32 Lek & Sowat, Mausolée, 2010 Lek & Sowat (Photo : Sowat)
Lek & Sowat, Mausolée, 2010 Sowat (Photo : Swiz)
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Lek & Sowat travaillent en duo depuis le projet Mausolée, un manifeste pour la scène du graffiti hexagonal. Passionnés d’exploration urbaine, ils confrontent leur peinture avec les ruines de l’architecture contemporaine, investissant les territoires témoins des récentes crises politiques et industrielles. Leur infiltration du Palais de Tokyo en 2012 a inauguré le Lasco Project. Infiltration de peinture pa r
P h i l i p p e Va s s e t
« On voulait le Palais de Tokyo, mais on voulait tout le Palais de Tokyo. La conquête a démarré par une issue de secours. » En 2012, les peintres urbains Lek & Sowat sortent à peine de Mausolée, un projet (au très long cours) qui les a vus annexer un supermarché condamné, porte de La Villette, et le transformer, façon ouvriers du vitrail, en cathédrale de Reims : fresques somptueuses, chapelles dédiées et gloires murales. Mausolée venait parachever la logique d’exploration urbaine qui guidait alors le travail de Lek & Sowat : une fois trouvé le lieu où ils voulaient peindre, ils l’ont habité un an et sont intervenus dans ses moindres recoins avec l’aide d’une quarantaine d’artistes invités pour l’occasion. L’éden en couleur, vie et art mélangés. Que faire après ça ? Où trouver l’inconnu qui appelle la peinture ? « On pose les pieds au Palais de Tokyo et on se dit “c’est notre prochain Mausolée”. Des lieux abandonnés, on en a visité plein, c’est là où on est devenus artistes, mais c’est la première fois qu’on voyait un chantier
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Lek & Sowat have worked as a duo since their project Mausolée, a manifesto for France’s graffiti scene. As enthusiastic urban explorers, they confront their painting with the ruins of contemporary architecture, investing territories that have witnessed recent political and industrial crises. Their infiltration of the Palais de Tokyo in 2012 inaugurated the Lasco Project.
évolutif, un lieu avec une partie publique et une partie invisible, et qu’on avait la possibilité de révéler cette partie immergée. » Comme si, finalement, face à la popularité croissante des pratiques d’exploration urbaines, la dernière frontière n’était plus les friches, mais les échappées architecturales que les institutions cachent sous leurs jupes : les sous-sols, les coursives et les toits. Toutes ces plates-formes invisibles qui, une fois mises à nu, recomposent le paysage urbain. « Le Palais de Tokyo venait de connaître une petite invasion de graffitis, le soir de sa réouverture en 2012, au moment même où nous révélions notre projet Mausolée au grand public. Ce fut le point de départ d’une discussion entre Jean de Loisy et Hugo Vitrani, le futur commissaire de ce qui allait devenir le Lasco Project, sur la place que pouvaient prendre les arts urbains au Palais de Tokyo. Jean de Loisy s’intéressait depuis longtemps à la culture graphique urbaine, mais trouvait qu’elle était mal exposée en institution. Il avait vu notre film Mausolée et a décidé de nous proposer quelque chose de différent, liée à notre pratique de l’exploration urbaine : intervenir non pas dans les espaces d’exposition habituels, mais défricher une portion du bâtiment lui-même, une vaste cage d’escaliers de secours, à l’époque fermée au public. » « On est arrivés là-bas avec les codes et les pratiques de notre milieu. On l’a investi
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comme s’il s’agissait d’un lieu abandonné. L’issue de secours où l’on a mis en place l’exposition Terrains vagues, avec l’aide de Dem189, c’était notre cheval de Troie. À partir de cet espace, soigneusement borné, on a rayonné, même si on nous avait explicitement demandé de ne pas le faire. Le Palais de Tokyo est ouvert jusqu’à minuit : on a repéré les heures de rondes, la position des caméras de sécurité et, une fois la voie libre, on a commencé à explorer les lieux. On progressait discrètement, sans se faire remarquer, en effaçant nos traces. » Un bâtiment n’est pas une toile : impossible d’y projeter des