Le13 du Mois #38 - Extraits

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COURRIERS

MUNICIPALES LE GRAND DÉBAT COUMET / GALLOIS

N°38

EF ELL OR

LE MU

NOU V

13 MARS > 13 AVRIL EN VENTE LE 13 DE CHAQUE MOIS 3,90 €

PHOTOREPORTAGE UNE BOÎTE DU 13ee CONSTRUIT UNE GROTTE PRÉHISTORIQUE

MÊME PRIX et + DE PAGES

DANS L'ACTU DU 13e - MUNICIPALES 2014 : LE POINT SUR TOUS LES CANDIDATS

- TROP OU PAS ASSEZ DE VIDÉOSURVEILLANCE ?

- PRESSE CITRON : À LA RECHERCHE DE LA NOUVELLE STAR DU DESSIN DE PRESSE

- HANDICAP : TOUJOURS DES PROBLÈMES D’ACCÈS AUX LIEUX PUBLICS

- PORTRAIT D’UN MOINE ZEN - SÉLECTION SORTIES - BON PLAN RESTO



ÉDITO

LES MUNICIPALES, CE MOMENT DE GRÂCE À sa création, en 2010, Le 13 du Mois s’était dit : vivement les municipales ! Pour un canard d’arrondissement qui entend s’intéresser de près aux affaires publiques, ça doit être quelque chose. Un moment intense. Et nous y voilà : les 23 et 30 mars. This is it. Alors, ça fait quoi ? Eh bien... D’abord, pour nous, ça n’a pas commencé aujourd’hui : la campagne électorale est suivie depuis plusieurs mois, avec tous ses candidats rencontrés un par un. Le clou du spectacle : un face à face entre les deux principaux, Jérôme Coumet pour le PS et Edith Gallois pour la formation UDIModem-UMP. Au café l’Âge d’Or, le 25 février dernier, c’est ambiance débat d’entre-deux-tours des présidentielles, avec mesure du temps de parole et de l’espace à respecter entre les candidats. Le premier a sorti ses petites fiches, la seconde posé ses gros dossiers. Ça sent la préparation de haut niveau, le débat démocratique tant attendu. David Even tient un doigt impatient sur le « on » de l’enregistreur et rêve de dégainer les gants de boxe, comme Paul Amar en son temps. C’est parti. Mais M. Coumet et Mme Gallois sont des gens polis, civilisés, vous savez. Alors c’est calme... Et, malheureusement, ça le reste. Le journaliste planté au milieu lancerait bien un peu de matière inflammable sur ces énoncés de programmes interminables. Il se retient de dire : « M. Coumet, vous n’avez pas l’impression d’être réélu à défaut d’une droite inexistante et sans que votre mandat n’ait réellement marqué les esprits ? Mme Gallois, comment se fait-il que l’opposition soit aussi faible depuis 2001 ? » Non, dans ces face-à-face, on les laisse se débrouiller, c’est la règle. Au final, les deux candidats ne se mettent pas en difficulté et leur confrontation est à l’image de ce qu’a été la campagne depuis son top-départ : plate. Pour contrebalancer, nous vous présentons dix pages de dessins de presse. Poilant et dérangeant comme il faut. Le concours Presse Citron qu’organise l’École Estienne, dans le 13e, est l’occasion de découvrir ce qui s’envoie de plus sec dans la tronche des politiques et de plus percutant sur les sujets d’actualité. Et quand on aime le trash, on aime forcément ce dossier sanguinolent sur les grands crimes du 13e. Enfin, nos attentifs lecteurs remarqueront que nous avons changé deux ou trois détails dans notre formule : huit pages en plus. Les municipales nous donnent des ailes, ou bien est-ce le printemps approchant.

mars 2014

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SOMMAIRE

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n°38 p.03

Édito

POLITIQUE

p.06

Courrier des lecteurs

p.10

p.08

Le 13 en bref

p.14

p.56

Sélection sorties

p.15

p.65

Le 13 fois 13

p.66

L'image du mois

SOCIÉTÉ p.16 p.18

Toutes les photographies de ce magazine (sauf indication) sont réalisées par Mathieu Génon. Illustration de couverture : Jean-Baptiste Thiriet

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Municipales : Coumet / Gallois le débat — Éric Martin, la gauche qui s'émancipe — Une élection, 10 candidats

Vidéosurveillance dans le 13e : le faux-débat — Handicap et accessibilité : encore quelques obstacles à franchir


SOMMAIRE

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p.20

DOSSIER

LES GRANDES AFFAIRES CRIMINELLES DU 13e 13e ŒIL

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p.38

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Photoreportage : une PME du 13e construit une grotte préhistorique — Presse Citron : le suc du dessin de presse

SPORT p.52

Double dutch : la victoire est dans leurs cordes CULTURE

p.54

L'Atelier : Paella Chimicos MÉTRO MON AMOUR, MA HAINE

p.60

Crime parfait sur la ligne 8 LOISIRS

PORTRAIT

p.64

Un resto, un chef, une recette : Alessandra et Olivier du Tempero — Bon plan resto : Chez Simone

p.31

S'ABONNER

p.07

COMMANDER LES ANCIENS NUMÉROS

p.62 p.48

Philippe Coupey, moine zen

mars 2014

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LE 13 EN PHOTO

L’INCONNU DE LA POUBELLE À VERRES Ce n’est un scoop pour plus grand monde, le street art a le vent en poupe dans l’arrondissement. Avec un soutien municipal sans failles, de plus en plus de murs et d’objets du mobilier urbain se parent de fresques monumentales, faisant presque de certains de ces artistes, C215 en tête (comme ici rue Nationale), les nouveaux artistes officiels de la Cité. Courant février, on a cependant pu voir fleurir çà et là, des œuvres éphémères d’un genre nouveau dans le quartier : l’habillage de poubelles à verres. Si l’artiste se reconnait, qu’il n’hésite pas à dire son nom.

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POLITIQUE

MUNICIPALES

2014

COUMET // GALLOIS

LE FACE-À-FACE

Après avoir donné la parole à tous les candidats déclarés pour la bataille des municipales dans le 13e, Le 13 du Mois entame la dernière ligne droite avant le vote en conviant à un face-à-face les deux principaux candidats : le maire socialiste sortant et grand favori Jérôme Coumet, et sa challenger de droite, Édith Gallois (1). Au menu de ce débat entre autres : abstention menaçante, crise du logement et problèmes d’insécurité. Propos recueillis par David Even et Philippe Schaller

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POLITIQUE

je veux que demain, il soit dans celle du Grand Paris, la figure de proue du sud-est parisien. E. G. Je ne sens pas du tout les choses comme ça, et je ne suis pas la seule. Demandez à des jeunes autour de vous s’ils ont envie de sortir dans le 13e, c’est assez rare qu’ils vous répondent oui. Alors il y a un pôle universitaire et c’est tant mieux – même si le maire du 13e n’y est pas pour grand-chose –, mais ils ne restent pas après les cours. À la Butteaux-Cailles, c’est animé pour le déjeuner et le dîner, mais la journée c’est mort. Les commerces vont très mal, ils se plaignent beaucoup. Vous parliez de proximité, M. le Maire, ça commence par les commerces de proximité. L’une de mes priorités sera de faire en sorte qu’ils se portent mieux, en préemptant ou en changeant la politique du stationnement. Il faudrait rétablir, quand c’est possible et dans certaines zones, des stationnements minute pour faciliter la vie des commerçants et des clients. J. C. Quand on a essayé d’agir en faveur des petits commerces au niveau parisien, on a mis en place une société d’économie mixte. La seule réaction de l’État à l’époque, sous M. Sarkozy, avait été de s’y opposer. À Paris-Rive gauche, tous les commerces crées maintenant dépendent de la Semapa, qui leur

« Les habitants du 13e ont pleinement bénéficié d’une solidarité parisienne - le conservatoire, cinq crèches, de nombreux jardins -, je pense qu’ils le perçoivent fortement »

