Mals im vinschgau, vers une gestion écologique commune d'un paysage rural partagé

Page 1

Lenny POL Travail personnel de fin d’études École nationale supérieure d’architecture et de paysage de bordeaux Novembre 2016

Mals im Vinschgau, vers une gestion écologique commune d’un paysage rural partagé 1


2


LENNY POL TRAVAIL PERSONNEL DE FIN D’ÉTUDES SOUS LA DIRECTION DE DOMINIQUE HENRY SOUTENU LE 25 NOVEMBRE 2016 MEMBRES DU JURY Philippe Richard Alise Meuris Marc Esslinger

3


(...) En fin de journée, nous atteignons progressivement la porte nord-est du Val Müstair (Suisse), la sortie de la vallée est marquée par un court arrêt au niveau de la frontière. La douane nous laisse passer, nous entrons en Italie. L’espace se resserre, la vallée devient plus étroite et nous traversons un boisement dense de mélèzes. La route serpente au sein d’un espace confiné au pied des versants. Le paysage s’ouvre alors sur un large espace fait d’une multitude de nuances de verts printaniers. Nous longeons des prairies en fleurs. Ponctuellement, des vergers se présentent par tâches plus foncées, quadrillés de poteaux blancs, au sein de cet espaces verdoyant. Des structures linéaires arborées rythment ce paysage et le divisent en différents plans horizontaux. En arrière plan, le fond de vallée en pente, remontant vers le nord, nous permet de distinguer des ensembles bâtis constituant des bourgs relativement compacts. Nous traversons le bourg médiéval de Glurns et remontons jusqu’à Mals, s’étendant au pied du versant opposé.

4


Burgeis Val Müstair (Suisse)

Col de Résia (Autriche)

Mals im VInschgau

Schleis Laatsch

5


Col de RĂŠsia

Mals im Vinschgau

Val MĂźstair

N

Le Vinschgau

6


Introduction au territoire et aux différents temps qui composent le diplôme

Un territoire marqué par son caractère hétérogène Mon expérience Erasmus à Munich, qui s’est terminée il y a de ça un an, m’a permis de découvrir la chaîne alpine par le biais d’un projet étudiant auquel j’ai pu participer. L’hétérogénéité des paysages, des cultures, des traditions et des identités propres à cet ensemble montagnard a été soulevée lors de la mise en commun des projets réalisés au sein des différents pays qui composent ce vaste territoire.

paysages entre l’amont et l’aval de la vallée, qui se justifie par des facteurs géomorphologiques mais aussi par une multitude de pratiques et d’idéologies variées se côtoyant au sein d’une même espace géographique. Des pratiques que j’ai pu, entre autres, découvrir par le biais de rencontres avec une hétérogénéité d’acteurs, qui ont été décisives quant à la façon dont j’ai pu aborder et m’imprégner du territoire.

Une hétérogénéité qui peut se décliner à des échelles plus réduites. En effet, suite à cette expérience étudiante, c’est vers la vallée du Vinschgau, dans le Tyrol du sud, une région considérée comme la plus importante région pomicole d’Europe, que s’est portée mon attention et où j’ai décidé de réaliser mon projet personnel de fin d’études. Une vallée dont la situation géographique (à la frontière avec l’Autriche, la Suisse et l’Italie), et l’histoire ont engendré une hétérogénéité de cultures se traduisant entre autre, par l’emploi quotidien d’un double langage (l’italien et l’autrichien). Une vallée qui se distingue également par une hétérogénéité de

En effet, production intensive versus production biologique, rentabilité versus qualité du produit, monoculture versus diversité, agriculture moderne versus agriculture traditionnelle, tels sont les éléments participant à cette hétérogénéité de paysages caractérisant la vallée. Une hétérogénéité de modèles qui sont mis en tension et qui sont au cœur des polémiques alimentant la vie rurale quotidienne de la petite commune montagnarde de Mals, située au nord est de la vallée, caractérisée par un paysage ainsi qu’une communauté rurale en forte mutation.

Meran

7


Prairie pâturée, élevage biologique

Parcelle de pomiculture conventionnelle

Agriculture conventionnelle versus agriculture biologique à Laatsch

8


Le phénomène d’actualité à Mals découlant de la confrontation entre des modèles opposés à différentes échelles est connu, comme on le verra par la suite, sous l’effigie du «Pestizid Freie Gemeinde Mals»1. Un phénomène traduisant une lutte contre un modèle économique productiviste, et reflétant ainsi des problématiques animant les territoires ruraux à plus large échelle. Ces problématiques témoignent d’un rapport au territoire rural qui évolue et dont la gestion se complexifie. Une gestion qui doit répondre à de nouvelles attentes d’acteurs opérant à des échelles variées et ayant des intérêts convergents pour le développement du paysage de demain. Dans ce contexte, c’est au paysan que revient la tâche de répondre à ces attentes de gestion, il voit son rôle se complexifier. En effet, son activité ne doit plus seulement être synonyme de production alimentaire mais on attend également de lui de produire un produit de qualité, de préserver un patrimoine culturel et paysager, le tout sans utiliser d’intrants chimiques. Dans la recherche d’une réponse aux problématiques soulevées, je serai amenée à m’interroger sur la façon dont la question de l’écologie est traitée dans son lien au paysage dans les politiques d’aménagement du territoire à l’heure actuelle. Je remettrai en question le passage de l’échelle de planification locale à l’échelle de gestion locale, autrement dit, je réinterrogerai la méthode qui est employée pour construire un tel projet et les moyens qui sont mis en œuvre pour le communiquer. Quels sont les acteurs impliqués dans le processus, quel sont les outils qui sont utilisés ? Ces questionnements, ainsi que la prise en compte des différents témoignages, issus des rencontres avec les acteurs locaux, m’amèneront vers l’élaboration d’une problématique guidant la manière dont je souhaite intervenir en tant que paysagiste dans un tel contexte. Quelle entrée paysagère pour traiter et prendre en compte les fonctionnements écologiques dans les territoires ruraux en mutation ? L’objectif de mon travail sera moins de proposer un aménagement paysager abouti, que de mettre en place une démarche d’actions au travers de l’entrée agricole et paysagère, pour proposer des solutions visant à la prise en compte simultanée de la diversité écologique, paysagère et sociale pour fonder un projet de territoire en contexte alpin.

Tout en étant en prise sur l’actualité, à plus large échelle, d’une agriculture de montagne qui tend à s’industrialiser, mon travail s’appuiera sur l’exemple de la commune de Mals pour interroger, localement, le rôle et le statut possible du paysagiste dans ce type de problématiques et de tensions entre logiques de développement. Il s’agit ainsi plus spécifiquement de penser et d’accompagner la transition écologique et paysagère en faveur d’une agriculture innovante en montagne.

*1

Commune de Mals, libre de pesticides

Les différents temps de la démarche de projet Afin d’identifier la singularité du paysage et de pouvoir mettre le doigt sur son caractère exceptionnel, il s’agira dans un premier temps de procéder à l’analyse du contexte paysager en resituant la commune de Mals au sein des dynamiques paysagères propres à la vallée. Par la suite, cette lecture, sensible aux impressions esthétiques que l’on peut avoir du paysage et aux dynamiques qui l’animent sera complétée par la mise en avant de la richesse écologique présente sur le territoire, en m’inspirant des théories de l’écologie du paysage. Dans un troisième temps, le recensement des pratiques agricoles au travers des différentes rencontres avec les paysans locaux, me permettra de me nourrir des savoir-faire pour développer une boîte à outils avec laquelle je vais , d’une part, pouvoir alimenter le projet éco-paysager dans sa forme, et d’autre part, pouvoir complexifier la notion de biodiversité pour montrer en quoi elle relève également d’une nature «sociale». Enfin l’implication dans le projet d’une variété d’acteurs à l’échelle de la commune sera le moyen d’envisager la mise en œuvre du projet et de le transposer dans une réalité territoriale. Ainsi, mon travail entend combiner une entrée paysagère, avec la réappropriation d’outils relevant de l’écologie du paysage, le tout en me nourrissant de la diversité des pratiques occasionnant une richesse de relations sociales au service de la mise en place d’un projet solide à l’échelle du territoire.

9


10


Première partie Introduction au territoire et aux différents temps qui composent le diplôme

7

LE VINSCHGAU, UN TERRITOIRE HÉTÉROGÈNE EN MUTATION

15

I - LE PAYSAGE CULTUREL DU VINSCHGAU

17

II - DYNAMIQUES HISTORIQUES ET ACTUELLES AU SEIN DE LA VALLÉE

41

III - MALS IM VINSCHGAU, UNE COMMUNE «RÉSISTANTE»

47

1. Le vinschgau au sein de la chaîne alpine 2. Un vallée sèche intra-alpine 3. La distinction de trois ensembles paysagers 4. Des formes parcellaires qui interpellent 5. Des milieux naturels riches 6. Une diversité de cultures agricoles

1. Évolutions des pratiques agricoles et développement de la pomiculture 2. Les différentes formes de pomiculture dans la vallée 3. Vers un paysage de monoculture à l’échelle de la vallée ? 4. La remise en question d’un modèle productiviste 1. La spécificité de la position de Mals 2. Un commune « populaire » 3. Les moyens mis en œuvre dans la résistance 4. Ce que traduit cette résistance

18 19 20 28 32 38

42 43 44 44 48 50 51 56

11


Deuxième partie LA FAÇON DONT LA QUESTION DE L’ÉCOLOGIE EST TRAITÉE DANS SON LIEN AU PAYSAGE

59

I - LA PRISE EN COMPTE DE L’ÉCOLOGIE DANS LES POLITIQUES D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

61

II - LES LIMITES DES MESURES ÉCOLOGIQUES POUR L’ANCRAGE D’UN PROJET ÉCOLOGIQUE AU SEIN D’UN TERRITOIRE À L’ÉCHELLE LOCALE

69

III - L’ENTRÉE PAYSAGÈRE POUR TRAITER DE L’ÉCOLOGIE DANS UN CONTEXTE RURAL EN MUTATION

73

1. Ce qu’on entend par écologie 2. De la protection des espaces remarquables à la prise en compte de la nature ordinaire 3. Les apports de la recherche dans le domaine de l’écologie du paysage 4. La spécificité de l’activité agriculture dans le Tyrol du sud 1. Une incompréhension entre acteurs opérant à différentes échelles 2. Une focale sur l’aspect naturel et des mesures décontextualisées 3. Un problème de méthode 1. De la nécessité d’apporter une réponse au travers du paysage 2. Enjeux pour le paysagiste dans cette situation 3. Une démarche actant et prenant en compte plusieurs échelles

12

62 63 64 68 70 72 72 74 75 76


Troisième partie LA CONSTRUCTION D’UN PROJET ÉCO-PAYSAGER

79

I - IDENTIFICATION D’UN RÉSEAU ÉCOLOGIQUE EXISTANT

81

II - IDENTIFICATION DES PRATIQUES PAYSANNES À L’ÉCHELLE DE LA VALLÉE ET DE LA COMMUNE

97

1. La prise en compte de la composante écologique à différentes échelles 2. Des réseaux écologiques support de qualités paysagères singulières 3. Les enjeux relatifs à ces composantes et la constitution d’une boîte à outils

82 87 92

1. Etablissement de profils paysans 2. L’apport des pratiques recensées pour la mise en place du projet

99 109

III - PROPOSITION D’UN PROJET D’AMÉNAGEMENT ÉCO-PAYSAGER

111

IV - LA CONSTRUCTION COMMUNE D’UN PROJET ÉCO-PAYSAGER PARTAGÉ

169

Conclusion Bibliographie Remerciements

177 178 181

1. Avant propos à la constitution de la charpente éco-paysagère 2. La stratégie de projet 3. Une charpente éco-paysagère inter-parcellaire : un maillage longitudinal à enrichir 4. Une charpente éco-paysagère inter-parcellaire : un maillage transversal à dévoiler 5. La prise en compte de la diversité des pratiques au sein des parcelles, vers un «tout éco-paysager» 1. L’implication de tous les usagers du territoire rural 2. Vers la mise en œuvre d’un projet éco-paysager partagé

113 120 123 153 163 171 174

13


1.


LE VINSCHGAU, UN TERRITOIRE HÉTÉROGÈNE EN MUTATION I - LE PAYSAGE CULTUREL DU VINSCHGAU II - DYNAMIQUES HISTORIQUES ET ACTUELLES AU SEIN DU VINSCHGAU III - MALS IM VINSCHGAU, UNE COMMUNE «RÉSISTANTE»


Selon Fischer (1966), le Vinschgau possède trois grandes caractéristiques qui ne sont observables de façon conjointe, dans aucune autre vallée alpine. Tout d’abord la forte opposition entre les versants exposés nord et les versants ensoleillés exposés sud avec une flore de steppe. Deuxièmement les redoutables cônes alluviaux et enfin le système ramifié de canaux d’irrigation dont la densité et l’étendue est unique dans l’espace alpin.

N

Le Vinschgau

16


I - Le paysage culturel du vinschgau Le Vinschgau se présente comme un territoire singulier dont le caractère exceptionnel, résultant notamment de sa situation géographique et climatique, a été approprié et exploité par l’homme. Un appropriation à l’origine de la diversité paysagère qui se présente à nous en traversant la vallée.

1. Le vinschgau au sein de la chaîne alpine 2. Un vallée sèche intra-alpine 3. La distinction de trois ensembles paysagers /// La haute vallée comme porte d’entrée du Vinschgau

/// Le Mittervinschgau, un espace «d’entre-deux» /// Une basse vallée au paysage spectaculaire et changeant

/// Une situation foncière singulière

/// Une hétérogénéité de milieux entre l’adret et l’ubac /// La particularité de la «Sonnenberg» et de la «Tartscher Bühel» /// La mise en avant et la protection de la richesse floristique et faunistique de ces espaces naturels

4. Des formes parcellaires qui interpellent /// Le rôle de l’eau

5. Des milieux naturels riches /// Les espaces naturels liés au réseau hydrographique

6. Une diversité de cultures

17


1. Le vinschgau au sein de la chaîne alpine AUTRICHE ALLEMAGNE

Le Vinschgau, ou Val Venosta en italien, est situé au nord-ouest des alpes italiennes, à la frontière avec l’Autriche au nord, la Suisse à l’ouest et la Lombardie au sud. La vallée correspond à la partie supérieure de l’Adige, un fleuve qui prend sa source au niveau du col de Resia (Rechenpass). De Resia jusqu’à la commune de Mals im Vinschgau, son orientation est nord-sud, ensuite elle s’étend d’ouest en est jusqu’à la ville de Meran. La vallée occupe une position centrale dans la chaîne alpine, limitée au sud-ouest par le massif de l’Ortles et au nord-est par les Alpes de l’Ötztal.

SUISSE LICHTENSTEIN

ERALP

EN

TIROL DU SUD

Le Vinschgau se situe très exactement au centre des Alpes. On y trouve donc des influences du nord et du sud qui sont respectivement modifiées ou affaiblies. Il s’agit du territoire avec le taux le plus faible de précipitations à l’échelle de toute la chaîne alpine. De 1931 à 1960, le taux moyen de précipitations était de 442 mm à Glurns (915 m d’altitude) et de 483 mm à Naturns (551 m d’altitude). Ceci est dû à la crête principale des Alpes, avec au nord l’Ötztaler Alpen et au sud les Ortler-Cevedale-Gruppe, (dont le pic le plus haut se situ à 3905 m) qui interceptent les précipitations.

OR TIL

ER

AL

PE

N

SLOVAQUIE

ITALIE

LOMBARDIE

FRANCE N

Le Tyrol du Sud au sein de la chaîne alpine

18

OTZTA L


2. Un vallée sèche intra-alpine

E BRIXEN MALS IM VINSCHGAU

MERAN

BOZEN

É AN

RR

ITE ÉD

EM NC

UE FL IN EN NE

Jusqu’à la régularisation de l’Adige, les espaces compris entre les cônes de déjection étaient marqués par de vastes marais et des forêts alluviales. Apres la régulation de l’Adige et l’assèchement des terres par la mise en place de canaux de drainage, a pu se constituer un sol apte à être cultivé. Les sols bruns et Les sols alluviaux sont aujourd’hui les types de sols les plus communs en fond de vallée.

L TA EN IN NT CO

Les sécheresses typiques de la fin d’hiver et du printemps sont suivies par un maximum de précipitations de juin à août. Ce sont généralement des précipitations très denses « d’après sécheresse ». Ces intempéries provoquaient des coulées de boue qui sont à l’origine des cônes alluviaux (voir carte p.20). La «Maser Haide», marquant l’entrée ouest du Vinschgau et faisant 13,25 km carré soit 1550 millions de mètres carrés, représente le plus grand cône de déjection à l’échelle de la chaîne alpine. D’autres cônes alluviaux glissent depuis les vallées latérales dans la vallée principale. Sur cet amas de débris rocheux et de moraines s’est développé un sol profond. On parlera plus précisément de rendzine et de sol bruns lessivés. Le premier se caractérise par un sol légèrement lessivé, neutre qui évolue vers un sol brun qui est un sol argilo-humique légèrement acide, généralement riche pour l’agriculture.

E NC

Les faibles taux de précipitations allant de paire avec les pentes très raides exposées sud, ont engendrés la situation extrêmement sèche du Sonnenberg, un espace sur lequel je reviendrai par la suite.

UE FL IN

A cela s’ajoutent des vents importants: Le « Föhn » : Vent fort, chaud et sec, apparaissant quand un vent dominant est entraîné au-dessus d’une chaîne montagneuse et redescend de l’autre côté après l’assèchement de son contenu en vapeur d’eau. Le « Talwind » par beau temps : Un vent ascensionnel d’une masse d’air le long d’un relief géographique dû au réchauffement de celui-ci. Diverses conditions météorologiques peuvent créer un tel vent, mais il s’agit toujours de la formation d’une différence de températures entre les masses d’air au-dessus de la vallée et celles réchauffées sur leurs pentes qui cause une circulation d’air. Il est donc aussi appelé « vent de pente ».

Renzine (Larousse) : Sol typique des roches calcaires friables, à profil généralement peu profond et humifère. Les rendzines, sols généralement jeunes, évoluent par décarbonatation vers les sols bruns. Sol brun (Larousse) : sol des régions tempérées de plaine ou de basse montagne, en équilibre avec la forêt feuillue et développé sur de nombreux matériaux non calcaires ou décarbonatés.

19


Malse

Burgeis

r haide

3. La distinction de trois ensembles paysagers

Schleis

Une haute vallée caractérisée par un paysage ouvert fait de prairies fourragères et de pâturages

Un entre-deux en mutation, caractérisé par un paysage varié

MALS IM VINSCHGAU Tartsch

Laatsch

Glurns

Schluderns

Eyrs

Prad am Stilfserjoch

Schlanders Laas

Kastabell Goldrain Latsch

N

Le Vinschgau

20

Tschengls


En analysant plus exactement la photo aérienne, on peut dissocier trois grands ensembles paysagers au sein de la vallée, correspondant plus ou moins respectivement à ce qui est communément appelé «Obervinschgau», «Mittervinschgau» et «Untervinschgau». Une diversité de paysages liée à une hétérogénéité de formes de parcelles mais également au relief qui jusqu’à présent conditionne l’occupation des sols. En effet, la limite de progression des vergers pomicoles se situe actuellement légèrement au nord de Mals. En montant en altitude, les risques de gelées tardives sont pour l’instant trop grands pour permettre le développement de la pomiculture. Ainsi, le paysage de l’Obervinschgau, s’étendant du col de Résia à Mals, est caractérisé par un paysage très ouvert de parcelles de pâturages et de prairies de fauche. La vue reste dégagée de manière constante sur le reste de la vallée, notamment depuis la «Malser Haide». Le Mittervinschgau, compris entre Mals et Laas, est caractérisé par son hétérogénéité. On y trouve une alternance entre des vues dégagées et des fermetures ponctuelles dues aux parcelles de maïs, de vergers ou aux forêts alluviales. En dehors des points de vues situés en hauteur, les balades dans le fond de vallée de l’Untervinschgau, s’étendant entre Schlanders et Meran, se caractérisent par des parcours au sein de parcelles de vergers denses qui forment des grandes perspectives. Ces couloirs sont rythmés par des ouvertures ponctuelles sur des parcelles n’ayant pas encore été reconverties en verger.

Une vallée basse caractérisée par un paysage fait de grandes perspectives .

Partschins

Naturns

Meran

Tschars

Cônes alluviaux

21


/// La haute vallée comme porte d’entrée du Vinschgau Vue depuis la «Malser Haide» Essentiellement caractérisée par des prairies pâturées et/ou de fauche et quelques autres parcelles fourragères, la saison (printemps) offre une multiplicité de tons à la haute vallée, allant du vert au jaune en passant par le blanc. Les quelques haies basses ou buissons et arbres isolés nous indiquent la présence d’eau, il s’agit des canaux d’irrigation (Waale) qui sont en partie encore exploités. Un alignement d’arbres isolés suit la route principale serpentant dans le paysage du col de Résia à Mals. Ce grand cône alluvial très ouvert marquant l’entrée ouest de la vallée peut être considéré comme une porte d’entrée ou un promontoire qui nous dévoile petit à petit le paysage en contrebas. Le vent, très extrême dans cette partie de la vallée donne

des formes particulières aux arbres et aux arbustes en fond de vallée. On retrouve ce mouvement dans les champs où l’herbe est relativement haute ou dans les parcelles de céréales ; le paysage est en constante ondulation. Ceci rend le paysage dynamique et vivant. Vue sur la Malser Haide La Malser Haide s’étend devant nous comme un tapis tacheté de prairies en fleurs et de prairies fauchées. Cette vue est ponctuée d’arbres isolés ou de haies basses. Au premier plan, la structure géométrique des vergers contraste avec des aplats de prairies. Le point de vue légèrement surélevé permet la distinction du village de Laatsch au premier plan à gauche et de Mals im Vinschgau en arrière plan à droite.

Vue depuis la Malser Haide Arbres isolés et arbustes le long du canal d’irrigation

Prairie fourragère Lichtenberg en fleur

Arbres d’alignenment le long de la route principale

Cône alluvial de Glurns Laatsch

22


Vue sur la Malser Haide

Parcelles fourragères en fleur

Arbres d’alignement bordant la route

Burgeis

Route principale 40 serpentant sur la Malser Haide

Ulten Dernières parcelles de vergers

Parcelle de cerisiers

Laatsch

23


/// Le Mittervinschgau, un espace «d’entre-deux» La «Tartscher Bühl» permet une très large vue sur la vallée. On découvre ainsi un paysage hétérogène ou les parcelles de vergers jouxtent les parcelles fourragères et les boisements alluviaux. Le paysage prend un aspect riche et varié du fait de la multitude des couleurs et des textures qui se profilent en fond de vallée. Le cône alluvial surplombant la ville médiévale de Glurns ainsi que le versant opposé, juxtant le village de Schluderns, sont investis par des occupations du sol variées. A l’opposé de la vallée, le versant exposé sud, jouxtant la commune de Schluderns est elle

Schluderns

Versant cultivé : abricots, pommiers et fourrages

aussi en partie cultivée et pâturée. La présence de l’eau est ici aussi clairement lisible dans le paysage. Plusieurs typologies se côtoient. D’une part on distingue clairement les deux cours d’eau, l’Adige et le Pullibach, se rejoignant au sud de Glurns, au niveau du bassin de rétention. Ce bassin est alimenté par un canal linéaire acheminant l’eau venant du versant nord. En arrière plan une large masse végétale indique la présence de la forêt alluviale de Schluderns.

Forêt alluviale «Schludernser Au»

Parcelles fourragères

Vergers de pommiers

Céréales

24


Cours d’eau déscendant le long du cône alluvial

Bassin de rétention

Adige

Mais

Village médiéval de Glurns

Parcelle de cerisiers

Zone industrielle de Glurns

Verger de pommiers

25


/// Une basse vallée au paysage spectaculaire et changeant Le maillage très serré des vergers dans la basse vallée permet une lecture très claire de la forme des parcelles. La trame linéaire de ces vergers suit les formes organiques ou géométriques des parcelles le long des pentes des cônes alluviaux ou en fond de vallée. De ce point de vue, il est intéressant de noter la contradiction radicale entre un maillage de parcelles organiques et un maillage de parcelles aux formes très géométriques, de part et d’autre de la route principale 38. On peut émettre l’hypothèse que la partie haute est bien plus récente que la partie basse. En effet, ce n’est qu’à partir du moment où les terres hautes ont pu être irriguées que leur exploitation a été rendue possible. On peut imaginer que les terres entre la route principale et l’Adige en fond de vallée profitaient déjà d’un système d’irrigation ancien. Impression printanière

26

La présence de la strate arbustive ou buissonnante se concentre en fond de vallée le long du fleuve se faufilant entre les parcelles de pommiers, cette strate s’élargit par endroits pour se transformer en forêts alluviales. La monoculture pomicole peut être considérée comme un paysage spectaculaire notamment de par les contrastes qu’on y trouve entre la saison estivale, automnale, hivernale et printanière. D’un paysage sombre, grisâtre en hiver, on passe à un tapis fleuri au printemps. L’automne apporte des couleurs jaunâtres et rougeâtres accompagnées d’une lumière très pure. Les ensembles bâtis se déploient essentiellement sur les pentes douces, et se distinguent par les clochers des églises et les toits des maisons par dessus ces rangées de pommiers. Impression estivale


Impression hivernale

Sonnenberg

Allizer Waldele (Boisement)

Allitz Route principale 38

Parcelles aux formes régulières

Parcelles aux formes organiques

Adige Route secondaire jouxtée par la ligne de chemin de fer «Vinschgerbahn»

27


4. Des formes parcellaires qui interpellent

L’approche la plus pertinente du territoire se fait probablement par la vue aérienne où se dessinent des motifs de parcelles très interpellants. Il s’agit d’un immense tapis formé par des petites parcelles aux formes, aux textures et aux couleurs très variées. La plus grande opposition se situe entre l’amont et l’aval de la vallée. Cependant le parcellaire peut également présenter des aspects très variés à l’échelle d’une même commune. D’un parcellaire aux formes organiques en amont de la vallée, aux couleurs relativement claires et unies des prairies fourragères et de pâturages, on passe à un parcellaire plus hétérogène traduisant la juxtaposition de prairies pâturées, de parcelles de cultures tels que le maïs ou les céréales en passant par des parcelles aux couleurs plus foncées correspondant aux vergers essentiellement pomicoles. C’est entre le village de Schluderns et le village de Prad am Stilfserjoch qu’apparaissent des parcelles plus géométriques, et où les couleurs plus foncées et les textures rayées des rangées de pommiers commencent à prendre le pas sur les autres motifs. C’est en sortant de Prad am Stilfserjoch que le parcellaire prend une allure plus unie, à l’image de la monoculture pomicole de la basse vallée. Les formes des parcelles restent cependant très variées et interpellantes. On peut ainsi se demander de quoi résulte ce dessin singulier, quelle est l’origine de ces formes ? Carte sensible du parcellaire du Vinschgau

28


29


/// Le rôle de l’eau La carte topographique fournit d’importantes clarifications quant aux formes du parcellaire. En effet, on y discerne un maillage hydrique complexe et hiérarchisé. Le fleuve principal, l’Adige, serpente en pied de montagne depuis le col de Resia avant de prendre une allure plus rectiligne à partir de Glurns, au niveau du bassin de rétention, et ce jusqu’au confins est de la vallée. Perpendiculairement de nombreux cours d’eau venant des vallées secondaires ou descendant directement le long des versants nord et sud, se jettent dans l’Adige. Une troisième typologie de cours d’eau est elle aussi très rectiligne et connectée au fleuve central. Il s’agit de canaux irriguant les terres du fond de vallée. Autant d’éléments, fonctionnant de façon conjointe et traduisant des systèmes de drainage et d’irrigation sophistiqués mis en place par l’Homme à différentes périodes.

Burgeis Adige

Schleis Mals im Vinschgau Tartsch h

ac

nib

Pu

Laatsch

Glurns

Adige

Weite Wiesen

Schluderns

Glurns

We it

eM

S

h

ac

rb

u ald

La régulation de l’Adige à la fin du XIXème siècle a permis l’exploitation des terres en fond de vallée à partir des années 1920. Des terres qui étaient très humides du fait des fréquentes crues de l’Adige. Ce passé marécageux se lit encore dans la toponymie avec les termes de «Au» ou «Moos» par exemple signifiant respectivement «forêt alluviale» et «marais».

öse

r

Schludernser Au

h

ac

nib

Pu os

Lichtenberg

Anc

ien

e

Ad

Eyres

rch

Mü hlb

ach

Ma

ch sba

gr

äb

ige

a Tan

Grabenau

Obervinschgau 1820

Adig

30

h nb ac ld e Su

N

0

2000 m

Tschenglserbach

1820, crue de l’Adige

Moos/möser : Marais Wiesen : prairies Acker : champs de culture Bach : ruisseau Schachen : Boisement Au: Forêt alluviale

Ancien lit

Prad am Stilfserjoch

Tschengls

wiesen

Kortsch e

Obereau Kreuzfelder

r Wiese

de l’Adige Laas er Möser

Laas

Gumser Kanal

ach riab Gad

Le système hydrographique du Mittervinschgau

Litzbach

Laaserbach

imo

en

Flor

n


Les terres du fond de vallée ont ensuite été drainées par un maillage géométrique de canaux, parallèles à l’Adige. Sur les parties plus en hauteur, l’eau provenant des torrents des vallées adjacentes est elle aussi régulée par un système des canaux redistribuant l’eau de façon à ce que les différentes cultures profitent d’une irrigation avec un débit contrôlé. Il en découle de nouvelles parcelles aux formes régulières, résultant de la redivision parcellaire suite à l’assainissement des terres en fond de vallée et sur certains versants des cônes alluviaux, aux côtés d’un parcellaire préexistant aux formes organiques.

sant partie du patrimoine culturel historique de l’Obervinschgau. Ils sont désormais supports de cheminements touristiques et pédagogiques et nombreux sont ceux qui sont encore régulièrement entretenus. A Mals on trouve par exemple des chemins de randonnées appelés «Mitterwaal» ou «Oberwaal» le long du flanc de montagne. Dans le fond de vallée, ces canaux ne sont plus utilisés mais clairement visibles dans le paysage. Un entretien régulier s’impose afin de permettre à l’eau de circuler correctement et ne pas inonder les terres pour cause d’accumulation de branches mortes ou autres débris par exemple.

Une quatrième typologie de flux hydrique est essentiellement lisible au niveau de la «Malser Haide», en amont de la vallée, sur les versants nord et sud et sur les cônes alluviaux se jetant dans la vallée principale. Il s’agit ici de canaux d’irrigation dit «Waale» dans le vocabulaire local. Ces canaux ont permis la conduite de l’eau depuis les cours d’eau des vallées secondaires vers les terres agricoles en passant le long des terrasses en flanc de montagne. Les parcelles dépourvues de conduite d’eau étaient considérées comme sans valeur. Il s’agit d’un système d’irrigation très ancien. Le maillage complexe et hiérarchisé s’est développé jusqu’au XIXème siècle. En 1939, on pouvait compter plus de 235 grands canaux dans le Vinschgau, ce qui représentait une distance de 600 km qui ont irrigué environ 10.000 ha de terres agricoles. La plupart des communes du Vinschgau ont désormais mis en place un système d’arrosage moderne par conduite forcée. Les «Waale» sont considérés comme fai-

/// Une situation foncière singulière

Canaux d’irrigation au sud de Laatsch

Les dimensions très réduites des parcelles, quant à elles, résultent du système foncier propre au Tyrol du sud. Le Tyrol du sud est soumis au droit de «Realteilung», c’est à dire de «division équitable». Cela induit une division de la propriété d’une famille, notamment la propriété terrienne, de façon équitable entre tous les héritiers. Ce partage a lieu lors de chaque héritage, ce qui engendre la division constante de parcelles de terres dont la surface devient de plus en plus réduite. Dans le Tyrol du Sud, le concept du «Geschlossener Hof» permet cependant d’éviter cette division foncière. Il s’agit d’un «classement» qui reconnaît la présence d’une ferme au sein d’une même famille sur plusieurs générations, on parlera de «Erbhof» ou «ferme héritée» Le statut juridique du «geschlossen Hof » est ainsi une forme fondamentale d’aide au monde paysan destinée à maintenir et consolider les structures foncières agricoles. Ce statut garantit l’indivisibilité de l’exploitation et en facilite, grâce à des aides substantielles, la transmission héréditaire à un unique héritier ou légataire. Au delà de son rôle de rempart contre le démembrement des exploitations, le «geschlossenen Hof » a surtout une signification sociale. Il s’agit d’un héritage direct d’une tradition médiévale. Le « Bauer » est toujours un véritable seigneur sur ses propres terres, qui portent un nom héréditaire devenu aussi le toponyme du lieu. Une loi de 1982 a même instituée une sorte de petite noblesse paysanne, «l’Erbhof» ou mas ancestral. Ce titre est délivré au propriétaire d’un geschlossenen Hof resté en possession dans la même famille depuis au moins 200 ans. Un diplôme et une enseigne portant l’écusson du Tyrol du Sud et le titre de «Erbhof » lui est remis solennellement lors d’une manifestation officielle. Ceci démontre l’importance du monde paysan dans la société sud-tyrolienne. Nombreuses sont les aides et les subventions pour l’agriculteur.

31


5. Des milieux naturels riches

/// Les espaces naturels liés au réseau hydrographique Les différents ensembles paysagers précédemment décrits, dévoilent des typologies variées de masses végétales. Ce réseau nous indique souvent la présence d’eau, parfois la séparation entre des parcelles de culture ou les limites d’une propriété bâtie. La photo aérienne permet de voir plus clairement les ripisylves accompagnant l’Adige ou ondulant le long des cours d’eau secondaires. La densité des éléments ponctuels est très variable suivant qu’on se trouve en haute ou en basse vallée ou suivant qu’on se trouve en fond de vallée, sur les pentes des cônes alluviaux ou les versants nord et sud de la vallée. Les éléments linéaires, surfaciques ou ponctuels révèlent une étonnante diversité d’espaces naturels, où se développe une richesse faunistique et floristique remarquable. Cette diversité d’espaces écologiques liée à l’eau formant un réseau riche à l’échelle de la vallée se distingue nettement dans le paysage au sein de la monoculture pomicole en basse vallée et participe à enrichir le paysage diversifié de la haute vallée.

Reschensee

BURGEIS

Guggenau (forêt alluviale)

Réserve naturelle de la «Schludernser Au»

GLURNS

LAATSCH

Les aulnaies, bien que devenues rares dans la région à cause de la régularisation des cours d’eau et le drainage des terres, jouent un rôle majeur dans la régularisation du climat et de l’équilibre des eaux sur le territoire. Elles se caractérisent par un végétation luxuriante et très diversifiée avec de nombreuses niches écologiques riches en espèces animales. Le roseau, le typha, la scirpe ou encore le sparganium accueillent les nids des rousserolles, des râles d’eau ou encore le coucous. A cause de l’assèchement et l’exploitation des fonds de vallées, ces milieux sont aujourd’hui peu nombreux.

