Le 13 du Mois n°24

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F : 3.90 € R 28895 - 0024 -

N°24 13 Décembre → 13 Janvier | www.le13dumois.fr | En vente le 13 de chaque mois | 3,90 €

ENQUÊTE SUR LES FOYERS DE MIGRANTS

1970 - 1990

BUTTE-AUX-CAILLES DES VOYOUS AUX ANARS

INSOLITE LE HOCKEY SOUS-MARIN

NOTRE SÉLECTION CADEAUX DE NOËL * BON PLAN RESTO * SORTIES


SOMMAIRE

Décembre 2012 — www.le13dumois.fr

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n°24

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p.03

Édito

p.06

Courriers

p.08

Le 13 en bref

p.43

Billet - Franck Évrard

p.57

Billet - L'inconnu-e du 13

1970-1990 BUTTE-AUX-CAILLES DES VOYOUS AUX ANARS

p.58

L'image du mois

13e ŒIL

p.10

POLITIQUE Retour sur les comptes-rendus de mandat

p.14

DOSSIER

Enquête : Les foyers de travailleurs migrants — p.32 Portfolio : Le hockey subaquatique p.26

Photographie de couverture : Jacques Mesrine, par Alain Bizos / Agence Vu.

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SOMMAIRE

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PORTRAIT Monique Degras, bouillon de cultures

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PAR-DESSUS LE PÉRIPH' Seine Amont : Ménage à trois en banlieue rouge

p.42

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MÉTRO MON AMOUR, MA HAINE Le tram nouveau arrive, le fret ferroviaire dans l’impasse

CULTURE Entretien avec la directrice du seul théâtre pour enfants de Paris — p.50 Sélection sorties p.48

LOISIRS Culture culinaire : La bûche à la mangue — p.56 Bon plan resto : La Petite chaloupe p.54

LOISIRS Bon plan cadeaux — p.46 Jeux de société : Sélection de l'Oya Café p.44

P.03

S'ABONNER

P.31

COMMANDER LES ANCIENS NUMÉROS 5


POLITIQUE

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RENDEZ-VOUS COMPTE ! Comme une bonne bûche de Noël, les comptes-rendus de mandat sont un incontournable rituel de fin d’année. Voilà pour le journaliste un moyen facile de flairer l’air du temps tout en récapitulant une année d’actualité. D’autant qu’en 2012, les premiers émois politiques liés à la « bataille de Paris » leur donnent une saveur particulière. Et puisque nos concitoyens s’essaient à poser des questions gênantes, pourquoi vous en priver ? Le contexte retenu est celui d’une réunion publique, place Jeanne d’Arc, parmi les quatre tenues par l’équipe de Jérôme Coumet entre novembre et décembre. En préambule, un film promotionnel roucoulant, puis le discours grandiloquent d’un élu qui sait que les élections approchent. Trois jours plus tard, il y eut le compte-rendu de Delanoë himself (lire en page 12) en présence du maire d’arrondissement. Celui-là même qui, resté fidèle à son mentor Jean-Marie Le Guen, est le seul maire PS à n’avoir pas (encore) apporté son soutien à la « dauphine » Anne Hidalgo. « Rendre compte » : l’exercice tourne parfois à la douche glacée pour nos élus qui vont au front. Notre compterendu maison ci-dessous vous permettra de connaître quelques-uns des griefs de vos voisins de palier. Nous parlons de ceux qui, souvent engagés dans ces petites instances démocratiques appelés conseils de quartier, sont spécialement conviés aux réunions. Ils sont quelques centaines d’individus parmi les 185 000 habitants du 13e, mais ils sont présents en toute occasion. En retour, ils sont chouchoutés et discrètement jaugés par le staff municipal, lequel veille au grain à l’entame de la campagne municipale. C’est cette petite comédie de mœurs que nous avons souhaité dépeindre.