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« Ces dernières années, on a livré plus de 3 000 logements intermédiaires pour les classes moyennes » fait des loyers adaptés pour les premières années. Leur développement, s’il y a eu des difficultés ici ou là, démarre maintenant très fort. Mais la question des petits commerces n’est pas la seule : le tramway a permis de rapprocher des territoires, nous avons lancé d’énormes projets de rénovation urbaine, aux Olympiades ou à Masséna, le 13e va accueillir de plus en plus de lieux de loisirs dans les années qui viennent. Il ne faut pas regarder le territoire au coin de la rue, il faut l’observer à quinze ans. Les habitants sont heureux et y vivent bien. Vous dîtes que les habitants sont heureux de vivre dans le 13e. Mais il est de plus en plus dur de s’y loger. Beaucoup de logements sociaux ont été construits, le 13e est exemplaire sur ce point, mais les listes d’attente sont toujours aussi longues. Quelle est la solution ? J. C. C’est une question qui doit se regarder à la fois à l’échelle parisienne et à celle du Grand Paris. Il y a un déficit considérable de logements de toutes les catégories au niveau francilien, et Paris en prend une part importante. On ne résoudra pas tous les problèmes à l’échelle d’un arrondissement. Il n’empêche que nous considérons qu’il faut bâtir. Notre bilan, c’est la construction d’une petite majorité de logements intermédiaires, 54%, le reste étant du logement social classique. Il y a nécessité de continuer très fortement. Pourtant, dans la lettre aux Parisiens de Mme Kosciusko-Morizet, le logement social n’apparaît pas, ça n’existe pas. Et dès qu’on propose un rééquilibrage sur Paris, en en construisant dans l’ouest de la capitale, on entend des cris d’orfraie. E. G. Il y a 35% de logements sociaux dans le 13e actuellement. Et si on continue sur cette lancée, on va bientôt en être à 40% ! C’est beaucoup. La tendance actuelle c’est de dire que tout ce qui était en logement intermédiaire passe en logement social. Résultat, les classes moyennes sont exclues. J’ai rencontré encore la semaine dernière sur le marché une famille qui doit quitter son logement pour vivre en banlieue parce qu’ils dépassent très largement le loyer plafond. J. C. S’ils gagnent plus de 10 000 € par mois... E. G. Non ! J. C. Il faut regarder les chiffres. Aujourd’hui, 70% des Parisiens sont éligibles au logement social. Dans le 13e, on doit pouvoir estimer que c’est 80% voire 90%. E. G. Je pense qu’il faut revoir les conditions d’attribution des logements sociaux, que les habitants et commerçants du 13e, les artisans, les assistantes maternelles, les policiers de l’arrondissement soient prioritaires. Il faut aussi plus de fluidité dans


POLITIQUE

les échanges. Actuellement, c’est très compliqué. Vous avez, dans un même immeuble, une petite dame âgée qui se retrouve seule dans un F4, veut prendre un appartement plus petit mais à qui on demande un loyer plus important – donc elle renonce – et une famille qui veut s’agrandir et n’y arrive pas. J. C. Je suis effaré par ce que j’ai entendu. Je vais prendre les choses point par point. Premièrement, refuser du logement social, c’est contraire à ce que demande la loi... E. G. On a déjà largement dépassé le quota ! J. C. … et c’est en inadéquation totale avec les besoins des Parisiens. Dans le 13e, on construit des logements, de toutes catégories. Ces dernières années, on a livré plus de 3 000 logements intermédiaires pour les classes moyennes. Sur les commissions d’attribution, je trouve osé de donner des leçons alors même qu’on invite l’opposition à y siéger et qu’aucun représentant n’y a quasiment mis les pieds. Elle verrait que les habitants du 13e sont prioritaires. Quant aux échanges, cela montre aussi la méconnaissance du système : il permet bien, quand la personne accepte d’avoir un logement plus petit, de payer le même loyer au mètre carré, et donc de le diminuer. Nous incitons les personnes dont les

« Je reproche à Jérôme Coumet de n’avoir pas suffisamment valorisé le 13e. L'arrondissement est méconnu, il n’est pas identifié des Parisiens. Il est souvent limité au quartier chinois, que j’aime pourtant, mais ça m’énerve beaucoup. »

« Il y a un gros problème de sécurité dans le 13e, comme dans tout Paris » enfants sont partis à prendre plus petit, mais ils ne l’acceptent pas toujours. Pourquoi ne pas mettre en place des outils de transparence tels que le scoring, une méthode selon laquelle les demandes sont hiérarchisées en fonction d’une notation par points, attribués selon des critères économiques et sociaux ? J. C. Le scoring peut en effet être une aide à la décision. Dans la commission d’attribution du 13e, on a imposé de ne pas donner le nom des gens pour évoquer le fond des dossiers, les difficultés personnelles rencontrées par les demandeurs. Sont présents la responsable des services sociaux, des représentants des locataires, des gens qui connaissent le fonctionnement. Mais quand je vois que Mme Kosciusko-Morizet propose de tirer au sort les membres de la commission d'attribution des logements sociaux, je suis effrayé. E. G. La priorité des priorités n’est pas de construire encore et encore du logement social, c’est la requalification de ces immeubles, souvent en mauvais état, d’y assurer une qualité de vie, de garantir la sécurité. Je fais du porte à porte, je n’ai pas du tout le même retour que Jérôme Coumet sur le vécu des habitants. Je n’ai pas du tout l’impression que l’échange soit facile, je n’ai pas un seul exemple en tête. Je ne rencontre que des gens qui se plaignent des difficultés rencontrées. Il faudrait aussi réintroduire des gardiens d’immeuble, revaloriser leur rôle ; ils pourraient être chargés de la veille des personnes seules, jouer un rôle social et avoir un lien renforcé avec la police de proximité. La sécurité maintenant, peu évoquée dans votre programme M. Coumet, en première ligne chez vous Mme Gallois. Est-ce un problème, une vraie thématique dans le 13e ? E. G. Oui, il y a un gros problème de sécurité dans le 13e, comme dans tout Paris. Les cambriolages ont considérablement augmenté à Paris, 28 % en plus selon les derniers chiffres. Alors même qu’ils baissent à Marseille, ils bondissent d’un tiers dans la capitale ! Et dans le 13e, le bilan est extrêmement mauvais puisqu’on bat des records absolus. L’Observatoire national de la délinquance 2013 cite deux de nos quartiers – Olympiades-Choisy et Butte-aux-Cailles-Mouchez – parmi les dix plus violents de Paris. Nous sommes l’un des deux seuls arrondissements de Paris où il y a deux quartiers concernés. Deux stations du 13e se trouvent aussi parmi les quinze plus dangereuses de Paris : le RER C à la gare d’Austerlitz et la ligne 5 place d’Italie. Il y a donc un gros problème d’insécurité, qu’il faut résoudre très rapidement. Nos propositions sont très claires : d’abord, restaurer une police de proximité ou police des quartiers qui se promène, connaisse les commerçants, mars 2014

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SOCIÉTÉ

PAR PHILIPPE SCHALLER

Le mur d’images du commissariat du 13e mis en fonctionnement le 21 décembre 2011. Comme l’ensemble du bâtiment qui l’abritait, il est parti en fumée quelques semaines plus tard, le 1er avril 2012. Cet incendie a considérablement retardé le raccordement des caméras du 13e.

VIDÉOSURVEILLANCE : LE FAUX-DÉBAT D La question de la vidéosurveillance ou vidéoprotection est un thème politique fort. La droite souhaite l’implantation de plus de caméras, la gauche se veut plus discrète, mais assume sans complexe « son » dispositif. Le 13e compte 92 caméras, ce qui en fait l’un des plus dotés de la capitale. Mais avec quel résultat, quelle efficacité ?

