Le 13 du MOis n°7

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OLYMPIADES

LE RUNGIS ASIATIQUE Le magazine indépendant du 13e arrondissement N° 07 — Mai 2011 | www.le13dumois.fr | En vente le 13 de chaque mois

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LES DESSOUS D’UNE PETITE ENTREPRISE

SANTÉ LA FIN DES PLANTES MÉDICINALES ?

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QUAND LES RÉALISATEURS DRAGUENT LE 13e PRÉSIDENTIELLE

AUX GOBELINS, LA BATAILLE DE L’ART ET ESSAI GRAND ÉCRAN ITALIE : OÙ EN EST-ON ?

SERVICES PUBLICS

POUR QUI ROULENT LA RIGUEUR PRÈS VOS ÉLUS ? DE CHEZ VOUS

Passage du Moulinet Passage Bourgoin

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PLANTES MÉDICINALES : LE GRAND MÉNAGE DE PRINTEMPS DE L’UE

Santé

Par Raphaëlle Peltier Photographie Mathieu Génon

Le 30 avril dernier, une directive européenne encadrant le commerce des plantes médicinales dans l’Union européenne (UE) entrait en vigueur, faisant naître une interrogation : se soigner « naturellement » va-t-il devenir de plus en plus difficile ? Eléments de réponse.

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ctobre 2010, une série de messages alarmistes fleurissent sur l’Internet : l’Union européenne, à la botte de l’industrie pharmaceutique, serait sur le point d’interdire – ou tout du moins pour le moment de limiter drastiquement – l’usage des plantes médicinales en Europe. En cause, la directive européenne THMPD [Traditional Herbal Medicinal Products Directive, ndlr], adoptée en 2004 et entrée en vigueur le 30 avril dernier. Sur le papier, celle-ci vise à simplifier le système d’enregistrement des remèdes à base de plantes. En réalité, selon l’Alliance internationale pour la santé naturelle, à l’origine des pétitions contre cette directive, elle viserait plutôt à étouffer les médecines dites « naturelles ou « traditionnelles ».

L’UE CONTRE LES MÉDECINES « NATURELLES » ? Les plantes médicinales ont-elles toujours droit de cité sur le sol européen ? « Bien évidemment », répond Joëlle Vassail, présidente de l’Union française des professionnels de médecine traditionnelle chinoise, dans laquelle la pharmacopée tient une place centrale. « Ces pétitions relèvent de la désinformation. Elles jouent sur le fait que le texte est difficile à comprendre », affirme-t-elle. « En réalité, toutes les plantes médicinales vendues en Europe par les voies officielles font déjà l’objet d’autorisations. L’objectif de cette directive, c’est 8

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uniquement d’harmoniser ce système au niveau européen. » Concrètement, la directive THMPD modifie les conditions nécessaires à la mise en vente des plantes médicinales, c’est-à-dire des plantes commercialisées comme des remèdes, avec un ensemble d’indications thérapeutiques. Désormais, pour qu’une plante - ou une combinaison de plantes - soit vendue comme un remède en pharmacie, son producteur doit obtenir une autorisation de mise sur le marché, délivrée par l’Agence européenne des médicaments. Mais contrairement à ce qui a cours pour les médicaments, l’attribution de cet agrément ne se fait pas sur la base de tests cliniques, mais sur celle d’un dossier bibliographique prouvant l’usage thérapeutique de la plante ou de la combinaison de plantes depuis au moins trente ans, dont quinze au sein de l’Union européenne.

UN SYSTÈME VÉRITABLEMENT « SIMPLIFIÉ » ? À priori, ce mode d’enregistrement « simplifié » devrait faire l’affaire des producteurs de plantes médicinales et des laboratoires de phytothérapie. Or, c’est justement sur ce point que la directive pose problème. Monter un dossier coûte cher, très cher – jusqu’à 60 000 euros, avance la député européenne d’Europe Écologie - Les Verts Michèle Rivasi – et peut prendre plusieurs mois. « Cela demande des ressources autant financières que logis-


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Par-dessus le périph’ - Société

RROMS D’IVRY : APRÈS L’INCENDIE, L’EXPULSION ? Par Ornella Guyet Photographies Mélanie

À Ivry, un camp de Rroms a été réinstallé suite à un dramatique incendie. Le sort de ces familles menacées d’expulsion divise riverains et autorités.

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e 6 février au petit matin, un violent incendie se déclenche sur un étroit terrain situé avenue de Verdun à Ivrysur-Seine. Attisé par des bouteilles de gaz, l’incendie serait d’origine criminelle. Le camp est dévasté et parmi les 120 Rroms et Roumains qui y vivaient, un mort est à déplorer. C’est la deuxième fois en quelques mois que ces familles se retrouvent privées de tout : originaires de la petite ville de Dorohoi au nord-est de la Roumanie, elles ont déjà dû fuir leur pays suite à une inondation.

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Après le 6 février, la Mairie d’Ivry, propriétaire du terrain, les a temporairement relogés dans le gymnase Joliot-Curie, jusqu’à ce qu’ils investissent, avec l’aide de quelques soutiens français, un terrain situé rue Truillot appartenant à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). C’est là qu’ils vivent depuis le 15 février, sous des tentes fournies par la municipalité ou dans des cabanes aménagées qui, étant donné les circonstances et le confort précaires, pourraient avoir pire aspect. Avec le printemps, le sol en terre battue est sec, ce qui n’était pas le cas à leur arrivée.

DES TENSIONS ET DES SOUTIENS Un comité de soutien s’est formé, il les aide à pourvoir aux besoins du quotidien : vaccinations, soins, scolarisation des enfants, etc. Avec l’aide de la Mairie, une journée de rencontre et de collecte de fonds a été organisée. L’occasion de se faire connaître auprès des habitants des cités voisines, afin de juguler les tensions : « Une crainte que nous avions était la réaction du voisinage par rapport à l’installation du camp, situé en face des cités Gagarine et Truillot. Crainte justifiée quelques jours plus tard : une pétition a été lancée en faveur


VIVRE ICI

R

R I O U U Q

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Présidentielles

À un an de l’élection présidentielle, à droite comme à gauche, les candidats à la candidature se bousculent au portillon. Nous avons voulu connaître les préférences des élus du 13e.

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FRONT DE GAUCHE —

EUROPE ÉCOLOGIE - LES VERTS —

Francis Combrouze « Mélenchon est un bon candidat »

Yves Contassot « Éva Joly incarne la gauche et l’éthique »

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ean-Luc Mélenchon est plus proche que jamais de l’investiture du Front de gauche, depuis qu’il a reçu le soutien officiel de Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français. « Le dernier mot appartiendra aux adhérents », tempère Francis Combrouze, évoquant le vote qui opposera fin juin le coleader du Parti de gauche au moins médiatisé André Chassaigne. L’élu communiste n’affiche aucune préférence, mais confie que « Mélenchon est un bon candidat » et que « c’est bien pour le symbole qu’un non-communiste nous présente», même si au final « le candidat importe peu, l’essentiel, c’est le programme ». Et la présidentielle « compte beaucoup moins » que les législatives qui suivront. C’est dans l’optique de ce scrutin qu’il regrette les candidatures - probables - du Nouveau parti anticapitaliste et de Lutte ouvrière, et souhaite « le rassemblement le plus large possible » au sein du Front de gauche. 12

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OS

Par Emmanuel Salloum

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L’

ancien adjoint de Delanoë se veut réaliste : « Je ne pense pas que nous puissions être au second tour. Les Français ne sont pas encore prêts. » Il prédit une fourchette de 4 à 8% pour le candidat Europe Écologie - Les Verts, quel qu’il soit. Lui préfèrerait Éva Joly, qui « incarne la gauche et l’éthique », à la différence de Nicolas Hulot qui « projette une image de compromis avec le système, en apparaissant comme l’homme de TF1 et de l’Oréal ». Entre les deux tours, les Verts conditionneront leur soutien au Parti socialiste à deux impondérables, « la sortie du nucléaire » et « l’introduction d’une dose de proportionnelle dans tous les scrutins ». Joly ou Hulot ministre de l’Environnement dans un gouvernement socialiste ? « Pourquoi pas, répond Yves Contassot, à condition que le portefeuille soit large et comprenne beaucoup de prérogatives et de moyens. »