formes sans tenir compte de l’espace, l’architecture et la circulation. On peint d’abord avec les pieds. Lek & Sowat passent des mois à arpenter les moindres recoins du lieu, des sous-sols au toit. « Un jour, on a trouvé une trappe dans un local technique habituellement fermé à clef : il nous a fallu un an pour réussir à l’ouvrir et trouver ce qu’on allait y faire. » (Une intervention au pastel gras et au vaporisateur à engrais avec Mode2 et Futura, les légendes du graffiti). Les deux peintres travaillent avec la variété de surfaces que leur offre le Palais de Tokyo – « il y avait de la briquette, du béton, du contreplaqué, du BA13… » L’idée qui les guide est de manifester le double fond du lieu. « On voulait révéler les lieux comme personne ne les avait jamais vus. Notre idéal, c’était de pouvoir montrer des
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Une proposition de Lek & Sowat et Dem189 / A project by Lek & Sowat and Dem189
Lek & Sowat, Dem189, Wxyz, Antwan Horfee, Velvet & Zoer, l’Outsider, Rizot, Swiz (Photo : Aurélien Mole)
TERRAINS VAGUES
Bom.k, Sowat & Dem189 (Photo : Aurélien Mole)
Rizot (Photo : Nibor Reiluos)
SKKI © (Photo : Sowat)
Babs, Sowat (Photo : Nibor Reiluos)
JayOne (Photo : Sowat)
Antwan Horfee (Photo : Nibor Reiluos)
Nassyo (Photo : Nicolas Gzeley)
Lasco Project #3 : Futura, Lek & Sowat et / and Mode 2, Underground Doesn’t Exist Anymore, 2014 (Photo : Aurélien Mole)
Lasco Project #3 : Futura, Lek & Sowat et / and Mode 2, Underground Doesn’t Exist Anymore, 2014 (Photo : Aurélien Mole)
La Trappe pa r
O s c a r C o o p -P h a n e
On voudrait y entrer seul et par hasard, tomber là-dessus comme on tombe sur un trésor – ces sentiments au sirop, une pièce entre les coussins du canapé, un meuble qu’il nous faudrait, soudain lâché sur le trottoir. On aurait pu la chercher aussi, avec une carte, jaunie bien entendu, des énigmes, des indications vagues et une grosse croix noire pour le Graal. On se serait senti un peu aventureux, ce qui n’est jamais désagréable. Et puis, les trésors, quand on les trouve – qu’on les ait cherchés ou non – font que l’on se sent unique ; cette chance, c’est la nôtre ; l’aventurier n’est jamais aussi flatté que lorsqu’il devient pionnier. Voilà le goût sucré de la découverte.
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Je n’ai pas été le premier à visiter la trappe. Et pourtant, j’ai eu une douce sensation de découverte, un petit frisson tiède à y poser mes pompes. Il faut que je m’explique. On s’est retrouvés dans des bureaux – chose étrange – eux n’en ont pas et moi non plus. Je crois pouvoir dire qu’on s’est connus dans des parcs. Hugo, dans un square à côté du lycée, OCB et flops sur papier quadrillé, et les deux zigues, Lek et Sowat, dans les grands jardins romains, barbecues, statues antiques et Perroni. Ces bureaux ne sont pas ceux de Levallois ou de La Défense, pas de talons hauts qui claquent la mesure des pauses cigarettes, pas de cravates violettes, pas de grande tour en verre avec tourniquets et réceptionnistes. On n’est pas à République non plus, agence commerciale et latte-soja dans les open-space. L’entre-deux est assez subtil, des types généralement tatoués, sympathiques, qui bûchent dans l’art contemporain, sandwiches devant l’ordinateur. On a serré des pinces, on a fait quelques blagues. Oui, on vient voir la trappe. Ah… LA trappe. Et, puisque les chaînes de l’humanité sont tissées en papier de ministère, même en dehors de La Défense, on a dû attendre des autorisations. Le curateur, les deux peintres, je pensais que ça roulerait facilement. Mais parfois, malgré les passe-droits et les faveurs, la mécanique se froisse et les engrenages grincent. Il suffit d’un type pas franchement disposé – il a sûrement ses raisons – et on attend devant son poste ou sur la petite terrasse en gazon artificiel, en fumant un café, en bouffant des Choco Leibniz. Sans la clef, on n’entre
pas – une phrase idiote qui tournait alors en boucle dans ma lucarne. Joseph K devait s’en dire pas mal, des phrases dans ce genre-là. Sans la clef, on n’entre pas. On reste à la porte. On sonne, on frappe, qu’importe. Aucune serrure ne me rassure.