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écembre 2011, le plan de vidéoprotection pour Paris (PVPP) est voté. Deux ans après, plus de 1 100 caméras ont envahi les rues de la capitale. Coût du dispositif : 200 millions d’euros sur quinze ans. La vidéosurveillance, vante-t-on, permet d’assurer l’ordre public, de lutter contre la délinquance ou le risque terroriste. Des caméras bienveillantes donc. Dans le 13e, pas moins de 92 appareils ont pris leurs quartiers. Zones très ciblées : les zones dites « sensibles » comme la dalle des Olympiades ou place Souham, la BnF, la place d’Italie, les grands axes (avenue d’Italie, de Choisy, d’Ivry). En réalité, nous sommes épiés : bus, tram, métro, RER, train, gares SNCF, musées, ponts ou encore magasins, près de 40 000 caméras nous scrutent à Paris. Mais puisqu’on vous dit que ce n’est pas de la vidéosurveillance, mais de la vidéoprotection... Une sémantique qui oppose deux camps. D’un côté, les farouches opposants de l’atteinte aux libertés publiques, comme le collectif « Souriez, vous êtes filmés » ou le Parti pirate ; de l’autre, ceux qui y voient un aspect sécuritaire, répressif et dissuasif, déterminant. Laurent Mucchielli, sociologue spécialiste de la délinquance, rappelle qu’il faut éviter deux « mythologies, l’idée qu’on serait dans une société Big Brother, sans cesse épiés, ou à l’inverse que c’est le remède miracle. »


SOCIÉTÉ

PAR JÉRÔME HOFF

— Handicap et accessibilité

ENCORE QUELQUES OBSTACLES À FRANCHIR À moins d’un an de la date butoir initialement prévue par la loi pour la mise en accessibilité des transports et lieux accueillant du public, nous avons voulu savoir où en est le 13e en la matière. Conclusion : peut mieux faire.

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annick Lambert s’engage dans la rue Gérard, au cœur du quartier de la Butte-aux-Cailles. Au bout de quelques mètres, le trottoir, déjà étroit, se rétrécit de moitié, sans compter ces poteaux, qui empêchent un fauteuil électrique de passer. Yannick doit emprunter la chaussée pavée, face aux voitures qui arrivent en sens inverse. Quelques minutes auparavant, il franchissait un dos d’âne exagérément bombé rue Simonet, et empruntait une rampe étroite et raide non loin du centre commercial Italie 2. « Ici, il y a des endroits bien merdiques », grommelle-t-il. Polyhandicapé depuis plus de dix ans, Yannick est un militant. Il signale à qui de droit les bateaux trop hauts qui lui « ruinent le dos » à chaque descente de trottoir et l’absence par endroits de pistes cyclables.

« Plutôt bien lotie dans le 13e » Autre difficulté majeure : l’accès aux petits commerces – tandis que les supermarchés et Italie 2 sont, eux, plutôt bien équipés. Yannick Lambert a pris l’habitude de coller sur leurs vitrines un autocollant rond « Interdit aux fauteuils roulants ». La palme revient à la permanence de campagne de Jérôme Coumet, avenue de Choisy, avec sa haute marche et sa porte

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étroite. « À chaque fois que je passe, elle a droit à son petit autocollant », blague-t-il, se disant toutefois écœuré. Ce qui le fait enrager par-dessus tout, c’est l’incivilité : des gens qui garent leur voiture sur les bandes cyclables ou qui téléphonent au milieu du trottoir sans regarder. Après avoir listé tous ces points négatifs, Yannick en convient : il n’a rien à redire sur les bâtiments publics, « tous accessibles ». Sur les transports non plus, « à condition de préparer son trajet à l’avance », précise cet adepte du tramway. Stéphanie Persoz partage son avis sur l’incivilité et les bâtiments publics. Niveau voirie, cette jeune mère de quatre enfants, paraplégique depuis ses 16 ans, se trouve « plutôt bien lotie dans le 13e ». Pour les commerces, elle ne fréquente que ceux qui sont près de chez elle, autour de la rue Dunois. « Ils sont accessibles, contrairement à ceux de la place Pinel. » C’est sur les transports que leurs opinions divergent. Elle en a même fait son cheval de bataille. Sur un blog hébergé par Libération. fr, Ma vie en fauteuil, elle raconte ses mésaventures : « Dans les bus, les palettes servant à lever les fauteuils sont souvent cassées, et les chauffeurs pour certains mal formés. » Sur la ligne 14 du métro, la seule qui soit accessible, les ascenseurs sont sales, fréquemment en panne. « J’ai voulu aller au Louvre avec ma

La palme de l’inaccessibilité revient à la permanence de campagne de Jérôme Coumet, avenue de Choisy, avec sa haute marche et sa porte étroite

Yannick Lambert, militant de l’accessibilité, montre les difficultés auxquelles sont confrontés les handicapés comme ici, rue Gérard dans le quartier de la Butte-aux-Cailles.


DOSSIER

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DOSSIER

L

e crime, ça fait causer. Lançons le sujet dans un bistrot qu’on connaît bien, au comptoir. Pas le temps de touiller son café qu’on a de l’info : « Tous les gangsters sont passés dans le 13e », lance l’homme au pastis, aussitôt repris par sa voisine : « C’est la mère d’une copine à qui c’est arrivé : elle était à un feu rouge et s’est faite arrêter par Mesrine quand il s’enfuyait de prison. Il voulait qu’elle l’emmène loin. » La dame à la voiture s’est exécutée, plutôt deux fois qu’une. « Si elle pouvait rendre service... » On note, au cas où. « Y a un mec qui s’est fait descendre là, tout à côté, en rentrant chez lui, on sait pas trop dans quoi il trempait... » Qui, où, quand ? Il trempait et il est mort, c’est tout. Merci pour le tuyau. À côté : « Pas plus tard qu’hier, un papy s’est fait bousculer et voler la totalité de sa retraite, qu’il venait de retirer en liquide. Franchement, voler un petit vieux... » Soupirs. La proprio remplit un verre, et enchaîne : « Sinon y a un autre truc, je peux pas trop en parler mais je note le nom sur ton carnet, tu feras tes recherches. » Une histoire de séquestration dans le milieu homosexuel impliquant un type dont la mère vit dans le 13e... Au final, un paquet d’informations invérifiables, mais comme il est amusant d’entendre le vrai se mêler au rapporté, au fantasmé, au déformé. Comme il est plaisant de voir que sur un tel sujet tout le monde a son mot à dire. Dans ce dossier, nous abordons les grandes affaires, celles qui ont fait parler au-delà d’un bistrot, d’un quartier et même d’un arrondissement. Ces événements ont certes eu un retentissement national, mais ils ont eu lieu ici, dans cette rue, sur cette place, dans cet immeuble. Quid, alors, des petites histoires, des petits faits divers qui ne sont jamais devenus des « affaires » ? Nous en avons dégoté un paquet. Saviez-vous, par exemple, que c’est à l’angle de l’avenue des Gobelins et du boulevard SaintMarcel que Guillaume Seznec, ancien bagnard accusé de la mort de Pierre Quémeneur dans un procès qui n’a jamais vraiment réussi à prouver sa culpabilité, a été renversé par une voiture qui causa quatre mois plus tard sa mort, en 1954 ? Qu’un des truands du gang des Lyonnais a été retrouvé criblé de balles dans le coffre de sa voiture avenue de Choisy en 1975 ? Qu’une femme a jeté son bébé dans une poubelle rue Jeanne d’Arc en 1987 ? Pour le reste, autant écouter les fables des voisins. "

Par Jérôme Hoff, Philippe Lesaffre et Virginie Tauzin

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© : Col. Bernard Vassor

DOSSIER

La bergère d’Ivry, le crime qui marqua le 19e siècle

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ous sommes le 25 mai 1827. Un vendredi. Il est environ 15 heures. Aimée Millot, jeune domestique de 19 ans, marche en direction d’une graineterie de l’avenue d’Ivry, où sa maîtresse, Mme Detrouville, l’a envoyée faire une course. Elle n’est pas dans le 13e arrondissement, qui n’existe pas encore. À l’époque, le territoire de Paris s’arrête à la barrière de l’octroi, où sont taxées les marchandises qui entrent en ville. L’enceinte suit le milieu des actuels boulevards Auguste-Blanqui et Vincent Auriol. Au-delà, ce sont les communes d’Ivry et de Gentilly, séparées par l’avenue de Choisy. C’est la campagne. Il y a des champs dans lesquels Aimée Millot vient faire paître les chèvres de sa patronne. Au nord, c’est le 12e arrondissement et les anciens faubourgs Saint-Marcel et Saint-Jacques. Peuplés d’ouvriers et d’artisans pauvres, ces quartiers semiurbanisés décrits par Victor Hugo dans Les Misérables sont en proie à la violence et à la délinquance. Des « foyers d’infection », comme dit le docteur Parent-Duchâtelet, chantre de l’« hygiénisme ».

