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La Base, chronique d’un microcosme

unis des caméras de leurs smartphones, des chauffeurs de taxi parisiens documentent la Base, gigantesque centre de transit isolé aux abords de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, microcosme de la vie communautaire et refuge face à un monde en pleine mutation », annonce le dossier de presse présentant l’essai réalisé par Vadim Dumesh, sélectionné pour la compétition du 45e festival international du film documentaire qui se déroule du 24 mars au 04 avril 2023.

Nous sommes allés voir le film !

Une co-création participative Projeté en ouverture du 45e festival international du film documentaire, avec pour égérie celui que les taxis parisiens surnomment Jean-Jacques, le film de Vadim Dumesh produit par Les Films de l’œil sauvage a entraîné les spectateurs du Cinéma du Centre Pompidou de Paris dans univers qui leur était totalement inconnu. Débutant ses premières images en 2015 sur le site de l’ancienne base arrière de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, le réalisateur partage la surprise de sa découverte de ce lieu atypique. « Lorsque j’ai découvert cet endroit, j’ai tout de suite eu envie d’y faire un film. Il me fallait trouver lequel. J’ai commencé à filmer avec un téléphone portable, de manière spontanée et clandestine. Les trois premières années de ma présence sur place, je n’avais aucune autorisation de tournage et, comme l’aéroport est hyper surveillé et contrôlé, il était inenvisageable d’y amener une caméra professionnelle ou une équipe. Petit à petit, je me suis dit

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que ce choix était très adapté pour raconter l’histoire, car c’est un appareil qu’évidemment tous les chauffeurs de taxi possèdent et que certains utilisaient déjà dans des pratiques d’auto-documentation de leur quotidien sur la Base. Et surtout, les grandes manifestations de 2015 contre les VTC et les débats autour de “l’uberisation” de l’économie en général plaçaient le smartphone au cœur de l’évolution de leur métier », explique-t-il. Dans les archives du taxi parisien

Immortalisant l’évolution du site, qui déménage en 2017, ce documentaire offre une galerie de portraits de personnages bien connus de la profession : Jean-Jacques, Ahmed le jardinier, Lazar, Mme Vong, Shirif, etc. « Il fallait garder la nature kaléidoscopique de la Base, qui m’a séduit au début. C’est un microcosme très dense où on rencontre de multiples enjeux, l’immigration, les conditions de travail, l’appartenance… On a voulu saisir cette particularité tout en maintenant des fils narratifs qui se basent sur les personnages », précise le réalisateur. Captant l’histoire quotidienne, le documentaire partage l’émotion, la fatigue et les inquiétudes de ceux que leurs collègues surnomment « les baseux ».

« Nous on a vieilli pendant que l’aéroport a rajeuni », témoigne l’un d’entre-eux. « L’ancienne Base, exiguë et bordélique, n’en était pas moins un village, un bouillon de culture, une Tour de Babel que les chauffeurs issus de dizaines de communautés ethniques différentes s’étaient appropriés. Ils y avaient construit des espaces pour se divertir, socialiser, prier et se reposer. Avec le changement d’implantation est venu le changement d'attitude. La nouvelle Base n’est pas un substitut de cour de récréation ni de maison de retraite. Gigantesque, elle n’est plus aménageable par les communautés de chauffeurs. Les services d’entretien, de restauration et de surveillance sont externalisés, confiés à des prestataires peu soucieux des traditions et du bien-être de leur clientèle captive », confirme Vadim Dumesh. Contrastant les interventions des chauffeurs par de longs travellings tournés pendant la fermeture de l’aéroport et de la Base lors de la pandémie de Covid 19, le film accentue la sensation de déshumanisation que plante le décor de béton lisse de la plateforme aéroportuaire. Une fois de plus la petite histoire des taxis racontent plus que leur vie ! HM

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