Mémoire de fin d'études TFE - ENP Blois

DE LA VALLÉE INDUSTRIELLE DU GIER À SA CONFLUENCE AU RHÔNE Impulser une trajectoire territoriale singulière à Givors

Isaure LAOT Mémoire de fin d’études 2020-2021 École de la Nature et du Paysage

n.b.

En l’absence de mention des sources, toute pièce graphique (photographie, cartographie, illustration) est un document personnel.

Composition du jury Présidente de jury Lolita Voisin Ingénieure paysagiste, maître de conférence en aménagement de l’espace - urbanisme, directrice de l’École de la Nature et du Paysage

Directrice d’étude Raphaëlle Chéré Ingénieure paysagiste, enseignante en construction et maîtrise d’oeuvre

Professeur encadrant Arthur Poiret Architecte urbaniste, enseignant en construction pratique

Avant-propos Vers la vallée du Gier

1 Au départ, il y a le département de la Loire où j’ai grandi, puis les villes de Saint-Étienne et de Lyon, qui m’ont accueillies à tour de rôle dans le cadre de mes études. Entre les deux se trouve la vallée du Gier, que j’ai traversée à de nombreuses reprises, majoritairement en train, parfois en voiture.

Il y a enfin le contexte d’un travail de fin d’études dans lequel s’inscrit le choix de ce lieu, associé à des questionnements initiaux portant sur un territoire à l’aspect périphérique, traversé et peu estimé.

Il y a ensuite mes amis qui en sont originaires et les regards qu’ils semblaient porter sur ce territoire « d’entre-deux ». Les visites que j’ai eues l’occasion de leur rendre ont fait émerger mon intérêt pour cette vallée, mais aussi le constat d’une réputation négative qui lui est souvent associée.

2

3

L’utilisation de la réputation comme porte d’entrée dans le sujet et ma connaissance limitée du site ont dès le départ fait naître la volonté de travailler sur les récits associés à la vallée du Gier, afin de comprendre sa trajectoire territoriale passée, présente et surtout à venir, mais aussi de bien intégrer ses singularités et les enjeux de paysage qui lui sont propres.

4

5

Introduction

8

11

2. Givors, une ville à l’image de la vallée

49

1.1. Une vallée entre de fortes entités territoriales

12

2.1. Une ville au carrefour de nombreuses dynamiques

50

1.2. Un entre-deux bien distinct

16

1.3. Des récits territoriaux qui divergent

2.2. De quoi se compose le grand paysage givordin ?

56

36

2.3. Comment s’organise l’enveloppe bâtie de Givors ?

60

2.4. Sous quelles formes l’histoire se retrouve-t-elle ?

68

1. Un territoire où s’illustrent des dualités

1.4. Givors : une opportunité d’équilibre dans les récits

44

2.5. Par quels biais se pratique le territoire à Givors ?

74

3. Vers des mutations réunificatrices

101

3.1. Pour une trajectoire territoriale singulière

102

3.2. Apaiser les mobilités

103

2.6. Existe-il des espaces urbains vides à Givors ?

84

2.7. Quels éléments peuvent être valorisés ?

3.3. Lutter contre les coupures urbaines

108

89

2.8. À quels types de risques est exposé le territoire ?

96

3.4. Imaginer de nouveaux espaces de vivre-ensemble

112

3.5. 10 ans d’intervention : focus sur le continuum central

116

Conclusion

122

Bibliographie

124

Introduction « La vallée du Gier n’est pas attrayante, elle ne sert pas la mise en scène qui doit convaincre les investisseurs, les touristes.

La vallée du Gier est indésirable, passée sous silence. Elle est déficitaire et prend alors position subalterne […]. » ¹

La citation ci-dessus me permet d’introduire ce qui m’amène aujourd’hui à effectuer un travail de fin d’études traitant de la vallée du Gier, puis de Givors.

Située entre Lyon et Saint-Étienne, la vallée du Gier représente mon entrée dans le sujet ; j’y suis arrivée par le biais de sa réputation actuelle. En effet, ce territoire « indésirable » et « subalterne » est aujourd’hui connu pour être une voie d’accès entre les deux métropoles : il s’y trouve une ligne de TER qui les relie en une cinquantaine de minutes, circulant sur une des voies de chemin de fer les plus anciennes de France. En complément, l’autoroute A47 accomplit le même travail ; elle est notamment célèbre pour les vastes embouteillages qu’elle engendre de manière régulière.

La vallée du Gier est également associée à un passé industriel considérable : au 19ème siècle, elle devient une artère régionale stratégique grâce aux activités minières, métallurgiques, de textile et de verrerie. Après une longue période d’opulence, elle fait cependant face à la désindustrialisation amorcée en France dès les années 1970 ; un processus

qui va contribuer à pérenniser de nombreuses difficultés sur le territoire.

Enfin, elle se dessine actuellement comme un espace périphérique, situé entre des métropoles puissantes et opérantes sur son bassin de vie. À première vue, la vallée du Gier ne se veut donc pas attirante et possède une réputation négative qui lui est souvent associée. C’est ce peu d’estime qui m’a intéressé ; il témoigne en effet de nombreux enjeux socio-spatiaux sur lesquels nous reviendrons. En amont de ce constat, je souhaitais avant tout comprendre comment sont véhiculées de telles images négatives au sein d’un territoire qui a pourtant connu une grande période de prospérité, et dont la matérialité industrielle subsiste encore.

Je me suis donc intéressée aux spécificités locales de la vallée, afin de l’appréhender sous un autre point de vue et de comprendre son fonctionnement interne. Ses caractéristiques m’ont ensuite amenées à me questionner sur les récits territoriaux qui lui sont associés, c’est-à-dire les trajectoires passées, présentes et à venir que suit le

1. Aziz Kali, Fanny Vuaillat, Frédéric Barbe. L’ordinaire métropolitain en vallée du Gier : Langages et expériences méthodologiques. 2018.

8

territoire, et les acteurs qui en décident.

Je me suis ainsi rendue compte qu’il existait un déséquilibre dans le jeu d’acteurs, entre forces politiques et revendications locales. C’est dans ce contexte que je me suis interrogée sur la manière de mettre en place une trajectoire qui permettrait de régler les problèmes spatiaux propres à la vallée, tout en équilibrant les récits territoriaux émergeant de protagonistes aux intérêts divergents.

Au fil de mes recherches, j’ai été amenée à me concentrer sur le fond de vallée urbain et ses plus grandes communes, dont fait partie Givors. Cette ville, située à l’extrémité Est de la vallée, est le point de confluence entre le Gier et le Rhône.

La rivière du Gier donne son nom au territoire et comme nous y reviendrons par la suite, la confluence qui se met en place à Givors est physique, mais aussi symbolique. Au sein de cette commune, il s’opère en effet des dynamiques qui laissent penser qu’une trajectoire singulière pourrait s’y mettre en place et avoir un écho dans tout le bassin du Gier.

Ainsi, le travail qui suit s’organise selon trois parties. La première est

une immersion dans la vallée, afin de comprendre son positionnement, ses spécificités et les jeux d’acteurs qui s’y opèrent. Ce premier axe se termine à Givors, où commence alors une seconde partie d’analyse sur le fonctionnement interne de la ville. Elle fait émerger des enjeux spatialisés propres à Givors, mais qui demeurent représentatifs de ceux de la vallée. Enfin, la dernière partie propose des solutions spatiales concrètes, vers des mutations réunificatrices.

Au fil de ces trois parties, un jeu d’échelles se met en place ; il vous emmène de la vallée du Gier à sa confluence au Rhône, vers une trajectoire territoriale singulière à Givors.

9

1 Immersion dans la vallée

UN TERRITOIRE OÙ S’ILLUSTRENT DES DUALITÉS

1

Une vallée entre de fortes entités territoriales Située à la fois dans les départements de la Loire et du Rhône, la vallée du Gier se déploie sur une trentaine de kilomètres entre la métropole de Saint-Étienne à l’ouest et celle de Lyon au nord-est. Son fond de vallée se dessine aujourd’hui comme un vaste espace urbain, avec une succession presque ininterrompue d’agglomérations, regroupant plus de 100 000 habitants au sein d’une trentaine de communes.

Cependant, la vallée du Gier ne peut être entièrement considérée comme urbaine car elle est également délimitée par des entités naturelles majeures de la région Auvergne-Rhône-Alpes : les Monts du Lyonnais dans sa partie nord, et les Monts du Pilat au sud ; ces derniers appartenant au Parc Naturel Régional du Pilat.

Les Monts du Lyonnais, situés sur les contreforts en bordure du Massif Central, constituent un territoire de moyenne montagne. Les paysages ruraux y hébergent une économie agricole encore importante et sont parsemés d’un grand nombre d’Espaces Naturels Sensibles, alternant entre plateaux, landes et prairies humides. Depuis les années 2010, les Monts du Lyonnais sont concernés par un phénomène de migrations résidentielles : en effet, de nombreux actifs lyonnais ou ligériens viennent s’y installer, participant à donner au territoire un caractère de plus en plus périurbain, dans un espace où

les pôles urbains sont pourtant absents.² Ces nombreuses migrations tendent ainsi à transformer l’environnement et engendrent de nouvelles pratiques du territoire, au sein duquel se met en place une nécessité de circulation à plus grande vitesse sur de plus larges distances. En effet, pour aller travailler quotidiennement à Lyon ou SaintÉtienne, les habitants des Monts du Lyonnais ne peuvent qu’emprunter leur voiture, ou le TER, mais encore faut-il se rendre à une gare en fond de vallée par voie motorisée. Le passage par la vallée du Gier, axe de circulation prépondérant entre Saint-Étienne et Lyon, est donc, dans ces situations, incontournable.

En face des Monts du Lyonnais se trouvent les Monts et le PNR du Pilat, autre massif montagneux sur les contreforts de la bordure orientale du Massif Central. Cette zone de moyenne montagne, qui se développe jusqu’à 1400 mètres d’altitude, a la particularité de s’inscrire dans l’un des PNR les plus peuplés de France. Cependant, les Monts du Pilat constituent essentiellement un territoire rural au sein duquel s’observent divers milieux : forêts, prairies, cultures, arboriculture, zones rocheuses et humides, qui cohabitent avec les villages intégrés au PNR. À la différence des Monts du Lyonnais, fréquentés davantage par des promeneurs connaisseurs et régionaux, les Monts du Pilat ont un caractère touristique plus marqué.

2. Serge Maury, Philippe Bertrand. Les Monts du Lyonnais, un territoire rural en équilibre entre Lyon et SaintÉtienne. Insee Rhône-Alpes - La Lettre Analyses n° 202 - juillet 2013.

12

LYON MONTS DU LYONNAIS

RHÔNE

MONTS DU LYONNAIS

LOIRE

V

A

L

E É L

D

U

G

I

ER

Givors

Rive-de-Gier

Saint-Chamond

SAINT-ÉTIENNE

ISÈRE MONTS DU PILAT 5 km

1

La vallée du Gier dans l’espace administratif

Région Auvergne-Rhône-Alpes

RHÔNE

Lyon

LOIRE

Givors

Rive-de-Gier

Saint-Étienne

14

Saint-Chamond

Cela est dû à la labellisation PNR, mais également au fait que le Pilat est une zone réputée pour ses randonnées et balades (à pied, à vélo, à cheval), ainsi que pour la pratique de sports d’hiver.

L’accès au Pilat engendre donc des flux de circulation et l’un des accès principaux demeure le passage par la vallée du Gier.

Ici, la vallée du Gier s’amorce ainsi comme un espace « traversé », un entredeux support de la circulation entre et vers des entités territoriales plus fortes.

Comme nous y reviendrons de manière plus détaillée par la suite, ce caractère traversé est hérité de son histoire.

En effet, dès l’Antiquité, la vallée est utilisée comme un moyen d’acheminer de l’eau potable vers Lyon. Au MoyenÂge, elle devient une zone tampon entre les territoires féodaux du Forez et du Lyonnais, avant d’évoluer au 19ème siècle comme une importante artère industrielle, aménagée pour acheminer les marchandises produites sur place vers Lyon. Aujourd’hui, une autoroute qui relie les deux métropoles la traverse.

Dans la continuité, des projets de circulation toujours plus rapides sont à l’étude : avec le Spacetrain par exemple, constitué de navettes lancées à grande vitesse sur des coussins d’air et un monorail, qui permettrait la liaison SaintÉtienne – Lyon en quinze minutes, ou encore par le biais d’Hyperloop, basé sur une capsule circulant à 450 km/h dans un tube, à mi-chemin entre le

train et l’avion, pour une connexion des deux métropoles en huit minutes. Ces deux moyens de transport aux allures futuristes témoignent bel et bien d’une incessante volonté de mieux connecter les entités extérieures en s’appuyant sur la vallée du Gier comme socle.

Cependant, il existe une vie interne à la vallée ; elle réunit en effet de nombreux habitants, notamment dans son fond de vallée relativement dense, et me semble ainsi être bien plus qu’un simple lieu de passage. Pour cette raison, je me suis dès le départ intéressée au fond de vallée urbain, et plus précisément aux trois plus grandes communes qui s’y trouvent : d’ouest en est, SaintChamond (34 967 habitants), Rive-deGier (15 184 habitants) et Givors (19 975 habitants).³ Je souhaitais alors obtenir un aperçu varié du fonctionnement et de l’organisation spatiale de la vallée du Gier, dans toute sa longueur et à travers sa dimension interdépartementale.

Givors Rive-de-Gier Saint-Chamond

3. Chiffres INSEE, 2017

15

1

Un « entre-deux » bien distinct La vallée du Gier, au-delà de ses apparences de territoire d’entre-deux et de territoire traversé, s’organise aujourd’hui comme un large bassin de vie qui regroupe plusieurs dizaines de milliers d’habitants. À l’appui d’une série de photographies prises en parcourant les trois communes de départ, nous allons maintenant nous intéresser à ses caractéristiques principales, afin de mettre en avant son histoire et ses spécificités, deux paramètres qui en font une vallée unique en son genre.

Un fond de vallée fortement urbanisé Comme indiqué précédemment, la vallée du Gier possède tout d’abord un fond de vallée urbain, au sein duquel villes et villages se sont développés de manière linéaire, contraints par la topographie du site. Aujourd’hui, sur toute sa longueur, ce fond de vallée est presque intégralement urbanisé et affiche une concentration du bâti plus dense que dans d’autres espaces de la vallée que nous détaillerons par la suite.

Une continuité urbaine physique s’observe ainsi sur la trentaine de kilomètres qui sépare Saint-Chamond de Givors. Au départ de Saint-Chamond et en direction de l’est, elle concerne les communes de L’Horme, La Grand-Croix, Lorette, Rive-de-Gier, s’interrompt alors sur 6 kilomètres environ, puis reprend dans le département du Rhône, au départ

de Saint-Romain-en-Gier et jusqu’à Givors. Il faut également noter que ce tracé regroupe les communes les plus peuplées de la vallée, ce qui en renforce l’aspect urbain.

Ce caractère urbanisé trouve sa source dans l’histoire de la vallée : il débute à l’heure de la Révolution Industrielle, dès le milieu du 19ème siècle. Le fond de vallée voit en effet son urbanisation se densifier de plus en plus en raison de l’industrialisation. L’emplacement géographique est alors idéal : au contact des voies de communication qui circulent dans le fond de vallée, et donc à proximité des matières premières.

L’influence des centres industriels se fait sentir dans les campagnes et va participer à la mise en place de modes de vie urbains dans le fond de vallée.

En 1841, le « bassin du Gier » est alors composé de 32 communes et près de 58 000 habitants.⁴ En 1929, il y est question de 41 communes, qui accueillent 115 000 habitants. Pour loger la main d’œuvre arrivée en grand nombre, des communes ont en effet été créées : c’est le cas de Lorette en 1847, La GrandCroix en 1860, et L’Horme en 1905.

Ainsi, en moins d’un siècle, la population double. Très vite, la vallée devient une région économique importante avec sa propre vie interne.

La désindustrialisation qui s’amorce dans la seconde moitié du 20ème siècle amène la vallée à perdre un certain

4. Vaganay H. Le mouvement de la population dans le bassin du Gier au XIXe et au XXe siècle. Dans : Les Études rhodaniennes, vol. 5, n°1, 1929. pp. 41-62.

16

Le fond de vallée urbain à Saint-Chamond

1. L’Horme 2. La Grand-Croix

nombre d’habitants. En parallèle, des fusions intercommunales s’opèrent.

Ainsi, dans la trentaine de communes qui demeurent, il est recensé environ 85 000 habitants au début des années 2000.5 Cette chute démographique n’a cependant pas fait disparaître le caractère urbain hérité de l’apogée industrielle, qui marque d’autant plus le contraste avec les coteaux ruraux surplombant le fond de vallée.

3. Lorette 4. Saint-Romain-en-Gier

4

1

2

3

5. Chiffres du Syndicat Intercommunal du Pays du Gier

17

Des coteaux ruraux encore marqués par l’agriculture Le fond de vallée urbain laisse vite place à des coteaux ruraux constituant une première amorce de la topographie contraignante qui se développe de part et d’autre de la vallée. Au sein de ces espaces à l’aspect verdoyant, le fonctionnement actuel est toujours associé au monde paysan : ils abritent en effet de nombreuses exploitations agricoles, souvent familiales. Elles

18

Vue de Rive-de-Gier depuis les coteaux du Pilat

pratiquent l’élevage, la polyculture et l’arboriculture, particularité de la vallée du Gier. Il est également possible d’y observer des vignes lorsque l’exposition est favorable, comme sur les coteaux du Pilat à l’approche de la vallée du Rhône.

Les versants de la vallée du Gier sont souvent décrits comme des terres pauvres, « rocailleuses ou sablonneuses,

que les pluies entraînent facilement »,4 Cependant, ces sols ont été nécessaires à la survie alimentaire des habitants de la région, et l’agriculture viable qui s’y est développée a façonné les paysages ruraux actuels.

Dans l’Antiquité, la vallée du Gier n’est qu’un ensemble de marécages surplombés de forêts de chênes et de sapins.6 Après l’invasion romaine, les paysans défrichent alors de manière rotative diverses zones, en fonction des besoins alimentaires de leur famille. Au fil du temps, les types d’agriculture vont ainsi se spécialiser, selon les particularités de leurs versants respectifs.

Les coteaux sud, à proximité des Monts du Pilat, sont des terres difficiles à travailler car moins ensoleillées que celles du nord. Elles accueillent dès le Moyen-Âge des cultures de céréales, de légumes, de plantes spécifiques* et de vignes, mais aussi de l’élevage.** Ces pratiques agricoles côtoient alors un massif forestier important où poussent de nombreux pins sylvestres et sapins. À la fin du 18ème siècle, l’État cherche à conserver les forêts de la zone afin qu’elles puissent alimenter une potentielle flotte de guerre. Dans cette logique, des ensembles de châtaigniers sont plantés au sud de Rive-de-Gier.

Les coteaux nord, à proximité des Monts du Lyonnais, n’ont jamais été

massivement boisés, ce qui a facilité le développement de zones de prés et de pâturages pour l’élevage. En parallèle, s’y trouvent alors des ruches et des cultures semblables à celles du sud. Sur ces coteaux orientés midi, l’exposition facilite également les implantations de vignes et d’arbres fruitiers. Développée dès le 17ème siècle, l’arboriculture est aujourd’hui emblématique de la vallée du Gier : elle connaît un essor considérable dans les années 1920 par le biais de la culture de cerises, vite renforcée par celles de pommes, poires, pêches, prunes ou encore abricots. L’expansion de ce secteur a, progressivement, contribué à la forte diminution des cultures céréalières, des vignobles et de l’élevage dans cette partie de la vallée.

Ici, les pratiques agricoles ancestrales ont tout d’abord nettement structuré celles d’aujourd’hui. Dans un second temps, elles sont également associées à l’évolution des entités paysagères spécifiques du territoire, comme les coteaux plus boisés au sud et les zones arboricoles au nord. Enfin, elles ont influencé les modes de vie sur les hauteurs, encore imprégnées de fonctionnements ruraux.

*

seigle, avoine, orge, froment, blé, méteil, choux, rave, betteraves, lin, chanvre, colza, pommes de terres, maïs ** bovidés et équidés

6. Pays du Gier, histoire des agriculteurs. Archives en ligne sur le site ARCOMA.

19

1

Les coteaux ruraux laissent quant à eux place aux espaces montagneux identitaires de la région Auvergne – Rhône-Alpes évoqués au début de cette première partie. Ces espaces naturels et attractifs constituent aujourd’hui les frontières physiques nord et sud de la vallée du Gier.

