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Le Mignan-Jestin Ce duo qui tient le Vannes OC sarzeau Le malaise des commerces du centre-ville
M A G A Z I N E I N D É P E N D A N T - N ° 5 8 - n o v em b r e 2 0 0 9 - 3 , 5 0 €
reportage avec les soldats du 3e RIMa
Des Morbihannais
R 28038 - 0058 F : 3,5 €
dans l’enfer afghan
Vannes Ces locaux municipaux qui ne servent pas
TaÏ Chi Chuan Le zen en vogue en Morbihan
sentiers côtiers L’éternelle polémique
La « drôle de guerre » des Morbihannais en Afghanistan
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Le Mensuel/novembre 2009
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Fiers mais fatigués. Depuis cinq mois, près de 500 marsouins du 3e Régiment d'infanterie de marine de Vannes opèrent dans la province de Kapisa dans l'est de l'Afghanistan. Embuscades, explosifs improvisés, tirs de roquettes… Harcelés, les soldats bretons ont perdu cinq des leurs. Le Mensuel les a suivis, sur place, dans leur « drôle de guerre » où la conquête de la population prime sur l'annihilation de la rébellion. Par Killian Tribouillard killian.tribouillard@mgm-mag.info
(Photos Romain Joly)
L'ennemi invisible. En poste dans l'une des tours de garde de la base de Tagab, un jeune marsouin observe le vide de la montagne. Il ne faut pas se fier aux apparences. Les attaques sont relativement fréquentes. La base, imbriquée dans la ville de Tagab, est la cible de tirs isolés ou de roquettes. La nuit, les artilleurs français n'hésitent pas à jouer du mortier. But de la manœuvre : montrer aux insurgés qu'ils veillent.
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La « drôle de guerre » des Morbihannais en Afghanistan
Ci-dessus. Les démineurs font exploser un IED (engin explosif improvisé) qu'ils ont débusqué sur la route entre Tagab et Nijrab. C'est à ce moment là qu'une fusillade nourrie éclate. Ci-dessous. Deux mondes s'épient. Habitués à la guerre, les Afghans croisent les soldats comme si de rien n'était. La clef de la coalition se trouve dans sa capacité à collaborer avec la population.
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Ci-dessus. Un soldat de l'armée nationale afghane observe la vallée d'Alasay, sur un point haut de 2 000 m d'altitude. Ci-dessous. Poussière, promiscuité, enfermement. Les soldats passent des heures entassés dans des blindés (les fameux Vab) à l'abri des balles, mais pas des IED et des roquettes.
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La « drôle de guerre » des Morbihannais en Afghanistan
Un drapeau flotte en berne au-dessus de la base militaire de Nijrab en Kapisa.
Le 3e RIMa de Vannes rend à nouveau hommage à l'un des siens. Johann HivinGérard, 29 ans, s'est éteint l'avant-veille des suites de ses brûlures après l'explosion de son blindé le 4 septembre. Dans l'armée, le deuil apparaît pudique. Il est 6 h ce dimanche. Le soleil s'est levé il y a une heure à peine. Déjà, la fine poussière qui enveloppe le camp pénètre partout. Elle se colle sur les vêtements, s'immisce dans les narines, salope le matériel. Dans son blindé de commandement, le capitaine Michel*, 31 ans, tire sur sa clope sans lâcher sa radio. Voilà une heure qu'une centaine de ses hommes mènent une opération de « routine », dans le cadre de leur participation à la coalition internationale déployée en Afghanistan. Les soldats reconnaissent la route qui relie les deux bases françaises installées dans la province, à 80 km de Kaboul. Nijrab au nord, Tagab au sud. 18 km les séparent. 18 km d'une étroite bande de bitume, irrégulière et chaotique, qui serpente au creux d'une vallée où poussent les grenadiers, le maïs et le blé. Ici, l'enfer présente un visage d'Eden. Le ouadi à l'eau pure s'écoule au milieu d'une végétation basse. Dans les champs bordés de pierres, des troupeaux de vaches ou de chèvres rachitiques sont menés par quelques bergers vêtus de djellabah aux couleurs vives. Il y a le sourire des gamins, magni-
Ouzbékistan Turkménistan
Tadjikistan Chine
Kaboul
Afghanistan
Pakistan
Iran La coalition internationale regroupe 100 000 hommes en Afghanistan. 1 463 soldats de la coalition y sont morts depuis 2001. 3 700 Français sont déployés dans le pays. 36 soldats français ont été tués depuis 2001.