Weite Möser (tourbière)

MALS IM VINSCHGAU

SCHLEIS

SCHLUDERNS

«Tschenglser Au» Fisch weiher (étangs de pêche)

Forêt alluviale: «Grafenau» LICHTENBERG

Kiefernhein Kultur N

Le Vinschgau : les espaces naturels liés au réseau hydrographique

ge

2000 m

Fischlöcher (étangs de pêche)

Fischteich (étang de pêche)

SCHLANDERS LAAS

PRAD AM STILFSERJOCH

0

Réserve naturelle de la «Eyrser Au» Eyrser Biotop

EYRES

Adi

TSCHENGLS

32

Aulnaie noire et roselière au sein de la Forêt alluviale de Schluderns


Ripisylve de la Tollbach Adige régulé avec sa ripisylve

La ripisylve le long de l’Adige non régulé entre Canal d’irrigation entre Fossé entre pommeraie et parcelle maraîchère Laatsch et Glurns Laatsch et Mals Les bords des cours d’eau, des fossés de drainage et des canaux d’irrigation, sont très riches en éléments nutritifs. Ces espaces sont caractérisés par un micro-climat tempéré complété par un bon apport en azote grâce au sol qui n’est jamais ou rarement asséché. Un apport complémentaire en termes de nutriments se fait au travers de l’activité agricole dont les substances fertilisantes, riches en phosphore et en azote, ruissellent jusqu’à la bande riveraine. A titre d’exemple de végétation représentative de ce milieu on pourra nommer la grande ortie, la spirée, le houblon, la Valériane officinale, la scirpe des bois, ou encore le jonc épars. La faune quant à elle peut être représentée par les musaraignes, les petites belettes, les crapauds, les coléoptères, les papillons et autres insectes.

Réserve naturelle de la «Eyrser Au»

MERAN

NATURNS

Quellensee (lac de source) TSCHARS

Moos biotop Latsch KASTABELL

GOLDRAIN

PARTSCHINS

Épaississement de la ripisylve

ge

Adi

LATSCH

33


/// Une hétérogénéité de milieux entre l’adret et l’ubac Le transect réalisé au niveau de la commune de Glurns, en amont de la vallée, montre le passage d’un milieu sec et chaud sur l’adret, caractérisé par une végétation steppique en contrebas de la Sonnenberg ou au niveau de la Tartscher Bühel, à un milieu plus humide sur l’ubac, occupé par une forêt composée de sapins et de mélèzes, en passant par le milieu humide en fond de vallée au niveau de la forêt alluviale. Cette diversité de milieux repérables en l’espace de quelques dizaines de mètre, est d’une part liée à la gestion de l’eau comme on a pu le montrer précédemment mais également liée à la morphologie de la vallée, son orientation et la particularité de son climat.

«Tartscher Bühel»

Tartscher Bühel

Une strate buissonnante où l’on trouve du genévrier, des ronces, de la vinette, du prunellier, ou encore de l’aubépine. Dans les espaces en creux plus humides on trouvera du sureau, du raisin, ou des cendres fleur

SCHLEIS MALS

Forêt de pins noirs

LAATSCH Forêt de pin sylvestre et pin pubescent Adret, la «Sonnenberg»

«Sonnenberg» GLURNS Forêt de sapin, de mélèze avec épinette. Forêt riche en mousses.

Ubac, au niveau de la commune de Glurns

34

Végétation de steppe issue de l’est et du sudest de l’Europe ainsi que de l’espace méditerrannéen.

«Schludernser Au»

Forêt alluviale (biotope) dominée par des aulnaies noires et quelques aulnaies blanches.


/// La particularité de la «Sonnenberg» et de la «Tartscher Bühel» La Sonnenberg s’étend d’ouest en est de Mals à Partschins (en périphérie ouest de Meran) En pied de versant on trouve essentiellement des ormes de montagne, des baguenaudiers, des frênes à fleurs, des robiniers pseudo-acacia, des cerisiers de Sainte Lucie, des micocouliers ou encore des pins de montagne. Les conditions climatiques très sèches et l’orientation de la pente ont provoqué une bande de terrain de 500 à 700 m de largeur aux caractéristiques particulières. Le sol, caillouteux, perméable et sec est très pauvre en humus, néanmoins, la diversité et la richesse de cet habitat sont impressionnantes. Une flore de steppe marque ce paysage de prairies sèches originaire du sud-est de l’Europe ainsi que de l’espace méditerranéen. Le climat continental chaud se caractérise par des grandes différences de températures entre le jour et la nuit et une température du sol pouvant atteindre plus de 65 °C. On y trouve principalement des plantes xérophiles. A titre d’exemple on pourra citer l’orpin des rochers, la joubarbe à toiles d’araignée, l’œillet des rochers, l’armoise des champs ainsi que différentes espèces de cactus. Dans la strate arbustive on pourra nommer le vinettier, le genévrier, l’argousier, l’aubépine, le rosier sauvage, le bois de Sainte Lucie, ou encore l’osier pourpre. Le fruit de l’argousier est très apprécié des oiseaux, et les raisins sauvages de la vinette est très bien comestible par l’homme. Le fruit du genévrier sert de plante médicinale et à épicer les plats. Le rosier sauvage, le cerisier de Sainte Lucie et l’osier pourpre, dont la production de nectar favorise la production apicole au printemps, sont un espace de niche et de reproduction pour les oiseaux. Les essences caractérisant ce milieu accueillent entre autres la pie grièche écorcheur, une espèce menacée et la fauvette grisette. La Tartscher Bühel présente les mêmes caractéristiques floristiques et faunistiques que la Sonnenberg. La particularité de cette colline est son omniprésence dans le paysage de l’Obervinschgau. On la voit de loin et elle permet une vue à 360° sur la vallée.

Boisement de Mélèzes et de pin des Alpes (à partir de 1700m)

Argousier

La ceinture habitée

Boisement de pin sylvestre et de pin pubescent

Vinettier

La ceinture steppique de 500 à 700m

Pied de versant La Sonnenberg au niveau de Tartsch (Obervinschgau)

Osier pourpre

35


Burgeis

Schleis Mals im Vinschgau

Tartsch

TARTSCHER BÜHEL

SO

NN

ige

BE

ch

Ad

EN

iba

n Pu

Laatsch

RG Sa

Schluderns

ach

rb ldu

Schluderns

BIOTOP SCHLUDERNSER AU

N

Des biotopes protégés dans la haute vallée

36

0

1000 m


/// La mise en avant et la protection de la richesse floristique et faunistique de ces espaces naturels : l’exemple des réserves naturelles d’espaces humides et des prairies sèches.

Le biotope de Schluderns est également un espace aménagé pour l’accueil du touriste au travers d’un parcours pédagogique balisé appelé «Naturlehrweg Schludernser Au», sensibilisant le visiteur à la richesse floristique et faunistique du milieu.

Dans le Tyrol du sud, le terme «biotope» fait référence à la notion de réserve naturelle. Différents types de biotopes sont recensés, que ce soient des espaces humides comme les étangs, les lacs, les forêts alluviales, les tourbières, les roselières, certaines rives de rivières ou ruisseaux sauvages ou au contraire, des espaces de prairies sèches. Dans le Vinschgau, la «Schludernser Au», le «Eyrser Biotop» et le «Tschenglser Au» font partie des biotopes humides protégés. Les biotopes de prairies sèches quant à eux concernent essentiellement les versants exposés sud où les conditions climatiques présentent une flore exceptionnelle comme sur la Tartscher Bühel ou la Sonnenberg.

- Les biotopes de prairies sèches, les exemples de la Sonnenberg et de la Tartscher Bühel Durant ces dernières décennies, les terrains ont subi des phénomènes d’érosion dûs à un surpâturage. La diversité végétale s’est donc appauvrie. Aujourd’hui, ces prairies sèches sont menacées à cause du manque de pâturage, les pentes sont progressivement embroussaillées. Parallèlement des enquêtes ont révélé que la dérive de la pulvérisation des vergers avait un impact négatif sur la diversité d’espèces végétales et animales. Ceci engendre par exemple la disparition de certaines espèces d’oiseaux insectivores qui ne trouvent plus de chenilles pour se nourrir. Ainsi, une partie de la Sonnenberg, ainsi que la Tartscher Bühel, constituent elles aussi des biotopes de prairies sèches protégés.

- Les biotopes d’espaces humides, l’exemple de la Schludernser Au Dans le but de gagner en surface de terre arable de nombreux espaces humides riches en biodiversité ont été asséchés au cours du siècle dernier. En effet, les terres cultivables étaient, et sont aujourd’hui toujours, très prisées, notamment pour l’installation de nouvelles parcelles de production fruitière. Cette pression foncière a pendant longtemps endommagé la biodiversité de ces terrains. La mise en valeur de certaines de ces forêts alluviales et autres espaces humides, au sein de biotopes protégés, a permis leur préservation. Dans l’Obervinschgau on peut citer l’exemple du biotope de la forêt alluviale de Schluderns. Ce biotope, protégé depuis 1976, constitue la plus grande forêt alluviale du Vinschgau et fait partie du réseau Natura 2000. Sur une surface de plus de 125 hectares, aulnaies, peupleraies ou encore roselières, bordent les étangs et les cours d’eau. Il s’agit d’une végétation qui se démarque de la région environnante. En tant que lieu de refuge pour de nombreux oiseaux rares, la forêt a acquis une importance à l’échelle internationale. On pourra par exemple citer la marouette ponctuée vivant dans les roselières, le vanneau huppé nichant dans les prairies humides en lisière de la forêt alluviale, le tarrier des près, la grive litorne ainsi que l’alouette des champs. Au bord du Punibach, un des cours d’eau traversant la forêt, dont les rivages ont été restructurés et consolidés, nichent des espèces telles que la bergeronnette, le roitelet, le merle d’eau, le martin pêcheur ou encore la huppe.

Vue depuis la Tartscher Bühel

Ces espaces sont soumis à des mesures de gestion particulières favorisant des pratiques agricoles traditionnelles pour lutter contre l’embroussaillement des pentes. Au niveau de la Tartscher Bühel, un parcours «Naturlehrweg» a également été mis en place permettant au visiteur d’expérimenter cet espace naturel. La prairie est entretenue par le pâturage de petits troupeaux de vaches, de chevaux ou de brebis.

Prairie sèche sur la Sonnenberg

Forêt alluviale de Schluderns

37


6. Une diversité de cultures agricoles

Au-delà d’une flore et d’une faune remarquable, le climat exceptionnel de la vallée occasionne également un fort potentiel en terme de cultures fourragères, maraîchères et fruitières. A l’heure actuelle, l’occupation des sols est très variable suivant qu’on se trouve en amont ou en aval de la vallée. Ce sont les vergers pomicoles qui dominent dans la basse vallée. En haute vallée on observe une alternance entre pommeraies, pâturages et prairies fourragères et dans une moindre mesure des parcelles céréalières, maraîchères (choux fleur, salade, choux de Bruxelles, brocoli, chicorée, pomme de terre, ...) et des vergers de cerisiers et d’abricotiers, à 500 à 1000m d’altitude, (Vinschger Marille). Ponctuellement on observe également la culture d’herbes aromatiques, de framboises, de fraises, de toutes sortes de baies et de quelques pieds de vigne.

VI.P : Verband der Vinschgauer Produzenten

L’Obervinschgau était connu pour sa production de céréales durant plusieurs siècles. Cela a valu à la région de porter le surnom de «Kornkammer Tirols», c’est à dire, le grenier à grains du Tyrol. Au XXème siècle, la culture céréalière a été remplacée par la culture fruitière, cependant la demande croissante en termes de produits alimentaires écologiques depuis ces dernières décennies réveille à nouveau l’attrait pour la production de céréales locales. Ainsi, on voit réapparaître depuis quelques années la culture de seigle, d’épeautre et de blé dans le paysage de l’Obervinschgau.

D’après les données de la VI.P, à l’échelle de l’Obervinschgau, la production de fruitiers représente 369 Ha. 176 ha de cet ensemble de situent dans la commune de Prad im Stilfserjoch. La commune de Schluderns comprend 102 ha de vergers, les autres se trouvent à Glurns (51 ha) et à Mals (27 ha). Les prairies fourragères représentent quant à elles 27.500 ha, la céréaliculture 200 ha et le maraîchage15 ha. Au sein de la production fruitière de l’Obervinschgau, c’est également la pomiculture qui domine avec 349 Ha de vergers. Les 20 Ha restants comprennent la production d’abricots, de cerises, de poires et de baies (fraises, framboises, mûres, cassis, groseilles). Le nombre de parcelles de production fruitière augmente d’année en année, on constate une augmentation de 20 Ha par an depuis ces dernières 5 années. Cette croissance représente une chance pour les paysans du Vinschgau. La production de fruitiers et autres cultures précédemment citées permet aux agriculteurs de cultiver des très petites parcelles tout en en tirant un revenu correct. Il s’agit d’autant plus d’un opportunité favorable dans le Vinschgau du fait de la situation foncière historique qui a engendré un maillage fait de très petites parcelles. Comme dans tout le Tyrol du sud, le fond de vallée de l’Obervinschgau n’offre que peu d’espace disponible. La production de cultures à forte valeur qui ne poussent que dans des espaces favorables induit une utilisation raisonnée des petits espaces.

Burgeis Mals im Vinschgau Laatsch

Vue sur la Malser Haide au milieu du XXème siècle

38


«Dass grosse vorteil ist dass, unsere kirschen später reif sind. Wir leiden deswegen nicht an dem Konkurrenz.» («Le grand avantage est que nos cerises mûrissent plus tard dans la saison. Nous ne souffrons donc pas de la concurrence») Citation de Walter Lerchentaler

Parcelle de pommes de terres dans la commune de Mals

Parcelle de cerisiers à Mals

«Wir haben da ein riesen Potential, wir können alles anbauen, wir haben alles da ! » («Nous bénéficions d’un immense potentiel, nous pouvons tout cultiver, tout est là !») Citation de Günther Walldörfer, éleveur maraîcher à Laatsch

Verger d’abricotiers entre Glurns et Lichtenberg

Parcelle de pommiers à Schleis

Parcelle maraîchère dans la commune de Schluderns

Céréales à Laatsch

Palabirne à Glurns

Herbes aromatiques à Goldrain

39


40


II - Dynamiques historiques et actuelles au sein de la vallée Les paysages singuliers de la vallée décrits précédemment résultent d’une part de l’histoire hydrographique propre à la vallée, qui a déjà été évoquée en amont. En effet, l’assèchement des terres a été révolutionnaire pour l’agriculture qui a pu profiter pleinement de l’’accès à de nouvelles terres de cultures. Je reviendrai ainsi sur les différents temps qui ont marqué l’activité agricole, leurs dynamiques passées et actuelles, ayant façonné en grande partie les paysages. Je montrerai en quoi cela a joué un rôle déterminant pour le devenir économique de la vallée et en quoi le développement de l’activité agricole qui s’en est suivi a conditionné les paysages de la vallée d’aujourd’hui. Enfin j’expliquerai en quoi, de nos jours, cet essor économique agricole, lié au développement de la pomiculture, a atteint ses limites. En quoi la vallée se situe a nouveau dans un période de mutation, notamment idéologique, à l’image de notre société à plus large échelle.

1 - Évolutions des pratiques agricoles et développement de la pomiculture 2 - Les différentes formes de pomiculture dans la vallée /// Les structures de vergers

/// Les différents modes de production

3 - Vers un paysage de monoculture à l’échelle de la vallée ? 4 - La remise en question d’un modèle productiviste /// La promotion d’une diversité des produits du terroir

41


1. Évolutions des pratiques agricoles et développement de la pomiculture

e

xd

au can

o de nt aie ativ lace per séd np e pos lle. Coo se o i i . » s e r n t s x e n m a , as en era icol son Agr viau erp gau tM lem agr n per allu rzio sch enn tiel ls e nso nes Vin «Br ons matio Ma o sen ô i e t s c u C e l a e r « d s t s : r e nt loit om r en dan ur l e fe gau aie exp r cons e fe ige llée on s ltiv . sch in d s in d Vin l’Ad de va rrigati em s cu -faire petite ur leu t h e m e l c n e d r i ve po n nd oi les d’ ch de ans cou sav de atio le fo naux oie iers ed oie Les nt les ent s fruit la v aris ns ativ ca la v de gul ge da ce de pér é e n o taie allèlem arbre R d o o la cti ina re c ture Par lques dra e en p stru miè ver Con Ou Pre que Mis mie

om

p les

Moyen-Âge

Développement de la pomiculture dans le fond de vallée.

1880

1900

1906 : 1928

1950

ge»

Adi

1970

2000

Industrialisation, changement de structure du verger (structure en espalier) pour un maximum de rendement, intensification,densification, traitement par produits chimiques. Avancée de la pomiculture à des altitudes plus élevées. Diminution du nombre de variétés cultivées.

Le verger pâturé est la forme de culture étant la plus rependue.

17

18

17 17 | 18 Panorama von Kompatsch Panorama di compaccio 17 | 1954 18 | 2008

Comme on a pu le voir précédemment, jusqu’à la fin des années 1870, le Vinschgau était encore une région marécageuse peu ou pas apte à être cultivée. La plupart de ce fond de vallée était soumis à des submersions régulières de l’Adige. L’essentiel de l’agriculture se concentrait alors sur les pentes aménagées en terrasses et sur les parties légèrement surélevées en fond de vallée. Les espaces cultivés étaient essentiellement marqués par des champs de céréales et dans une moindre mesure de cultures de subsistance. Ce n’est qu’entre 1880-1890 que le fond de vallée a été assaini grâce à la régularisation de l’Adige. Parallèlement, l’irrigation des cônes alluviaux a permis l’arrivée de nouvelles cultures sur les terres situées plus en hauteur. Ainsi des terres à très haute valeur ont pu être exploitées. Les vergers de pommiers se sont alors développés de façon plus intense dans le fond de vallée et sur les cônes alluviaux. Le développement des moyens de transport et notamment l’ouverture de la voie de chemin de fer entre Bozen et Innsbruck dans les années 1870 a largement facilité le commerce et l’export de la pomme aux quatre coins du monde. Cette première globalisation, a été vécue comme un drame pour les céréaliculteurs qui ne pouvaient plus vivre de leur production. Quelques agriculteurs ont cependant cherché à trouver des solutions économiques en combinant la culture de céréales avec la production d’abricots sur une seule et même parcelle. Au moment où la céréaliculture est devenue définitivement non rentable ces parcelles ont été abandonnées. Dans les années 1920 on voit apparaître la première coopérative fruitière de la vallée. A partir des années 1950, la production pomicole s’intensifie, les structures deviennent plus denses et on voit apparaître une spécialisation dans un certain nombre de variétés.

17 | 18 Panorama von Kompatsch Panorama di compaccio 17 | 1954 18 | 2008

I L co M u n E D I n At u r n o

Petites exploitations agricoles - Céréales - Petits vergers pâturés (pommes, abricots, cerise, pieds de vigne ...) - La variété de pomme la plus commune : Calville - Cultures vivrières.

1867

lto

lA del

I L co M u n E D I n At u r n o

rs e

t-

me

ns t tra

Afin de comprendre l’origine des paysages précédemment décrits ainsi que l’ampleur de la production pomicole dans la vallée de nos jours et dans le but d’établir une prospective d’avenir pour le territoire, je reviendrai sur les différents temps qui ont marqué l’agriculture dans le Vinschgau.

Variétés cultivées: Golden Delicious, Red Delicious, Gala, Breaburn, Fuji 117

Le Tyrol du sud est actuellement la plus importante région de production pomicole en Europe avec plus de 18.000 ha de vergers. 18

117

42


2. Les différentes formes de pomiculture dans la vallée

/// Les structures de vergers

/// Les différents modes de production

C’est dans les années 20, que la production mécanisée s’est développée et que les traitements chimiques pour combattre les maladies et les ravageurs sont apparus. Parallèlement la structure des vergers a évoluée, les arbres haut de tige ont progressivement été remplacée par une forme d’arbres plus petite et de nouvelles variétés de pommiers, plus résistantes au froid et assurant une meilleure récolte, ont été introduites. (Golden Delicious, Red Delicious, le parfum du matin, Jonathan, …).

La région revendique deux types de productions, d’une part la production dite «intégrée» représentant 94 % de la production du Tyrol du sud et d’autre part la production biologique.

Ainsi, on trouve actuellement une forme de culture de verger en treillis, caractérisée par des allées d’arbustes dirigées et soutenues par une structure faite de piliers en béton et de cordons métalliques. Les avantages en termes de gestion et de productivité sont nombreux. Il s’agit d’une structure adaptée au système d’arrosage, qui se fait par le «goutte à goutte» ou l’aspersion pour la protection contre les gelées. La récolte est non seulement plus importante, du fait du port de l’arbuste mais également plus aisée puisque elle peut se faire de façon mécanisée avec des machines adaptées, au travers des allées. Les seuls vergers d’arbres de haut jet sont situés à proximité des villages. Ces structures, à l’image de la production industrialisée, engendrent les paysages très géométrisés que j’ai pu décrire précédemment, notamment le paysage de la basse vallée.

La production intégrée est une méthode visant à produire un fruit de qualité en protégeant du mieux que possible l’environnement. D’après les règles fixées par l’AGRIOS « Arbeitsgemeinschaft für integrierten Anbau» 1 la production intégrée entend utiliser la résistance de la nature en sauvegardant les auxiliaires de cultures et en favorisant leur développement au travers de mesures écologiques ciblées (mise en place de nichoirs, ou autres habitats pour les auxiliaires de cultures, couverture du sol pour lutter contre les ravageurs, ...). De la même façon, les fertilisants sont limités en fonction des différents types de sols et les herbicides sont peu ou pas utilisés. La production biologique quant à elle s’est développée dans les années 1980 et a pris deux directions différentes. D’une part la production biologique « organique », qui utilise des méthodes naturelles et rejette l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques. D’autre part, la production en biodynamie. Cette méthode suit les mêmes fondements que la production biologique organique tout en renforçant les soins du sol et la prise en compte des rythmes de la journée, de l’année ainsi que du cycle lunaire. La production biologique ne représente que 4% de la production globale, cependant cette tendance tend à croître ces dernières années. Les deux modes de production se veulent respectueux de l’environnement, cependant, d’une part les pesticides sont toujours présents et nuisent à la volonté de certains agriculteurs des parcelles voisines de cultiver de façon biologique du fait du vent omniprésent dans la vallée. D’autre part, qu’ils soient biologiques ou conventionnels, les 12 millions de pommiers établis sur une surface de 4.700 ha représentent un immense paysage de monoculture qui ne cesse de progresser.

Structure de verger en espalier

AGRIOS : Comité de travail pour la production intégrée *1

Structure de verger demi-tige

43


3. Vers un paysage de monoculture à l’échelle de la vallée ?

1988

Prad am Stilfserjoch 1994

Prad am Stilfserjoch 2000

Prad am Stilfserjoch 2006

La limite de progression de la pomme se trouve actuellement au niveau de la commune de Mals, se situant à une altitude de 105O m environ.

4. La remise en question d’un modèle productiviste

Prad am Stilfserjoch 2012

Prad-am-Stilfserjoch

44

Depuis ces deux dernières décennies, le modèle de production industriel persiste et tend à se développer sur des espaces situés à des altitudes de plus en plus élevées du fait de la plus forte résistance des variétés et de l’arrivée d’un système d’irrigation moderne dans ces communes. Ainsi les entités paysagères que j’ai pu citer précédemment ont des limites en mouvement. Les paysages, notamment celui du Mittervinschgau, mais également celui de l’Obervinschgau, sont en mutation. En guise d’exemple, je citerai Prad-am-Stilfserjoch, une commune se situant à la limite entre le paysage de monoculture de la basse vallée et un paysage encore relativement diversifié de la haute vallée. On relève tout d’abord un changement du dessin du parcelaire entre 1988 et 1994. En effet, la mise en place d’un système de drainage très rectiligne a engendré une géométrisation des parcelles. On remarque qu’entre 1988 et 2012 le nombre de vergers a considérablement augmenté. De quelques parcelles disséminées ici et là, la situation s’est inversée. Désormais on ne perçois plus que quelques espaces dépourvus de vergers en observant la photo aérienne. A l’heure actuelle le nombre de parcelles de vergers croît toujours. D’un paysage diversifié on a vu succinctement les différentes communes dans la basse vallée se transformer en un paysage de monoculture pomicole à l’image d’une production de masse. Cette transformation du paysage va de pair avec la perte de biodiversité et donc l’utilisation d’intrants chimiques.

Prad am Stilfserjoch

Pommeraies

Face à l’ampleur de l’avancement de la pomiculture, la transformation du paysage et l’impact des pesticides, se développe progressivement une nouvelle tendance, allant à l’encontre du modèle productiviste et qui tente de mettre l’accent sur la diversité et la richesse des produits de la vallée. En effet, la vallée est à l’image de la limite du génie de l’Homme. Le paysage prend une nouvelle connotation «on est allé trop loin». Certains agriculteurs et pomiculteurs cherchent des alternatives à la production de la pomme. On voit progressivement apparaître des vergers de cerisiers et la réaffirmation de vergers d’abricotiers, des fruitiers qui étaient auparavant caractéristiques de la région.


La «Vinschger Marille (1) » par exemple a besoin d’un climat chaud, sec et venteux, autrement dit le climat typique du Vinschgau. A l’heure actuelle 100 producteurs d’abricots se sont regroupés. Leurs vergers se trouvent essentiellement sur les pentes dans le Mitter et l’Obervinschgau. La vente des fruits se fait par le biais de VI.P (Verband der Vinschgauer Produzenten für Obst und Gemüse), et porte la marque «Marillen aus dem Vinschgau».

/// La promotion d’une diversité des produits du terroir Marques locales, brochures et prospectus, sites internet, magasins de produits locaux, marchés de producteurs, nombreux sont aujourd’hui les moyens de communication pour encourager et faire valoir la consommation des produits locaux. Des produits au travers desquels on souhaite mettre en avant la qualité et non pas la quantité. Ce phénomène de diversification des modèles économiques au service du développement de l’attractivité du territoire est un phénomène qu’on retrouve dans différentes autres régions montagnardes. En effet, ces territoires peuvent pleinement profiter d’une valeur ajoutée au produit grâce à leurs paysages singuliers et attractifs. Cette tendance pose cependant des premiers questionnements quant au lien entre le produit et le paysage. Comment permettre le développement de ces produits si le paysage est caractérisé par une monoculture de pommeraies ? La promotion de cette diversité semble souvent être limitée par un paysage non adéquat. Le monopole de la pomme dans le paysage empêche la transposition des autres pratiques dans le paysage du fond de vallée ou du moins, elles ne sont pas clairement lisibles.

Marille : terme employé dans le Tyrol du sud, en Autriche et dans une partie de la Bavière pour désigner l’abricot *1

Des prospectus et des brochures publicitaires

Des sites internet

Des points de ventes (marchés et magasins de produits locaux

45


Mals im Vinschgau

46


III - Mals im Vinschgau, une commune «résistante» Comme spécifié plus en amont, la limite de la pomiculture se situe actuellement au niveau de la commune de Mals im Vinschgau. Je m’attarderai sur les dynamiques actuelles à la commune pour attester de son caractère remarquable à l’échelle de la vallée et pour montrer en quoi les évènements qui y ont lieu sont représentatifs de problématiques d’actualité à des échelles bien plus larges.

1- La spécificité de la position de Mals 2 - Un commune « populaire » 3 - Les moyens mis en œuvre dans la résistance /// Sensibilisation et médiation de pratiques écologiques /// Des projets communs pour le développement du paysage à venir

/// Le développement des circuits courts /// Le retour des pratiques oubliées et la mise en place de pratiques nouvelles

4 - Ce que traduit cette résistance

47


1. La spécificité de la position de Mals Plawenn

Burgeis

Actuellement, c’est au niveau de la commune de Mals im Vinschgau que se situe la limite de progression de la pomiculture. Les dynamiques paysagères qui ont précédemment eu lieu dans les autres communes plus en aval de la vallée sont aujourd’hui clairement visibles à Mals. Ce qui veut dire que cette limite est fragile et en mouvement, en effet, d’année en année, les parcelles de vergers prennent de la hauteur et se densifient dans un paysage qui, pour l’instant, est encore considéré comme diversifié. L’irrigation des parcelles et le développement de variétés plus rustiques aux températures basses, permettent la progression rapide de la pomiculture à cette altitude. Il y a 20 ans personne n’aurait pensé que les vergers puissent arriver à une altitude aussi élevée que maintenant. Or depuis l’an passé, la commune de Burgeis, située à 1200 m d’altitude est elle aussi équipée d’un système d’irrigation modernisé, ce qui est la porte ouverte au développement des vergers. Ce n’est donc pas la question géographique qui arrêtera la progression de la pomiculture.

Planeil

Ulten-Alsacl Schleis

MALS IM VINSCHGAU Laatsch

Tartsch

La commune de Mals se distingue cependant des autres communes ayant subi un changement paysager, par une réaction violente contre l’arrivée de la monoculture pomicole, qui véhicule des pesticides et engendre une forte pression foncière, mettant en péril les autres activités agricoles. On peut parler d’une commune «résistante».

Glurns Schluderns

Lichtenberg Eyres N

Prad am Stilfserjoch

Maas Tschengls

Localisation de Mals dans la haute vallée

48


Burgeis Schleis

Mals im Vinschgau Laatsch

Photo prise par Ă„gidius Wellenzohn

49


2. Un commune « populaire »

Depuis le 30 mars 2016, un arrêté a été voté, suite au référendum au conseil municipal, interdisant les pesticides lourds et imposant une reconversion des pratiques conventionnelles sur deux ans. Le taux de participation au vote a été de 69,22%, dont 75,68% de ces participants ont voté en faveur de l’interdiction des pesticides dans la commune. Les protestations «anti-pesticides» font de Mals une commune populaire, connue à l’échelle internationale. Quelques semaines après le référendum, la commune de Mals a été évaluée de manière très positive au sein de l’Union européenne. Ceci a notamment été permis par le biais du député belge Bart Staes, qui a montré un grand intérêt pour les municipalités dépourvues de pesticides. Parallèlement, nombreux sont les articles de journaux, reportages, films documentaires ou encore travaux de recherche qui traitent du caractère spécial de la commune. En mai 2016, Hans Rudolf Herren, entomologiste suisse, a rendu visite à la commune de Mals. Le magazine «Néon» publié à l’international parle de «Guerre de la pomme» en mai 2015. En août 2016, le magazine allemand «A Tempo» a lui aussi publié un article sur le caractère exceptionnel de Mals, «Überall ist Mals » (Mals est partout).

En effet, nous sommes aujourd’hui conscients des effets nocifs qu’occasionnent ces produits sur notre santé et sur l’environnement. Une alarme est tirée quant à ces effets dans différents secteurs ; la pomiculture comme dans le cas du Vinschgau mais également la viticulture par exemple ou tout autre production de fruits et de légumes. De nombreux organismes, associations, dénoncent les dangers des produits phytosanitaires utilisés. En bref, des pratiques allant à l’encontre du fonctionnement de la nature, et qui ont des effets pour la plupart désastreux sur la biodiversité, la qualité des sols et sur la santé de la population. A première vue, la commune de Mals se distingue donc par sa position géographique, de part son paysage qui pour l’instant est encore diversifié et de par le mouvement social en cours. Il s’agira cependant de montrer en quoi ce mouvement «anti-pesticides», par lequel la commune se démarque, est un maître-mot qui cache un combat bien plus complexe et va au-delà d’une contestation contre les pesticides.

Ceci démontre que les évènements d’actualité à Mals attirent l’attention. Les gens se sentent concernés par le problème car il s’agit de problématiques qui sont d’actualité à une échelle plus large dans notre société.

Interview avec Hans Rudolf Herren sur la Tartscher Birgl à Mals. Entomologiste suisse, expert en agriculture et en développement et pionnier dans la lutte biologique,

50

Article dans le magazine «Néon» datant de mai 2015 «La guerre de la pomme»


3. Les moyens mis en œuvre dans la résistance

Nombreux sont les regroupements d’acteurs locaux et les initiatives individuelles ou collectives qui démontrent un fort attachement à la qualité du cadre de vie et de la santé des habitants, l’importance de la sauvegarde du patrimoine paysager et culturel, ainsi que l’ouverture à des pratiques agricoles modernes et la recherche de pratiques innovantes.

/// Sensibilisation et médiation de pratiques écologiques

Adam & Epfl, une association d’acteurs engagée pour le devenir du territoire « Adam & Epfl » a été fondée en réponse à la progression de la pomiculture intensive dans la haute vallée. Les principaux fondateurs sont Josef Thurner (agriculteur et membre du conseil municipal de Mals), Jürgen Wallnöffer (architecte de Glurns), Konrad Messner (travailleur culturel de Plawenn), Armin Bernhart (chercheur scientifique de Burgeis) Alexander Agathe de Schleis, ainsi que de nombreux acteurs locaux. Les groupes de travail quant à eux se composent de représentants des pomiculteurs, des éleveurs, d’associations de gestion du territoire et de la protection des paysage, des habitants locaux, etc. … L’association est à la recherche de nouveaux chemins écologiques et économiques pour le développement du territoire à venir au travers de l’organisation de divers évènements au sein de la commune de Mals. Il s’agit de proposer, de répandre et de réfléchir de façon commune à des nouvelles façons de penser et d’agir. L’engagement socio-politique de l’association est pensé de façon large et prend en compte tous les domaines alimentaires : l’artisanat, le tourisme, la santé et la nutrition. Les grandes thématiques traitées sont la cohabitation entre la pomiculture et l’élevage, le développement durable avec notamment la question de la sauvegarde de la biodiversité, l’image paysagère, la diversité culturelle, ainsi que les aspects économiques pour les exploitations. Cette idéologie se matérialise par le rassemblement d’acteurs au travers de l’organisation d’événements comme le festival «Paradies Festival Obervinschgau» en mai 2015, au travers de journées à thèmes comme la journée pratique de l’aménagement du jardin. «Praxistag Gartenplanung» en mai 2016, ou encore par le biais d’expositions provisoires dans la commune.

Paradies Festival Obervinschgau Le festival qui s’est déroulé du 9 au 10 mai 2015, a été l’occasion pour Mals ainsi que les communes alentours de mettre le doigt sur la richesse de la région et de montrer en quoi il est primordial de préserver cette richesse, le tout accompagné de musique, représentations théâtrales, poésie, ... Randonnées au travers du paysage, visites de jardins, dégustation de viande, de Anproduits verschiedenen werdenainsi am 4.que Maila2014 Köstlichkeiten aus vin, de fromage et autres locauxOrten à la ferme visite d’apiculteurs dem Paradies gereicht, es finden Aktionen und Veranstaltungen ont animé l’événement.statt. Alle Besucher werden eingeladen sich einzubringen, mitzudenObervinschgau ken, durch die Landschaft zu radeln, wandern, genießen und Le festival a été initié l’année précédente. Il s’est alors zu déroulé surzuune journée. ihren Beitrag au zum Paradies Obervinschgau zu geben. L’idée était de rassembler lespersönlichen habitants locaux sein d’actions, de découvertes et de réflexions communes concernant la situation du territoire et son devenir.

