10000 et 20000

0

2

2

1

1

1

entre 20000 et 30000

2

0

2

0

0

0

entre 30000 et 40000 plus de 40000

0

0

1

1

1

0

1

0

0

0

0

0

Nombre total d'îlots

4

6

5

5

5

18

Surface moyenne des îlots

24400

8500

23900

21900

13200

5500


Annexe IV

REPARTITON DES SURFACES ET DENSITES

Spaarndammerbuurt Amterdam

HBM Montmartre Paris

Karl Marx Hof Vienne

Java Eiland Amsterdam

ZAC Rive-Gauche Tolbiac Paris

ZAC Rive-Gauche Masséna Paris

SURFACE DU SECTEUR

110500

65900

135800

134000

81100

126600

Surface des habitations

82500

125400

114400

103800

202500

92100

Ratio des habitations

92%

92%

89%

100%

42%

29%

Surface des activités

5300

9000

6200

0

124900

140200

Ratio des activités Surface des equipements Ratio des equipements Surface totale bâti du quartier

Densité bati moyenne du quartier Densité bati moyenne des îlots

4%

7%

5%

0%

56%

50%

5500

1000

6500

0

4500

60700

4%

1%

6%

0%

2%

21%

136200

124400

116500

202500

221500

283400

1,2

1,9

0,9

1,5

2,7

2,2

2,4

4,2

1,7

3,6

5,9

4,4

(Les pourcentages sont arrondis à l'entier, ce qui explique que la somme des ratios intermédiaires puisse être différente au ration final)


ICONOGRAPHIE

Les illustrations – photos, plans et coupes – sont de l’auteur à l’exception des figures :

- Fig. 2, 9 : CASCIATO, M. – PANZINI, F. – POLANO, S. Funzione e senso, Architettura – Casa – Città. Olanda 1870 -1940 - Fig. 3, 4, 5, 11 : DE WIT, W. et al. L’Ecole d’Amsterdam, Architecture Expressionniste 1915 1930 - Fig. 4, 13 : CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre. - Fig. 10 : IBELINGS, H. 20th Century Architecture in the Nederlands - Fig. 29, 30, 31, 33 : DUMONT, M.-J. Le logement social à Paris, Les Habitations à Bon Marché 1850 -1930 - Fig. 32, 36, 37, 38, 40 : CHIFFARD, J.F. – LAISNEY, F. – ROUJON, Y. « Les H.B.M. et la ceinture de Paris » - Fig. 57, 58, 59, 65, 67, 68, 70 : KAISER, G. – PLATZER, M. et Al. (ARCHITEKTURZENTRUM WIEN). Architecture in Austria in the 20th & 21st Centuries, a_show - Fig. 61, 69 : images aériennes tirées du moteur de recherche Bing, (http://www.bing.com/maps/?FORM=Z9FD) - Fig. 63, 64, 66 : TAFURI, M. Vienne la Rouge, La politique immobilière de la Vienne socialiste, 1919 – 1933 - Fig. 82 : image aérienne tiré du site de Bétonsalon, (http://playtime.betonsalon.net/playtime2008/reperages/historique) 219


- Fig. 83 : image tiré du site de la SEMAPA, (http://www.parisrivegauche.com/semapa/paris_rive_gauche/menu_haut/le_projet/les_qu artiers) - Fig. 84, 88, 96 : LUCAN, J. « Seine Rive Gauche, Continuer Paris » - Fig. 85, 95, 108, 126 : POUSSE, J.-F. « De Masséna à Austerlitz, Paris Rive Gauche » - Fig. 93 : Anonyme. « Paris Rive Gauche, un nouveau centre urbain » - Fig. 110, 114 : JACQUES, M. – LAVALOU, A. Portzamparc - Fig. 115, 116 : PELISSIER, A. La consultation Masséna : Projets d'urbanisme pour un nouveau quartier de Paris - Fig. 117, 120 : PORTZAMPARC, Ch. de. Architecture : Figures du monde – Figures du temps - Fig. 139, 140, 141, 142, 143, 145, 147, 148, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 159, : ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam: urbanism and architecture - Fig. 144 : Anonyme. « Territorio, Amsterdam – Java »