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Amours contrariées C’est en marge de ce cloaque, vers le boulevard des Gobelins, qu’Aimée croise Honoré-François Ulbach, 20 ans, qui travaille comme domestique chez un marchand de vins. Elle ne lui adresse pas la parole. Elle le connaît pourtant : les deux jeunes gens ont vécu une idylle passionnée, qui s’est arrêtée brutalement quelques mois plus tôt. Mme Detrouville, par peur du qu’en-dira-t-on, lui a demandé de choisir entre l’amour et son travail. Orpheline, Aimée ne Au policier, le jeune homme pouvait se retrouver sans emexprime ses regrets de ne pas ploi. Elle a promis de rompre avoir assassiné aussi la veuve et a rendu ses cadeaux à Ulbach. Depuis, le caractère du jeune homme est « triste et sombre (1) ». Il s’est pris de passion pour les comptes rendus des audiences du tribunal. Un jour, il a même déclaré à un ami : « Je crois que je finirai sur l’échafaud (2). » Aimée Millot retrouve une amie, la petite Julienne Saumon, âgée de 8 ans. Ulbach les rejoint et tente


DOSSIER

— Mamadou Traoré et Guy Georges, tueurs en série

DR

COUPS DE POINGS SUR CHINATOWN En 1996, Mamadou Traoré a fait plusieurs victimes dans le 13e arrondissement, notamment aux alentours de l’avenue de Choisy. Celui qui a été surnommé le « tueur aux mains nues » cognait des femmes au visage, les laissant mortes ou totalement amnésiques. Peu de temps avant, c’est un autre tueur en série qui avait frappé l’arrondissement : Guy Georges. Les deux affaires, qui se sont chevauchées, ont connu des retentissements bien différents.

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ue Caillaux, une cliente du supermarché G20 a un vague souvenir. « C’était pas Guy Georges, le type qui a fait un meurtre ici ? » À deux pas de là, l’immeuble où a été retrouvée Nelly Bertrand, le 25 juin 1996. Morte sous les coups, à moitié nue, à 40 ans. Deux mois plus tôt, une autre femme, Danielle Baty, s’en est tirée défigurée et amnésique, mais vivante, dans le hall d’un immeuble situé à l’angle de l’avenue de Choisy et de la rue Philibert Lucot. Dans le quartier, pourtant, l’affaire paraît lointaine : « C’est peut-être dû au fait que nous sommes dans le quartier asiatique. Il y a sûrement des gens qui se souviennent, mais ici les gens parlent peu, les affaires ne prennent pas tant d’ampleur », suppose une habitante de l’avenue d’Italie, qui a emménagé quelques années avant les crimes. Le nom du criminel est lui aussi plutôt confus. Alors que Guy Georges avait en effet sévi un an et demi plus tôt, en novembre 1994, dans le parking sous-terrain d’un immeuble du boulevard Blanqui, celui qui s’est acharné sur ses victimes à Chinatown est tout autre : Mamadou Traoré, baptisé ensuite « le tueur aux mains nues ». En tout, Traoré a été reconnu coupable de six agressions dont

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deux mortelles, toutes commises entre avril et octobre 1996 : Danielle Baty avenue de Choisy le 23 avril, une fillette de 11 ans laissée elle aussi amnésique après que Traoré s’est introduit dans sa chambre, le 4 juin, par une fenêtre ouverte, toujours dans le 13e, Nelly Bertrand, qu’il a agressée dans la rue avant de la traîner au dernier étage du 20 rue Caillaux, Marie-Astrid Clair, battue et violée dans la nuit du 22 octobre rue d’Astorg dans le 8e arrondissement, Francine Sarret, 72 ans, tuée le 25 octobre dans son appartement de Neuilly alors qu’il tentait de la cambrioler, enfin Florence (son nom semble être resté confidentiel), chef de cabinet d’un ministre, laissée entre la vie et la mort dans un parking souterrain du côté de Bercy le 30 octobre. Toutes ont été frappées avec une violence extrême, aux seuls poings au visage. Auparavant, Traoré avait déjà agressé plusieurs personnes dans la laverie de la rue Caillaux, dont le fils du propriétaire, sans être réellement inquiété par la police. Les « mains nues » éclipsées par « l’est parisien » Meurtres de sang froid ou perpétrés dans un état second ? Pour Me François Honnorat, qui fut son avocat depuis sa première mise en examen, en janvier 1997, jusqu’à son procès, en février 2000, Traoré a un profil de tueur en série atypique : « Il agissait de manière très désorganisée, sans préparation, laissant des traces partout. Il se mettait à cogner ces femmes au visage dans une pulsion, et dès la première goutte de sang, il basculait dans un espèce de déchaînement. » Il précise, citant l’expertise du Dr Michel Dubec, alors psychiatre et expert auprès la cour d’assises : « Traoré se comportait comme un léopard : il trainait toujours ses victimes en hauteur ou à l’abri des regards. Après les avoir frappées il se couchait auprès d’elles et s’adonnait à ce qui ressemblait à des tentatives, des approches sexuelles, mais sans pénétration. » Un profil totalement éloigné, selon lui, du « tueur de l’est parisien », qui agissait méthodiquement, violant systémati-


13e ŒIL

— Photoreportage

CRÉATEURS DE PRÉHISTOIRE Une petite PME des Frigos a été retenue pour participer à l’un des plus grands chantiers culturels français : la réalisation de la réplique de la célèbre grotte Chauvet. Des ateliers du 13e au chantier et sous-sols du Vercors et de l’Ardèche, nous avons suivi à la trace ces copistes de la Préhistoire.

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ela fait à peu près trois ans que Danielle Allemand et Stéphane Gérard n’ont presque que cette préoccupation en tête : comment reproduire au plus juste une grotte préhistorique ? Spécialisés depuis 30 ans dans la création de formes et de matières nouvelles (lire le petit portrait que nous leurs avions consacré en avril 2012 dans notre dossier « Les incontournables du 13e », Le 13 du Mois n°17), ces sculpteurs-alchimistes perchés au sommet des Frigos n’avaient jamais mis les pieds dans une grotte jusqu’à l’obtention du marché de réalisation de la réplique de Chauvet. Leur expertise en matière de recherche et développement de nouveaux matériaux leur permet aujourd’hui de reproduire tels quels tous les éléments remarquables du futur fac-similé : des concrétions comme des stalactites, des stalagmites et toutes choses se terminant par « ite » et nées du passage répété de l’eau sur de la roche. Dans leurs ateliers, vous ne verrez donc pas de peintures rupestres, tout juste quelques crânes d’ours des cavernes en silicone, répliques parfaites de ceux recouverts d’une épaisse couche de calcite et qui jonchent le sol de la célèbre grotte préhistorique. $ Par David Even

Phénomènes a investi l’atelier de la sculptrice Eva Jospin au rez-de-chaussée des Frigos pour y monter son “Mammouth”, la pièce la plus imposante que l’équipe doit produire. Celle-ci sera installée sur le site de la réplique fin mars. Au premier plan, des “faux” sols de grotte.

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13e Ĺ’IL

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13e ŒIL Laurent Garnier (à droite) est spéléologue et propriétaire de plusieurs grottes. Sa dernière acquisition, la grotte du Thaïs dans le Vercors, renferme des éléments géologiques particuliers que Danièle Allemand et Stéphane Gérard sont venus photographier et mouler le 28 février. Quelques semaines plus tôt, il leur avait ouvert la grotte de Choranche pour d’autres repérages.