Paradies Ein Tag ganz im Zeichen der Verführung

4. Mai 2014

BURGEIS BURGUSIO

Das Tor zum Paradies Morgenbesinnung - Regionales Frühstück - Geführte Wanderungen Kloster Marienberg

MALS

MALLES

Paradiesisches zu Mittag Gasthof Lamm Weinverkostung LAATSCH Weinhof Calvenschlössl LAUDES

Paradies Obervinschgau im Blick Hotel Panorama Dialogrunde Cultura Socialis Hotel Panorama Die süße Versuchung Konditorei Café Eisdiele Fritz Paradiesisches zu Mittag Restaurant Greif & Restaurant Panorama Geistreiches zu Abend Restaurant Panorama & Biobrennerei Steiner

Ein Korn für die Welt GLURNS Puni Destillerie GLORENZA Streuobstwiesenfest Im Zaubergarten von Ägidius Wellenzohn Eine Kutschenfahrt durchs Paradies Stadtplatz - Puni Destillerie - Streuobstwiesenfest Regionale Cocktails Stadtplatz Glurns

In diversi luoghi del percorso saranno servite varie prelibatezze del paradiso e proposte seducenti attività. Tutti i partecipanti saranno invitati a

SCHLUDERNS SLUDERNO

Süßes aus dem Paradies Dorfladen Schluderns

Paradiso

51


«Getreide, Korn des Lebens1» exposition du 22 avril au 1er mai 2015

Praxistag Gartenplanung 22 mai 2016 La journée «pratique de la planification du jardin» a été organisée dans le but de rassembler les acteurs locaux autour d’un projet pédagogique introduisant le concept de permaculture. Cette journée a été encadrée par des professionnels qui ont donné des notions clés de permaculture et ont ensuite animé des ateliers de réflexion communs avec les acteurs locaux pour la planification d’une parcelle de terre jouxtant la piste cyclable reliant Schleis à Laatsch. Des agriculteurs locaux du village ont contribué à l’organisation de la journée en préparant un déjeuner avec des produits biologiques de la région. L’exposition d’objets d’art par les artisans locaux et la présence de groupes de musique de la région ont donné un caractère festif à cette journée .

Dépliant publicitaire pour l’exposition

Cette exposition, mise en place dans la «maison de la culture» de Mals, dévoile plus de 100 variétés de céréales collectées par Edith et Robert Bernhard. Le couple travaille au maintien des variétés de céréales traditionnelles. L’exposition s’étend aux différents aspects de la culture de ces céréales dans le passé et pour le devenir, ainsi que l’usage qu’on peut faire de ces céréales en tant que ressource nutritionnelle et économique.

«Getreide, Korn des Lebens» : Céréales, graines de vie *1

52

Cette exposition rend compte de l’importance historique de la céréaliculture dans le Vinschgau, démontre la richesse de la culture et la volonté de la faire valoir dans la commune.

Dépliant d’appel à la participation à la journée


/// Des projets communs pour le développement du paysage à venir Umweltschutzgruppe Vinschgau et Heimatspflegverein der Gemeinde Mals

«Heckenverbund1 Malser Haide» Mals fait parti de la commune prenant part au projet «Interreg-IV 2» : Diversicoltura». un projet mis en place en 2009 en collaboration avec les communes de Taufers et Müstair (de l’autre côté de la frontière suisse). Ce projet s’est concrétisé par de nombreuses expositions, conférences, workshops et randonnées guidées. En mai 2015, une nouvelle action est entreprise : le projet a rassemblé une dizaine de volontaires pour la plantation de 3000 arbustes fournis par le jardin des plantes de «l’entreprise spécialisée dans la protection des sols, les torrents et le contrôle des avalanches» de Prad-am-Stilfserjoch, au sud de Mals. La plantation de 3000 autres arbustes est prévue d’ici deux ans. Il s’agit de rosiers sauvages, de sureau rouge et noir, de prunelliers, lauriers, en bref des variétés favorables à la mise en place d’habitat pour les auxiliaires et permettant de réduire l’impact du vent. Le but du projet est de contribuer à la création d’une nouvelle esthétique paysagère,et de favoriser un équilibre écologique en faveur d’une biodiversité. Les initiateurs espèrent également que le projet contribuera à arrêter l’avancement de la pomiculture et encouragera à la diversification des pratiques agricoles. Il s’agit d’actions projetées sur une durée de dix ans. Durant les 5 premières années les plantations seront faites sur l’espace public. Il s’agira ensuite de passer des accords avec les propriétaires des parcelles privées pour la plantation de haies bocagères sur leurs terres. Le propriétaire du «Marienkloster», monastère célèbre à Burgeis au nord de Mals possède un important nombre d’hectares de terres sur la Malser Haide. Très enthousiaste vis-à-vis du projet, il compte y prendre part en passant un accord avec les agriculteurs exploitants des parcelles concernées pour la mise en place de haies sur les abords des parcelles, en contre-partie d’une baisse du prix de fermage.

*1

«Heckenverbund» : Association des haies

Interreg est un programme européen visant à promouvoir la coopération entre les régions européennes et le développement de solutions communes dans les domaines du développement urbain, rural et côtier, du développement économique et de la gestion de l’environnement. Il est financé par le FEDER L’actuel programme se dénomme Interreg V, il couvre la période 2014-2020.

*2

Affiche d’appel à la participation

53


/// Le développement des circuits courts

Le système de la «Biokistl» Le concept de «Biokistl» ou «cagette biologique», permet aux habitants du Tyrol du sud de commander un ensemble de fruits et de légumes, ainsi que de la viande et des produits laitiers, produits par des agriculteurs biologiques de la région. Chaque semaine, l’assortiment de produits varie en fonction de l’offre saisonnière. La cagette est alors livrée chez l’habitant ou déposée dans une des filiales à Lana, Meran ou Auer. L’agriculteur Günther Wallnöffer participe au concept : «C’est tout simple, je dépose mes légumes au bord de la route, en contre-bas de la parcelle et ils viennent les récupérer».

(Exemple de l’hôtel «das Gerstl»)

Le label «R30» Le label R30 est un label qui certifie la provenance des produits vendus dans un rayon de trente kilomètres maximum. Sur le menu de l’hôtel «das Gerstl» à Mals, nombreux sont les produits qui portent le symbole «R30». La fromagerie «Engelhorn» à Schleis par exemple participe à cette initiative. La coopération entre l’hôtel et l’agriculteur Alexander Agethl induit un échange entre l’hôtelier, qui vend le fromage à ses hôtes et le fromager qui propose des visites de sa fromagerie.

54


/// Le retour des pratiques oubliées et la mise en place de pratiques nouvelles L’introduction de nouvelle cultures, l’exemple du chanvre En Europe, le chanvre n’était quasiment plus cultivé depuis les années 50. La plante a néanmoins refait son apparition à partir des années 90. Depuis deux ans, le chanvre est à nouveau cultivé dans le Tyrol du Sud. Les premières parcelles ont été mises en place dans le Pustertal (une vallée à l’est de la province). Aujourd’hui, sa production représente environ 10 ha, la moitié se trouve dans le Vinschgau. Le chanvre est semé, en fonction de l’altitude, d’avril à juin. La récolte se fait à partir de septembre à début octobre. Le gros avantage que cette culture présente est qu’elle ne nécessite ni pesticides, ni engrais. Le chanvre est utilisé à diverses fins dans la région, les graines sont pressées pour la fabrication d’huile comestible, les fleurs sont utilisées dans le brassage d’une «bière de chanvre», enfin, on utilise la fibre de la plante pour la fabrication de textiles ou de matériaux de construction et d’isolation. La commercialisation et la mise en réseau entre les producteurs et acheteurs potentiels sont encore à développer. Cependant, la rumeur dit qu’à l’avenir, le chanvre pourrait être une alternative à la monoculture de la pomme.

Récolte de chanvre dans l’Obervinschgau

Le développement de nouvelles activités, l’exemple de la Distillerie «Puni» à Glurns Le retour progressif de la céréaliculture dans le Vinschgau, notamment dans la haute vallée, profite à la famille Ebensperger qui a ouvert la première distillerie de Whisky italienne en 2010. La distillerie porte le nom de «Puni», provenant du nom du cours d’eau «Punibach» prenant sa source dans une vallée secondaire au nord du village de Mals, la «planeital» et rejoignant l’Adige au sud de Glurns. Les céréales utilisées pour la production du malt sont le seigle, l’orge et le blé. Ces différentes céréales sont toutes cultivées par les agriculteurs de la vallée du Vinschgau. A savoir que l’Abbaye de Marienberg, surplombant la commune de Burgeis, produit une variété très ancienne de seigle locale qui est exclusivement destinée à la distillerie. Le développement de cette nouvelle activité est non seulement un élément encourageant la culture de céréales mais joue également un rôle important pour l’attractivité touristique de la région.

Kloster Marienberg à Burgeis avec ses champs de céréales

55


4. Ce que traduit cette résistance

Le maître-mot derrière lequel se profile la commune de Mals est «l’anti-pesticide», cependant il s’agit de nuancer ce propos. L’analyse des pratiques et des actions sociales en cours dans la commune m’amène à complexifier les motivations qui se cachent derrière ce combat. Les dynamiques en place dans la commune vont au-delà de réponses purement écologiques face au problème de la progression de la monoculture et des pesticides. La résistance de Mals se fait face à des modèles économiques productivistes, un modèle qui appauvrit non seulement l’exploitation mais également les paysages et les ressources. On peut ainsi parler d’un combat de la diversité face à l’uniformité à tous les niveaux. La commune se distingue donc par la recherche de solutions autres, par la diversité des façons de travailler, par la recherche de la qualité des produits et de leur promotion au travers d’une diversité paysagère, en bref par le développement d’une diversité des modèles économiques. Au travers des différentes initiatives recensées précédemment, on descelle également l’idée de construire ensemble, de développer des projets communs. Ainsi les relations sociales deviennent un point majeur de la richesse de la commune.

Au delà de la volonté des habitants de mettre en place une agriculture respectueuse de l’environnement, préservant un paysage identitaire diversifié, le développement de pratiques écologiques semble être une nécessité pour la survie des agriculteurs au vu de l’actualité politique de la commune, interdisant de façon radicale l’utilisation des pesticides d’ici deux ans. En effet, la commune devra trouver des solutions alternatives pour lutter contre les maladies et les ravageurs qui aujourd’hui encore sont régulés par des produits phytosanitaires. Ceci m’amène à un premier questionnement : comment mettre en place un projet de développement des pratiques écologiques à l’échelle de la commune ? Comme j’ai pu l’évoquer précédemment, les problématiques d’actualité à Mals reflètent une prise de conscience qui alimente les débats politiques à plus large échelle. Cela se traduit par la mise en place de projets d’aménagement écologique et ce autant dans les politiques environnementales rurales, qu’urbaines. Des projets de développement urbains et/ou territoriaux dont la mise en place se fait au travers de l’instauration de structures écologiques en milieu urbain accompagnées par des mesures agro-environnementales en milieu rural. Je m’attacherai ainsi à montrer quelle est la forme plus précise que prennent ces politiques environnementales et comment elles se sont développées durant ces dernières décennies. Les initiatives recensées au sein de la commune dévoilent un combat de la diversité face à l’uniformité, un combat qui va au-delà de l’aspect purement écologique. Ainsi, au travers de l’analyse du phénomène de résistance qui se déroule à Mals, on en vient à s’interroger sur la signification d’un projet de développement territorial rural. Quelle est la réponse appropriée en terme d’aménagements et de préconisations dans le cas d’une commune comme celle de Mals ? Quelle est la nature de l’intervention à adopter ? En quoi peut on remettre en question la manière dont l’écologique est traitée dans l’aménagement de l’espace rural à l’heure actuelle et notamment les méthodes employées pour sa mise en œuvre ? Des questionnements qui conduiront à la réflexion quant au rôle du paysagiste dans la mise en place d’un projet d’aménagement écologique à l’échelle d’un territoire rural en mutation.

56


57


2.

LA FAÇON DONT LA


QUESTION DE L’ÉCOLOGIE EST TRAITÉE DANS SON LIEN AU PAYSAGE I - LA PRISE EN COMPTE DE L’ÉCOLOGIE DANS LES POLITIQUES D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE II - LES LIMITES DES MESURES D’AMÉNAGEMENT ÉCOLOGIQUES POUR L’ANCRAGE D’UN PROJET ÉCOLOGIQUE AU SEIN D’UN TERRITOIRE À L’ÉCHELLE LOCALE III - L’ENTRÉE PAYSAGÈRE POUR TRAITER DE L’ÉCOLOGIE DANS UN CONTEXTE RURAL EN MUTATION


60


I - La prise en compte de l’écologie dans les politiques d’aménagement du territoire Le retour sur les concepts propre à l’écologique me permettront d’établir une base au développement qui suivra. Ce développement rendra compte de l’évolution et de la prise en compte de l’écologie dans les politiques d’aménagement à l’échelle européenne puis à l’échelle nationale. Cette dernière échelle me permettra de mettre en parallèle la façon dont sont abordées les questions écologiques et leur évolution en France ainsi qu’en Italie, avec un focale mise sur la Province Autonome du Tyrol du Sud.

1. Ce qu’on entend par écologie 2. De la protection des espaces remarquables à la prise en compte de la nature ordinaire /// A l’échelle européenne

/// A l’échelle nationale

3. Les apports de la recherche dans le domaine de l’écologie du paysage /// Les principes de l’écologie du paysage

/// Une nouvelle façon d’aborder la notion de paysage en Italie et une approche qui reste «hétérogène» en France /// L’exemple de la trame verte et bleue

4. La spécificité de l’activité agriculture dans le Tyrol du sud

61


1. Ce qu’on entend par écologie

L’édition 2002 du Petit Larousse définit l’écologie comme étant la « science qui étudie les relations des êtres vivants avec leur environnement » L’écologisme est défini plus loin comme un « courant de pensée, mouvement tendant au respect des équilibres naturels, à la protection de l’environnement contre les nuisances de la société industrielle ». Au début des années 1970, le mouvement de protection de la nature, qui a pris une ampleur importante, débouche progressivement sur une tendance plus radicale, que l’on qualifie généralement de « mouvement écologique ». Celui-ci se cristallise surtout sur une opposition aux centrales nucléaires. Certes, il est bien difficile de définir une écologie devenue politique, tant sont variés, voire contradictoires, les aspects qu’elle revêt. D’une façon générale, elle veut convaincre les hommes d’adopter un mode de vie qui respecte les lois et les ressources naturelles. Si l’écologie politique reprend à son compte les principes fondamentaux de la protection de la nature, à savoir la préservation des milieux naturels, de la faune et de la flore, la lutte contre toutes les pollutions, elle se préoccupe également des problèmes de consommation d’énergie, d’urbanisme, de transports, de démographie, etc.

62


2. De la protection des espaces remarquables à la prise en compte de la nature ordinaire

/// A l’échelle européenne

Comme le montre le combat d’actualité à Mals, la remise en question du modèle productiviste est une thématique fondamentale animant le monde rural. Les menaces associées à ce modèle de production font l’objet d’inquiétudes non seulement pour les scientifiques mais également pour les pouvoirs publics, les acteurs institutionnels et les citoyens. Ainsi, la conservation de la biodiversité est considérée comme un enjeu environnemental, social et économique majeur à l’heure actuelle et ce depuis une vingtaine d’années. Des questions qui sont devenues prioritaires pour l’opinion publique à différentes échelles (international, européen et national). En effet, l’avènement du concept de développement durable dans les années 1990 a induit une généralisation de la prise en compte des questions environnementales dans les politiques d’aménagement du territoire. Parallèlement, la convention européenne du paysage, ratifiée le 20 octobre 2000, à Florence à l’issue du Conseil de l’Europe insiste sur la place nouvelle accordée au paysage dans les problématiques d’aménagement du territoire européen en reliant les enjeux environnementaux et sociaux à ceux de la biodiversité, notamment dans les paysages du quotidien. Considérant le paysage comme « partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations», ce texte impose aux pays européens signataires une intégration des problématiques paysagères à l’ensemble des politiques sectorielles ayant une incidence sur l’évolution des panoramas, ainsi que la mise en place d’une politique paysagère en tant que telle. Dans cette optique, le rôle des collectivités territoriales a été souligné afin qu’elles renforcent les actions à l’échelle locale pour lutter contre l’appauvrissement de la faune et de la flore dans les espaces dits «ordinaires». Ainsi, en Italie comme en France, la fin des années 90 a vu un tournant dans la conception des paysages, qui n’intéressait jusqu’alors que la protection de paysages spécifiques et singuliers ou d’espaces jugés dignes d’intérêt (aspects pittoresques, naturels ou bâtis).

/// A l’échelle nationale

Il y a près de 30 ans, la France et l’Italie réforment leur législation concernant le paysage. D’une part, en Italie, apparaît la loi du 8 août 1985, «disposizioni urgenti per la tutela delle zone di particolare interesse ambientale» (loi Galasso). Huit ans plus tard, la France met en place la loi du 8 janvier 1993, sur la protection et la mise en valeur des paysages. Les deux lois traitent des rapports entre aménagement du territoire, urbanisme et préservation de l’environnement et des paysages. L’élaboration et la mise en oeuvre de ces lois interviennent cependant dans des contextes

institutionnels et administratifs différents. Après l’entrée en vigueur au début des années 1970 de la réforme régionale, les régions italiennes se voient confier des fonctions administratives étendues en matière de gouvernement du territoire. La protection de l’environnement et des paysages, jugées indissociables de l’urbanisme et de l’aménagement, fait partie des compétences transférées aux régions. La région Trentin-Haut-Adige fait partie des régions autonomes à statut spécial. Il s’agit d’une région subdivisée en deux provinces ; la Province autonome de Bolzano et la Province autonome de Trente. Elles sont dites «autonomes», parce qu’elles font partie des quelques provinces italiennes qui sont dotées de pouvoir législatif et ne sont pas soumises à la région. La France quant à elle, malgré l’adoption des lois de décentralisation, reste un pays centralisé. L’État, s’il a transféré les compétences d’urbanisme aux communes, conserve la responsabilité de la préservation de l’environnement et des paysages, ainsi que la protection du patrimoine. Les législations concernant le paysage connaissent, dans ces deux pays des évolutions variées. En France, les lois les plus récentes visent à créer des outils spécifiques, à instaurer une planification sectorielle et spécialisée, ainsi qu’à renforcer la dépendance des plans d’urbanisme communaux vis-à-vis des directives et chartes paysagères établies par la loi paysage. En Italie, la loi Galasso laisse aux régions le choix entre deux options : celle de la mise en place de plans paysagers ou de plans territoriaux. Le «Landschaftsplan» (plan paysager), entre autres mis en place dans la Province autonome de Bolzano, est moins contraignant que le règlement des parcs naturels. Ces plans recensent la richesse paysagère et les espaces naturels protégés, leur réglementation vise à empêcher les dégradations du paysage et se rapproche de celle des parcs naturels régionaux français. En 2010, l’Europe reconnaît que le réseau «Natura 2000» est trop éclaté et n’a pas permis de stopper la perte de biodiversité. C’est ainsi que l’Union Européenne a décidé d’ajouter à sa stratégie «post-2010» la mise en place « d’infrastructures vertes» qui prennent en compte la biodiversité ordinaire. Dans cette stratégie, il sera intéressant de revenir sur les principes de l’écologie du paysage, un concept qui s’est développé à partir des années 80 et dont s’inspire largement le projet de «Trame verte et bleue» (TVB) par exemple, une mesure phare du Grenelle de l’environnement et est présenté comme une innovation majeure dans la prise en compte de la biodiversité par les politiques d’aménagement en Europe.

63


3. Les apports de la recherche dans le domaine de l’écologie du paysage

/// Les principes de l’écologie du paysage Depuis le début des années 80 un nouveau champ de recherche se développe en écologie : l’écologie du paysage, (Landscape Ecology pour les anglophones, Landschaftsökologie ou Geoökologie pour les germanophones). Cette expression aurait été créée par Carl Troll en 1939, géographe, botaniste allemand. L’IALE (association internationale d’écologie du paysage) la définit comme « l’étude de la variation spatiale dans les paysages à différentes échelles, incluant les causes biophysiques et sociales et les conséquences de l’hétérogénéité écopaysagère, ce qui en fait une branche nécessairement interdisciplinaire des sciences.» Cette approche permet d’appréhender le fonctionnement écologique d’un territoire. On y étudie en particulier les flux de matière et les déplacements d’espèces animales et végétales entre différents éléments constitutifs du paysage (Bois, haie, champs, arbres isolés, …). Ainsi les concepts les plus développés sont ceux relatifs aux structures spatiales, leur interaction et plus particulièrement aux structures mises en réseau ; «corridor», «barrière», qui sont des éléments linéaires qui facilitent, ou au contraire empêchent, ces flux. Cette mise en réseau se décline sous différentes formes auxquelles seront attribuées des termes spécifiques. On parlera de différents types de «connectivité» pour remédier à la «fragmentation» des espaces naturels, au travers de corridors «continus» ou «discontinus», de corridor «paysager», ou en «pas japonais», qui vont relier des «réservoirs écologiques». Cette mise en réseau se déclinera suivant un «maillage» avec des «matrices». L’écologie du paysage combine ainsi la dimension descriptive (les espèces remarquables et/ou menacées) avec la dimension fonctionnelle des écosystèmes. Elle permet d’intégrer tous les espaces longtemps laissés en blanc sur les cartes écologiques. En effet, toutes les composantes éco-paysagères simples, les champs cultivés, les prairies, les chemins, les fossés, les bords de route, les friches industrielles et urbaines, peuvent être intégrées dans l’analyse globale des paysages. Il s’agit donc d’un concept s’intéressant aux milieux hétérogènes à l’échelle régionale considérant l’activité humaine comme faisant partie de l’ensemble constituant le système paysage et non plus comme étant un élément perturbateur.

Déplacement

Morcellement

Zone tampon Tâche

Connexion 64

Réservoir de biodiversité

Îlot

Corridor

Matrice

Système

Hétérogénéité Fragmentation

Continuité Mosaïque paysagère


Je reviendrai sur ce qu’entend l’écologie du paysage par la prise en compte de l’activité humaine. En effet, l’écologie du paysage cherche à identifier les facteurs humains et écologiques qui affectent l’organisation du territoire, par une approche systémique. Les espaces résultant de l’activité humaine sont pris en considération comme étant des composantes éco-paysagères essentielles au sein de ce système. Des composantes par le biais et au sein desquelles sont rendus possibles les flux d’espèces animales et végétales. En effet, on parle de composantes éco-paysagères formant une hétérogénéité paysagère au service du fonctionnement d’un écosystème global mis en réseau. L’activité humaine prend donc part à l’ensemble constituant le système paysager. L’écologie du paysage prend ainsi en compte le rôle majeur de l’homme dans l’évolution des paysages. Ce qui peut cependant manquer à cette approche est l’accent mis sur la singularité de chacun de ces acteurs et de leurs pratiques. Quelle est la place accordée à l’hétérogénéité des pratiques, des savoirs-faire et des interrelations que l’homme entretient avec son milieu et donc avec les autres acteurs et pratiques au sein de ce système ? L’activité humaine «fait partie» des éléments pris en compte dans le fonctionnement global de l’écosystème résultant de ses pratiques. En effet, on prend désormais en considération les espaces tels que les friches, les champs cultivés, les bords des routes, etc. On considère cependant encore peu son rôle dans la mise en réseau de ces éléments. Et si l’homme «faisait corridor» non seulement au travers de ses pratiques mais également au travers des relations qu’il entretient avec les autres acteurs locaux ?

CORRIDOR ÉCOLOGIQUE : Les corridors écologiques assurent des connexions entre des réservoirs de biodiversité, offrant aux espèces des conditions favorables à leur déplacement et à l’accomplissement de leur cycle de vie. Les corridors écologiques peuvent être linéaires, discontinus ou paysagers. Les corridors écologiques comprennent les espaces naturels ou semi-naturels ainsi que les formations végétales linéaires ou ponctuelles permettant de relier les réservoirs de biodiversité, et les couvertures végétales permanentes le long des cours d’eau (...). CONNECTIVITÉ : la connectivité écologique désigne la connectivité fonctionnelle qui relie des éléments éco-paysagers (habitats naturels ou semi-naturels, zones-tampon, corridors biologiques) entre eux, du point de vue d’un individu, d’une espèce, d’une population ou d’une association de ces entités, pour tout ou partie de leur stade de développement, à un moment donné ou pour une période donnée. Par extension, la connectivité diminue quand la fragmentation écologique augmente. FRAGMENTATION : La notion de fragmentation ou de morcellement des écosystèmes / des habitats / écologique englobe tout phénomène artificiel de morcellement de l’espace, qui peut ou pourrait empêcher un ou plusieurs individus, espèces, population ou association de ces entités vivantes de se déplacer comme elles le devraient et le pourraient en l’absence de facteur de fragmentation. Il existe dans la nature des facteurs de fragmentation tels que les grandes chaines de montagne, les bras de mer ou les grands déserts RÉSERVOIRS DE BIODIVERSITÉ : Les réservoirs de biodiversité sont des espaces dans lesquels la biodiversité est la plus riche ou la mieux représentée, où les espèces peuvent effectuer tout ou partie de leur cycle de vie et où les habitats naturels peuvent assurer leur fonctionnement en ayant notamment une taille suffisante, qui abritent des noyaux de populations d’espèces à partir desquels les individus se dispersent ou qui sont susceptibles de permettre l’accueil de nouvelles populations d’espèces. (...) le centre de ressources pour la mise en place de la trame verte et bleue http://www.biodiversite-positive.fr

65


/// Une nouvelle façon d’aborder la notion de paysage en Italie et une approche qui reste «hétérogène» en France A la différence avec la France, en Italie il n’existe pas véritablement de tradition paysagère dans l’améngament territoriale. La loi Galasso, a joué un rôle de « provocazione positiva » en invitant les professionnels à partir de l’environnement naturel pour « projeter » la ville et le territoire et en revalorisant le rôle de l’outil qu’est le plan territorial ou paysager. L’urbaniste, qui en Italie est plus souvent qu’en France un architecte-urbaniste, se voit attribuer un nouveau rôle qui est d’organiser une synthèse entre les approches des sciences de la nature et celle des sciences sociales. Dans les années 90, dans un contexte d’impératif de prise en compte de la problématique environnementale, les outils proposés par l’écologie du paysage, permettent aux professionnels de l’aménagement territorial de renouveler les approches et les méthodes de la planification. En effet, le vocabulaire conceptuel relatif à l’écologie du paysage (les notions de systèmes, d’unités de paysages, de corridors ou couloirs écologiques, etc), est très présent dans les études et les analyses qui cherchent à justifier les choix faits dans les plans que ce soit à l’échelle de la commune ou de territoires plus vastes. Dix ans après l’adoption de la loi Galasso, la notion de système est amplement utilisée dans les différents documents de planification ainsi que dans certains textes de lois. La loi, adoptée le 16 janvier 1995 par la Toscane, qui est souvent présentée comme le texte le plus avancé en matière de « governo del territorio », prévoit en son article 6 que le « piano di indirizzo territoriale », qui est l’acte de programmation grâce auquel la région établit des orientations en matière de développement et d’aménagement, doit identifier d’une part les « sistemi territoriali », sur la base de critères de nature environnementale et d’autre part les « sistemi urbani, rurali e montani », entre lesquels il s’agit de rechercher des complémentarités. L’écologie du paysage est ainsi un moyen d’inviter les architectes et les urbanistes à renouveler leurs approches quant à la planification territoriale. En effet, on peut voir l’appropriation du vocabulaire de l’écologie du paysage par les urbanistes comme la volonté d’aller puiser dans un registre qui n’était au par avant pas le leur. Il s’agit de références, d’images, de représentations, qui permettent d’aborder de manière nouvelle les problèmes que pose l’aménagement de la ville et des territoires à plus large échelle. Les différents éléments qui composent un territoire ne se caractérisent plus par leur situation géographique à l’intérieur d’une zone particulière mais par les relations qu’ils entretiennent avec d’autres éléments qui composent le système. En France - ni la loi de 1993 relative à la protection et la mise en valeur des paysages, ni les décrets et circulaires d’application n’ont débouché sur la formalisation d’une façon commune d’aborder le paysage, d’identifier leurs spécificités et d’en évaluer la qualité. Bien au contraire ce qui caractérise la situation française – c’est là une différence essentielle avec le contexte dans lequel est mise en œuvre en Italie la loi Galasso – c’est la grande diversité des façons de définir et donc d’approcher le paysage. La loi «paysage», en prévoyant la possibilité d’instaurer des directives de protection et de mise en valeur des paysages, doit conduire à un renouvellement des modes d’approches du paysage qui ne doit plus être envisagé à l’échelle d’un projet opérationnel donc ponctuel, mais à l’échelle de vastes territoires. Cette loi de 1993 est une invitation à réouvrir le débat : comment articuler les approches scientifiques issues de la biologie, de l’écologie ou de la géographie et les approches plus sensibles des paysagistes ? Les directives, qui sont de la compétence de l’État, peuvent apparaître comme un moyen pour l’administration de reprendre une partie des pouvoirs que la décentralisation a transférée aux communes. La directive apparaît donc comme plus souple et plus flexible que les autres instruments juridiques de protection. Si elles sont élaborées sous la responsabilité de l’Etat, elles le sont en concertation avec les collectivités locales et doivent donc s’appuyer sur le « consensus le plus large possible ».

66


/// L’exemple de la trame verte et bleue Un des projets inspiré des travaux de recherche dans le domaine de l’écologie du paysage, est la mise en place du projet de «trame verte et bleue» (TVB). Ce réseau s’inscrit dans le prolongement du sommet mondial sur le développement durable (2002) et notamment de la Convention sur la biodiversité biologique, ainsi que dans le nouveau plan d’action stratégique de la convention internationale sur la diversité biologique adoptée au sommet de Nagoya en 2010. Ce concept, issu de la volonté de l’Union européenne de prendre en compte la biodiversité ordinaire, est considéré comme une innovation majeure dans la prise en compte de la biodiversité par les politiques d’aménagement des territoires urbains et ruraux. En effet elle prend en compte des territoires ordinaires dont l’intérêt pour la biodiversité se pose en tant que lieu de passage et de circulation pour les populations d’espèces animales et végétales et pour permettre leur cycle de vie dans des conditions favorables. En plus des objectifs écologiques, cette trame verte et bleue entend atteindre des objectifs sociaux et économiques au travers du maintien de services rendus par la biodiversité, la mise en valeur paysagère et culturelle des espaces qui la composent,

mais également par les interventions humaines qu’elle implique sur le territoire. C’est aux collectivités territoriales que revient le rôle de mettre en œuvre le projet. Au travers de quelles démarches ? Quelles actions ? Quels acteurs? Cette mise en œuvre se fait essentiellement au travers d’outils contractuels, où un accord est passé entre deux ou plusieurs personnes qui s’engagent réciproquement, (l’un à assurer l’entretien/la gestion d’une parcelle, et l’autre à prêter sa parcelle, par exemple), afin de mobiliser des acteurs à la fois sur le domaine public et sur le domaine privé Ces dispositifs constituent un enjeu important à l’heure actuelle, on peut cependant remettre en question son application dans le passage du global au local. En effet, il semble encore difficile de faire le lien entre l’échelle globale à laquelle sont faites les préconisations et l’échelle locale du processus écologique. Il s’agit là d’interrogations sur lesquelles je reviendrai par la suite.

67


4. La spécificité de l’activité agriculture dans le Tyrol du sud

Dans le Tyrol du Sud, l’agriculture a toujours fait l’objet d’attention particulière de la part du gouvernement provincial. Cette mise en avant, se formalise juridiquement et financièrement par une trentaine de lois spécifiques à l’agriculture instituant des aides et des subventions qui viennent en complément des aides financées par l’Europe. Elle se caractérisent par des aides directes aux exploitants (indemnité compensatoire pour les territoires de montagne, aides pour l’achat de terres, pour la construction d’étables, ...), par des aides aux associations d’éleveurs ou a par des aides aux organisations agricoles. Autant de moyens et d’aides qui ont favorisé et favorisent toujours le maintien des agriculteurs sur le territoire. Cette attention particulière envers l’agriculture démontre l’importance de cette activité et à quel point les savoir-faire et les traditions sont ancrés dans le territoire. Pour souligner cela, on pourra rappeler l’exemple cité dans la première partie concernant la tradition du «Erbhof» qui définit le statut particulier de certains corps de fermes associés à une même famille depuis plusieurs générations. Parallèlement, le «Bauerbund», Union des agriculteurs, est une des organisations les plus respectées et les plus puissantes du Tyrol du Sud. « Ici, c’est un honneur que d’être paysan ». La politique agricole du Tyrol du sud s’insère dans les mesures agricoles et environnementales prises à l’échelle de l’Europe. La « Entwicklungsprogramm für den ländlichen Raum » (Programme de développement des zones rurales) est un document qui rend compte de ces différentes mesures agro-environnementales. En 1990, une importante loi est adoptée par le Conseil provincial, qui est destinée à promouvoir l’agriculture biologique et la production intégrée. Elle définit et réglemente minutieusement ces formes de production et de commercialisation et institue une marque protégée pour les produits concernés.

Ces constats m’amènent à m’interroger sur plusieurs éléments. D’une part la tradition agricole profondément ancrée dans les mœurs et la vie sud tyrolienne, rend souvent difficile le changement de pratiques en faveur de la préservation des paysages et de l’environnement.

68

En effet, on peut voir un double aspect dans la volonté de valoriser l’agriculture dans la province. D’une part les nombreuses subventions ont des objectifs divers qu’on peut dans certains cas qualifier de contradictoires. D’une part on favorise la production intégrée et biologique, d’autre part on favorise la production de masse, en subventionnant les grandes coopératives fruitières par exemple. Les agriculteurs profitent d’une forte plus value en respectant les règlements propres à ces différents modes de cultures. Ainsi, bien que « biologique » ou « intégrée » il s’agit toujours d’une production industrialisée. Cet exemple démontre que les pratiques agricoles des acteurs locaux sont dirigées par ces subventions. Cette forte dépendance vis-à-vis des instituions dites «d’en haut» empêche le développement d’une réflexion à l’échelle du paysage. Par ailleurs la situation foncière très morcelée rend difficile le développement de projets territoriaux à l’échelle commune et d’autant plus à l’échelle de la vallée. On peut donc dire que la prise de conscience du rôle de l’agriculteur dans la gestion des paysages et de la qualité environnementale n’est pas encore réellement prise en compte dans la vie agricole locale. Cette prise de conscience, déjà effective en France depuis un certain nombre d’années, commence également en Italie, mais on peut toujours parler d’une certaine instrumentalisation de l’agriculture au profit de logiques qui la dépassent. Ceci traduit les limites des politiques publiques mises en place à l’heure actuelle et un problème de gouvernance entre les différents acteurs.