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Il est arrivé finalement, l’air un peu rieur, comme s’il ne nous attendait pas, ou plutôt comme s’il nous attendait trop. Bah, allez-y, les mecs, qu’est-ce que vous attendez ? Vous avez dix minutes. Il lance ça naturellement, façon de dire, je vous ai fait un peu poireauter, un peu courir, mais c’est de bonne guerre. Il avait raison, c’était plutôt de bonne guerre. On est parti des bureaux quand je commençais à m’y sentir bien, presque légitime. Oui, tiens, je me serais quasiment vu bosser là, connaître les prénoms, savoir qui prend quoi à la machine à café. Sans sucre pour toi Gérard et toi Franck, je t’ai pris un petit biscuit, je sais que tu les adores. J’aurais décoré les bords de l’écran de mon ordinateur avec des stickers idiots et des Post-it orange, j’aurais écrit des mails avec une adresse officielle, j’aurais lu les horoscopes de 20 Minutes, j’aurais suivi avec entrain les petites histoires de fesses qui s’amorcent en attendant l’ascenseur ou devant la photocopieuse. Quand même, Sylvie et Laurent, là, je suis surpris. Et puis, elle est mariée, elle, oh, quand même, je suis surpris. Tu savais, toi ? En même temps, ça ne m’étonne pas tant que ça. C’est comme si je l’avais pressenti depuis le début. Bon tu viens, on va déjeuner ? À l’Italien ? Oui, super, j’en peux plus des sushis. Quand on n’a rien à faire dans des bureaux, mieux vaut prendre les escaliers. Et c’est ce qu’on a fait, jusqu’au rez-dechaussée, jusqu’au poste de sécurité. Là, encore des types qui boulotaient des sandwiches et l’un d’entre eux, la bouche pleine encore, nous a accompagnés. Au désenfumage, il a dit. Des couloirs, des portes, on passe par les toilettes, de l’autre côté, c’est fermé. Une dernière serrure et on y est. Le désenfumage. La trappe.
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Hugo, Lek et Sowat, le type en polo rouge de pompier et moi, devant la lourde qui donne sur le sol, comme les entrées de cave dans les bars, comme les plaques d’égout dans les Tortues Ninja. Je descends seul, à la lumière de mon téléphone. J’ai un peu la frousse, c’est entendu. Sauter dans un trou qu’on ne connaît pas, sans angoisse, aussi douce soit-elle, c’est plutôt rare. La trouille n’était pas bien grande, mais tout de même, on appréhende un peu, comme on dit. Dix minutes. Je saute. Je suis plutôt grand, mais personne ne tiendrait debout. Jambes repliées, la démarche idiote, on avance. Mais très vite, on ne pense plus à son allure. La magie de certains lieux opère ainsi, on oublie ses faibles affaires et on regarde de tous les côtés, comme pour ne rien perdre, mémoire alerte qui fouille les recoins et enregistre le bazar – les yeux serrent fort, ils retiennent.
76 Lasco Project #6 : Philippe Baudelocque, - + | = +, 2016 (Photos : Aurélien Mole)
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| 1 Azyle, M°11 2007 — Résidu de gravure / Remaining engraving on bodywork (Photo : Azyle) | 2 Azyle, M°07 1991 — Style Punition / Punishment style (Photo : DR) | 3 Azyle, M°11 2007 — Acide / acid (Photo : Azyle) | 4 Azyle, M°07 1997 — Dépelliculage localisé pour atteindre la « vraie matière » / protective film removed locally in order to reach the “the true matter” (Photo : Azyle) | 5 Azyle, M°01 1991 — Spectre, style Punition (encre : teinture pour cuir Corio) / ghost, Punishment style (ink: Corio leather dye) (Photo : Azyle) | 6 Azyle, M°07 2007 — Dépelliculage localisé pour atteindre la « vraie matière » / protective film removed locally in order to reach the “the true matter” (Photo : Azyle) 1
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Depuis son arrestation en 2007, Azyle, figure historique du tag dans le métro parisien et inventeur du célèbre style « Punition », mène un combat juridique contre la RATP pour une juste évaluation du préjudice causé par ses peintures illégales. Une manière de poursuivre son œuvre au-delà de la peinture.
De la Punition à la Saturation Le truc naît au départ de manière assez pulsionnelle et intérieure. J’ai quatorze ou quinze ans, le graffiti explose complètement à Paris et dans le métro où la RATP est dépassée par l’ampleur du phénomène. Je veux comprendre tout ce qui se passe derrière ça. Je fais mon premier métro en 1990. Et là, c’est le choc ; j’en tombe amoureux à cause du contact du métro, de l’ambiance, de la peur, du stress. Tout ça me donne une sensation tellement puissante que je me dis qu’il faut que je poursuive dans cette voie. J’ai compris alors qu’il valait mieux faire une pause dans le métro qu’une pause dans la rue, parce que l’impact y est beaucoup plus fort. Ce rapport entre qualité, quantité et risque m’allait parfaitement. Ensuite ma stratégie a été de rester dans le métro : c’est là où je me sentais le mieux. Le métro, je le considère comme chez moi. Je remercie la RATP de m’avoir mis sous la main ces supports fantastiques. À mes débuts, mes tags étaient noyés dans la masse et ne ressortaient pas. J’ai peaufiné mes recherches calligraphiques pour construire mon « Azyle » parfait. Petit à petit, j’ai défini une sorte de stratégie publicitaire en confectionnant une forme de tag qui s’apparentait à un logotype et que je « tamponnais » à l’infini. Une calligraphie ronde, un enchaînement fluide de lettres, une composition équilibrée et dynamique. Je ne faisais presque jamais des tags verticaux.