PARTI SOCIALISTE —

CONFÉDÉRATION CENTRISTE —

Jérôme Coumet, Serge Blisko, Jean-Marie Le Guen « DSK est le meilleur président pour la France, donc le meilleur candidat pour la gauche »

Edith Cuignache-Gallois « Morin est dans de très bonnes dispositions »

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RA-TER-NI-TÉ » : l’appel lancé en 2008 par Ségolène Royal semble être plus que jamais devenu le mot d’ordre du parti. Après un déluge d’attaques ad hominem par médias interposés, les socialistes se sont résolus à enterrer la hache de guerre depuis le congrès de La Rochelle en août dernier. Les petites phrases assassines sont désormais bannies et les élus du 13e respectent la règle. Tous répètent à l’envi qu’ils soutiendront pour 2012 le vainqueur de la primaire, quel qu’il soit, et il s’avère bien difficile de délier leur langue à propos de l’un ou l’autre. À peine obtient-on que Montebourg est « trop tendre » (Blisko), qu’il « joue des coudes pour le coup d’après » (Coumet) ; qu’Hollande, dont la gestion du parti n’a « pas convaincu » le maire du 13e, « manque d’envergure » (Blisko) ; que Blisko « apprécie la gnaque » de Ségolène Royal. Pas un mot en revanche sur Martine Aubry, toujours liée à la décision de Dominique Strauss-Kahn. En revanche, ils ne tarissent pas d’éloges à l’endroit de DSK, traduisant ainsi une proximité et un soutien qui n’avaient échappés à personne. « Intelligent, innovant, pragmatique » (Le Guen), c’est bien lui « de loin le mieux placé pour l’emporter » (Blisko), car « il a les épaules, le charisme, la force de proposition et l’estime des Français » (Coumet). Grâce à sa « grande connaissance de la situation économique et sociale française comme internationale » (Blisko), il « transcendera le projet socialiste » (Le Guen) et lui « donnera une crédibilité » (Coumet). D’aucuns accusent le président du Fonds monétaire international (FMI) de ne pas être de gauche : « un débat de diversion », répond Serge Blisko. « Avec sa politique de relance keynésienne, il a mis fin à la parenthèse libérale du FMI », renchérit Jean-Marie Le Guen. Auréolé de tant de qualités, DSK, s’il se présente, à la faveur des trois élus socialistes pour la primaire. Mais s’il est choisi, parviendra-t-il à rassembler les candidats socialistes malheureux ? « Il est subtil, il saura faire les gestes nécessaires », gage Serge Blisko en espérant que les perdants imitent l’attitude de l’ancien ministre de l’Économie sous Jospin, qui s’était rangé derrière Ségolène Royal après sa défaite à la primaire de 2006. Et ensuite, la victoire finale ? Nos trois élus redoublent de prudence et invitent à ne pas croire au « tapis rouge » déroulé devant DSK. « Il faudra être très vigilant », estime Jean-Marie Le Guen. « La campagne sera longue et chaotique, tous les coups seront permis », prévoit Jérôme Coumet, avant d’ajouter : « Et Nicolas Sarkozy a beaucoup de ressort. »

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a transfuge de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) claironne l’enthousiasme et la détermination qui animent tous les membres de la nouvelle confédération centriste regroupant le Nouveau centre, le Parti radical, l’Alliance centriste et la Gauche moderne. Finies les bisbilles du début d’année, les centristes, dans une « union sacrée », soutiendront d’une même voix leur futur candidat à la présidentielle. Alors qui ? Morin ou Borloo ? Si Borloo est « plus connu sur le plan des idées », Morin est « dans de très bonnes dispositions » car il a « tout l’appareil derrière lui ». L’un comme l’autre « peut aller jusqu’au bout », assure Edith Cuignache-Gallois : « Il y a un créneau à prendre ; notre discours a plus d’impact que celui de l’UMP, notamment dans le 13e ». L’objectif : battre Sarkozy au 1er tour. « C’est possible ! »

UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE — Patrick Trémège et Jean-Baptiste Olivier « Sarkozy, le choix de la raison »

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ean-Baptiste Olivier « [n’est] pas sarkozyste ». Mais en tant que gaulliste, « la candidature du président sortant s’impose. C’est le choix de la raison ». Homme de terrain, la jeune pousse de l’UMP se rend bien compte qu’« aujourd’hui, il y a beaucoup de mécontents ». Mais pas de quoi s’inquiéter : « Nous avons une bonne équipe, le gouvernement a bien réagi après les cantonales, donc Sarkozy peut renverser la situation. » Son aîné Patrick Trémège se montre aussi « très confiant pour 2012 ». Il répète à qui veut l’entendre que « les sondages ne veulent rien dire ». Aucun nuage à l’horizon, donc. Mais qu’en est-il des bruits de désunion à l’UMP ? « Le projet de 2012 rassemblera tout le monde ». La menace Villepin ? « Inexistante ». Les centristes ? « On verra le moment venu… » La promesse du pouvoir d’achat de Sarkozy en 2007 ? « Qui aurait pu prévoir la crise ? Grâce au ciel, c’est lui qui était là pour la gérer. » Jean-Baptiste Olivier abonde dans le même sens. Le chef de l’État défendra un « bilan satisfaisant » (« beaucoup de choses ont été faites ! »), et endossera le costume du « protecteur » - sécurité, dynamisme économique - pour battre « n’importe lequel des candidats socialistes ». Pour Patrick Trémège, François Hollande serait « le plus dangereux », DSK le moins. L’ancien maire adjoint du 13e de l’époque Toubon pourrait donner de sa personne au gouvernement ? « Si on m’appelle dans un rôle où je peux être utile, j’en serais ravi ». Avis aux intéressés. www.le13dumois.fr — Mai 2011

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DOSSIER

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CINÉMA Tournage d’une scène de la série Boulevard du palais sur la passerelle Simone de Beauvoir, mardi 3 mai. 14

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QUAND LES RÉALISATEURS DRAGUENT LE 13e Dans une ville qui attire chaque année plus de tournages, le 13e arrondissement parvient à se hisser, par la diversité des lieux qu’il propose, parmi les quartiers les plus filmés de la capitale. Par David Even Photographies Mathieu Génon

On y double des films depuis 70 ans, les réalisateurs y posent de plus en plus leur caméra ; cinq ans après sa fermeture, un « Grand Ecran » refait parler de lui et dans l’ombre un indépendant essaye de tenir tête aux grands groupes. Plan panorama du 13e du cinoche.

«M

oteur… ça tourne… action ! ». Cette formule sonne presque comme un refrain à force d’être entendues plusieurs fois par semaine un peu partout dans le 13e. L’arrondissement est devenu ces dernières années l’un des plus prisés par les réalisateurs : « Le 13e est très dynamique. Il fait aujourd’hui partie des 10 arrondissements qui accueillent le plus d’équipes de films avec près de 200 journées de tournage en 2010 », dévoile Sophie BoudonVanhille, responsable des tournages à la Mission cinéma de la Ville de Paris (voir encadré page 16). ¬ www.le13dumois.fr — Mai 2011

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DOSSIER

SILENCE, Le 13e abrite les plus anciens studios parisiens de doublage et de postsynchronisation cinématographiques. Philippe Carbonnier, le directeur artistique de Dôme productions, nous raconte l’un des métiers les moins connus de l’industrie du cinéma.

