Alban Caussé & Jacques Desse
Un mythomane en Abyssinie ? Pierre Dubois, Ato Petros, comte de Mérignac…
La communauté française d’Addis-Abbeba vers 1897
J’ai payé aussi sur des réclamations fondées, par exemple, à leurs femmes, les gages de domestiques morts en route à la descente de Labatut […]. Il me fut aussi réclamé une somme de 20 thalers par un Mr Dubois, je vis qu’il y avait droit, et je payai en ajoutant pour les intérêts une paire de mes souliers, ce pauvre diable se plaignant d’aller nu-pieds.
A la mort de son associé Labatut, Arthur Rimbaud fut assailli par une nuée de créanciers, ce qu’il raconte en novembre 1887 dans cette lettre à Émile de Gaspary, vice-consul de France à Aden. Dans son édition de la Correspondance de Rimbaud, M. Jean-Jacques Lefrère donne des précisions sur Dubois, ce Français fort dépourvu de la cour du roi Ménélik : P. Dubois était un Français, apparemment peu fortuné, vivant dans le Choa. Fuyant peut-être la justice de son pays, il était venu en Abyssinie en 1874. Il avait appris l’amharique et fut le charpentier en chef et l’intendant des forêts de Ménélik. Il devint alcoolique et, au bout de vingt-cinq ans de séjour, contracta la tuberculose. Abandonnant sa femme et ses enfants abyssins, il rentra alors au pays. Fidèle à son habitude, Ménélik renâcla à lui verser ses gages et se contenta de le payer en défenses d’éléphant. Dubois prit le bateau mais la maladie le terrassa à Lyon sans qu’il ait revu sa cité natale. Encore un destin à la Rimbaud. Dans son récit d’« Une expédition avec le négous Ménélik. Vingt mois en Abyssinie », J.-Gaston Vanderheym indique que ce personnage cachait « son véritable nom sous celui de Dubois », nom effectivement idéal pour un intendant des forêts.