Le Gier, une rivière peu visible mais structurante Il existe une autre entité naturelle importante à l’échelle de la vallée : il s’agit de la rivière du Gier, qui la parcourt dans toute sa longueur au fil de son cheminement de 40 kilomètres. Elle

prend sa source à 1200 mètres d’altitude dans les Monts du Pilat, au Bessat, une commune située à 10 kilomètres au sud de Saint-Chamond. Elle redescend alors les coteaux jusqu’à Saint-Chamond, puis s’écoule dans tout le fond de vallée avant de rejoindre le Rhône à Givors.

Cette rivière, qui donne son nom à la vallée, se perçoit pourtant peu sur le territoire. Ce délaissement est une conséquence de la période industrielle, qui a contribué à son mauvais état écologique.

La rivière du Gier n’a pourtant pas toujours été si discrète. Durant l’Antiquité, c’est elle qui alimente

À proximité de la source du Gier dans les Monts du Pilat

20

Le Gier à Rive-de-Gier

Lugdunum* en eau potable, par le biais d’aqueducs traversant la vallée du Gier. Elle est ensuite à l’origine de son industrialisation au 19ème siècle : elle favorise alors l’expansion de l’activité textile en accueillant des moulins, mais aussi des teintureries, vanneries, verreries et usines métallurgiques 7 qui la bordent pour utiliser son eau. D’abord force motrice, elle devient au fur et à mesure un égoût ; les habitants se souviennent par exemple des rejets colorés des teintureries dans son cours.

À la suite de cette période, certaines parties du Gier vont alors être canalisées et bétonnées dans l’objectif de masquer ses odeurs, ses saletés, et ainsi faciliter l’aménagement de la vallée pour la circulation automobile.

* Lyon

7. Exposition « Dans la vallée coule une rivière »

Bien que partiellement couvert, le Gier se manifeste parfois par le biais de son « caractère torrentiel » 4 qui peut provoquer de fortes inondations, comme ce fut le cas en 2003 ou 2008 avec des crues qui ont marqué les esprits.

21

1

Depuis quelques années, les directives européennes et nationales obligent les collectivités territoriales à se soucier de la qualité de leurs rivières. L’avenir du Gier est ici influencé par deux dynamiques : son risque inondation très élevé, et les habitants qui souhaitent se le réapproprier. Les collectivités locales se sont ainsi dotées d’un contrat de rivière ; elles entreprennent dans ce cadre des travaux de découverte et de restauration pour améliorer ses fonctionnalités écologiques.

et va engendrer « une vallée couverte d’usines »4 , dont la taille augmente alors considérablement. Les activités représentatives y sont la métallurgie, la verrerie et l’ennoblissement textile, en parallèle de l’industrie minière dans sa partie ouest.8

Comme évoqué précédemment, la vallée du Gier possède la particularité d’avoir été une région industrielle majeure en France dès le 19ème siècle.

Du fait de sa situation géographique et de ses richesses géologiques, elle devient ainsi, à l’heure de la Révolution Industrielle, un territoire stratégique.

Le Gier est à l’origine de l’installation très ancienne d’activités de tissage et de travail des métaux ; il joue alors un double rôle de source d’énergie et de mise à disposition de matières premières. 8

L’organisation industrielle de la vallée au 19ème siècle peut en effet être décrite selon deux parties : de Saint-Chamond à Rive-de-Gier, dans la succession de Saint-Étienne, s’observe en premier lieu une industrialisation plus poussée liée à l’industrie minière. Cette section se trouve au sein du Bassin houiller de la Loire, une des plus anciennes zones d’exploitation du charbon en France.

Depuis la fin du 12ème siècle, le charbon de terre y est gratté aux endroits où affleurent les couches de houille. Lors de la Révolution Industrielle, l’espoir d’y trouver un gisement de fer de bonne qualité va notamment contribuer au grand développement de cette région industrielle. 9 De Rive-de-Gier à Givors, la physionomie de la vallée est, quant à elle, plus agricole. A l’extrémité de cet axe, Givors s’amorce cependant comme une ville importante, regroupant de nombreuses industries.

Les activités artisanales sont ainsi attestées depuis le Moyen-Âge dans la vallée du Gier. L’industrialisation massive du 19ème siècle est donc héritée d’un artisanat lié au réseau hydrographique,

Cette organisation est en partie liée à la géologie 8 : de Saint-Étienne à Givors, la vallée suit une ligne de faille qui borde la limite septentrionale du massif du Pilat et détermine le cours principal du

Un territoire industriel ancien marqué de vestiges

8. Blanchardon Jean-Michel. La pollution du Gier. Dans : Revue de géographie de Lyon, vol. 50, n°3, 1975. pp.

273-292.

22

Gier. La vallée traverse ainsi des terrains houillers entre Saint-Étienne et Rivede-Gier, où les couches de charbon, au nord de la ligne de faille, côtoient des conglomérats provenant de l’érosion des Monts qui l’entourent.

La proximité des matières premières a également favorisé l’implantation des industries : en plus de l’eau du Gier et de la houille, le sable du Rhône contribue à alimenter les verreries.4

Ci-dessus : sur le site des anciennes aciéries du GIAT à Saint-Chamond

9. Christelle Morel Journel, Georges Gay, Cécile Ferrieux, Robin Le Noan. La pollution industrielle des sols en héritage. De l’indifférence à la résilience ? La Houille Blanche, n°4, 2018, p. 20-26.

23

Un territoire dont la vocation industrielle persiste

La vallée possède également l’avantage d’être bien desservie : un canal, construit de 1760 à 1780, relie Rive-de-Gier à Givors ; il permet alors de transporter le charbon local jusqu’à Lyon par le Rhône. Sont aussi présentes des routes et lignes de chemin de fer, avec un important nœud de voies ferrées à Givors. Les marchandises produites sur place peuvent donc être exportées, et, inversement, les matières premières manquantes facilement importées.

En parallèle, une main d’œuvre

24

industrielle devenue experte s’est mobilisée dans la région au fil du temps.

Les hommes sont mineurs, verriers ou métallurgistes ; les femmes travaillent davantage dans les usines de textile.

En 1929, à l’apogée industrielle, il est ainsi question de « l’attraction de SaintÉtienne » au sein de la vallée du Gier. 4 La région stéphanoise a en effet longtemps été synonyme de richesse par le biais de son sous-sol, la faisant bénéficier d’un certain rayonnement.

Ici s’amorce donc une des spécificités du bassin du Gier : une revendication historique d’appartenance à la région stéphanoise, plus que lyonnaise.

Les facteurs humains ont également contribué à faire émerger des revendications d’indépendance dans la vallée : l’esprit d’initiative des industriels a joué un grand rôle vis-à-vis du développement économique, urbain et social. Le patronat paternaliste y favorisait l’industrialisation selon une configuration de grandes usines. Ces dernières ont engendré un territoire industriel à considérer dans son ensemble, et un patrimoine produit par une constante réécriture sociale. 10 Ce processus et la désindustrialisation qui s’opère dès les années 1970 sont à l’origine de la fragilité actuelle de ce patrimoine. La fin de l’ère industrielle fait apparaître de nombreux sites en friche dans la vallée. En parallèle, les multiples réinterprétations de l’espace favorisent la banalisation et la dépréciation du paysage industriel ; il est en effet difficile d’asseoir la légitimité de lieux et de bâtiments qui ont perdu leur valeur première de production.10 Mais bien qu’ils illustrent le déclin industriel et contrastent avec les coteaux verdoyants, ces vestiges sont des témoignages de l’histoire qui a façonné la vallée. Les hautes cheminées d’usines sont par exemple des éléments encore visibles qui marquent l’entrée dans la vallée, à

Saint-Chamond comme à Givors.

Aujourd’hui, ces vestiges industriels font l’objet de démolitions au nom du renouvellement urbain ; cela s’avère souvent moins coûteux que de les restaurer. Certains ont pourtant été rénovés ou sont sur le point de l’être, dans le but de conserver les anciennes structures bâties pour y insérer de nouvelles fonctions. Ces travaux ne donnent pas automatiquement un nouvel élan au lieu. Il semble en effet important d’y associer des études de rattachement au territoire et aux attentes locales, deux dimensions parfois négligées. De plus, ces opérations demeurent complexes à mettre en place car les rachats d’anciennes industries nécessitent d’importantes négociations judiciaires.

En parallèle, bien que la plupart des activités emblématiques du 19ème siècle ne soient plus en fonctionnement, la vallée du Gier demeure en partie industrielle. Des cordons contemporains d’industries s’y observent, souvent juxtaposés aux anciens lieux de production. Aujourd’hui, les secteurs concernés sont la mécanique, les matériaux ou encore le domaine médical, et témoignent d’une vocation fonctionnelle encore bien ancrée.

10. Gay Georges. Mines, forges et usines dans la vallée du Gier (Loire) : le patrimoine industriel comme palimpseste social. Dans : Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°2-4/1996. Pp. 215-229.

25

1

Une ligne de chemin de fer historique La vallée du Gier est également associée à l’émergence du réseau ferroviaire français. En effet, elle accueille aujourd’hui encore l’une des plus anciennes lignes de chemin de fer de France, construite au 19ème siècle afin d’acheminer le charbon du bassin stéphanois vers Lyon et la vallée du Rhône.

La construction de ce chemin de fer s’inscrit dans la continuité de celle du canal de Rive-de-Gier à Givors. Aux prémices de la Révolution Industrielle, cette infrastructure fluviale a alors vocation à relier la Loire au Rhône par le biais d’une route transversale navigable.

En sillonnant la vallée du Gier d’ouest en est, ce canal doit permettre d’améliorer les circulations sur le territoire, dans un contexte où les routes terrestres sont dégradées. Construit en 20 ans, il est inauguré en 1781, mais par manque d’argent, il ne rejoindra jamais la Loire.

Cela ne l’empêche pourtant pas d’assurer la desserte du bassin houiller pendant un demi-siècle.

En 1826, l’élaboration du projet de chemin de fer reliant Saint-Étienne à Lyon sur 58 kilomètres voit le jour ; la ligne est ensuite ouverte en 1830. Seconde infrastructure ferroviaire construite en France, elle va dès lors rentrer en concurrence avec le canal de Givors.

En effet, au 19ème siècle, le bassin houiller de la Loire est le plus important

26

de France. Le Rhône étant difficile à atteindre, le charbon en provenance de Saint-Étienne est alors expédié par la Loire en direction du nord et de Paris.

Les mines aux alentours de Rive-de-Gier bénéficient quant à elles du canal et sont davantage reliées à Lyon et à la vallée du Rhône. Le contexte veut alors que les mines stéphanoises cherchent à se développer, et que le canal, qui leur est déjà éloigné, n’est ni accessible toute l’année, ni avantageux en termes de tarif.

Elles se tournent donc vers la nouvelle ligne de chemin de fer, dont l’efficacité croissante va entraîner le déclin du canal. Il cesse d’être exploité au cours du 20ème siècle ; l’apparition de normes européennes condamne définitivement son fonctionnement.

Les trains qui relient Saint-Étienne à Lyon ont au départ une vocation purement industrielle, mais cela ne va pas durer : la liaison devient en effet la première ligne de voyageurs payante en France.

Ici s’esquisse donc le caractère traversé historique de la vallée du Gier. Cette spécificité est au départ fonctionnelle ; le transport de marchandises produites sur place contribue au développement de l’économie locale. La vallée s’amorce petit à petit comme une « voie de passage vers », bénéficiant d’un caractère connecteur qui lui apporte de la prospérité. Ce dernier permet ensuite le développement du transport de personnes ; il engendre aujourd’hui

La ligne de chemin de fer actuelle à Givors

encore de considérables flux humains qui se pressent dans le fond de vallée.

En effet, le chemin de fer est aujourd’hui l‘une des lignes TER les plus empruntées de France, accueillant plusieurs milliers de voyageurs par jour. Des trains effectuent le trajet Saint-Étienne – Lyon toutes les 30 minutes environ, pour une durée totale de 48 minutes. Malgré cette fréquence élevée, les utilisateurs dénoncent des problèmes réguliers

sur la ligne : trains saturés et souvent en retard. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les expérimentations pour trouver de nouveaux moyens de relier les deux métropoles, par le biais de navettes de transport toujours plus rapides. Cependant, les usagers de la ligne TER semblent surtout vouloir une augmentation de la fréquence des trains, qui permettrait certainement de palier à l’engorgement automobile qui s’observe en parallèle, sur l’A47.

27

1

Une autoroute qui divise

Aujourd’hui, il subsiste donc peu d’éléments du canal hormis quelques écluses, et pour cause : il a été en partie enseveli lors de la construction de l’autoroute A47 en 1970, qui reprend alors son cheminement. L’A47 est mise en service au début des années 1980 et constitue aujourd’hui la principale liaison entre Saint-Étienne et Lyon.

Sur 28 kilomètres, elle s’inscrit ainsi dans un tracé historique au creux de la vallée, qu’elle traverse de manière transversale et sinueuse ; elle génère ainsi une nette coupure physique entre le nord et le sud du bassin du Gier. D’un point de vue administratif, sa délimitation réelle se situe entre Saint-Chamond et Chassesur-Rhône, à la sortie de Givors. De Saint-Étienne à Saint-Chamond, c’est la RN88 qui la dessert. Après Givors, elle débouche sur l’A7, qui permet alors de rejoindre Lyon ou la vallée du Rhône puis le sud de la France. Ces grands axes qui se succèdent rapidement contribuent ainsi à accentuer le caractère routier de l’A47, qui demeure une des autoroutes les plus utilisées de France. Un flux important de véhicules et de poids lourds s’y observe quotidiennement, et les embouteillages ne sont pas rares ; « les bouchons de Givors » bénéficient en effet d’une certaine renommée.

Il est difficile de circuler au sein de la vallée du Gier sans passer par l’A47, et il y est donc comptabilisé en moyenne 70 000 véhicules par jour. 11 Cependant, 11. Chiffres de la DIR Centre-Est qui gère l’A47 12. Département de la Loire

28

deux autres éléments contribuent à son encombrement régulier : cette 2x2 voies est en effet une autoroute entièrement gratuite. Peu large, elle devient donc vite saturée, bruyante et polluante.

Sa construction a nécessité de vastes travaux et modifications des milieux naturels propres au fond de vallée, comme l’axe du Gier. La couverture du cours d’eau dans certaines communes a même servi de support à son développement. Il en résulte aujourd’hui une grande artificialisation. De même, les interventions ponctuelles sur son cheminement ne sont pas rares, afin de mettre aux normes certaines portions qui peuvent encore être améliorées.

Cette autoroute demeure pourtant bel et bien une des plus anciennes voies express de France, et son caractère vétuste peine à se faire oublier. De par son impact visuel très fort, l’A47 semble indissociable de la qualité paysagère de la vallée, par ailleurs souvent considérée comme faible.12 Ainsi, depuis l’autoroute, la vallée du Gier se dessine comme un espace sombre car encaissé entre des versants densément boisés. Dans cet étroit territoire dont la seule vocation semble le passage, l’horizon se distingue mal. Les éléments majeurs qui rythment le panorama sont des successions de zones industrielles et commerciales, véritables amorces du paysage consumériste actuel.

L’autoroute A47 traverse Givors d’est en ouest

La désaturation de l’A47 semble aujourd’hui reposer sur des enjeux de réduction des trajets domicile-travail.

Cet objectif ne peut être atteint sans une meilleure offre en transports en commun ou alternatifs à la voiture individuelle, afin que seuls les déplacements nationaux et d’approvisionnement ne subsistent. 13

« Pour construire l’A47, on a coupé neuf méandres. Au niveau de Saint-Romain-enGier, l’A47 est directement dans le Gier, d’où les deux crues catastrophiques de décembre 2003 et de novembre 2008. [...] En crue centennale, tout sera submergé [...]. » Entretien avec un ancien élu, Guide Indigène de détourisme de la vallée du Gier, 2016

13. Atlas des paysages d’Auvergne - Rhône-Alpes

29

1

Des infrastructures de transport impactantes

Une économie résidentielle extensive

La présence de l’A47 va de pair avec celle des grandes infrastructures de transport qui la desservent. Ces ouvrages, constitués, entre autres, d’un nombre important de ponts et de viaducs, marquent véritablement la vallée. Ils sont en effet de taille conséquente et ont ainsi de fortes portées visuelles et sonores, auxquelles s’ajoutent les pollutions environnementales engendrées par la pratique essentiellement automobile du territoire.

Cette grande accessibilité engendre aujourd’hui un étalement urbain généralisé au sein du bassin du Gier.

Le pont autoroutier qui traverse le Rhône, Givors

30

La désindustrialisation y a fait évoluer les modes de vie ; aujourd’hui, de nombreux habitants continuent d’y habiter, tout en travaillant dans une des métropoles voisines. Ainsi, depuis les années 1990, de flagrantes extensions urbaines s’observent sur les coteaux de la vallée. Les communes concernées sont plus rurales ; il est possible d’y vivre au sein d’un cadre environnemental attirant, lui-même inséré dans un large espace d’échanges.14 Des populations ont donc quitté les centres-villes pour venir s’y installer, et de nombreuses

Extensions urbaines sur les coteaux côté Pilat, Rive-de-Gier

communes tendent aujourd’hui à devenir périurbaines. Ce phénomène contribue aussi au mitage des espaces agricoles, d’où la mise en place de PAEN* pour y remédier, notamment dans le département de la Loire et sur les coteaux du Pilat.

individuelles et témoigne du niveau de vie aisé des nouveaux habitants.

Une voiture est en effet nécessaire pour effectuer les trajets que cela engendre, facilités cependant par l’amélioration des routes départementales, ainsi que leur connexion aux services et équipements.

L’économie résidentielle qui en résulte s’est développée par le biais de maisons

* Périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains

14. Gardon, S. (2015). La fin du périurbain ? Enjeux institutionnels et nouvelle donne des mobilités métropolitaines. Lucrările Seminarului Geografic Dimitrie Cantemir, Vol. 38, pp. 95-113.

31

1

Bâti dégradé à Rive-de-Gier

Un déclin notable des centres urbains Aujourd’hui, les réglementations en matière d’urbanisme visent à freiner les dynamiques d’extension urbaine afin de favoriser les centralités existantes. Cela n’a pourtant pas toujours été le cas : les politiques de périurbanisation mises en place dans les années 1990 pour enrayer les effets de la désindustrialisation ont en effet accentué le contraste entre les espaces de vie du fond de vallée et ceux des coteaux.

Dans la vallée du Gier, les centralités existantes demeurent les centres anciens des petites villes situées en fond de vallée. Ces dernières sont le point

de départ du développement urbain historique et linéaire propre à la vallée, et les bâtiments les plus anciens s’y trouvent encore.

La désindustrialisation a fortement contribué à fragiliser ces communes, déjà soumises à une géographie contraignante, un positionnement intermétropolitain, une omniprésence des infrastructures de transport, et enfin des crues liées au Gier. À cela s’ajoute donc le legs industriel composé de bâtiments en friche, de délaissés urbains, d’une grande pollution des sols et de l’eau. En parallèle, les centres urbains font également face à des problèmes sociaux, liés à l’accroissement de la pauvreté et du taux de chômage.15

15. E. Martinais, C. Morel-Journel, F. Duchêne, G. Gay et L. Rocher. La lutte des centralités dans la petite ville intermétropolitaine. Dans : Urbanisme Hors-série n°72/2020. Pp. 58-59.

32

Aujourd’hui, le fond de vallée bénéficie donc d’une réputation négative, où les centres paupérisés semblent illustrer la dimension spatiale du déclin industriel.

Des zones fonctionnelles vitales mais démesurées Dans la continuité des difficultés que rencontrent aujourd’hui les centres urbains, les commerces de proximité qui les peuplent font face à une véritable perte de vitesse. Ce phénomène contribue à renforcer la vitalité des zones commerciales, éléments caractéristiques du paysage fonctionnel qui se déploie sur de longues portions dans le fond de vallée.

Sorties de terre durant les Trente Glorieuses, elles sont aujourd’hui fréquentées à la fois par les habitants et les visiteurs de passage, et pour cause : elles sont très bien connectées au réseau routier et donc facilement accessibles. De même, elles regroupent de nombreux commerces et de vastes zones de parking, et contribuent ainsi à simplifier les achats en voiture.

« Je déteste le centre commercial parce que je le trouve très laid mais je suis étonnée parce que les gens y sont très à l’aise » Extrait du Guide Indigène de détourisme de la vallée du Gier, 2016

Entrée de ville, Rive-de-Gier

33

1

Au sein de la vallée, elles sont positionnées entre le Gier et l’A47, et marquent l’entrée ou la sortie des petites villes. Elles s’étendent parfois sur plusieurs kilomètres et ont donc un fort impact visuel ; ce sont en effet les premiers éléments bâtis nettement identifiables depuis l’autoroute.

voiture. Même si la vallée est encaissée et peut paraître étroite, les entités naturelles se déploient sur de plus hautes altitudes et sont en réalité assez éloignées du fond de vallée urbain. Il est donc compliqué de s’y rendre par d’autres moyens de locomotion car rien n’est aménagé pour cela.