PETITE PME ET GROS DU BTP Phénomènes, c’est le nom de l’entreprise créée spécialement pour le projet de facsimilé par Stéphane Gérard et Danièle Allemand. Une dizaine de personnes, autant d’hommes que de femmes, ont été recrutées pour l’occasion. « On a eu du mal à trouver des gens, regrette Danièle Allemand. De bons sculpteurs, ça ne court pas les rues. D’ailleurs, on en cherche encore. » Du coup, ils ont dû diffuser leurs offres d’emplois un peu partout en Europe, afin de trouver sculpteur à leur pied. Phénomènes est désormais une PME « européenne » avec de jeunes sculpteurs venus de Pologne, d’Espagne ou d’Allemagne. Si la petite PME a raflé l’appel d’offre en 2012, c’est parce qu’elle est « la seule à faire ce qu’elle est capable de faire en France », affirme, pas peu fière, la chef d’entreprise, devenue sculptrice sur le tas, à la différence de son compagnon, Stéphane Gérard, sculpteur de formation et aussi professeur d’histoire de l’art dans une école privée. « Si on a la chance de travailler sur ce chantier, c’est le fruit de 30 ans de travail, de créations diverses et variées », insiste régulièrement ce gars du « ch’Nord », aujourd’hui « très attaché » au 13e. Eux, ce sont les « petits » qui ont dû, avec le projet Chauvet, apprendre à travailler avec des « grands » du BTP comme Vinci. Pas toujours simple au début, reconnaissent-ils au détour d’un café dans le wagon-bar d’un TGV les menant en Ardèche fin février : « Aujourd’hui, on travaille très bien ensemble mais avec ce projet on a vraiment dû tout réapprendre, notre manière de travailler et de travailler avec les autres. » Parce que réaliser la copie d’une grotte, ça ne se fait pas tous les jours, ça ne s’acquiert pas dans les bouquins. Chez « Phéno », ils ont dû chercher et inventer des manières de recréer la roche (en plus léger et plus transportable), de faire scintiller les stalactites, de faire suinter les parois. Autant de procédés aux recettes tenues jalousement secrètes et testées une par une dans leur atelier des Frigos. Mieux vaut être calé en chimie et en géologie pour tout comprendre. « Pour reproduire au mieux un phénomène géologique, il faut savoir comment il se produit », dévoile Danièle Allemand, désormais incollable en matière de grottes, après avoir beaucoup bachoté chez elle le soir ces derniers mois. mars 2014

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Chauvet, une grotte sans nom La grotte Chauvet n’est plus. Le facsimilé en cours de construction n’a plus le droit de s’appeler ainsi depuis une décision de justice rendue en janvier dernier. Un brainstorming à 15 000 euros dans une agence de naming plus tard, c’est décidé, la réplique portera le doux nom de « Caverne du Pont d’Arc ». C’est la conséquence d’une longue bataille judiciaire entre les découvreurs, en pareil cas considérés comme des inventeurs, et l’État. Le projet de copie suscite d’ailleurs quelques mécontents dans la population locale. Outre le sort réservé aux inventeurs, le fait de n’avoir pas fait appel à des entreprises locales (même la boite de com’ est de Paris !) fait grincer quelques dents. Enfin, une menace plane également sur le nom de la grotte originale elle-même. En effet, si elle finit par être répertoriée par l’Unesco en juin prochain, un changement de nom s’imposerait selon l’organisation internationale. Affaire à suivre.

Le chantier de la réplique de la grotte Chauvet est situé à 5 km du site original en Ardèche. Fin février, les ouvrierssculpteurs de Vinci élaboraient la structure de la grotte. Les parois suspendues sont constituées de béton projeté sur une sorte de grillage en acier dessiné par ordinateur, façonné à la main et que les ouvriers doivent ensuite sculpter. L’équipe de Phénomènes devra au final “réveiller” le béton, le faire briller, scintiller comme dans la réalité.

Il a fallu chercher et inventer des manières de recréer la roche, de faire scintiller les stalactites, de faire suinter les parois. Au final, le public ne doit y voir que du feu.

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13e ŒIL

— Presse Citron

LE SUC

DU DESSIN DE PRESSE Le grand rendez-vous annuel du dessin de presse, c’est ce mois-ci. Pour la 21e année et la première à la BnF, le prix Presse Citron, devenu pour l’occasion prix Presse Citron/BnF, distinguera les quatre dessins et dessinateurs de l’année. Tandis que du côté du boulevard Blanqui, où se situe l’école Estienne, organisatrice de l’événement, on s’active pour les préparatifs, nous avons décidé de revenir en images sur les vingt premières éditions de ce concours.

Par Virginie Tauzin

Lasserpe, prix du meilleur dessin professionnel 2009.

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13e ŒIL

LUCE MONDOR

PROFESSEUR DE LETTRES À L’ÉCOLE ESTIENNE, FONDATRICE DU CONCOURS PRESSE CITRON

« Étonnant, ce petit concours de table qui devient le prix Presse Citron/BnF... » d’autres profs partants est sortie l’idée d’un concours de dessin de presse. C’est parti très fort : Armand Pla, autre prof de lettres, connaissait Plantu, qui a accepté de nous parrainer dès la première année, en 1994. Cela a été un élément fort. Un autre coup de génie a été d’élaborer un projet pédagogique avec une classe de l’école, qui s’occuperait de l’organisation et de la conception. Enfin, dès le départ, nous avons fait un double concours : les étudiants votent pour les pros et inversement. Ça a beaucoup plu. Presse Citron n’a pas vieilli, il s’est même bonifié avec le temps. Étonnant, ce petit concours de table qui devient le prix Presse Citron/BnF... Quelles seront les particularités de cette 21e édition ? La grande nouveauté est que nous sommes en partenariat avec la BnF, qui organise la 3e édition de la Biennale du dessin de presse, le 29 mars. On ne pouvait pas faire les deux événements dans le même arrondissement au même moment, c’était trop bête. Grâce à la Biennale, les dessins des étudiants et

« Le vote est épique ! On a droit à des engueulades pas possibles ! »

professionnels participants seront exposés à la BnF. Et bien sûr, comme chaque année, le Presse Citron s’inscrit dans le cadre de la Semaine de la presse et des médias à l’école, qui se déroulera du 24 au 29 mars. Comment est née l’idée de créer ce concours ? Tout est parti d’une question simple : comment inciter les étudiants à lire la presse ? Je venais d’arriver à Estienne comme professeure de lettres et j’avais gagné, dans mon établissement précédent, le grand prix du journal scolaire. Je voulais donc faire quelque chose. D’une réunion avec

Dans quelle ambiance se déroulent les votes ? Nous recevons entre 500 et 700 dessins par an. Un comité de présélection en choisit environ 300, qui sont exposés dans une salle, jusqu’ici à la salle des fêtes de la mairie du 13e, cette année à la BnF. Et c’est ensuite parti pour la bagarre. Le vote est épique ! On a droit à des engueulades pas possibles ! Si vous deviez retenir un seul moment de ces dernières années ? Impossible. Cependant, il y eut effectivement des moments très marquants. Par exemple, l’année des caricatures de Mahomet, une table ronde organisée a réuni Charb, Siné et le président d’SOS Racisme. À l’issue du débat, ce dernier a décidé de retirer sa plainte contre Charlie Hebdo.

—> INFOS PRATIQUES Quatre trophées seront remis le 27 mars à la BnF : deux récompensant des professionnels, élus par un jury d’étudiants ; deux autres remis par un jury de professionnels à deux étudiants de l’une des 120 écoles d’art et de design invitées à participer. Les dessins seront exposés le samedi 29 mars sur le site François Mitterrand de la BnF (hall est).

PRESSE CITRON DANS LE JUS La classe de master 2 Design et stratégie de communication (DSC) est en effervescence. Parmi ses gros travaux de l’année : l’organisation du Presse Citron. Dans une grande pièce aménagée autour d’un canapé et donnant sur les jardins de l’école Estienne, institution des arts et industries graphiques, la vingtaine d’élèves carbure au café. Chaque année, cette promotion se charge de la conception « de A à Z », comme le précise l’étudiante Margot Mourrier, de l’édition Presse Citron : création de l’affiche, fabrication des trophées, élaboration de slogans, invitations, site Internet, recherche de partenaires, organisation et logistique de la journée de remise des prix... Le tout autour d’un thème toujours différent. « Cela fait un moment qu’on a quitté l’agrume pour explorer d’autres univers », souligne Luce Mondor, qui chapeaute le travail. Puisque, cette année, le Presse Citron se lance dans la boxe, le combat, l’affrontement (« Le concours de dessin de presse qui dégomme »), charge aux étudiants de faire apporter un ring à la BnF... L’ambiance promet d’être électrique !