NIJRAB
Kapisa
18 km
La province de Kapisa
La base de Nijrab. Elle s'étend sur 20 ha et abrite 460 Français, 240 Afghans et 140 Américains.
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TAGAB
750 Français, dont près de 500 du 3e RIMa de Vannes, sont déployés en Kapisa. 1 842 km2 (1/4 du Morbihan) 195,4 habitants au km² (43 hab/km² en moyenne en Afghanistan)
fiques, aux grands yeux timides et le salut des vieillards empreints de dignité. A l'est, la montagne aride s'élance vers un ciel azur. A l'ouest, de vastes fermes de torchis se nichent dans la verdure. Plus loin, quelques taches de neige éternelle constellent les sommets ocre qui s'élèvent à 3 000 m d'altitude. Grandioses et maléfiques. Sur la route, à 8 km de Nijrab, les Français ont stoppé leur progression. Des habitants
Dimanche 11 octobre. Un explosif improvisé a été détecté. Agenouillés sur la route, les démineurs le neutralisent sous la protection de deux hélicos américains.
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Le 3e RIMa de Vannes en Afghanistan
leur ont signalé un engin explosif improvisé (IED). Les champs se sont vidés. Flairant le danger, la population s'est éloignée. Un signe. « C'est sûr, ça va avoiner », prédit le capitaine Michel. Prudents, ses hommes se déploient dans les champs et sur le flanc de la montagne. La manœuvre est méthodique, les paroles laconiques. Les gestes professionnels, précis et résignés. Une vingtaine de minutes plus tard, l'engin est détecté. Fiché dans le bitume, un bidon jaune contient une vingtaine de kilos d'un explosif constitué d'engrais et de produits chimiques. Le mélange de mort est piégé d'une grenade. Une « dédicace spéciale » pour le démineur. L'IED s'avère « d'inspiration pakistanaise », confie le caporal Florent, qui s'attelle à le neutraliser, aidé de son binôme. Agenouillés sur la route, sans protection spécifique, les deux hommes le dégagent. Quelques minutes plus tard, ils le font exploser. Le souffle de la détonation fait se ployer la végétation. C'est à ce moment qu'éclatent les premières rafales. Du 7,62 signé Kalachnikov. Visés, les démineurs se replient. Leurs frères d'armes ripostent. Difficile de discerner les assaillants dissimulés dans le ouadi. Alors que le véhicule se dégage, un tir de roquette vise un des blindés français qui réplique au canon de 20 mm. L'odeur de poudre s'est substituée à celle de la vallée. Le claquement sourd produit par les pales de deux
hélicoptères US venus en renfort se mêle aux bruits des projectiles. Les échanges durent une dizaine de minutes. Brefs et violents, comme souvent. Les Morbihannais se replient. La route est dégagée, la mission terminée. Les Français ne déplorent aucun blessé. Bilan impossible à établir côté rebelles.
Isoler « l'ennemi » dans son propre fief
Les marsouins subissent ce genre d'événements depuis cinq mois. « En général, on a une attaque tous les deux jours », évalue le commandant Pierre, numéro 2 du GTIA**. Depuis leur déploiement fin mai, cinq Bretons ont trouvé la mort dans cette petite province de 360 000 habitants. 43 autres soldats ont été blessés (à l'heure où nous bouclons). Souvent de sales blessures. Quinze d'entre eux ont été rapatriés en France. Un ne reprendra jamais son métier. Pour le commandement : pas question de parler de « guerre » pour autant. Officiellement, il s'agit « d'actions de haute intensité pouvant rappeler des faits de guerre » (sic). Une nuance sémantique que le colonel Chanson défend avec acharnement. « Ici, il n'y a ni défaite, ni victoire, ni territoire à conquérir », assène le grand patron des forces en Kapisa. La mission des Français ? « Stabiliser » la région pour permettre aux Forces de sécurité afghanes (FSA) de contrôler leur territoire. Une opération complexe. L'action de la coalition doit légitimer la gouvernance d'un pouvoir décrié, en permettant le développement de la province. Electricité, téléphonie, agriculture, routes... Sur le papier, les Français assurent
« Ici, il n'y a ni défaite, ni victoire, ni territoire à conquérir » Le colonel Chanson
la sécurité de tous ces chantiers. Ils multiplient les contacts avec la population en respectant les spécificités de la société afghane. A commencer par la corruption. L'un des fondements du modèle social qui pallie l'absence de pouvoir administratif central. Dans les faits, les Français doivent dissocier le clientélisme généralisé des détournements de fonds criminels. Accepter une part de la corruption en nuançant leurs critères de jugement occidentaux. Pour conquérir « le cœur et l'esprit » de la population ? « Ce qui paraît plus concevable est de gagner la confiance d'une partie des habitants », pondère
