Escapades
La Sologne, l’autre pays du Chacun sait que les précieux petits œufs gris foncé ne proviennent plus exclusivement de Russie ou d’Iran. Mais de là à imaginer que 800 kg sont produits chaque année à Saint-Viâtre, en Sologne... Au pays des étangs, Vincent Hennequart et sa sœur Patricia consacrent une partie de leur énergie à l’élevage des esturgeons, véritables poissons aux œufs d’or.
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estionnaires d’une ferme piscicole renommée, comprenant 75 hectares de bassins, Patricia et Vincent Hennequart auraient pu continuer à veiller tranquillement sur leurs élevages, « classiques» en Sologne, de carpes, tanches, brochets et autres poissons d’eau douce. L’initiative des scientifiques du Cemagref (Institut public français de recherche en sciences et technologies pour l'environnement), visant à repeupler les cours d’eau européens d’esturgeons en voie de disparition, les a entraînés sur une autre voie. Intéressés, les Hennequart, plutôt bien pourvus en étangs susceptibles d’accueillir les poissons en danger, se sont associés au projet jusqu’à élever, dès la fin de la décennie 90, un type bien précis d’esturgeon, le baeri impérial, originaire de Sibérie. Quelques années plus tard, ils prélevaient les premiers œufs. « Cela a été une lente montée en puissance, se rappelle Vincent Hennequart. Aujourd’hui, nous assurons tout le cycle ici. L’écloserie est sur place. Mais nous considérons le caviar comme une activité complémentaire ; nous continuons d’élever d’autres espèces. » L’entreprise produit 800 kg de
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caviar chaque année, de septembre à avril, avec une pointe au moment des fêtes de fin d’année. Un chiffre encourageant, sachant que la production française (Aquitaine, Pyrénées et Sologne réunies) atteint 16 tonnes par an. Quelque 30 000 esturgeons s’ébattent dans les eaux tranquilles de ce petit coin de Loir-et-Cher. Les mâles, séparés de leurs congénères vers l’âge de trois ou quatre ans, sont destinés à la consommation. Les femelles, laissées en vie plus longtemps, terminent leur existence d’un coup de matraque. Vidé de son sang, le poisson est incisé ; le pisciculteur récupère alors les œufs, les tamise et les rince pour en ôter la rogue, le tissu qui les entoure. Arrive très vite l’étape de la salaison, spécialité de Patricia qui ne dévoile rien de son procédé – le caviar étant totalement neutre à l’état naturel. Le produit, fini, est aussitôt conditionné dans les petites boîtes métalliques de rigueur. « Il faut dix à douze ans pour qu’une femelle produise du caviar, explique le chef d’entreprise. L’esturgeon n’est pas un poisson spécialement fragile. Mais la durée de l’élevage fait que l’on doit supporter un risque sur une longue période avant le retour sur investissement.» Ce qui peut expliquer la cherté d’un produit, que l’on trouve chez les négociants
autour de 2 000 €/ kg, tandis que les éleveurs s’en séparent à un tarif compris entre 400 et 750 €/kg. S’il ne confirme pas la rumeur selon laquelle on trouverait son caviar Solenska sur les tables de l’Elysée, Vincent Hennequart assure qu’il travaille avec plusieurs grossistes, dont la Maison nordique, qui elle-même approvisionne le Bristol… qui n’est autre que l’une des cantines préférées du chef de l’Etat. Sébastien Drouet
OÙ EN TROUVER ? Dans les épiceries fines comme la Perdrix rouge (Lamotte-Beuvron), les Vignobles de Sologne (Olivet), la Balade gourmande (Tours), à la poissonnerie de l’Océan (Blois), dans les restaurants comme le Cheval blanc (Yvoy-le-Marron), le Relais Saint-Jacques (Châteauroux), l’Orangerie du Château à Blois… ou directement chez le producteur : pisciculture Hennequart, le Grand Cerneant 41210 SaintViâtre. 02 54 83 64 27. Karine Molveaux, responsable de salle à l’Orangerie du Château, à Blois, conseille d’accompagner ce caviar aux saveurs douces, à l’arrière-goût de noisettes et aux notes boisées, parfois fruitées, d’un champagne ou, pour rester local, d’un vin blanc sec d’appellation sancerre ou menetou.