Par Jérémie Potée Photographie : Mathieu Génon

CULTURE

Touche pas à mon Grand Écran et remballe ton « Nouveau quartier latin » La confrontation entre les « irréductibles » du Grand Écran de la place d’Italie et le maire du 13e a tout du comique de répétition. Cette-salle-magnifique-conçue-parle-grand-architecte-Kenzo-Tange est en sursis, on le saura. En lieu et place, un multiplexe est en projet, si ce n’est que l’association Sauvons le Grand Écran bataille ferme pour ralentir la chose. De recours en recours, elle milite encore et toujours pour son maintien. Cette année, cependant, elle fourbit son argumentaire en avançant l’idée de laisser la salle en l’état et d’implanter le multiplexe sur cette grande esplanade de l’avenue d’Italie où une extension du centre commercial serait prévue. Cette fameuse extension, contredira le maire, est un vieux serpent de mer. Rien rien n’est acté chez Hammerson, propriétaire des lieux. Rendez-vous l’année prochaine : à n’en pas douter, le sujet vivra encore. Au 13 du Mois, on mettrait bien des billes sur la réussite de l’association et de leur travail de sape, non

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dénué de fondements. Mais à l’horizon 2035, disons. Autre habitué des gueulantes, ce président d’une association de résidents du fameux squat des Frigos, Jean-Paul Réti. Sa marotte, récurrente d’année en année elle aussi : que les Parisiens soient associés au choix des œuvres d’art installées sur le pavé parisien. En particulier, sur le parcours du nouveau tram T3. Un maire faisant la sourde oreille et renvoyant les artistes à leurs propres contradictions en matière de bon goût, et voilà l’affaire évacuée. Plus étonnante, cette attaque contre le sobriquet de « Nouveau quartier latin » accolé à l’arrondissement depuis que les universités s’y installent. Une appellation d’origine très contrôlée devenue, il est vrai, un véritable outil de communication pour la Ville. Pourtant, un Coumet impassible déclarait « ne pas y tenir particulièrement ». On se permet d’en douter.


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POLITIQUE

PARIS RIVE-GAUCHE

Grogne et impatience

La moitié du plus gros programme de rénovation urbaine à Paris est achevée. N’est pas Shanghaï qui veut : la lenteur du chantier et, surtout, l’absence de vie de quartier, plus de quinze ans après la pose de sa première pierre, en chagrinent plus d’un. Il y a ceux qui s’étonnent des faillites en série que connaissent les petits commerces de la zone, tandis que d’autres s’insurgent contre l’hégémonie des grandes chaînes de restauration « Hippopotamus ne relève pas du bien-vivre à Paris ! ». Que sera Paris Rive-Gauche dans trente ans ? Voilà la question posée par un spécialiste, Marc AmbroiseRendu, un journaliste devenue figure locale - entendez par là qu’il fait partie de ceux dont le maire connaît le patronyme (ils sont nombreux). « Paris Rive-Gauche me paraît le plus fragile des quartiers du 13e. Je prédis, d’ici trente ans, la friche urbaine », assénait-il. On apprenait à cette occasion que le quartier compte désormais 5 000 habitants, ce qui de l’aveu même de la municipalité, n’est « pas assez ». Mais patience et longueur de temps, etc.

SÉCURITÉ

Y a-t-il quelqu'un derrière la caméra ? Vous en souvient-il ? Le commissariat du 13e a entièrement brûlé en avril. Aux sourcilleux qui demandent ce qu’il en est de la vidéosurveillance dans l’arrondissement, les élus répondent - et nous rappellent par la même occasion - que son centre de contrôle était situé dans ledit commissariat… Manque de pot, une partie de la petite centaine de caméras prévue dans l’arrondissement avait tout juste été activée quand le sinistre a fait rage. Pour ce qui est du bâtiment, on apprend qu’un commissariat « provisoire » sera édifié au même emplacement avant une reconstruction complète prévue pour la fin 2013. "

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DOSSIER

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1970 - 1990

LA BUTTE-AUX-CAILLES DES VOYOUS AUX ANARS

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Par Éloïse Fagard et Philippe Schaller Photographies : Mathieu Génon Illustration : Samuel Desche