Les plans de localisation et de situation sont réalisés à partir d’images satellites issues de Google Earth

220


BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages généraux : ARNOLD, F. « Concevoir un quartier, cinq méthodes » in Architecture d’intérieur – CRÉE, n°255, août-sept 1993, p 52-79 BENEVOLLO, L. Histoire de la ville. Marseille : Parenthèses, 1994 BÜRKLIN, T. – PETEREK, M. Morphologie urbaine. Bâle : Birkhauser Verlag AG, 2008 CASTRO, R. « Ilot ouvert et génie du lieu », in AMC – Le Moniteur Architecture, n°69, Mars 1996, p 54-55 GANGNET, P. et all. Paris Coté cours, la ville derrière la ville. Paris : Editions du Pavillon de l’Arsenal et Piccard Editeur, 1998 MAZZONI, C. Les cours de le Renaissance au Paris d’aujourd’hui. Paris : Paris Musées et Arles : Actes Sud, 2007 MERLIN, P. – CHOAY, F. Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. Paris : PUF, 1996 MOLEY, C. Entre villes et logements – en quête d’espaces intermédiaires. E.N.S.A. Paris – La Villette (rapport pour la D.A.P.A. – Mission du Patrimoine Ethnologique), Paris, 2003 PANERAI, P. – DEPAUL, J.C. – DEMORGEON, M. Analyse urbaine. Marseille : Parenthèses, 1999 PICON-LEFEBVRE, V. et al. Architecture des espaces publics modernes. Paris-La Défense : PCA, 1995 PINON, P. Lire et composer l’espace public. Paris : Éd. du STU, 1991 221


PINON, P. Composition urbaine. Paris-La Défense : Éd. du STU, 1992 PINON, P. « La ville ne s’invente pas », in AMC – Le Moniteur Architecture, n°69, Mars 1996, p 55-56 SERAJI, N. Logement matière de nos villes, Chronique Européenne 1900 – 2007. Paris : Editions du Pavillon de l’Arsenal & Editions A. & J. Picard, 2007 SITTE, C. L’art de bâtir les villes. Paris : Seuil, 1996 UNWIN, R. L'étude pratique des plans de villes : introduction à l'art de dessiner les plans d'aménagement et d'extension. Paris : L’Equerre, 1981

Spaarndammerbuurg, Amsterdam : CASTEX, J. – DEPAULE, J.C. – PANERAI, P. Formes urbaines : de l’îlot à la barre. Paris : Bordas, 1977 DE WIT, W. et al. L’Ecole d’Amsterdam, Architecture Expressionniste 1915 - 1930. Lège : Pierre Mardaga éditeur, 1983 CASCIATO, M. – PANZINI, F. – POLANO, S. Funzione e senso, Architettura – Casa – Città. Olanda 1870 -1940. Milan : Electra Editrice, 1979 IBELINGS, H. 20th Century Architecture in the Nederlands. Rotterdam : NAI Publishers, 1995.

Habitation à Bon Marché de la Porte de Montmartre, Paris : CHEMETOV, P. – DUMONT, M.-J. – MARREY, B. Paris-Banlieue 1919 – 1930, Architectures domestiques. Paris : Bordas, 1989 CHIFFARD, J.F. – LAISNEY, F. – ROUJON, Y. « Les H.B.M. et la ceinture de Paris », in AMC : Architecture Mouvement Continuité, n°43, Novembre 1977, pages 5-25

222


DUMONT, M.-J. Le logement social à Paris, Les Habitations à Bon Marché 1850 -1930. Liège : Pierre Mardaga éditeur, 1991 LEGUAY, D. L’office public d’habitations de la ville de Paris, 70 ans. Paris : Sipress, 1985 STINCO, A. La ville à livre ouvert, Regard sur cinquante ans d’habitat. Paris : La Documentation Française, 1980 TARICAT, J. – VILLARS, M. Le logement à bon marché : chronique, Paris 1850-1930. Paris : éd. Apogée, 1982