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Since being arrested in 2007, Azyle, a historic figure of Parisian metro tagging, and the inventor of the famous “Punishment” style, has been conducting a legal battle with the RATP (Paris’s Public Transport Authority) so as to obtain an accurate evaluation of the damage caused by his illegal paintings. It is a way to pursue his work beyond painting.
Au lieu de faire un métro tout entier, je préférais remplir un seul wagon (première classe, à l’époque) de bout en bout pour éviter que les autres ne polluent mes tags. Le style qui m’est venu naturellement, c’était de faire des lignes, qu’on a appelé le style « Punition ». À l’époque (1990 – 1991), ça a pas mal marqué les esprits. Ça allait à l’encontre de l’évolution habituelle des tagueurs qui passaient du tag au graff. Je menais ce combat personnel : essayer de trouver la calligraphie parfaite. J’avais un nom, Azyle, qui collait à ma démarche, car on me prenait pour un fou. La coulure, ça me renvoie au graffiti des années 1990 : sur les supports qui n’étaient pas plastifiés, plus tu imbibais ton Baranne, ton Posca ou ton marqueur, plus tu chargeais la matière et plus l’encre allait migrer dans la carrosserie du métro. Les encres faisaient des spectres, parce que la RATP n’avait ni les techniques ni les produits de nettoyage adaptés. Pour moi, c’est l’apogée du graffiti. Les métros tournaient, pas nettoyés ou mal nettoyés, et ton tag pouvait circuler des semaines, des mois. À partir de 1991, la RATP a lancé sa campagne de protection et plastification des rames de métros. Mais je continuais à utiliser les mêmes encres, par nostalgie. Je savais pertinemment que ça ne servait à rien, car, avec un coup de pulvérisateur et de chiffon, tout s’effaçait. Je jouais beaucoup avec les coulures. Le premier trait d’évolution apparaît quand les encres ont commencé à se mixer et que j’ai vu que ça pouvait donner des couleurs intéressantes et des effets de
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matière. Alors j’ai cassé un deuxième code du graffiti qui est le toyage, puisque finalement je recouvrais mes propres graffitis. Et j’ai continué à développer ce style de superposition ou de saturation, ce qui m’a permis d’approfondir, de varier et d’enrichir mes compositions. J’y trouvais une énergie nouvelle et mon rapport à l’espace a changé. Je ne pouvais plus voir le blanc du métro comme avant. Il fallait toujours que j’en fasse plus. Il fallait une surcharge pour que je trouve ma peinture réussie. Je suis donc passé de la punition à la superposition / saturation vers fin 1995, et jusqu’au début des années 2000. Entre 2004 – 2007, j’avais atteint une certaine maîtrise de la saturation. Mais je la jugeais insuffisante, alors j’ai intégré progressivement la projection de peinture. Dès que je commençais à projeter, je prenais le risque de tout remettre en cause dans mes compositions. Ça m’a permis de dynamiser beaucoup plus mes peintures, de donner un côté plus agressif et de créer un choc visuel plus impactant. J’ai pu jouer avec la coulure à outrance. J’ai aussi pu changer d’échelle, les projections me permettant d’obtenir des aplats de peinture et des zones remplies plus facilement qu’au trait et au fat cap. Cette dernière période correspond à l’époque de mon arrestation pour des dégradations de biens publics, essentiellement dans le métro parisien. Je me suis fait arrêter dans mon élan le plus créatif. J’avais des idées toutes les semaines. Naturellement à partir du moment où Azyle a été associé à mon identité civile par la police
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Lasco Project #1 : Terrains vagues, 2012 Azyle, œuvre en cours de réalisation / work in progress (Photo : Nibor Reiluos)
Lasco Project #5 : Felipe Pantone, Data Somersault, 2016 Tunnel du Duplex A86 (Vaucresson) (Photos : Felipe Pantone)
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Felipe Pantone peint à grande échelle ses radiations et ses géométries au psychédélisme 2.0. Un croisement des formes du graffiti, de celles de l’art optique et d’une esthétique post-Internet. Pour le Lasco Project, avec Vinci Autoroutes, l’artiste argentin investit de ses peintures murales abstraites une « cathédrale de béton », zone fantôme inaccessible d’une autoroute dans la périphérie de Paris.
Felipe Pantone paints large-scale radiations and geometries in a 2.0 psychedelic style, in a crossover coming from forms of graffiti, op art and a post-Internet aesthetic. For the Lasco Project, with Vinci Autoroutes, this Argentinian artist has invested with his abstract murals a “concrete cathedral,” an inaccessible ghost zone of a motorway in the outskirts of Paris.