MAKING-OF - « Il est où le bar ? » - « Euh le rendez-vous est pas dans un bar en fait, cette fois-ci on va dans une maison d’édition. » Extrait d’une conversation entre deux collègues, un peu épuisés par une enquête en eaux troubles de plusieurs semaines. Et forcément, quand on étudie une rue peuplée de bars, et que toutes les interviews ou presque se déroulent dans des troquets, on prend vite des habitudes…Ne carburant qu’au café, quitte à frôler l’indigestion et l’excès de nervosité avec les mains qui tremblent. Peut-être qu’en mettant un peu d’alcool dans cette histoire on aurait réussi à délier quelques langues…Au Temps des cerises, témoin-clé de l’histoire de la Butte, le mutisme des associés n’a eu d’égal que notre entêtement à les faire parler. Gentiment, ils nous ont poussés plusieurs fois vers la sortie nous expliquant « que cela ne les intéressait pas de parler de toute cette histoire ». Malgré tout, on a réussi à trouver des témoins-clés, des gens qui ont vécu la Butte des années 70-80 et qui ont accepté de raviver de vieux souvenirs.

Nous tenons à remercier Claudine Castel, Corine Finster et Gérard Pellegrino d’avoir bien voulu fouiller dans leurs archives pour nous fournir des visuels de l’époque.

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DOSSIER

La Butte rebelle, des mauvais garçons, des anars et des zikos des années 70-80, légende ou réalité ? Parmi les derniers arrivés circulent volontiers belles histoires et anecdotes savoureuses sur la Butte-aux-Cailles du passé, prolo voire mal fréquentée. Pour le bobo, ça fait chic de s’encanailler en habitant un quartier autrefois malfamé… Avec la Butte, on est servi. Fort des combats de la Commune de 1871, le quartier a aussi ses légendes urbaines sur le grand banditisme et sa tradition anarchiste, avec des personnages presque mythiques comme Ramon Finster. L’éclosion musicale de Cultures au quotidien, au début des années 80, semble aussi avoir sonné le glas de l’ambiance village du quartier. Qu’en est-il vraiment ? Nous avons mené une enquête de terrain de plusieurs semaines à la rencontre de ceux qui ont vécu et fait la Butte d’antan.


DOSSIER

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© École nationale supérieure des arts décoratifs, 1978

LA BUTTE DES MALFRATS, PLUS RÊVÉE QUE RÉELLE

Malfamée la Butte-aux-Cailles des années 70 et 80 ? C’est ce que veulent faire croire certaines histoires. La réalité serait plutôt celle d’un quartier qui a accueilli des bandits certes, mais surtout pour des parties de carte. Un repaire plus qu’un endroit dangereux.

L

a Butte-aux-Cailles était-elle le point de rendez-vous des truands et des braqueurs ? Hamed, gérant du bar À la bonne cave, situé au 11 rue de l’Espérance, n’hésite pas à parler de « quartier dangereux où sévissaient les règlements de compte », « d’un repaire de voyous », « d’un coupe-gorge dans lequel les femmes ne sortaient pas seules le soir ». Lui qui y a posé ses valises au milieu des années 80, mais qui a grandi non loin, se rappelle d’une Butte d’une autre allure : des petites ruelles pavées sombres, aucun arbre, des voitures garées n’importe où et n’importe comment. Pour lui, c’est clair, l’ambiance était franchement glauque. Des mauvais garçons avec des flingues, il y en avait. Fraîchement débarqué de son Maroc natal comme étudiant, Abdel Ajenoui se rappelle une anecdote à l’été 1978 : « Il est 20 heures, il fait encore jour. Je remonte la rue de la Butte-aux-Cailles, et quand je passe devant un bar, un type sort en courant. Derrière lui, un homme d’une cinquantaine d’années se jette à sa poursuite et l’injurie, pistolet à la main. Il tire deux fois, je vois les impacts sur le mur. Le jeune parvient finalement à tourner vers la rue de l’Espérance. Au moins cette fois, il s’en est sorti. »

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« Pas le Far West » Y avait-il des bandes sur la Butte dans les années 70 et 80 ? Personne n’en a jamais vu. Du racket, des bars clandestins ? Pas davantage. Mais concernant les bandits, les malfrats, les avis divergent. Jacques (1) est un inconditionnel de la Butte, il dit vivre là depuis « soixante-cinq ans ». Nous le rencontrons dès potron-minet au Village de la Butte. Il se souvient, presque avec nostalgie, d’un « royaume de la bredouille ». Quand on le lance sur les mauvais garçons qui ont pu passer dans le coin, l’homme est disert, raconte volontiers. Mais il tient à faire la part des choses. « Oui, certains mecs fichés au banditisme venaient, notamment de Villejuif et d’autres endroits de la banlieue sud, boire des coups et jouer aux cartes. Oui, des mecs se flinguaient entre eux. Mais c’était pas le Far West non plus », insiste-t-il. Foutaises et légendes urbaines, pensent en effet de nombreux autres habitants. Les petites frappes et les cambrioleurs du dimanche grouillaient, comme partout à Paris. Les vrais méchants beaucoup moins. « J’ai connu deux ou trois arsouilles, des truands à deux balles qui traînaient dans le quartier, mais c’est tout », lâche Vincent Absil. Le chanteur de folk et de blues, figure du groupe Imago