Elles contribuent ainsi à donner une tonalité consumériste aux limites urbaines, et renforcent le caractère artificialisé du territoire.

Ici, il est ainsi flagrant que les espaces urbains et naturels ne se mélangent pas alors qu’ils cohabitent. Les entités naturelles demeurent une échappatoire pour ceux qui en ont les moyens, mais elles pourraient davantage s’insérer dans le quotidien du fond de vallée, tout en devenant des supports de la lutte contre l’artificialisation. Elles ont la possibilité d’aider la vallée à dépasser ses contradictions, qui résident par exemple dans le fait que les zones les plus basses sont polluées, quand celles les plus hautes bénéficient de périmètres de protection. Ce contraste va de pair avec la segmentation sociale qui s’opère entre le fond de vallée urbain où vit une population précaire, et les coteaux où sont installés des résidents plus aisés.

Un environnement naturel peu accessible Les aspects saturés et abîmés du fond de vallée urbain mettent d’autant plus en évidence la disparité avec l’environnement naturel qui l’entoure. Ce dernier est visuellement omniprésent de par le caractère verdoyant des coteaux qui lui sont accolés ; cependant, il est en réalité peu accessible depuis le fond de vallée.

La première raison de ce constat s’appuie sur le fait que les entités naturelles ne s’insèrent que très peu dans le creux de la vallée, les aménagements territoriaux ne facilitant pas la mise en place d’une perméabilité entre espace urbain et naturel.

Dans un second temps, l’environnement naturel demeure difficile d’accès sans

34

Nous avons mis en évidence que la vallée du Gier possède des caractéristiques qui lui sont spécifiques ; ces dernières contribuent à la dessiner comme un bassin de vie indépendant des forts éléments territoriaux qui l’entourent et qu’elle relie.

Vue de Rive-de-Gier depuis les coteaux nord

Son organisation spatiale s’effectue par paliers topographiques et témoigne d’un fonctionnement selon des entités qui cohabitent sans se mélanger. Au sein de ce territoire, l’imprégnation industrielle demeure, issue d’un héritage qui l’a façonné et d’une vocation qui persiste.

Son caractère traversé, dû au cours d’eau qui la parcourt et aux moyens de

transport qu’elle supporte, est renforcé par les grands flux qui s’y pressent quotidiennement.

Un espace empreint de dualités s’amorce donc ici, où une fragmentation spatiale et sociale s’opère entre un fond de vallée saturé et fatigué, qui fait face à un environnement naturel de grande qualité.

35

1

Des récits territoriaux qui divergent Dans la sous-partie précédente, nous avons exploré les caractéristiques davantage physiques qui structurent la vallée du Gier. Il en est ressorti des singularités qui contribuent aujourd’hui à la faire fonctionner en micro-région, mais aussi des dualités spatiales ; ces dernières témoignent indéniablement d’intérêts divergents au sein du territoire.

Il existe en parallèle une dualité liée au choix de ce sujet de travail de fin d’études : j’y suis rentrée par la question de la réputation, car ce territoire semblait être associé à une certaine image négative, véhiculée par les personnes qui traversent la vallée mais aussi parfois par les habitants eux-mêmes. Je me suis donc dès le départ questionnée sur les origines de ce manque d’estime, qui ne me paraissait pas entièrement justifié au regard de ce que je commençais de comprendre du territoire. En effet, ce qu’il est possible d’en percevoir depuis l’autoroute diffère complètement de la vision qui s’en dégage des coteaux, et ne permet en aucun cas de le comprendre dans son entièreté.

Ainsi, pour saisir de manière plus objective les rouages de cette réputation, je me suis intéressée à la question des récits territoriaux associés à la vallée.

Ici, l’expression « récit territorial » me semble convenir pour définir la trajectoire passée, présente et à venir du territoire, en parallèle des acteurs qui y sont impliqués. La trajectoire que prend

un territoire diffère selon les époques, les groupes d’acteurs et leurs aspirations ; comme nous l’avons vu précédemment, le grand patronat de la période industrielle a par exemple joué un rôle important dans la structuration actuelle de la vallée. En intégrant les impacts des trajectoires passées, il est ici question de saisir celles qui se mettent en place dans le temps présent et viennent dessiner l’avenir de la vallée.

Dès le début de mes recherches, sa trajectoire actuelle me semblait liée à sa posture inter-métropolitaine, de par son caractère traversé historique, mais aussi l’influence de certains groupes d’acteurs qui s’y illustrent. En effet, une majeure partie de la vallée se trouve aujourd’hui au cœur du Pôle Métropolitain, un outil institutionnel pour partenariats entre intercommunalités, dont font partie Saint-Étienne et Lyon.

Les forces métropolitaines, politiques et institutionnelles, s’annonçaient donc prédominantes dans la construction du récit territorial. Ces acteurs ont en parallèle les moyens de s’assurer une puissante communication qui les rend omniprésents. À l’inverse, il est plus difficile de saisir les voies qui émanent des acteurs locaux. Pour cela, je me suis donc appuyée sur un livre significatif, le Guide Indigène de détourisme de la vallée du Gier, issu d’un projet porté pendant deux ans entre Givors et Saint-Chamond par des géographes.16 En détournant le guide touristique à

16. Guide Indigène de détourisme de la vallée du Gier, Éditions de l’Association du guide indigène de détourisme de la vallée du Gier, 2016.

36

l’échelle des habitants, il leur a été possible d’analyser la place accordée à la population locale dans la fabrication de la ville. Cette lecture m’a aidée à comprendre qu’il existait de nombreuses revendications locales dans la vallée.

J’ai ensuite représenté les différents groupements d’acteurs et leurs relations par le biais d’un schéma : cela m’a permis d’identifier les réelles forces décisionnaires dans la forme que prend aujourd’hui le récit territorial de la vallée du Gier ; nous allons les détailler par la suite.

Ici, l’objectif est donc d’utiliser le récit territorial comme un moyen de renouer avec un territoire, sa

trajectoire temporelle et ses habitants, vers une réappropriation. En effet, un récit territorial, à la différence d’un récit métropolitain, n’a pas vocation à mettre sur le devant de la scène un modèle générique de développement des territoires, mais à donner à voir comment des collectifs d’acteurs se coordonnent pour trouver des solutions concrètes aux enjeux qui les concernent directement. Il repose sur la conviction que si des réponses globales doivent être apportées à des échelles plus larges, d’autres se jouent à des échelles locales dès que l’économie, la sociologie, la géographie et l’histoire des lieux diffèrent.17

17. Olivier Bouba-Olga. Pour un nouveau récit territorial. Plan Urbanisme Construction Architecture, 2019, Les conférences POPSU.

37

1

Un mille-feuilles institutionnel Comprendre les jeux d’acteurs au sein de la vallée du Gier nécessite dans un premier temps de bien intégrer les différentes délimitations administratives qui y déterminent l’espace géographique et politique.

De nombreux acteurs institutionnels travaillent aujourd’hui dans la vallée, ce qui en induit des périmètres enchevêtrés et difficiles à saisir. Bien souvent, les habitants ne semblent pas prendre la mesure de ces découpages, et n’ont en aucun cas de prise sur leur pilotage.14 En effet, les métropoles de SaintÉtienne et de Lyon sont aujourd’hui très opérantes au sein de la vallée, ce dont les résidents n’ont pas toujours conscience.

Ici, la vallée du Gier est témoin de la nouvelle donne politique qui se dessine à travers la construction de métropoles, ainsi que les liens qu’elles entretiennent avec leurs périphéries.

La vallée appartient donc aujourd’hui à une vaste région urbaine : cela est rendu possible par l’évolution des systèmes de transport et des modes de travail, mais aussi l’élargissement des périmètres institutionnels, un fait qui prend tout son sens au sein de ce territoire.

Pour décrire un peu mieux l’organisation des différentes strates administratives, la vallée du Gier est tout d’abord constituée d’un ensemble de communes, urbaines dans le fond de vallée, plus rurales sur

38

ses coteaux. Elles appartiennent à la même région mais sont réparties sur deux départements, la Loire (42) et le Rhône (69).

Elles se rassemblent ensuite au sein de cinq périmètres intercommunaux voire interdépartementaux : - les deux métropoles : Saint-Étienne Métropole et la Métropole de Lyon, - une communauté d’agglomérations : Vienne Condrieu Agglomération, - et deux communautés de communes plus indépendantes : celle du Pays Mornantais, et celle de la Vallée du Garon, toutes deux situées côté à côte, au nord-est de la vallée.

Ici, il faut noter que les deux métropoles et Vienne Condrieu Agglomération se regroupent au sein du Pôle Métropolitain, que nous avons évoqué précédemment et qui s’organise selon un syndicat mixte fermé. Il se dessine ainsi comme une entité d’ampleur sur le territoire, et contribue à donner plus de poids à ces collectivités territoriales.

Cependant, d’autres structures viennent se superposer aux intercommunalités citées ci-dessus : il s’agit du Parc Naturel Régional du Pilat, du Syndicat Mixte du Gier Rhodanien, et enfin du Syndicat Intercommunal du Pays du Gier. Ces dernières s’organisent donc en syndicats mixtes intercommunaux, avec des compétences qui leurs sont spécifiques voire techniques (gestion des eaux et des milieux naturels,

développement durable, environnement, culture, etc). Elles opèrent de manière transversale sur plusieurs communautés de communes ; leur offrant ainsi des compétences supplémentaires, complémentaires et/ou collaboratives.

Il n’est donc pas rare que les communes de la vallée du Gier fassent partie de plusieurs périmètres intercommunaux ; ce constat met en évidence le poids que peuvent peser certains acteurs opérants sur le territoire.

Région Auvergne Rhône-Alpes LE PÔLE MÉTROPOLITAIN Saint-Étienne Métropole (SEM)

MÉTROPOLE DE LYON

Vienne Condrieu Agglomération

Syndicat Intercommunal du Pays du Gier

CC du Pays Mornantais

CC de la Vallée du Garon

Syndicat Mixte du Gier Rhodanien

PARC NATUREL RÉGIONAL DU PILAT

Département de la Rhône

L’échelon communal

Département de la Loire

LA VALLÉE DU GIER

Emprise des départements

Grand Lyon

Rhône Loire

PNR

CC indépendantes

Pôle Métropolitain

SEM

SyGR

Vienne

SIPG

39

1

De puissantes visions politiques Dès le départ, il est donc facile de pressentir que les acteurs politiques, regroupés en forces institutionnelles et opérantes, sont plus puissants que les autres types d’acteurs vis-à-vis du récit territorial de la vallée. Qu’en est-il réellement ?

Le Pôle Métropolitain, dans ses documents administratifs, ne cache pas son positionnement : la vallée du Gier doit être considérée comme une opportunité de trait d’union entre les deux grands pôles d’une future métropole. Ici, au-delà de son caractère traversé, la vallée du Gier se perçoit donc comme un liant entre Saint-Étienne et Lyon. À mon sens, cette vision reflète un manque de prise en compte des singularités territoriales de la vallée.

En plus de diffuser leurs visions d’évolution, les acteurs institutionnels instaurent en parallèle une dynamique descendante sur la vallée : ils sont en effet aux manettes d’une majeure partie des décrets quant à son avenir, possèdent de grands moyens financiers et un certain nombre de compétences.

Cette verticalité se retrouve à tous les échelons décisionnels.

Au sommet de la pyramide se trouve l’État. Même s’il peut paraître très éloigné de la vallée, il s’avère parfois omniprésent ; c’est le cas dans les projets jugés d’utilité publique, notamment en lien avec les

40

infrastructures de transport, où il a toujours le dernier mot. Aujourd’hui, au sein de la vallée du Gier, il s’occupe de l’A47 et gère le volet risques (nombreux sur ce territoire d’industrialisation ancienne).

Vient ensuite la Région, qui prône le développement économique autour d’entités compétitives, et soutient donc le Pôle Métropolitain comme force économique d’envergure nationale voire internationale. Ici, la vallée du Gier est un endroit à redynamiser avec des entreprises, dans le prolongement de la vallée de la chimie, qui suit le Rhône jusqu’à Givors depuis le sud de Lyon.

Du foncier y est en effet disponible, et les acteurs souhaitent y implanter de nouvelles entreprises qui testeraient les industries « du futur ».

A l’inverse, les départements sont les acteurs institutionnels les plus proches du territoire. Au sujet de l’environnement, l’agriculture et la culture, ils valorisent, protègent et communiquent directement avec les acteurs locaux. Cependant, le département du Rhône a cédé ses compétences à la Métropole de Lyon.

Sur son territoire, cette dernière est donc un acteur puissant en raison de sa double fonction. Elle visualise la vallée du Gier comme un territoire de projets industriels, et est notamment reliée à Saint-Étienne Métropole (SEM) par le dispositif ‘‘Territoires d’innovation’’,

des fonds attribués par l’État pour des projets innovants vers l’industrie de demain. Ici, le positionnement stratégique de la vallée prend tout son sens. Lyon et Saint-Étienne entretiennent aussi un partenariat universitaire, d’enseignement et de recherche, dont la vallée du Gier bénéficie peu.

De son côté, SEM est l’acteur politique le plus étendu au sein de la vallée. La métropole y mène plusieurs projets urbains de transformation d’anciens sites industriels. À ses yeux, la vallée est un territoire de proximité. De plus, son président, actuel maire de SaintÉtienne, est également à la tête du Pôle Métropolitain ; la vision demeure donc la même.

Enfin, Vienne Condrieu Agglomération, qui fait aussi partie du Pôle Métropolitain, se veut moins puissante que ses voisines, mais possède malgré tout des compétences similaires.

* Dessin satyrique issu du Guide Indigène de détourisme de la vallée du Gier

Les acteurs institutionnels forment ainsi un puissant bloc avec des visions très orientées ; ils considèrent la vallée comme un territoire au service d’une néo-industrialisation vertueuse, un projet ambigu et illisible pour la plupart des acteurs locaux.1 Cette approche dessine nettement la relation de domination métropolitaine à l’oeuvre. Bien que le Pôle Métropolitain ait mis en place des instances consultatives sous forme de conseils de développement pour

communiquer avec la société civile, les acteurs locaux invités sont sélectionnés.

Ici, la société civile est invisibilisée dans la construction métropolitaine tournée vers l’industrialisation. Il me semble que cette conception peut être remise en cause car la vallée demeure inégalement intégrée dans les dynamiques métropolitaines. Cette perception de l’avenir du territoire ne me paraît pas plus en lien avec ses spécificités territoriales qu’avec ses revendications locales.

41

1

Une société civile mobilisée mais invisibilisée

Cependant, bien que les forces politiques soient omniprésentes, il subsiste d’autres manières de percevoir l’avenir du territoire, comme le prouvent les dynamiques qui s’opèrent au sein de la société civile. Peu organisée mais bel et bien mobilisée, elle est aujourd’hui porteuse de nombreuses volontés d’évolution pour la vallée, jusqu’à revendiquer une certaine autonomie visà-vis de la force métropolitaine.

Il existe dans un premier temps des acteurs qui peuvent être qualifiés de « spécifiques », car ils me semblent se situer à la croisée des forces politiques et des revendications habitantes, avec des compétences qui leur sont propres.

42

* La vallée du Gier pour les nuls, dessin d’un habitant issu du Guide Indigène

Au sein de la vallée, ils collaborent en effet avec les acteurs institutionnels, mais développent en parallèle des visions futures plus en lien avec les spécificités locales. Le Parc Naturel Régional du Pilat participe par exemple à la mise en place d’une démarche décisionnaire horizontale, en s’appuyant sur une grande concertation entre tous les acteurs de son territoire, structures voisines comprises. Le Syndicat mixte du Gier Rhodanien établit lui aussi un lien interdépartemental à travers les communautés de communes sur lesquelles il opère. Enfin, le Syndicat Intercommunal du Pays du Gier,

structure plus faible que les deux précédentes, possède un nom évocateur de sa volonté d’appartenance à l’échelle locale. Ces acteurs possèdent des compétences de développement et de gestion (du patrimoine, des milieux naturels, des risques), ils sont ainsi en mesure de proposer des aménagements en lien avec l’environnement réel et les acteurs du territoire.

En parallèle de ces structures se trouve la société civile : elle regroupe de nombreuses associations qui visent à donner de l’ampleur aux revendications habitantes. Aujourd’hui, ces dernières formulent surtout des demandes pour accroître les espaces de vivre-ensemble et les possibilités d’intermodalité. Les débats sur les moyens de transport et l’avenir de l’A47 sont en effet importants au sein de la société civile, où plusieurs collectifs se mobilisent pour promouvoir les alternatives à la voiture. C’est le cas de Vélorution « À l’assaut du Gier », qui regroupe une quarantaine d’associations et milite pour la construction de véloroutes à travers la vallée du Gier.

Au départ, ce projet émane du Pôle Métropolitain, qui ne semble pourtant pas décidé à le mettre en œuvre tout de suite. Ici, les acteurs locaux investissent donc la vallée à vélo et organisent des évènements réguliers.

Il existe également plusieurs associations de valorisation et de protection du patrimoine (CERPI,

ARRH, ARCOMA), en parallèle d’un acteur économique local : le Club Gier, un regroupement de 200 entreprises qui mènent des actions collectives pour illustrer la diversité du tissu économique de la vallée. Le Club Gier se positionne en accord avec les projets du Pôle Métropolitain, mais aimerait aussi pouvoir prendre part à sa gouvernance avec une approche plus environnementale.

Il apparaît donc clairement que les revendications qui émanent de la société civile diffèrent de celles de la force politique. Ici, un équilibre reste pourtant à trouver dans le récit territorial de la vallée, vers une complémentarité entre dynamiques métropolitaines et trajectoire en lien avec les spécificités locales. Les acteurs métropolitains effectuent déjà un travail de coordination des différents moyens de transport en commun au sein de la vallée, ils ont donc un rôle à jouer dans la mise en place de l’intermodalité. En parallèle, une société civile plus coordonnée pourrait être force de propositions au sujet de l’aménagement territorial. « On s’occupe du maintien de la culture industrielle. On faisait partie de l’Office de Tourisme de Saint-Chamond, quand il a fusionné avec celui de Saint-Étienne, on a été relégué, oublié. » Entretien avec une association, Guide Indigène de détourisme de la vallée du Gier, 2016

43

1

Givors, une opportunité d’équilibre dans les récits Comme expliqué précédemment, mes explorations de la vallée m’ont amenée à m’attarder sur ses trois plus grandes communes. Cependant, au fur et à mesure, mon intérêt s’est concentré pour plusieurs raisons sur Givors.

Tout d’abord, et nous y reviendrons plus en détail dans la partie suivante, il s’y observe aujourd’hui de nombreuses coupures urbaines, issues de problèmes spatiaux très marqués et représentatifs de ceux qui s’illustrent globalement dans la vallée. Une opportunité de travail à un cadrage moins large se dégageait donc, avec la possibilité d’y apporter des solutions de paysage concrètes, en lien avec les spécificités locales propres à la vallée du Gier.

Ces enjeux spatialisés ont d’autant plus de sens que Givors apparaît comme la commune au coeur même de l’aire métropolitaine Lyon – Saint-Étienne.

Située à environ 20 kilomètres de l’une et 30 de l’autre, elle fait partie du périmètre de l’actuelle Métropole de Lyon depuis 2007, mais se revendique d’un point de vue historique comme d’appartenance à l’espace géographique stéphanois. C’est cette double-affiliation qui lui attribue aujourd’hui un véritable positionnement inter-métropolitain.

Givors se révèle donc comme un point pivot entre Lyon et Saint-Étienne. Elle contribue notamment à marquer un passage entre les deux, en étant un haut-

lieu de l’évolution des infrastructures de transport qui y mènent (canal, chemin de fer, A47), mais aussi par le biais de ses entités naturelles environnantes qui établissent un glissement : d’une vallée à une autre, d’une rivière à un fleuve, et de reliefs marqués à une plaine plus vaste.

Dans les imaginaires propres au bassin du Gier, la vallée commence ou se termine à Givors, en fonction de la direction adoptée. C’est donc une porte d’entrée ou un débouché, en lien avec son étymologie qui signifie « au bord du Gier ». La commune est aussi perçue selon son aspect pratique : historiquement une des dernières étapes avant l’accès à Lyon, elle est aujourd’hui un pôle administratif dont les habitants apprécient la dimension. En parallèle, la ville est connue pour sa grande mixité sociale, et reste considérée comme industrielle dans les esprits collectifs. Elle fut en effet à l’avantposte de l’industrialisation et de la désindustrialisation en France, la matrice industrielle subsiste donc toujours dans sa matérialité.18 Dans les imaginaires généraux, Givors est intimement associée à l’A47 car elle en est un point stratégique : « les bouchons de Givors » bénéficient en effet d’une certaine renommée. À l’approche de la ville et dans sa traversée, l’autoroute accueille régulièrement parmi les plus longs embouteillages de France. Ils donnent

18. Clémentine Périnaud. De la ville industrielle à la ville désindustrielle : Analyse de la production sociospatiale de deux territoires d’industrialisation ancienne (Givors et Terrenoire). Géographie. Université de Lyon, 2019.