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Moh a m ed Bou rou is sa Ne penses-tu pas qu’il y a une forme dominante dans l’art contemporain et que, lorsque tu viens du monde de la rue, tu es obligé de te conformer à des formats institutionnalisés et institutionnalisant ? O l i v i e r K o s t a -T h é f a i n e Quand Hugo Vitrani m’a proposé de participer au Lasco Project, il savait que ce qui m’intéressait, c’était de faire quelque chose qui soit visible de manière « officielle » comme n’importe quel artiste invité à exposer au Palais de Tokyo. Mon travail vient de la rue, mais ça ne m’intéresse pas de montrer la rue de manière brute ou cachée. J’observe des éléments de mon environnement que je transforme, que je filtre et que je retranscris. Alors, ça peut prendre une forme assez traditionnelle. m b Moi aussi je vais chercher des formes issues d’autres territoires, et parfois elles s’institutionnalisent. Il y a ce passage du graffiti au street art, puis des artistes venant de la rue sont passés à des formes plus plastiques. Tout cela donne l’impression que c’est très compliqué de faire du graff pur. Qu’en pensestu ? Est-ce très compliqué d’être à la fois issu du graffiti et artiste contemporain ?
Whether he paints the abstract details of a street, or observes the weeds, Olivier KostaThéfaine dissects cityscapes, placing their peripheries at the centre of his work. On three cupolas of the Palais de Tokyo, he has composed a burnt sky, mingling the paintings that cover the ceilings of Italian palazzi with the writings traced out with lighter flames by the young in the entry halls of council blocks.
o k t J’ai toujours pensé que le tag était une pratique dans la ville. Je ne le voyais pas du tout comme un acte artistique. Les pièces que je crée aujourd’hui résultent d’une recherche afin de trouver de nouveaux outils et de nouvelles formes issues de la rue. Ça aurait été trop facile de faire un copier-coller de ce que je faisais dans la rue pour le mettre dans l’espace d’exposition. Finalement, pour moi, le tag c’est une espèce de sport, pas une pratique artistique. m b À partir de quel moment le geste de laisser une marque avec la flamme d’un briquet, qui n’est pas encore un acte artistique, devient-il ton moyen d’expression artistique ? o k t J’observe ces graffitis à la flamme du briquet depuis que je suis môme. La tech-
nique m’intéressait depuis longtemps, mais je ne trouvais pas le moyen de l’utiliser. Un jour, je suis tombé sur un document du ministère de l’Intérieur qui recensait les cent soixante-douze cités les plus chaudes de France. Des cités aux noms de végétaux, hyper bucoliques ; des noms très doux pour des lieux hyper durs à vivre. J’ai relevé tous ces noms et j’ai créé un « herbier » à la f lamme du briquet sur le plafond d’une galerie. C’est l’herbier qui est, en quelque sorte, le fondement de toute une série d’œuvres. L orsque j’ai voulu faire de l’art, je savais que ce qui m’intéressait, c’était l’observation d’un paysage que je connaissais, celui de ma banlieue et, par extension, des éléments connotés négativement de ce paysage que je pourrais transformer. Le graffiti est une pratique qui t’habitue à observer ton environnement dans le détail. Lasco Project #6 : Olivier Kosta-Théfaine, Soffitto, 2016 Œuvre en cours de réalisation / work in progress (Photo : Nicolas Gzeley)
Qu’il peigne les détails abstraits d’une rue ou observe les mauvaises herbes, Olivier Kosta-Théfaine dissèque le paysage des villes, plaçant leur périphérie au centre de son œuvre. Sur trois coupoles du Palais de Tokyo, il compose un ciel calciné, mixant les peintures qui recouvrent les plafonds des palais italiens avec les écritures que les jeunes tracent à la flamme d’un briquet dans les halls des cités.
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The miniaturised trompe-l’oeil façades of council housing that Evol disseminates in public spaces, or at the heart of institutions, stand as anonymous monuments to the architectural Utopia of large scale council estates. The artist misappropriates the environment with his stencils–a technique allowing him to create a precarious, prefabricated form of painting, just like the East-German architecture he depicts.
Lasco Project #3 : Evol, Wheel of Fortune, 2014 (Photo : Aurélien Mole)
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Les façades de HLM minaturisées en trompel’œil, qu’Evol dissémine dans l’espace public ou au cœur des institutions, sont autant de monuments anonymes à l’utopie de l’architecture des grands ensembles d’immeubles d’habitation. L’artiste détourne l’environnement avec ses pochoirs – une technique permettant de créer une peinture précaire et préfabriquée, comme l’architecture est-allemande qu’il dépeint.