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Par Ôna Maiocco Photographie Mathieu Génon

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ôme productions, à l’image du milieu du doublage, est une société qui se fait très discrète. Après plusieurs courriels, quelques coups de fil et de sonnette, la chance nous sourit enfin : après une longue attente sur le trottoir nous tombons sur Philippe Carbonnier en personne qui concède à nous offrir un peu de son temps pour parler de son activité. Alors que certaines périodes de l’année sont résolument creuses, le directeur artistique - entendez celui qui tient les rênes de la société - croule en ce moment sous le travail. En 20 ans, il n’a jamais accordé un seul entretien à la presse.

STUDIOS DU 13e : CONFIDENTIEL DÉFENSE Nous pénétrons dans un bâtiment en béton blanc, presque sans fenêtres, dont l’architecture industrielle contraste avec les immeubles résidentiels de cette petite rue très calme du 13e, proche de la BNF. Philippe Carbonnier tient à ce que nous ne mentionnions pas le nom de la rue. Nous comprendrons plus tard que ces précautions servent en partie à assurer l’anonymat des nombreux comédiens célèbres qui passent par ses studios de doublage. L’assistante de Philippe Carbonnier révèle d’ailleurs, non sans humour, que son deuxième métier chez Dôme 18

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« JE SUIS UN ARTISAN QUI S’ÉCLATE » À 31 ans, Alexis Tomassian a prêté sa voix à plus de 100 personnages de films et de dessins animés. Rencontre avec ce comédien de l’ombre. Le 13 du Mois : Comment devient-on comédien spécialisé dans le doublage ? Alexis Tomassian : Il faut tout d’abord être comédien, le doublage n’étant qu’une branche de ce métier. J’ai commencé à 10 ans après avoir obtenu un rôle dans Génial, mes parents divorcent ! [de Patrick Braoudé,1991, ndlr]. J’ai enchaîné sur des téléfilms et du théâtre avant d’être contacté pour prêter ma voix. Les gens du milieu se sont ensuite passés mon numéro. Quelles sont les spécificités de ce travail ? Il faut savoir apprivoiser la technique de la

bande rythmographique. Ce n’est pas plus dur que d’apprendre à se déplacer dans l’espace au théâtre et avec de la pratique on peut s’en affranchir et s’exprimer plus librement. Ensuite, on nous demande une importante cadence de travail. Pour les dessins animés, on double trois épisodes dans la journée, c’est la course au rendement. Il faut être très réactif, piger tout de suite le rôle et surtout avoir de l’oreille. Comment préparez-vous les rôles ? Pour le doublage de films, on essaie humblement de reproduire ce que l’acteur a fait, ses émotions, ses intonations… On n’invente rien en somme. Ce qui est bien chez Dôme productions, c’est qu’ils nous donnent le film à l’avance pour qu’on prenne


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production, c’est cuisinière ! Elle restaure sur place les grands noms du cinéma, en toute intimité. La tranquillité des célébrités n’est pas seule en cause, il faut avoir à l’esprit que cette activité requiert un matériel précieux qui pourrait attirer les convoitises. Voilà pourquoi nous n’avons pas été autorisés à prendre en photo les plateaux d’enregistrement où les comédiens, appliqués à suivre la bande rythmographique, apposent leur voix sur les images d’un film.

UN PASSÉ GLORIEUX

— Les versions françaises des James Bond ont été produites ici — le temps de le visionner et de s’imprégner du jeu de l’acteur. Pour les dessins animés, c’est beaucoup plus créatif. On donne plus de nous sans devoir se mettre au service d’une prestation existante. Acteur de l’ombre, n’est-ce pas un peu ingrat ? Au contraire, j’ai tous les avantages du métier de comédien sans les inconvénients : j’interprète des dizaines de rôles, je fais dans la comédie, le drame ou le film d’auteur… je n’ai pas besoin d’être en haut de l’affiche pour me sentir bien, pas besoin d’une reconnaissance particulière. Mais cela dépend vraiment de l’ego de chacun. Pour ma part, je me considère comme un artisan qui s’éclate.

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C’est d’abord le grand sigle SPS, suspendu en hauteur et en relief sur la façade, qui a attisé notre curiosité. Il nous semble bien avoir vu ces trois lettres à de nombreuses reprises dans des génériques de films. La Société parisienne de sonorisation est en effet la première société de doublage et de postsynchronisation française à avoir vu le jour en 1945. En ces lieux, alors même que de nombreux films étaient co-produits par les ÉtatsUnis et la France, la MGM, Paramount ou la Fox ont fait venir les plus grandes vedettes de cinéma. Charlie Chaplin, Sydney Poitier ou Elizabeth Taylor ont finalisé la bande sonore de leurs films dans le 13e. La SPS a également produit les versions françaises des plus grands films d’après-guerre, comme l’intégralité des James Bond. Aujourd’hui, c’est Dôme productions qui occupe les lieux. Depuis plus de 20 ans, on y produit chaque année entre 50 et 60 versions françaises de films, séries télévisées ou dessins animés. « 50 à 80 personnes en moyenne travaillent intensément sur deux mois pour produire la version française d’un film étranger, à partir de n’importe quelle langue », nous explique Philippe Carbonnier. Dôme productions est une vraie fourmilière d’intermittents du spectacle : comédiens, techniciens, monteurs, auteurs, traducteurs… 4000 professionnels y travaillent au cours d’une année.

LE DOUBLAGE, MÉDIATEUR CULTUREL En quelques minutes, Philippe Carbonnier arrive à nous convaincre que l’élaboration d’une version française d’un film n’est pas la dernière roue du carrosse cinématographique, mais bien l’ultime démarche par laquelle une culture peut communiquer avec une autre. À l’heure où beaucoup ne jurent que par la version originale sous-titrée, soi-

PETIT LEXIQUE DU DOUBLAGE Postsynchronisation : technique consistant à remplacer des dialogues dont la prise de son originale n’est pas exploitable pour le mixage final d’un film ou pour améliorer le jeu des comédiens. La postsynchronisation permet de réenregistrer un dialogue en studio dans la même langue que l’original et, en principe, avec le même comédien. Le doublage, bien qu’utilisant les mêmes techniques de base, permet de réaliser une adaptation synchrone des dialogues et donc de changer de langue et de comédien. Bande rythmographique : bande calligraphiée ou numérique défilant sous l’écran et dont le texte est en synchronisme parfait avec les mouvements de lèvres des personnages. Les comédiens spécialisés dans le doublage suivent la bande rythmographique pour caler leur voix sur celle des comédiens du film. Voxographie : liste des doublages effectués par un comédien ou une comédienne.

disant seule garante d’authenticité, il nous remémore qu’Alfred Hitchcock lui-même était plus favorable à une bonne version française de ses films qu’à une version originale sous-titrée. « La lecture des sous-titres fait perdre au spectateur une partie de l’image », prévient Philippe Carbonnier, tout en précisant que, par ailleurs, de nombreuses maladresses sont parfois commises lors de traductions littérales de certaines expressions étrangères. Il attire notre attention sur la nécessité de transcrire les éléments exogènes d’une culture dans notre propre langue. Pour ce directeur artistique qui se définit volontiers comme une sorte de chef d’orchestre défenseur de la langue française, la recette pour réaliser une bonne version française réside en premier lieu dans le processus d’adaptation, activité résolument littéraire et artistique, qui permet de pallier la différence entre les cultures. Sa ligne de conduite est simple : « Ne pas tricher ». Il en est souvent récompensé et dévoile avec émotion : « Lorsque j’entends des gens à la machine à café dire qu’ils ont pleuré devant la version française d’un film, je sais que le but a été atteint. » Q 19


DOSSIER

L’Escurial

LA BATAILLE DE L’ART ET ESSAI

Par Rafael Manzanas Photographies Rafael Manzanas

Implanté depuis 1911 aux Gobelins, l’Escurial fait figure d’irréductible. Il parvient à tenir son cap malgré une concurrence qui change de visage et un quartier en pleine mutation.