44

dès lors de l’ampleur au paysage fonctionnel qui l’entoure. En effet, la population associe souvent Givors à la plus grande zone commerciale de toute la vallée qui fait partie intégrante de ce paysage.

Ainsi, dans les imaginaires externes à la vallée, Givors est parfois perçue comme la portée d’entrée vers le Pilat, mais demeure surtout un lieu de passage potentiellement désagréable ; de même, il est difficile pour les regards extérieurs

de l’associer véritablement à Lyon ou à Saint-Étienne. À ce stade émerge donc un point important de la situation territoriale actuelle de Givors : une ville pensée entre deux visions métropolitaines qui ne correspondent pas aux réelles dynamiques de la commune, par ailleurs contradictoires avec celles de la Métropole de Lyon.18

45

1

Des dynamiques locales significatives À mon sens, Givors constitue un lieu de confluence : naturelle d’une part, car le Gier s’y jette dans le Rhône, mais aussi en termes de mouvances territoriales, qui prennent aujourd’hui des formes réunificatrices. En effet, la société locale possède de nombreux atouts qui peuvent contribuer à mettre en place un équilibre dans le récit territorial, avec un rapport moins duel entre acteurs politiques et habitants. Tout d’abord, l’échelon communal y est moins effacé grâce à une nouvelle municipalité arrivée en juin 2020, et qui semble établir un dialogue transversal à la fois avec les habitants et la Métropole de Lyon.

En parallèle, il existe à Givors un grand nombre de volontés habitantes, autant d’imaginaires et de demandes pouvant alimenter un nouveau récit territorial. À l’appui des témoignages ci-contre, qui constituent un échantillon représentatif des avis que j’ai pu récolter, il est tout d’abord possible de se rendre compte que les habitants revendiquent l’existence d’une riche vie sociale, mais qu’il leur manque des lieux pour l’exercer.

Ils attestent également d’une ville qui se délabre, et d’une quasi-absence de commerces de proximité. En parallèle, la forte circulation automobile leur gâche la vie, mais demeure le moyen de transport le plus pratique. Enfin, ils soutiennent que leur ville possède un grand potentiel en termes d’aménagements futurs, et semblent pleinement saisir

la force qu’elle pourrait tirer de son positionnement « d’entre-deux », associé à sa proximité avec de grands espaces naturels.

J’ai ainsi décidé de me concentrer sur Givors et de m’appuyer sur cette opportunité d’équilibre, qui me semble propice à la mise en place d’un projet de paysage concret, en lien avec des enjeux spatiaux localisés mais qui demeurent représentatifs de ceux de la vallée.

Givors, par le biais de sa position de carrefour, peut aussi se positionner comme une commune « pilote » au sein de la vallée, et y impulser une circulation de dynamiques d’aménagement plus démocratiques en amont. En effet, il convient aujourd’hui de reconsidérer le traitement des paysages fonctionnels anciens, vers des espaces urbains et des voies de reconstitution d’identités collectives moins banalisées. Dans un contexte où la métropolisation est la modalité contemporaine d’adaptation des territoires, il faut réinterroger le rôle des anciennes périphéries productives.

Elles demeurent soumises à des dynamiques globales, mais également porteuses d’enjeux d’aménagement qui leur sont propres.18 « La qualité du territoire, […] c’est la relation des habitants entre eux et avec (lui), seule à même de ré-organiser la perception […] par ceux qui en usent principalement et par les visiteurs. » Notes d’un géographe, Guide Indigène de détourisme de la vallée du Gier, 2016

46

Témoignages d’habitants

« La ville est humaine et les Givordins sont accueillants. Il y a de nombreux services municipaux, des activités culturelles et sportives, mais les bâtiments de l’entrée de ville sont vieux et déprimants, et il manque des pistes cyclables. » Quentin, 19 ans

« Les nuisances routières sont omniprésentes, que ça soit l’autoroute qui sépare la ville en deux, ou les routes qui proviennent des divers plateaux de Givors. La circulation est très chargée, il y a du bruit et de la pollution. Le centre-ville se désertifie. » Pénélope, 38 ans

« Cette ville est en pleine mutation mais il manque des lieux pour les jeunes, et des bars, la vie nocturne est inexistante. Les bâtiments sont vieillissants. » Stéphane, 41 ans

« La ville a un très beau potentiel compte-tenu de sa proximité avec Lyon, le parc du Pilat, et de son excellente desserte, mais elle a été laissée à l’abandon pendant de nombreuses années avec l’ancienne municipalité. » Teddy, 23 ans

« La délinquance est en baisse grâce aux nouvelles dispositions, il y a de nombreux services et équipements, mais il manque des petits commerces de proximité. » Patricia, 67 ans

« Cette ville est ouverte au lien générationnel. »

Ryan, 26 ans

« Givors c’est une ville attachante avec de belles perspectives d’avenir, des habitants chaleureux et ouverts, un tissu associatif riche, il faudrait des transports en commun plus réguliers et qui quadrillent mieux les quartiers, et de nouveaux restaurants. » Patrick, 46 ans

« Cette commune pourrait être dynamique mais elle dort. Il ne s’agit pas de saupoudrer quelques actions de ci de là mais de réellement bouleverser le paysage urbain pour casser cette spirale infernale. Elle pourrait tirer parti d’un positionnement géographique hors du commun mais elle n’en fait rien. » Jean, 59 ans

« La ville a du potentiel pour se renouveler, mais avec plus d’espaces de verdure et un travail sur son image. J’espère que l’arrivée du nouveau cinéma amènera de nouveaux restaurants. Il faudrait refaire les abords de la zone commerciale qui manque de végétation et d’harmonie. » Inès, 33 ans

« La ville est à proximité des espaces naturels et du Pilat, mais les bords du Gier pourraient être mieux mis en valeur. » Marine, 28 ans

« Une ville à proximité de Lyon et de SaintÉtienne, avec une ambiance cosmopolite et un bel environnement mais qui ne profite pas de ses atouts. Le centre commercial est pratique. » Farrah, 35 ans

47

Au terme de cette première partie, nous avons mis en évidence que la vallée du Gier est un territoire où s’illustrent trois types de dualités.

Le premier type concerne les différences entre la façon dont ce territoire est pratiqué et la perception qui s’en dégage. Il touche à son positionnement « d’entre-deux », qui lui confère une dimension traversée, mais qui ne permet pas de définir cette vallée de façon juste car ses caractéristiques réelles l’établissent davantage en bassin de vie.

Une autre sorte d’opposition naît des attributs propres à la vallée du Gier, qui la font fonctionner en micro-région. Des dualités s’observent en effet entre un fond de vallée urbain et des coteaux verdoyants ; elles engendrent une fragmentation spatiale, mais aussi sociale. Ici, des divergences d’intérêts se dessinent.

Enfin, le dernier type de dualités voit s’affronter plusieurs conceptions quant à la trajectoire future du territoire, avec des différences entre les visions des forces politiques et celles des acteurs locaux.

Là encore, il est question d’écarts de perception et d’intérêts, mais aussi de liens réels au territoire.

Ainsi, établir un projet de paysage nécessite de composer avec ces coexistences, de mobiliser les récits territoriaux et de parvenir à y trouver un équilibre ; une telle pondération semble pouvoir se mettre en place à Givors, commune confluence de la vallée.

2 Givors et la confluence

UNE VILLE À L’IMAGE DE LA VALLÉE

2

Une ville au carrefour de nombreuses dynamiques Dans la partie précédente, nous avons introduit le fait que Givors est une commune bénéficiant d’un positionnement géographique et administratif particulier. Elle se situe en effet à l’extrémité est de la vallée du Gier, au croisement de celle-ci avec le commencement nord de la vallée du Rhône.

Aujourd’hui, Givors est une commune de presque 20 000 habitants*, qui se développe à la pointe sud de la Métropole de Lyon, qu’elle a rejoint en 2007. La Métropole compte quant à elle environ 1 400 000 habitants*, ce qui contribue à inclure Givors dans une puissante entité au sein du département du Rhône.

Givors s’esquisse donc comme un point stratégique au sein de la région Rhône-Alpes, véritable lieu de glissement entre des espaces administratifs, métropolitains, mais aussi des évolutions d’infrastructures et des entités naturelles. Ses multiples facettes de confluence me semblent lui donner une grande force sur le territoire, et de nombreuses possibilités d’évolution.

La commune possède cependant les niveaux de revenus les plus bas de la Métropole, ce qui ne l’empêche pas de gagner des habitants depuis 1999 (elle n’avait cessé d’en perdre depuis 1975).

Les moins de 30 ans représentent 40 % de la population communale*, qui demeure ainsi relativement jeune ; toutefois, les retraités y sont également fortement représentés.

RHÔNE

Givors

50

Lyon

Métropole de Lyon

Un emplacement stratégique

« Faire comme à Givors »

Cette expression non dénuée de moquerie provient au départ des Lyonnais et autres proches voisins de la commune. Elle s’emploie dans le sens « n’en faire qu’à sa tête, ne pas faire comme les autres, prendre des

libertés » et renvoie indéniablement au statut historique de Givors comme ville franche. Cependant, en lui ôtant toute connotation péjorative, elle témoigne véritablement des libertés auxquelles la ville aspire depuis longtemps.19

* INSEE 2017 19. J.-F. Augoyard, G. Dupont, J. Maglione. Faire comme à Givors : naissance d’un nouveau quartier. Formes d’appropriation et structuration de la vie quotidienne dans le nouveau Vieux-Givors, 1979-1981. CRESSON, 1983.

51

2

Des périmètres qui se mélangent Givors se développe donc à son nord comme à son sud en suivant l’axe du Gier, qui mène alors au Rhône. Ce dernier se positionne en limite communale ; il est aujourd’hui une frontière à la fois physique et administrative.

La ville est également entourée de nombreuses communes, qui se répartissent elles-mêmes au sein de plusieurs autres intercommunalités.

Cette multiplicité de collectivités territoriales ne facilite pas la lecture de l’espace institutionnel autour du méandre du Rhône.

Givors et ses communes limitrophes, Ternay et Chasse-sur-Rhône, me semblent s’inscrire dans une trajectoire collective. D’une part, cela s’explique par le fait qu’elles sont situées en vis-à-vis du Rhône, fleuve dont elles partagent les

rives. Elles sont d’autre part concernées par des enjeux similaires, liés par exemple à leur positionnement de limites administratives, d’espaces soumis à des infrastructures de transport, ou de sites industrialisés. Pourtant, aucune d’elle ne fait partie de la même intercommunalité, et Chasse-sur-Rhône appartient même à un autre département. Actuellement, la municipalité de Givors communique plus avec Chasse-sur-Rhône qu’avec Ternay, afin de mettre en place des solutions pour faciliter les flux de travailleurs, nombreux entre les deux communes.

Côté vallée du Gier, la lecture de l’espace intercommunal ne demeure pas plus simple, avec les présences cumulées de la Métropole de Lyon et de plusieurs communautés d’agglomération ou de communes. Mais comme je l’ai évoqué au cours de la première partie, certaines collectivités territoriales travaillent ensemble, par le biais notamment des acteurs spécifiques comme le PNR du Pilat.

Ces observations m’amènent à travailler à une échelle qui soit plus intercommunale, vers une dynamique de réunification autour du méandre du Rhône. Des réflexions collectives semblent pouvoir se structurer de part et d’autre du fleuve, afin de donner plus d’ampleur à la confluence avec la vallée du Gier.

Vue de Chasse-sur-Rhône depuis Givors

52

Millery Montagny

Département du Rhône

Chassagny

Département de l’Isère

SaintAndéolle-Château

Grigny

Ternay Communay

GIVORS

Chasse-surRhône

Chuzelles Seyssuel

Échalas

Loire-surRhône Saint-Romain-en-Gal SainteColombe

Vienne

Une interface interdépartementale

Métropole de Lyon Vienne Condrieu Agglomération Communauté de communes des Pays de l’Ozon Communauté de communes de la Vallée du Garon Communauté de communes du Pays Mornantais

Une interface intercommunale

53

2

Un contexte mouvant : une nouvelle municipalité La volonté de développer une échelle de collaboration intercommunale s’observe aussi au sein de la nouvelle municipalité. Élue en juin 2020, cette équipe municipale étiquetée DVG (Divers gauche) et soutenue par EELV (Europe Écologie Les Verts) souhaite notamment travailler en partenariat avec la Métropole de Lyon et les communes environnantes hors métropole (Chassesur-Rhône, Mornant) au sujet des transports.

une dynamique globale au sein de la Métropole : son nouveau président, Bruno Bernard, et l’actuel maire de Lyon, Grégory Doucet, sont également des élus EELV en poste depuis juin 2020. Comme le confirme N. Laouadi, la communication se veut donc plus facilement établie avec l’échelon territorial supérieur, dans un contexte où Givors a longtemps eu le sentiment d’être laissée de côté au sein de la collectivité.

Mohamed Boudjellaba, Givordin de naissance, est le maire à la tête de cette liste ; j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec deux de ses collègues : C. Mathey, adjoint mobilités et transitions, et N. Laouadi, adjointe à l’urbanisme, qui m’ont apporté de nombreuses précisions quant aux projets de la mairie pour ce nouveau mandat. La nouvelle équipe vient de mettre fin à 67 ans d’une histoire communale marquée par le communisme : Givors a en effet longtemps été un rare bastion communiste au sein de la Métropole.

La seconde raison est liée aux actions que la nouvelle mairie souhaite mettre en place. En ce début de mandat, tout est loin d’être fixé, mais le programme de campagne témoigne de préoccupations très proches des revendications habitantes. Intitulé « Construisons ensemble », il traite en effet de « conjurer l’affaiblissement » de Givors, « surmonter la peur du présent et préparer l’avenir », « transformer la ville au coeur de la métropole », et « refaire de Givors une ville fraternelle ». Ces volontés significatives établissent des liens avec les éléments majeurs qui émergent des témoignages que j’ai pu récolter.

Cette municipalité dernièrement élue semble pouvoir participer à la mise en place d’un équilibre dans le récit territorial ; il se présente là une opportunité d’inscrire un projet de paysage dans une trajectoire qui ait une réelle portée.

La première raison à cela est que cette élection se positionne dans

54

Les secteurs que la municipalité souhaite prioriser sont l’urbanisme, la jeunesse, l’éducation, la santé, l’insertion et la culture. Parmi ces catégories se trouvent des réalisations à venir qui ont le potentiel d’impulser de nouvelles dynamiques au sein de l’espace urbain,

tout en étant cohérentes avec l’amorce d’un projet de paysage.

Il s’agit notamment de plusieurs grands projets urbains à l’étude : une potentielle couverture de l’A47, des axes à piétonniser, des secteurs à végétaliser, ou encore des réaménagements d’anciens sites industriels. La mairie souhaite avant tout réhabiliter le bâti existant pour freiner l’étalement l’urbain et penser l’urbanisme en lien avec l’environnement naturel. Dans cette optique, C. Mathey affirme qu’il faut aujourd’hui se servir du Gier comme d’un atout, et N. Laouadi parle d’un objectif de 30 à 40 % d’espaces verts au sein de la ville. La lutte contre les segmentations sociales et l’habitat insalubre amène également Givors à faire des propositions de renouvellement urbain à la Métropole.

En parallèle, comme le signalent les deux adjoints, la priorité de la commune concerne les mobilités et l’apaisement.

Ils évoquent des réflexions au sujet de la réduction de la place accordée à la voiture, de la transformation de l’A47, de l’augmentation des transports en commun et de l’apparition de nouveaux moyens de déplacement (mobilités douces, transport fluvial, téléphérique).

La municipalité a bien conscience qu’un travail sur l’image de la ville doit s’opérer ; elle souhaite donc rénover ses entrées, mais aussi affirmer sa culture

Carte postale de 1909 *

industrielle pour développer le tourisme.

Elle ne se positionne cependant pas contre l’industrialisation de certains secteurs définis, affichant elle-aussi la volonté de devenir un pôle économique, mais les adjoints ont conscience que les sites industriels contraignent les aménagements urbains. Enfin, pour maintenir une vie locale animée, il est question de développer l’artisanat et les commerces à certains points stratégiques.

Ces idées qui se construisent progressivement témoignent d’un climat de dialogue et d’écoute, visà-vis des habitants comme des acteurs institutionnels. Elles semblent également tenir compte des spécificités locales, et dans cette continuité, nous allons maintenant nous attarder sur les enjeux propres à Givors.

* Photographes en Rhône-Alpes, bibliothèque municipale de Lyon

55

2

De quoi se compose le grand paysage givordin ?

Nous allons dans un premier temps nous intéresser à l’organisation générale des entités spatiales de la commune givordine.

Givors et la vallée du Gier *

Un territoire exploité par les activités humaines

Ces vues aériennes permettent de comprendre le positionnement de la commune à la confluence des deux vallées. Elles illustrent aussi la manière dont a été urbanisé le territoire : un fond de vallée exploité au maximum, témoignage d’une rentabilisation spatiale de sa vocation fonctionnelle.

En direction de la vallée du Gier, il s’observe une alternance entre infrastructures de transport et emprises commerciales ou industrielles, délimitée par des coteaux verdoyants mais marqués d’extensions urbaines.

Givors et la vallée du Rhône **

En direction de Lyon et du commencement de la vallée du Rhône, le territoire se dessine aussi de manière très urbanisé et accueille de grands cordons industriels plus contemporains, qui bordent le cours du fleuve.

* Site « Givors d’un siècle à l’autre » ** Métropole de Lyon

56

Une topographie qui limite l’urbanisation

295 m 235 m

278 m

313 m

165 m

304 m

310 m

330 m

340 m

le Gier

1 km

AA’ Plateau de Montrond

Coteaux Mornantais

Fond de vallée

Coteaux du Pilat

Plateau du Pilat Monts du Pilat

Monts du Lyonnais

Ce fort développement urbain s’inscrit au coeur d’un environnement structuré par une topographie contraignante, qui présente à la fois un inconvénient et un avantage : elle limite en effet les possibilités d’urbanisation. Le fond de vallée encaissé est entouré de chaque côté par des versants qui marquent une différence de dénivelé de presque 150 mètres avec lui. La coupe ci-dessus met en évidence le fonctionnement d’un espace entre un fond de vallée étroit et des hauteurs qui accueillent des plateaux vallonés.

A

PNR du Pilat

A’

57

2

Une ville déconnectée de ses entités naturelles alentour À l’image de la vallée du Gier, les entités naturelles associées à Givors sont omniprésentes, mais comme en témoigne la carte de grand paysage cicontre, elles demeurent déconnectées du fond de vallée urbain.

Le fond de vallée est cerné au nord comme au sud par des espaces naturels composés de coteaux, puis de plateaux. Les coteaux surplombent en effet la ville ; ils laissent ensuite place à des plateaux, eux-mêmes entaillés de combes ou de talwegs qui remontent vers l’intérieur des terres.

Sur chaque versant, les coteaux sont essentiellement boisés et apparaissent comme de forts éléments visuels, très perceptibles depuis le fond de vallée ; ils garantissent en parallèle la stabilité géologique du site.

Les coteaux boisés côté Pilat

* Protection des Espaces Naturels et Agricoles Périurbains 58

Les plateaux, encore empreints d’agriculture (cultures céréalières, élevage, arboriculture), sont parsemés de hameaux et de champs bordés de haies homogènes ou de bois.

Presque tous les coteaux et plateaux sont concernés par des périmètres PENAP*. Malgré cela, le phénomène d’extension urbaine demeure bel et bien présent ; ici, il concerne davantage les coteaux mornantais au nord de Givors, qui bénéficient d’une meilleure exposition.

En parallèle, de nombreux zonages ZNIEFF** et ENS*** y sont répertoriés ; ces sites s’esquissent ici comme des éléments naturels représentatifs du grand paysage givordin et précieux à l’échelle du département. Ils sont appréciés des habitants qui peuvent aller s’y promener.