Lasco Project #3 : Evol, Wheel of Fortune, 2014 (Photo : Aurélien Mole)
Lasco Project #3 : Evol, Wheel of Fortune, 2014 (Photo : Nicolas Gzeley)
Lasco Project #3 : Evol, Wheel of Fortune, 2014 Œuvre en cours de réalisation / work in progress (Photo : Nicolas Gzeley)
dran, Sans titre, 2014 Exposition collective / group show « Inside », 19.10 2014 — 10.01 2015, Palais de Tokyo (Paris) (Photos : Nicolas Gzeley, Aurélien Mole)
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Lasco Project #4 : Craig Costello, 2015 (Photo : Aurélien Mole)
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Lasco Project #4 : Craig Costello, 2015 Œuvre en cours de réalisation / work in progress (Photo : Silvio Magaglio)
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Lasco Project #6 : Stelios Faitakis, Elegy Of May. Part I: The Deepness Of Things. Part II: The Round Table, 2016 Œuvre en cours de réalisation / work in progress (Photo : Aurélien Mole)
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Lasco Project #6 : Stelios Faitakis, Elegy Of May. Part I: The Deepness Of Things, 2016 (Photo : Aurélien Mole)
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Fabrice Yencko, Procès-verbal, 2012
Lasco Project #3 : Fabrice Yencko, Guerre du Nord, 2014 (Photo : Aurélien Mole)
Cleon Peterson, Forest 1, 2010 Acrylique sur panneau de bois / acrylic on wood panel 28 × 23 cm
cleon peterson
au final je suis juste en train d’accepter que je n’en ferai jamais vraiment partie. m b s Le skateboard a été un élément central aussi. Quelle est ta relation avec le skate et les cultures underground en général ?
Le skate est venu du fait de traîner dans les rues de Seattle avec d’autres enfants qui en faisaient. C’était comme appartenir à de petits gangs. Aucun d’entre nous n’avait de chez soi où rentrer ; alors, nous créions ce petit monde. cp
m b s On dirait que le temps que tu as passé à Brooklyn au début des années 1990 a été déterminant dans ton parcours. Comment cela a-t-il informé ta pratique et que s’est-il vraiment passé là-bas ?
New York était une ville extrêmement intimidante : comment trouver sa place dans cette ville quand tu as 17 ans ? C’était plus grand que tout ce que j’avais jamais approché. Je sortais avec une fille de Porto Rico qui m’a fait goûter à l’héroïne une nuit d’Halloween. La première fois que j’ai essayé, j’ai pensé que c’était
la meilleure chose que j’avais jamais faite et j’en ai acheté de quoi tenir dix jours. J’avais l’impression que je ne pouvais rien faire sans suranalyser ce que je faisais et sans craindre de réaliser un tableau ou de le montrer. La drogue venait soulager cette angoisse. Je savais qu’on pouvait devenir accro, mais je me disais juste, « Bah, si je deviens accro, j’arrêterai. » (rires) Ça ne s’est tout simplement pas passé comme ça. Si je pouvais tout recommencer, je ne me priverais pas de cette expérience, parce que ça a été une chose positive. Je n’ai jamais pris de drogue pour faire taire la réalité ou pour m’en échapper ; c’était plutôt pour parvenir à fonctionner et à travailler. Ça te donne aussi une idée de la façon dont ce pays fonctionne, et c’est de là que vient mon travail. Une fois que tu te retrouves en prison, tu commences à te dire que c’est toute une machine ; et une fois que cette machine t’avale, tu te rends compte que ce n’est pas si facile d’en sortir.
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c p De manière générale, je déteste le street art. Je le vois comme un moyen de valoriser les quartiers et de faire monter la valeur immobilière ou comme un moyen pour les illustrateurs de promouvoir ce qu’ils font. Il n’y a pas grand-chose d’intéressant qui s’y passe. Mais il existe toute une tradition et une histoire d’auteurs de peintures murales qui n’ont rien à voir avec le street art, et j’aime l’idée de peindre sur des grands formats et de confronter les gens à mon art hors des galeries et des musées. m b s Tes compositions proposent une vision dystopique d’un monde ayant mal tourné. Tes peintures ne sont plus ancrées dans le passé ou dans un monde imaginaire, mais reflètent malheureusement l’état des choses : tirs de police, terrorisme, guerre. C’est ce qui se passe vraiment. Quel est ton regard là-dessus ?
Il y a une sorte de dissociation : quand tu vois ce genre de choses aux informations, ça se passe très loin, ce n’est pas dans ton espace, c’est presque une réalité alternative avec laquelle tu n’as pas à interagir. Une œuvre d’art a un pouvoir : si tu mets une chose sur une toile, sur un mur, dans une installation, ça signifie que ce que tu vois est culturelcp
Ton travail parle de la rue. Tu peins dans la rue depuis que tu fais des peintures murales, certains te définissent donc comme un street artist : comment considères-tu le street art par rapport à ce que tu fais ? mbs
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Cleon Peterson, The Asylum, 2010 Acrylique sur panneau de bois / acrylic on wood panel 96 × 81 cm
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Avec ses photographies, ses collages, ses films ou son projet participatif Inside Out, JR révèle les visages et la mémoire des invisibles du monde entier, des banlieues françaises à Israël et la Palestine, de Times Square au Louvre, en passant par les ghettos du Kenya ou les favelas du Brésil. Au Palais de Tokyo, il collabore avec OSGEMEOS pour concevoir une installation en relation avec la mémoire du lieu.