« Spot » pas cher, tout confort, bonne bouffe, panorama à couper le souffle... A Nijrab et Tagab, la vie sur les bases s'appréhende au rythme des patrouilles. Les temps de repos sont passés à dormir ou à regarder des vidéos. Muscu, volley, boxe, footing sont les seuls loisirs possibles sur ces camps au luxe précaire. Le Mensuel/novembre 2009
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La « drôle de guerre » des Morbihannais en Afghanistan le colonel Chanson. Une confiance, tis- ricains, trop terrés dans leur base au sée par le « respect que l'on inspire et l'es- goût des « Frenchies », les sorties de ces time que l'on suscite ». Ainsi, les Français derniers se révèlent quotidiennes. De jour doivent rétablir la sécurité en employant comme de nuit, les blindés sillonnent la la force avec discernement. Et proposer province et ses vallées. Alasay, Afghanya, aux habitants des « solutions concrètes » Bedraou… Les accrochages y sont frépour faciliter le développement. L'idée est quents, le danger permanent. Salves de de prouver aux Afghans qu'ils gagneront roquettes la nuit sur les bases, tireurs plus à collaborer avec la coalition qu'à sou- isolés, explosifs improvisés, embuscades tenir les rebelles. Isoler l'ennemi dans son propre fief. Un travail de longue haleine, dans lequel les Français naviguent au milieu d'intérêts multiples. Les habitants restent partagés entre crainte des insurgés, méfiance vis-à- Un jeune lieutenant du 3e RIMa vis de FSA corrompues, défiance face à une coalition cataloguée « armée d'occupation » et bienfaits immédiats que planifiées… A chaque fois, l'objectif des insurgés est de « faire le plus de morts tout ce petit monde peut leur procurer. possible ». Sans distinction. De quoi devenir parano Les Morbihannais doivent lutter contre La tactique, c'est occuper le terrain. un « ennemi » invisible. « Quatre mois D'abord pour contrôler les axes de com- et demi que je suis là... Pas vu un taleb munication. Chaque matin ou presque, (taliban, ndlr) », reconnaît le lieutenant les soldats patrouillent le long de la route Gaël, les yeux braqués dans d'imposantes de la vallée. Il faut six heures pour sécu- jumelles. Pour se faire une idée « des gars riser ces 18 km… et près de 200 hommes, d'en face », il faut s'en remettre aux théoappuyés par des blindés, des chars AMX ries des officiers. « On doit oublier l'image et des mortiers. Le salaire de la sécurité des barbus intégristes venus du Pakistan, contre les IED. Contrairement aux Amé- assure le commandant Pierre. Les insur-
gés sont majoritairement autochtones et opportunistes. Il y a les irréductibles, une minorité, qui luttent pour le Djihad et les autres. Ils profitent de leur statut de résistants pour acquérir une importance sociale et s'enrichir. » Le colonel Chanson confirme : « Le rebelle type a 18-35 ans. Le plus souvent, il vient d'un milieu défavorisé. Il porte un pantalon, une veste, un gilet et souvent une paire de tennis. C'est comme cela qu'on le repère parfois. » Lors des patrouilles, impossible de distinguer « le bon » du « méchant ». De quoi devenir parano. « Regardez lui… Il nous dit bonjour en souriant… si ça se trouve c'est un enfoiré de première », commente un soldat sur un check-point. Pour tenter d'y voir plus clair, les marsouins dialoguent avec la population. « Il dit quoi dans ses prêches le mollah ? » Assis en tailleur dans une case de torchis exiguë, quatre officiers palabrent avec les responsables de la sécurité d'un village non loin de Nijrab. Thé, pains et gâteaux ont été disposés sur le tapis. Courtoise, la discussion est régulièrement troublée par le ballet des hélicos US qui frôlent le toit des maisons. Dehors, des militaires sécurisent la réunion. Objectif des Fran-
« Quatre mois et demi que je suis là... Pas vu un taleb »
Règle d'engagement
Les officiers sont « tétanisés » par l'opinion publique Faire le moins de morts possible dans la population, mais aussi chez l'ennemi. La stratégie française l'impose. Tout comme le poids de l'opinion publique. Pourtant, cette tactique n'apparaît pas toujours bien vécue par des soldats lassés de servir de cible.