Enfin, il est possible de constater que les cours d’eau circulent aux points les plus bas : fond de vallée, combes et talwegs. Ils se positionnent ainsi comme de véritables articulations, et connectent les entités naturelles avec le fond de vallée. Le Gier établit notamment un lien jusqu’au Rhône ; il demeure pourtant en mauvais état écologique et peu mis en valeur sur le territoire. En parallèle, la perméabilité végétale semble absente du fond de vallée, aujourd’hui grandement artificialisé. **

Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique *** Espace Naturel Sensible

ZNIEFF type 1

Bois de la Cure Bro

on Gar

Le

ENS

Le

ZNIEFF type 2

ulo

n M Le

Le

et nt na or

PLATEAU DE MORNANT

Mornantet

Bois de Montrond on ar Le G

PLATEAU DE MONTROND

LE GIER

Bois du Cras

LE

RH

ÔN

E

eau du Cotéon

Ruiss ns

de ea u

PLATEAU DU DREVET

Ru

Vallons et landes du Nord-Est du Pilat

Vallée du ruisseau du Morin

e

iss

Ru

n

ori

uM

d au

Rolland

et qu

500m

La

PLATEAU DU PILAT

du

u

Combe de l’Enfer

Vallée des affluents du Gier

ea iss

Ru

Vallée du Cotéon

Ba

iss

Bois de la Rama

au

se

is

Ru

2

Comment s’organise l’enveloppe bâtie de Givors ?

Ainsi, après avoir à nouveau constaté la présence d’une dualité entre environnement naturel et fond de vallée urbanisé, nous allons maintenant nous intéresser à la composition de l’enveloppe bâtie de Givors. Le fonctionnement de cette dernière se présente aujourd’hui sous la forme d’une véritable mosaïque urbaine et se veut donc difficile à appréhender.

Un tissu fonctionnel omniprésent et stratégique En lien avec la vocation utilitaire de la vallée du Gier, Givors accueille un important tissu fonctionnel, implanté à des endroits stratégiques et qui s’organise en trois catégories.

Tout d’abord, il y a le tissu industriel fortement développé autour du Rhône, axe fluvial connu pour son industrialisation. Du nord au sud se succèdent ainsi le port pétrolier, la zone industrielle de Chasse-sur-Rhône, et le Site Industrialo-Portuaire. Ces lieux sont aujourd’hui des enclaves urbaines, inaccessibles au grand public. Le port pétrolier de Givors l’illustre bien : il dissimule en effet une large portion du Rhône, et contraint fortement les projets d’aménagement alentour.

Vient ensuite le tissu commercial, qui se déploie surtout le long de l’axe du Gier.

La zone commerciale Givors 2 Vallées,

60

étalée sur presque deux kilomètres, est représentative de l’ampleur que prennent ces entités bâties dans la vallée et aux entrées des villes. L’hypermarché Carrefour constitue par ailleurs le principal employeur de la commune.

Pourtant, le site des 2 Vallées n’est accessible qu’en voiture et demeure donc peu connecté au reste de Givors.

Enfin, la présence des équipements a une portée considérable sur l’espace urbain, et notamment dans le nord de la ville. D’est en ouest, la présence d’un lycée, d’un hôpital, d’un collège puis du quartier du stade, engendre une ceinture d’équipements peu perméable, difficile à traverser. En conséquence, elle complique les communications avec le nord de la commune.

Ainsi, ces zones fonctionnelles sont indépendantes du reste de la ville, et créent des séparations au sein de l’espace urbain.

Le port pétrolier, obstacle à l’accès au Rhône

GRIGNY

Tissu industriel Tissu commercial

Stade

Équipements

GIVORS

Les 2 Vallées

TERNAY

Port pétrolier

CHASSE-SUR-RHÔNE ZI de l’Islon

SIP

LOIRE-SUR-RHÔNE

500 m

Les 2 Vallées, une ville dans la ville

Le quartier du stade, peu perméable

61

2

Une centralité difficile à définir La centralité actuelle de Givors n’est pas évidente à observer, et pour cause : deux emplacements me semblent aujourd’hui pourvoir faire office de centre urbain.

Initialement, c’est le centre ancien, situé au sud du Gier, qui est considéré comme tel. La ville s’est en effet développée à partir de là et toutes les fonctions administratives s’y trouvent encore : la mairie, la gare principale, le Pôle emploi, le Centre des Finances Publiques, l’hôtel de police ou encore la Maison de la Métropole. Ces lieux contribuent à en faire une véritable « cité administrative » appréciée des habitants. En parallèle, malgré la désertification à laquelle fait

62

Les rues du centre ancien, noyau décentré

face le quartier depuis plusieurs années, des axes commerçants et le marché principal y subsistent.

Cependant, un tissu composite plus central me semble aujourd’hui pouvoir faire office de nouvelle centralité.

Structuré autour de l’axe nord-sud que constitue la départementale traversant toute la commune, il réunit des épiceries, des snacks et des boulangeries. Il se présente ainsi comme un quartier vivant et difficilement évitable. Ici, une intervention urbaine me semble pouvoir être menée pour le rendre plus adapté à la déambulation, tout en renforçant son potentiel d’axe transversal réunificateur au sein de la ville.

GRIGNY

Centre ancien Tissu composite : commerces, artisanat, logements

TERNAY

GIVORS

CHASSE-SUR-RHÔNE

LOIRE-SUR-RHÔNE

500 m

Un axe central entouré de commerces

Un centre ancien à vocation administrative

63

2

Un tissu résidentiel varié mais contrasté Aux deux catégories détaillées précédemment vient maintenant se superposer le tissu résidentiel. Il s’observe sous trois formes au sein de la commune : collectif, individuel dense et pavillonnaire.

Aujourd’hui, ce tissu peut être qualifié de contrasté car les différents espaces résidentiels se mélangent peu. En effet,

le fond de vallée accueille des habitats majoritairement denses et collectifs, quand les coteaux sont peuplés de pavillons individuels plus isolés. Cette segmentation spatiale témoigne en parallèle d’une certaine fragmentation sociale.

Il faut noter que les habitations à Givors sont majoritairement collectives : 66 %

Collectif

GRIGNY

Individuel dense

Les Vernes

Pavillonnaire

TERNAY

GIVORS Coteaux Mornantais

Les Plaines

Les Tours

CHASSE-SUR-RHÔNE Les Étoiles

500 m

LOIRE-SUR-RHÔNE

des ménages vivent en appartement, dans un contexte où les logements sociaux constituent presque 50 % du parc résidentiel de la commune.*

Les Plaines, où subsiste une mixité

La ville compte plusieurs quartiers de grands ensembles, issus de périodes architecturales différentes : les Vernes (années 1970), la cité ouvrière Casanova au sein du quartier des Plaines (apogée industrielle), les Tours (après-guerre) et les Étoiles de J. Renaudie (années 1980), labellisées « patrimoine du 20ème siècle ». Ces logements collectifs rythment le fond de vallée en suivant l’axe nord-sud.

Le quartier central des Plaines est la seule emprise majoritairement résidentielle où s’observe une réelle mixité formelle. En effet, les habitats collectifs denses y côtoient des immeubles de plus petite ampleur, mais aussi des maisons individuelles.

Ce quartier constitue aujourd’hui le témoignage spatial d’une ancienne ville industrielle avec un passé migratoire important. Ici, une mixité sociale subsiste au-delà de la segmentation formelle.

L’extension pavillonnaire côté Mornant

Cet héritage n’empêche pas de constater à Givors le même phénomène qui se déploie à l’échelle de la vallée du Gier : des populations précaires dans le fond de vallée, face à des résidents plus aisés dans des maisons pavillonnaires sur les hauteurs. * PLU de Givors

65

2

Un fonctionnement insulaire

Ainsi, les différents types de tissus évoqués précédemment s’accumulent au sein de l’espace urbain sans se mélanger et génèrent aujourd’hui un fonctionnement insulaire par quartier. Cette insularité complique la compréhension et la pratique physique de la ville.

La carte de recensement ci-dessous vise à identifier les quartiers qui fonctionnent ensemble, et amorce la notion de coupure urbaine sur laquelle nous reviendrons par la suite. Ici, il apparaît nettement que les fractures spatiales sont alimentées par l’imperméabilité des entités urbaines.

GRIGNY

1

2 3

4 5

12

7

13

11

GIVORS 16 15

17

TERNAY

8

6 9

10

18 19

CHASSE-SUR-RHÔNE

23

20

25

21 22 24 14 26 27

28 500 m

LOIRE-SUR-RHÔNE

Les Vernes, un quartier historique isolé

L’image ci-dessus montre les Vernes, exemple représentatif d’un quartier actuellement insulaire. Il demeure en effet mal relié au reste de la commune, ce qui en complique les accès et contribue à isoler ses nombreux habitants. Pourtant, cette entité bâtie

se veut très visible, notamment depuis l’entrée nord de la ville. Elle n’est pas non plus exclue de l’enveloppe urbaine, tout en se trouvant à proximité du plateau de Mornant, et peut ici s’appuyer sur ce positionnement avantageux pour s’engager dans une nouvelle dynamique.

1 : Les Vernes 2 : Lycée Aragon-Picasso 3 : Centre hospitalier et collège Lucie Aubrac 4 : Complexe sportif de la Plaine 5 : Cité du Garon 6 : Les Plaines 7 : Givors-canal 8 : ZA du Garon 9 : TACS (port pétrolier) 10 : Les Tours 11 : Presqu’île 12 : Coteaux Mornantais 13 : ZAC de Montrond 14 : Zone commerciale Les Biesses

15 : Zone commerciale Givors 2 Vallées 16 : Site Fives-Lille 17 : Village automobile 18 : Site VMC 19 : Gare 20 : La Freydière 21 : Les Cornets 22 : Cotéon 23 : Centre ancien 24 : Bouchage 25 : ZI de l’Islon 26 : Bans 27 : L’île du Bans 28 : Site Industrialo-Portuaire

67

2

Sous quelles formes l’histoire se retrouve-t-elle ?

Le fonctionnement actuel de l’enveloppe bâtie trouve sa source dans l’histoire, qui est à l’origine de la forme que prend aujourd’hui Givors.

Son développement urbain se veut toujours structuré par la matrice industrielle ; elle a en effet participé à la création des coupures urbaines et des insularités. L’organisation spatiale et ses enjeux découlent ainsi de décisions d’aménagement prises depuis la Révolution Industrielle, que nous allons maintenant détailler.

* 1870, Givors et le canal

Du 18ème siècle à l’industrialisation À la fin du 18ème siècle, Givors se présente avant tout comme un village agricole, avantageusement positionné entre le Rhône et le Gier. La vigne est cultivée sur les coteaux sud de la commune, dont le bourg se situe à l’emplacement du centre ancien actuel, au sud du Gier et au pied de la colline Saint Gérald. Cette dernière accueille sur ses flancs un château médiéval du même nom, dont les ruines sont encore visibles aujourd’hui.

Au début du 19ème siècle, Givors demeure un village agricole ; pourtant, le début de l’industrialisation est en marche. Suite à la construction du canal qui la relie à Rive-de-Gier entre 1760 et 1780, la commune se dessine progressivement comme un centre de

commerce important. Les premiers maîtres verriers s’implantent donc à Givors, séduits par l’emplacement à proximité de Lyon et du bassin houiller de la Loire, mais aussi près des voies de circulation et du sable des cours d’eau.

Les verreries se développent ainsi sur la partie centrale de la commune, entre le canal, le Gier et le Rhône. À l’aube de la Révolution Industrielle, l’activité verrière s’impose ici comme le marqueur des prémices de l’industrialisation. Elle est suivie d’une extension des entreprises vers l’ouest, dans la continuité de la « presqu’île » centrale. En parallèle, l’axe de l’actuelle départementale se dessine déjà comme une voie de communication nord-sud structurante au sein de la commune.

* Bibliothèque municipale de Lyon D’après la carte de Cassini (18ème siècle) et le cadastre napoléonien (début du 19ème siècle)

68

Fin 18è : un village agricole à un emplacement clé

Vers LYON

Délimitation communale actuelle Emprise de l’urbanisation

Le

r

Gie

Colline St Gérald

Le

Rhô

ne

Vers SAINT-ÉTIENNE

Début 19è : les 1ères verreries marquent le début de l’industrialisation

Vers LYON

D386

Tissu industriel

nal

Ca Le

r

Gie

Le

Rhô

ne

Vers SAINT-ÉTIENNE

69

2

Du 19ème siècle à la Seconde Guerre Mondiale Avant 1850, de nouvelles infrastructures sillonnent la commune : le canal s’est en effet doté d’un bassin de navigation qui sert de transition avec le Rhône, le Pont de Chasse, édifié au sud, établit un lien vers la rive d’en face, et la ligne de chemin de fer Saint-Étienne – Lyon, construite entre 1825 et 1832, s’inscrit comme un axe transversal majeur. Dans cette logique, la construction de la gare de Givors-ville va contribuer à la densification du centre ancien vers l’ouest.

La première moitié du 20ème siècle accueille de grandes transformations, associées à l’apogée économique que connaît alors la commune. Une extension urbaine majeure a en effet lieu : le centre ancien ne cesse de se densifier, le quartier des verriers émerge au sud de la presqu’île, et la ville se développe considérablement vers le nord, dans le quartier des Plaines.

Cette évolution de l’enveloppe bâtie est liée à l’ampleur des activités industrielles de l’époque, réparties en trois lieux importants. À l’ouest de la presqu’île se trouve tout d’abord le site Fives-Lille, une usine de mécanique spécialisée dans les équipements de génie civil. À l’aube de la Première Guerre Mondiale, elle emploie jusqu’à 7000 travailleurs. Au sein de son emprise, elle accueille également l’usine Berthiez, spécialisée dans la métallurgie et l’armement. Le site se positionne alors comme une véritable ville dans

la ville. En parallèle, les verreries, dont l’histoire est faite d’agrandissements, de fusions et de rachats, se sont déplacées au centre de la presqu’île. Enfin, le site Prénat, constitué de trois hautsfourneaux et d’ateliers de travail de la fonte, se déploie au nord-est du canal.

Ici, un axe industriel central se dégage, et les emprises y constituent déjà des enclaves à des positionnements stratégiques. En effet, le tissu résidentiel ne s’y mélange pas. En parallèle, le chemin de fer se complexifie, en lien avec l’augmentation de la production de marchandises.

1919 - 1945 : prospérité à Givors * Vue générale du centre ancien

Le site Fives-Lille

* Bibliothèque municipale de Lyon D’après la carte de l’état-major (1820-1866) et des photographies aériennes, datées du 20ème siècle

70

Vers LYON

Milieu du 19è : de nouvelles infrastructures sillonnent la commune

Délimitation communale

r

Gie

Le

Che

m

e in d

fer

Urbanisation

Pont de Chasse

Tissu industriel

Le

Rhô

ne

Vers SAINT-ÉTIENNE

Première moitié du 20è : des transformations majeures à l’apogée industrielle

Le

Vers LYON

r

Gie

Le

Rhô

ne

Vers SAINT-ÉTIENNE

71

2

De la seconde moitié du 20ème siècle à aujourd’hui Dès les années 1950, Givors connaît un développement d’après-guerre considérable. Durant le temps de la reconstruction, la commune voit son enveloppe urbaine se multiplier.

L’urbanisation du quartier des Plaines se poursuit, jusqu’à l’actuelle emprise du stade, et le quartier des Tours apparaît : caractéristique de cette période, il se structure en suivant l’axe de la départementale. En parallèle, le site Prénat a fermé ses portes, et le port pétrolier s’installe au bord du Rhône ; il induit l’implantation d’un nouveau type de tissu industriel.

La fin du 20ème siècle est déterminante pour la commune. En effet, au cours des 30 Glorieuses, la ville continue de s’étendre et atteint alors les coteaux, où une urbanisation extensive se met en place. Les terres agricoles diminuent alors nettement. En parallèle, le canal est rebouché.

Dès la fin des années 1970 émergent des équipements et des infrastructures d’une autre ampleur. En effet, à cette époque, plusieurs quartiers de grands ensembles se bâtissent à travers la commune : c’est le cas des Vernes, puis des tours Maurice Thorez au sein du quartier des Tours, et enfin de la cité des Étoiles. L’autoroute A47 est également mise en fonctionnement ; elle s’inscrit en partie dans l’ancien tracé du canal.

La construction de la zone commerciale Givors 2 Vallées débute à cette période, * Site Givors d’un siècle à l’autre D’après des photographies aériennes (20ème siècle)

72

et, dans la continuité, le méandre du Rhône s’industrialise.

En 1990, le tissu urbain ressemble à ce qu’il est aujourd’hui. Son étalement sur les coteaux a encore progressé.

En parallèle, la plupart des industries évoquées auparavant ne sont plus en fonctionnement. Deux sites subsistent pourtant : la verrerie, qui fermera ses portes en 2003 et dont les bâtiments seront ensuite détruits ; ainsi que le site Fives-Lille, racheté à cette époque par des fabricants de moteurs d’avion.

Aujourd’hui, il ne reste qu’une ancienne cheminée de la verrerie. Le site FivesLille est quant à lui encore debout, mais désaffecté depuis 2010, suite à la liquidation judiciaire de la dernière entreprise qui l’occupait.

Ce développement historique démontre ainsi l’impact de la matrice industrielle sur l’urbanisation et l’évolution des infrastructures de transport ; ces dernières contribuent aujourd’hui à segmenter le territoire givordin.

Construction des Vernes, 1970 *

Années 1950 : un développement d’après-guerre considérable

Vers LYON

Délimitation communale Urbanisation Tissu industriel

Le

Nouveau tissu industriel

r

Gie

Le

Rhô

ne

Vers SAINT-ÉTIENNE

Seconde moitié du 20è : des mutations urbaines déterminantes

Vers LYON

Coteaux Mornantais

Tissu commercial d’ampleur

Le

7

A4

r

Gie

Le

Rhô

ne

Vers SAINT-ÉTIENNE

73

2

Par quels biais se pratique le territoire à Givors ?

Les axes de circulation actuels impactent fortement l’organisation spatiale de Givors ; les infrastructures génèrent en effet de nombreuses coupures urbaines. La pratique du territoire se révèle ainsi compliquée, presque impossible sans voiture. Nous allons maintenant détailler les différents types de circulation envisageables au sein de la commune, et leur manière de s’inscrire dans le tissu urbain.

Une ville segmentée par l’autoroute Aujourd’hui, dans de nombreux esprits, l’autoroute A47 est étroitement associée à Givors, et pour cause : elle traverse toute la commune d’est en ouest, contribuant ainsi à la séparer en deux.

Cette autoroute régulièrement saturée se présente comme une infrastructure peu large, organisée selon une 2x2 voies. Elle est gérée par la DIR CentreEst* et donc administrée par l’État. Ces deux éléments contribuent en partie à expliquer son engorgement.

Classée en catégorie 1 voie bruyante, elle génère des pollutions à la fois sonores, visuelles et atmosphériques, auxquelles s’ajoutent les considérables difficultés de passage qu’elle engendre entre le nord et le sud de la commune.

Les « bouchons de Givors », embouteillages de renom, se forment le plus souvent dans sa traversée, à proximité du pont autoroutier.

Ici, les entrées ou sorties vers la ville n’arrangent rien à la situation, Une voie qui génère une nette séparation nord-sud

74

Lyon

Anse Pont autoroutier A46

7 A7

A4

Saint-Étienne Marseille

500 m

contribuant le plus souvent à encombrer les voies. Ces embouteillages peuvent ensuite s’étendre sur plusieurs kilomètres dans la vallée du Gier ; cependant, la circulation ne se veut pas plus facile de l’autre côté du pont autoroutier. En effet, le secteur Chassesur-Rhône – Ternay accueille un nœud autoroutier où se croisent trois voies express, dont l’A7. Surnommée « l’autoroute du soleil », elle dessert toute la vallée du Rhône, de Lyon à Marseille et est donc très fréquentée.

Ces croisements d’infrastructures font ainsi apparaître des points de contact sensibles, et ces derniers ont un large écho au sein du territoire dans lequel ils se situent.

Enfin, bien qu’elle contribue à segmenter la ville, l’A47 n’en est pas isolée : il est en effet possible de s’approcher très près des voies, de nombreuses habitations lui sont juxtaposées, et certains habitants traversent même le pont autoroutier à pied.

* Direction Interdépartementale des Routes 75

2

Le projet d’A45, un ancien débat public d’ampleur Le désengorgement de l’A47 est un sujet récurrent du débat public depuis de nombreuses années. C’est dans son sillage que s’inscrit le projet d’autoroute A45 ; ce dernier a grandement échauffé les esprits au sein de la vallée du Gier.

Un projet d’autoroute contre lequel la société locale s’est fortement mobilisée *

Cette proposition, jugée d’utilité publique, émane de l’État en 1993. Elle consiste alors en une seconde autoroute Lyon – Saint-Étienne, dont le tracé traverserait les coteaux nord de la vallée afin de venir suppléer l’A47.

L’État lance ainsi des études de faisabilité dans les années 1990, et entame ensuite un dialogue avec les collectivités territoriales au sujet des deux tiers du financement, le reste devant être assuré par Vinci. Cette entreprise de construction aurait en effet été l’opérateur privé sélectionné par l’État pour la réalisation puis l’exploitation pendant 55 ans de la future autoroute à péage.

