Florence à Orléans - Florence Chevallier

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Florence à Orléans Du 26 septembre au 27 octobre 2019

Florence Chevallier

Le pays où le ciel est toujours bleu



Les Plaisirs, 2016 - Photographie numérique, tirage jet d’encre, 4 x 100 x 115 cm, 1/5 exemplaire



Les Plaisirs, 2016 - Photographie numérique, tirage jet d’encre, 120 x 120 cm, 1/5 exemplaire


Ange, 2013 - Photographie numérique, tirage jet d’encre, 40 x 60 cm, 1/5 exemplaire


Figurer l’extime

Dans Florence à Orléans, la photographe plasticienne Florence Chevallier orchestre la rencontre entre deux séries : cinq photographies et un polyptyque issus de la série Plaisirs, et plusieurs portraits, aussi bien plus anciens que tout récents, de la série Gabrielle (issus notamment de Ange, 2013 et Dommage ses parents viennent la chercher demain, 2019). Qu’il s’agisse des grands formats (120 x 120 cm) ou du majestueux polyptyque (400 x 110 cm), l’image s’impose ostensiblement à la fois dans sa pure apparence, surface chatoyante qui attire le regard, et dans sa matérialité de corps doté de profondeur, de mystères, d’intériorité. Chacune des photographies choisies est livrée au regard dans une forte ambiguïté entre instant de vie de l’objet/personnage et scénographie maîtrisée et minutieusement œuvrée, entre apparence et consistance. La limite entre les deux est le centre à partir duquel travaille Florence Chevallier à coup de caméra argentique et de postproduction numérique, de découpes et colorisations, de coutures et ajouts (Plaisirs) ou du numérique nu, non retouché (Gabrielle). Les Plaisirs étalent l’éclat de la doublure, du vêtement porté, gardant une mémoire des corps qu’il a enveloppés ou ornés. Glanés aux puces ou ailleurs, les habits repris emportent l’image dans le vertige baroque des draperies composées et mouvementées, soulignées par les contrastes entre noirs profonds et vivacité des couleurs déréalisées par les retouches numériques. Les plis et replis capturent le regard pour l’entraîner au plus près de la matière devenue pure apparence. L’évidence de la lumière photographique, soigneusement maniée, rejoint la tradition lumineuse des vitraux peints mais ne laisse aucune place à la transparence de la fenêtre ni à la transcendance. Les formes qui se tiennent là, devant le regard, entre arrangement et abandon, s’accaparent de toute la surface de l’image sans laisser aucun espace de rédemption au regard. La force picturale de la lumière oscille entre l’insaisissable extase portée par une tradition picturale religieuse, l’évocation des pulsions du corps féminin et la pure ostension abstraite des couleurs. Le sujet devient matière même de l’image, les vêtements miroitent entre doublure et surface des photographies. L’artiste-photographe se fait ici couturière numérique. Vêtements et images sont découpés et recousus, détourés, retouchés et reprisés de l’intérieur, à partir des traces que corps, sculpture, peinture et affects ont déposées au fil du temps dans une intériorité dont l’artiste met en évidence le retournement. L’action de retourner l’intime s’inscrit droit dans les traces de l’extime lacanien au sujet duquel le psychanalyste



Ange, 2013 - Photographie numérique, tirage jet d’encre, 40 x 40 cm, 1/5 exemplaire


Les Plaisirs, 2016 - Photographie numérique, tirage jet d’encre, 120 x 120 cm, 1/5 exemplaire


écrit : « le plus intime est justement ce que je suis contraint de ne pouvoir reconnaître qu’à l’extérieur » 1. Cette rencontre paradoxale de l’intérieur et de l’extérieur sur la surface même de l’image photographique est une opération frontale qui unit les deux séries exposées. Ce qui ne peut être saisi du souvenir des corps et de leur présence/ absence s’expose bien différemment, sans retouche ni couture, mais avec autant d’ostension dans les portraits de Gabrielle. La netteté lisse de la prise de vue numérique vient ici arrêter des instants d’une enfance qui fascine au point d’être régulièrement scénographiée. L’ambiguïté entre vie et pose factice, entre présence et absence est plus que troublante. Les portraits de Gabrielle montrent autant d’arrêts sur des moments hors temps, où l’excès de vie propre à l’enfance est soustrait à la contingence, et où des instants du quotidien sont transfigurés par la captation de gestes et postures immémoriales où se cristallise l’histoire du portrait. La profondeur du visage enfantin, son regard curieusement distant ou absorbé, l’étrange maturité qui se dégage de ses mains, ramènent les portraits tantôt vers la sculpture, tantôt vers le tableau, tantôt vers la grâce fragile de la poupée. Au lieu d’un détour 1 - Jacques Lacan, D’un Autre à l’autre, Paris, Le Seuil, 2006, p. 225


Dommage ses parents viennent la chercher demain, 2019 Photographie numérique, tirage jet d’encre, 40 x 60 cm, 1/5 exemplaire


par la théâtralité, il est ici question d’une tension entre vie et son envers immobile, d’une dialectique entre maintenant et autrefois dont Walter Benjamin met en avant la nature non pas temporelle mais figurative : « Une image […] est ce en quoi l’Autrefois rencontre le Maintenant dans un éclair pour former une constellation. En d’autres termes : l’image est la dialectique à l’arrêt. Car, tandis que la relation du présent au passé est purement temporelle, la relation de l’Autrefois avec le Maintenant est dialectique : elle n’est pas de nature temporelle, mais de nature figurative. […] 2 Persévérer à figurer l’extime à la fois avec et par-delà le seul médium photographique pourrait être une façon de nommer la recherche plastique de Florence Chevallier. Tania Vladova

2 - Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXème siècle - Le Livre des Passages, Paris, Éd : Cerf, 2006, p. 479





Les Plaisirs, 2016 - Photographie numérique, tirage jet d’encre, 120 x 120 cm, 1/5 exemplaire




En savoir + Florence Chevallier

www.florencechevallier.org

Le POCTB Le pays où le ciel est toujours bleu, POCTB - collectif d’artistes, est un label de création et de diffusion dans le domaine de l’art contemporain. Ce label propose une programmation dans son espace d’exposition situé à Orléans et hors les murs avec La borne, microarchitecture de création et de monstration itinérante en région Centre - Val de Loire. Direction artistique : Sébastien Pons / Laurent Mazuy

Le pays où le ciel est toujours bleu Quartier Carmes - 5 rue des Grands-Champs à Orléans - 02 38 53 11 52 - www.poctb.fr

Graphisme : Sébastien Pons

Avec le soutien de


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