With his photographs, collages, films or his participatory project Inside Out, JR reveals the invisible faces and memories of the entire world, from French suburbs to Israel and Palestine, from Times Square to the Louvre, taking in the ghettos of Kenya or the favelas of Brazil. At the Palais de Tokyo, he has collaborated with OSGEMEOS in the conception of an installation dealing with the memory of the site.
Je me baladais avec Ladj dans son quartier des Bosquets à Montfermeil, je collais mes petites affiches et lui me filmait. À un moment, il y a plein de jeunes qui disent : « Mais pourquoi tu nous prends pas en photo ? » et Ladj me dit « C’est vrai, tiens, fais une photo de moi. » Alors j’ai fait ce portrait de Ladj et quelques jeunes du quartier. Par la suite, je suis revenu coller cette photo dans cette cité et dans la cité voisine de La Forestière à Clichy-sous-Bois, qui sont devenues les épicentres des émeutes de 2005 dans les banlieues françaises. jr
Jea n de L oisy En 2004 tu réalises cette photo à l’origine de la série 28 millimètres, Portraits d’une génération : le portrait d’un homme qui tient sa caméra comme une arme. À cette période-là, on comprend que tu dis que la photographie est comme une arme et qu’elle a une puissance d’attaque plus forte que celle d’une balle parce qu’une photographie touche cent personnes, mille personnes, et une balle, une seule. Es-tu resté dans cet esprit-là ? JR Oui. Mais c’était surtout pour moi la première fois que je collais en grand. j l À l’époque tu collais des affiches et tu les entourais. j r Je les entourais d’un coup de bombe de peinture. Les affiches étaient arrachées, les cadres restaient, donc il y avait ce côté visible/invisible. Dès le début, j’avais fait un site Internet, qui fonctionnait comme un compte Instagram, sur lequel je publiais une photo par jour. j l Et ce portrait photographique, comment l’as-tu dirigé ?
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C’est un peu instinctif et immédiat comme démarche. Est-ce avec cette photographie que tu prends conscience que ton travail est d’abord collectif ? jl
j r Oui, j’ai pris la mesure de la dimension collective de mon travail. D’ailleurs, si on venait dans la cité pour voir la photo, c’était les jeunes sur la photo qui étaient là et en parlaient. Ils étaient toujours prêts à expliquer leur histoire. Ils utilisaient cette image pour passer leur propre message, et non pas le mien. Par la suite, je suis revenu faire des portraits des jeunes et j’ai conçu ce projet de les coller à l’intérieur d’un immeuble d’habitation promis à la destruction. Du coup, quand le bâtiment a été détruit, les habitants du quartier ont vu apparaître les visages.
Dans tout ton travail, la mémoire est quasiment la première question : jl
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mémoire des autres, mémoire de ton propre travail, mémoire des moments ou des lieux qui ont nourri ce travail. j r Parce que ce travail est, par nature, éphémère. J’ai retrouvé des documents d’archive datant de mes débuts. Je ne faisais qu’écrire mon nom sur les murs et je filmais ça. j l En 2007, tu conçois un autre projet important, Face 2 Face, pour lequel tu réalises des portraits d’Israéliens et de Palestiniens qui font le même métier, que tu vas coller côte-à-côte des deux côtés du mur de séparation et dans des villes alentour. Comment les habitants ont-ils réagi à l’apparition de ces visages ? j r C’est à ce moment-là que j’ai compris non seulement la force d’une image, mais aussi l’importance de documenter leur réception. J’ai fait un film qui montre les rencontres avec les gens en Palestine et en Israël, la façon dont les images ont été perçues, les discussions qu’elles ont suscitées, etc.
Ça cesse d’être plastique. Ça devient de la conscience. jl
j r Exactement. Il y a une implication des gens qui va au-delà de la mienne. Par exemple, j’ai lancé le projet Inside Out en
JR, Migrants, Walking New York City, 2015
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(Photo : JR)
(Photo : Aurélien Mole)
(Photo : JR)
(Photo : JR)
(Photo : JR)
Whether it be in drawings, sculptures, videos, or as an installation, the work of OSGEMEOS (the twin artists Gustavo and Otavio Pandolfo) mingles codes from graffiti and hip hop, Brazilian folklore and alternative circuses, while not hesitating to question politics. Since 2002, they have been producing a series of giant, yellow characters, which seem to shrink the urban spaces where they are painted.