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u fil des ans, les fermetures du Gaumont Gobelins-Rodin, du Jeanne d’Arc, du Barbizon et du Grand Écran de la place d’Italie ont profondément modifié la physionomie cinématographique du 13e. « C’est malheureux mais on identifie moins les Gobelins au cinéma », déplore François Joannis, directeur de L’Escurial, dernier cinéma d’Art et Essai à subsister dans le 13e. Le MK2 Bibliothèque, multiplexe massif et lointain de ce quartier historique de cinéma, a littéralement éparpillé la concurrence et déplacé le centre de gravité à l’est de l’arrondissement.

à la numérisation, dès cet été. Un coup de pouce bienvenu pour des petites structures indépendantes contraintes de jouer dans la cour des grands.

Pourtant, la Ville s’active pour maintenir une certaine diversité. Doté cette année de 15 000 euros de subventions de fonctionnement, l’Escurial a par ailleurs reçu un peu plus de 30 000 euros pour aider au passage

LE « SYNDROME ALMODOVAR »

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En effet, tous les diffuseurs, indépendants comme multiplexes, négocient leurs pellicules auprès des mêmes distributeurs, qui répartissent leurs copies de manière homogène sur un territoire donné. « La part de bénéfice dans les négociations n’est pas le plus difficile car elle est sensiblement la même pour tous les diffuseurs. Le plus compliqué, c’est tout simplement d’avoir le film ! », explique François Joannis.

D’autant plus que certains noms ont émergé de l’Art et Essai et attirent un large panel de spectateurs. Cette notoriété se traduit notamment par une bataille qui n’existait

DU ROYAL À L’ESCURIAL Créé en 1911 sous l’appellation Le Royal, l’Escurial ne prend son nom actuel qu’en 1933. Il possédait à l’époque 500 places d’orchestre et un balcon pour 100 spectateurs. Dans les années 1970, en pleine vague de fermeture des cinémas parisiens, la salle du boulevard Port-Royal parvient à conserver ses sièges de velours rouge et ses volumes originels. L’Escurial résiste grâce à la détermination d’un groupe de cinéphiles qui prend le lieu en main. En 1981, ils installent un écran panoramique, légèrement incurvé, qu’ils intègrent aux lustres et dorures préexistants. Le balcon est transformé en une deuxième salle de 80 places qui réduit la capacité de la principale à 244 fauteuils.


DOSSIER

GRAND ÉCRAN :

OÙ EN EST-ON ? Voilà presque six ans et demi que le Grand Écran a fermé ses portes. Vidée de tout son matériel depuis quatre ans, la salle qui abritait l’ex « plus grand écran d’Europe » est aujourd’hui à l’abandon, et l’enjeu d’une âpre bataille entre l’association Sauvons le Grand Écran, la Mairie d’arrondissement et les acteurs privés en vue de son éventuelle résurrection. Mais l’épilogue n’est peut-être pas si loin : un repreneur est en vue, avec à la clé un projet culturel qui se veut ambitieux. Par Ornella Guyet

L’EX-REPAIRE DES CINÉPHILES... ET DES CINÉASTES Une association a largement bénéficié de la convention entre la Mairie et Gaumont. En effet, Gaumont devait céder la salle à la Mairie plusieurs fois par an, privilège accordé par cette dernière à l’association Ciné 13, tant sous Jacques Toubon que sous Serge Blisko. Ciné 13 a été fondée en 1995 pour promouvoir le cinéma français et européen par des avantpremières gratuites suivies d’une rencontre avec les équipes des films. Elles étaient organisées principalement au Grand Écran. Chaque séance, qui pouvait durer jusqu’à une heure du matin, était aussi l’occasion de découvrir, en première partie, des courts-métrages, un format cinématographique qui, une fois par an, se voyait mis à l’honneur. Son président, André Renault, raconte : « J’ai projeté les courts-métrages de Guillaume Canet. Chaque projection de court était suivie d’un entretien avec le réalisateur, et j’invitais des producteurs. Plusieurs ont ainsi pu faire leur premier long car ils y ont rencontré leur producteur. »

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nauguré en juin 1992, Le Grand Écran a durablement marqué de son empreinte l’arrondissement et ses habitants. Avec ses 650 places, son écran panoramique de 240 m² - le plus grand d’Europe à l’époque -, son immense scène, sa conception originale par l’architecte japonais Kenzo Tange, l’ambition affichée d’en faire un complexe cinématographique et télévisuel avec studios et possibilité d’accueillir des spectacles, le Grand Écran avait tout d’un établissement d’exception. Chaque projection était précédée d’un spectacle de lasers qui a marqué bien des esprits. Au moins une fois par an, le conservatoire du 13e y donnait des représentations. Il a pourtant fermé brutalement en 2006, au grand dam de ses fidèles. Le groupe PathéGaumont - devenu depuis Europalaces - a subitement décrété que la salle n’était plus rentable et avait subi une baisse de fréquentation de 50% en 2005. Une décision injustifiée pour Marie-Brigitte Andréi, présidente de l’association Sauvons le Grand Écran, pour qui cette décision repose sur un mensonge : « La baisse de fréquentation en 2005, de 12%, est à comparer à la baisse générale de la fréquentation en France cette année-là (-10%) » et à celle essuyée par

les autres salles parisiennes, qui pour certaines font pire. D’autre part, le mois de sa fermeture, la salle a battu tous les records nationaux de fréquentation.

UNE FERMETURE CHOQUANTE Marie-Brigitte Andrei soupçonne Gaumont de l’avoir volontairement coulée : « La salle marchait moins bien depuis quelques temps car elle était mal exploitée. On y a tour à tour supprimé la VF [version française, ndlr], le spectacle laser puis les projections de films asiatiques. Les programmes étaient aussi très mal annoncés on ne savait pas quels films passaient dans la grande salle - et plus médiocres, composés de gros blockbusters. » Ce choix industriel s’explique par l’objectif d’Europalaces, successeur de Gaumont depuis 2001, de se concentrer sur l’ouverture de multiplexes en province. Cependant, cette fermeture brutale est d’autant plus choquante pour Marie-Brigitte Andrei que Gaumont avait pu acheter cette salle à un prix avantageux, en échange de la signature d’une convention avec la municipalité l’obligeant au respect d’un cahier des charges en matière de programmation. Ce document obligeait Gaumont à exploiter la salle


13e ŒIL

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PHOTOREPORTAGE —


— PHOTOREPORTAGE

Par Jérémie Potée Photographies Mathieu Génon

L’

LE RUNGIS ASIATIQUE

ancienne gare des Gobelins est l’épicentre de la vie économique de Chinatown. Située sous la dalle des Olympiades, ce marché de gros et demi-gros — unique en son genre dans Paris intra muros — est devenu le garde-manger des restaurateurs de la communauté asiatique, qui trouvent également dans les bazars de quoi équiper leur commerce de A à Z. C’est notamment ici que les frères Tang ont entamé leur expansion. Réservé aux professionnels, cet immense

souterrain s’étale sur deux niveaux de 75 000 mètres carrés. Il est ouvert à son extrémité sud sur une tranchée au milieu des tours qui témoigne de l’inachèvement de la dalle qui le surmonte. Transmis par la SNCF à sa filiale Réseau ferré de France (RFF) en 2005, le site est désormais géré par une société immobilière, ICADE. L’ancienne gare, qui recevait des wagons de marchandises jusqu’en 1991, est en effet reliée à la Petite Ceinture de Paris, ce réseau ferré inutilisé depuis lors. www.le13dumois.fr — Mai 2011