II - les limites des mesures écologiques pour l’ancrage d’un projet écologique au sein d’un territoire à l’échelle locale Une meilleure prise en compte des questions environnementales semble inévitable pour la préservation de la richesse des paysages existants et pour le développement des paysages à venir. On dénote cependant des difficultés quant à l’application des directives environnementales, entre l’échelle globale où elles sont instituées, et l’échelle locale où elle doivent être mises en place. Cette complexité est en grande partie due à une incompréhension entre les acteurs agissant à ces différentes échelles. Une incompréhension qui dévoile un problème de méthode, d’une part dans la communication des intentions d’aménagement et/ou de gestion mais également dans les moyens qui sont déployés pour penser et planifier ces mesures. Pour introduire ce dysfonctionnement, on peut remettre en question le regard souvent trop centré sur l’aspect écologique de ces mesures, et qui sont donc souvent éloigné d’une réalité paysagère locale concrète.

1. Une incompréhension entre acteurs opérant à différentes échelles /// La mise en place de mesures agro-environnementales à l’échelle locale

/// Le cas de Mals im VInschgau 2. Une focale sur l’aspect naturel et des mesures décontextualisées 3. Un problème de méthode

69


1. Une incompréhension entre acteurs opérant à différentes échelles

Comme introduit précédemment, le paysage est devenu un objet d’étude, il est de plus en plus régi par des politiques publiques d’aménagement mises en place par des spécialistes (aménageurs et planificateurs). Ainsi le paysage devient l’objet d’enjeux économiques mais également d’enjeux de pouvoir, souvent non favorables aux populations locales. En effet le paysage est révélateur de conflits entre des logiques de pensée portées par des groupes d’acteurs qui ne se comprennent pas et qui souvent s’ignorent. On discerne d’une part les locaux pour qui le paysage constitue un élément contribuant à l’identité du territoire et un bien commun. D’un autre côté, les gestionnaires et les acteurs institutionnels, qui ont souvent des logiques s’insérant dans des normes d’un monde globalisé, et peuvent être suspicieux vis-à-vis de l’aptitude des acteurs locaux à opérer eux mêmes une gestion durable de leur territoire. Cet acteur local est chargé de la mise en œuvre des recommandations de l’aménageur, des recommandations qui sont souvent synonymes d’appréhension et de refus pour le paysan qui craint l’aspect trop contraignant des mesures et qui n’y voit que peu de bénéfices économiques. Pour illustrer les limites et les difficultés auxquelles sont confrontées les politiques d’aménagement dans la mise en place des mesures écologiques promues à l’échelle nationale ou internationale sur les territoires locaux, je développerai deux exemples concrets.

/// La mise en place de mesures agro-environnementales à l’échelle locale Ce phénomène peut être illustré par l’exemple des mesures agro-environnementales mises en place à l’échelle de l’Union Européenne et dont la médiation et la mise en œuvre locale en France se fait au travers des collectivités territoriales comme les Parcs naturels régionaux. Le spécialiste vient faire un inventaire de la richesse écologique sur l’exploitation agricole. Il présente ensuite les recommandations en termes de gestion à l’agriculteur qui bénéficie ainsi de subventions en fonction de l’application de ces mesures écologique dans ces pratiques. Dans cette optique, le paysan est vu comme une main d’œuvre dont on n’utilise que peu les savoirs-faire. En effet, le paysan applique des recommandations dont il ne comprend pas forcement les fondements, d’où des réactions souvent négatives et qui se caractérisent par une forte appréhension. Les motivations de collaboration au projet à but écologique reposent ainsi essentiellement sur sa rentabilité économique, le jour où il n’y aura plus de subventions, le paysan n’aura plus de réelle motivation pour maintenir des pratiques écologiques, respectueuses de l’environnement. On peut donc mettre en avant la fragilité de ces mesures ainsi que leur instabilité. Parallèlement, ce cas de figure démontre la forte dépendance (économique et de gestion écologique) de l’acteur local vis-à-vis des institutions se situant à plus grande échelle. L’agriculteur n’est pas personnellement intégré au projet, on lui demande d’appliquer des mesures sans véritablement prendre part à la réflexion sur un territoire dont il est le meilleur connaisseur.

70


/// Le cas de Mals im VInschgau Le second exemple concerne directement le site d’étude en Italie. Dans le Vinschgau, de par le conflit lié à l’intensification de la production pomicole et l’utilisation des produits phytosanitaires. Les spécialistes environnementaux mettent le doigt sur les effets nocifs des pesticides pour la santé des habitants et pour l’environnement. Ce sont les agriculteurs qui sont les premiers acteurs remis en cause, c’est donc les pratiques de ces premiers qui sont requestionnées. Différentes mesures de sensibilisation aux dangers des pesticides ont été mises en place par ces spécialistes, des brochures avec des chiffres à la clé, des films documentaires rendant compte de la perte de la biodiversité, des articles de journaux, la publication de résultats de recherche, etc. Parallèlement des conseils sont donnés quant à la mise en place d’outils écologiques comme le bien fait de l’implantation des haies bocagères, pour limiter la propagation des pesticides sur les parcelles voisines par exemple. Ces initiatives n’ont pas porté leur fruits, si ce n’est que d’encourager les habitants (pour la plus part «non paysans») à voter en faveur de l’arrêté interdisant les pesticides et d’accentuer les différents entre les habitants de la commune. Nombreux sont les agriculteurs étant sensibles au risque des produits phytosanitaires mais pour qui, d’une part, il est difficilement imaginables de penser leurs pratiques sans l’utilisation de pesticides et pour qui, d’autre part, les recommandations d’aménagement écologiques sont synonymes de perte de rentabilité et donc d’argent. En effet, la plantation de haies est vue comme une perte d’espace en termes de terres cultivables, notamment à l’échelle des parcelles dont la superficie cultivable est déjà très réduite.

Manuel pour la mise en place de nouvelles parcelles fruitières au sein d’un paysage prairial Préservation de haies et protection du paysage culturel

Règles de distance

«les agriculteurs ne pourront pas survivre sans utiliser de pesticides, ...» Citation de Walter Lerchtaler

Brochure de sensibilisation

71


2. Une focale sur l’aspect naturel et des mesures décontextualisées

On peut se demander d’où viennent ces réticences, qu’est ce qui pose cette distance entre le spécialiste et le gestionnaire local ? Dans un premier temps on peut remettre en question la trop grande focale mise sur l’aspect scientifique, autant en termes de vocabulaire employé que d’entrées choisies pour apporter des outils de projet. En effet, la conception écologique en termes de trames, corridors, taches, mosaïques, ou la théorie des îles n’a pas de correspondance directe dans les représentations sociales et les pratiques des usagers « ordinaires », comme l’agriculteur ou tout autre acteur local. Il s’agit de termes génériques qui n’ont pas de répercussions dans la représentation qu’ils ont de leur paysage du quotidien. Ces deux exemples montrent également qu’une grande impasse est faite sur les pratiques locales. En effet, l’accent est mis sur les structures écologiques et on en vient à oublier de prendre en compte les autres composantes du paysage pour faire projet (structurelles, humaines, culturelles). Les grands concepts écologiques ne sont ainsi peu ou pas retranscrits dans un territoire concret. Les documents de recommandations ne se limitent souvent qu’à des exemples ou des mesures abstraites. Or, pour s’approprier et se sentir concerné par un projet écologique à l’échelle du territoire, le paysan a besoin d’images réelles, d’exemples ancrés dans un lieu concret qu’il connait et qui constitue son patrimoine personnel. Parallèlement, ce sera par la prise en compte des pratiques locales existantes que les actions en faveur d’une gestion écologique du territoire pourront être enrichies.

3. Un problème de méthode

Ce problème d’incompréhension et de suspicion de la part des acteurs locaux contribuant souvent au non aboutissement des initiatives de projet, démontre avant tout un problème de méthode pour la mise en place de ce projet à l’échelle du territoire. Les cas de figures démontrent qu’un projet durable à l’échelle du territoire ne pourra pas se faire tant que cette juxtaposition d’individualités et d’intérêts au sein d’un même territoire sera maintenu. Un projet durable à l’échelle du territoire se doit de prendre en compte tous les acteurs du territoire, leur besoins, leurs intérêts et surtout l’interrelation qu’il peut y avoir entre ces individus pour la mise en place de ce projet. Le projet ne peut pas se faire sans l’intervention des acteurs locaux, gestionnaires de ce territoire et étant les mieux placés pour le connaitre. Inversement, il semble difficile de se passer des acteurs spécialistes dans le domaine écologique pour mettre le doigt sur les problèmes environnementaux et paysagers en cours et pour apporter des outils d’action. Comment procéder ? Comment co-construire un projet durable à l’échelle du territoire ?

72

L’enjeu se joue donc ici dans la manière dont on peut apporter un tel projet qu’on pourrait appeler éco-paysager, et dans la méthode qui sera mise en place pour intégrer la pratique paysanne, principal architecte du paysage, dans un projet éco-paysager à l’échelle du territoire. En effet, l’activité agricole dessinant le paysage est avant tout une activité économique duquel le paysan doit tirer son revenu. L’idée sera donc de démontrer en quoi la mise en place de pratiques écologiques peuvent être bénéfiques à plusieurs points de vues et en quoi ces pratiques se basent sur des pratiques et des savoirs-faire existants et identitaires de leur territoire. Il s’agirait ainsi de remettre en question la notion même de projet écologique. En quoi l’écologie n’est pas seulement le fait de planter des arbres ou des haies pour créer des continuités vertes dans le paysage, mais que c’est également le cadre dans lequel cette écologie s’inscrit. Il s’agira ainsi de décentrer le regard et restituer la question écologique dans un ensemble paysager plus large qui implique des pratiques et des savoirs-faire, des relations sociales et une identité culturelle propre au territoire.


III - L’entrée paysagère pour traiter de l’écologie dans un contexte rural en mutation

Les limites des mesures écologiques sur lesquelles j’ai pu mettre le doigt m’amènent à introduire la nécessité de mettre en place une démarche au travers d’une réflexion à l’échelle du paysage. Ainsi, je montrerai en quoi la paysage sera un outil multifonctionnel permettant de répondre à des enjeux multiples et fédérant les usagers du territoire. Je m’attacherai alors à définir les enjeux qui découlent de la situation propre à Mals pour le paysagiste. Quel est son rôle ? Quelle démarche doit-il mettre en place pour répondre à ces enjeux ?

1. De la nécessité d’apporter une réponse au travers du paysage /// Le paysage comme clé d’entrée pour aborder le processus 2. Enjeux pour le paysagiste dans cette situation /// La mise en avant et l’exploitation d’un potentiel paysager existant

/// Complexifier les regards portés sur la notion d’écologie

/// L’échelle de la commune /// L’échelle de l’exploitation

3. Une démarche opérant à plusieurs échelles /// L’échelle de la vallée

73


1. De la nécessité d’apporter une réponse au travers du paysage

/// Le paysage comme clé d’entrée pour aborder le processus L’approche paysagère qui s’appuie sur la connaissance du fonctionnement des structures paysagères permet de localiser les espaces écologiques riches, et de les composer de façon à favoriser une multifonctionnalité et une économie de l’espace. Il reflète les spécificités de l’espace de production avec ses potentiels et ses problèmes agronomiques et environnementaux, et doit répondre en même temps à des attentes diverses de la société. En effet, pour les agriculteurs, la portion de territoire dont ils ont la responsabilité correspond à leur espace de production et cet espace est en même temps perçu par les populations comme un cadre de vie devant satisfaire un certain nombre d’autres fonctions (habitats, activités, loisirs). Il s’agit donc d’une approche transversale qui contribue à révéler les potentiels naturels du territoire, les savoirs-faire des habitants ainsi que leurs attentes. Le paysage est ainsi

Fenêtre sur le paysage Bourg

n

Lie

Biodiversité

Séparation entre les parcelles

Chemin de randonnée Exploitation agricole

74

présenté à la fois comme un outil au service du projet d’aménagement foncier (un guide) et comme un moyen de renforcer la cohérence entre toutes les actions menées sur un même territoire. D’après la Convention européenne du paysage, «le terme «Paysage» désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leur interrelation.» . Cependant, la Convention européenne ne précise pas la démarche permettant d’intégrer le paysage dans un projet d’aménagement. Il s’agit de se servir des outils écologiques et notamment des outils mis à disposition par l’écologie du paysage en le considérant comme une grille qu’on superpose à un paysage singulier formé par des pratiques agricoles, sociales et culturelles. L’idée est de voir les pratiques identitaires du paysage comme faisant partie intégrante de cette grille écologique. Ainsi l’outil écologique prend une dimension plus complexe, on ne parlera plus seulement de corridor vert, de corridor écologique mais également de sa dimension paysagère, de son impact dans le paysage et en quoi cet élément est support d’activités culturelles identitaires du territoire. La haie bocagère ne sera plus seulement un couloir de circulation pour la faune mais elle sera également vue comme une trame dans le paysage qui marquera le sommet d’une colline ou qui sera un élément repère pour indiquer un cheminement. La haie sera ainsi porteur d’ombre ou de micro-ambiances au service du promeneur empruntant ce chemin. Un chemin qui à son tour, guidera vers la ou les exploitations, qui seront ravies d’avoir la visite des touristes ou des habitants locaux pour acheter des produits directement transformés et vendus à la ferme. Cette même haie sera alors également synonyme de liens à différentes échelles ; de la parcelle de culture à l’exploitation, du village (lieu de représentation et de commercialisation avec des points de ventes) à l’exploitation, du village à la parcelle, etc. La haie deviendra un symbole de limite et de partage, elle dessinera une limite entre deux parcelles mais sera également vue comme un élément dont les effets bénéfiques seront partagés si on prend en compte son effet positif contre l’érosion du sol et sa production en termes de fruitiers ou de bois de chauffe. Cet exemple démontre l’aspect multifonctionnel que peut prendre l’élément écologique au travers de son positionnement dans un paysage singulier.


2. Enjeux pour le paysagiste dans cette situation

La situation d’actualité à Mals peut être vue comme une opportunité intéressante pour le paysagiste d’appliquer ces principes. Il s’agira ainsi de «profiter» de l’instabilité de la situation de la commune face à la problématique des pesticides et du changement paysager pour requestionner des concepts remis en question à plus grande échelle. On pourra donc parler d’une commune laboratoire, où l’expérimentation d’un processus pourra servir de modèle pour les autres communes de la vallée. Il s’agit d’autant plus d’une opportunité pour le paysagiste au vu de la richesse des actions sociales déjà entreprises par les acteurs locaux et la forte volonté des habitants de prendre part aux questionnements. Ces différents individus se sentent impliqués dans la problématique du territoire, il s’agit donc d’acteurs clés à intégrer dans le processus de projet. Les outils mis au service du paysagiste sont nombreux. L’enjeu est donc de savoir comment s’approprier ces outils, cette richesse en termes de structure paysagère, d’actions sociales, d’éléments patrimoniaux, qui seront complétés par le recensement d’une richesse de savoirs-faire. Comment fédérer ces différents éléments au sein d’un projet global à l’échelle de la commune ? Quelle est le processus à mettre en place ? Ces questionnements me ramènent vers la problématique introduite en début de diplôme. «Quelle entrée paysagère pour traiter et prendre en compte les fonctionnements écologiques dans les territoires ruraux en mutation ?» Dans la recherche d’une réponse à cette problématique, je rendrais compte des différents enjeux qui caractériseront la richesse d’une approche paysagiste pour la mise en place d’un projet éco-paysager à l’échelle de la commune d’un territoire comme celui de Mals.

structures paysagères me guideront pour mettre en place une charpente éco-paysagère, de décider de sa forme, des éléments paysagers qui la composeront et qu’elle devra mettre en valeur. D’autre part, la prise en compte d’une richesse de pratiques paysannes me permettra de constituer une boîte à outils pour la construction de cette charpente mais également de considérer la diversité de ces pratiques comme des structures écologiques à part entière venant alimenter le projet éco-paysager.

/// Complexifier les regards portés sur la notion d’écologie La prise en compte d’une richesse éco-paysagère existante, porteuse d’une multitude d’usages, de qualités esthétiques et favorables à une agriculture respectueuse de l’environnement me permettra d’aborder l’écologie sous un angle plus en adéquation avec l’intérêt et les besoins des gestionnaires locaux. La mise en place de ce double argumentaire sera le moyen de communiquer l’intérêt qu’il y a pour les locaux de favoriser une diversité paysagère Il s’agit ainsi d’attirer les regards sur les structures paysagères comme étant des structures écologiques bénéfiques sur différents autres plans. Parallèlement, les différentes initiatives d’acteurs recensées au sein de la commune couplé à l’établissement d’une diversité de profils paysans, me permettra d’élargir le concept d’écologie à des notions dépassant l’aspect exclusivement naturaliste pour laquelle elle est connue mais également d’organisation de l’espace, pour y intégrer une biodiversité en termes de savoirs-faire ainsi qu’une biodiversité en termes de relations sociales qui résulte de ces regroupements d’acteurs et/ou pratiques paysannes.

/// La mise en avant et l’exploitation d’un potentiel paysager existant L’analyse paysagère dont j’ai pu rendre compte dans la première partie me permettra de me nourrir de l’existant pour développer un projet ancré dans le territoire. En effet, la mise en évidence des éléments identitaires du territoire à différentes échelles (échelle de la vallée, de la commune et de l’exploitation), en termes de

75


3. Une démarche actant et prenant en compte plusieurs échelles

Différentes stratégies d’action seront élaborées en fonction des échelles aux quelles j’interviendrai. Ainsi des composantes paysagères et des acteurs différents seront pris en compte et invoqués en fonction du périmètre considéré.

/// L’échelle de la vallée sera pour le paysagiste le moyen de développer des outils d’actions par l’analyse et la prise en compte de ce qui s’y fait, des savoir-faire existants

ou au contraire de noter ce qui ne fonctionne pas. Il s’agit d’un travail d’inventaire et d’exploration. Cette échelle sera également prise en compte à la fin du processus de projet, à savoir, le moment où la question d’une potentielle retranscription du modèle développé à l’échelle de la commune viendra à se poser.

/// A l’échelle de la commune, l’action se concrétisera par la proposition concrète d’une charpente éco-paysagère. Le paysagiste a un rôle actif dans le dessin que cette structure prendra tout en ayant pris en considération les composantes paysagères à l’échelle de l’exploitation et celles à l’échelle de la vallée. Ici la charpente planifiée concernera les grands éléments structurants du paysage et leurs interactions (cours d’eau, cheminements, ensembles bâtis, éléments ponctuels remarquables, ...). C’est également à cette échelle que sera réfléchi le système d’interdépendance entre les acteurs qui permettra au projet d’être mis en œuvre et de se pérenniser dans le temps. /// A l’échelle de l’exploitation le paysagiste prendra le rôle de guide et de médiateur, en considérant l’agriculteur comme «l’aménageur». L’intervention se fera à

l’échelle de la parcelle, de ses limites et du corps de ferme. La juxtaposition et l’interaction entre les interventions à l’échelle des exploitations viendront alimenter et enrichir la structure éco-paysagère mise en place.

L’exploitation

La commune

La vallée

76


77


3.


LA CONSTRUCTION D’UN PROJET ÉCO-PAYSAGER I - IDENTIFICATION D’UN RÉSEAU ÉCOLOGIQUE EXISTANT II - IDENTIFICATION D’UNE DIVERSITÉ DE PRATIQUES PAYSANNES III - PROPOSITION D’UN PROJET D’AMÉNAGEMENT ÉCO-PAYSAGER IV - LA CONSTRUCTION COMMUNE D’UN PROJET ÉCO-PAYSAGER PARTAGÉ


Piste cyclable au sud de Laatsch, le long de l’Adige

80


I - Identification d’un réseau écologique existant Dans la volonté d’établir un projet éco-paysager à l’échelle de la commune pour guider le devenir du paysage et encourager à la diversification des pratiques, il s’agira dans un premier temps de resituer la commune de Mals dans le réseau écologique existant à l’échelle la vallée. Cela me permettra de rendre compte de la richesse écologique préexistante et en quoi je m’y appuierai pour ancrer une structure éco-paysagère au sein du projet. J’insisterai sur la diversité des milieux engendrant des habitats variés pour les auxiliaires de cultures et sur leur connexion, favorisant les déplacements de ces derniers, mais créant également une diversité d’ambiances paysagères.

1. La prise en compte de la composante écologique à différentes échelles /// Un réseau écologique à l’échelle de la vallée se faufilant le long de l’Adige

/// La distinction de corridors longitudinaux et transversaux à l’échelle de la commune /// Une multitude de composantes écologiques à l’échelle de l’îlot

2. Des réseaux écologiques support de qualités paysagères singulières

/// L’exemple du corridor le long de l’Adige

/// L’exemple du canal d’irrigation entre Schleis et Mals

3. Les enjeux vis-à-vis de ces réseaux : la constitution d’une boîte à outils

81


1. La prise en compte de la composante écologique à différentes échelles

Haidersee

Arbres isolés, corridor en pas japonais

MALS IM VINSCHGAU «Schludernser Au» Réservoir de biodiversité, espace naturel humide «Guggenau»

«Grafenau»

«Eyrser Biotop» Réservoir de biodiversité

Allitzer Waldele

Élargissement de la ripisylve le long d’un cours d’eau secondaire (Corridor continu)

N «Kiefernhein Kultur»

Le réseau écologique à l’échelle de la vallée 0

82

«Tschenglser Au» Réservoir de biodiversité 2000 m

Adige, corridor continu avec sa ripisylve

Adige, corridor continu avec sa ripisylve


/// Un réseau écologique à l’échelle de la vallée se faufilant le long de l’Adige L’idée étant de favoriser des pratiques écologiques respectueuses de l’environnement en envisageant une agriculture dépourvue de produits chimiques, je reviendrai dans un premier temps sur l’analyse du réseau écologique à l’échelle de la vallée. Comment le réseau écologique de Mals se rattache à celui de tout le Vinschgau? Ainsi, à l’échelle de la vallée, on distingue des éléments linéaires, surfaciques et ponctuels. En s’inspirant des théories de l’écologie du paysage, on peut se référer aux termes de corridor écologique continu ou discontinu, de réservoir de bio-

diversité, de corridors en «pas japonais» ou de corridors de types paysager. Ainsi, les réservoirs de biodiversité se caractérisent par les espaces naturels humides en fond de vallée, que constituent les forêts alluviales par exemple, des espaces qui sont reliés par des corridors continus comme l’Adige et les cours d’eau secondaires accompagnés de leur ripisylves. A cette échelle, on distingue un contraste entre l’amont et l’aval de la vallée. En amont, on relève des typologies de milieux plus variés, tels que les nombreuses forêts alluviales, les lacs et les ripisylves denses. En basse vallée, les corridors sont moins épais et rares sont les espaces qu’on pourra considérer comme réservoir de biodiversité.

Ripisylve dense le long d’un cours d’eau secondaire

Adige, corridor continu avec sa Adige, corridor ripisylve continu avec sa ripisylve

Au : forêt alluviale See : lac Waldele : petite forêt

Réserve de biodiversité (Schludernser Au)

Réserve de biodiversité (Eyrser Au) et le corridor continu (Adige)

Corridor : Passage qui met en communication diverses pièces d’un appartement, d’un étage ; couloir. (Larousse).

83


Sonnenberg (Réservoir de biodiversité)

/// La distinction de corridors longitudinaux et transversaux à l’échelle de la commune A l’échelle de la commune, on discerne d’une part un réseau écologique inter-parcellaire, qui relie le territoire aux différents réservoirs de biodiversité présents à l’échelle de la vallée. On pourra y inclure des corridors écologiques continus que sont les cours d’eau et leurs ripisylves. En effet, à l’ouest on trouve l’Adige accompagnée de sa ripisylve relativement dense et à l’est le Punibach, un cours d’eau secondaire. D’autre part on peut relever un réseau écologique plus ponctuel, le long des canaux d’irrigation transversaux à la vallée où on distingue quelques arbres isolés et une strate buissonnante. Enfin sur le cône alluvial de Glurns, des haies bocagères accompagnent certaines parcelles de cultures et le cheminement central. C’est également à cette échelle qu’on note une diversité en termes de cultures agricoles, formant une mosaïque paysagère qui est également importante à prendre en compte dans le relevé de la richesse écologique. La juxtaposition des différentes parcelles de cultures et fourragères peut former ce qu’on appelle, des corridors de type «paysagers». Cependant il faudra reconsidérer la façon dont ces parcelles sont cultivées et gérées. En effet, en fonction des pratiques associées à ces parcelles, leur effet écologique peut être riche ou au contraire nuire à la préservation de la biodiversité.

84

MALS IM VINSCHGAU La forêt et sa lisière (réservoirs de biodiversité)

Canal d’irrigation

Vue sur la commune de Mals


Schludernser Au (Réservoir de biodiversité) Tartscher Bühel (Réservoir de biodiversité)

Tourbière (Réservoir de biodiversité) Bassin de rétention d’eau

Cône alluvial de Glurns La forêt et sa lisière (réservoirs de biodiversité)

Haies bacagères (corridor continu)

Punibach (corridor continu)

Rambach (corridor continu) Canal d’irrigation

Adige (corridor continu)

La forêt et sa lisière (réservoirs de biodiversité)

85


/// Une multitude de composantes écologiques à l’échelle de l’îlot L’échelle de l’îlot permet de discerner de nombreux éléments support de richesse écologique, qu’ils soient continus ou discontinus. Une bande enherbée le long de la piste cyclable, des arbustes parsemés le long des canaux d’irrigation, ou encore des arbres isolés en bordure de parcelle, ...

L’alignement de jeunes noisetiers forme une haie bocagère en limite de pommeraie entre Laatsch et Glurns

86

On ne distingue qu’une faible différence de gestion entre la parcelle fourragère et le bord du canal d’irrigation. Cependant en regardant plus précisément on observe une variation de la flore au sein de la bande longeant le canal. On pourra citer la salicaire qui se démarque par ses fleurs violettes ou encore l’ortie dioique. On note également l’aménagement d’un renforcement de la berge par un bardage en bois, on peut imaginer que cela a été mis en place pour tenir le terrain qui peut être soumis au phénomène d’érosion.

La banquette de flore spontanée au bord de la piste cyclable entre Laatsch Frêne isolé entre Laatsch et Glurns et Schleis, longe des parcelles de céréales et des parcelles fourragères. Les fleurs rouges des coquelicots et les fleurs violettes des chardons se démarquent au sein des graminées qui composent cette bande. La bande enherbée le long de la piste cyclable entre Laatsch et Mals, est quant a elle composée de graminées et d’herbes spontanées..


2. Des réseaux écologiques support de qualités paysagères singulières

Des ambiances paysagères variables sont permises au travers des éléments écologiques recensés.

Burgeis

Des espaces diversifiés le long de l’Adige et du Punibach Longeant dans un premier temps le pied de montagne, les deux rivières viennent couler au cœur du fond de vallée, pour ensuite se rejoindre au sud de la forêt alluviale de Schluderns. Les deux cours d’eau sont bordés par des ripisylves relativement denses essentiellement composées de frênes, d’aulnes, de noisetiers, ... Les bords de l’Adige sont beaucoup investis, notamment par des pistes cyclables grâce à l’aménagement de voies prévus à cet effet. Au contraire, les bords du Punibach sont peu ou pas aménagés et donc difficilement accessibles par le piéton si ce n’est dans le centre bourg de Mals.

Punibach

Schleis Mals

Adige

Des espaces ouverts le long des canaux d’irrigation Un réseau viaire et des cours d’eau secondaires viennent traverser la vallée de façon transversale. Il s’agit de «Waale» (canaux d’irrigation), de voies communales ou de voies piétonnes et cyclables.

Laatsch

Pour le moment les canaux d’irrigation, importants éléments patrimoniaux identitaires de la haute vallée, bien qu’encore légèrement visibles dans le paysage, ne sont peu ou pas valorisés. Du fait de l’abandon de leur exploitation et de la mise en place de systèmes d’irrigation plus modernes, ces canaux perdent leur signification originelle.

Glurns

Schluderns

N

Localisation des corridors longitudinaux et transversaux à la vallée

87


Burgeis

/// Le parcours le long de l’Adige De Schleis à Laatsch, on circule principalement au sein d’un espace encaissé. En effet, d’un côté on se trouve au pied du versant exposé nord, de l’autre côté, la vue s’arrête sur une grande digue, en partie occupée par une strate végétale dense et par des pâturages. De Laatsch à Glurns la topographie devient progressivement plus douce, on n’est plus confronté à un relief abrupte de part et d’autres de l’Adige. La ripisylve est cependant relativement épaisse et ne laisse passer le regard que de façon ponctuelle. La piste cyclable longe la ripisylve ou la traverse en fonction des séquences. Cela engendre une alternance entre des vues relativement ouvertes sur le paysage, caractérisé par une alternance entre des pommeraies et des parcelles fourragères, et des vues plus fermées cadrées par une végétation luxuriante.

Schleis 7

Mals

6 5

Laatsch

4

3

2 1

Glurns

N

Localisation des prises de vue le long de l’Adige

88

Schluderns


L’alternance d’espaces ouverts et fermés le long du fleuve entre Glurns et Laatsch donne une allure dynamique au cheminement. Ici une bande enherbée constituée d’une flore spontanée sépare la piste cyclable de la ripisylve dense formée par des ligneux tels que le noisetier, le frêne, le sureau, l’aulne ou encore le saule.

De temps à autres, des fenêtres au travers de la ripisylve qu’on traverse permet un cadrage sur une haie bocagère dessinant la limite entre deux parcelles (Verger/ prairie fourragère).

1

Sur notre droite, la vue s’ouvre sur des prairies fourragères ponctuées par quelques frênes en bordure de parcelle, longeant un fossé de drainage. A notre gauche, les fleurs jaunes du cornouiller se démarquent sur la masse verte de la ripisylve.

3

Au travers de la ripisylve, soigneusement entretenue, on discerne l’entrée de la Müstertal (Suisse).

6

2

4

La vue se referme à l’entrée de Laatsch. On entre progressivement dans l’espace encaissé entre la montage à notre gauche et la digue à notre droite. A notre gauche on discerne le «chemin de chèvre» occasionné par le passage quotidien d’un troupeau de vaches. En sortant de Laatsch, le sommet de la digue est marqué par des masses végétales denses constituées d’arbustes et de petits arbres. Les prairies en pente s’étendant sur la digue sont broutées par quelques vaches laitières.

7

5

La piste cyclable serpente au sein de la ripisylve dense en direction de Schleis. Le cheminement traverse l’Adige et continue de l’autre côté du fleuve au pied du versant nord. On prend alors de l’altitude par rapport au fleuve qu’on laisse en contre-bas sur notre droite.

89


Burgeis

/// L’exemple du réseau le long du canal d’irrigation entre Schleis et Mals Contrairement au corridor précédemment décrit, ces traverses ne sont que rarement accompagnées de masses végétales. Elles suivent un vallonnement léger et offrent des vues lointaines sur l’amont et l’aval de la vallée. A l’heure actuelle, aucun cheminement ne permet de longer aisément ces cours d’eau, les pistes cyclables ou cheminements piétons existants ne font que traverser ces axes de temps à autres. Par endroits, on peut cependant discerner l’appropriation de ces berges par des petits jardins potagers ou des petits vergers.

Schleis 5

3 2 1

4

Mals

Laatsch

Glurns

N

Localisation des prises de vue le long du canal d’irrigation

90

Schluderns


Un canal dissimulé mais devinable grâce à la présence d’arbres et d’arbustes ponctuels 2

4

Dés éléments ponctuels et linéaires marquent le paysage en fond de vallée. Le long des canaux d’irrigation, on rencontre par endroits une haie ou un arbre isolé, comme le cerisier sur la première photo par exemple.

5

Des éléments traduisant une appropriation du canal d’irrigation 3

Des bords de canal investis : aménagement d’un petit pont en bois.

3

La découverte d’une petite parcelle au bord de canal, investie par un jardin potager et quelques abricotiers et pommiers.

1

Une croix et un banc public cachés dans les herbes hautes au bord du canal.

91


3. Les enjeux relatifs à ces composantes et la constitution d’une boîte à outils

Dans l’objectif de développer un système écologique bénéfique à l’agriculture,il s’agira de maintenir des habitats et des connexions entre ces différents espaces qui permettront la circulation des auxiliaires de cultures. Ces derniers viendront d’une part lutter contre les ravageurs et d’autre part favoriser la pollinisation des arbres fruitiers. Ainsi je reviendrai sur quelques clés en termes d’écologie pour justifier du choix de certains outils utilisés dans la structure éco-paysagère qui seront des éléments favorisant le fonctionnement écologique du territoire et me servant à construire les qualités spatiales de la charpente. La régulation des ravageurs par les auxiliaires de culture Les principaux ravageurs contre lesquels les pomiculteurs se battent actuellement sont les carpocapses, les pucerons, les tordeuse, les araignées, les psylles, les chenilles ou encore les anthonomes. Ces ravageurs peuvent essentiellement être régulés par des auxiliaires tels que les acariens prédateurs, les punaises, les chrysopes, les coccinelles, les guêpes parasites, les mésanges ainsi que les belettes. Il sera alors intéressant de mettre en parallèle le ravageur et l’auxiliaire afin de montrer par quels moyens on peut favoriser la régulation de l’un en constituant un habitat adapté pour l’autre. Ainsi, à titre d’exemple je m’attarderai sur l’habitat et le cycle de vie du carpocapse des pommiers et celui de la mésange qui est un des ennemis naturels du carpocapse.

Mésange

92

F

M

A

M

J

J

Papillon Oeuf Larve

Ponte

La mésange charbonnière vit dans les forêts mixtes ou de feuillus, les bosquets, les jardins, les haies, les parcs, les vergers, et près des habitations humaines. Son nid est établi dans des trous d’arbre ou dans des nichoirs. La ponte se fait surtout d’avril jusqu’à juin. Les parents s’occupent des petits pendant 40 jours, jusqu’à ce qu’ils aient toutes leurs plumes. Il peut y avoir 2 pontes par an. La fréquence de nourrissage peut atteindre dans certains cas 900 becquées par jour. Cet exemple montre la nécessité de maintenir le réseau de haies bocagères et d’arbres à proximité des vergers qui sont déjà en place mais également de favoriser le développement de nouvelles structures qu’elles soient végétales ou construites

A

Deuxième génération

J

Troisième génération

Carpocapse du pommier

Le carpocapse hiverne à l’état de larve dans un cocon dissimulé dans l’écorce des arbres ou dans divers abris au niveau du sol. Les papillons apparaissent, de début avril à juin selon les régions. Leur sortie s’échelonne sur un ou deux mois. Si les conditions climatiques sont favorables, ils s’accouplent aussitôt et la ponte peut commencer dès le lendemain. La suite se passe à l’intérieur du fruit, dans lequel la larve creuse sa galerie en spirale qui la rapproche de la zone à pépins, où elle va progressivement presque tout dévorer. Parvenue au terme de son développement, elle sort du fruit et cherche un abri pour tisser son cocon, généralement dans les fentes du tronc ou des grosses branches. Le cycle recommence au printemps suivant. Cette deuxième généra­­tion, avec des pontes à partir de mi-juillet, peut faire encore plus de dégâts. Elle est parfois même suivie d’une troisième génération.

