Retour d'expérience de commanditaires d'AMU - Maisons de services au public

et

RETOUR D'EXPÉRIENCE DE COMMANDITAIRES D'UNE MISSION D'ASSISTANCE À MAÎTRISE D'USAGE Entretien avec Yolaine Soares et Luc Scheeck, agents de l’Eurométropole de Strasbourg Avril 2021

INTRODUCTION Vendredi 16 avril 2021, Mireille Diestchy, sociologue, et Chloë Dupuy, designer au sein des Ateliers RTT, toutes deux membres du réseau AMU Rhin Supérieur, rencontrent :

Le contexte de la mission d'AMU « Il ne s’agit pas de juxtaposer plusieurs services mais bien de mettre au cœur la question de l’accueil et du parcours de l’usager·e ». Tel était le point de départ de la définition des deux Maisons de services au public dans les quartiers de l’Elsau et de Koenigshoffen. Missionnés par l’Eurométropole de Strasbourg, Les Ateliers RTT - agence de design et d’assistance à maîtrise d’usage - ont rencontré et associé les différent·es acteur·rices concerné·es (agent·es de terrain, chef·fes de service, élu·es, habitant·es, associations et acteur·rices des quartiers) pour recueillir leurs besoins, identifier les enjeux - tant internes que territoriaux - et construire le projet de manière collective. La mission s’est achevée avec la conception et la livraison de schémas d’usages qui décrivent les expériences souhaitables proposées au sein de ces deux futures Maisons de services, ainsi qu’un ensemble de préconisations thématiques pour la poursuite du projet.

• Yolaine Soares, cheffe de service accueil de la population de l’Eurométropole de Strasbourg, • Luc Scheeck, directeur de direction Population, Élections et cultes de l’Eurométropole de Strasbourg, pour revenir sur la démarche d’Assistance à Maîtrise d’Usage (AMU) menée par "les Ateliers RTT" entre mai 2019 et janvier 2020 pour définir deux Maisons de Services au Public, marché public dont ils étaient les commanditaires et membres de l’équipe pilote.

L’AMU accompagne une prise de recul : des conflits d’usage vers la question, centrale, de l’expérience de l’usager·e

Nous vous partageons ici les points forts de notre échange qui donnent à voir la spécificité de l’AMU*, ici menée par des designers de service* et ses effets sur la démarche de projet.

Pour en savoir plus sur la démarche de projet déployée et l’ensemble des livrables conçus : c'est ici.

* AMU = L’Assistance à Maîtrise d’Usage est une approche de conception qui place les usager·es, utilisateur·rices, habitant·es, citoyen·nes au centre du processus d’élaboration d’un projet. Elle mobilise des compétences variées, issues des sciences humaines et sociales, de l’éducation populaire, de l’architecture, de l’animation, du design, ... * Le design de service est une démarche de conception qui vise à aider les organisations — entreprises, collectivités publiques, associations... — à concevoir les fonctionnalités et les formes de leurs services à partir des besoins des utilisateur·rices.

Publication — Les Ateliers RTT — 2023

Le design : l’apport de la mise en visualisation

À l’origine de l’appel à la mission d’accompagnement : une posture et des rencontres qui permettent d’identifier le design comme une ressource La décision de faire appel à une mission d’accompagnement est venue d’expériences passées. Yolaine Soares avait été impliquée dans deux projets de Maison de services qui proposaient à l’échelle d’un quartier le regroupement de services tels que le Centre Médico Social, la mairie de quartier, la médiathèque, La Poste … Par deux fois, ces espaces se sont construits uniquement par “cohabitation”, par “agrégat” des besoins de chaque service exprimés en m2.

Or pour Yolaine Soares : “ce n’est pas parce qu’on décide que les gens travaillent ensemble qu’ils vont pouvoir bien travailler ensemble”. Il est ainsi apparu indispensable de “partir de l’usager et de ses besoins”, de “penser autrement” et pour cela, elle a souhaité que la démarche de projet recourt au design de service. Yolaine Soares avait, en effet, une sensibilité à l’éducation populaire

L’un des apports importants de la démarche de design de service au projet pour Luc Scheeck et Yolaine Soares est son recours à l’image.

et aux méthodes de design du fait d’expériences et rencontres passées. Elle avait notamment assisté à une restitution organisée par le DSAA In Situ Lab et travaillé avec des étudiants en design de l’Université de Strasbourg. Il lui semblait alors pertinent cette fois de tester la prestation en design - une première pour l’Eurométropole de Strasbourg pour le projet de définition des Maisons de Services au public, démarche qui est “une nouvelle façon d’appréhender une problématique” explique Luc Scheeck.