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13e ŒIL

PHOTOREPORTAGE —

— RFF souhaite vendre la gare des Gobelins à l’horizon 2013 —

La gare des Gobelins, avec ses recoins sombres et son deuxième sous-sol occupé par des entrepôts, a longtemps été mal famée. Le lieu est d’ailleurs régulièrement utilisé pour les besoins de tournages cinématographiques – une dizaine ces trois dernières années. Repris en main par ICADE, prestataire de RFF, le site a été progressivement débarrassé de son amiante mais aussi de ses « squatters », ces familles asiatiques exploitées par des marchands de sommeil qui, jusqu’en 2005, les installaient... dans les cages d’escaliers des sorties de secours ! Avant cette date, de nombreuses entreprises ne payaient d’ailleurs 28

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aucun loyer. Aujourd’hui, les revenus locatifs représentent trois millions d’euros tandis que les charges de maintenance sont de l’ordre de deux millions d’euros. Or, l’avenir de la gare est en suspens. RFF a en effet annoncé souhaiter se séparer du site en 2013 pour le vendre au plus offrant, menaçant de ce fait l’activité économique des grossistes. La Ville, prise de court, a ordonné la réalisation d’une enquête, rendue en mars, pour se rendre compte du fonctionnement d’un marché dont elle ignorait tout. Utilisera-t-elle son droit de préemption pour acquérir le site ? Aucun indice ne filtre pour le moment.


— PHOTOREPORTAGE

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ANALYSE(S) Services publics

LA

RIGUEUR

PRÈS

Pilier du quinquennat de Nicolas Sarkozy, la Révision générale des politiques publiques (RGPP) entend réformer en profondeur les dépenses de tous les ministères. La fonction publique subit un choc culturel : non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, mutualisation des moyens, guichets uniques et dématérialisation des services sont au menu. Illustration pas loin de chez vous.

MA POLICE

MA POSTE

— ÇA PEUT ALLER —

— LA CORPORATE ATTITUDE QUI COINCE —

Impossible d’obtenir des chiffres précis du commissariat de la place d’Italie. Les services de police sont pourtant parmi les plus concernés par la RGPP. Nous avons tout de même pu parler à un gradé du commissariat, pour qui la situation n’a rien de dramatique, bien au contraire. « Vous savez, Paris est une vitrine, on a toujours connu une abondance de fonctionnaires », estime-t-il. Seule crainte : le non-remplacement des départs en retraite, qui occasionnera des dégâts « avant cinq ans ». Côté véhicules, les

« Cette année, nous perdons encore un guichet financier. Nous redirigeons sur les automates pour des opérations courantes. Beaucoup de clients disent que nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis », confie Lucette Poupin de Sud PTT, guichetière à la poste de la rue de la Reine Blanche. La modernisation prend tout son sens aux guichets de la poste ou plutôt dans les « espaces de vente ». Les anciens fonctionnaires partant à la

— Rue de la Reine Blanche, un guichet en moins chaque année —

fonctionnaires de police du 13e seraient à l’entendre « sacrément à l’aise », à tel point qu’ils en prêteraient, à l’occasion, aux collègues de certains arrondissements voisins. Il faut dire que notre homme a connu les années 80 – les rapports rédigés à la machine à écrire, 4 voitures pour 70 policiers – et que la situation actuelle lui paraît une sinécure en comparaison. Autre son de cloche chez les syndicalistes d’Unsa Police. « Nous subissons une réduction des moyens et, à terme, des effectifs. Elle se manifeste par exemple dans le consommable pour les bureaux ou les imprimantes. Les véhicules ne sont pas toujours réparés en temps et en heure, parfois on manque d’essence », selon son responsable de la communication Mickaël Bucheron. Le projet de recrutement prévu par la RGPP, et plus globalement par le ministère de l’Intérieur, cache selon lui une autre réalité : « Les agents de sécurité qui seront recrutés ne sont pas des fonctionnaires. Ça met certes du bleu sur la voix publique mais ils n’ont pas les mêmes attributs ni la même capacité judiciaire pour agir efficacement. » 30

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retraite sont bien remplacés... mais par des automates. Cet ersatz de personnel tire sur la productivité des vendeurs. « En période de congés, nous sommes à flux tendu, alors on ferme le moins important des guichets : cette pratique est très largement instituée dans les autres bureaux », assure-t-elle. « Dans mon bureau, place Jeanne d’Arc, ces changements se traduisent par une augmentation du nombre d’arrêts maladie et nous menons actuellement une étude sur le suicide », précise Michel Laurent, syndiqué à la CGT. Depuis 1990, son bureau est passé de 45 à 25 employés. « On veut bien qu’il y ait un changement de cap à condition qu’on puisse continuer à servir le public ! », s’indigne le syndicaliste. « On ne peut plus assurer le service d’accueil en particulier auprès des personnes âgées. Ça donne une très mauvaise image de notre boîte. Ce sont elles qui font notre publicité dans les familles. » On comprend à l’entendre que le vocabulaire corporate est bel et bien intégré : la Poste est en effet devenue en mars 2010 une société anonyme à capitaux publics.


CULTURE

Lézarts de la Bièvre

Y’A PAS DE LÉZARD, L’ART URBAIN Par Rafael Manzanas Photographies Rafael Manzanas

À l’occasion de ses portes ouvertes les 11 et 12 juin, l’association « Lézarts de la Bièvre » présente 100 artistes sur le parcours de la rivière souterraine parisienne. En invitant un artiste à graffer les murs, l’association met en lumière un art urbain peu reconnu.

S’AFFICHE !

L

ouée par Hugo ou Ronsard, la Bièvre inspire toujours autant les artistes. Exit les poètes, la rivière, qui coule désormais dans les égouts des 5e et 13e arrondissements, redevient le temps d’un week-end un trait d’union entre photographes, plasticiens, sculpteurs, peintres, potiers ou encore graffeurs. Lézarts de la Bièvre organise les 11 et 12 juin cinq circuits pour découvrir galeries et ateliers en même temps que l’histoire du cours d’eau. Lors des onze éditions de ses portes ouvertes, Lézarts de la Bièvre a mis l’accent sur la culture urbaine. Ainsi, chaque année, un artiste urbain est à l’honneur et obtient carte blanche pour s’approprier les murs du quartier. Il parraine ensuite un autre adepte du street art qui prend sa succession l’année suivante.

Rue Gustave Geffroy.

FOCUS L’association n’était à l’origine implantée que dans le 5e arrondissement. Elle est venue traverser le boulevard de Port-Royal en réponse à une forte demande et ce, par ricochets politiques. « Il y a dix ans, « 13e Art » regroupait près de 300 créateurs, la présidente était Lise Toubon. Quand la Mairie a changé de couleur politique, l’association s’est écroulée et beau-

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coup d’artistes se sont retrouvés abandonnés dans le quartier », explique Maud Kwasniewski, actuelle vice-présidente de l’association. Aujourd’hui, Lézarts de la Bièvre regroupe pas moins de cent artistes : « Pour le 10e anniversaire, sept d’entre eux se sont réunis pour constituer une fresque, toujours observable à la poterne des Peupliers [c’est à cet endroit

que la Bièvre s’engouffre dans Paris, ndlr]. Ils ont travaillé ensemble en dépit des ego, j’ai vraiment apprécié qu’ils jouent le jeu », se souvient-elle. Malgré tout, elle déplore que les membres de l’association ne s’impliquent pas plus collectivement tout au long de l’année car « en dehors des portes ouvertes, ils travaillent séparément dans leurs ateliers ».


SPORT Paris Football Club

FABRICE HERRAULT

« IL EST TRÈS DIFFICILE DE GÉRER UN CLUB COMME UNE ENTREPRISE NORMALE »

La saison du Paris FC s’achève dans la douleur : encore une fois l’objectif de montée en Ligue 2 a dû être revu à la baisse, tout comme le budget de la saison prochaine. Le directeur du club revient pour Le 13 du Mois sur les causes et les conséquences de cet échec.