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13e ŒIL

CATHERINE MEURISSE LAURÉATE JUNIOR EN 2001 ET SENIOR EN 2002

« Presse Citron m’a mis le pied à l’étrier »

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eu d’entre nous sont capables de citer des femmes dessinatrices de presse. Catherine Meurisse, qui signe le plus souvent Catherine, est de celleslà. « C’est vrai que c’est un monde très masculin, mais ce qui est drôle, c’est que, si je me souviens bien, l’année où j’ai gagné en junior, en 2001, deux autres filles ont pris les 2e et 3e places. Ça avait ravi tout le monde, même si dans le lot je crois que je suis la seule à en avoir fait mon métier. » Et pour cause : cette année là se trouvent dans le jury Tignous et Jules de Charlie Hebdo. « Passe à la rédaction avec tes dessins », lui lancent les deux acolytes [Jules a depuis quitté Charlie Hebdo]. Alors étudiante en illustration à l’école Estienne, Catherine décroche un stage de deux mois au journal satirique. « Je n’avais pas prévu

d’en faire mon métier. C’est vraiment Presse Citron qui m’a mis le pied à l’étrier. Dans les semaines précédentes, j’avais juste réalisé une quarantaine de dessins en classe pour le prix, sans arrière-pensée. » Elle ne se souvient absolument pas de celui qui a tapé dans l’œil du jury. L’année suivante, elle présente dans la catégorie senior un dessin sur « le réchauffement climatique, avec des pingouins, c’est tout ce dont je me rappelle ». Embauchée en 2005 à Charlie, elle y est aujourd’hui la seule femme à plein-temps. Camille Besse et Coco (voir pages suivantes), un peu plus occasionnelles, font partie de ses collègues. À 34 ans, Catherine travaille également pour Les Échos, Le Nouvel Obs, Telerama et Marianne et, depuis 2008, dans la bande dessinée.

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Tignous, deux fois primé en senior : d’abord pour le dessin ci-contre sur la reprise des essais nucléaires dans l’Atoll de Mururoa, paru dans Charlie Hebdo, puis en 2010 pour un dessin sur le stress au travail (un employé de bureau entouré de corps pendus lâche « Ça sent des pieds »).

Loïc Schvartz, multirécidiviste. Pour ce dessin paru dans le n°800 de Charlie Hebdo en 2007, en référence aux lois sur l’immigration du début de mandat de Nicolas Sarkozy, Schvartz a reçu le prix senior 2008. Auparavant, le dessinateur avait reçu des prix en 1998, 1999, 2000 et 2003, ce qui en fait l’un des plus titrés du Presse Citron.

Amandine Thomas, coup de cœur junior en 2008 pour ce dessin qui fait référence à la lecture de la lettre de Guy Môquet dans les écoles voulue par Nicolas Sarkozy à son arrivée au pouvoir. Diplômée de l’école Estienne et des arts déco de Strasbourg, elle est aujourd’hui graphiste et illustratrice à Melbourne, en Australie.

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PORTRAIT

— Philippe Coupey

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Strictement zen

PORTRAIT

Il était chercheur en uranium aux États-Unis ; il est devenu moine bouddhiste à Paris. La seconde vie de Philippe Coupey exige rigueur et détermination. Petite leçon de « zenitude » au dojo de la rue de Tolbiac avec l’un des principaux représentants de la pratique zazen en France. Et ça ne plaisante pas. Par Rozenn Le Carboulec

5 DATES — 8 novembre 1937 : Naissance à New York. 1969 : Arrivée en France. 1972 : Rencontre Taisen Deshimaru, le maître bouddhiste qui lui a enseigné le zazen et a fondé l’association Zen Internationale deux ans plus tôt, à Paris. 1982 : Mort de Taisen Deshimaru. Philippe Coupey décide de prendre sa relève au dojo de Paris. Février 2014 : Publication du livre Zen et budo, co-signé par Taisen Deshimaru et Philippe Coupey.

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e matin, comme tous les matins, Philippe Coupey s’est levé à 5h30. Depuis son appartement, situé dans le 14e arrondissement, il a pris le chemin du dojo zen de Paris pour s’adonner à la pratique qui régit sa vie : le zazen. Rue de Tolbiac, l’association Zen Internationale ouvre ses portes. Il n’est que 7h15. Le silence règne, mais dans l’air flotte déjà une forte odeur d’encens. Le bâtiment accueillera d’ici quelques minutes une vingtaine de pratiquants. Après s’être déchaussés, ils se munissent chacun d’un zafu, un petit coussin noir sur lequel ils s’assiéront pour la méditation. Puis, toujours dans le calme, hommes et femmes de tous âges rejoignent leurs vestiaires pour enfiler le kesa, le vêtement de Bouddha. Noir, encore une fois. La séance commence à 7h30 et aucun retard n’est toléré. Le gasshô (joindre les mains pour saluer) est exigé pour pénétrer dans cette pièce sacrée. Un à un, tous préparent leur petit coussin et s’assoient en tailleur face à un mur. La colonne vertébrale bien droite, les mains posées l’une sur l’autre, vers le haut. Pendant 30 minutes, tout le monde devra rester concentré sans bouger, dos à Philippe Coupey, qui dirige la séance. « Si vous n’êtes pas à l’aise, vous vous concentrez sur votre respiration. Si vous n’êtes vraiment pas à l’aise, et que quelque chose vous # mars 2014

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SPORT

PAR JÉRÔME HOFF

— Double Dutch

LA VICTOIRE EST DANS

LEURS CORDES

Épreuve de freestyle simple à la salle Charpy le 22 février.

Entre danse et gymnastique, la version sportive de la corde à sauter fait de plus en plus d’adeptes. Une des équipes françaises les plus prometteuses de double dutch s’entraîne dans le 13e, avec les championnats du monde en ligne de mire.

L

es dernières équipes de cadets quittent la scène. Le speaker les salue de quelques mots que la sono rend douloureux pour les oreilles. Les membres du team Illusion, en tee-shirts blancs siglés « France », comprennent tout de même que c’est leur tour. Sous les regards des nombreux spectateurs, ils s’avancent vers le centre de la salle Charpy, prêts à disputer la première épreuve de l’après-midi : la vitesse en simple. Ils sont quatre, dont trois filles. Myriam et Oumou, 16 ans, sont les « tourneuses ». Face à face, elles sont chargées d’imprimer aux deux cordes dont elles tiennent chacune une extrémité le mouvement le plus rapide et régulier possible. Warris, 14 ans, est le « sauteur ». En deux minutes, il doit bondir par-dessus ces cordes un maximum de fois. Sarah, la grande sœur de Myriam, mêmes yeux et mêmes tresses brunes, reste assise sur le côté. Elle sautera plus tard, durant l’épreuve en double. Non loin, Claudine Vigouroux, leur entraîneuse, mère de Warris et présidente du club Génération double dutch, retient son souffle. L’enjeu est important. L’International double dutch championship (IDDC), organisé par la Fédération française ce samedi 22 février au stade Charlety, est « une sorte de bac blanc » pour ses protégés. Face à des équipes venues de toute la France mais aussi de Belgique, d’Allemagne, du Danemark, de Suède, de Hongrie, du Portugal, des États-Unis et d’Afrique, ils jaugent leurs capacités avant la véritable

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échéance : les championnats de France, qui auront lieu en mai au même endroit. Et s’ils remportent ces derniers, ils iront aux mondiaux, à Orlando, aux États-Unis. 4 000 sauteurs en France C’est là-bas qu’est né le double dutch, importé par les immigrants hollandais – dutch en anglais – il y a 350 ans. Récupéré par les jeunes du Bronx dans les années 1970, ce jeu de petites filles est devenu un sport, avec ses compétitions et ligues. La France l’a découvert au début des années 1980, en même temps que la culture hip-hop. Certains clubs, surtout en région parisienne, font partie des meilleurs mondiaux. C’est un sport « complet », qui fait travailler la force, l’endurance et la souplesse. Facile à pratiquer, il a de plus en plus d’adeptes. La fédération nationale en recense 4 000, et compte bien profiter de la réforme des rythmes scolaires pour l’introduire dans les écoles. Justement, c’est dans leurs écoles du 13e que les filles d’Illusion s’y sont initiées. Warris a imité sa mère, championne et pionnière de la discipline. Tous ont rejoint le club quand il a ouvert ses portes, en 2008, et s’entraînent chaque vendredi et samedi au complexe sportif Dunois. Formée il y a trois ans, l’équipe a travaillé dur sous la houlette énergique de Claudine. « Je suis un peu rude mais c’est pour leur bien. Je crie pour les pousser vers le haut », justifie-t-elle. La méthode fonctionne


CULTURE

PAR MATHIEU GÉNON

L'Atelier

PAELLA CHIMICOS

Mokarex Solex Pictura Lex Sed Lex, 2002.