«J
'en ai marre de servir de cible avant d'avoir le droit de tirer. » Sur le terrain, la stratégie qui consiste à faire le moins de morts possible chez l'ennemi irrite certains marsouins. Ce lundi 12 octobre, quatre Bretons installés dans leur blindé sur le col de Tora, observent le ouadi d'où les insurgés ont le don de les harceler. D'un coup, le silence est rompu par la radio. Quelques kilomètres plus au sud, des marsouins infiltrés dans la montagne ont repéré un groupe de « 11 paxs (personnes), armés de Kalachnikov et de RPG ». « Ils sont dans une voiture. On risque de les perdre de vue. » Les hommes demandent l'autorisation d'un tir de missile Milan. Un « bijou » de technologie, filoguidé, capable de détruire une cible à « 1 900 m avec une probabilité d'atteinte de 95% », selon l'Etat major. A la radio, ça palabre sec entre le terrain et le commandement. Ce dernier s'assure qu'il ne s'agit ni de civils, ni d'alliés. L'info est confirmée par les soldats dans la montagne. Dans leur blindé, les militaires s'énervent. « Feu ! Bordel de dieu ! Qu'est-ce qu'ils attendent ?! » Finalement, l'ordre de tir est refusé.
« Briser l'enchaînement : + de morts = + d'insurgés » Base de Tagab, 17 h, le même jour. La trace rouge d'un missile traverse la vallée et plonge dans la verdure. Au sein de la base, son explosion est saluée par des vivas. Les Français dans la montagne ont enfin reçu
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l'autorisation de tirer contre « les rebelles » repérés le matin. « Ennemis » localisés à 10 h, « traités » à 17... Cette anecdote illustre les règles draconiennes de l'engagement français. Pour les militaires interrogés, le commandement serait « tétanisé » par les risques de dommages collatéraux. Question d'opinion publique et de stratégie. Conquérir la confiance des habitants « nécessite de briser l'enchaînement : + de morts = + d'insurgés », explique le colonel Chanson. La « solution » ne passe pas par « l'élimination systématique » de l'ennemi. La preuve ? L'érosion des effectifs « rebelles » au cours des combats des dernières années n'a pas calmé leur activité, ni réduit leur emprise sur la population. Bilan : selon les témoignages, les soldats du 3e RIMa ripostent, mais ne passent pas à l'offensive. Ce qui a le don d'en énerver certains. « On en a plein le c.. ! Tant que l'on n'aura pas le droit de nous infiltrer dans les montagnes pour les taper de loin quand on les voit, on n'avancera pas ! peste l'un d'entre eux. Il faut que l'on puisse instaurer un climat d'insécurité chez eux. On en a les moyens, les compétences... mais les gradés ne veulent pas. Ils sont focalisés sur ce que pense l'opinion publique. Si on tire sur une voiture avec 6 gars dedans, dont 5 armés, l'opinion va retenir qu'on a buté un mec qui n'était pas armé. Moi, je dis que ça fait cinq taleb qui ne nous tireront pas dessus le lendemain. On ne peut pas continuer comme ça. »
çais : recueillir à savoir renseignements et doléances. L'armée et la sémantique Certaines pour- Talibans, rebelles, insurgés ? ront être satis- Pas facile de désigner les faites. « Vous avez « ennemis » de la coalition. besoin de quoi ? » Grand patron des forces françaises en Kapisa, « Des RPG et des l'ex-chef de corps du RIMa PKM (Kalachnikov de Vannes, le colonel NDLR) ! », répon- Francis Chanson préfère dent les Afghans le mot « rebelle » à celui à des officiers qui « d'insurgés ». « Insurrection éludent la récla- signifierait qu'il y a un refus mation. « Quand général de la population du les Français vont pouvoir afghan. Il s'agit plus dans la vallée, il d'une rébellion. En Kapisa, y a des combats, celle-ci concerne quelques constate le capi- centaines de personnes sur taine Michel. Que 360 000 habitants. C'est beaucoup pour nous, mais disent les habicela ne représente pas la tants ? Pensent- population. » ils que ce sont les Français qui créent les combats ou les insurgés ? » « Les villageois ont peur des insurgés... Et il y a toujours des complaintes contre les forces de sécurité », affirme le chef local, évasif. A la sortie, les Bretons se prennent en photo avec les Afghans. Des numéros de téléphone sont échangés. Une invitation est lancée à la base. Viendront-ils ? « On ne sait pas, reconnaît un officier. Notre job consiste à tisser des liens pour montrer que, contrairement aux insurgés, nous voulons le bien des Afghans. Ensuite, ils nous renseignent. » Comme cette petite fille, de 6-7 ans, venue rapporter aux sol-
« J'ai dû faire une cure de médocs pour me calmer » Un sous-officier basé à Tagab
dats que des taleb se planquaient quelques dizaines de mètres plus loin dans le ouadi. Centraux dans la stratégie de la coalition, les liens avec la population apparaissent pourtant ténus. Les sourires sont timides, les pierres jetées par les enfants au passage des blindés nombreuses. Le colonel Chanson le reconnaissait dans l'un de ses rapports*** : « Il n'est pas envisageable que la population de Kapisa bascule à court terme dans le camp de la coalition. » Même constat du côté des FSA, que les Français sont pourtant censés appuyer. En dehors des missions communes, les contacts sont rares, voire inexistants. Dans la base, où les soldats cohabitent, un fossé semble séparer les Bretons de leurs homologues afghans, qui de
Pris en charge par des Français, deux enfants de 4 et 8 ans sont évacués par des hélicoptères US. Le premier est tombé d'un tracteur. Le second a été éviscéré par une rafale de Kalachnikov tirée par son frère. Un « accident domestique ». Les soins apportés aux civils, mais aussi aux insurgés participent à la stratégie de contre-insurrection menée par la coalition.