À

quelques rencontres de la fin de la saison, le Paris FC végète dans le ventre mou du classement. Pour la 6e saison consécutive, le club évoluera en National l’an prochain… L’objectif de montée en Ligue 2 n’est pas atteint. C’est une déception pour l’ensemble du club, les dirigeants, l’encadrement sportif, les joueurs. Le président Guy Cotret estime pourtant que cette année le club avait le « meilleur effectif qu’il n’ait jamais eu », alors comment expliquez-vous ces mauvais résultats ? Il y a une multitude de petites choses qui n’ont pas joué en notre faveur. Nous avons collectionné beaucoup de détails qui nous ont coûté cher. D’autre part le joli parcours 38

Par Emmanuel Salloum Photographie Mathieu Génon

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en coupe de France a sans doute consommé beaucoup d’énergie, ce qui a pesé dans les matches qui ont suivi. Et puis il y a eu beaucoup de renouvellement l’an dernier, et donc les joueurs manquent d’expérience ensemble. Il y a un temps d’adaptation pour les recrues…

Globalement, vous êtes contents des joueurs ? Disons qu’il y a eu de grandes satisfactions. Je pense notamment à Stéphane Vincent, Antoine Ranroy, Jimmy Roy, Youssouf Touré. Mais il y a eu également beaucoup de déceptions, nous nous sommes trompés sur certains profils.

L’entraîneur Jean-Luc Vanucchi est-il en cause ? Son contrat sera-t-il reconduit ? L’entraineur a réalisé un travail rigoureux et professionnel en essayant d’insuffler au groupe l’état d’esprit remarquable qui l’anime. Malheureusement, les résultats ne sont pas là et cela n’a pas fonctionné comme il le souhaitait. Jean Luc vient d’annoncer qu’il quitterait le Paris FC à la fin de son contrat en juin 2011. Le Paris FC aura donc un nouvel entraineur la saison prochaine.

Quelles leçons tirez-vous de cet échec pour la saison prochaine ? Nous allons tenter de construire une équipe compétitive en prenant davantage comme source de recrutement le vivier d’Île-de-France et la formation du Paris FC. Des joueurs peutêtre moins expérimentés mais qui ont une meilleure connaissance de l’environnement parisien et plus d’envie que certains des joueurs qu’on a pu avoir cette année : tous n’avaient pas forcément la rage de vaincre.


Les investisseurs ne commencent-ils pas à s’impatienter ? Si, justement. Les actionnaires en place souhaitent changer l’image du Paris FC, où certains viennent prendre leur salaire pour ne rien faire. On va chercher des jeunes combatifs sur le terrain, qui montreront ce qu’ils ont dans le ventre, qui auront envie d’aller plus haut. C’est ce qui nous a manqué ces deux dernières années. Certaines rumeurs font état de difficultés financières ? Qu’en est-il ? Il n’y a pas de difficultés financières majeures. Simplement, comme l’ensemble des clubs de football et en particulier dans le championnat National, les budgets seront probablement à la baisse pour la saison 2011/2012. Il faudra donc faire preuve d’une rigueur supplémentaire en optimisant l’ensemble des dépenses. Pourtant le club va subir des pertes cette année encore… Oui, nous prévoyons des pertes importantes, mais inférieures à celles de l’an dernier [900 000 euros, ndlr]. Mais ces pertes seront assumées par les actionnaires principaux Guy Cotret et Pierre Ferracci, et par Christian Amara, certes minoritaire, mais qui est toujours là en cas de difficultés. Comment expliquez-vous ces pertes ? Comme celui de la grande majorité des clubs, notre budget n’était pas construit à l’équilibre. Nous savions que nous subirions des pertes. Bien sûr, l’idéal est de parvenir à l’équilibre, mais nous sommes dans la même situation qu’une entreprise « normale », qui accepte de subir des pertes au début pour faire des investissements, afin que ce soit rentable ensuite. Justement, comment se gère un club de football ? Comme une entreprise « normale » ! Mais c’est beaucoup plus difficile, parce que les habitudes de rémunération des joueurs sont très élevées. Beaucoup trop pour que le modèle économique soit viable. Alors quand un prince saoudien ou un oligarque russe injecte constamment de l’argent, ce n’est pas gênant, mais sinon c’est compliqué. Oui, dans le football, les investisseurs acceptent plus facilement de perdre de l’argent, car l’objectif est avant tout sportif… Certes, mais il y a aussi de leur part un objectif de retour sur investissement, ou au moins de récupérer ses billes. C’est légitime.

Avez-vous une idée du budget de la saison prochaine ? Nous sommes en train de le construire. Comme celui de tous les clubs, nous savons qu’il sera en baisse. Il devrait d’élever à environ 2,8 M€. Les recettes des sponsors sont moins élevées. Aujourd’hui c’est très compliqué de mobiliser des partenaires dans le football, à cause de la crise économique. Et puis l’effet coupe du Monde n’a pas aidé à améliorer l’image du football.

CHIFFRES CLÉS - 700 licenciés - 30 équipes - 35 éducateurs - 50 salariés - budget 2010/2011 : 3,5 M€

DÉPENSES 75% : salaires et charges sociales location du terrain, des bureaux, équipements, buvette

PROVENANCE DU BUDGET (3,5 M€) - 700 000€ présents dans les réserves - 1 M€ fonds propres investis cette année - subvention Ville de Paris : 850 000€ sponsors (Nexity, Crédit foncier, DeCA France, Sodexo, etc.) : environ 700 000€ - subvention reversée par la Fédération : 300 000€ environ - le reste (environ 15 000€) : billetterie + boutique

Vous êtes à la recherche de nouveaux investisseurs et Bernard Tapie s’était montré intéressé. Pourquoi l’avoir éconduit ? Le président Cotret a considéré que notre projet ne correspondait pas au sien. C’est aussi une question d’image. Les subventions de la Ville de Paris seront-elles moins importantes ? Elles devraient rester aux alentours de 850 000 euros. J’en profite pour dire que le club est très implanté en termes d’activités

sociales et éducatives, et la Ville nous aide pour toutes ces actions. Forcément, les salaires vont baisser… Oui, c’est inévitable. Il faut avoir à l’esprit que les salaires absorbent 75% du budget du club. Cela concerne tous les joueurs et l’encadrement technique. Et puis nous allons prendre moins de joueurs en équipe première. Quels sont les projets du club ? Nous allons continuer la formation et renforcer l’équipe réserve, pour qu’elle puisse continuer à évoluer sereinement en CFA2. Et nous allons poursuivre la restructuration du club. Le déménagement en janvier rue Neuve Tolbiac en faisait partie ? Oui c’était dans les tuyaux depuis longtemps. Les anciens locaux n’étaient plus adaptés. Aujourd’hui, grâce au maire du 13e Jérôme Coumet, nous sommes heureux de nous rapprocher de Charléty et d’être implantés dans un espace économique très vivant. Quoi d’autre ? Nous avons maintenant une capacité à communiquer autour du club : nous avons rebâti le site Web l’an dernier, nous avons lancé Paris FC Mag. L’an prochain nous aurons de nouvelles infrastructures à Déjerine avec un terrain synthétique de dernière génération. Et puis nous travaillons actuellement avec Sports Études Concept pour créer une école, la Paris FC Académy, dont le but sera de proposer à une quarantaine de jeunes une formation footballistique et scolaire, générale et technologique. Elle devrait ouvrir en septembre. Un message aux habitants du 13e ? Nous manquons d’habitués à Charléty. Nous aimerions attirer beaucoup plus de spectateurs parisiens, notamment ceux du 13e, qui sont juste à côté. Ce club ne pourra monter que si les spectateurs viennent le soutenir. En fin d’année, la présence du public peut faire gagner de très précieux points. À Paris, seul le haut niveau attire. Or, nous sommes les mieux positionnés pour devenir le deuxième grand club de la ville. Il y a une place pour nous. Nous souhaitons nous distinguer du PSG en proposant un spectacle complémentaire mais pas concurrent, un club dans lequel les gens de l’Est parisien se reconnaîtront. Q www.le13dumois.fr — Mai 2011

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PORTRAIT Gérard Saillant

DOC À TOUT FAIRE

Il est surtout connu pour avoir opéré les plus grandes stars du sport, de Schumacher à Ronaldo. Pendant trente ans, Gérard Saillant a été chirurgien à la Pitié-Salpêtrière, s’est engagé en politique et dans le sport professionnel. Aujourd’hui, il est président de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Portait d’un homme aux vies multiples.