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Le 13e est sans conteste l’un des arrondissements les plus prolifiques en matière de création artistique. Des incontournables Frigos à la Citée fleurie en passant par les studios de la rue Ricaut, se cachent à l’écart du regard des habitants une multitude de talents. Le 13 du Mois vous invite désormais chaque mois à la rencontre de l’un d’entre d’eux.


CULTURE

PAR DAVID EVEN

SORTIES — Entretien avec Frédéric Etcheverry et Gloria Aras, « danseurs urbains »

« Il ne faut pas grand-chose pour que les gens se lâchent »

En juin prochain, le duo Etxea invitera des habitants du 13e à s’improviser danseurs dans la rue. Habitués à investir l’espace public, Frédéric Etcheverry et Gloria Aras proposent en dansant de réfléchir à la ville, à l’espace qui nous entoure et plus largement au vivre ensemble. Le 13 du Mois : En quoi consisteront les promenades dansées que vous proposerez en juin dans le 13e ? Etxea : Toutes les personnes qui participeront à nos balades dansées seront volontaires puisqu’elles devront d’abord s’être inscrites via les centres d’animation Goscinny et Poterne des Peupliers. Aucun prérequis n’est exigé, tout le monde peut participer. Ensuite ce sera assez libre. Après un petit réveil musculaire et la démonstration de quelques codes d’improvisation, nous irons déambuler dans les alentours des centres d’animations. Il est impossible de dire pour le moment de manière exacte

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ce qu’il y aura, tout dépendra des personnes qui viendront. Même si nous travaillons déjà sur certains éléments, nous serons très attentifs aux envies des gens avec qui nous serons. Libre à eux de proposer des choses. Ce qui est intéressant c’est que l’on sera dans deux quartiers peu animés, avec peu de commerces donc peu de flâneries et de passage. On aura donc l’occasion d’animer un peu l’espace public. Pourquoi danser dans la rue ? Pour créer des accidents poétiques. L’idée n’est pas de danser dans un lieu aseptisé, avec des rues fermées à la circulation,

comme pendant un festival. Avec ce projet on veut s’approprier l’espace public tel qu’il est avec la vie qui suit son cours, les flux de voitures et de gens qui sont là et au milieu desquels les codes sociaux nous défendent a priori d’être et particulièrement de danser. L’idée est de faire s’interroger sur la ville qui nous entoure et la manière dont on y évolue. Même si l’espace est public, il n’est pour autant pas synonyme de liberté. Le seul endroit où vous pouvez faire ce que vous voulez, c’est chez vous, pas dans la rue. L’extérieur est très codifié quand on regarde bien. Notre réflexion, d’ailleurs, part de là. Dès que nous sommes à un endroit, on ne peut pas s’empêcher d’observer les flux, d’où viennent les gens, où ils vont. Ces cycles de mouvements sont finalement très réglés, presque millimétrés. Et nous, un peu comme des gamins, on veut casser ce qui fonctionne, casser ces flux auxquels on ne prête pas forcement attention. Qu’est-ce qui se passe si je m’allonge par terre au milieu d’un flux de passants ou si je porte ma partenaire sur mes épaules, par exemple ? N’est-il pas difficile de convaincre les gens de participer à ce type d’improvisation ? L’année dernière, nous avions déjà investi les stations de tram du 13e, des lieux très codifiés où l’on ne se déplace pas n’importe comment. Au final, on a eu pas mal d’interactions avec les usagers, beaucoup ont même raté quelques trams et directement participé à nos expériences. On a eu envie d’aller encore plus loin cette année. Après ça dépend bien évidemment des gens. On essaye de susciter leur envie d’autre chose, de réveiller leur « capacité d’enfance ». En réalité, il ne faut pas grandchose et pas longtemps pour que les gens se lâchent. ! « Diagonales 13, déambulations collectives », promenades participatives avec Frédéric Etcheverry et Gloria Aras dans le cadre du projet TerritoireS en questionS organisé par compagnie 2R2C. 1er groupe le mardi 17 et le jeudi 19 juin de 17h à 20h. Rdv au centre d’animation René Goscinny, 14 rue René Goscinny (Inscriptions au 01.45.88.46.68). 2e groupe le vendredi 20 juin de 18h30 à 21h30 et le samedi 21 juin de 10h à 13h. Rdv au centre d’animation Poterne des Peupliers, 1 rue Gouthière (Inscriptions au 01 45 88 46 68). « Déambul’action » commune des deux groupes le samedi 28 juin de 16h à 19h à la porte de Choisy (le lieu précis de rdv sera communiqué plus tard).


CULTURE

SUBLIME TRAGÉDIE / —

THÉÂTRE 13 : NORMA JEANE

DR — Abbi Patrix dasn Le Poulpe

Un plateau nu, tout noir, avec sur le sol des figures géométriques faites de ruban adhésif blanc. Comme sur la scène d’un accident mortel, d’une tragédie à déchiffrer. Minimaliste, cette scénographie confère à Norma Jean de John Arnold la gravité, la sobriété nécessaires à toute grande tragédie. Un choix d’autant plus judicieux qu’il n’allait pas de soi, l’histoire relatée étant celle de la célèbre et malheureuse Marylin Monroe. Adaptée de Blonde, roman-fleuve de Joyce Carol Oates, cette pièce parvient à excéder le seul destin de la star, à se faire fable du monde contemporain. De sa tendance à convertir l’individu en produit de consommation, tel un pantin solitaire à la merci de forces qui le dépassent. Par leur onirisme, la mise en scène et le jeu des acteurs placent l’existence de Marylin du côté du cauchemar. La vie entière de la vedette étant jouée par plusieurs acteurs, avec la très juste Marion Malenfant dans le rôle principal, la sensation d’irréel atteint un paroxysme. C’est donc à une mise en abîme que nous assistons, ce qui, loin d’atténuer la tragédie de l’histoire, la renforce. Car en plus de dire le déclin d’une femme entièrement construite par la société du spectacle, la création de John Arnold en exprime l’impuissance à changer le cours des choses. A.H. Norma Jeane jusqu’au 13 avril au Théâtre 13/Seine, 30 rue du Chevaleret. Les mardis, jeudis et samedis à 19h30. Les mercredis et vendredis à 20h30 et les dimanches à 15h30. Renseignements et réservations au 01.45.88.62.22. De 6€ à 24€. Spectacle conseillé à partir de 13 ans.

© Bellamy

HISTOIRES ET PAROLES / FESTIVAL « CONTEURS DU 13 » — ginales et s’affirme d’année en année comme un évènement majeur de la programmation du grand théâtre de l’arrondissement. À voir et écouter parmi les artistes invités, la charismatique Catherine Zarcate en ouverture le 25 mars et une histoire de pharaons et d’amour en Égypte antique. Le 27, Pépito Matéo propose une extravagante galerie de portraits en sept monologues. On passe du cop à l’âne, de la légèreté à la gravité. Le 1er avril, pas de blague mais du polar. Avec son « Poulpe », Abbi Patrix transforme une histoire criminelle en véritable concertconte. À signaler cette année aussi, une journée famille le 29 mars avec cinq contes accessibles aux plus jeunes, aux très jeunes même avec ce « Et hop ! » où la conteuse Christèle Pimenta essaiera d’embarquer les enfants à partir de 6 mois. Il n’y a vraiment plus d’âge pour aller au théâtre !

