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EXPOSITION

LECOANET HEMANT

Carnets de voyage

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Lecoanet Hemant. Si le label demeure méconnu du grand public, il reste synonyme, pour les amateurs de mode, d’une certaine exubérance, voire d’exotisme. Cette maison fit souffler un vent nouveau sur les podiums parisiens de 1981 à début 2000. Désormais, la griffe voyageuse de Didier Lecoanet et Hemant Sagar se réinvente à New Delhi, mais c’est Calais qui accueille sa toute première rétrospective.

Paris, fin des années 1970, un café de la rue Saint-Roch. Didier Lecoanet rentre émerveillé d’un séjour entre Hong Kong et Manille. Hemant Sagar, né à New Delhi, débarque tout juste d’Allemagne. Entre les deux étudiants de l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne, « une discussion s’engage, qui mêle Asie, Europe, culture, histoire et façon de s’habiller », se souvient le styliste indo-germanique. Sans le savoir, les deux futurs associés viennent de poser les bases de leur maison, à laquelle la Cité de la dentelle et de la mode consacre une exposition. Le premier tailleur réalisé pour la journaliste Jacqueline Beauclair (« j’avais coupé la jupe, Didier la veste, sur la table de sa cuisine »), les 33 défilés haute couture, la consécration

Hemant Sagar et Didier Lecoanet © Miki Alcalde

du Dé d’or en 1994, le nouveau chapitre "prêt-à-porter" avec l’installation en Inde en 2000… Dans les espaces calaisiens, l’aventure Lecoanet Hemant se déploie suivant huit thématiques et une sélection de silhouettes chatoyantes, qui scellent la rencontre entre Orient et Occident.

Sous toutes les coutures

Entre les lourds satins et luxueux brocarts utilisés pour les manteaux et fourreaux des vitrines "Route de la soie", les broderies précieuses d’inspiration indienne, chinoise ou égyptienne sur les robes de "Parfum d’Orient", les tops montés à partir de coquillages iridescents et boutons de nacre de la ligne "Darjeeling Express", chaque création témoigne d’un métissage de techniques et de cultures. Ainsi de cette robe près du corps, tourbillon de lin ivoire, qui raconte l’amour du duo pour « les drapés et vêtements aboutis, le sari, le kimono ». Le goût du voyage, qui anime depuis toujours le duo, se retrouve dans cette scénographie emplie d’affiches, malles, meubles anciens ou bibelots glanés autour du monde par Didier et Hemant. Désormais à la tête d’un empire du prêt-à-porter à New Delhi, où ils emploient près de 1 000 personnes et délivrent des pièces abordables dans un esprit couture, les "Parisiens de la mode indienne" écrivent une nouvelle page de leur histoire. Et n’envisagent pas de refermer leur carnet

Lecoanet Hemant, Robe du soir Collection Haute Couture printemps-été 2000 © Dhruv Kakoti

de voyage. Marine Durand

Calais, jusqu'au 31.12, Cité de la dentelle et de la mode, tous les jours sauf mar : 10h-18h, 4/3€ (gratuit -5 ans) www.cite-dentelle.fr

Caroline Bosmans © Merlin Meuris

KIDORAMA

Idées larges et culottes courtes

Plus écolo, plus inclusive, la mode enfantine a opéré sa mue ces dernières années, mais reste rarement exposée. D’ailleurs, cela fait vingt ans que le Musée Mode et Dentelle n’avait pas exploré le sujet. Avec Kidorama, l’institution bruxelloise passe en revue les questionnements qui agitent le monde de la fringue pour les 0-12 ans, le tout à hauteur de môme.

Sapés comme jamais, nos bambins ? En tout cas, les réserves du Musée Mode et Dentelle regorgeaient de pièces pour enfants qui méritaient un coup de projecteur. « Se replonger dans nos collections nous a permis de confirmer que le sujet était très riche, décrit Mathilde Semal, la commissaire. Pour chaque thème, nous interro-

geons les grands tournants et comparons les vêtements d’aujourd’hui à ceux du passé, avec des textes courts pour les plus jeunes, agrémentés de modules ludiques et éducatifs ». Habituellement plongés dans la pénombre pour protéger les textiles, les espaces du musée prennent des couleurs avec 107 silhouettes réparties en sept chapitres, traduisant la place de l’enfant dans notre société.

Mini-moi

Il s'agit d'abord de déconstruire le cliché d’une mode calquée sur celle des adultes, en montrant les adaptations réalisées pour le confort des petits, comme les pantalons de lingerie glissés sous les crinolines au xixe siècle. Ce parcours décrypte aussi la tendance "mini-me" initiée par Jeanne Lanvin et réactualisée par des griffes comme Gucci, « portées par Beyoncé et sa fille ». Et puis, à l’heure où les nouveaux labels cultivent la mixité, « nous montrons que ce courant ne vient pas de nulle part », précise la commissaire, qui a sélectionné des robes de garçonnets. On examine par ailleurs les stéréotypes de genre associés aux couleurs.

Ensemble St Michael 1960-70 Gilet, pantalon et ceinture jersey synthétique © A. Anoni

Mise au vert

Tandis qu’un focus nous en apprend plus sur le costume marin et la robe à smocks, deux modèles à l’incroyable longévité, une autre section met des paillettes dans les yeux des petits et de leurs parents en regroupant des créations de maisons de luxe. Cardin, Balmain ou Baby Dior ont effectivement perçu tout le potentiel des lignes "kids". Et parce que les créateurs •••

vivent aussi avec leur temps, la section "Laborama" évoque les initiatives durables, entre vêtements réversibles (Bonjour Maurice), tailles uniques (Petit Pli) et "zéro déchet" (Infantium Victoria). Une façon de rappeler que « la mode est une industrie polluante », mais sans la diaboliser. En conclusion, nos chères têtes blondes sont conviées au bar… à matières, pour s’émerveiller devant des chutes de laine, de cuir ou de coton – comme

des grands. Marine Durand

Bruxelles, 08.07 > 05.03.2023, Musée Mode et Dentelle, mar > dim : 10h-17h, 8>4€ (gratuit -18 ans), museemodeetdentelle.brussels OFF-WHITE, Blouson en toile de laine vierge et polyamide et applications et pull en jacquard de laine vierge imprimé, Automne/Hiver 2021-22 © A.Anoni

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