G

érard Saillant, c’est d’abord un curriculum vitae long comme le bras. Quand on le lui fait remarquer, il rit de bon cœur, accoudé à sa table de réunion, les pieds sur une chaise, et avoue facilement son « secret » : « Il faut savoir dormir peu et être très organisé. J’ai horreur d’être en retard ! Il y a trop de choses à faire pour être en retard. »

au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports ou encore doyen de la faculté de médecine de la Pitié-Salpêtrière. Au risque de délaisser un peu sa vie familiale : « C’est sûr, il faut que la famille le supporte. Heureusement que ma femme était là », admet-il. « Mes enfants ne m’en veulent pas trop, mais c’est vrai, je passe plus de temps avec mes petits-enfants que je n’en passais avec eux ».

Difficile d’imaginer que cet homme déterminé, que l’on devine fin stratège, a pu être le jeune garçon un peu dilettante qu’il décrit. Jugez de sa définition du dilettantisme : bachot en poche... à 14 ans, il arrête ses études de mathématiques au lycée Louis le Grand, « trop difficile », pour se lancer dans la médecine « parce que c’est ce que mon père et mon grandpère avaient fait ».

Reste que ces expériences ont eu une influence dans sa pratique de la médecine, assure-t-il : « En faisant tout ça, on apporte peut-être un peu, mais surtout on apprend beaucoup.. Trop de mes collègues sont très performants dans leur spécialité, mais ne savent faire que ça. Je trouve ça dommage, car le progrès vient toujours de chez le voisin. » Le progrès, d’ailleurs, semble chez lui une obsession dont témoigne sa devise : « Ce qui n’est pas excellent est mauvais. »

Marathonien, passionné de sport depuis l’époque où il apprenait à lire dans L’Équipe, le chirurgien orthopédiste a opéré des athlètes de renom : Ronaldo, Dan Carter, Michael Schumacher… dont les photos ornent la quasi-totalité des murs de son tout nouveau bureau à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière. Aujourd’hui retraité des blocs opératoires, il assiste tout de même Éric Rolland, le médecin du Paris Saint-Germain, et est en charge des questions de sécurité au sein de la Fédération internationale de l’automobile, aux côtés de son ami le plus proche, son « petit frère », Jean Todt.

« CE QUI N’EST PAS EXCELLENT EST MAUVAIS » Très tôt, alors qu’il est encore externe, Gérard Saillant devient l’assistant d’un des pères fondateurs de l’orthopédie, Robert Judet. Pendant les trente ans qu’il passe à la PitiéSalpêtrière, il participe au développement et à la diffusion de nouvelles méthodes chirurgicales pour la réparation des vertèbres, avec la pose de vis, ou encore pour celle des tendons. « Chose rare pour un médecin, sa notoriété est aussi grande auprès du grand public que chez ses confrères », raconte le professeur Yves Catonné, son successeur à la Pitié, avec qui Gérard Saillant travaille depuis la fin des années 1970. Un temps conseiller municipal à Vouzeron dans le Cher et de Rocquencourt dans les Yvelines, il a aussi été conseiller 40

Par Raphaëlle Peltier Photographie Mathieu Génon

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UN HOMME DE RÉSEAUX À 61 ans, alors même qu’il aurait encore pu exercer quelques années, il met un terme à ses fonctions hospitalières. « Je ne voulais pas jouer le match de trop. Je l’ai trop vu, dans le sport comme dans la médecine », se justifie-t-il. Une retraite anticipée qui n’en est pas une, plutôt un rebond vers une énième nouvelle vie. Il se consacre désormais à un nouveau projet, l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, et, décomplexé, s’assure « les meilleurs appuis possibles ». « Des copains, qui sont aussi parmi les meilleurs dans leur domaine » et sont souvent des personnalités très médiatiques : Michael Schumacher, Jean Reno, Jean Todt, Serge Weinberg, alors président du groupe Accor, Maurice Lévy, PDG de Publicis, ou encore Luc Besson, qui réalise même un film promotionnel pour l’ICM. « C’est quelqu’un qui sait s’entourer », confirme Yves Catonné. Quatre ans et 65 millions d’euros plus tard, l’institut voit le jour en septembre 2010, à la Pitié-Salpêtrière. Gérard Saillant ne fait pas mystère de son objectif : « l’excellence ». En d’autres termes, il s’agit de faire de l’ICM l’un des cinq plus grands centres de recherche du monde, d’ici cinq à dix ans. Q


GÉRARD SAILLANT EN QUELQUES DATES 1945 naissance à Montluçon (Allier)

1960 première année de médecine

1976 professeur à la Pitié-Salpêtrière

1997 doyen de la faculté de médecine de la Pitié-Salpêtrière

2006 met fin à ses fonctions hospitalières et universitaires

2010 inauguration de l’ICM, qu’il préside

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INSOLITE

MAISONS D’ & PASSAGES

Passage Bourgoin, près de la rue du Château des Rentiers. 42

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ARCHI BUCOLIQUES


Pablo Katz est un architecte installé dans le 13e. Il a réalisé dans l’arrondissement deux maisons contemporaines, dont la sienne, situées dans deux passages emblématiques du 13e bucolique : le passage Bourgoin et le passage du Moulinet. Petit tour du propriétaire.

Par Jérémie Potée Photographies Mathieu Génon

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INSOLITE

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La maison du passage du Moulinet, vue de la rue du Moulin-des-Prés.

en terrasse, est laissé à l’état brut pour mieux vieillir, les pièces en métal qui supportent la rampe des escaliers produisent un effet de patine. Et, paradoxalement, la maison s’embellit au fil des ans. « D’après moi, il faut accepter que les matériaux évoluent comme dans les vieilles constructions sans jamais tenter de les imiter, ce que permet l’utilisation de ce type de matériau », assure Pablo Katz. Et de se lancer dans une critique acerbe des procédés néo-classiques maniés par certains de ses collègues : ces faux arcs, frontons et fausses corniches sans utilité, représentatifs d’une « architecture pastiche » qui détourne les matières de leur fonction première. Last but not least, et de manière tout aussi fonctionnelle qu’esthétique, la végétation foisonne dans le petit jardin et sur la façade métallique qui donne sur la rue. On apprend qu’il y a ici autant de surfaces de jardin et de plantation que l’emprise au sol du terrain. Les plantes grimpantes ruissellent des balustrades, s’imbriquent en des touches de vert tendre dans le treillis métallique. Au confort visuel s’ajoute une fonction bioclimatique, celle de protéger la maison de l’incidence

directe des rayons du soleil en été et, en hiver quand les feuilles tombent, de laisser au contraire passer la lumière et gagner en chaleur.