Karl Marx Hof, Vienne : KAISER, G. – PLATZER, M. et Al. (ARCHITEKTURZENTRUM WIEN). Architecture in Austria in the 20th & 21st Centuries, a_show. Bâle : Birkhauser – Publishers for Architecture, 2006 MARCHART, P. Wohnbau in Wien, 1923 – 1983. Vienne : Compress Verlag, 1984 TAFURI, M. Vienne la Rouge, La politique immobilière de la Vienne socialiste, 1919 – 1933. Liège : Pierre Mardaga éditeur, 1981 Anonyme. Vienne (Autriche), 2009. (08/02/09) http://fr.wikipedia.org/wiki/Vienne_(Autriche)

ZAC Paris Rive Gauche Secteur Tolbiac Nord, Paris LUCAN, J. « Seine Rive Gauche, Continuer Paris », in AMC – Le Moniteur Architecture, supplément du n°48, Février 1994, p II-XXII HOUZELLE, B. « Une île à construire, ZAC Seine Rive Gauche, Paris », in Technique et Architecture, n°412, Février – Mars 1994, p 43-49 POUSSE, J.-F. « De Masséna à Austerlitz, Paris Rive Gauche » in Technique et Architecture, n°467, Septembre 2003, p 77-81 223


SCHWEITZER, R. Etude de développement du PAZ, Rapport de synthèse. Paris : Ville de Paris SEMAPA, 1993 Anonyme. « Paris Rive Gauche, un nouveau centre urbain », in Technique et Architecture, n°446, décembre 1999 – janvier 2000, p 28-39 Anonyme. « ZAC Paris Rive Gauche – Secteur Tolbiac/Paris », in Architecture Méditerranéenne, n°49, 1997, p… Anonyme. Paris Rive Gauche, 2005. (22/01/09) http://www.parisrivegauche.com/semapa/paris_rive_gauche/menu_haut/le_projet/les_qua rtiers/quartiers_realises

ZAC Paris Rive Gauche secteur Masséna Nord, Paris JACQUES, M. – LAVALOU, A. Portzamparc. Bordeaux – Bâle : éd. Arc en rêve centre d’architecture & Birkhauser – Publishers for Architecture, 1996 LE DANTEC, J.P. Christian de Portzamparc. Paris : Editions du Regard, 1995 PELISSIER, A. La consultation Masséna : Projets d'urbanisme pour un nouveau quartier de Paris. Genève : Skira, 1997 PORTZAMPARC, Ch. de. Cahier des charges particulières d’urbanisme et d’architecture. Paris : Ville de Paris - S.E.M.A.P.A., 1999 (mise à jour 2004) PORTZAMPARC, Ch. de. Architecture : Figures du monde – Figures du temps. Paris : Le Collège de France & Editions Fayard, 2006 ZIMMERMANN, A. « Le retour dans l’îlot ouvert », in Urbanisme, n°298, Janvier-Février 1998, p 80-90 Anonyme. Paris Rive Gauche, 2005. (22/01/09) http://www.parisrivegauche.com/semapa/paris_rive_gauche/menu_haut/le_projet/les_qua rtiers/quartiers_en_cours/massena_nord 224


(Cf. certaines références dans la section « ZAC Paris Rive Gauche secteur Tolbiac-Nord »)

Java-eiland, Amsterdam ABRAHAMSE, J. E. et al. Eastern harbour district Amsterdam: urbanism and architecture. Rotterdam : NAI Publishers, 2003 FERNANDEZ PER, A. Amsterdam recupera los antiguos muelles, 2008. (12/01/10) http://www.aplust.net/permalink.php?atajo=amsterdam_recupera_los_antiguos_muelles Anonyme. « Projekte VO – Projects by : Sjoerd Soeters, Adrian Gueuze, Ben von Berkel, JO Coenen”, in Daidalos : Berlin, n° 55, mars 1995, p 124-135 Anonyme. « Territorio, Amsterdam – Java », in Abitare : Milan, n°417, mai 2002, p 194

225


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