OSGEMEOS, Minsk, 2015 (Photo : OSGEMEOS)
Qu’il soit en peinture, dessin, sculpture, vidéo ou sous forme d’installation, le travail d’OSGEMEOS (les artistes jumeaux Gustavo et Otavio Pandolfo) mixe les codes du graffiti avec ceux du hip-hop, du folklore brésilien et des cirques alternatifs, et n’hésite pas à questionner le politique. Depuis 2002, ils élaborent une série de personnages jaunes et géants qui semblent rétrécir l’espace urbain où ils sont peints.
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de ça, qu’est-ce qui vous a intéressés précisément dans ce projet ? A llen Benedikt Dans tout votre travail on retrouve votre tentative de donner voix à des personnes et des sujets souvent sous-représentés ou peu visibles. Qu’est-ce qui vous pousse à vous positionner ainsi ? OSGEMEOS Il s’agit plutôt de notre voix singulière, que nous avons trouvée à travers nos dessins et nos peintures, notre manière de nous exprimer. Nous parlons aux gens à travers notre art, et les gens parviennent à s’identifier à notre voix. Beaucoup de gens ont besoin de communiquer sans avoir trouvé le moyen de le faire, si bien qu’ils s’identifient à ce que nous faisons, à notre façon de dire les choses. a b Un de vos projets les plus récents, peint dans les sous-sols du Palais de Tokyo, éveille un sentiment de responsabilité morale face aux crimes et injustices commis contre les Juifs durant l’occupation nazie en France. Il s’agit, plus précisément, de la spoliation des biens juifs – des meubles et des pianos qui furent, un temps, entreposés dans les sous-sols de l’institution où vous avez été invités à peindre. Là encore, il semblerait que vous prêtiez votre voix, cette fois aux victimes de l’Holocauste. Mais au-delà
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OSGEMEOS, rues de São Paulo / streets of São Paulo, 2010 (Photo : OSGEMEOS)
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o C’est pour nous un projet unique parce que nous avons pu de nouveau travailler avec JR. Collaborer avec d’autres artistes est difficile ; les œuvres doivent très bien s’accorder pour que cela fonctionne. Nous connaissons très bien le travail de JR et il connaît très bien le nôtre. Nous avons réussi cette combinaison, car son travail est très différent du nôtre. JR travaille avec la photographie et le collage ; nous travaillons avec des images et de la peinture ; si bien que le résultat est convaincant. Depuis le début, l’idée du projet nous semblait très intéressante – tout d’abord parce qu’il s’agissait d’une intervention dans des sous-sols. On ne s’attend pas à ce qu’un musée vous permette de faire une installation dans un espace aussi atypique, surtout dans un endroit auquel le public n’aura pas accès. Nous n’avions jamais vu de musées faire ce genre de projets. Cette idée nous a séduits parce que nous savions que cette pièce serait là pour toujours, cachée, et que quelqu’un pourrait bien la trouver dans deux cents ans. Cela a également beaucoup à voir avec la fonction de cet espace pendant l’occupation allemande en France, comme lieu de stockage des pianos et autres objets volés aux Juifs par les nazis. Cela contribue aussi à rappeler l’histoire de l’injustice afin que celle-ci ne se reproduise pas. C’est important de se souvenir, de garder l’histoire vivante et de montrer à la jeune
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génération que beaucoup de personnes sont mortes injustement. Une partie de notre travail est liée à la Seconde Guerre mondiale. Quand nous étions enfants, notre père nous racontait des histoires sur notre famille venue d’Europe de l’Est, de Lituanie. Des membres de notre famille ont été déportés dans les camps de concentration. Même si nous ne sommes pas juifs, nous sommes intimement liés à cette histoire-là.
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a b Peu d’artistes sont parvenus à passer de la peinture illégale dans la rue à l’exposition de leurs travaux dans les plus prestigieux musées et galeries du monde. Et il y en a encore moins qui, comme vous, ont réussi à donner l’impression que cela se faisait sans effort et sans dissonance. À quelles difficultés avez-vous été confrontés – d’autant que vous continuez à peindre régulièrement dans les rues ? o Ce que nous voulions surtout depuis le début, c’était forger notre style propre. Nous avons commencé le graffiti dans les années 1980 et, en parallèle, nous avons conçu des installations, des peintures et des sculptures dans l’arrière-cour de notre maison. Mais nous ne pensions pas à exposer, nous n’avions pas de projet précis ; nous le faisions pour le plaisir. Plus tard, nous avons rencontré des artistes qui exposaient, comme Barry McGee. Il nous a influencés et nous a ouvert de nou-
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