La « drôle de guerre » des Morbihannais en Afghanistan
Ci-dessus et ci-contre. Retour de patrouille. Les hommes sont partagés entre leur fatigue et leur fierté de servir sur un théâtre qui réclame toute leur expertise.
temps en temps, se battent à l'arme automatique dans l'enceinte même du camp. Des « vendettas », d'après les Français. Considérés comme de bons soldats, les Afghans dépendent aussi beaucoup de leur encadrement « hétérogène ». Les rapports avec la police afghane semblent encore pires. Versatiles, les fonctionnaires locaux suscitent surtout la méfiance des Français. Lors de leurs patrouilles, ces derniers se sentent obligés de déminer les alentours des postes de police le long des routes. On ne sait jamais. Certains IED ont déjà explosé à côté de ces derniers. « Les flics ? Ils ne voient jamais rien, n'entendent jamais rien, ne sont au courant de rien. »
confie un lieutenant. Le temps a changé d'un coup. Il a commencé à faire froid. Des grêlons énormes se sont mis à tomber. Kevin Lemoine a pris la foudre alors qu'il se trouvait au milieu du groupe. On a essayé de le réanimer. Le doc lui a fait des injections. A un moment son cœur est reparti… mais il devait être trop abîmé de l'intérieur et il est mort. » Deux autres soldats des forces spéciales se sont noyés lors de cette patrouille. « De toute façon, c'est quitte ou double, confie un sous-off'. Moi, mon Vab**** a sauté sur un IED. Je n'ai eu qu'un trauma auditif. Le 4 septembre, les autres sont morts parce que l'IED a pété sous une trappe de visite du blindé. Pourquoi eux et pas moi ? »
Le facteur chance
Mission complexe, méfiance générale, attaques brutales, harcèlement quasi permanent. A un mois de la fin de leur mandat, les nerfs des hommes semblent à vif. Tous les soldats interrogés s'estiment « fiers » de servir leur pays, ici, à 6 580 km de la Bretagne. Contents de pouvoir mettre en œuvre leur professionnalisme dans un conflit qui requiert tout leur savoir-faire. Tous, aussi, confient « leur stress » et « leur fatigue », dopés par l'intensité de journées, débutées à 5 h du mat', rarement finies avant 18. « Au début, quand je suis arrivé, je ne dormais jamais, témoigne un marsouin en
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reconnaissance dans la vallée d'Alasay. Entre la pression de la journée, le stress du lendemain, les attaques à la roquette la nuit… J'avais des cernes énormes. J'ai dû faire une cure de médocs pour me calmer. Je n'aurais pas tenu sans cela. » Il y a aussi le souvenir des opérations qui tournent mal. Comme cette nuit apocalyptique du 27 septembre, où les éléments se sont déchaînés sur une patrouille en infiltration dans la vallée d'Afghanya. « La pire mission de ma vie,
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Pour des raisons de sécurité, seuls les prénoms des militaires peuvent être publiés. ** Groupement tactique inter-armées de Kapisa *** Tactique de contre-insurrection en Kapisa, 13 août 2009, téléchargeable sur www.lepoint.fr, chronique Défense ouverte de Jean Guisnel. **** Véhicule de l'avant blindé *
Le sujet continue sur le web Retrouvez sur www.mgm-mag.info le reportage vidéo en Kapisa ainsi que le « Carnet de guerre de deux journalistes du Mensuel ». En ligne à la mi-novembre.