Éclosion des poussins

S

O

N

Papillon Oeuf Larve

Envol des jeunes

Première génération

/// Les apports écologiques

D


comme les nichoirs par exemple. Parallèlement, au delà des les favoriser, il sera enrichissant de prêter un attention particulière à la composition de ces haies, dont les rôles seront multiples (nourriture, abri et niche pour les oiseaux et les insectes auxiliaires, protection contre le vent, contre l’érosion, ...) La favorisation des insectes pollinisateurs pour la pollinisation des fruitiers Dans les milieux semi-naturels, les floraisons des arbustes indigènes se suivent, du printemps jusqu’au tout début de l’été. Viennent ensuite les floraisons des plantes herbacées, certaines très tôt au printemps - d’autres plus principalement en été et en fin de saison. Elles succèdent aux floraisons des ligneux et assurent une nourriture abondante et variée aux butineurs - Les arbres pollinisateurs À part les pêchers et les abricotiers, dont les fleurs ont la capacité de s’autoféconder, la plupart des arbres fruitiers ont besoin d’être pollinisés par d’autres variétés pour donner de bonnes récoltes, (variétés fruitières ou ornementales).

- Les bandes ou prairies fleuries Comme recensés précédemment, les bords des pistes cyclables ou des autres voies de communication sont souvent investis par des bandes enherbées et/ou fleuries. Ce qui marque une séparation entre l’axe de communication et la parcelle cultivée. Il s’agit d’un espace ayant le rôle d’abri et de nourriture entre autres pour les insectes pollinisateurs. Il sera donc essentiel de prêter une attention à la composition de ces bandes ainsi qu’à leur gestion. Il s’agit ainsi de favoriser la richesse des variétés, qui composent ces bandes ou ces prairies afin de favoriser les floraisons abondantes, qui se succèdent au fil des saisons. Les exemples relevés dans la commune de Mals ont montrés les associations de variétés en fonction des endroits où ces bandes se trouvaient. Ainsi on pourra favoriser les fleurs pour la pollinisation par les abeilles et les bourdons mais les graminées seront également importants à prendre en compte pour l’apport en nourriture pour les oiseaux granivores.

L’exemple du pommier Si plusieurs variétés de pommiers cohabitent, encore faut-il qu’elles fleurissent en même temps. En effet, il existe des variétés dont les floraisons interviennent à des époques différentes. Afin de favoriser la fécondation par les abeilles et les bourdons, la meilleure option serait d’implanter plusieurs variétés de pommiers ornementaux à très longue floraison et bonnes pollinisatrices comme l’Evereste par exemple, qui en plus d’avoir une floraison longue, est un arbre apportant une qualité paysagère de par ses couleurs notamment en automne et en hiver. Ces variétés pourront être implantées au sein de haies bocagères ou au sein d’alignements d’arbres. Le climat du Vinschgau permet la plantation d’un grand nombre de variétés. Même si la production industrielle restreint le nombre de variétés pour des raisons de rentabilité, il sera intéressant de prendre en compte les différentes variétés anciennes. Cela permettra de combiner une diversité végétale à la découverte d’un patrimoine fruitier dans le paysage.

93


/// La déclinaison des composantes écologiques pour la mise en place d’outils d’aménagement paysager à l’échelle inter-parcellaire Les différentes composantes écologiques existantes recensées, accompagnées des ambiances paysagères qui y sont associées, me permettent de dégager plusieurs outils éco-paysagers que je requestionnerai et déclinerai sous différentes formes pour en faire des outils de construction pour la charpente éco-paysagère qui marquera le projet dans un premier temps. La haie bocagère, l’arbre isolé, la bande enherbée, le boisement, la prairie fleurie, ou la parcelle non exploitée, autant d’éléments revêtant des fonctions écologiques, d’organisation et de mise en valeur paysagère. La haie bocagère sera un élément de séparation, de partage, d’habitat et de flux. L’arbre fruitier sera un élément identitaire, un élément repère dans le paysage, un élément pédagogique, un habitat et un pas japonais pour le déplacement des oiseaux. La prairie fleurie sera un élément repère, de diversification paysagère, un habitat pour les insectes pollinisateurs et un moyen d’investir des parcelles non exploitables par certaines activités agricoles . Je m’interrogerai alors sur la déclinaison des formes que peuvent prendre ses outils, en prenant en compte ces doubles fonctionnalités. A titre d’exemple, la haie aura une répercussion variable sur l’impression paysagère, sur les usages qu’on en fait et sur la biodiversité en fonction de sa forme, de sa taille et des espèces végétales qui la composent. Ainsi, la haie constituée d’arbres haute tige et d’arbustes denses par exemple sera considérée comme une barrière visuelle et physique, un coupe vente et un élément porteur d’ombre et de fraîcheur. La haie basse permettra de souligner des éléments paysagers, de guider le piéton tout en laissant la vue ouverte sur le reste du paysage. La haie fruitière sera attractive pour la faune sauvage, pour le troupeau de vaches se trouvant au sein de la parcelle que cette haie bordera mais également pour le promeneur qui pourra cueillir librement les fruits au cours de sa balade.

La haie

94

La haie basse

La haie basse avec des arbres de haut jet

La haie mixte

La haie haute et dense

Morphologie : haie haute, haie basse, haie mixte, Composantes : variétés d’arbres/d’arbustes ornementales et/ou fruitières Usages : cueillette, promenade, lien, séparation, démarcation, coupe vent, limiter l’érosion Habitat écologique : nidification, nourriture, refuge, déplacement Espèces animales : oiseux, rongeurs, insectes, ... Espèces végétales : noisetier, sureau, prunellier, cornouiller, ... Atouts paysagers : ouverture visuelle, fermeture visuelle, fenêtres sur le paysage, espaces intimes, variété de couleurs, d’odeurs et de lumières.


L’arbre isolé

L’arbre isolé de haut jet

L’arbre isolé en cépée

Morphologie : en alignement, haute tige, isolé, ports dirigés, libres, ... Composantes : arbres d’ornements ou fruitiers Usages : cueillette, bois de chauffe, apport d’ombre pour l’homme et l’animal Habitat écologique : nidification, nourriture, point d’observation, déplacement Espèces animales : oiseaux et insectes pollinisateurs Atouts paysagers : élément repère, signal, couleurs, rythme L’alignement d’arbres de haut jet

La bande enherbée

La bande enherbée

La bande fleurie

La bande messicole

Morphologie : bande enherbée, bande ou prairie fleurie Composantes : flore herbacée annuelle spontanée ou semée. Graminées, légumineuses, fleurs diverses, ... Usages : cueillette, promenade, lien, séparation, démarcation, coupe vent, limiter l’érosion. Habitat écologique : nourriture, refuge, déplacement Espèces concernées : oiseux, rongeurs, insectes, ... Espèces végétales : la marguerite, la carotte sauvage, la centaurée jacée, la tanaisie, l’eupatoire, la vipérine, le lotier corniculé, la mauve musquée... Atouts paysagers : couleur, couvre-sol, séparation, odeurs

Murets et tas de bois Mur de pierres sèches

Tas de pierres

Tas de bois de fauche (stock)

Tas de bois (rameaux suite à la taille)

Morphologie : haute, basse, en vrac (tas), construit Composantes : bois mort, tas de bois de chauffe, pierres, murs Usages : objet de séparation, de stockage, de repos pour le promeneur Habitat écologique : refuge, nidification, nourriture, déplacement Espèces concernées : oiseux, rongeurs, insectes, Atouts paysagers : diversité des formes, barrière naturelle esthétique, couvre-sol

95


Fenaison d’une parcelle entre Glurns et Lichtenberg

96


II - Identification des pratiques paysannes à l’échelle de la vallée et de la commune Les agriculteurs locaux sont les principaux gestionnaires de nos paysages. Ce sont des acteurs qui travaillent avec les ressources du territoire, qui y habitent et qui y ont souvent grandis. C’est donc de ces savoir-faire écologiques déjà en place que s’inspirera la boîte à outils qui sera établie pour la mise en place du projet éco-paysager à l’échelle de la commune. Ce sont les particularités de leur pratiques qui vont nourrir le projet et servir d’exemple pour la mise en place de pratiques alternatives pour les agriculteurs avoisinants. Il s’agira de prendre en compte les savoir-faire des paysans habitant la commune mais également ceux des acteurs habitant et exerçant dans d’autres communes à l’échelle de la vallée.

1. Etablissement des profils de paysans.

/// D’une réflexion à l’échelle de la parcelle à celle de l’îlot

/// Une multiplicité de pratiques à l’échelle d’une même parcelle /// Des actions à l’échelle inter-parcellaire favorisant les relations sociales

2. L’apport des pratiques recensées pour la mise en place du projet

97


Migihof, fam. Marth à Burgeis Schleis Magdalena et Friedl Pobitzer à Mals

Schleis

Mals

Tartsch

Laatsch

Glurns

Schluderns

Günther Walldöfer à Laatsch

Prad am Stilfserjoch

Schlanders

Eyres

Laas Tschengls Fam. Wallnöfer à Lichtenberg

98

Goldrain

Latsch


1. Etablissement de profils paysans Les différentes rencontres avec les paysans locaux m’ont permis de différencier des pratiques écologiques opérant à des niveaux et à des échelles variées. Je distinguerai ainsi des réflexions qui se font à l’échelle de l’îlot au travers d’actions menées sur un ensemble de parcelles. Ensuite je rendrai compte d’une multitude de pratiques opérant à l’échelle d’une même parcelle. Enfin je développerai sur un exemple de pratiques prenant en compte l’échelle inter-parcellaire, favorisant les relations sociales.

Partschins

Meran Naturns Elisabeth Viertler à Kastabell-Tscharsch

Tschars

Kastabell

Localisation des rencontres avec les acteurs locaux

99


/// D’une réflexion à l’échelle de la parcelle à celle de l’îlot

GÜNTHER WALLNÖFER À LAATSCH Présentation de sa pratique et de son exploitation Günther Wallnöffer est éleveur et maraîcher. Son exploitation se trouve dans le bourg du village de Laatsch, à 3 km de Mals im Vinschgau. Il élève une douzaine de vaches laitières, qu’il amène tous les jours paître sur les prairies à proximité du village. Ces parcelles, en location ou en sa possession, sont éparpillées sur les communes de Mals, Laatsch, Burgeis et Schleis.

Le maraîcher fournit le restaurant local du village ainsi que le supermarché. Parallèlement, il prend également part au concept du «Biokiste», en fonction des saisons. Matin et soir, l’éleveur amène son troupeau de vaches laitières depuis l’étable dans les prairies bordant le village et vice versa.

Piste cyclable et cheminement d’accès agricole

«Das ist mein Dinkelacker, das ist von ein anderen Bauer, das ist Grünland, das ist Rocken, Rocken, ...» «Ça c’est ma parcelle d’épeautre, cette parcelle appartient à un autre paysan, ça c’est de la prairie et ça c’est du seigle, et là aussi.»

« Und was dort auch noch sehr schön ist, du siehst, und sicher mit deinen Augen, hier steht einen alten Kirschbaum, der wächst so mit dem Wind, dass auf der seite gar kein Geäst sein.(...) » Piste cyclable le long de l’Adige

« Et ce qui est aussi très beau là-bas, tu vois, surtout avec tes yeux de paysagiste, ici il y a un vieux cerisier, il pousse comme ça avec le vent, il n’y a plus de branches sur ce côté (...) »

Étables Parcelle maraîchère

LAATSCH

Ich möchte gerne etwas machen auf diese Parzelle» « J’aimerai y faire quelque chose sur cette parcelle»

Prairie pâturée N

La commune de Laatsch

100

Bunker


Effets de sa pratique sur la vie culturelle et sociale de la commune : au travers de sa pratique, Günther Wallnöffer est en contact avec les habitants locaux ainsi qu’avec les touristes qu’il rencontre en empruntant la piste cyclable pour amener son troupeau dans la prairie par exemple. Sa participation à la vie du village se traduit par la vente de ses produits dans les magasins et les restaurants locaux mais également par la vie de la ferme située au cœur du bourg et empiétant ainsi sur l’espace public de ce dernier. Effets de sa pratique dans le paysage La diversité de sa pratique se traduits dans le paysage par l’enchaînement de parcelles variées le long de l’Adige et notamment le long de la portion de la piste cyclable reliant Schleis à Glurns par exemple. La succession et l’alternance des parcelles de céréales, des parcelles maraîchères, de prairies pâturées ou des prairies de fauche permet une diversité de matières et de couleurs qui rend le paysage dynamique. Dans son discours Günther met l’accent sur cet aspect. Il prend en compte les usagers de la piste cyclable, auxquels il souhaite offrir une vue sur un paysage

Corps de ferme

remarquable qui se différencie du paysage de la basse vallée caractérisée par la monoculture. Il réfléchit également activement à l’échelle de la parcelle, comment investir deux parcelles, inaptes au pâturage, de façon écologique afin de favoriser un habitat pour les auxiliaires et de mettre en valeur le paysage ? Il s’agit donc d’un acteur impliqué et motivé dans la démarche de développement d’un projet éco-paysager. Conscient de la richesse paysagère et culturelle de la commune, il semble primordial pour lui de rendre le caractère exceptionnel de la commune visible dans le paysage.

Traversée du village par le troupeau de bovins

«Mann muss es in der Landschaft sehen !» «On doit le voir dans le paysage !»

Le cerisier au sein des parcelles de seigle

101


/// Des actions à l’échelle parcellaire et inter-parcellaire favorisant les relations sociales

MAGDALENA & FRIEDL POBITZER Présentation de leur pratique et de l’exploitation

La vente des produits

Le couple Pobitzer est producteur de céréales (blé, seigle, épeautre, trèfle) et de pommes de terres sur 4,5 ha, des pratiques qui sont certifiées biologiques. Le corps de ferme se situe dans le bourg de Mals et les parcelles exploitées sont éparpillées sur les communes de Mals, Laatsch, Burgeis et Schleis. Une petite parcelle juxtant le corps de ferme leur permet également de cultiver quelques pommiers.

La vente des pommes de terres et des céréales et/ou farines se fait directement à la ferme, sur le marché du village tous les mercredis ou à des clients privés s’organisant en groupe «Gastgruppe» (de Meran et de Bozen). La farine est également livrée au restaurant «Lampl» ainsi qu’au «Bio Hôtel Panorama» à Mals. Pommes de terre (Pobitzer)

Haie bocagère le long du cheminement agricole

Seigle (Pobitzer) Haie bocagère partagée Choux traité

Piste cyclable et voie automobile entre Mals et Schleis Schleis

Prairie de fauche

Mals Mals

Prairie de fauche

Chemin d’accès agricole

Épeautre (Pobitzer) Haie fruitière

Prairie de fauche

102


La réflexion à l’échelle intra-parcellaire et l’accent mis sur les relations sociales. L’aménagement inter-parcellaire La pratique du couple étant certifiée biologique, se pose la question de la séparation entre les parcelles pour cause du danger de propagation des pesticides d’une parcelle à une autre. Une des solutions évoquées est la mise en place commune d’une haie bocagère par les propriétaires des parcelles mitoyennes.

Labourage

Des liens sociaux Les Pobitzer impliquent de nombreux acteurs dans leur pratique, une pratique qu’on peut qualifier de sociale. En effet, ils proposent régulièrement du travail aux réfugiés qui habitent le village, lors des récoltes. Parallèlement, depuis que leurs enfants ont quitté le domicile pour leurs études, Friedl et Magdalena accueillent des jeunes volontaires venant de l’étranger (par le biais de l’association «wwoof», World-Wide-Opportunities on Organic Farms), venant travailler à la ferme en échange du couvert et du logis. Enfin des groupes d’écoliers viennent également régulièrement visiter et suivre des petites formations ludiques à la ferme. Des machines partagées entre plusieurs agriculteurs Le couple prend part à un «Tauschring» (un anneau d’échange), crée depuis quelques années à Mals. Il s’agit d’une association où les habitants de la commune (ou des communes voisines) peuvent échanger des produits, des machines, des services, ... En guise d’exemple, le couple se fait livrer de la truite qu’ils échangent contre de la farine. Le tracteur dont ils ont besoin pour travailler la terre est emprunté et la moissonneuse est partagée avec deux autres agriculteurs de la commune.

Récolte avec les écoliers

Récolte avec les écoliers

103


/// Une multitude de pratiques à l’échelle de la parcelle

HELGA HABICHER MARTH À SCHLEIS Présentation de sa pratique et de son exploitation La ferme «Migihof» se situe à 1000 m d’altitude, en bordure du village de Schleis. Il s’agit d’une exploitation de 5ha et dont les productions sont biologiques depuis 1984. On y trouve 3 chevaux, 4 vaches laitières (Braunviehsucht), des parcelles de céréales (épeautre, blé et Seigle), des arbres fruitiers comme des pommiers (Goldparmäne, Kanada, Golden, Stark), des poires (Palabirne), des cerisiers et un petit jardin potager. L’agricultrice transforme elle même ses produits : confitures, pain, gâteaux, ou encore fruits secs. Ces produits sont vendus directement à la ferme dans un petit point de vente aménagé.

Migihof Prairie de fauche

Piste cyclable

Maïs

Lieu d’accueil du public et point de vente

Habitation

Adige Prairie pâturée

Vaches laitières Étable

Ubac

Compost

Jardin potager Verger

104


Une parcelle riche et rentable La particularité du «Migihof» est la diversité des produits que l’exploitation cultive sur une très petite surface de terres. En effet, la parcelle juxtant le corps de ferme fait un hectare et combine différentes activités. On y trouve les arbres fruitiers haute tige sous lesquels broutent les quatre vaches laitières. Sur cette même parcelle se trouve le petit jardin potager. Les autres quatre hectares sont plus éloignées de la ferme. Il s’agit de prairies fourragères ou de parcelles occupées par les céréales. Une ferme attractive et pédagogique La vente des produits à la ferme est accompagnée par un accueil du public durant la saison estivale. L’agricultrice présente alors sa pratique et offre des ateliers pédagogiques pour la transformation des produits.

L’étable

Le point de vente

Une réflexion à l’échelle de la parcelle et de son contenu Comment utiliser au maximum la surface d’une petite parcelle ? Telle est la question que se sont posés les agriculteurs du Migihof. Au vu du contexte foncier de la vallée où chaque agriculteur ne possède qu’un petit nombre de parcelles de taille réduite, l’exemple du Migihof peut être un modèle bénéfique autant en termes de rentabilité qu’en termes de fonctionnement écologique. Le devenir de la ferme est aujourd’hui assuré par les deux fils de l’agricultrice et de son mari. L’idée est d’agrandir et de moderniser l’espace d’accueil pour le public afin de favoriser la combinaison de l’activité touristique avec l’activité agricole.

Le verger pâturé

105


/// Une multitude de pratiques à l’échelle de la parcelle

ELISABETH VIERTLER Elisabeth Viertler, pédiatre, ancienne habitante de la commune de Mals, vit désormais à une trentaine de kilomètres de Mals, à Kastabell-Tschars, une commune située plus en aval de la vallée, à 580m d’altitude. Elle fait donc des allers-retours quotidiens entre Mals et Kastelbell-Tschars. Depuis quelques années elle a décidé de reprendre la propriété de ses parents, un corps de ferme avec deux hectares de pommeraies. Elle a alors voulu réexploiter le verger qui avait été laissé à l’abandon depuis une dizaine d’années. Elle a commencé par retirer les arbres de plus ou moins 18 ou 19 ans, qui ne se régénéraient plus. S’est alors posé la question, «que faire avec la terre entre les pommiers qui restaient ?» Elle ne voulait pas laisser cette terres à nue et souhaitait au contraire, la revitaliser. C’est ainsi que lui est venu l’idée de semer du seigle entre les rangées de pommiers. La pommeraie se caractérise aujourd’hui par quelques arbres haute-tige et des rangées de pommiers demi tige entre lesquels sont cultivés les céréales. Meran Mals Pommiers haute-tige

Corps de ferme Pommiers demi-tige

Monoculture pomicole Seigle

106


La diversification des cultures au sein de cette même parcelle permet non seulement un double usage de la terre cultivable, qui se fait rare en fond de vallée, mais également une diversification paysagère. En effet, la parcelle se démarque des parcelles de vergers alentours de par ses couleurs passant du vert clair en début de maturation au jaune une fois que le seigle est prêt à être moissonné. Il s’agit d’un changement paysager d’autant plus marquant à Kastabell, où on se trouve au cœur de la monoculture pomicole caractérisant le paysage de la basse vallée. La diversification des cultures au sein d’une même parcelle implique également des échanges de savoirs-faire et un développement des relations sociales. En effet, n’étant pas compétente dans le domaine, Elisabeth a fait appel au savoir-faire de Magdalena et Friedl Pobitzer, dont j’ai présenté la pratique précédemment. Ils l’ont conseillé et aidé dans les différentes étapes à suivre, du semis à la récolte. La récolte a permis un rassemblement d’acteurs locaux du village de Kastabell et de Mals.

«Mit dem Korn habe ich einen Inseln geschafft, einen wohllfühlinsel» «J’ai réussi à créer une île avec les céréales une île de bien-être»

Les fruitiers au sein de la parcelle de céréales

La moisson

107


RĂŠcolte des pommes de terre

108


2. L’apport des pratiques recensées pour la mise en place du projet

Les différentes pratiques recensées, m’ont permis de dégager des outils d’action qui viennent compléter les outils éco-paysagers dont j’ai pu rendre compte en amont. En effet, ces pratiques, bien qu’actant aussi en limites des parcelles, dépassent l’échelle inter-parcellaire pour proposer des pratiques agricoles alternatives au sein même de la parcelle. Des pratiques qui impactent non seulement sur l’aspect écologique mais qui dépassent également ce domaine pour impacter sur la vie sociale des habitants. Ainsi, la combinaison des cultures au sein d’une même parcelle permettra de ne pas laisser le sol à nu (comme le montre l’exemple d’Elisabeth Viertler) et de rentabiliser l’étendue de la parcelle à une double fin comme le montre l’exemple du Migihof, qui combine l’élevage et la production fruitière au sein d’une seule et même petite parcelle. Cette diversification et combinaison de cultures favorisera les échanges entre différents types d’habitats pour les auxiliaires de culture mais il s’agira également d’un concept favorisant le rassemblement d’acteurs par la diversification des activités, et donc de l’échange des savoir-faire. De la même manière, à plus grande échelle, la diversification des cultures et des activités agricoles à l’échelle de l’îlot favorisera également les échanges écologiques et créera un paysage diversifié et dynamique dont pourront jouir les autres usagers du territoire (le cycliste ou le passant qui emprunte la piste cyclable longeant ces parcelles par exemple). Parallèlement à la déclinaison des outils relevant essentiellement d’outils écologiques à l’échelle inter-parcellaire, il s’agira donc également de prendre en compte les pratiques dans leur ensemble pour rendre compte de la mosaïque paysagère qu’elle peuvent occasionner, qui sera au service d’un fonctionnement écologique riche à l’échelle du territoire. En effet, ces quelques exemples montrent des pratiques écologiques variées qui, a elles seules, forment déjà une hétérogénéité paysagère. Cette hétérogénéité, pourra être accentuée par la mise en cohérence de ces pratiques individuelles à plus grande échelle. La diversité des pratiques agricoles montre que la biodiversité ne dépend pas seulement de la présence ou non d’éléments écologiques et/ou paysagers sur un territoire mais qu’elle revêt également un visage humain au travers de la diversité des pratiques et des initiatives entreprises (notamment recensées dans la commune de Mals au sein de la première partie), qui entraîne une hétérogénéité de paysages. Il s’agit d’une biodiversité qui ne sera pas forcement linéaire mais plutôt vue comme des pas japonnais à l’échelle de la commune et de la vallée. De la même manière, il sera intéressant de retenir l’aspect social des pratiques recensées. En effet, les relations établies entre les différents acteurs au travers de leurs pratiques est un facteur essentiel que je prendrai en compte au sein du projet éco-paysager. Ces relations entre acteurs seront à prendre en compte à un large échelle notamment au moment de la mise en œuvre du projet afin que chacun puisse intervenir à son échelle et avec les moyens dont il dispose. Ainsi, la lecture paysagère et le relevé des composantes écologiques existantes, couplée à la découverte des initiatives locales et de la diversité des pratiques paysannes sur le territoire, me permettent de dégager trois grands axes directeurs qui guideront le développement du projet éco-paysager. - La mise en place d’outils éco-paysagers à l’échelle inter-parcellaire au service de la mise en place d’une charpente éco-paysagère (la réappropriation des outils de l’écologie du paysage) - La mise en cohérence de la diversité des pratiques agricoles (au sein de la parcelle) au service d’une mosaïque paysagère et écologique - Des pratiques agricoles favorables à l’enrichissement des relations sociales qui seront essentielles dans la mise en œuvre du projet

109


Pommeraie au sein des parcelles de cĂŠrĂŠales

110


III - Proposition d’un projet d’aménagement éco-paysager Dans un premier temps, la mise en parallèle des composantes écologiques existantes, des composantes qualitatives du paysage et des pratiques agricoles identitaires au territoire me permettront de réintroduire des outils éco-paysagers à l’échelle inter-parcellaire pour mettre en place une charpente éco-paysagère, qui revêtira une double fonction. D’une part elle sera support de richesse et de connexion écologique au service du développement de pratiques agricoles diversifiées qui guideront vers la préservation d’une mosaïque paysagère. D’autre part, cette structure éco-paysagère sera le moyen pour l’habitant local ou le visiteur extérieur au territoire, de découvrir la richesse du paysage de façon nouvelle au travers des cheminements qu’elle proposera , qui mettront en valeur et souligneront des impressions paysagères singulières. Cette charpente inter-parcellaire sera ensuite mise en parallèle et enrichie avec les pratiques paysannes variées au sein des parcelles, qui viendront alimenter et donner de l’épaisseur aux corridors éco-paysagers mis en place. Dans un dernier temps, cette mosaïque de pratiques paysannes sera remise dans un contexte plus large pour montrer en quoi cette diversité favorisée au sein du projet est non seulement écologique et paysagère mais résulte également d’une richesse de relations sociales au sein d’un réseau d’acteurs actant à l’échelle de l’exploitation, de la commune et de la vallée.

1. Avant propos à la constitution de la charpente éco-paysagère /// La prise en compte des structures paysagères existantes et des usagers du territoire /// La prise en compte de structures paysagères à trois échelles dans le dessin de la charpente /// La prise en compte d’un réseau de voies douces existant /// La prise en compte d’outils de protection et de gestion paysagers existant 2. La stratégie de projet

3. Une charpente éco-paysagère inter-parcellaire, un maillage longitudinal à enrichir

/// Les abords de l’Adige reflétant le caractère exceptionnel de la commune /// La réappropriation des abords du Punibach 4. Une charpente éco-paysagère inter-parcellaire, un maillage transversal à dévoiler /// Le canal «verger» 5. La prise en compte de la diversité des pratiques au sein des parcelles, vers un «tout éco-paysager» /// Une hétérogénéité de pratiques paysannes participant à l’enrichissement paysager et écologique des corridors /// Une hétérogénéité de pratiques paysannes favorisant une diversité et une richesse de relations sociales 111


Structure schématique de la charpente éco-paysagère

112


1. Avant propos à la constitution de la charpente éco-paysagère

/// La prise en compte des structures paysagères existantes et des usagers du territoire Le travail avec l’existant Dans un premier temps il est important de rappeler la philosophie du projet qui se propose de faire avec l’existant. Le recensement des pratiques réalisé en amont m’a fourni des outils d’aménagement. Parallèlement, le relevé d’une trame écologique et des qualités paysagères qui en résultent m’ont permis de définir les axes directeurs de la charpente éco-paysagère que je souhaite mettre en place. En effet ces différents corridors existants, relevés à des échelles variées vont être le lieu d’implantation et la base du développement écologique et paysager. Il est plus simple d’enrichir des habitats existants, même fragmentés et pauvres, que d’en recréer d’autres. Sur le plan purement scientifique, l’efficacité de la mise en connexion entre différents espaces au travers de «corridors écologiques», dépend de nombreux critères, de caractéristiques et de comportements des espèces concernées, des caractéristiques des composantes végétales du corridor et de la nature du contexte dans lequel ce dernier vient s’implanter. Cependant, le maintien et la restauration de la connectivité ne constituent pas un changement complètement artificiel du paysage mais un retour à une situation antérieure où les milieux étaient moins dégradés et moins fragmentés. Ainsi la priorité du projet sera de conserver les réseaux existants. En tant que paysagiste il s’agit également d’un choix de «précaution». En effet, les solutions proposées affirment moins l’idée de reconstituer un écosystème pour éradiquer les pesticides par un projet purement scientifique que de proposer une alternative à l’agriculture de masse au travers d’une structure paysagère qui favorisera le développement de pratiques agricoles diversifiées par le biais d’outils porteurs de richesse écologique. Tirer partie des richesses et des faiblesses du territoire Dans cette optique, (encouragement à la diversification) la prise en compte de la situation foncière particulière du territoire offre également des potentiels en termes d’aménagement. De par la taille réduite des parcelles et la multitude de propriétaires et/ou paysans qui y sont associés, il semble plus simple de développer une mosaïque paysagère. A l’inverse, cette situation foncière très divisée nécessite le développement d’actions communes où chacun prend part au projet éco-paysager, si l’on veut espérer la mise en place d’un projet qui ait du sens.

De la prise en compte des différents usagers du territoire Cette idée de développement d’actions communes ne s’arrête pas à la parcelle mais peut être vue de façon plus large, en voyant le territoire comme un système d’acteurs interdépendants. En effet, l’intérêt de la mise en place du projet éco-paysager réside entre autres dans le développement d’un nouveau rapport au paysage, autant pour le paysan que pour les autres habitants et usagers du territoire. Une nouvelle façon de travailler avec le paysage pour l’agriculteur, qui aura un impact sur «l’image» du paysage que vent le professionnel du tourisme et sur «l’image» du paysage associé au produit que transforme le restaurateur ou que vent le teneur du magasin fermier du village. Ceci démontre que chaque acteur a un intérêt à favoriser le développement du projet éco-paysager et donc de soutenir la mise en place d’une structure éco-paysagère qui, à première vue, dépend de la volonté et du travail de gestion du paysan. Il s’agira ainsi de développer un raisonnement impliquant tous les usagers du territoire au sein du projet éco-paysager. Une identité fruitière affirmée La commune de Mals se situe aujourd’hui dans l’espace «d’entre-deux» en mutation, où la monoculture pomicole rencontre un paysage diversifié et surtout une idéologie nouvelle croissante, désirant développer une multitude de pratiques respectueuses de l’environnement. C’est le fruit et notamment la pomme mais progressivement aussi la cerise, qui est au cœur des polémiques actuelles. La commune est considérée comme une porte d’entrée sur la vallée, il s’agit de la première grande commune en descendant depuis le col Résia. La mise en avant du fruitier permettra ainsi d’introduire l’identité fruitière de la vallée, tout en insistant sur son caractère diversifié. La commune devient une commune «laboratoire», singulière et attrayante, tout en s’insérant dans l’identité générale propre à la vallée, rendant compte d’un climat et d’une situation géographique exceptionnelle, permettant une multitude de pratiques. Ainsi c’est le fruit qui fait polémique et c’est le fruit que j’utiliserai en tant «qu’outil d’aménagement» porteur de richesse écologique, paysagère, sociale et culturelle, au service du développement d’un projet éco-paysager à l’échelle de la commune.

113


/// La prise en compte de structures paysagères à trois échelles dans le dessin de la charpente A l’échelle de la vallée, la principales structurante (et fil conducteur), à prendre en compte, est la colonne vertébrale formée par l’Adige se faufilant au cœur du fond de vallée. Il s’agit d’un premier lien à l’échelle de toute la vallée, un flux hydrique et une connexion végétale par la ripisylve et les forêts alluviales qui l’accompagnent. La «Stilfserjoch Staatsstrasse» permet à l’automobiliste de traverser la vallée, du col de Résia jusqu’à Merano. Il est intéressant d’observer l’évolution du paysage en empruntant cette voie qui surplombe légèrement le fond de vallée et permet donc des vues relativement dégagées. A l’échelle de la commune, le maillage (viaire et hydrique) à prendre en compte devient plus complexe. Ici les «Landesstrasse» permettent d’irriguer les bourgs depuis la route nationale principale. Parallèlement, une importante piste cyclable se développe le long de l’Adige, il s’agit de la fameuse «Vinschgauer Fahrradweg», bien connue par les cyclistes, qui relie Résia à Merano (80km). Des petites routes goudronnées viennent compléter ce réseau permettant la servitude des parcelles en voiture, pour les machines agricoles ou pour les troupeaux. Ces voies sont également beaucoup empruntées par le piéton et le cycliste. A cette échelle seront également pris en compte les cours d’eau secondaires rejoignant l’Adige depuis les vallons adjacents et les canaux d’irrigation. A l’échelle de l’îlot, on distingue les outils spatiaux qui sont à notre disposition pour la constitution de la structure. A cette échelle, le réseau viaire est complété par les cheminements d’accès agricoles. Cette trame est relativement dense du fait de la forte division foncière, chacun a besoin d’un accès à se petite parcelle au sein des îlots faits d’innombrables petites unités. On distinguera ensuite des éléments ponctuels comme les arbres ou arbustes isolés qui marquent les bords des canaux d’irrigation ou qui se trouvent en limites de parcelles. Parallèlement, bien que peu nombreuses en fond de vallée, les quelques haies bocagères sont également importantes à prendre en compte. De manière plus générale, les limites de parcelle sont à considérer de par leur largeur et la façon dont elles sont traitées (haie, bandes enherbées, barrières, ...), des aménagements qui seront porteurs de richesse et décisifs dans la façon dont sera matérialisée la structure éco-paysagère. Des éléments paysagers remarquables tels que les bunkers datant de la seconde guerre mondiale, sont encore très présents dans le paysage. Ils sont aujourd’hui pour la plupart enherbés et peu ou pas entretenus. Il s’agit pourtant de composantes porteuses de richesse dans la lecture paysagère. En effet, il s’agit d’architectures permettant au promeneur de prendre de la hauteur et d’avoir une vue lointaine et dégagée sur le paysage. Inversement il s’agit également de points d’appels.

114


Po m

Ar

br es

Ch

em

1

in

et

ag

arb

me

us

tes

Rip

Ve rg

er

isy

iso

lés

lve

Bu

Ve rg de

er

po

mm

ole

a

irrig

l d’

a Can

ce

ris

s

ier

s

tion

riga

’ir al d

Ar iso bres lés et a

tion

de

ier

nk er

ric

1

rb

us

tes

2

em Ch

2

rai e

Rip

Ar n iso bres Ca lés et arb us

isy

tes

lve Rip

isy

tion ’irriga

lve

e

col

gri

in a

ld Cana

4

ycl

Bu

nk er

ab

le

na mu

co m te

te

u Ro

ale

3

gère

on

ca boc

ati

n te

Ro u

Haie

u Ro

h

ibac Pun

nk er

le

ige

Ad

Bu

Échelle de l’îlot

cole

ec

agri

Pis t

4

Che min

3

Ve rg

er

de

po

mm

Ve rg

er

de

Ce ri

sie

rs

ier

s

le

na

tio na e

ig Ad Échelle de la commune

t Forê

viale

allu

Rou

Route natio n

ale

iale

lluv

Échelle de la vallée

ta Forê

ale

ion

at te n

ge

Adi

Adige

115


/// La prise en compte d’un réseau de voies douces existant Le réseau de cheminements doux et sa politique de valorisation Je reviendrai brièvement sur l’analyse du réseau de cheminements de randonnée et cyclable relativement dense, introduite précédemment à l’échelle de la commune, ainsi que la politique de gestion et de mise en valeur qui y est associée.