Cependant, les élus lyonnais se positionnent dès lors en opposition à ce projet, à la différence de Saint-Étienne Métropole, du département de la Loire et de la Région, qui y sont à l’époque favorables. En conséquence, un dialogue compliqué s’instaure entre les forces institutionnelles.

Le projet reçoit alors l’avis positif du Conseil d’État, mais en parallèle, une grande contestation s’est organisée.

Des procédures judiciaires sont lancées par des élus écologistes (EELV). Une vaste mobilisation habitante s’opère également ; elle rassemble des acteurs variés et des centaines de personnes dans les manifestations qu’elle organise.

Ainsi, une forte protestation se met

76

* Grand évènement de protestation contre l’A45, 2017

progressivement en place ; elle va durer plusieurs années.

C’est finalement un rapport rédigé par le Conseil d’orientation des infrastructures qui vient mettre fin au débat : il préconise alors de suspendre le projet, qui est ainsi abandonné sur décision d’État en juillet 2020. Presque 30 ans se sont donc écoulés entre les premières propositions et l’arrêt définitif du projet.

Suite à cela, l’État accorde tout de même un budget de 400 millions d’euros pour moderniser l’A47, par le biais d’un phasage qui s’étend jusqu’en 2027

quant aux investissements à financer.

La préfecture a par ailleurs lancé une enquête pour connaître les habitudes et les demandes de la population vis-à-vis de cet axe. Une concertation est également menée avec les élus sur la question de l’utilisation de l’argent concédé par l’État. La nouvelle municipalité de Givors se positionne par exemple en opposition à l’élargissement des voies. Selon les élus, construire une 3 voies revient à tolérer toujours plus de trafic automobile. Sur ce point, des alternatives semblent encore pouvoir être trouvées pour désengorger durablement cette voie express.

* Nona45, coordination des opposant.e.s à l’A45

77

2

Une départementale structurante mais barrière Comme évoqué précédemment à plusieurs reprises, la départementale D386 traverse Givors dans toute sa verticalité. Aujourd’hui, cet axe ancien se présente comme la seule traversée nord – sud directe et demeure une jonction très empruntée de la circulation locale.

d’un pont au niveau de la partie centrale de Givors ; ces deux voies majeures se superposent et favorisent la multiplication des nuisances automobiles au sein du territoire givordin.

Cette route historique contribue à structurer l’enveloppe urbaine, mais se positionne aussi en barrière. En effet, elle est difficile à traverser pour les piétons, souvent encombrée et peu uniformisée. De plus, elle est classée en catégorie 3 voies bruyantes, et génère donc des pollutions sonores, visuelles et atmosphériques supplémentaires.

Pourtant, il me semble aujourd’hui possible de s’appuyer sur l’axe de la D386 pour impulser une dynamique de requalification du bâti qui la borde, souvent en mauvais état. En traversant à la fois les quartiers centraux et les faubourgs excentrés aux extrémités communales, elle s’érige en support idéal d’une opération de rénovation de grande ampleur, avec une portée réunificatrice.

Elle enjambe l’autoroute par le biais Un axe routier difficile à traverser

78

D4a

D386 Pont de Chasse

500 m

Au sud de la commune, elle croise le Pont de Chasse, un « ouvrage d’art » qui demeure le seul accès non autoroutier vers la rive opposée. Dépassé par les flux automobiles qu’il supporte, il ne possède qu’une voie et rejoint une autre départementale. Il faut souvent attendre longtemps pour le traverser, dans un contexte où de nombreux déplacements pendulaires s’observent entre Givors et l’autre rive. Ici, de nouveaux modes de déplacement peuvent être proposés.

Le Pont de Chasse, un « ouvrage d’art » étroit

79

2

Des voies ferrées imposantes

À Givors, les voies ferrées sont nombreuses et ont un fort impact ; cela est dû à leur présence historique, leur portée visuelle importante, mais aussi au bruit et aux pollutions qu’elles engendrent.

Elles contribuent tout autant que les voies routières à segmenter l’espace urbain : en effet, elles passent au-dessus des autres axes de transport par le biais de ponts et de talus en hauteur. Ces infrastructures surélevées provoquent donc de nettes coupures au sein de la ville.

Deux gares sont actuellement en fonctionnement à Givors : celle de Givors-ville, gare principale à l’ouest du Des aménagements qui retentissent

80

centre ancien, et celle de Givors-canal, de plus petite ampleur et en moins bon état, située au nord du quartier du canal. Toutes deux rallient Lyon en une vingtaine de minutes.

Dans la commune adjacente se trouve la rotonde ferroviaire de Grigny, un aménagement au service du fret ferroviaire qui illustre bien, comme visible ci-dessous, l’ampleur des nuisances et des fragmentations que peuvent engendrer les lignes de chemin de fer au sein de l’enveloppe urbaine.

Aujourd’hui, un enjeu important pour la vallée du Gier concerne l’optimisation des transports en commun, et notamment des trains.

Rotonde ferroviaire de Grigny Lyon

Ligne de fret vers Brignais

Gare de Givors-canal Pont ferroviaire

Gare de Givors-ville

Valence

Saint-Étienne

Valence 500 m

Un mode de déplacement indispensable

Ils demeurent en effet grandement utilisés, mais ne sont pas toujours suffisamment opérationnels au vu du nombre de passagers qu’ils accueillent.

Sur ce point, un compromis semble à trouver entre densification de la circulation ferroviaire, et diminution de l’impact des lignes de chemin de fer parmi l’enveloppe urbaine. Un projet de tram-train entre Givors et Lyon est par ailleurs à l’étude ; il emprunterait lui aussi le pont ferroviaire au nord-est de la ville.

81

2

Des voies de circulation douces presque absentes Le territoire givordin n’offre pas beaucoup d’alternatives aux modes de déplacement routiers et ferroviaires ; il n’y existe en effet que très peu de voies dédiées aux mobilités douces, limitées aujourd’hui à quelques cheminements partiels qui bordent les cours d’eau.

Cependant, les habitants s’approprient aujourd’hui certaines zones pour y déambuler à leur guise, à pied ou en

vélo. Ce phénomène me semble à nouveau témoigner d’une réelle volonté d’intermodalité au sein de la population locale.

Faire évoluer le réseau de mobilités douces, afin de lui donner une autre ampleur au sein de la commune, et de le connecter à une échelle territoriale plus vaste, s’avère donc une priorité.

ViaRhôna Vers le lac Léman

Bords du Gier

500 m

Bords du Rhône

ViaRhôna Vers la Méditerranée

Cheminements spontanés en bord de Gier

Pour cela, il est possible de s’adosser sur deux projets à venir. Tout d’abord, celui associé à la ViaRhôna : cette longue voie cyclable relie le lac Léman à la Méditerranée, et passe en effet par Givors. Cependant, la section givordine est actuellement de l’ordre du cheminement conseillé, sans qu’aucune voie ne soit encore aménagée. Elle se matérialise par un itinéraire provisoire avec des sections sur routes à fort trafic. Il est donc recommandé de prendre le train depuis Lyon, puis de continuer en vélo après Givors. La municipalité entreprend actuellement des discussions pour définir un tracé de voies adaptées au passage de cet itinéraire.

Il existe en parallèle le projet Voie vertes des confluences, piloté par le Pôle Métropolitain, mais qui ne semble pas décidé à le mettre en oeuvre. Il concerne pourtant un itinéraire cyclable transversal à toute la vallée du Gier. L’objectif est ici de développer une « métropole à vélo », en reliant 72 communes sur 270 kilomètres. La mise en place d’un tel réseau serait une opportunité de transformer durablement les modes de déplacement sur le territoire.

En prenant appui sur ces deux projets, il me semble possible d’impulser de nouvelles dynamiques de circulation, associées à des dimensions de tourisme et de loisirs.

83

2

Existe-il des espaces urbains « vides » à Givors ?

Nous allons maintenant nous attacher aux espaces non construits ou sans occupation dans Givors, afin de répertorier les espaces urbains disponibles. En effet, le fonctionnement actuel de la commune, que nous avons détaillé auparavant, à travers son enveloppe bâtie, son histoire et ses modes de déplacement, contribue à générer de fortes coupures urbaines. Ces dernières contraignent la vie quotidienne, et il apparaît donc nécessaire de proposer de nouvelles manières de pratiquer le territoire. L’objectif est ainsi de le rendre plus adapté aux volontés habitantes, pour qu’il soit aussi le

Des zones de captage à caractère naturel, mais qui demeurent inaccessibles

support d’un récit territorial équilibré.

Recenser les « vides » dans la ville fait émerger des points stratégiques, qui peuvent ensuite impulser d’autres pratiques de l’espace.

Le positionnement que j’adopte n’est pas de les trouver sur les coteaux ou plateaux qui surplombent Givors, mais bien dans le fond de vallée urbain. Je ne souhaite pas encourager les extensions urbaines et, comme évoqué auparavant, il me semble que le fond de vallée et les modes de vie qu’il abrite ont davantage besoin d’accueillir de nouvelles dynamiques.

Des espaces publics et de vivre-ensemble limités Représenter les zones de « vides » urbains permet de cerner si, malgré les fractures urbaines, il existe des espaces publics et de vivre-ensemble au sein de Givors.

La première observation est que les emprises majoritairement non construites concernent aujourd’hui les vastes zones de captage de l’eau potable présentes en bordure de Rhône. Elles s’insèrent dans le territoire au niveau du méandre, à une échelle davantage intercommunale. Imposantes et très visibles, elles sont végétalisées car elles font l’objet de plantations. Cependant,

84

Zones de captage Parcs publics Places publiques Espaces non construits

Village automobile

Secteur Bans

500 m

elles demeurent inaccessibles au grand public. Ces aires de captation, impénétrables, posent ainsi la question de la porosité végétale et de son accessibilité parmi l’espace urbain. Elles me semblent pourtant amorcer une

vaste dynamique de perméabilité, de rive à rive, dans un contexte où il existe peu de parcs à Givors.

Les places publiques ne sont pas plus nombreuses.

85

2

Concentrées dans le centre ancien, elles forment un petit réseau fragmenté avec les quelques espaces verts qui s’y trouvent également. À l’échelle de Givors, c’est le quartier du stade qui peut être réellement considéré comme un espace public générateur de lien social.

Bien qu’excentré, il est souvent investi par les habitants des alentours, qui s’y retrouvent, et se présente donc comme un vaste espace vivant.

En parallèle, les autres emprises non bâties possèdent toutes des fonctions à venir : c’est le cas du village automobile, dont la partie est, qui accueille la cheminée industrielle, est inoccupée. À côté d’elle va cependant bientôt débuter la construction d’un cinéma, très attendu par les Givordins. Des terrains demeurent également inoccupés dans

Le village automobile et le secteur non construit autour de la cheminée

le quartier de Bans, au sud de la ville ; ils sont néanmoins considérés comme des secteurs à industrialiser.

Les espaces urbains disponibles sont donc peu accessible à Givors et les lieux publics, permettant respiration et vie collective, globalement restreints.

Face à ce constat, il semble donc nécessaire d’étudier le réinvestissement et la transformation de certains lieux existants, prêts à le permettre.

Mutations potentielles et opportunités de renouveau Dans la continuité, Givors possède plusieurs secteurs à caractère potentiellement mutables, qui sont listés dans le Plan Local d’Urbanisme, ou qui résultent de mes observations sur le terrain. L’objectif est de soutenir le renouveau urbain en réutilisant l’existant, toujours dans une dynamique de lutte contre les fractures urbaines.

Les zones à vocation « mutables », issues du PLU et représentées sur la carte ci-contre, illustrent bien le fait que les fonctions de certains quartiers peuvent être évolutives. Ce zonage concerne tout d’abord l’accès nord de la commune, structuré autour de l’axe de la départementale ; le but est ici de le requalifier afin de transformer son image, vers une entrée de ville plus attrayante. Il touche ensuite à la

86

Parkings publics peu souvent remplis Secteurs mutables définis par le PLU

Ilot Liauthaud

Quai de la Navigation

Parking actuel

500 m

métamorphose du quartier canal, par le biais de projets urbains mixtes associant habitats et activités économiques.

Enfin, il questionne l’avenir de l’îlot Liauthaud, dans l’optique d’y insuffler une reconversion économique.

Les fonctions futures mises en avant dans le PLU me semblent pouvoir être plus variées, mais ces prises en compte montrent qu’il est envisageable de faire évoluer le tissu urbain à des emplacements clés.

87

2

Viennent ensuite les emprises qui, d’après mes observations, sont aptes à évoluer. Elles concernent les zones de parking sous-utilisées au sein de Givors, dans un contexte où un vaste parking vient d’être construit entre le village automobile et la gare de Givors-ville.

En parallèle, la nouvelle municipalité évoquait, dans son programme électoral, la possibilité d’en construire deux autres à proximité du centre.

Ainsi, certains s’avèrent être transformables ; c’est notamment le cas du vaste parking quai de la Navigation, Les secteurs artificialisés contraignent le lien avec le fleuve

88

qui borde le Rhône. Relativement excentré, il est peu accessible et semble toujours vide. Pourtant, il borde la promenade Maurice Thorez, à l’est du quartier des Tours, et se montre à même de s’inscrire dans sa continuité.

Ces aménagements contribuent en effet à renforcer le caractère routier de Givors ; leur mutation pourrait contribuer à améliorer la physiologie actuelle de la ville en établissant des connexions entre entités bâties et naturelles, vers des espaces publics réunificateurs.

Quels éléments peuvent être valorisés ?

Dans Givors, il subsiste donc peu d’espaces urbains disponibles, mais certaines portions possèdent un caractère mutable et se présentent comme des opportunités de renouveau au sein de la commune. Dans cette logique, il est également envisageable de s’intéresser au patrimoine historique et paysager givordin. Certaines zones, liées aux spécificités locales, peuvent connaître une renaissance.

En les mettant davantage en valeur, il sera ensuite possible de donner plus d’ampleur aux éléments caractéristiques du territoire, puis d’opérer un travail sur l’image de la ville, afin qu’elle ne soit plus limitée à son affiliation avec l’A47.

L’emplacement Château-Étoiles, un secteur qui mérite plus de visibilité

Des qualités historiques, vers un nouveau dynamisme Tout d’abord, nous prêtons attention aux entités avec des qualités historiques, dans un contexte où le fond de vallée voit progressivement son bâti se dégrader, bien qu’il demeure le plus ancien, et le principal témoin des évolutions du bassin du Gier au fil des siècle.

Ici, deux types de caractéristiques historiques peuvent être regroupées ; tout d’abord, les « groupements », au sein desquels se trouvent les continuités ou les quartiers avec des atouts historiques ; puis les éléments plus ponctuels, reliés à des sites particuliers.

Les groupements réunissent en premier lieu plusieurs continuités historiques ; elles possèdent des attributs propres à certaines époques, et les regroupements linéaires des bâtiments qui les constituent tendent à renforcer visuellement leur caractère historique.

Elles concernent ici les entrées nord et sud de Givors, qui traversent respectivement les quartiers des Plaines et de Bans, au sein desquels un tissu de faubourg s’observe encore nettement.

Elles mobilisent également la façade est du centre ancien, qui donne sur le Rhône.

89

2

Cette dernière possède en effet une portée visuelle importante, notamment vis-à-vis du pont autoroutier depuis lequel elle se dessine distinctement.

En parallèle, plusieurs quartiers semblent pouvoir s’appuyer sur leur caractère historique afin de se renouveler : c’est le cas du centre ancien, qui, par le biais de sa densité, témoigne encore du développement initial de la ville, mais aussi du quartier des Tours, dont les alignements bâtis attestent de la période de reconstruction d’après-guerre. En lien avec le paysage fonctionnel, plusieurs zones sont encore marquées par la présence d’anciennes cités ouvrières : les immeubles verriers au sud du site Fives-Lille, ainsi que les cités Casanova et du Garon, plus au nord : elles continuent de faire vivre l’importance qu’a eue la période industrielle à Givors.

Le site Fives-Lille, un lieu stratégique de rénovation urbaine

Certains éléments ponctuels attestent également d’un riche passé historique et peuvent être davantage mis en valeur.

Il s’agit notamment de bâtiments avec des architectures spécifiques, comme les anciennes maisons de maître : la Maison du Fleuve Rhône, aujourd’hui salle municipale dans le centre ancien, ainsi que la Maison du Canal, au sein de l’emprise du port pétrolier, mais qui bénéficie d’un périmètre Monument Historique.

Certains édifices, représentatifs d’époques spécifiques, semblent à même d’être valorisés afin de devenir des points clés plus radieux : la dernière cheminée industrielle, qui vient tout juste de faire l’objet d’une inscription aux monuments historiques, est pour l’instant entourée d’un terrain vague. Cela peut aussi concerner des constructions qui marquent les entrées de ville, comme les trois tours du quartier des Tours, aujourd’hui simplement accolées à l’A47 et pourtant grands ensembles symboliques, ou encore de la gare de Givors-canal, relativement délabrée.

Enfin, deux secteurs méritent de prendre plus d’ampleur : tout d’abord, l’emprise château-Étoiles au sud du centre ancien, dans un contexte où le château médiéval est en ruines, et les Étoiles un aspect décrépit. Ce lieu a pourtant le pouvoir de se réinventer en un point touristique structurant pour la commune. Ensuite, le site Fives-Lille, ancienne industrie

90

Continuité de façades historiques Ancien site industriel désaffecté Cité du Garon

Quartiers à caractère historique Périmètre Monument Historique

Gare de Givors-canal Cité Casanova

Maison du canal Les 3 Tours Site Fives-Lille

Cheminée VMC Maison du Fleuve Rhône

Cité des verriers

Pont de Chasse

Secteur château - Étoiles

500 m

identitaire de Givors, dont les locaux n’ont pas été détruits mais demeurent inexploités et à l’abandon. Les envies municipales actuelles sont de réinvestir la zone pour y établir un complexe tertiaire, cependant, elle pourrait aussi

faire l’objet d’un projet mobilisant des fonctions plus variées.

Mettre en avant les qualités historiques de Givors peut contribuer à impulser des activités touristiques dans la commune.

91

2

Des qualités paysagères, vers moins d’artificialisation Aux qualités historiques viennent s’ajouter d’indéniables attributs paysagers, qui mériteraient d’être mieux valorisés sur le territoire.

Ces qualités paysagères se développent au sein de trois formes d’entité. Tout d’abord, elles s’observent à travers certains quartiers, qu’elles imprègnent

Quartiers avec des qualités paysagères Berges de cours d’eau Continuités paysagères

Le Garon

Confluence

Les Cornets

500 m

et contribuent à distinguer du reste de la ville. C’est le cas du quartier des Tours, dans lequel se remarque une grande trame végétale. Cette dernière peut devenir le point de départ de dynamiques naturelles plus vastes, à l’échelle de toute la presqu’île. Le quartier des Vernes, au nord, possède lui aussi un fort caractère paysager, étant donné son positionnement à proximité des coteaux Mornantais. Il peut ainsi être le support d’une perméabilité des entités naturelles en direction de la ville. Enfin, de nettes ambiances paysagères de qualité se déploient au sein de certains ensembles résidentiels dispersés à travers la ville, comme aux Cornets, quartier qui avoisine les coteaux sud, aux Étoiles, ou encore à la cité du Garon.

Un cheminement végétal s’opère également par le biais de certaines rues, comme à travers la vaste continuité verticale à l’ouest du quartier des Plaines ; elle réunit trois axes et contribue ainsi à mettre en place une trame verte marquée à une échelle interquartiers.

En parallèle, les abords des cours d’eau ont une importance considérable vis-àvis de la circulation du paysage au sein de l’espace urbain. Cela concerne dans un premier temps les rivières du Gier et du Garon, puis le Rhône dans lequel elles se jettent. Ces entités naturelles sont structurantes sur le territoire givordin, et pourraient avoir plus d’influence au sein

Les Tours : un quartier d’après-guerre avec une trame végétale marquée

de l’enveloppe urbaine. Un grand travail de valorisation semble à mener sur le Gier, cours d’eau caractéristique de la vallée. Cela prendrait tout son sens à Givors, par le biais de sa confluence avec le Rhône.

Ainsi, au sein de la ville, les zones empreintes de qualités paysagères semblent pouvoir prendre plus d’ampleur. Dans le cadre de la lutte contre l’artificialisation, elles s’amorcent comme de réels supports vers une meilleure perméabilité végétale. De plus, les corridors naturels qu’elles contribuent à instaurer sont aptes à combattre les fractures urbaines et à unifier le territoire.