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DOSSIER

L’ENNEMI PUBLIC NUMÉRO 1 Y ÉTAIT

© DR

Voyou emblématique des années 70, Mesrine s’est planqué quelques temps au pied de la Butte-aux-Cailles, c’est d’ailleurs là qu’il a été arrêté par le commissaire Broussard en 1973.

A C’est au pied de la Butte, rue Vergniaud, que Mesrine est arrêté en 1973

u milieu des pieds nickelés et des petites frappes du quartier, une figure de vrai méchant se détache. Beau mec et voyou notoire, Mesrine, est en effet passé par le 13e. L’ennemi public numéro 1 a marqué le quartier et nourri les légendes urbaines de la Butte-aux-Cailles. Difficile de faire la part des choses tant le personnage nourrit les fantasmes. Tout le monde en parle, personne ne l’a croisé. Pour Jérôme Pierrat, journaliste spécialisé dans le banditisme, Mesrine a bien eu une cachette dans le 13e mais au même titre que ses dizaines d’autres planques disséminées dans tout Paris. D’après plusieurs habitants, Mesrine aurait eu une cachette rue Alphand, à la Butteaux-Cailles. Mais si Mesrine est associé au 13e arrondissement, c’est pour son arrestation légendaire qui a eu lieu dans son appartement rue Vergniaud. L’épisode, scène mythique, est intégré dans le film Mesrine de Jean-François Richet en 2008 avec Vincent Cassel dans le rôle du « héros ». L’anecdote en constitue d’ailleurs un passage clé. D’après le récit de Mesrine dans son autobiographie L’instinct de mort, publiée en 1977, il prépare un gros coup à l’automne 1973. Logé rue Vergniaud dans un appartement fourni par une connaissance, il organise un braquage de banque pour rendre service à des amis. Le braquage se termine par l’arrestation d’un de ses complices qui, bien que ne connaissant pas l’adresse exacte de Mesrine, donnera suffisamment d’indices aux policiers pour qu’ils puissent le retrouver. C’est ainsi que le 28 septembre 1973, le commissaire Robert Broussard, chef de l’antigang, arrête Mesrine dans son appartement du 83 rue Vergniaud. Une arrestation hors du commun Après 20 minutes de négociations pendant lesquelles le bandit brûle ses faux papiers et les plans du gros coup qu’il est en train de monter, Mesrine laisse entrer le commissaire, à condition qu’il pénètre dans l’appartement désarmé et sans son gilet pare-balles. Cerné de toutes parts, Mesrine sait qu’il n’a aucune chance de s’en sortir vivant. Il raconte la scène dans L’Instinct de mort : « Je tournai la poignée de porte et l’ouvris. Broussard était devant moi, tous ses hommes derrière lui. J’avais un cigare aux lèvres. Je lui souris en lui tendant la main : - Bien joué, commissaire... Pour cette fois, vous avez gagné. » Bon joueur, il accueille Broussard et le substitut du procureur avec une bouteille de champagne. Incarcéré à la prison de la Santé, Mesrine est condamné en 1977 à 20 ans de réclusion pour attaque à main armée. C’est à la Santé qu’il écrit L’instinct de mort. En 1978, Mesrine s’évade et reprend sa carrière dans le grand banditisme. Il trouve la mort dès l’année suivante dans un piège tendu par la police porte de Clignancourt. "

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DOSSIER

RAMON FINSTER,

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DATES 1944 : Naissance de Raymond (dit Ramon) Finster, fils d’une Parisienne et d’un réfugié politique, républicain espagnol. Il grandit avenue de Choisy. Années 60-70 : Éducateur de rue au Club des planètes, rue Jeanne d’Arc, et à l’Éléphant blanc, rue des Cinq-Diamants. Il ouvre la libraire la Bouquinerie rue Barrault, qui deviendra la Commune. 1981 : Lance l’association Cultures au quotidien et ouvre le Merle moqueur quelques années plus tard. 1991 : Rachète la Folie en tête. 1996 : Décès à Marseille lors d’une opération du cœur.