Un réseau de chemins de randonnée dense

Panneau d’information sur le réseau cyclable à Laatsch

116

Les «Waale», importants éléments patrimoniaux historiques de la commune et notamment de l’Obervinschgau, sont à l’heure actuelle en partie supports de chemins de randonnée, qui sont dûment répertoriés sur les cartes topographique mais également sur la carte interactive mise à disposition sur le site internet de la Province autonome de Bozen, on parlera alors de «Waalwege». Ici, l’aménagement touristique permet de préserver le patrimoine lié au canal d’irrigation, qui n’est plus utilisé à des fins agricoles. Bien que relativement bien développé sur les versants nord et sud avec les chemins du «Oberwaal» , du «Mitterwaal» ou du «Unterwaal», par exemple, le réseau n’est pas ou peu développé le long des canaux d’irrigation en fond de vallée. On distingue le tracé de deux chemins de randonnée qui traversent le fond de vallée. On perçoit un cheminement au niveau de la Tartscher Bühel, rejoignant ensuite le cône alluvial de Glurns. Plus au nord on distingue un second cheminement, traversant la Malser Heide et liant le bourg de Burgeis au versant opposé. Parallèlement, les pistes cyclables, relativement récentes, constituent elles aussi un réseau important à prendre en compte à l’échelle de la commune ainsi qu’à l’échelle de la vallée avec la Via Claudia Augusta, reliant Meran à Rechen. En effet, représentées en vert sur la carte ci-contre, ces voies gérées par le pays de Meran, constituent une attractivité touristique majeure pour le Vinschgau, notamment au travers de la publicité et de l’offre en termes de services qui est faite autour de ce réseau. Ce réseau cyclable est associé à d’autres moyens de transport par le biais d’accords passés avec le «Vinschger Bahn1» ou le «Vinschgau Bike Shuttle Service2» par exemple pour offrir au touriste un accès aisé aux différentes communes du Vinschgau. Par ailleurs un service de location de vélo est proposé dans de nombreuses communes du Vinschgau. D’importants moyens de promotion de ces voies et d’information sont mis en place par la Province autant en termes de signalisation que d’informations en ligne ou encore dans les offices de tourisme. En effet, nombreux sont les sites internet et les plans distribués dans les offices de tourisme, par lesquels, le touriste est

renseigné sur les itinéraires et notamment sur les paysages et monuments, identitaires de la région qu’il découvrira par le biais de ce cheminement. Parallèlement, des évènements sont organisés pour promouvoir l’activité cyclable dans la vallée, à titre d’exemple on pourra citer la «Vinschger Radtag3» ou encore le «Stelviobike4». Ainsi ce réseau de voies douces est essentiel à prendre en compte dans la définition de la structure du projet éco-paysager. Il s’agit d’un maillage sur lequel je viendrai respectivement m’appuyer, en requestionnant leurs abords, et compléter, par l’aménagement de nouvelles voies pour enrichir la charpente éco-paysagère. Par ailleurs, ce réseau et la promotion touristique de la région qui y est associée va pouvoir servir à ancrer le projet au sein d’un itinéraire culturel et touristique à l’échelle de la vallée. La commune, marquant l’entrée ouest de la vallée et dont le caractère exceptionnel va être accentué, constituera alors un des temps forts au sein de cet itinéraire.

Voie ferrée du Vinschgau «Navette des cyclistes du Vinschgau *3 La journée du vélo dans le Vinschgau *4 Le vélo du Stelvio (lié au parc naturel national Stelvio situé au Sud de Prad am Stilfserjoch) *1 *2


Burgeis

Oberwaalweg

Oberwaalweg Tartscher Bühel *1

Via

*2

Cla

ud

ia

Au

Cône alluvial de Glurns

gu

sta

*3

*4

*5

Chemins de randonnée Routes communales et nationales 3 Routes communales et privées 4 Voies de chemin de fer 5 Pistes cyclables 6 Routes principales 1 2

*6

0m

600m

Carte interactive de la commune de Mals (Province autonome de Bozen)

117


/// La prise en compte d’outils de protection et de gestion paysager existants Les apports du «Landschaftsplan1» La prise en compte des structures à différentes échelles, m’amène également à revenir sur le plan paysager «Landschaftsplan» dont les communes de la Province autonome de Bozen sont munies depuis le passage de la loi Galasso. Le plan paysager actuel de la commune de Mals date d’août 2011. Il s’agit d’un outil important à prendre en compte dans l’établissement du projet éco-paysager. Comme j’ai pu l’introduire dans la seconde partie, les plans paysagers recensent la richesse paysagère et les espaces naturels protégés, leur réglementation vise à empêcher les dégradations du paysage, elle se rapproche de celle des parcs naturels régionaux français. Ainsi ce plan me renseigne sur les espaces naturels riches, les biotopes, la localisation précise des canaux d’irrigation historiques (waale), des monuments naturels, etc. Ce plan est accompagné d’un rapport écrit qui décrit le territoire et notamment les différentes petites communes formant l’ensemble de la commune de Mals, les espaces naturels protégés et les espaces d’intérêt paysager. Il pose également des mesures de protection et des recommandations de gestion. Cette réglementation doit par exemple guider le plan d’urbanisme en établissant des «bannzone» par exemple (représentés par des rayures bleues sur la carte ci-contre), des zones destinées à protéger les espaces à valeur paysagère particulière contre l’étalement urbain. *1

«Plan paysager»

«Au niveau de la Malser Heide, du fait de la modernisation du système d’irrigation, les canaux d’irrigation perdent leur fonction et sont pour cela potentiellement mises en danger» *2

«Tous les murs en pierres sèches, mais aussi les tas de pierres, les anciens chemins, les haies et les bocages sont protégés en raison de leur enrichissement esthétique pour le paysage culturel et l’apport de petits habitats pour une diversité d’espèces végétales et animales. Les cheminements historiques et significatifs dans le paysage couplés à la végétation qui les borde, sont également à préserver» *3

*4

118

«Ils représentent des corridors naturels importants»

Le réseau hydrographique, constituant une des structures majeures sur laquelle je souhaite me baser pour construire le projet, se trouve dans la catégorie «Geschützte Landschaftselementen» c’est-à-dire, «éléments paysagers protégés». On retrouve ici les cours d’eau comme l’Adige ou le Punibach mais également les «Waale» (canaux d’irrigation). «Im Bereich der Malser Heide verlieren die Waale nach Errichtung der Beregnungsanlagen hingegen ihre Funktion und sind dadurch potentiell gefährdet.2» Ces canaux demandent à être préservés pour le maintien du paysage culturel, identitaire du territoire. Dans la même catégorie, le rapport évoque la nécessite de protéger les murs en pierre sèche et les haies bocagères : «Alle Trockenmauern, aber auch Lesesteinwälle, alte Pflasterwege (auch Überreste), Feldhecken und Flurgehölze sind geschützt wegen ihrer ästhetischen Bereicherung für die Kulturlandschaft und dem Angebot an

Kleinlebensräumen für eine Vielzahl von Pflanzen- und Tierarten. Auch andere historisch - landschaftlich bedeutsame Wege sind zusammen mit deren Holzumzäunungen als ebenfalls erhaltenswert einzustufen.3» Enfin, les cours d’eau sont considérés comme des corridors naturels majeurs : «Sie stellen wichtige Naturkorridore dar4» Les mesures de protection isolées de structures ou d’espaces paysagers remarquables ne permettant pas d’assurer une gestion et une préservation globale du paysage culturel de la commune, le dernier point du rapport écrit concerne l’aménagement et la gestion paysagère, «Landschaftsentwicklung und -pflege». Dans un premier temps ce point s’attache à proposer un concept d’aménagement paysager global pour la commune. Le développement d’un plan paysager directeur à l’échelle de la commune permet à cette dernière de participer activement au devenir de son paysage. Un inventaire paysager et un règlement de protection des arbres, un plan d’aménagement des espaces verts pour les espaces urbains ou encore la mise en place d’un programme de développement du paysage culturel entend améliorer la prise en compte de la question paysagère à l’échelle de la commune. Parallèlement, le plus grand pouvoir accordé à la commune dans la gestion de son paysage culturel et l’accent mis sur la sensibilisation et la participation citoyenne au travers de la mise en place de groupes de travail, entend faciliter les prises de décision et la coopération de la part de la population locale. Enfin, le document introduit brièvement les différentes mesures agro-environnementales comme étant des outils importants pour la gestion du paysage. Ainsi, des primes sont accordées par la région du Tyrol du Sud, au travers du règlement fixé à l’échelle de l’Union Européenne, en faveur d’une agriculture écologique. Des subventions sont donc versées pour l’entretien des prairies en zone humide par pâturage, l’entretien des prairies de montagne et des pelouses maigres, l’entretien des haies bocagères, etc. L’entretien d’éléments paysagers ponctuels tels que les murs en pierre sèche, les clôture et les architectures traditionnelles, ainsi que des activités agricoles traditionnelles sont également favorisées par des aides financières.


Punibach Adige *1

*2 *3

*4 *5

Monuments naturels Biotopes *3 Elements paysagers protégés *4 Parcs naturels et nationaux *5 Espaces paysagers protégés *1 *2

Plan paysager de la commune de Mals (Province autonome de Bozen)

0m

1000m

119


2. La stratégie de projet

Le relevé d’une trame écologique existante à différentes échelles couplée à l’analyse des flux (hydrographique, piéton, cyclable, automobile), le tout s’insérant dans - et engendrant - un paysage dont j’ai pu rendre compte au préalable seront les éléments clés sur lesquels je me baserai pour établir les lignes directrices de la charpente paysagère et définir les différentes formes qu’elle pourra prendre. L’analyse des usages et des pratiques agricoles variées à l’échelle de la vallée et/ou de la commune, ainsi que les éléments paysagers remarquables à l’échelle parcellaire et inter-parcellaire me permettront de guider la «façon» dont je construis cette charpente et m’inciteront à utiliser certains outils spatiaux et écologiques plutôt que d’autres afin d’ancrer le projet au mieux dans la réalité et l’identité du territoire.

Une stratégie de projet divisée en plusieurs temps Un travail sur une ossature «inter-parcellaire», paysagère et écologique sera constituée par des corridors longitudinaux et transversaux qui sont respectivement à exploiter et à dévoiler. En effet, la trame longitudinale et transversale du réseau hydrographique et végétal ont des enjeux variés dans la constitution de la charpente. 1 - Le réseau longitudinal, caractérisé par des ripisylve plus ou moins denses le long de l’Adige et du Punibach, est à exploiter de par sa richesse écologique et à considérer dans son épaisseur afin d’y inclure différents usages et parcelles agricoles mais également d’exploiter la contrainte topographique de ses abords pour la mise en avant de points de vues singuliers et d’éléments paysagers remarquables.

Maillage : Action de former un réseau, de disposer une grille qui recouvre, enserre, etc. (Larousse) Trame : ensemble des fils tendus sur le métier à tisser et passant transversalement entre les fils de la chaîne pour constituer un tissu (Larousse) Matrice : Dans un composite, liant qui assure la cohésion entre différents éléments d’une armature formée de fibres, de tissus, etc. (Larousse)

120

2 - Les axes transversaux, quant à eux, sont à dévoiler avant d’être exploités. Il s’agit de dévoiler la présence de cette trame et son potentiel en le considérant comme une structurante majeure du paysage. En effet, au-delà de leur qualité patrimoniale et culturelle, ces canaux d’irrigation ont également un enjeu écologique et paysager fort pour le projet. Ils seront support de richesse écologique, permettront la circulation piétonne et offriront une lecture paysagère nouvelle. Un travail sur une ossature «intra-parcellaire» se basant sur la diversité des pratiques agricoles et mettant en avant un système de production agrobiologique, ajoutera le facteur humain dans l’enrichissement de la charpente.

3 - La mise en évidence d’une biodiversité au sein des parcelles et des pratiques agricoles écologiques variées qui y sont associées viendra enrichir la charpente mise en place mais également l’épaissir par endroits. Il s’agit d’une mise en parallèle entre une structure linéaire et une structure plus dense, faite de tâches et de surfaces à l’échelle de la commune et de la vallée. Ces liens écologiques sont d’une autre nature que les autres composantes écologiques mises en œuvre jusqu’à présent. C’est désormais le facteur humain qui est considéré et qui fait partie intégrante de la composition de la structure éco-paysagère. Ainsi la diversité paysagère recherchée passe aussi et surtout par une hétérogénéité de pratiques. Un travail sur une ossature de relations sociales sera la moyen de resituer le réseau écologique de pratiques dans un contexte social plus large, caractérisant un partage et l’interrelation entre une hétérogénéité d’acteurs qui partagent un même espace. 4 - En montrant en quoi les pratiques agricoles sont connectées et animent la vie rurale au-delà des limites de l’exploitation, j’inclurai un nombre plus important d’acteurs dans la mise en œuvre du projet. Ainsi, ce dernier temps sera l’occasion d’ouvrir la réflexion sur le déploiement du projet éco-paysager dans la réalité du territoire en m’interrogeant sur le rôle de chaque acteur dans la mise en place du projet en considérant le tout comme un système en interrelation à des échelles variées.


1

2

Une ossature inter-parcellaire

Bourgs Adige et Punibach Canaux d’irrigation Piste cyclable et chemins d’accès agricoles goudronnés Parcelles agricoles aux pratiques écologiques Bunkers réinvestis

3

Une ossature intra-parcellaire

4

N

Carte de stratégie

La réappropriation des berges des canaux d’irrigation Épaississement du corridor écologique formé par l’Adige et le Punibach

121


122


3. Une charpente éco-paysagère inter-parcellaire : un maillage longitudinal à enrichir

Les deux corridors longitudinaux majeurs de la commune se distinguent à l’heure actuelle par une appropriation différente de leurs abords. Depuis le col de Résia jusqu’à Meran, l’Adige est jouxtée par l’aménagement d’une piste cyclable permettant au cycliste et partiellement au piéton de longer la rivière tout au long de la vallée. A l’inverse, les abords du Punibach ne sont que peu appropriables, mis à part au sein du village de Mals ou en empruntant des chemins d’accès agricoles.

Burgeis

Adige

Puniba ch

Chacun des cours d’eau est longé par une ripisylve relativement dense, qui se démarque dans le paysage ouvert de la haute vallée. Une ripisylve support d’une richesse en termes de biodiversité dont les parcelles adjacentes peuvent profiter au travers d’un travail à l’échelle inter-parcellaire, en exploitant les éléments tels que les cheminements agricoles et les arbres et arbustes ponctuels existants. Cette mise en lien permettra d’épaissir les corridors et d’intégrer les parcelles agricoles au sein de leur emprise. Parallèlement, ces connexions seront support de cheminements piétons irriguant le corridor de façon transversale mais également de façon longitudinale comme le montrera le cas du corridor longeant le Punibach.

Mals im Vinschgau Schleis Tartsch

Laatsch

Glurns

123


/// Les abords de l’Adige reflétant le caractère exceptionnel de la commune

Adige

Puniba ch

Burgeis

Mals im Vinschgau Schleis

Tartsch

Laatsch

Glurns

Le corridor le long de l’Adige

124


Comme l’a été introduit plus en amont, l’Adige et ses abords présentent une hétérogénéité d’expériences paysagères de par l’évolution de la morphologie du terrain et de par l’aménagement de ses abords depuis le col de Résia jusqu’à la ville de Merano, notamment pour la pratique cyclable. En effet, de nombreux amateurs de cyclisme viennent emprunter cette belle piste.

cultures. Ces différents objectifs seront entre autre illustrés au travers d’exemples d’aménagement à l’échelle de l’exploitation agricole de Günther Wallnöffer, éleveur maraîcher à Mals. Je pourrai ainsi montrer en quoi son idéologie et ses convictions sont porteuses de richesse dans la mise en place de la structure éco-paysagère et en quoi cette idéologie peut être traduite spatialement.

Je m’appuierai sur l’exemple du fleuve traversant le village de Laatsch, pour montrer en quoi la richesse de ce corridor peut être profitable aux parcelles agricoles alentours et comment ce corridor peut s’élargir en y intégrant ces parcelles agricoles. Parallèlement je montrerai en quoi la perception du cycliste, usager majeur des bords de l’Adige, sera prise en compte dans le travail sur la qualité paysagère au travers d’une réflexion à l’échelle de l’îlot et de l’enchaînement des parcelles de

«Il faut que la différence se voit dans le paysage» (Günther W.)

Pour réponde à ces enjeux, je m’appuierai sur les outils précédemment cités tels que les bunkers, les chemins agricoles et les masses végétales isolés, mais également sur l’occupation même des parcelles.

125


L’épaississement du corridor au travers de l’intégration de l’exploitation agricole dans la charpente paysagère. Comment la pratique et la réflexion écologique de Günther Wallnöffer fait partie intégrante de ce réseau et comment peut-elle venir se développer grâce à cette charpente ? L’exemple de l’exploitation de Günther Wallnöfer, éleveur et maraîcher à Laatsch, souligne à nouveau la particularité de la situation foncière évoquée précédemment. Les petites parcelles sont très dispatchées dans la commune mais également au-delà des limites communales. Ceci offre des avantages et des inconvénients en ce qui concerne les intentions de projet. D’une part, par les pratiques agro-écologiques et paysagères à l’échelle de ses parcelles, l’agriculteur impacte de façon (généralement) positive sur les parcelles adjacentes. Ainsi ces actions peuvent se propager rapidement à l’échelle de la commune. Inversement, cette situation très morcelée présente des difficultés pour l’agriculteur ayant la volonté de mettre en place des pratiques écologiques si son voisin utilise toujours des intrants chimiques. Ainsi malgré leur volonté d’adhérer à une agriculture biologique, de nombreux agriculteurs sont à l’heure actuelle encore pénalisés par les parcelles voisines d’où proviennent des pesticides même en petite quantité.

Un projet éco-paysager partagé. L’échange de bons procédés entre la parcelle de seigle et la pommeraie en faveur de la connexion de l’îlot au corridor et une meilleure intégration paysagère de la pommeraie au sein du paysage ouvert de parcelles fourragères et céréalières.

Le défi face à cette situation foncière repose donc sur la construction d’un projet commun partagé. Pour se faire, l’intervention à l’échelle de l’exploitation de Günther Wallnöfer me permettra de montrer par quels moyens un échange (sous différentes formes) peut avoir lieu entre l’occupation des différentes parcelles agricoles afin que l’une serve à l’enrichissement de l’autre. Parallèlement ce sera par un travail en limite de parcelle que celle-ci pourra être connectée au corridor écologique que constitue l’Adige et sa ripisylve et qu’elle pourra en devenir une composante à part entière. Dans un second temps, une réflexion à l’échelle de l’îlot permettra de prendre en compte les usagers de ce corridor, par un travail sur la perception qu’ils peuvent avoir du paysage de la commune qui marque la porte d’entrée sur la vallée. Comment la commune se démarque-t-elle des communes voisines ? Comment cela se traduit dans le paysage ? «Il faut qu’on voit le caractère exceptionnel de notre commune, il faut qu’on le voit et qu’on le devine dans le paysage» (Günther Wallnöfer)

126

Un mise en lien écologique et piétonne entre l’espace en creux de l’Adige et le haut de la digue au profit de nouvelles expériences paysagères.


Vers Schleis

Vers Schleis

Laatsch

Vers Glurns N

Interventions le long de l’Adige

0

100 m

Vers Glurns

Le réinvestissement des parcelles agricoles non exploitées comme connexion écologique «partagée» et comme marqueur dans le paysage (Couleur, volume, forme). Un espace ponctuel marquant pour l’usager de la piste cyclable le long de l’Adige et servant de pas japonais aux auxiliaires de culture et aux pollinisateurs.

127


3 1

2

Point de vue sur le talus entre le vallon de l’Adige et la partie haute

128

« Là on voit un arbre qui est remarquable de par sa forme taillé par le vent » (Günther W.)


Frêne, aulne, ...

Noisetier, cornouiller, prunelier, ...

Bande fleurie de fleurs messicoles

Dans la volonté de développer le corridor de l’Adige en épaisseur il s’agira dans un premier temps de raccorder sa ripisylve avec les parcelles alentours par le biais d’un travail sur les limites de parcelles, entre l’espace en creux au fond duquel coule l’Adige et le paysage ouvert en haut du talus. Il s’agira ainsi de requestionner des voies d’accès agricoles existantes, de réaménager les abords des canaux d’irrigation ou simplement d’épaissir par endroits l’espace inter-parcellaire Ces axes perpendiculaires à l’Adige, supports de liens écologiques, seront également support de cheminements piétons, qui permettront de relier la voie cyclable et piétonne qui longe le fleuve avec la petite route secondaire parallèle, en haut du talus. L’établissement de ces liens entre la partie haute et la partie basse permettra des points de vue intéressants, d’un côté sur le vallon au fond duquel coule l’Adige et de l’autre côté une vue ouverte sur la Malser haide et l’aval de la vallée. C’est la transition entre ces deux paysages, l’un enclavé, densément végétalisé, où broutent quelques vaches laitières, et l’autre, ouvert, très légèrement vallonné, où alternent des parcelles céréalières, fourragères et dans une moindre mesure des pommeraies, qui sera importante à mettre en valeur.

Graminées (fétuque, Ray-Grass, fléole,...)

Une mise en lien au travers des limites de parcelle

«Quand on passe ce petit espace buissonnant, on débouche sur un espace tout a fait ouvert» (Günther Wallnöfer) 1 - Des connexions transversales au sein du corridor longitudinal Même si le caractère très ouvert en haut du talus est à maintenir, les connexions éco-paysagères à mettre en place en limites de parcelle entre l’Adige et la partie haute de la digue, devront avoir un rôle «d’indicateur» pour le passant et notamment le cycliste. Ainsi on avantagera les alignements d’arbres haute tige, qui seront repérables de loin au sein des champs de céréales et des prairies. Ces alignements permettront à l’usager du cheminement qui y est associé de profiter de vues cadrées sur le paysage, tout en étant guidé jusqu’à la piste cyclable et piétonne. Au pied de ces arbres, une strate arbustive basse sera caractérisée par des noisetiers, des cornouillers, du fusain ou encore des aubépines. Une strate herbacée bordera le canal d’irrigation existant. De part et d’autre du canal, cette strate sera caractéristique des abords des cours d’eau comme les graminées tels que la fétuque, le ray-grass ou encore la fléole. Sur le talus entre le cours d’eau et la parcelle de seigle, ces graminées seront enrichis par une flore messicole (sur laquelle je reviendrai par la suite).

1m Seigle

Canal d’irrigation

2,5m Chemin agricole existant

Alignement d’arbres

Prairie pâturée

1 Une mise en lien entre le haut et bas de la digue

129


Grand coquelicot, bleuet, chrysanthème des moissons, ...

Grand coquelicot, bleuet, chrysanthème des moissons, ... 1m Seigle

Afin de favoriser le développement de la structure écologique en haut du talus, au sein des parcelles céréalières et des prairies, il s’agira d’exploiter les outils écologiques et paysagers qui sont mis à ma disposition pour permettre la diversification du maillage éco-paysager.

3m

Bande fleurie messicole

1m

Voie cyclable

Bande fleurie messicole

Seigle

2 Des abords de chemin enrichis

0,5m Seigle

0,5m

Bande de flore Bande Bande de flore messicole d’herbes messicole rases

3 Expérimentation paysagère en cœur d’îlot

130

1m

Seigle

2 - Des abords de chemins enrichis Le long de la petite route secondaire qui relie Laatsch à Schleis, les abords seront requestionnés et réinvestis par la mise en valeur ou l’épaississement de la bande fleurie messicole préexistante. Le périmètre de cette bande se situe entre la voie cyclable et les cultures, mais pourra également empiéter au sein de la parcelle céréalière en envisageant un travail en coopération avec l’agriculteur qui gère les abords de sa parcelle de façon extensive en échange d’une prime compensant la perte de rendement par exemple. Cet élargissement sera facteur de richesse écologique pour la parcelle agricole que cette bande longera mais également pour les parcelles alentours. De par les tons rouges, bleus, violets et les nuances de verts, il s’agira d’une bande florale dont l’esthétique sera facteur d’enrichissement paysager le long du cheminement piéton et cyclable. Reste alors la question de la gestion de ces bandes fleuries qu’il faudra penser en amont de l’aménagement et dont il faudra convenir au préalable avec les agriculteurs locaux. Une préconisation de fauche tardive à la fin de la saison estivale (fin septembre) est tout d’abord à prévoir pour le maintien de la biodiversité dans ces espaces. Il sera intéressant d’envisager un accord entre l’agriculteur qui exploite la ou les parcelles que la bande fleurie borde et la commune. Une entente concernant une date et une modalité de fauche particulière pourra par exemple être passée en contre-partie d’un compensation financière de la part de la commune. Cependant l’importante division foncière rendra parfois difficile d’impliquer la totalité des agriculteurs dans cette gestion. Une seconde possibilité sera d’impliquer un nombre limité d’agriculteurs gérant les bandes sur une certaine distance. (La distance entre Laatsch et Schleis par exemple pourra être gérée par les deux ou trois agriculteurs exploitant la plupart des parcelles bordant la piste cyclable. (2) 3 - Expérimentation paysagère en cœur d’îlot Dans le but d’affiner le maillage écologique et d’irriguer les parcelles céréalières, ces banquettes de flore spontanée le long de la piste cyclable pourront se prolonger de façon linéaire, en cœur d’îlot en limites des parcelles cultivées (ici le seigle et l’épeautre), et permettront par endroit le passage du piéton qui profitera d’une large vue sur l’aval de la vallée. Le promeneur pourra ainsi expérimenter une am-


biance paysagère singulière propre à cet espace très ouvert de la commune où le micro-relief offre des cadrages sur les montagnes alentours, soulignées par l’ondulation du champs de céréales sous l’effet du vent omniprésent. Il sera envisageable d’élargir ces banquettes marquant la limite entre deux parcelles, pour également y permettre le passage d’engins agricoles. Pour cela, un accord devra néanmoins être passé avec les propriétaires respectifs de ces parcelles (3) La flore messicole, étant un bon indicateur de biodiversité, et dont la présence dépend directement de l’activité agricole, ancre la céréaliculture au sein du territoire comme étant une des composantes majeures de la mosaïque paysagère. Il s’agit d’un couloir de végétation favorable au refuge, au déplacement et à la nourriture des auxiliaires de culture et des pollinisateurs. En été, cette flore attire un grand nombre d’insectes qui à leur tour attirent les oiseaux en quête de nourriture. Enfin, les graines produites par le cortège de fleurs attirent les rongeurs des environs. Ces banquettes de flore messicole présentent une période de floraison relativement longue. Les essences les plus communes sont le coquelicot, la matricaire, la nielle des blés ou encore le bleuet et d’autres essences spontanées ou issues des cultures antérieures. La plupart d’entre-elles germent à l’automne ou en hiver et fleurissent en juin ou en juillet, avant la moisson. Les messicoles printanières quant à elles, fleurissent dans les chaumes, après la moisson. A titre d’exemple, le coquelicot fleurit de juin à juillet, le bleuet, qui attire un grand nombre d’abeilles, fleurit de juin à août, le chrysanthème des moissons quant à lui, fleurit de juin à septembre. La bonne gestion de ces espaces est donc primordiale pour le maintien de la richesse biologique dont ils attestent. Même si la taille réduite des parcelles n’encourage pas à la culture extensive des céréales, il sera cependant important d’attribuer un traitement favorable à ces bordures de parcelles qui peuvent de façon générale paraître moins productives en termes de rendement céréalièr mais qui seront support d’une richesse écologique favorable à l’augmentation de ce rendement à l’échelle de la parcelle voire de l’îlot. Il s’agit d’une bande qui ne devra pas être fertilisée et où aucun traitement phytosanitaire ne sera appliqué.

Bande fleurie messicole entre Laatsch et Schleis

131


«On a paysage si beau et si ouvert et tout à coup on a cette tâche en plein milieu de nos champs»

(Günther W.)

Confrontation de la parcelle de seigle et la pommeraie le long de la piste syclable

132


L’échange de bon procédés pour un paysage partagé La cohabitation et l’interaction des cultures au sein même des parcelles cultivées. La pommeraie située au milieu des champs de céréales au nord de Laatsch, au bord de la piste cyclable, est une parcelle expérimentale appartenant à l’État, qui y teste la répercussion des pesticides sur l’environnement et sur les parcelles voisines. Dans cette optique on peut se questionner sur le potentiel de cette parcelle. En effet, s’agissant d’une parcelle expérimentale, dont le but premier n’est pas la rentabilité, j’envisagerai d’y proposer une autre expérimentation, en accord avec le devenir de la commune. Plusieurs enjeux peuvent se rencontrent au sein de cette parcelle. En prévision de l’interdiction totale de l’utilisation des pesticides dans la commune, cette parcelle pourra revêtir un autre rôle, au sein du projet que je souhaite mettre en place. D’une part, elle pourra participer à l’image de la commune qui souhaite affirmer son caractère exceptionnel, en y proposant l’expérimentation d’un autre type de pomiculture, une pomiculture qui mettra en œuvre des procédés écologiques. Elle aura donc un rôle pédagogique et de «promotion» d’un nouveau modèle de production à l’image de la philosophie de la commune. Ce modèle divulguera un mode de production écologique qui impliquera un changement de structure du verger mais proposera également une association de cultures au sein d’une même parcelle en travaillant sur l’espace compris entre et sous les rangées de pommiers. Cette association de cultures sera l’opportunité d’encourager un échange entre les agriculteurs : un échange de services rendus, un partage de la rentabilité et un échange de savoir-faire. Par ce raisonnement, le défi sera de contre-dire le discours porté par Günther Wallnöfer, dont la citation ci-contre rejoint le discours propre à de nombreux autres agriculteurs de la commune, engagés dans la lutte contre les effets dévastateurs de l’arrivée massive de la pomiculture. En effet, le défi sera de ne plus voir le verger comme une «tâche» au milieu d’un paysage diversifié mais d’en faire un des éléments constitutifs de cette diversité et participant à la valorisation d’un patrimoine paysager et agricole. La confrontation des parcelles de céréales de Günther et la pommeraie est l’occasion de travailler sur une meilleure intégration du verger dans un système écologique et dans un paysage singulier. Il s’agit de ne plus le voir comme un élément synonyme de perturbation mais au contraire de la voir comme une culture qui peut

être porteuse de richesse dans un ensemble paysager hétérogène. Comme l’a été explicité plus en amont, la céréaliculture détient une place importante dans l’histoire de l’Obervinschgau. Bien qu’en grande partie disparue de la région avec l’arrivée de la production pomicole massive, la culture de seigle, d’épeautre et de blé reprend de l’importance dans le paysage depuis ces dernières décennies. Deux cultures se font ainsi face et doivent cohabiter. La mise en relation entre ces deux cultures semble donc inévitable et peut être profitable pour chacune d’entre elles. Ainsi il ne s’agit pas seulement de requestionner la structure de la pomiculture mais également celle de la production céréalière. A l’heure actuelle le verger est séparé de la parcelle qui lui fait face par une petite haie bocagère éparse et par la piste cyclable. A l’est, au nord et à l’ouest, le verger est également bordé par des champs de céréales. La question est donc de savoir comment ces cultures peuvent interagir en termes écologiques et paysagers. En prenant en compte l’exemple de la combinaison de cultures d’Elisabeth Viertler, on a vu que l’association entre la production pomicole et la production céréalière a de nombreux avantages. Les céréales permettent un couvre sol riche pour le verger. Inversement les arbres fruitiers serviront à la pollinisation des champs de céréales des parcelles voisines. Pour cela, une restructuration du verger est néanmoins indispensable. En effet, à l’heure actuelle, les rangées de pommiers sont trop serrées pour permettre l’investissement du sol entre ces rangées et un accès adéquat au couvre sol qui sera mis en place. Ainsi, il sera nécessaire de dédensifier cette trame en enlevant une rangée de pommiers sur deux. De la même manière, il sera enrichissant de dédensifier les pommiers au sein même des rangées pour permettre un meilleur développement des pommiers. Parallèlement un travail sur la haie bocagère en limite de la parcelle sera l’occasion d’implanter des arbres complémentaires aux fruitiers constitutifs du verger afin de permettre un enrichissement de la parcelle en termes de pollinisation. Le changement de la structure du verger permettra ainsi un espace adéquat pour l’implantation de la culture du seigle entre les rangées de fruitiers. Il s’agira de trouver un système qui permettra un entretien des arbres sans endommager la culture des céréales, d’où l’importance de l’élargissement de l’espace entre les rangées de pommiers. De par l’interaction entre ces deux cultures, sera permise une continuité paysagère entre les parcelles céréalières et le verger.

133


Seigle

Bande fleurie messicole

La cohabitation du seigle et de la pomiculture

134

Burgeis

Seigle


Plusieurs formes de restructurations seront envisageables. A titre d’exemple je développerai un type de structure qui pourra être intégré au sein du projet éco-paysager.

Prairie de fauche

- La restructuration du verger par l’espacement des rangées. Je m’interrogerai d’abord sur les limites de la parcelle, avec la piste cyclable mais également avec les parcelles qui l’entourent. Dans la volonté de permettre une meilleure intégration paysagère du verger dans le paysage de l’Obervinschgau, je choisirai d’ouvrir la parcelle sur les parcelles environnantes pour permettre une continuité paysagère fluide entre la pommeraie et les champs de céréales et les prairies pâturées et fauchées. L’absence de haie bocagère induira alors une alternance adaptée entre les différentes variétés de pommiers afin de permettre la pollinisation de ces derniers. Dans la réflexion à une structure permettant de combiner la culture du seigle et la production de pommes, il s’agira de prendre en compte l’entretien et la taille des arbres fruitiers en hiver ainsi que la moisson du seigle en été en prévoyant des inter-rangées relativement larges. Il s’agira de guider le port de l’arbre par une taille adaptée afin que ce dernier s’étende dans le sens de la rangée. Ainsi, il en résulte des rangées relativement étroites tout en permettant le développement de l’arbre. Ce port permettra de gagner de la place pour accéder aux arbres sans avoir à piétiner le seigle. Le port devra cependant être adapté à la variété de l’arbre. Parallèlement, afin de limiter dans la mesure du possible la chute des pommes dans les céréales fraîchement semées, je favoriserai des variétés de pommiers dites précoces, dont la récolte se fait à partir de la mi août jusqu’à la fin du mois de septembre, c’est à dire juste après la moisson et juste avant le semi du seigle qui se fera au mois d’octobre. A titre d’exemple, les variétés «Modial Gala», «Akane», «Initiale» ou encore «Delcorf» font partie de ces variétés précoces. La variété «Mondial Gala» peut être combinée à la «Granny Schmith» ou à la «Malus Golden gem», qui seront à intégrées au sein du verger ou dans la haie bocagère entourant la parcelle, dans le cas où cette haie est maintenue, pour permettre la pollinisation.

blé

Seigle

Pistte cyclable Le verger dans son contexte

1m Chemin d’accès

Coupe transversale à la rangée

2,5 m

Seigle

1m Chemin d’accès

4m

Bande messicole

4m

Bande messicole

Coupe longitudinale à la rangée

135


Cheminement piéton avec haie mixte Bunker fleuri

Talus fleuri

Piste cyclable

«Cette parcelle, j’aimerai y faire quelque chose» (Günther W.)

