Le 13 du Mois n°28

Page 4

SOCIÉTÉ

Avril 2013 — www.le13dumois.fr

«

— Entretien avec Sarah Belaïsch, de la Cimade, sur la politique migratoire de François Hollande

Cette première année est synonyme de beaucoup de désillusions

»

On connaît la Cimade pour ses missions d’accompagnement des étrangers migrants, en voie d’expulsion, demandeurs d’asile ou réfugiés. Des personnes « invisibles » à la société, sauf en période de crises ou d’élections. Quasiment un an après l’accession de François Hollande à l’Élysée, nous avons voulu savoir ce qu’il en était de la politique migratoire du nouveau gouvernement en place. Entretien avec Sarah Belaïsch, responsable des commissions et des actions de la Cimade, rencontrée au siège national de l’association, rue Clisson, dans le 13e.

Par Pierre-Yves Bulteau Photographie : Mathieu Génon

Le 13 du mois : Le mercredi 2 mai 2012, lors du débat d’entre-deux-tours qui l’opposait à Nicolas Sarkozy, François Hollande disait qu’il allait revoir à la baisse le flux des travailleurs migrants qui arrivent chaque année en France. Qu’en est-il un an après son élection ? Sarah Belaïsch : Dans les prochains mois, les parlementaires devraient se pencher sur la question des travailleurs professionnels et des étudiants autorisés à s’installer en France. Cela pourrait nous convenir s’il ne s’agissait pas une nouvelle fois des migrants les plus qualifiés, les plus diplômés. Pourquoi faire venir ces personnes dans notre pays alors qu’il y en a tant d’autres à écouter, à régulariser ? D’ailleurs, sur cette question, Hollande avait dit que s’il était élu, il y aurait chaque année une discussion au Parlement pour savoir exactement le nombre de ces personnes que la France pourrait ou non accepter au titre de l’immigration économique. Cette circulaire dite de « régularisation économique » n’a pas encore été débattue que le gouvernement annonce déjà qu’il n’y aura pas plus de 30 000 travailleurs régularisés cette année... Cela veut dire, selon vous, que la politique des quotas mise en place sous la présidence Sarkozy va se poursuivre sous l’ère Hollande ? Oui, cela signifie clairement la fixation de quotas sur ces questions. Pour en revenir au chiffre de 30 000 régularisations économiques, cela interroge sur la réelle opportunité politique d’établir une circulaire si cela ne permet pas de régulariser la totalité des travailleurs immigrés qui vivent et cotisent en France. Je soulignerais au passage qu’une circulaire n’a pas valeur de texte de loi et que si le candidat Hollande avait certes affirmé écarter toute idée de régularisation massive, il avait également précisé qu’elles se feraient sur des « critères précis » et non à la seule discrétion des préfets. Parmi ces critères, il y avait notamment l’engagement pris sur la protection des demandeurs d’asile... Effectivement. François Hollande avait promis qu’aucun demandeur d’asile ne serait expulsé avant qu’un recours effectif ou suspensif ne soit étudié par un juge. Pour nous et les autres associations qui s’occupent des migrants, cette mesure est fondamentale au bon équilibre d’une politique migratoire digne d’un pays comme la France. Or, ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui. Qu’est-ce qui bloque, selon vous ? Le fait qu’il n’y ait toujours pas de réelles réflexions sur le sujet et que Manuel Valls n’ait toujours pas opéré, dans son ensemble, une véritable mise à plat du dispositif d’asile. À la Cimade, nous regrettons que le gouvernement ne s’attaque pas plus sérieusement et courageusement à la question."

12


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.