Après le centre Mandapa et sa série de contes tziganes et d’hiver, c’est cette fois-ci au tour du Théâtre 13 d’accueillir une dizaine de conteurs dans sa grande salle du boulevard Blanqui. La 4e édition du festival « Conteurs au 13 » accueille comme à son habitude artistes confirmés et nouvelles voix ori-

COUPS DE CRAYON /

LA BIENNALE DU DESSIN DE PRESSE

Depuis quelques années, la BnF collecte et met en valeur les dessins de presse déjà répertoriés en grand nombre au département des Estampes et de la photographie de la grande institution. La Biennale du dessin de presse du 29 mars s’inscrit dans cette démarche. Elle permet aux dessinateurs de presse et aux différents acteurs – festivals, publications spécialisées, associations et fédérations, écoles, éditeurs - de se retrouver tous les deux ans et de présenter au public leurs activités, projets, publications. L’une des nouveautés de cette année : l’intégration du prix Presse Citron de l’école Estienne (voir par ailleurs et plus longuement en page 39). Enfin, jusqu’au 4 avril, l’Association Cartooning for Peace, fondée en 2006 par le dessinateur Plantu, présentera une exposition thématique « Dessin de presse ; Peut-on rire de tout ? » Dessins et religion, censure ou encore le rôle d’Internet seront passés au crible et au coup de crayon. 3e Biennale du dessin de presse de la BnF, le samedi 29 mars de 13h30 à 20h, au Petit auditorium de la Bnf, quai François Mauriac. L’exposition de l’association Cartooning for Peace est visible du 28 mars au 4 avril dans le hall Est. Entrée libre.

© Nicolas Pinet

4e édition du festival « Conteurs au 13 » du 25 mars au 6 avril au Théâtre 13/ Jardin, 103 A boulevard Auguste-Blanqui. Journée famille le samedi 29 mars avec des représentations de 10h15 à 19h30. Les autres jours représentations à 19h30. Renseignements et réservations au 01.45.88.62.22. De 6€ à 16€.

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LOISIRS

PAR PHILIPPE LESAFFRE

Un resto, un chef, une recette

ALESSANDRA ET OLIVIER DU TEMPERO

Chaque mois, retrouvez ici le fruit d’une conversation menée dans la cuisine d’un(e) chef cuistot de l’arrondissement. Parcours, inspirations, culture culinaire et générale, le chef partage tout, y compris ses recettes.

HANOÏ ET RIO DANS L’ASSIETTE Au Tempero, préparez-vous au mélange de saveurs. Alessandra et Olivier mijotent, rue de Clisson, des plats mariant la cuisine de leur pays d’origine : brésilienne pour madame, vietnamienne pour monsieur.

«

J’observe parfois un client qui goûte un plat, confie Alessandra à l’heure du déjeuner, un jour de février. Je suis heureuse lorsque ses yeux pétillent, cela signifie qu’il apprécie sûrement ce que nous avons préparé. » Et cela dure depuis deux ans, dans ce petit local de quelques dizaines de mètres carrés. Cette Brésilienne, à l’accent chantant de son pays, a ouvert son premier restaurant avec son mari d’origine vietnamienne pour une raison simple : proposer des plats « fusion » mêlant cuisines sud-américaine et asiatique.

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Étrange ? Pas vraiment, affirme-t-elle, le sourire aux lèvres : « Il y a de grandes similitudes entre les deux. » De nombreuses herbes, comme la coriandre, se retrouvent ainsi dans les assiettes à Hanoï comme à Rio. Dans le 13e, rue Clisson, on découvre, au quotidien, ce mariage de saveurs, d’épices comme, par exemple, le porc confit avec des légumes racines ainsi qu’une purée de panais, conçue ici avec du lait de coco. La viande de porc pour le côté asiatique, la purée de panais pour la touche brésilienne. « Je ne pourrais pas, glisse Alessandra, préparer une

blanquette de veau. » Trop français, pas assez cosmopolite pour elle. Et cela n’irait pas avec l’essence du Tempero, dont le patronyme signifie « assaisonnement », « condiment » en portugais. À l’origine de ce nom, un jeu que le couple a l’habitude de pratiquer avec des amis : deviner les épices, uniquement par l’odeur. Une activité ludique, souvent remportée par son mari : « Olivier a un nez incroyable », sourit Alessandra, visiblement épatée. Des produits locaux et de saison Une précision : les plats, qu’ils mijotent


LOISIRS

PAR VINCENT FARGIER

Bon plan resto : Chez Simone

SIMONE PORTE LA BARBE Chez Simone, sur le boulevard Arago, on joue avec le contraste. Derrière un nom et un décor de bistrot simple se cache une équipe jeune, qui revisite les classiques et flirte avec la gastronomie. Les papilles repartent ravies, mais le porte-monnaie à sec.

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u’on se le dise, chez Simone, on se décontracte. Avec leurs dégaines de pêcheurs bretons qui en ont vu d’autres, Alain et ses acolytes savent vous mettre à l’aise. Souriants quand il le faut, discrets dans le service, mais loquaces quand il s’agit de parler des vins, l’équipage a fière allure. Leur bistrot-resto, installé depuis neuf mois, correspond bien à leur image : style simple, épuré, chaises colorées en terrasse. La déco sobre fait l’affaire. Complètement ouverte sur la salle, la cuisine offre un aspect authentique, assez agréable. Mike et Arno s’activent derrière les fourneaux sans que le bruit et l’odeur ne dérangent qui que ce soit. La clientèle, variée en âge, semble déjà habituée. Ici, on fait le plein et il vaut donc mieux réserver, d’autant que la salle se limite à une trentaine de couverts. Du côté du rouquin, les vins naturels (ou nature) sont légion. Les hommes connaissent leurs produits et passent au détecteur de mensonge sans sourciller. Mais l’entrée de gamme, bien que réjouissante (« L’incrédule » de Didier Chaffardon), s’élève déjà à 28 euros la bouteille. Un hic pour un midi. Derrière chaque assiette, on imagine la besogne. Les produits travaillés presque devant vous obtiennent la mention très bien en fraîcheur et qualité. Fricassée de paleron et chou de Bruxelles, salade, faisselle, céleri et pomme, velouté de potimarron : les entrées mettent l’eau à la bouche. Chacune, finement assaisonnée, offre un mélange subtil. La fricassée remporte la palme : l’amertume du chou de Bruxelles, terreur de nos cantines d’enfance, n’est plus qu’un lointain souvenir. Doux, presque sucré, il accompagne un bœuf au ton juste, arrosé de parmesan. Les plats, quant à eux, gardent le rythme. Le rôti de quasi de veau et ses rattes au four, à la fois généreux et tendre, tient la cadence. La saucisse

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Fricassée de paleron et chou de Bruxelles.

« graine de cochon » charnue et les légumes racines croquants jouent les classiques sans anicroche, mais sans surprise. Enfin, le pavé de saumon-épinards au raifort offre un remix simple mais intéressant. Au niveau quantité, le bât blesse légèrement. L’entrée ressemble trop à une simple mise en bouche. Les légumes – pourtant sublimés – accompagnent en trop petit nombre la viande ou le poisson. On reste un peu sur sa faim. On s’oriente alors vers les desserts. Et là, patatras : avec la pana cotta pistache, on baisse clairement d’un cran. La poire pochée relève à peine le niveau, tandis que l’assiette de fromage et son salers à point sauvent la mise. À l’arrivée de l’addition, on se sent alors comme dans un bon film, dont on aurait volontiers changé la fin. Finalement, on ressort un poil mitigé de l’expérience chez Simone. Certains voient le verre à moitié vide. Au 13, on le voit à moitié plein. De vin naturel, évidemment. " — SIMONE, LE RESTAURANT 33 boulevard Arago. Du mardi au samedi (midi et soir). Formule midi à 19€ et 21,50€. À la carte le soir (environ 40€). Réservations au 01.43.37.82.70.

QUAND SIMONE SE RACONTE Alain est un sacré personnage. Un taiseux, diront certains. Un homme qui pèse ses mots, pour d’autres. Mais quand il s’agit d’évoquer le vin, sa langue se délie. En réalité, Simone se dédouble : côté boulevard Arago, le resto, et côté rue Pascal, la cave, en parfaite jonction. La boutique, qui date de 1917, vaut le détour à elle seule. Clairement, ici, on vient chercher la qualité, le conseil juste et surtout, les vins qu’on ne trouve pas ailleurs. Débarqués dans le 13e un peu par hasard, les garçons s’y sentent déjà comme chez eux. Leurs histoires sont faites de rencontres : entre eux, avec les vignerons, avec les producteurs de la région... Et avec vous ? — SIMONE, LA CAVE 48, rue Pascal. Du mardi au samedi. 01.43.37.82.70.


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PAR HAROLD WATSON



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