Haie bocagère mixte le long du cheminement agricole Hôtel à insectes

Réinvestissement du talus au sud de Laatsch

136

Carotte sauvage, grande marguerite, lotier, millepertuis, épilobe, coquelicot, nielle des blés, bleuet, ...


Le réinvestissement des espaces inexploitables et des éléments paysagers remarquables. Les contraintes du relief associées à la situation foncière particulière du Tyrol du Sud confronte souvent les paysans à des difficultés en terme d’exploitation, même en fond de vallée. Günther Wallnöffer fait paître ses vaches dans des prairies au bord de l’Adige, il s’agit de parcelles dont il est propriétaire mais certaines d’entre elles sont également louées. Une de ces parcelles n’est à l’heure actuelle pas investie par le troupeau. Du fait de sa situation très pentue, l’éleveur ne prend pas le risque d’y amener son troupeau, dont le piétinement endommagerait le terrain dont il n’est pas propriétaire. L’agriculteur laisse donc cet espace évoluer à son gré. Il en résulte aujourd’hui un espace en jachère qui ne se démarque que peu des parcelles voisines, si ce n’est que par son aspect plus sauvage. Dans sa volonté de faire valoir une pratique écologique, l’agriculteur se pose la question de la fonction que pourrait prendre cette parcelle.

«Cette parcelle, j’aimerai y faire quelques chose»

Dans la recherche d’une réponse à cette «envie», il sera intéressant de prendre en compte la localisation de la parcelle (en bordure de la piste cyclable) et donc la perception qu’on peut avoir depuis cet axe. En effet, une des volontés fortes de l’agriculteur, mais également des autres paysans locaux rencontrés, est de mettre en avant le caractère exceptionnel de la commune, de rendre ce caractère visible au travers du paysage.

«Il faut que ça se voit dans le paysage»

Ainsi, cette parcelle pourra être support d’enrichissement écologique en faveur des parcelles alentours et support de richesse paysagère en en faisant un espace remarquable, qui attire l’attention des passants de par des couleurs ou des volumes. Ainsi, l’investissement de la parcelle par une prairie fleurie peut être un bon compromis pour répondre à cette double volonté. Il s’agira cependant de voir quelle type de prairie fleurie peut être adaptée à cet espace et quelle sera la gestion appropriée pour préserver sa qualité et favoriser son effet écologique.

Deux possibilités sont envisageables, une première se caractériserait par l’aménagement d’une «jachère fleurie» qui nécessitera un semi et des préconisations en termes de gestion par la suite. La seconde sera caractérisée par des préconisations de gestion pour le développement d’une prairie fleurie naturelle au lieu de parler d’un aménagement en tant que tel. C’est cette dernière option que je favoriserai pour la parcelle concernée. - La prairie fleurie naturelle Au sein du fond de vallée, rares sont les espaces non exploités, une parcelle comme celle de Günther Wallnöfer représente donc un petit bout de terrain qui peut être support du développement d’une prairie fleurie naturelle. Les essences qui s’y développeront résulteront de la nature du sol ainsi que de l’occupation du sol des parcelles voisines, ce qui viendra nuancer les différents tons de couleurs qui pourront s’y développer. A titre d’exemple, par les parcelles de céréales avoisinantes, une flore messicole pourra venir se mélanger à la prairie fleurie. De la même façon, la parcelle n’étant pas soumise à la pression du pâturage, et donc pas confrontée au risque d’une surcharge en azote, une flore plus diversifiée pourra s’y développer. Cette prairie se différenciera des prairies de fauche et des prairies pâturées voisines de par sa gestion qui sera, à l’image de celle des bandes enherbées et fleuries le long des routes, caractérisée par une fauche tardive permettant de pérenniser la prairie et de sauvegarder un maximum de biodiversité au sein de la parcelle. Ainsi une seule fauche sera préconisée, à la fin de l’été, à la mi-août voir, plus tard dans la saison. Les principales essences qui pourront caractériser ce talus fleuri seront les graminées, les marguerites, les gesses des près, les mauves ou encore des centaurées par exemple. Ces essences seront complétées par des touches rouges et violettes propres à la flore messicole, grâce aux parcelles de céréales bordant le talus fleuri. L’effet écologique de la parcelle sera favorable aux prairies et cultures voisines appartenant à l’exploitation de Günther, mais également aux parcelles des autres agriculteurs ou pomiculteurs. Dans l’objectif de faire de cette parcelle un élément marquant dans le paysage, non seulement à des fins esthétiques mais ayant aussi pour but de rendre compte de la particularité de la commune et de ses pratiques, cette parcelle pourra également accueillir des éléments tels que les hôtels à insectes. Des objets qui seront au service de l’accroissement de la biodiversité ainsi que représentatifs de pratiques en accord avec l’environnement naturel.

(4)

(2)

(3)

(4)

(5)

(1)

Une composition floristique influencée par l’occupation et la gestion variée des parcelles alentours Nombreuses sont les graminées qui se développeront au sein de la parcelle avec entre autre le fromental (favorisé par la fauche), le vulpin, la phléole des prés, le dactyle aggloméré, la crételle, les pâturins, les agrostides, ... Au sein du cortège des fleurs de prairies qui seront également favorisées par la fauche on pourra nommer la carotte sauvage, la grande marguerite(1), le lotier, le séneçon jacobée(2), le millepertuis perforé, l’achillée millefeuille(3), ou encore les gesses(4). Les prairies pâturées avantageront quant à elles les renoncules, les épilobes, les bardanes, les gaillets, la benoîte commune, les plantains ou encore les chardons. Enfin, les champs de céréales permettront le développement d’une flore messicole caractérisée par le coquelicot(5), le bleuet, la nielle des blés(6) ou encore la matricaire

137


Le bunker : point de dĂŠcouverte du paysage (Mals)

138


Depuis la piste cyclable, on distingue en arrière plan de cette parcelle, les couronnes des arbres longeant le cheminement qui mettent en lien la piste et la petite route secondaire parallèle. Ce cheminement se faufile entre la pommeraie, les parcelles de céréales et les prairies pâturées et de fauche, et se base sur un cheminement d’accès agricole existant. Les arbres haute tige permettront la mise en évidence du cheminement depuis les routes parallèles à l’Adige en bas et en haut du talus. Cet alignement formé d’une alternance entre le frêne, le sorbier ou encore le robinier (favorisant la fixation d’azote), sera accompagné d’une strate arbustive et herbacée formant une haie bocagère qui profitera à la pommeraie. En effet, les aubépines, les prunelliers, les troènes et les sureaux seront un espace de refuge et de nourriture pour les auxiliaires de cultures. La strate herbacée quant à elle, constituée d’un mélange de flore spontanée issue des prairies pâturées, des prairies de fauche et des parcelles de céréales qu’elle borde, favorisera la présence de pollinisateurs pour les cultures environnantes et embellira le cheminement par des couleurs variées du printemps jusqu’à la fin de la saison estivale. Non loin de là, en haut de la petite digue, un des nombreux bunkers datant de la seconde guerre mondiale interpelle le passant.

«Les gens me demandent toujours de quand datent les bunkers» (Günther W.)

Au même titre que les parcelles difficilement exploitables, les bunkers, pour certains d’entre eux déjà couverts par une végétation plus ou moins dense, peuvent être support de richesse écologique et former des éléments paysagers remarquables traduisant la singularité de la commune. Le monument et ses abords peuvent effectivement être le support d’aménagement simples comme la mise en place d’un couvert enherbé avec un semi de fleurs favorables à la pollinisation. On pourra parler d’une «jachère fleurie». Parallèlement il s’agit égalements d’espaces pouvant servir au rassemblement, au séjour et permettant des points de vue intéressants sur le paysage du fait de la prise de hauteur. En m’inspirant de l’initiative déjà en place de rassemblement d’acteurs locaux autour du projet de plantation de haies sur la Malser Haide, les monuments patrimoniaux pourront également faire l’objet de journées thématiques pour rassembler les acteurs locaux autour du semis de ces jachères fleuries. Ainsi, un projet à but écologique pourra être combiné à la découverte du patrimoine historique de la commune. Les bunkers se trouvant sur des parcelles appartenant à des propriétaires privés, l’organisation de ces journées, pourra être un moyen d’encourager ces propriétaires à ouvrir leur domaine au public. Une ouverture qui avantagera les échanges entre acteurs et le développement d’un projet commun.

Le bunker : point de découverte du paysage (Mals)

Le bunker : point de découverte du paysage (Laatsch)

139


/// La rĂŠappropriation des abords du Punibach

Adige

Puniba ch

Burgeis

Mals

Schleis

Tartsch Laatsch

Le corridor le long du Punibach Glurns

Punibach au sud de Mals

140


Contrairement à l’Adige, les bords du Punibach ne sont pas ou peu accessibles par le piéton ou le cycliste, si ce n’est dans les espaces urbains que le cours d’eau traverse. Je m’appuierai sur l’exemple du passage du Punibach au sud de Mals pour montrer en quoi la richesse du cours d’eau peut être exploitée de façon plus large et profiter aux parcelles agricoles bordant ce corridor. Dans un premier temps, la constitution d’un espace «tampon», un espace de lisière entre les cultures et l’espace naturel constitué par le Punibach et sa ripisylve sera le moyen pour le piéton d’expérimenter les abords de ce cours d’eau et de découvrir les paysages qui s’offrent à lui, tout en en faisant un espace écologique riche au service des parcelles adjacentes. La mise en place de ce parcours piéton le long du

Punibach permettra une liaison entre le centre bourg de Mals et celui de Glurns et viendra connecter les voies de circulation douces, transversales à la vallée, mises en place le long des canaux d’irrigation. Parallèlement, il s’agira de créer une liaison piétonne fluide le long du Punibach entre le bourg et les espaces de cultures en périphérie et d’en faire un parcours à caractère culturel et pédagogique. En effet, l’accent sera mis sur la diversité des formes de fruitiers qui jouxtent ce corridor (différentes échelles et modes de production et différentes formes de fruitiers). Dans un second temps, je m’attacherai à utiliser les outils qui sont mis à ma disposition tels que les bunkers, les chemins d’accès agricoles et les masses végétales existantes pour permettre la « distribution » piétonne et écologique depuis cet axe principal pour en faire des éléments structurants dans l’épaississent du corridor.

141


En longeant le Punibach au sein du bourg de Mals, nombreux sont les espaces investis par des jardins privés d’ornement, des jardins potagers, des petits parcs publics ou encore des places publiques bordant le cours d’eau. Nombreux sont également les arbres fruitiers au sein de ces espaces, que ce soient des arbres isolés, des petits vergers d’arbres haute tige ou encore des petites parcelles de vergers en treillis. En descendant le long de ce cours d’eau, on sort progressivement de la ville et on rencontre les premières parcelles de culture. Les formes des vergers changent, on est désormais confronté à des parcelles plus grandes, des vergers de production jouxtant des parcelles de céréales, des prairies ou encore des parcelles fourragères. Cependant, en regardant de plus près les limites de certaines parcelles, d’autres formes de fruitiers sont distinguables. En effet, la parcelle de céréales de Friedl et Magdalena Pobitzer est bordée par une haie fruitière de baies par exemple.

1 2

3

Il sera intéressant de prendre en compte cette diversité en termes d’espaces et de formes de fruitiers pour en faire le fil directeur d’un cheminement proposé le long du Punibach.

4

Mals im Vinschgau

Ainsi, dans un premier temps je recenserai ces différentes formes au sein du bourg de Mals. Des exemples dont je pourrai m’inspirer et réinterpréter à l’échelle des îlots de parcelles cultivées au service de la constitution d’un corridor éco-paysager riche.

N

Les abords du Punibach au sein du bourg de Mals

142

0

100 m


Verger de pommiers demi-tige, de part et d’autre du Punibach (1)

Petit jardin potager en terrasse surplombant le Punibach et se trouvant en contre-bas d’un jardin ponctué par des fruitiers haute tige (3)

Petit jardin potager et pommiers, de part et d’autre du Punibach jouxtant une tour en ruine au cœur du bourg (4)

Verger de pommiers demi tige, longeant la route principale 40 (6)

143


Mals im Vinschgau

N

Les abords du Punibach au sein du bourg de Mals

144

0

100 m


En sortant du centre bourg, le Punibach, marque une limite franche entre une zone industrielle à l’est et un paysage fait de parcelles agricoles à l’occupation diversifiée à l’ouest. Au sortir de cette zone industrielle, le cours d’eau rencontre une piste cyclable transversale à la vallée accompagnée d’un canal d’irrigation, un ensemble qui sera le support de l’aménagement d’un corridor éco-paysager transversal à la vallée, sur lequel je reviendrai par la suite. Je parlerai ainsi de la partie supérieure et inférieure du corridor le long du Punibach. Au sein de la partie supérieure, l’épaississement du corridor se fera essentiellement vers l’ouest au sein des parcelles agricoles. Le corridor caractérisant partie inférieure quant à lui, se développera de part et d’autre du cours d’eau.

(Partie supérieure)

Au sein des aménagements longitudinaux et transversaux à ce corridor, l’idée sera d’exploiter la diversité des parcelles agricoles pour les différentes connexions qu’il s’agira de mettre en place. D’une part l’occupation de ces parcelles conditionnera la forme que prendront les aménagements mis en place à l’échelle inter-parcellaire, mais cette occupation viendra également impacter sur la nature de ces connexions linéaires. Comme introduit plus en amont, l’accent sera mis sur la découverte «fruitière». Ainsi, les connexions écologiques seront support de guide pour mener vers des parcelles fruitières existantes mais ces connexions seront elles mêmes également caractérisées par des essences fruitières dans leur structure, faites de volumes de végétaux variés.

Corridor transversal à la vallée

(Partie inférieure)

Plan masse de l’aménagement le long du Punibach

0

100 m 145


Une lisière entre l’espace naturel du Punibach et les parcelles agricoles. D’un point de vue écologique, l’espace compris entre le cours d’eau et les cultures joue un rôle important à différents points de vues. Le couvert au sol de cet espace d’entre-deux permettra d’intercepter les produits phytosanitaires, de limiter l’érosion, d’améliorer la structure du sol en fonction des espèces végétales choisies, de préserver la qualité de l’eau en limitant le ruissellement et le lessivage du sol et de favoriser un habitat pour les auxiliaires utiles à l’agriculture. Ainsi, les couverts choisis varieront en fonction des parcelles agricoles que l’espace bordera : afin de favoriser les insectes pollinisateurs et les auxiliaires luttant contre les ravageurs des cultures, je favoriserai des couverts pour leurs intérêts apicole et mellifère. On peut citer par exemple la phacélie, le sainfoin, le trèfle, le lotier corniculé, le mélilot, le sarrasin et la moutarde. Parallèlement, le mélange d’espèces annuelles et pérennes assureront une longue période de floraison, ce qui est un facteur important à prendre en compte autant du point de vue de la biodiversité que du point de vue esthétique pour le promeneur. Les parcelles agricoles elles mêmes pourront jouer le rôle « d’espace tampon » dans la mesure où elles peuvent potentiellement réduire un effet environnemental négatif occasionné par les parcelles voisines. Pour cela, il s’agira d’une part de favoriser une mosaïque paysagère et, à cette échelle, d’intégrer certaines parcelles agricoles au sein de l’espace de corridor. Cet espace «d’entre-deux» sera support de cheminement piéton. Le cheminement viendra compléter le réseau de cheminements doux à l’échelle de la commune en proposant une parallèle piétonne à l’axe cyclable longeant l’Adige. Ainsi, un lien piéton sera mis en place entre le bourg de Mals et le bourg de Glurns, une connexion piétonne qui n’existe à l’heure actuelle pas encore entre ces deux villages. Je mettrai en avant les différentes qualités paysagères propres aux séquences longeant le Punibach : des points de vues ouverts ou fermés sur l’amont ou l’aval de la vallée, des espaces resserrés entre la ripisylve et les vergers ou des espaces dilatés le long des parcelles fourragères, des espaces de séjour, des espaces de croisement avec d’autres itinéraires, des traversées du cours d’eau, ... Ces qualités paysagères se traduisant par des resserrements et des dilatations du cheminement seront animés par des temps d’arrêt comme au niveau du bunker végétalisé à l’est du Punibach, permettant au promeneur de prendre de la hauteur pour avoir un point de vue singulier sur le paysage.

146

Croisement avec l’axe transversal au corridor

1

Le cheminement en lisière de la ripisylve, à l’ouest du Punibach.

Épaississement de la ripisylve par la plantation d’arbres fruitiers demi-tige Élargissement de la lisière par une prairie fleurie entre la ripisylve et la pommeraie

Bunker végétalisé/fleuri

2

3 4

Le cheminement en lisière de la ripisylve, de part et d’autre du Punibach.


Ripisylve dense Bande enherbée rase Bande enherbée sauvage Prairie fauchée

Différents situations spatiales se présenteront au promeneur le long du Punibach. La gestion des abord de la ripisylve dépendra de l’occupation des parcelles que le cheminement longera et de la surface comprise entre la ripisylve et l’espace cultivé.

1m

Cheminement entre le Punibach et la prairie fauchée (1)

1 - Au sein de la prairie de fauche, une gestion variable sera accordée à la bande longeant le Punibach. D’une part, une bande de 1,5 m de large sera maintenue rase pour permettre le passage du promeneur. Une fine bande enherbée ne sera fauchée qu’un fois par an, en été, à la fin du mois de juillet, entre ce cheminement et la prairie de fauche. Dans cette séquence le promeneur bénéficie d’une large vue sur le paysage 2 - En se distanciant de la ripisylve, le cheminement bordera un espace tampon plus large. Le couvert enherbé y sera spontané et fauché une fois par an, à la fin du mois de juillet. Cet espace pourra être investi par des arbres fruitiers tels que les cognassiers ou les pommiers, qui pourront être cueillis par le passant. La présence des fruitiers favorisera la richesse écologique de la lisière et aura une valeur esthétique attrayante pour le promeneur. 3 - Dans la partie sud du corridor un cheminement piéton sera permis de part et d’autre du cours d’eau. La ripisylve sera entretenue de façon régulière afin de permettre des connexions visuelles d’une rive l’autre. Ainsi les arbres de haut jet et les haies basses seront maintenus au détriment des haies hautes et denses empêchant la vue. Ce sera non seulement le moyen de découvrir la rivière mais également le paysage s’étendant de part et d’autre du cours d’eau. 4 - L’espace se resserre en atteignant la première pommeraie. Le cheminement piéton sera séparé de cette dernière par une bande enherbée d’un mètre de large, qui sera composée d’espèces sauvages annuelles et bisannuelles et de vivaces favorables à l’accueil et à la prolifération des prédateurs du puceron (syrphes, coccinelles, chrysopes, diverses punaises, mirides, etc.). Dans ce cortège on trouvera l’achillée millepertuis, la carotte sauvage, le millepertuis perforé la tanaisie, etc.

1,5m 1m

Ripisylve dense Pommier

Cognassier

Colonisation naturelle d’un couvert enherbé Herbe rase

9m

1,5m

1m

Élargissement de l’espace enherbé entre le Punibach et le cheminement (2)

Ouverture et entretien de la ripisylve Herbe rase

Herbe rase Bande enherbée sauvage

Bande enherbée sauvage

1m

1,5m

1,5m

1m

Cheminements de part et d’autre du Punibach (3) Ripisylve dense Bande fleurie sauvage (annuelles, bisannuelles et vivaces) Pommeraie

1m

1,5m 1m

Cheminement entre le Punibach et la pommeraie (4)

147


Des axes transversaux au corridor Depuis le cheminement longeant le cours d’eau, le promeneur est invité à emprunter des chemins perpendiculaires, irriguant les îlots et rejoignant un axe parallèle à celui du Punibach. Il s’agit d’une petite route secondaire existante, en partie goudronnée, desservant les parcelles agricoles. Le long de cette axe s’implantera un alignement d’arbres haute tige combiné à des haies basses permettant des cadrages sur le paysage. La traversée des îlots se fera au travers d’axes aménagés s’appuyant sur des chemins d’accès agricoles existants ou sur les masses végétales existantes en bordure de parcelle. - La première transversale longe la parcelle céréalière de Friedl et Magdalena Pobitzer. La limite sud de cette parcelle est marquée par une haie fruitière de baies (cassis, groseilles). Il s’agit d’une connexion intéressante d’un point de vue écologique. En effet, la haie fruitière en plus de produire des fruits comestibles pour le passant, est un habitat naturel attractif pour les oiseaux et les insectes. Parallèlement, cet axe permet au visiteur de découvrir la pratique du couple qui moissonne encore à la main. Il s’agit d’un évènement rassemblant des habitants locaux, durant la saison estivale. - Le second axe est plus large. Il est destiné à la circulation piétonne mais sert également de chemin de desserte pour les machines agricoles. Ici, les abords du cheminement seront caractérisés par des arbres fruitiers haute tige combinés à des haies basses permettant des vues de part et d’autre du chemin. - La troisième transversale prend appui sur un alignement d’arbres existants, qui mène vers un petit verger. Par un aménagement simple, qui se traduira par des préconisations de gestion pour l’agriculteur, il s’agira de permettre le cheminement piéton le long de cet axe et de relier l’alignement au cheminement le long du cours d’eau.

1

2 3

Des transversales entre le Punibach et le chemin d’accès agricole parallèle.

148


Bande fleurie messicole, fauchée de façon tardive ( à partir de la mi-août)

Mals

Ripisylve

Haie fruitière de baies (cassissier, framboisier, groseiller), qui pourra être ponctuée par des fruitiers haute tige comme le pommier ou le prunier.

La transversale fruitière le long de la parcelle de céréales de Magdalena et Friedl Pobitzer (1) Arbres de haut jet ponctuant la haie basse de part et d’autre du chemin On retrouvera des espèces présentes dans la ripisylve au bord du Punibach tels que les frênes mais également le merisier par exemple qui sera favorisé pour sa croissance rapide, sa cime étroite, pour sa floraison précoce, lui conférant une qualité mellifère et pour ses fruits, attrayant de nombreux oiseaux. A proximité de la ripisylve, l’aulne pourra également faire parti de cet ensemble linéaire.

La haie basse sera constituée d’aubépines, d’églantiers ou encore de prunelliers.

Arbres d’alignement le long de la route rejoignant le corridor transversal en contre-bas. L’alignement sera caractérisé par une alternance entre des chênes et des frênes.

La seconde transversale, support de cheminement piéton et agricole (2)

149


- Le quatrième axe mis en évidence relie le cheminement le long du cours d’eau avec diverses parcelles pomicoles, et rejoint un des bunkers végétalisés au cœur du fond de vallée. Cette transversale permet la connexion écologique entre les différentes parcelles (céréales, fourragères, vergers, prairies). L’espace enherbé et fleuri accompagnant le promeneur le long du Punibach continue le long de cet axe perpendiculaire, ponctué de masses végétales relativement denses le long des vergers et une végétation plus poreuse le long des parcelles fourragères et des prairies pâturées. Cet axe entend favoriser les échanges écologiques entre les différentes cultures. Chaque parcelle peut nourrir les abords de cet axe (banquette de fleurs spontanées, enrichie par des graminées le long des parcelles de céréales). Inversement, ces abords feront office d’habitat et de couloir de circulation pour les auxiliaires de cultures bénéfiques aux parcelles agricoles.

4

Une transversale majeure connectant le corridor au cœur du fond de vallée

150


Haie dense longeant la pommeraie, (noisetier, charme, cornouiller, sureau, fusain, rosier) Pommeraie

Haie poreuse avec des arbres de haut jet longeant les parcelles céréalières et les prairies de fauche Parcelle céréalière

Cheminement piéton Bunker végétalisé Le Val Müster (Suisse)

Jeune pommeraie

Une transversale majeure connectant le corridor au cœur du fond de vallée (4)

151


152


4. Une charpente éco-paysagère inter-parcellaire : un maillage transversal à dévoiler

Des canaux aux caractères singuliers Les trois canaux d’irrigation mis en évidence, reliant l’Adige et le Punibach ainsi que les différents bourgs entre eux, revêtent une qualité paysagère relativement ouverte à l’inverse du cheminement cyclable longeant l’Adige par exemple. En effet, ces canaux, bien que peu ou pas encore investis par des cheminements, permettent des vues généralement dégagées en fond de vallée et une déambulation au cœur des îlots de parcelles agricoles. On dénote cependant une évolution quant à ces expériences paysagères suivant que l’on se trouve au nord ou au sud de Mals. Le canal le plus au nord, reliant Burgeis et Mals, se faufile sur la Malser Haide, au sein de prairies de fauche ou des prairies pâturées et de quelques parcelles de culture céréalière avec un nombre très faible de masses végétales. Ainsi, une vue lointaine permet d’aborder le paysage de la commune de Mals, Glurns et même de celle de Prad am Stilfserjoch. Je l’ai alors appelé le canal « belvédère». Le second canal quant à lui, relie le village de Laatsch avec celui de Mals. Bien qu’il présente lui aussi des larges vues sur la vallée, ce canal se distingue de par son passage au sein d’une hétérogénéité de parcelles (céréalières, fruitières, fourragères, pâturées ou maraîchères). On peut ainsi distinguer plusieurs séquences lors du cheminement sur ses abords, se différenciant par un paysage variable associé à un micro-relief impactant sur les vues qui s’offrent au promeneur. Le dernier canal mis en évidence est le canal «verger». Situé dans le prolongement de l’axe de la vallée menant à la frontière suisse, et se jetant dans le Punibach au pied de la Tartscher Bühel, ce canal se faufile entre des vergers de pommiers, de cerisiers, et permet la vue sur des parcelles d’abricotiers. Il s’agit d’un canal se situant au cœur de l’espace «d’entre-deux» en mutation à l’échelle de la vallée. Des axes porteurs d’enjeux à plusieurs échelles Plusieurs enjeux se profilent pour ces différents canaux. Dans un premier temps il s’agira d’affirmer ces transversales dans le paysage en tant qu’éléments de patrimoine ainsi qu’éléments support d’expériences et d’impressions nouvelles du paysage. Il s’agira donc d’une part de les rendre accessibles à la déambulation piétonne et d’autre part d’en faire des éléments marquants dans le paysage à l’échelle de la commune. Dans un second temps, ces axes devront apporter un impact écologique bénéfique au sein des îlots qu’ils traversent, au travers d’une association d’essences végétales porteuses de richesses en termes d’habitat pour les auxiliaires et/ou pollinisateurs de culture.

153


/// Le canal verger

erger

nal v Le ca

Canal d’irrigation

154


a in em Ch

ige

Ad

iba

n Pu

e col gri

ch

Route secondaire

le

ab

ycl

c te Pis

Canal d’irrigation

Le canal au sud de Mals est actuellement peu lisible dans le paysage. Traversant la vallée d’ouest en est et reliant l’Adige et le Punibach, il est marqué par quelques masses végétales dispersées. Le cours d’eau est traversé par deux pistes cyclables et plusieurs chemins d’accès agricoles. Son passage est plus ou moins lisible en fonction des parcelles qu’elle borde et l’occupation de ses dernières. Ainsi, de part et d’autre de la petite route agricole goudronnée au centre de la vallée, l’aspect du canal est très changeant. La particularité de ce canal réside dans son passage entre différentes parcelles fruitières et fourragères, engendrant une alternance entre des vues ouvertes et des vues plus refermées sur le paysage alentour. Des perspectives ponctuelles permettent la vue sur des points repères tels que le clocher de l’église de Glurns ou encore ceux de Mals et de Laatsch. Ces caractéristiques paysagères seront renforcées par un travail sur l’aménagement d’un accès piéton qui sera compris dans un «verger linéaire».

155


L’apport écologique aux cultures avoisinantes se fera au travers de l’aménagement des limites de parcelles (haie bocagère, alignement d’arbres, ...).

Un corridor raccordé au parcellaire qu’il traverse

Le croisement entre le corridor et la route secondaire permet un élargissement de ce premier pour créer un point d’appel pour les usagers de la route secondaire et ainsi de permettre un apport écologique pour les vergers de cerises bordant le croisement.

Des interfaces réinvesties

A

Un des nombreux bunkers ponctuant l’Obervinschgau, se trouve ici, au bord du Punibach. Il s’agit d’un élément à exploiter dans le corridor en tant qu’habitat pour les pollinisateurs et les auxiliaires de culture au travers de la végétalisation de son toit. Il s’agira d’un élément repère dans le paysage et le moyen pour le promeneur de prendre de la hauteur pour avoir une vue ouverte sur la vallée.

A’

te Pis le

156

lab

cyc

L’intégration et la réappropriation d’éléments patrimoniaux


Une liaison paysagère multifonctionnelle Le corridor traversant des parcelles fourragères, fruitières et maraîchères se devra d’être le support d’une connexion piétonne, d’habitat écologique au service de des parcelles agricoles et de mettre en avant la présence du canal dans le paysage à l’échelle de la commune. Le choix de planter des fruitiers : La matrice du corridor sera caractérisée par l’implantation de fruitiers sous forme de différentes strates. Venant marquer les bords du canal, ce «verger linéaire» sera accompagné par des strates arbustives et herbacées en fonction des perceptions paysagères qu’il s’agira de souligner ou en fonction du besoin en terme d’habitat écologique.

min Che e

icol

agr

Rou te

seco

nda

ire

Une richesse écologique Le verger haute-tige, milieu semi ouvert, fait partie des écosystèmes agricoles les plus riches d’un point de vue biologique. En effet, les arbres fruitiers offrent nourriture, abris, lieux de reproduction et d’hivernage à un grand nombre d’espèces animales et végétales. En outre, ce sera la grande variété des essences fruitières et la strate herbacée (prairie) qui contribueront à la richesse de ce milieu. Ce sera par l’interaction entre ce verger linéaire et les parcelles agricoles adjacentes que pourra se développer un système agro-écologique riche dont les bénéfices seront partagés à divers points de vues. Une richesse paysagère Le corridor participera à la mise en avant d’un paysage identitaire remarquable et permettra des expériences paysagères singulières riches. On pourra parler d’une transversale paysagère de «découverte» , culturelle, historique et culinaire propre à la vallée. Une richesse en terme de pédagogie et de vie culturelle et sociale De par la multiplication des usages permis par cet aménagement, (cueillette, partage et transformation de la récolte, balades à thèmes, découverte de variétés anciennes), on pourra souligner l’aspect culturel, social et pédagogique du corridor.

Plan masse du canal verger

0

100 m

157


Le corridor «verger» dans son contexte Le verger, traversant un parcellaire à l’occupation diversifiée, il sera important d’adapter sa structure et son organisation à cette diversité afin de mettre à profit l’interaction entre ces différentes composantes. En effet, il conviendra d’opter pour un alignement haute-tige en limite de parcelle investi par les troupeaux de bovins, afin de permettre une cohabitation entre le fruitier et l’animal sans que l’un n’endommage l’autre. Au contraire, la fumure du bovin sera porteuse de richesse pour le sol et les fruits qui tomberont au sol, une fois arrivés à maturation, pourront être mangés par ce premier ou tout autre rongeur ou insecte habitant en lisière de la prairie pâturée. De l’autre côté du canal et/ou de la clôture, en bordure de parcelle

Au

urs

ate

is llin

o

s/p

ire

ia xil

fruitière, la strate arborée sera complétée par une strate buissonnante, de couvresol et herbacée. On y trouvera des essences associées aux parcelles de pommiers ou de cerisiers afin de favoriser leur pollinisation, mais également des essences fruitières favorisant une diversité en terme d’habitat pour les auxiliaires de culture. L’alternance entre l’alignement d’arbres fruitiers de part et d’autre du canal et les espaces plus confinés permis par la haie fruitière, occasionnera une diversité en terme d’ambiances paysagères au sein du corridor ainsi que des vues cadrées sur le paysage.

Au

rs

sateu

ollini

es/p xiliair

Fu m

ure

i Fru

Au po xiliair llin es isa / teu rs

ts

Pommeraie Coupe transversale au corridor AA’

158

Bande fleurie sauvage

Cueillett

Haie fruitière

e

Cheminement piéton (herbe rase)

Canal d’irrigation

Arbres de haut jet

Prairie pâturée

Vue sur l’aval de la vallée et notamment sur le bourg de Glurns

0

1


La composition du canal verger Des fruitiers haute-tige ainsi que des fruitiers en strate arbustive, accompagnés d’arbres ornementaux pollinisateurs et fixateurs d’azote, seront les principales composantes du corridor «verger». Une strate herbacée accompagnera et délimitera le verger le long des parcelles que ce premier bordera et le long du cours d’eau. Ces éléments seront exploités en tant qu’outils écologiques et spatiaux. La strate arborée Il s’agira de porter une attention particulière aux variétés de fruitiers choisies dans la composition du corridor ainsi que l’association entre les essences. La plupart des variétés de pommiers, des cerisiers et des poiriers par exemple étant auto stériles, il convient de planter plusieurs variétés sur le même site pour obtenir une bonne pollinisation. Les abricotiers ou encore les pêchers quant à eux ont la capacité de s’autoféconder. Le choix de la plantation de fruitiers et de variétés anciennes Le choix de variétés anciennes est très intéressant, car ce sont souvent de très bonnes pollinisatrices et leur plantation participe à la préservation du patrimoine fruitier régional. Dans cette optique je me tournerai vers l’association «Sorten Garten Südtirol» qui s’engage depuis 2000 dans la préservation et le développement de la culture des variétés de pommes locales et anciennes. C’est le paysagiste Frowin Obberrauch, qui est à l’origine de l’association. A titre d’exemple on pourra citer des variétés telles que le «weisser Rosmarin», le «Tiroler Spitzleder» ou encore le «Winterkalvin». Chaque variété ancienne traditionnelle a son histoire et un goût particulier qui sera intéressant de faire redécouvrir voir réutiliser par les acteurs locaux. Ainsi, ces associations et cette structure profiteront non seulement au maintien d’habitats pour les auxiliaires de culture et les pollinisateurs mais seront également favorables à la mise en avant de composantes et structures paysagères pour le promeneur. Parallèlement, la combinaison de ces fruitiers sera support d’activités partagées telles que la cueillette, les balades guidées pour la découverte des variétés anciennes, ... La strate arbustive accompagnant le verger linéaire, permettant la mise en place de fenêtres sur le paysage sera composée d’espèces qui sont relativement communes dans les haies bocagères telles les aubépines, les prunelliers, les érables champêtres, les cornouillers sanguins, les troènes, les sureaux, mais également des fruitiers tels que les cassissiers, les groseilliers ou les framboisiers.