93

2

Des cours d’eau, vers un autre lien au grand paysage Les cours d’eau, entités naturelles transversales au territoire, apparaissent donc comme des opportunités d’unifier la ville. Il me semble en effet possible de les utiliser comme de véritables leviers, vers un projet de paysage qui repense durablement le fonctionnement urbain de Givors et qui retentit à l’échelle de la vallée du Gier.

Dans cette optique, il convient cependant que la ville retrouve un lien avec eux ; elle peut pour cela mettre en place des actions qui redonnent de l’ampleur à leurs attributs naturels, avant Le Gier : un milieu naturel longtemps exploité de manière utilitaire

94

de travailler à une valorisation qui leur conférerait un vrai rayonnement.

C’est le séquençage du Gier au Rhône qui me paraît à même d’être reconsidéré, car ce corridor naturel est identitaire de la vallée du Gier. Il est pourtant peu perceptible au sein de la commune, délaissé suite à la période industrielle qui a contribué à sa pollution. Aujourd’hui, il est en effet considéré comme en mauvais état écologique.

Longtemps au contact des industries qui l’utilisaient alors à des fins utilitaires,

La confluence avec le Rhône, une possibilité de rattachement au grand paysage

il demeure à proximité des entités fonctionnelles contemporaines et des infrastructures de transport, qui le contraignent. Néanmoins, de récentes voies pour mobilités douces ont été aménagées sur certains de ses abords, illustrant une volonté de reconquête et de relations renouvelées.

En parallèle, le Gier à Givors est symbole de confluence au Rhône ; cette dernière se matérialise en une zone naturelle au milieu de berges artificialisées et peut

ainsi être perçue comme une opportunité de rattachement de la commune à son grand paysage. Cependant, elle demeure un milieu naturel à préserver. Cette observation introduit la vision d’une transformation plus large à l’échelle des berges minéralisées du Rhône.

Dans cette perspective, l’idée serait de valoriser la confluence, de lui donner plus d’ampleur et de la faire rayonner davantage, vers une contribution à l’évolution de l’image de la ville.

95

2

À quels types de risques est exposé le territoire ?

Le port pétrolier de Givors, une industrie emblématique en entrée de ville

Évoquer les cours d’eau structurants de la commune nous amène maintenant à aborder le sujet des risques auxquels est soumis le territoire. Ces aléas, d’origine naturelle mais aussi industrielle, s’avèrent omniprésents et pourtant peu apparents.

Comme l’illustre la double-page qui suit, le risque inondation est très important au sein de l’espace urbain. Le fond de vallée est particulièrement impacté, concerné à la fois par les potentielles crues provenant des cours d’eau, mais aussi par le ruissellement des eaux qui découlent des coteaux. Bien que

96

plusieurs inondations marquantes aient déjà eu lieu, rien ne semble aujourd’hui mis en place pour pallier à cela. En effet, ce territoire grandement artificialisé ne favorise pas l’infiltration des eaux et les bassins de rétention n’encombrent pas l’espace, ce qui s’avère inquiétant dans un contexte où presque la moitié du territoire communal est potentiellement inondable.

De plus, le paysage fonctionnel est au coeur de cet aléa : la zone commerciale des 2 Vallées, plusieurs sections de l’A47, le site Fives-Lille, le village automobile, le quartier du canal et la

zone industrielle de Chasse-sur-Rhône sont en effet concernés. C’est également le cas de certains quartiers résidentiels, dont les Plaines, la presqu’île, mais aussi le centre ancien. Ainsi, il apparaît nettement qu’une meilleure prise en compte de ce risque naturel est à aménager ; dans ce cadre, un traitement par le biais du végétal peut y aider.

Deux autres sont concernées du côté de Chasse-sur-Rhône, dont FinorgaNovasep, une entreprise de chimie fine avec un périmètre d’exposition aux risques qui se déploie jusqu’à Givors.

Cette dernière dessine ici une raison supplémentaire de définir un périmètre d’intervention qui soit adapté aux réelles dynamiques intercommunales.

En parallèle, le territoire accueille plusieurs sites Seveso, par ailleurs tous concernés par le risque inondation. Les aléas industriels et technologiques sont donc tout aussi présents ; ils viennent se superposer aux risques naturels. Trois industries sont classées comme Seveso au sein de Givors ; c’est le cas du port pétrolier (Total Additifs et Carburants Spéciaux TACS) situé en entrée de ville.

Aujourd’hui, ces sites hermétiques apparaissent comme intouchables dans les opérations d’aménagement et viennent donc entraver certaines évolutions. Pourtant, au sein de ce territoire peu résilient face aux risques qui s’y développent, opérer des transformations qui prennent en compte les aléas apparaît décisif dans les trajectoires à venir.

L’A47 inondée lors des crues de 2003 *

La zone industrielle de l’Islon, une enclave artificialisée à haut risque

* Jacques Del Pino, Mairie de Givors

97

2

Une exposition importante aux risques

PPRI Aléa de référence fort Aléa de référence modéré Aléa de référence modéré à exceptionnel Débordement crue centennale

PPRT Installations à l’origine des risques Zones d’interdiction stricte Zones d’autorisation limitée Zones de recommandations Périmètre d’exposition aux risques

Risques industriels et technologiques Sites SEVESO seuil haut Sites SEVESO seuil bas

500m

98

TOTAL ADDITIFS ET CARBURANTS SPÉCIAUX

FINORGA-NOVASEP

SIRA

SUEZ RR IWS CHEMICALS

SCORI

Les spécificités locales de la vallée du Gier et les enjeux qui en découlent nous ont menés à Givors, où un récit territorial favorable à un projet de paysage semble se mettre en place.

Aujourd’hui, Givors est une ville à l’image de la vallée ; ses caractéristiques spatiales et sociales en sont représentatives, tout comme sa réputation souvent associée à l’A47.

Pourtant, son positionnement stratégique, à la croisée de plusieurs entités et de nombreuses dynamiques, lui confère un caractère évolutif.

Ce dernier s’inscrit en effet dans un contexte mouvant suite à l’arrivée d’une nouvelle municipalité. Celle-ci manifeste la volonté de mettre en place un équilibre dans le récit territorial, entre politiques métropolitaines et prise en compte des revendications habitantes.

Cette perspective dessine une opportunité de renouveau au sein d’un territoire marqué par les activités humaines et déconnecté de ses entités naturelles, aujourd’hui régi par d’importantes coupures urbaines, qui entraînent de fortes segmentations spatiales et sociales.

La physiologie urbaine de Givors illustre de manière localisée ce qui s’opère à l’échelle de la vallée. Il est ainsi possible d’y observer une enveloppe urbaine fonctionnant de façon insulaire, résultante d’une matrice industrielle encore vivante et à l’origine du développement

des infrastructures de transport. Ces dernières participent à fracturer l’espace urbain et engendrent de nombreuses nuisances. Il en résulte un territoire artificialisé qui est également soumis à de nombreux risques et pour lesquels il n’est actuellement pas résilient.

Il se manifeste donc le besoin de penser d’autres moyens de circuler au sein de Givors et en parallèle d’augmenter le nombre d’espaces publics et de vivre-ensemble. Ces enjeux peuvent en effet contribuer à métamorphoser la ville, afin de la réunifier et de renouveler son image. Pour cela, il semble possible de faire évoluer les fonctions de certains quartiers, mais aussi de s’appuyer sur les éléments existants, associés à des caractéristiques historiques et paysagères.

L’objectif est de contrer la trajectoire actuelle du fond de vallée urbain, qui contraint la vie de ses habitants et l’image qu’il renvoie. L’enjeu est donc de travailler à faire émerger un autre imaginaire, plus proche de ses singularités territoriales, audelà d’un espace à vocation fonctionnelle. Sur ce point, il me semble possible de s’appuyer sur l’axe du Gier, entité naturelle qui matérialise le lien de la vallée du Gier à sa confluence au Rhône.

Enfin, mettre en place une nouvelle dynamique à Givors permettrait que des transformations similaires s’opèrent en amont, comme un écho généralisé à l’échelle de la vallée du Gier.

3 Au coeur du fond de vallée urbain

VERS DES MUTATIONS RÉUNIFICATRICES

3

Pour une trajectoire territoriale singulière Cette dernière partie se présente comme une synthèse de tous les enjeux développés au fil de ce travail ; en lien avec ceux-ci, elle dessine de possibles évolutions à travers des propositions d’aménagement.

L’objectif est de développer à Givors une trajectoire singulière qui offre, d’une part, d’apporter des réponses spatiales à la recherche d’un équilibre dans le récit territorial et d’autre part, de tirer parti de ses spécificités locales, qui en font une ville de la vallée du Gier.

Dans cette optique, opérer des transformations au sein du fond de vallée urbain vise à améliorer la vie de ses habitants, mais aussi à faire naître un autre imaginaire associé à ce lieu, en lien avec ses singularités, au-delà de l’image d’un espace simplement fonctionnel.

Aujourd’hui, Givors est un territoire artificialisé et déconnecté de son grand paysage. Au sein de cette véritable mosaïque urbaine, l’empreinte industrielle qui l’a façonnée se perçoit encore. Il s’y opère d’importantes fragmentations, renforcées par les infrastructures de transport saturées qui circulent dans le fond de vallée.

Des paysages fonctionnels vieillissants s’observent donc au travers d’un territoire à vocation automobile. En parallèle, la centralité de la commune est complexe à définir et les espaces publics

102

se font rares, ce qui ne favorise pas la pérennité d’une unité spatiale vectrice de lien social. Enfin, ce territoire se révèle soumis à de nombreux risques, qu’il ne semble pas prendre en compte.

Suite à ces observations, je propose maintenant de reconquérir le fond de vallée urbain givordin. Le but est de proposer des aménagements unificateurs et d’autres moyens de circuler, afin de contrer les fractures et de trouver des alternatives aux infrastructures contraignantes. En parallèle, affirmer une centralité et développer des lieux de vivre-ensemble peut permettre d’établir de nouvelles connexions. De même, opérer des mutations au sein de certains quartiers, tout en s’appuyant sur les qualités historiques et paysagères locales, est à même de générer de nouvelles pratiques au sein de l’espace. Enfin, pour esquisser un territoire qui soit moins artificialisé, il me paraît indispensable de composer avec le risque.

Les propositions qui suivent ont vocation à imaginer des métamorphoses en lien avec l’axe de la vallée du Gier, jusqu’à sa confluence au Rhône. Cette dernière se présente comme le support d’un nouveau rayonnement pour la commune, dont elle pourra ensuite faire bénéficier l’amont de la vallée.

Les interventions que je propose sont regroupées selon trois catégories d’enjeux : apaiser les mobilités, ce qui

permet ensuite de lutter contre les coupures urbaines, puis d’imaginer de nouveaux espaces de vivre-ensemble.

Apaiser les mobilités Trouver des alternatives aux infrastructures de transports saturées et aux nuisances qu’elles entraînent Dans cette logique, développer d’autres mobilités sur le territoire, fluides, accessibles et vertueuses

Dans ce premier axe, les enjeux énoncés ci-dessus visent à faciliter d’autres modes de déplacement sur le territoire. Dans cette logique, les ambitions sont de diminuer la place de la circulation automobile dans la ville, d’atténuer les impacts des infrastructures routières et ferroviaires, ainsi que de réduire les nuisances en tout genre qu’entraînent les modes de déplacement actuels au sein de Givors.

Dans un contexte où le projet d’A45 a été abandonné, mais où 400 millions d’euros subsistent pour l’amélioration de l’A47, il est possible de se demander s’il ne serait pas plus bénéfique de saisir

cette opportunité pour développer d’autres moyens de transport. Les solutions que je propose visent à inscrire les évolutions dans une trajectoire globale, que les politiques publiques doivent ensuite venir consolider.

Ainsi, les interventions ci-après se présentent comme une première strate de transformations. Elles introduisent des manières de pratiquer le territoire qui incitent la population à se déplacer autrement, au travers d’un réseau fluide lui facilitant la tâche. Elles s’appuient ainsi sur des aménagements spatiaux adaptés et qui amorcent la lutte contre les coupures urbaines.

103

3

Des interventions par ordre de priorité Le point de départ des interventions est l’axe du Gier, qui fait le lien de la vallée à sa confluence au Rhône. Il se présente comme le fil conducteur principal dans ce schéma directeur et me permet ensuite de dérouler des actions vers le nord ou le sud de la commune.

Il devient ainsi un élément réunificateur transversal apte à prendre le pas sur l’A47. Grâce à lui, Givors met en place une dynamique dont l’écho remonte dans la vallée et dépasse le Rhône, vers un travail à une dimension intercommunale.

Interventions prioritaires Interventions secondaires Interventions complémentaires

Cependant, les opérations qu’il structure se concentrent dans le fond de vallée givordin et sont hiérarchisées selon les secteurs où les aménagements me semblent les plus urgents. Je les ai donc organisés selon trois zonages, qui correspondent à des ordres de priorité.

Le premier suit le continuum économique du territoire, à un endroit où le fond de vallée est particulièrement soumis aux nuisances liées aux infrastructures de transport. Le second périmètre donne plus d’ampleur à l’échelle intercommunale, vers une reconnexion pérenne au grand paysage.

Enfin, le troisième zonage développe des actions complémentaires pour travailler l’échelle de la ville.

Appui sur l’axe du Gier, élément réunificateur

Néanmoins, ces périmètres fonctionnent ensemble car l’objectif est d’impulser une transformation cohérente dans toute la commune.

104

LE GIER

500m

RD386

Voies ferrées

A47

Confluence du Gier au Rhône

Pont de Chasse

Le

Rhô

ne

3

Un réseau de mobilités douces, support de fluidité Se baser sur l’axe du Gier permet donc de créer un réseau de mobilités douces. Je m’appuie ici sur les itinéraires Voie verte des confluences et ViaRhôna, en prenant position pour qu’ils se concrétisent. Dans ce contexte, je propose des tracés, afin d’inscrire le réseau givordin au sein d’une échelle intercommunale et régionale.

Nouveau maillage de circulations douces Valoriser la halte fluviale : vers une future gare fluviale et des trajets pour en face, Lyon, etc Connexions stratégiques Couverture de l’A47 Intervention sur la D386 pour permettre plus de traversées Points de traversées envisagées

Au niveau de la ville, ce nouveau maillage se veut fluide et lisible. Il vise à participer au désengorgement de l’A47 et de la RD386, en offrant aux habitants de se déplacer autrement.

Apaisement du carrefour central

Au sein de ce réseau apparaissent des points de connexion stratégiques, qui tissent des liens entre des zones qui peuvent gagner en accessibilité. Le projet de couverture de l’A47 s’inscrit dans cet objectif et la section qu’il me semble le plus judicieux de recouvrir se trouve au niveau de la presqu’île, afin de relier le nord et le sud de Givors avant la remontée de la voie vers le pont autoroutier.

En parallèle, je souhaite aussi valoriser la halte de la confluence en développant le transport fluvial sur le Rhône. Afin d’éviter l’encombrement du territoire avec des infrastructures supplémentaires, les déplacements en bateau peuvent s’inscrire dans un réseau de transport en commun qui deviendrait un moyen efficace pour se rendre sur la rive opposée, à Lyon ou encore à Vienne.

2 : décloisonner la zone commerciale des 2 Vallées

1 : pérenniser le lien à la vallée 1

106

2

500m

8 : faciliter les liens vers le nord

5 : simplifier le passage dans le quartier Canal

8

7 : connecter la presqu’île au nord de la ville 7

5 6

Couverture de l’A47 4

6 : améliorer la continuité piétonne sous l’A47 3 2

4 : connecter la presqu’île au sud de la ville

3 : dessiner une transition entre le site Fives-Lille et le village automobile

3

Lutter contre les coupures urbaines Ce nouvel axe constitue la seconde strate de transformations que dessine le schéma directeur ; il se positionne dans la continuité du nouveau réseau de mobilités douces. Les enjeux qui le structurent se veulent fédérateurs : ils proposent en effet d’apporter des réponses au compartimentage urbain et de lutter contre la grande artificialisation qui s’opère dans le fond de vallée. Pour cela, ils souhaitent notamment reconnecter Givors à ses entités naturelles et affronter les risques auxquels est soumis le territoire, afin de composer des aménagements qui les considèrent.

Comme le montre le plan ci-après, je m’appuie sur des dynamiques fluviales et végétales pour dérouler des interventions qui tissent des liens vers le nord et le sud de la commune. Le but est de penser des actions qui aient une portée à l’échelle de la ville, vers moins d’imperméabilisation, plus d’unité et d’apaisement.

108

écologique. Il vise également à faciliter l’accès aux cours d’eau présents sur le territoire et à davantage faire ressentir leur présence au sein de la ville.

En parallèle, il instaure un solide maillage de l’espace urbain par le biais de trames vertes ; elles mettent en place une perméabilité végétale durable qui s’étend des coteaux à la ville. Cette dernière est appuyée par certains quartiers dont les qualités paysagères peuvent servir de support ; c’est le cas des Tours, ou encore des Vernes. La circulation de ces trames contribue à unifier la ville, participe à la lutte contre l’imperméabilisation, relie à nouveau Givors à son grand paysage et permet ainsi le développement de vastes corridors écologiques.

Ce second axe me permet tout d’abord de travailler à des porosités entre entités naturelles et fond de vallée urbain, afin que les coteaux se déploient dans l’espace urbain et que la ville ne tourne plus le dos à ses cours d’eau.

Le maillage végétal est aussi utilisé pour effectuer un travail d’harmonisation et de décloisonnement au sein de certaines zones qui en ont besoin ; c’est le cas de la ceinture d’équipements au nord de la ville, mais aussi de la presqu’île, du village automobile et de la zone commerciale des 2 Vallées. De plus, il sert d’isolant entre l’enveloppe bâtie et les nuisances des infrastructures : à proximité de l’A47 ou au contact de voies ferrées, comme sur la presqu’île.

Il induit dans un premier temps un travail sur le Gier, pour intervenir sur son lit, ses berges, sa ripisylve et la qualité de son eau, vers un meilleur fonctionnement

Cet axe comporte également des interventions qui touchent au traitement des risques et à la résilience au sein de l’espace urbain.

Contrer les dynamiques de fonctionnement insulaire et de compartimentage au sein de la ville

Concevoir des espaces urbains moins artificialisés

Dans ces logiques, reconnecter Givors à son grand paysage : retrouver le lien au fleuve et aux coteaux, valoriser l’idée de la confluence

De manière complémentaire avec les trois enjeux précédents, intégrer des solutions qui prennent en compte les risques auxquels est soumis le territoire givordin

109

3

Une ville fédératrice et moins vulnérable Vers une meilleure fonctionnalité écologique pour le Gier : intervention sur sa ripisylve, ses berges, son lit Faciliter l’accès aux cours d’eau Travailler un maillage végétal qui permette harmonie, perméabilité et lutte contre l’artificialisation Mettre en valeur les qualités paysagères de certains quartiers Autoriser un accès réglementé à travers les zones de captage Faire circuler les grandes entités naturelles dans la ville par des trames vertes : connexions et isolations (infrastructures)

Le risque inondation concerne notamment de nombreux secteurs, dans lesquels il devient alors justifiable de travailler à une végétalisation pour une meilleure infiltration, à une conception de noues et de bassins pour l’évacuation et le stockage, ou encore à l’implantation de nouveaux sols moins imperméables.

En parallèle, il me semble important de proposer des aménagements qui investissent les abords du port pétrolier en tenant compte du risque industriel, afin de désenclaver la zone.

Enfin, à l’échelle intercommunale, autoriser des circulations contrôlées au sein des zones de captage permettrait de sensibiliser à la cohabitation entre activités humaines, activités industrielles et environnement naturel.

110

Perméabilité végétale de coteaux à coteaux Prise en compte du risque inondation : vers de nouveaux sols, noues, bassins Cohabiter avec le risque industriel Secteur du port pétrolier

500m

Perméabilité végétale à travers le nord de la ville, jusqu’au quartier des Vernes

S’appuyer sur la trame végétale « des 3 rues » pour en impulser de nouvelles

Zones de captage : vers un caractère végétal plus affirmé et un traitement des pollutions alentour La couverture de l’A47, support d’un espace public végétalisé et fédérateur

Tirer une perméabilité végétale jusqu’à la zone industrielle de l’Islon

3

Imaginer de nouveaux espaces de vivre-ensemble Ce dernier axe vient se superposer aux deux précédents et se veut complémentaire des actions présentées auparavant.

Il porte sur la manière d’insuffler de nouveaux imaginaires en ré-enchantant les paysages fonctionnels vieillissants, pour que Givors puisse s’appuyer sur sa matrice industrielle initiale afin de se renouveler. En parallèle, il est question d’affirmer une centralité nette au sein de la commune, qui permettrait de redonner de la lisibilité à l’espace urbain.

Les enjeux qui se développent là sont à nouveau associés à la mise en place d’aménagements unificateurs, pour réduire les fragmentations spatiales et sociales. Ils justifient ainsi l’émergence de nouveaux espaces publics au service du vivre-ensemble.