➳ En amont de la mission d’accompagnement, lorsqu’il s’agissait de justifier la pertinence du recours au design de service : “j’ai dû convaincre mon DGA de faire appel à des designers” raconte Yolaine Soares, et c’est bien l’argument des rendus visuels, de la mise en page des livrables, de la capacité à schématiser des organisations et de la plus-value que cela représente qui a su le convaincre. ➳ Pendant le temps de la mission d’accompagnement : les parties prenantes du projet (agents, associations des quartiers, habitant·es, services de l’État,...) ont pu facilement à la fois se rendre compte de la manière dont leurs apports ont été mobilisés, prendre connaissance de la démarche et du travail en cours

et construire ensemble le projet. La force de l’image réside aussi dans sa capacité à impliquer rapidement et à favoriser l’échange entre les différentes parties prenantes. ➳ Après la mission d’accompagnement des Ateliers RTT, dans l’argumentation du projet : les rendus visuels, tels que les schémas d’usages et l’archéologie de projet ont permis de rendre lisible le projet par tous·tes. Les contenus sont appropriables rapidement, même par les personnes n’ayant pas participé au projet comme les élu·es de la nouvelle équipe municipale ou encore les nouveaux agents : “un temps de travail d’une heure et demie avec mon nouvel élu référent a suffi pour qu’il comprenne le projet” souligne Yolaine Soares. “C’est une plus-value phénoménale et novatrice comparée aux compte-rendus de 600 pages que livrent certains cabinets de conseil” renchérit-elle.

Nous voulions cette fois penser autrement; il fallait partir de l'usager et de ses besoins

➳ Schéma d'usages de la future Maison de services de l'Elsau, outil de travail amendé par les usager·es lors du "Forum de co-construction des Maisons de Services", 28 novembre 2019.

Publication — Les Ateliers RTT — 2023

L’AMU : un rôle de traduction et de médiation Yolaine Soares et Luc Scheeck ont fait valoir la nécessité de la présence de l’AMU dans le passage entre la phase de définition (mission assurée par les Ateliers RTT pour ce projet) et la phase de programmation architecturale (mission assurée par le service de la construction).

Ce “tuilage” s’est révélé être indispensable après le départ des Ateliers RTT. C’est un “trait d’union”, un “saut” que l’équipe pilote a eu des difficultés à faire seule et qu’il faudra prévoir pour les prochains projets intégrant de l’AMU. Une autre piste évoquée aussi pour faciliter ce trait d’union serait la présence tout au long du projet d’une seule et même personne issue du service de la construction et chargée de projet. A l'époque, la cheffe de ce service avait participé à plusieurs reprises à la démarche de travail et avait témoigné de l’intérêt pour ses équipes d’y prendre part, notamment pour sa complémentarité

avec le travail de programmation. Elle avait malheureusement changé de poste ensuite, d'où l’intérêt d'associer également le ou la futur·e chargé·e de projet.

La mission d’AMU a aussi un rôle de médiateur entre les différent·es acteur·rices du projet. Par ses outils et sa posture, elle permet de dépasser les besoins en m2 de chacun·e pour parvenir à une approche transversale du projet : “ça nous a fait du bien de nous recentrer sur l’usager pour sortir de nos logiques propres à chaque service”. L’AMU accompagne une prise de recul : des conflits d’usage et de représentation vers la question, centrale, de l’expérience de l’usager au sein de ces Maisons de Services.

L’AMU : une démarche qui prend du temps pour en gagner ensuite Rencontrer les différent·es acteur·rices du projet, réussir à les impliquer, comprendre les usages, “mettre en valeur le travail collectif et la parole de chacun·e et la dessiner pour la rendre lisible de tou·tes”, nous dit Luc Scheeck, … la démarche d’AMU nécessite du temps. Huit mois ont été nécessaires pour cette première phase de projet des Maisons de Services. “Oui c’est une méthode qui prend du temps mais il faut avant tout ramener la question du sens : en tant que commanditaire, que cherchezvous à faire ? Nous à l’Eurométropole de Strasbourg on se dit que ce qu’on perd au début on le gagne forcément après, et l’AMU a un grand rôle à jouer”, nous dit Yolaine Soares. Aujourd’hui, presque 2 ans après, “on sent qu’on a travaillé ensemble, il y a une connaissance du métier de l’autre, et une volonté de poursuivre le projet dans les équipes”.

L’AMU : une démarche qui permet une réelle co-construction des projets Luc Scheeck souligne la spécificité de la démarche participative propre à l’AMU : “la manière dont ils et elles [Les Ateliers RTT] impliquent est singulière et précieuse”. En effet, la coconstruction ce n’est pas seulement se réunir autour d’une table et écouter celles et ceux qui se sentent légitimes de prendre la parole, un “affichage de co-construction" pour Yolaine Soares qui doit être dépassé. L’enjeu est de préparer un cadre et des conditions qui permettent à chacun·e de s’exprimer et d’être entendu·e. La démarche d’AMU a permis cela durant le projet Maisons de Services : tous les agents se sont parlés,

se sont rencontrés, plus encore ils et elles se sont senti·es autorisé·es à s’exprimer, ça a donné à tous·tes un sentiment de fierté et davantage d’assurance.

Pour Luc Scheeck, “aujourd’hui faire adhérer [les citoyens] ne marche pas ! Car cela veut dire qu’on ne les a pas impliqués dès le début !” or c’est essentiel. Ainsi, si la démarche d’AMU accompagne dans la recherche de la solution, “la solution, elle, vient des gens !”.

Aujourd’hui, presque deux ans après, on sent qu’on a travaillé ensemble, il y a une connaissance du métier de l’autre, et une volonté de poursuivre le projet dans les équipes.

Publication — Les Ateliers RTT — 2023

COURRIEL

contact@lesateliersrtt.com SITE WEB

www.lesateliersrtt.com ADRESSE

19 rue des Hallebardes 67000 Strasbourg Publication — Les Ateliers RTT — 2023