Les couvre-sol viendront compléter la composition du verger. Les essences s’associeront à la strate arborée et arbustive précédemment introduite. A titre d’exemple, le cerisier, s’associe bien avec un couvre sol tel que le trèfle, la luzerne ou encore le fraisier. On pourra même introduire les herbes aromatiques au pieds des arbres, tel que le thym ou l’origan par exemple. La gestion de la strate herbacée sera un facteur important à prendre en compte dans l’entretien écologique du corridor verger. D’une part, cet entretien permettra le passage du piéton, d’autre part, une gestion appropriée permettra le maintien d’une diversité floristique et ainsi la conservation de la biodiversité au sein de cette strate. Les graminées seront représentatifs de ce cortège végétal, elles seront notamment favorisées par la fauche. La fauche devra se faire de façon tardive, à la fin du mois de juillet, entre la haie fruitière et le verger. L’enherbement du cheminement, quant à lui, devra être maintenu ras. Robinier pseudoacacia Bande enherbée spontanée ( sauge des près, œillet couché,gagée jaune, primevère officinale, ... Pommier Cerisier

Cornouiller Cassissier

Fraisier

Coupe transversale au corridor AA’ (Zoom)

0

1

159


Au niveau du croisement entre la route secondaire reliant le bourg de Glurns avec le bourg de Laatsch, et le canal, l’angle inoccupé de la parcelle de pommiers permet un élargissement du corridor pour d’une part augmenter l’espace enherbé où se développera une flore spontanée fauchée de façon tardive, une fois par an. D’autre part, il s’agira d’un point d’appel pour l’usager de cet axe secondaire.

Praire de fauche Verger de cerisiers

Vue sur Mals

Espace enherbé «sauvage»

Cheminement enherbée Vue sur le canal verger

160


Parcelle de céréales Pommeraie

Vue sur Mals

Espace enherbé «sauvage»

161


162


5. La prise en compte de la diversité des pratiques au sein des parcelles, vers un «tout éco-paysager»

Les corridors transversaux et longitudinaux à la commune, respectivement dévoilés et épaissis, forment la structure principale de la charpente éco-paysagère. Il s’agit désormais de voir quels éléments permettront le raccord des espaces entre ces corridors à la structure principale et par quels moyens cette structure pourra être ancrée de façon pérenne dans le territoire. Cette mise en lien et cet ancrage s’appuieront, d’une part, sur des éléments ponctuels en fond de vallée recensés au préalable (arbres isolés, bunkers, haies bocagères, ...), qui serviront de pas japonais en terme écologique entre les corridors de la charpente éco-paysagère et constitueront des éléments paysagers remarquables et des points d’appels depuis les différents axes de communication. D’autre part, les parcelles agricoles elles mêmes et notamment la diversité des pratiques dont elles témoignent constitueront des éléments qu’on pourra plutôt qualifier de «surfaciques» qui viendront s’intercaler entre les mailles de la structure mise en place et viendront, comme j’ai pu le démontrer précédemment, enrichir la charpente mise en place en lui donnant de l’épaisseur et de la consistance. Ainsi, la diversité des pratiques agro-écologiques propres à la commune, constitue une mosaïque paysagère complémentaire, enrichissante pour le développement du projet éco-paysager.

Burgeis

Schleis Mals

Tartsch

Laatsch

Glurns

Ces pratiques, fonctionnant de façon commune, en interrelation les unes avec les autres, donnent de la consistance au projet éco-paysager. Il s’agit de les mettre en évidence, en les resituant au sein de la charpente mise en place. Grâce à la diversité de ces pratiques, l’exploitation agricole est rattachée au reste du territoire de façon physique, mais également à un autre niveau. En effet, ces liens se différencient des connexions précédemment décrites par leur aspect immatériel. Par l’apport d’une dimension sociale au projet, ce dernier se stabilisera dans le temps et s’ancrera dans le territoire. Ainsi, par la mise en évidence de la mosaïque des pratiques, je requestionnerai la notion de «biodiversité» pour ne plus seulement la voir au travers de l’aspect naturaliste mais également de l’étendre à l’aspect social et culturel du fonctionnement d’un territoire. L’hétérogénéité paysagère, une notion clé du projet se matérialisera donc au travers de l’aménagement d’une charpente éco-paysagère à l’échelle inter-parcellaire, qui se nourrira et pourra être transposée dans une réalité territoriale par la mise en évidence d’un ensemble de parcelles fonctionnant de façon commune ou de façon autonome dans un même système agro-écologique.

163


/// Une hétérogénéité de pratiques paysannes participant à l’enrichissement écologique et paysager du fond de vallée

La situation foncière de la vallée peut ici encore être considérée comme un avantage pour le paysagiste et le développement d’un projet éco-paysager. Les pratiques «éco-paysagères» des différents agriculteurs rencontrés sont dispersées sur le territoire. On peut alors parler de «pas japonais» de pratiques agricoles au sein d’une même exploitation mais également de pas japonais entre les parcelles d’exploitations variées. Les pratiques agro-écologiques peuvent alors être vues comme un système mis en réseau. Ainsi, comme j’ai pu en rendre compte plus en amont au travers du processus d’élargissement des corridors, les parcelles sont porteuses de richesse entre elles de par leur diversité. Le auxiliaires présents au sein de la parcelle de céréales des Pobitzer par exemple vont être bénéfiques aux pommiers de la parcelle voisine. De la même façon, la flore messicole qui va s’y développer permettra l’accroissement des pollinisateurs au service du développement de la prairie fleurie voisine, devenant quant à elle à nouveau un refuge pour les auxiliaires de culture.

Helga Habicher Marth

Friedl et Magdalena Pobitzer

Günther Wallnöfer

Loacalisation des pratiques paysannes

164


La richesse de ces pratiques diversifiées est écologique et paysagère mais elle se situe également à un autre niveau, se caractérisant par les relations que les paysans entretiennent entre eux ainsi qu’avec les autre usagers du territoire, au travers de leurs pratiques. Je mettrai ainsi en évidence les caractéristiques et les singularités de ces rapports sociaux en rendant compte des trajectoires propres à ces pratiques agricoles.

Interaction entre les parcelles et les corridors

Glurns

165


/// Une hétérogénéité de pratiques paysannes favorisant une diversité et une richesse de relations sociales

L’observation des trajectoires de systèmes de production des agriculteurs me permettra de recontextualiser l’exploitation agricole et de la mettre en lien avec les autres composantes paysagères et usages du territoire. Je pourrai ainsi démontrer l’importance de maintenir et de promouvoir l’hétérogénéité de ces pratiques diversifiées au service d’une richesse en terme de relations sociales qui impacteront sur la vie locale sociale et culturelle du territoire et sur la façon dont sera géré le territoire rural de demain.

L’échange de savoir-faire et l’entre-aide entre les paysans. Le couple Pobitzer se fait aider par des agriculteurs voisins pour la récolte des pommes de terres. De la même façon, le couple partage son savoir-faire pour la moisson des céréales cultivées entre les rangées de pommiers dans la commune voisine (réseaux paysans).

166

Les systèmes de production agrobiologiques ne s’arrêtent ainsi pas à la parcelle et au périmètre de l’exploitation mais dépassent ces limites pour entraver sur l’espace public du village. Un espace public emprunté par l’éleveur qui amène son troupeau de l’étable à la prairie tous les matins et tous les soirs. Un espace public qui est également investi par d’autres usagers tels que les habitants locaux ou les touristes. Des habitants qui prennent un temps pour s’arrêter et s’entretenir en attendant que la route se libère, et des touristes qui sont ravis de pouvoir être spectateur du défilé des vaches dans la rue, et donc être confrontés aux pratiques locales de la commune. De la même manière, le maraîcher déposera ses légumes au bord de la route, pour que les habitants puissent se fournir en produits, ou sur le pas de la porte du restaurant pour que ces produits puissent être transformés et servis le jour même aux clients. Cette diversité de pratiques anime la vie villageoise, en diversifiant l’offre en produits au sein du marché de producteurs locaux qui a lieu de façon hebdomadaire mais également au sein des magasins fermiers comme la «Bauernladen» à Mals ou à Schluderns par exemple. Il s’agit de lieux où les différents acteurs se rencontrent et échangent des produits et des savoir-faire. A plus large échelle , au travers de l’initiative «biokiste», on peut considérer que les pratiques agricoles entravent également sur les communes voisines et ce jusqu’à la ville de Meran, où sont acheminés les produits biologiques de la région. Cette logique m’amène à penser le système à l’échelle internationale au travers de l’initiative d’Alexander Agatle, qui, par le concept de «Crowfunding» a pu financer la construction de sa fromagerie bio, en échange de la distribution de bon d’achats. Ainsi, son fromage se retrouve actuellement encore dans un restaurant à Munich qui avait contribué au financement de la fromagerie «Englhorn» à Schleis. Cette déclinaison d’exemples à diverses échelles montre que la diversité des pratiques agricoles impacte non seulement sur la biodiversité en terme naturaliste (par des pratiques respectueuses de l’environnement) mais également sur la vie culturelle, sociale et économique de la commune et de la vallée.

C’est cette multitude de facettes, qu’il s’agit de mettre en évidence et d’exploiter. Un aspect qui est souvent occulté par les politiques d’aménagement environnementales comme le projet de la trame verte et bleue par exemple, et qu’il s’agit de considérer comme le fondement indispensable pour la mise en œuvre d’un projet éco-paysager abouti, qui a du sens et qui est susceptible de voir le jour en pratique. Tout projet de ce type ne peut avoir de réalité que s’il est partagé, repris, mis en œuvre et déployé par les habitants des lieux, chacun à son échelle et au travers des moyens dont il dispose.


Munich

Légende Fromagerie «Englhorn» à Schleis

SCHLEIS

Trajectoire du produit et des systèmes de production/de pratiques Magasin de produits fermiers Supermarché Mals

Verger du Migihof à Schleis

Parcelle de céréales

Étable

à

Bourgs

Place du marché

Parcelle de pommes de terres Hôtel «das Gerstl»

Lieux de production, de transformation et/ ou de vente

MALS

Parcelle maraîchère

TARTSCH LAATSCH Prairie

Restaurant «Gasthof Lamm»

GLURNS Parcelle maraîchère Trajectoires des systèmes de production des agriculteurs

Meran

Traversée quotidienne du bourg de Laatsch et du corridor par le troupeau de bovins.

167


Rassemblement d’acteurs sur la Tartscher Bßhel

168


IV - la construction commune d’un projet éco-paysager partagé L’introduction de la richesse des relations sociales au cœur du projet, sera accentuée en replaçant ce dernier au sein d’un réseau d’acteurs interdépendants. Dans ce contexte, je m’interrogerai sur la mise en œuvre concrète du projet au travers de l’implication d’une variété d’acteurs dont les rôles diffèrent suivant leur statut. Dans un second et dernier temps j’ouvrirai mon travail sur le devenir concret du projet, en m’interrogeant sur les étapes qui marqueront un retour prochain sur le terrain et donc sur les moyens à mettre en place pour communiquer mes intentions et construire le projet avec ces acteurs locaux.

1 - L’implication de tous les usagers du territoire rural

/// L’interdépendance entre les différents acteurs /// Des rôles variés dans la mise en place du projet éco-paysager 2. Vers la mise en œuvre d’un projet éco-paysager partagé /// Le processus à envisager pour la suite

169


170


1. L’implication de tous les usagers du territoire rural

/// L’interdépendance entre les différents acteurs du territoire Les exemples cités précédemment, montrent l’intérêt qu’il y a à favoriser une agriculture «territorialisée» qui s’oppose à une agriculture industrialisée. L’enjeu est donc de savoir comment encourager et maintenir ces pratiques et ces structures agricoles hétérogènes en faveur d’une mosaïque paysagère. Pour ce faire, l’implication de tous les acteurs et usagers du territoire au sein du processus de projet sera essentiel. Ce ne sont pas seulement des milieux qu’on va chercher à mettre en connexion mais également des acteurs, des pratiques et des responsabilités. C’est en cela que constituera la suite logique du projet abordé au cours de ce diplôme. Autrement dit la mise en œuvre du projet, qui passera par le partage d’un point de vue et par la construction commune d’un projet éco-paysager, permise par l’implication d’une diversité d’acteurs. Cela permettra, je l’espère, de changer les regards portés sur la question de la biodiversité et ce que cette notion implique au sein d’un territoire rural en mutation. Un concept qui reviendra sur le fonctionnement même de l’espace rural au travers de l’implication d’une diversité d’éléments naturels, humains et de pratiques, le tout mis en relation par leur diversité sous forme d’un système de composantes interdépendantes les unes par rapport aux autres. On pourra parler d’un «tout éco-paysager». Ce raisonnement justifiera le discours que je pourrai avoir envers les décideurs politiques, qui se dissociera du discours que je tiendrai aux restaurateurs qui lui se différenciera de celui adressé aux commerçants et aux habitants locaux.

/// Des rôles variés dans la mise en place du projet éco-paysager Le décideur politique peut encourager et soutenir le développement et le maintien des petites et moyennes exploitations par des aides financières ou des avantages par différents moyens (Mise à disposition de terres communales, achat de terres qui sont remises à disposition des jeunes agriculteurs désirant installer une exploitation par exemple). L’habitant local peut participer au projet par une implication d’ordre «moral», où il s’engage à consommer les produits des agriculteurs locaux au travers des moyens de vente directe ou au travers des structures telles que les magasins de produits fermiers ou les supermarchés.

Les supermarchés et autres commerces de produits alimentaires font également partie de ce contrat moral passé avec le producteur, qui encouragera ces premiers à se fournir chez les éleveurs et les producteurs locaux, en termes de viande, de produits laitiers, de fruits et de légumes (exemples des bio-région, où ce modèle fonctionne déjà). Le professionnel du tourisme peut vivre de son activité et voit son activité être fructueuse grâce au paysage hétérogène dans lequel elle s’inserre et pour lequel le touriste fait le déplacement. Son économie dépend de ce paysage singulier diversifié ainsi que des pratiques qui y sont associées. Ainsi les restaurateurs et les hôteliers ont eux aussi tout intérêt à prendre part à l’engagement pour l’utilisation des produits locaux comme le fait déjà l’Hotel «Gerstl» par exemple avec son label «R30», attestant de l’origine des produits dans un rayon de 30 km, ou encore le bio-hôtel Panorama, basant tout son concept sur la mise à disposition de produits locaux. Ces différents engagements, qui pourront se formaliser par la mise en place d’un «contrat moral» entre les acteurs, permettront une mise en réseau et une interdépendance entre ces derniers et les pratiques qui induiront et nécessiteront le maintien d’un paysage diversifié. La mise en place de règles du jeu collectives entre le consommateur et l’agriculteur, propres notamment aux principes des circuits courts, permettra d’aller au-delà de la seule relation marchande grâce à des liens sociaux bâtis sur un système de valeurs. La proximité géographique entre le producteur et le consommateur, au travers du paysage, permet aux acteurs de construire leur territoire allant de pair avec la garantie de la qualité de leur alimentation. L’instauration d’un dialogue entre l’agriculteur et le consommateur permet au producteur de mettre en avant ses compétences et ses savoir-faire. Cette dynamique est confortée par la connexion paysagère permettant l’entrée en contact entre ces différents acteurs afin de pouvoir observer la provenance et le paysage associé au produit, et d’établir une base de confiance pérenne entre les usagers de ce paysage. Ainsi, la qualité relationnelle, permise entre autres au travers de l’aménagement paysager, peut être vue comme un enjeu majeur de pérennisation des circuits courts et cela impose de réfléchir à ce qui peut être mis en œuvre pour la renforcer (évènements comme le festival organisé à Mals, des journées à thèmes, ...).

171


L’habitant Achète le produit produit par ...

achète le produit produit par ...

le paysan

se fournit chez ...

AIN

TIEN

ET L

ED

ÉVE

Le commerçant

Diversification des pratiques par l’aide à l’installation de petites et moyennes exploitations agricoles

Le touriste

LE M

Dans les points de vente gérés par ...

Décideur politique

172

URE

Supporte/subventionne

L’hôtelier et le restaurateur consomme et achète le produit local transformé par ...

Le «système» rural» : un «tout éco-paysager»

ASS

A la ferme

LOP P

EM

ENT

DE

...


Attraction de personnes extérieures au territoire Mosaïque écologique et paysagère

La divulgation d’un modèle à l’échelle de la vallée

Développement et diversification de l’économie de la commune

173


2. Vers la mise en œuvre d’un projet éco-paysager partagé /// Le processus à envisager pour la suite N’ayant pas eu l’opportunité d’aller plus loin dans la démarche mise en place au sein de mon diplôme, j’aborderai tout de même quelques pistes d’action qui pourraient caractériser la suite de ce travail. - Quels sont les différents temps qui marqueront le retour sur le terrain? - De quelle nature vont être les actions que je vais entreprendre ? - Quels sont les acteurs ou les groupes d’acteurs auxquels je m’adresserai en premier lieu ? Dans le but de partager la mise en place du projet éco-paysager avec les acteurs locaux, je me questionnerai sur l’expérimentation d’un processus à mettre en place pour partager ces propositions de projet et ainsi guider sa mise en œuvre. En effet, la mise en œuvre du projet, ne pourra se faire qu’au travers de la participation des acteurs locaux, comme l’entend le raisonnement mis en place tout au long du diplôme. Les acteurs auxquels je m’adresserai Les préconisations d’actions se situant généralement en bordure des parcelles leur appartenant, je m’adresserai aux paysans, et notamment à ceux qui sont déjà dans la perspective de mettre en place des actions pour le développement de pratiques alternatives. Ce sont là des acteurs clés avec qui je pourrai collaborer et avec qui je pourrai envisager de former un groupe de travail me permettant de donner du poids et de la crédibilité aux propositions d’actions et de ne pas me présenter seule face aux habitants.

174

La nature des actions en lien et/ou en collaborations avec ces acteurs Les différentes façons d’aborder le projet et de le partager en fonction des acteurs auxquels je m’adresse. Dans la volonté de mettre en place la charpente éco-paysagère, à l’échelle de la commune, il s’agira d’une part de passer des accords avec les agriculteurs propriétaires ou exploitants des parcelles bordant, et/ou comprises dans, la charpente que je souhaite mettre en place. En effet, mis à part les actions qui sont planifiées sur l’espace relevant du domaine public, la mise en œuvre du projet d’aménagement de charpente éco-paysagère dépend exclusivement du bon vouloir de la part des paysans de mettre à disposition une frange de leur parcelle ou de participer eux-mêmes à la mise en place de structures écologiques sur leur propriété. La coopération avec les acteurs rencontrés en amont sera considérée comme une porte d’entrée pour impliquer et attirer l’attention d’autres paysans qui pourraient être réticents à l’idée de sacrifier un partie de leur parcelle à un aménagement écologique telle qu’une haie, un alignement d’arbres ou une bande enherbée. De par l’aspect dispatché des parcelles appartenant aux agriculteurs susceptibles de vouloir coopérer, la charpente pourra voir le jour de façon fragmentée dans un premier temps pour ensuite, de fil en aiguille, au travers de la sensibilisation et la communication des bénéfices que chacun peut tirer de ces éléments mis en réseau pouvoir s’étendre et voir le jour au sein d’autres parcelles agricoles. Je parlerai alors de parcelles «témoins» qui auront un rôle de «médiation».

Le groupe d’acteurs ciblé s’élargira aux associations et regroupements d’acteurs présentés plus en amont, comme «Adam & Epfl», «Umweltschutzgruppe Vinschgau», «Heckenverbund Malser Haide», etc. Des initiatives qui regroupent non seulement des agriculteurs mais également des acteurs venant d’autres milieux, exerçant d’autres métiers et ayant ainsi d’autres rôles à jouer dans la mise en œuvre du projet.

Parallèlement, c’est au travers d’interventions dans les projets déjà en cours, que je pourrai impliquer d’autres acteurs et encourager les acteurs (paysans et/ou autres habitants) à cohabiter dans la mise en place du projet et en communiquer sa philosophie. A titre d’exemple, une travail peut être envisagé avec la «Hecken Verbund Malser Haide», regroupant des volontaires pour la plantation de haies. Deux journées ont déjà eu lieu. Plusieurs autres journées sont plannifiées au printemps prochain. Il s’agira pour cela d’entrer en contact avec les deux organisateurs principaux de l’initiative : le vétérinaire de Mals, Peter Gasser, avec lequel j’ai déjà eu l’opportunité de m’entretenir et le biologiste Joachim Winkler.

La communication du projet aux élus, notamment le maire qui est très intéressé par le projet, sera le moyen d’atteindre un maximum d’acteurs notamment au travers des moyens d’ordre organisationnels (Rassemblement officiel d’acteurs autour de manifestations sur l’espace public ou dans des locaux de la commune par exemple).

L’implication d’acteurs locaux à plus large échelle, dans la mise en œuvre du projet éco-paysager, sera le moyen d’atteindre le second objectif de mon travail, qui est celui de la garantie de la durabilité du projet et de la mise en place d’un «système agricole territorialisé» où chaque acteur prend part au fonctionnement d’un tout


éco-paysager en agissant à des échelles et avec des moyens variés. Dans cette volonté, un rassemblement d’acteurs, de type expérimental, pourra également être considéré, au sein d’un nouveau groupe de travail, entre des habitants (Agriculteurs, restaurateurs, commerçants, habitants, ...), qui sont chacun ouvert à la question et avec qui je pourrai construire un système mis en réseau qui pourra servir de modèle. Une mise en réseau qui lui aussi aura un rôle de médiation d’un système qui existe déjà, et qui aura pour but de prendre plus d’ampleur pour, à terme, devenir un modèle prédominant et généralisé à l’échelle de la commune. A titre d’exemple je me baserai sur des exemples introduits précédemment des circuits courts déjà en place entre l’exploitation agricole d’Alexander Agatle à Schleis, et le supermarché «Despar» auquel ce premier livre son fromage. Mais également entre ce même fromager et l’hôtel «Gerstl» situé au nord de Mals, qui promeut ainsi l’activité de l’agriculteur auprès de ses hôtes. Des hôtes qui peuvent venir visiter sa fromagerie. L’exemple des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) L’AMAP, en France, peut être un exemple d’outil à mettre en place dans la commune. Ce regroupement de producteurs et de consommateurs définissent de manière commune la quantité et la diversité des aliments à produire pour la saison. Parallèlement, Le groupe de consommateurs et l’agriculteur se mettent d’accord sur les méthodes agronomiques à employer. De manière périodique, le producteur met ainsi des produits frais à disposition des habitants. Les principes propres à cette association se retrouvent déjà partiellement dans plusieurs initiatives à Mals. A titre d’exemple, Günther Wallnöfer, se met d’accord avec l’hôtel restaurant «Gasthof Lamm» à Laatsch pour décider de la diversité de légumes qu’il produira durant la saison. Ce sera au travers des échanges et du travail avec les élus que je pourrai favoriser la communication des intentions et répondre à des questions d’ordre organisationneles dans la mise en place du processus d’action à l’échelle de la commune. Ce sont ces mêmes élus qui pourront permettre la diffusion d’une réglementation, voire divulguer des contrats d’ordre moraux entre les habitants et les paysans, les commerçants, les restaurateurs, ...

Un cercle vertueux Ce dialogue avec les élus aura essentiellement pour objectif de décentrer les regards par rapport au rôle de l’agriculteur dans la problématique actuelle à la commune. La loi anti-pesticides qui est en train d’être passée à Mals im Vinschgau, «pénalise» les agriculteurs dans leur activité, on peut donc très bien imaginer que la suite et la contre-partie à cette interdiction, qui est exceptionnelle à l’échelle de la vallée, se matérialise par une réglementation imposée à la population locale ayant voté pour cette loi. Il s’agira de souligner l’aspect indispensable de cette réglementation, pouvant se matérialiser par le contrat moral introduit précédemment, si la commune espère voir un changement de pratiques de la part des agriculteurs et donc le maintien d’une diversité paysagère. De la même manière, il s’agira de montrer la nécessité de mettre en place une charpente éco-paysagère et de maintenir une diversité de pratiques agricoles aux paysans, formant un système de cultures interdépendantes, pour pouvoir continuer de vivre de leur activité au vue de l’avenir de l’agriculture dépourvue de produits phytosanitaires.

Retour vers les agriculteurs et réflexion commune sur les premières interventions à l’échelle de leurs parcelles.

Mise en place de la charpente, visite des lieux avec un «groupe de travail» constitué en amont.

Mise en place de temps d’échanges entre agriculteurs pour le partage d’outils d’aménagement écologiques (visite de l’exploitation de Günther par exemple).

Présentation des propositions ou possibilités d’actions

175


176


Conclusion

La découverte de la commune de Mals et notamment des dynamiques qui l’animent m’ont permis de me questionner sur le fonctionnement propre au territoire rural à l’heure actuelle et notamment sur le rapport complexe que les usagers de ce territoire entretiennent avec le paysage se traduisant par la remise en question de sa gestion. Par ailleurs, en tant que future paysagiste, le travail au sein de cette commune se situant dans un contexte géographique, économique, politique et social singulier, m’a permis de me réapproprier la notion même de paysage rural pour voir comment ce dernier résulte des dynamiques sociales, politiques, économiques et naturelles, mais surtout en quoi cette notion devient le moyen pour le paysagiste d’impacter de façon transversale sur les dynamiques et les problématiques qui y sont associées pour permettre la cohabitation harmonieuse et équilibrée d’une multitude d’acteurs ayant des intérêts variés et convergents pour un territoire qui doit être partagé. Ainsi, dans le cas de la commune de Mals, ce que beaucoup considèrent relever d’une nécessité de restructuration de pratiques agricoles, relève en fait d’un problème qui se situe à plus large échelle, impliquant tout un système d’acteurs dont les usages et les pratiques doivent être vues de façon conjointes. C’est la découverte et l’entrée au sein de ce système d’acteurs qui a constitué le moment fort de la réalisation de ce diplôme. En effet, les différentes rencontres avec les acteurs de la commune ont été primordiales a plusieurs points de vues. Dans un premier temps elles m’ont permises d’entrer rapidement dans une réali-

té concrète du territoire, d’aborder ses dynamiques et d’associer des usages et des pratiques au paysage arpenté. Par la suite, ces rencontres ont été décisives dans la tournure qu’a pu prendre mon travail. Un raisonnement qui, à première vue, semblait essentiellement se focaliser sur une approche purement écologique, s’est porté vers une réflexion plus globale sur le fonctionnement même d’un territoire rural et en quoi l’approche paysagère pouvait y être la clé d’entrée pour aborder les problématiques qui animaient ce territoire. Cette double entrée a grandement été influencée par l’apport des approches paysagères complémentaires que j’ai pu avoir d’une part au cours des trois premières années de formation à l’ENSAP de Bordeaux et d’autre part durant la dernière année de formation à la Technische Üniversität de Munich. Ainsi, l’approche sensible et sociale du paysage à laquelle j’ai pu être formée à l’école de Bordeaux, a été complétée par une approche plus écologique durant mon expérience en Allemagne. Des approches qui ont influencé la tournure qu’a pu prendre mon travail personnel de fin d’étude mais qui m’ont également permis de prendre conscience de la pratique professionnelle dans laquelle je souhaite me lancer à l’avenir. Je souhaite ainsi continuer de me constituer une boîte à outils et de savoirs relevant du domaine de l’écologie, notamment appliquée à l’activité agricole, tout en me nourrissant des pratiques, traduisant des savoir-faire, et des aspirations variées des personnes expérimentant un paysage singulier, pour faire projet à l’échelle du grand territoire.

177


Bibliographie

OUVRAGES

ECOLOGIE DU PAYSAGE

PAYSAGE RURAL ET ÉCOLOGIE

- Françoise Burel, Jacques Baudry. Ecologie du paysage : concepts, méthodes et applications. Paris : Tec & Doc , 2010.

- Yves Lüginbühl, Daniel Terrasson. Paysage et développement durable. Quae éditions, 2013. - Yves Luginbühl. Biodiversité, paysage et cadre de vie, la démocratie en pratique. Édition Victoires, 2015. - Soltner, Dominique. Bandes enherbées et autres dispositifs bocagers : pour garder les sols et filtrer l’eau, pour héberger la faune sauvage, pour maintenir les paysages. Bressuire : Soltner, 2007 - Etudes rurales, n° 121-124. De l’agricole au paysage. Etudes rurales, 1991 ALPES - Commission internationale pour la protection des Alpes. Conservation des paysages agricoles traditionnels des Alpes, 1991. - Ulrike Tappeiner, Axel Borsdorf, Erich Tasser. Alpenatlas: Society - Economy - Environment. Spektrum Akademischer Verlag, 2008. - Werner Bätzing. Die Alpen. Beck C. H., 2015 TYROL DU SUD - Zürich, Institut für Agrarwirtschaft. Südtiroler Landwirtschaft. Agrarökologische Analysen und Perspektiven. Baur, Priska,1997. - Tasser, Erich, Tappeiner, Ulrike, Cernusca, Alexander. Südtirols Almen im Wandel, ökologische Folgen von Landnutzungsänderung. Bozen. 2001 VINSCHGAU - Jörg Ewald. Waldtypen, Vegetation und Klimawandel im Vinschgau, einem inneralpinen Trockental. Tagungsbereiträge und Exkursionsführer zur AFSV-Tagung 2011 in Goldrain, Südtirol. - Klaus Fischer. Agrargeographie des westlichen Südtirol. Der Vinschgau und seine Nebentäler. Wien - Stuttgart: Braumüller, 1974.

178

AGRICULTURE - Coulon Frédéric, Meiffren Isabelle, Pointereau Philippe. Le pré-verger : pour une agriculture durable. Toulouse : Solagro , 2005. - M. Amstutz, M. Dick, N. Hufschmid. Natur aus Bauernhand, ein Leitfaden zur ökologischen Landschaftsgestaltung. Forschungsinstitut für biologischen Landbau. 1990 ARTICLES ET PARUTIONS - Néon, juin 2015. «Der ApfelKrieg» Judith Liere - A Tempo, N° 200, août 2016. «Überall ist Mals» Ralf Lilenthal - Revue de géographie alpine, Volume 81, N° 2 pp. 31-49. 1993. La politique d’aménagement de la montagne au Tyrol du Sud (Italie) : un modèle d’autodéveloppement ? Freschi (L.) - Revue scientifique sur la conception et l’aménagement de l’espace. Dossier thématique N°2. Les trames vertes : discours et/ou matérialité, quelles réalités ? Laure Cormier et Nathalie Carcaud. 2009. - Gemeindeblatt Mals N°364, mai 2015, p.9. Das volle Programm: Mitten im Paradies. Adam & Epfl - Sciences, eaux et territoires, la revue de l’Irstea. N°19, mai 2016. Intégration des enjeux environnementaux dans la gestion du foncier agricole. Bertrand Nathalie, Duvillard Sylvie. - Sciences, eaux et territoires, la revue de l’Irstea. N°14, octobre 2014. La trame verte et bleue. Vanpeene-Bruhier Sylvie, Amsallem Jennifer. WEBOGRAPHIE - http://www.persee.fr/ - http://www.argriculture.gouv.fr - http://www.developpement-durable.gouv.fr


- http://provinz.bz.it/ - http://vinschgau.net/ - http://www.suedtirol.info/wasunsbewegt/ - http://www.dervinschger.it/ - http://adamundepfl.net/ - http://wundervonmals.com/ - http://www.projetsdepaysage.fr - http://gis2. provinz.bz.it/ - http://geokatalog.buergernetz.bz.it/ - http://www.less-please.org FILMOGRAPHIE - Stefan Sobkowiak. Le verger permaculturel, au-delà du bio. 2014 - Lamia Otthoffer, Nathalie Arrojo, Lionel Goupil. Dessine moi un paysage bio, paysages et agricultures biologiques. La bergerie nationale Rambouillet. 2012 - Alexander Schiebel. Das Wunder von Mals.2015 DIPLÔME - Helmut Schönthaler. Der Getreidebau des Vinschgaus und seiner Nebentäler im 19. und 20. Jahrhundert. Natürliche Voraussetzung - Anbau - Konsum. 1992 TRAVAUX DE RECHERCHE - Gilles Novarina, Dominique Métais, Maddalena Micheletto. La planification paysagère, approche comparée France Italie. Ministère de l’écologie et du développement durable (Programme de recherche : politiques publiques et paysages convention 99-120). Mars 2004.

179


180


Remerciements

Je dois l’aboutissement de ce travail aux nombreuses personnes m’ayant accordé un peu de leur temps, ayant partagé leurs savoirs avec moi et m’ayant encouragé durant ces derniers mois. Je souhaite ainsi remercier : le Lehrstuhl TU «LAREC», de l’université de Munich, par le biais duquel j’ai été amenée à découvrir les Alpes, Lisa Schmied avec qui j’ai découvert la commune de Mals et rencontré les premiers habitants, la famille Lechentaler pour leur accueil chaleureux à Mals durant les différents séjours que j’ai pu passer dans la commune, les habitants de Mals et des communes voisines qui ont partagé leurs expériences et leurs points de vue avec moi, le maire de Mals, Ulrich Veith, qui m’a fourni de précieuses informations et de nombreux contacts, mon professeur encadrant Dominique Henry qui m’a guidé au travers de la réalisation du diplôme à distance, Alise Meuris, Philippe Richard et Marc Esslinger, d’avoir accepté d’être membres de mon jury pour la soutenance de ce travail, mes colocs et mes amis, qui m’ont supporté et soutenus au quotidien, Florian qui m’a aidé à décortiquer le dialecte sud tyrolien et qui m’a soutenu durant la rédaction du diplôme, Mes parents et Floor qui ont m’ont conseillé dans ce projet et soutenus tout au long de mes études de paysage.

181


182


183


Résumé Située au nord ouest du Vinschgau, une vallée considérée comme faisant partie de la plus importante région de production pomicole d’Europe, la commune de Mals im Vinschgau est actuellement animée par des tensions politiques et sociales résultant de la rencontre et de la confrontation entre deux modèles. Une mosaïque paysagère traduisant des pratiques agricoles encore diversifiées est progressivement menacée par l’évolution de la monoculture pomicole. Suite au référendum de 2015, visant à interdire les pesticides au sein de la commune, la ville de Mals travaille actuellement sur un arrêté réglementant et limitant considérablement l’utilisation des pesticides au sein de la commune. Dans la recherche de solutions alternatives à adopter pour assurer le devenir de l’agriculture et celui du territoire de façon plus large, ce diplôme réinterroge l’entrée paysagère à adopter pour traiter des fonctionnements écologiques dans les territoires ruraux en mutation. Mals im Vinschgau devient ainsi une commune témoin et modèle pour répondre à des problématiques actuelles à plus grande échelle. Dans ce contexte, des composantes écologiques et paysagères sont recensées et exploitées dans la mise en place d’une charpente éco-paysagère qui décline et se réapproprie les concepts propres à l’écologie du paysage. Parallèlement, la découverte des pratiques agricoles écologiques, présentes sur le territoire, au travers de rencontres avec les acteurs locaux, vient enrichir la charpente éco-paysagère tout en apportant une dimension sociale au projet. Une dimension qui permet d’envisager la mise en place concrète d’un projet éco-paysager pérenne en impliquant tous les usagers du territoire rural.

Mots clés : Mals im Vinschgau - fruitiers - pomiculture - monoculture - médiation - territoire rural - pratiques agricoles - écologie du paysage - mosaïque paysagère


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.