Ces enjeux visent à donner naissance à un projet de territoire porteur de valeurs singulières, afin que le fond de vallée urbain puisse réinvestir ses entités existantes ; ces dernières, en se métamorphosant, permettent donc la diffusion de nouvelles images.

Le plan ci-après détaille les actions déployées et pour les suivre, il convient à nouveau de se référer à l’axe du Gier.

Tout d’abord, en réponse aux enjeux énoncés, je souhaite mettre en place des opérations de rénovation des bâtiments dégradés et désaffectés, dont fait partie l’ancien site Fives-Lille. En effet, ce site

112

est porteur de la mémoire industrielle locale et un travail peut ainsi s’effectuer sur son ouverture au public, vers une transformation en un pôle artisanal et tertiaire qui serait vectrice de lien social. Son positionnement en entrée de ville justifie sa mutation en un lieu emblématique de la commune.

Le réinvestissement de ce site amorce en parallèle des transformations plus vastes de la zone au sud du Gier, vers une harmonisation du village automobile qui jouxte l’ancienne cheminée industrielle.

Cela nous mène maintenant au secteur de la presqu’île et des quartiers qui l’entourent, où l’objectif est d’affirmer un caractère central, qui me semble plus adapté aux mouvements internes dont témoigne la commune. La presqu’île établit un lien avec le nord de la ville par le biais de la couverture d’autoroute, mais instaure également une jointure aux quartiers du Canal et des Tours.

Cela justifie des interventions sur l’aspect vieillissant de ces zones : rénovation du bâti, requalification de leurs espaces publics et mutations de certaines portions du tissu urbain, vers de nouvelles fonctions.

Dans cette partie centrale, plusieurs bâtiments à caractère historique peuvent être mis en valeur ; c’est notamment le cas de ceux qui se trouvent à proximité de l’entrée de ville est.

Réinventer les paysages fonctionnels vieillissants

Affirmer une centralité plus lisible, support de dynamiques locales

Lutter contre les contrastes sociourbains par le biais d’opérations d’aménagement unifiantes

Générer de nouveaux espaces publics au service du lien social

Soutenir un projet de territoire porteur de valeurs singulières, qui puisse aussi permettre à Givors de s’appuyer sur une image renouvelée

113

3

Des métamorphoses qui renouvellent l’image urbaine

La Maison du Canal et les trois grands-ensembles qui lui font face se présentent en effet comme des signaux architecturaux et méritent d’être valorisés. En parallèle, les anciennes cités ouvrières du nord sont de potentiels secteurs d’appui pour diffuser un dynamisme sur leur pourtour ; tout comme le site Château-Étoiles, au sud de la ville, qui permet de dérouler des actions au coeur du centre ancien.

Des zones à préserver s’observent également : c’est le cas des Tours, ainsi que du périmètre Monument Historique (lié à la Maison du Canal), qui force à imaginer un autre lien au Rhône. À la croisée de ces deux secteurs se situe la confluence ; je souhaite lui donner plus d’ampleur en créant de nouveaux espaces publics bordant le Rhône et permettant d’unifier les quartiers qu’ils traversent, afin que l’embouchure soit vectrice de lien social.

Je m’appuie pour cela sur le réseau que forment les espaces verts du centre ancien, le parking inutilisé du quai de la Navigation et la jointure avec le quartier canal.

A travers les interventions mises en place dans ce dernier axe, l’objectif est de procéder à une unification générale du tissu, qui fasse naître de nouvelles dynamiques et une image renouvelée.

114

Harmoniser le site du village automobile et de l’ancienne cheminée Préserver et valoriser les espaces avec des qualités identifiées dans les documents officiels Opérer des mutations du tissu urbain, vers de nouvelles fonctions Donner une nouvelle tonalité aux entrées de ville Rénover les bâtiments dégradés Les secteurs historiques comme supports de redynamisation Mettre en valeur les bâtiments à caractère historique Intervenir sur les quartiers vieillissants Proposer de nouveaux espaces publics, supports de vivreensemble et de lien social

500m

Mettre en valeur l’entrée nord

Cité du Garon Rénover la gare de Givors-canal

Cité Casanova

Maison du Canal

Réinvestir le site désaffecté Fives-Lille Prendre en compte le périmètre MH

Reconvertir le parking Quai de la Navigation Vers de nouveaux espaces publics qui reconnectent la ville à ses cours d’eau

Restaurer les immeubles de verriers

Plus d’ampleur pour la confluence

Redynamiser l’axe Roger Salengro

Donner plus de visibilité au secteur Château-Étoiles

3

10 ans d’intervention : focus sur le continuum central

Apaiser les mobilités

Lutter contre les coupures urbaines

Imaginer de nouveaux espaces de vivre-ensemble

Les trois axes réunis nous amènent à constater une convergence d’enjeux en des points stratégiques du continuum central ; nous allons donc maintenant nous y intéresser.

116

Une convergence d’enjeux

500m

3

2

1

4

3

Précédemment, nous avons développé un schéma directeur qui s’organise en trois strates d’enjeux déployées à l’échelle de ville, mais qui tissent également des liens intercommunaux.

Je souhaite cependant mettre en place un projet de paysage qui instaure des actions rapides sur le territoire, au travers d’un temps d’intervention de 10 ans. En effet, mon rôle de paysagiste me semble d’être de proposer des aménagements apportant des solutions concrètes aux enjeux territoriaux propres à Givors et à la vallée du Gier. Il s’agit donc d’établir des opérations spatiales, qui contribuent à développer un récit territorial équilibré, afin d’améliorer la vie des habitants dans le fond de vallée et de renouveler l’image de la ville.

Néanmoins, transformer durablement les dynamiques sur le territoire nécessite la mise en œuvre de solides politiques publiques. Elles sont les seules à même de faire évoluer le fonctionnement de la société dans son entièreté, en lien avec les déplacements, les infrastructures de transport, les aménagements urbains et les équilibres sociaux. A grande échelle, ces enjeux dépassent mes possibilités d’intervention, et si rien n’est fait par les acteurs qui ont aujourd’hui le pouvoir d’amorcer une transformation pérenne, la vallée demeurera engorgée et segmentée.

118

Je propose toutefois de poser une première pierre et de lancer une dynamique sur le territoire givordin, avant que des actions publiques de grande ampleur ne viennent prendre le relai.

Dans cette optique, c’est en associant les trois strates d’enjeux développées auparavant qu’il est possible de se rendre compte d’une convergence de points stratégiques sur le continuum central. Ce dernier se structure autour de l’axe du Gier, et se décompose en quatre zones : le site Fives-Lille et le village automobile (1), la presqu’île élargie (2), les quartiers du Canal et des Tours (3), et le secteur de la confluence (4). En vue d’un projet de paysage à une échelle plus réduite, j’introduis une concentration sur une de ces emprises, ou au croisement de plusieurs d’entre-elles ; elles s’articulent en effet les unes aux autres.

Face aux enjeux qu’elles rassemblent, elles me semblent impératives à faire évoluer.

3

2

1

4

Fives-Lille et le village automobile

Les interventions se structureront ici majoritairement autour de la couverture de l’A47, opportunité d’unification entre le nord et le sud de la ville, mais aussi d’implantation d’un espace public végétalisé, support de circulations douces. Là encore, l’espace doit être aménagé pour faire face au risque inondation. La zone, vieillissante, fera l’objet d’un travail de rénovation à la fois de son bâti et de ses espaces publics.

En parallèle, il conviendra de l’isoler des infrastructures ferroviaires. L’objectif est de renforcer son caractère central, en procédant à des mutations de son tissu, mais aussi en la connectant davantage au Gier et aux quartiers Canal - Tours.

En cas de travail sur ce secteur, les interventions s’articuleront autour du renouvellement et de l’harmonisation de cette enclave industrielle historique.

Il ne s’agit pas de remettre en cause la présence du village automobile mais de le rendre plus perméable et d’y amener de la mixité fonctionnelle, tout en valorisant l’ancienne cheminée industrielle. Le site Fives-Lille fera quant à lui l’objet d’un travail sur sa rénovation et son ouverture au public ; la connexion entre les deux entités peut s’effectuer par le biais du traitement du risque inondation, omniprésent sur ce secteur.

Il sera aussi question de mieux relier cette zone aux quartiers qui l’entourent, tout en mettant en avant son caractère d’entrée de ville.

La presqu’île élargie

119

3

Les quartiers du Canal et des Tours

Les quartiers du Canal et des Tours verront leurs interactions se renforcer.

L’A47 qui les sépare ne fera pas l’objet d’une couverture sur cette section, mais les liens qui les relient (RD386 et passage sous l’autoroute) peuvent être améliorés, voire apaisés. Le quartier du Canal, par le biais de rénovations bâties, de nouveaux espaces publics et de mutations de son tissu, déploiera

120

des aménagements qui cohabitent avec le risque industriel. Son organisation interne peut être rendue plus lisible. En parallèle, le quartier des Tours, à protéger et à valoriser, contribuera à mettre en place des dynamiques végétales, afin de renforcer ses liens avec le quartier Canal et la presqu’île à travers les infrastructures de transport, mais aussi entre la ville et ses cours d’eau.

Le secteur de la confluence

Enfin, le secteur de la confluence fera l’objet d’un travail de vaste espace public, transversal aux quartiers du centre ancien, des Tours et du Canal.

Cette intervention contribuera à lui donner plus d’ampleur, tout en luttant contre l’artificialisation urbaine et en autorisant la ville à se reconnecter à ses entités naturelles. En parallèle, il sera question d’y développer une gare fluviale

à l’emplacement de la halte actuelle, vers un développement des transports collectifs par bateaux.

Ces zones se veulent ainsi des propositions qui apaisent les mobilités, luttent contre les fractures urbaines, imaginent de nouveaux espaces de vivre-ensemble, renouvellent la vie dans le fond de vallée et l’image de la ville.

121

Conclusion Nous venons donc de parcourir un cheminement qui nous a mené de la vallée du Gier à sa confluence au Rhône.

Il nous a tout d’abord permis de nous immerger dans la vallée et de comprendre qu’au-delà de sa réputation négative, elle est imprégnée de dualités.

Ces dernières concernent tout d’abord son positionnement « d’entre-deux » et la perception qui s’en dégage. Elles touchent à son caractère traversé, qui ne permet pourtant pas de la définir justement. Ses caractéristiques réelles la dessinent en effet en un bassin de vie à part entière, au sein duquel s’observe de nombreuses fragmentations spatiales et sociales. Il y existe également des oppositions au sujet de la trajectoire future du territoire, qui diffère entre la vision des forces politiques et celle des acteurs locaux.

Ces dualités témoignent de différences d’intérêts, mais aussi de liens au territoire. Établir un projet de paysage au sein de la vallée du Gier demande ainsi de composer avec ce dualisme et cela semble pouvoir se mettre en place à Givors. Cette ville développe en effet des caractéristiques représentatives de celles du bassin du Gier, tout en se situant au croisement de nombreuses dynamiques. Elle s’insère actuellement dans un contexte évolutif suite à l’arrivée d’une nouvelle municipalité, qui manifeste la volonté de mettre en place

122

un équilibre dans le récit territorial, par le biais de son ouverture au dialogue.

Les enjeux spatiaux propres à Givors illustrent donc de manière localisée ce qui s’opère à l’échelle de la vallée : une enveloppe bâtie insulaire héritée d’une matrice industrielle encore vivante, à l’origine du développement d’infrastructures de transport contraignantes. Ainsi, elle fait face à de nombreuses nuisances et de fortes coupures urbaines qui engendrent une segmentation sociale, au sein d’un territoire artificialisé, déconnecté de ses entités naturelles et soumis à de nombreux risques.

Il est donc question d’y mettre en place des mutations réunificatrices par le biais d’aménagements. Elles permettent de développer à Givors une trajectoire singulière, s’appuyant à la fois sur des réponses spatiales vers un équilibre dans le récit territorial, mais aussi sur ses spécificités locales. L’objectif est d’opérer des transformations pour améliorer la vie des habitants et faire naître un nouvel imaginaire, au-delà d’un espace simplement fonctionnel.

Dans cette logique, les interventions que je propose s’organisent selon trois axes d’enjeux ; ils visent à apaiser les mobilités, lutter contre les coupures urbaines et imaginer de nouveaux espaces de vivre-ensemble. Ces mutations s’effectuent en suivant

le cheminement du Gier, jusqu’à sa confluence au Rhône. Celle-ci se présente en effet comme le support d’un nouveau rayonnement pour la commune, dont elle pourra ensuite faire bénéficier l’amont de la vallée.

rapides. Pour cela, les secteurs qui me semblent prioritaires s’inscrivent dans le continuum central, au sein duquel un projet de paysage est à même d’amorcer de nouvelles dynamiques.

Enfin, pour poursuivre ce travail, je souhaite mettre en place des actions sur 10 ans, afin que la ville puisse tirer parti d’évolutions urbaines

En conclusion, par le biais d’un jeu d’échelles, nous venons donc de proposer d’impulser une trajectoire territoriale singulière à Givors.

Bibliographie Lectures Aziz Kali, Fanny Vuaillat, Frédéric Barbe.

L’ordinaire métropolitain en vallée du Gier : Langages et expériences méthodologiques. 2018.

Les Monts du Lyonnais : Serge Maury, Philippe Bertrand. Les Monts du Lyonnais, un territoire rural en équilibre entre Lyon et Saint-Étienne. Insee RhôneAlpes - La Lettre Analyses n° 202 - juillet 2013.

Vaganay H. Le mouvement de la population dans le bassin du Gier au XIXe et au XXe siècle. Dans : Les Études rhodaniennes, vol. 5, n°1, 1929. pp. 41-62.

Corinne Lefort. La Vallée du Gier dans l’espace métropolitain. Publié en ligne sur Hypothèses. 2014. https://vdg.hypotheses.org/150 Pays du Gier, histoire des agriculteurs.

En ligne sur le site ARCOMA. https://www.arcoma.fr/fr/ Morellon Catherine, Bouteille Samuel. « Dans la vallée coule une rivière », ou quand deux petits services d’archives communales unissent leurs forces. La Gazette des archives, n°232, 2013-4.

Blanchardon Jean-Michel. La pollution du Gier. Dans : Revue de géographie de Lyon, vol. 50, n°3, 1975. pp. 273-292.

124

C. Morel Journel, G. Gay, C. Ferrieux, R. Le Noan. La pollution industrielle des sols en héritage. De l’indifférence à la résilience ? La Houille Blanche, n°4, 2018, p. 20-26.

Gay Georges. Mines, forges et usines dans la vallée du Gier (Loire): le patrimoine industriel comme palimpseste social. Dans : Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°2-4/1996. Mémoires d’industries. pp. 215-229.

Olivier Balaÿ, Martine Leroux, Jean-Luc Bardyn. L’expérience esthétique de l’autoroute A47 entre Rive-de-Gier et Saint-Etienne. [Rapport de recherche] 65, DDE Loire; CRESSON. 2006, pp.102.

Gardon, S. (2015). La fin du périurbain ?

Enjeux institutionnels et nouvelle donne des mobilités métropolitaines. Lucrările Seminarului Geografic Dimitrie Cantemir, Vol. 38, pp. 95-113.

E. Martinais, C. Morel-Journel, F. Duchêne, G. Gay et L. Rocher. La lutte des centralités dans la petite ville intermétropolitaine. Dans : Urbanisme Hors-série n°72/2020. Pp. 58-59.

Guide Indigène de détourisme de la vallée du Gier, Éditions de l’Association du guide indigène de détourisme de la vallée du Gier, 2016.

Sites consultés Olivier Bouba-Olga. Pour un nouveau récit territorial. Plan Urbanisme Construction Architecture, 2019, Les conférences POPSU. Clémentine Périnaud. De la ville industrielle à la ville désindustrielle : Analyse de la production sociospatiale de deux territoires d’industrialisation ancienne (Givors et Terrenoire).

Géographie. Université de Lyon, 2019.

Jean-François Augoyard, Gilles Dupont, Jean Maglione. Faire comme à Givors: naissance d’un nouveau quartier.

Formes d’appropriation et structuration de la vie quotidienne dans le nouveau Vieux-Givors, 1979-1981. [Rapport de recherche] 03, CRESSON. 1983, pp.117.

Exposition « Dans la vallée coule une rivière », Saint-Chamond et Rive-de-Gier, 2011.

Plaquette d’exposition : https://fr.calameo.com/ read/00001161325eb5c5fd9bb Blog de l’exposition : https://rivieregier.wordpress.com Site de la Direction de la Prospective et du Dialogue Public de la Métropole de Lyon : https://www.millenaire3.com/ ressources/la-vallee-du-gier Insee Rhône Alpes : https://www.insee.fr/ fr/statistiques/2011101?geo=REG-84 Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines / Popsu Rive-deGier : https://www.popsu.archi.fr/popsuterritoires/rive-de-gier/rive-de-gier Atlas des paysages d’Auvergne-RhôneAlpes : https://www.paysages.auvergnerhone-alpes.gouv.fr/atlas-regional-despaysages-d-auvergne-r93.html Photographes en Rhône-Alpes, archives de la bibliothèque municipale de Lyon : https://www.bm-lyon.fr Site amateur Givors d’un siècle à l’autre : https://yves.c.free.fr Site de la ViaRhôna : https://www.viarhona.com

125

Recherches en ligne Site de France Bleu : https://www.francebleu.fr Ministère de la culture, POP (Plateforme Ouverte du Patrimoine) : https://www. pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/ PA00135656 Plateforme d’échange collaborative non professionnelle et indépendante consacrée à l’architecture, à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire : https://www.pss-archi.eu/ Géoportail : https://www.geoportail.gouv.fr

Jeux d’acteurs Les Monts du Pilat : https://www.cc-montsdupilat.fr https://www.parc-naturel-pilat.fr Site du Syndicat Intercommunal du Pays du Gier : https://www.paysdugier.org Site de la DIR Centre-Est : https://www.dir.centre-est.developpementdurable.gouv.fr Site du Club Gier : https://www.clubgier.com

126

Site du département de la Loire, pour les paysages de la vallée du Gier : http://www.loire.gouv.fr/IMG/pdf/ Paysage_Gier_Ch5_cle1c4611.pdf Site du département du Rhône : https://www.rhone.fr Site de l’Association pour la Recherche et la Conservation des Outils des Métiers de l’Artisanat (A.R.C.O.M.A.) : https://www.arcoma.fr/fr/ Site de la mairie de Givors : https://www.givors.fr Site du programme de campagne de la municipalité actuelle : https://construisonsensemble.fr Site des opposants à l’A45 : https://nona45.fr Site de la Métropole de Lyon : https://www.grandlyon.com Site de la Métropole de Saint-Étienne : https://www.saint-etienne-metropole.fr Site du Pôle Métropolitain : https://www.polemetropolitain.fr/fr/ Site du Syndicat Mixte du Gier Rhodanien https://www.sigr.fr/le-sygr/

Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier mes deux professeurs encadrants, Raphaëlle Chéré et Arthur Poiret, pour leurs nombreux conseils et leur intérêt pour ce travail.

Dans un second temps, je souhaite remercier les adjoints de Givors, qui ont accepté de m’accorder du temps pour me parler en détail de leur commune.

Merci à Alice pour avoir toujours été à mes côtés au cours de ces trois années passées à l’ENP. Merci à mes parents pour leur relecture et leur soutien durant mes études.

Enfin, merci à Ronan, mes amis et ma famille pour avoir contribué d’une manière ou d’une autre à l’aboutissement de ce travail.

Située à la fois dans les départements de la Loire et du Rhône, la vallée du Gier se déploie sur une trentaine de kilomètres entre les métropoles de Saint-Étienne et de Lyon. Son fond de vallée urbain est structuré par des coteaux ruraux et la rivière du Gier, qui le traverse dans sa totalité avant de rejoindre le Rhône à Givors. Ce cours d’eau est à l’origine de l’important développement industriel qu’a connu la région dès le 19ème siècle ; une vocation fonctionnelle qui subsiste aujourd’hui au sein d’un fond de vallée artificialisé, soumis aux nuisances des infrastructures de transport qui le sillonnent et où s’opèrent de nettes

fragmentations socio-spatiales. Il en résulte une vallée avec une mauvaise réputation, dans un contexte où son avenir se veut fortement influencé par les acteurs métropolitains qui y opèrent depuis peu. Pourtant, ni cette perception négative ni les politiques actuelles ne correspondent aux spécificités locales, aux volontés habitantes et à l’orientation future qui lui serait bénéfique pour se réinventer.

Cependant, à Givors, ville-confluence à l’extrémité Est de la vallée, une trajectoire territoriale singulière semble pouvoir se mettre en place, vers des évolutions équilibrées et renouvelées.