PASSAGE DU MOULINET, AUTRE TERRAIN, MÊMES PRINCIPES On retrouve cette approche de performance énergétique dans les façades brunes à la géométrie radicale de la seconde maison réalisée dans le 13e par Pablo Katz. Elle se situe passage du Moulinet, à proximité de la piscine de la Butte-aux-Cailles. C’est, sur trois étages, une bâtisse de 220 mètres carrés, cabinet médical inclus. Lambrissés d’un revêtement de bois léger, les murs sont efficacement isolés de l’extérieur, ce qui permet d’éviter le phénomène de « pont thermique ». Schéma à l’appui, l’architecte explique que l’isolation par l’extérieur évite le passage de la chaleur et du froid à travers les planchers, à l’inverse d’une isolation classique. À l’intérieur, on retrouve cette profusion de terrasses et de balcons, cette impression de vue traversante induite par l’utilisation répétée de larges baies vitrées. Au

premier étage, la salle à manger s’ouvre sur une longue terrasse en bois d’ipé qui donne directement sur le cabinet médical. Dans le salon au rez-de-chaussée, on découvre, dépassant des murs ou trônant en plein milieu de l’espace, des pièces de béton teintées dans la masse qui offrent des possibilités de rangement intégrées. Au deuxième étage, la chambre parentale comporte, sans séparation d’aucune sorte, une salle de bain tout en pierre. La chambre de la fille des propriétaires, au dernier étage, a son propre balcon qui offre une vue panoramique sur les alentours. Les contraintes du vis-à-vis, sur ce terrain très étroit, sont plus aiguës et il est ici moins facile d’échapper à la vue des voisins. On apprendra du concepteur des lieux que le coût de cette maison est de l’ordre de 2000 à 2500 euros du mètre carré, hors achat du terrain. Alors, si votre bourse est suffisamment garnie, il vous restera à trouver, au hasard de vos allées et venues dans les passages du 13e, un petit coin encore disponible pour y construire une maison villageoise d’un genre nouveau. Bon courage... Q www.le13dumois.fr — Mai 2011

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LOISIRS

PAR PHILIPPE BUI DO DIEP —

Culture culinaire

PIQUE-NIQUE

L

Une boule de riz gluant et un poulet rôti exotique aux couleurs du soleil d’Asie qui incitent au farniente et au déjeuner sur l’herbe. À déguster avec les doigts !

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e poulet au barbecue est l’une des spécialités les plus populaires d’Asie, les plus connues étant le satay et le yakitori. Mais c’est peut-être dans la péninsule indochinoise que cette préparation, appelée « kai yang » en Thaïlande et au Laos, est la plus parfumée et la plus goûteuse. Votre volaille dominicale, même cuite au four, ne pourra plus se passer des atouts de cette recette initialement prévue pour être cuisinée au feu de bois. La coriandre, le gingembre et la citronnelle vous plongeront par leur association délicate au cœur des délices orientales et sauront vous délivrer un parfum d’évasion. Traditionnellement, le poulet rôti est accompagné non pas de frites mais d’une garniture consistante : du riz gluant, le « khao niao » si prisé des Laos et des Thaïs du nord. Pour la petite histoire, le terme khao signifie « riz » dans les deux pays comme en Birmanie et au Vietnam (gao en vietnamien désigne le riz non cuit). Le riz gluant - ou collant -, en raison d’une forte teneur en amylopectine - l’un des éléments de l’amidon -, a un goût bien spécifique, différent du riz blanc parfumé cuit à la vapeur. Ce riz promet une sieste bienfaisante car c’est un aliment assez lourd à digérer qui incite à l’indolence. Ainsi, lorsque vous préparerez votre panier de pique-nique, garnissez-le certes de votre poulet rôti découpé et de sa boule de riz gluant… mais n’oubliez pas de prévoir une natte sur laquelle digérer !

En collaboration avec le blog culinaire de Philippe Bui Do Diep - www.canardumekong.com


LOISIRS

PAR EMMANUELLE BAL —

Bon plan resto - Entoto

EN ROUTE VERS L’ÉTHIOPIE ! Rue Léon-Maurice Nordmann, face aux glycines du square Henri Cadiou, se tient l’Entoto, le plus ancien des restaurants éthiopiens de Paris. Tous les soirs, Hanna, la jeune patronne, fait découvrir à ses convives les richesses méconnues de la cuisine abyssinienne. (5,50€). Que l’évocation des tripes ne vous arrête surtout pas !

R

Hanna, patronne de l’Entoto. econnaissons-le d’emblée, l’Éthiopie n’est pas, dans l’esprit du quidam, immédiatement associée à la gastronomie. Cette injustice, Hanna et son équipe œuvrent pour la réparer. Ce qui frappe en poussant la porte de l’Entoto - du nom d’un pic de 3 200 mètres au nord d’Addis-Abeba - c’est l’ambiance sereine de l’établissement. Dans la salle à manger de cinquante-cinq couverts, se côtoient harmonieusement nappes rouges et décor artisanal : instruments de musique, broderies et rideaux en textile traditionnel. Hanna, dynamique et discrète, a repris voilà trois ans ce restaurant fondé en 1983 après y avoir travaillé pendant cinq ans comme employée. Elle assure un accueil souriant et un service rapide : à peine est-on plongé dans la découverte de la carte qui mêle astucieusement le français et l’amharique non transcrit - en alphabet guèze donc - que les mises en bouche arrivent.

DU GOÛT ET DES COULEURS Aimablement orientés par notre hôtesse, nous débutons notre repas par la doulette, un plat de fête composé de tripes émincées servies avec du pain chaud (6€) et l’azifa, une mousse de lentilles légèrement acidulée 50

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Nous enchaînons avec le beyayenetou « Entoto » (16€), plat de bœuf et de poulet berbéré - pimenté - ou non, agrémenté de légumes dont des épinards fondants servis sur une galette injera (voir encadré). Le large plateau traditionnel où le poulet en sauce fait office de pièce maîtresse a l’aspect d’un tableau gustatif tout en couleurs. Savoureux, les ingrédients se picorent à l’envi, directement à l’aide de la galette d’injera pour les plus habiles. Consistant, ce plat peut, à lui seul, suffire à rassasier son homme. Si votre choix se porte sur le beyayenetou végétarien (15€), vous dégusterez potirons et céréales - blé concassé, pois cassés et lentilles

roses en purée - parfaite illustration culinaire du paysage sociologique éthiopien composé à 80% de paysans. Nous vous conseillons vivement de goûter au tedj, un hydromel à base de feuilles et de bois d’arbuste pilés. En dessert, la tradition éthiopienne veut que les convives se régalent de fruits : mangues, melons d’eau, ananas et papayes sont à l’honneur. Nous terminons par l’emblématique café, versé par une élégante cafetière en terre dans des tasses aux couleurs du drapeau éthiopien, accompagné d’une rafraîchissante infusion au serpolet. Pour les groupes - à partir de huit personnes - Hanna propose des menus d’assortiments (22€). Et si vous avez la chance de tomber sur Emmanuel, un ami de la patronne, vous aurez l’occasion d’entendre quelques mots en amharique, la langue majoritaire en Éthiopie. Entoto, 143-145, rue Léon-Maurice Nordmann. Ouvert tous les soirs et sur réservation pour le déjeuner. Renseignements et réservations au 01.45.87.08.51 et sur www. restaurant-entoto.com. Q

PAS DE REPAS SANS INJERA

Le beyayenetou « Entoto » sur ses galettes injera. En Éthiopie, pas un repas ne se fait sans injera, une galette de blé noir fermentée pendant un à deux jours, en fonction des conditions climatiques. Elle fait office d’assiette et de couvert. La galette, sur

laquelle la nourriture est disposée, recouvre un large plateau circulaire en aluminium. L’injera s’imprègne ainsi des viandes mijotées et des sauces wott, qui se dégustent avec les injera présentées en rouleaux. On peut aussi découper des bouts de galette au fond du plat pour saisir la garniture. L’injera s’apprécie du petit-déjeuner... au dîner ! Sa formule festive comprend poulet ou mouton et les Éthiopiens la consomment assis sur des coussins de paille, dans un plat surmonté d’un couvercle de forme conique. Un de ces services traditionnels décore d’ailleurs le restaurant.



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