L’HOMME ET L’ÂME DE CES LIEUX

Libertaire, éducateur de rue, promoteur de Cultures au quotidien, il a acquis une aura incroyable dans le quartier. Mais qui était-il ? Quel héritage a-t-il laissé ?

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amon Finster laisse, encore aujourd’hui, quinze ans après sa mort, une profonde empreinte dans le cœur des habitants de la Butte-aux-Cailles. Car l’homme a légué un bel héritage, réveillant le quartier durant plus de trente ans. Fils d’un instituteur libertaire espagnol, Ramon Finster naît en 1944 dans le 13e et grandit avenue de Choisy. Orphelin de mère à l’âge de 14 ans, il arrête vite l’école, son père accepte qu’il prenne la route. L’ado vadrouille alors en Europe : Londres, Danemark, Suède, Allemagne... À son retour en France, il fait mille petits boulots - portier d’hôtel, plongeur dans un restaurant, magasinier chez Prisunic, maçon, etc. - avant de travailler au début des années 1960 et durant presque toute sa vie comme éducateur de rue. Au Club des planètes, rue Jeanne d’Arc, et à l’Éléphant blanc, à l’emplacement de l’actuel théâtre des Cinq-Diamants. « Il aidait des jeunes délinquants, organisait des activités sportives, des cours du soir de calcul et d’écriture, des permanences juridiques et même des stages de reprographie ! Il en voulait, ça c’est sûr », se remémore Vincent Absil, chanteur et compagnon de route de Ramon Finster. Un vrai militant anarchiste Son côté libertaire est connu de tous. Ramon Finster devient l’un des animateurs du groupe Jules-Vallès. Féru de presse, il contribuera à la rédaction du Front libertaire des luttes de classes et au bulletin Chiens de garde. Il participe à la fondation de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA) d’abord comme tendance de la FA puis à partir de 1970 comme organisation autonome. Ramon ouvre alors avec sa compagne Corine, rue Barrault, la librairie la Bouquinerie qui deviendra la Commune et servira de lieu de réunion au groupe ORA de l’arrondissement qui comptait alors une vingtaine de membres. Ce regroupement ouvrira un terrain d’aventure destiné aux enfants sur un terrain vague et un atelier autogéré de mécanique. Ramon Finster a tout fait, même écrivain. Dans son roman Deux doigts dans "

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DOSSIER

QUAND LE QUARTIER SE MET À LA MUSIQUE Les années 70 ont connu les luttes contre le mal logement et les opérations des promoteurs immobiliers. Les années 80 voient arriver les initiatives culturelles du mouvement Cultures au quotidien. L’ambiance culturelle, musicale surtout, apportée par cette association a contribué à changer le visage de la Butte. Soir de concert au Temps des cerises en 1984.

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A

u début des années 80, Ramon Finster et Vincent Absil lancent l’association Cultures au quotidien. L’objectif : mettre en place des activités culturelles, surtout musicales dans le quartier. Deux bars tentent l’aventure : Chez Ali - l’actuel Merle moqueur - et Chez Yacine, la Taverne aujourd’hui. L’événement « la Butte en blues » est mis en place : deux concerts de blues chaque vendredi pendant un mois. « Nous lancions des petits concerts dans les bistrots, on donnait sa chance à tous. L’entrée était à 10 francs, entièrement rendus à l’artiste, explique Vincent Absil. Le voisinage ne se plaignait pas, il était même plutôt tolérant car on faisait beaucoup d’acoustique. » L’homme se souvient de ses passages avec l’arrangeur Joseph Racaille et l’harmoniciste JeanJacques Milteau. Chanteurs à texte Christian Paccoud, qui a chanté à la Butte à ses débuts, n’est pas tendre : « Bien sûr il y avait de bons concerts, il y avait quelques types intéressants comme Vincent Absil et d’autres, mais c’était pas la norme, la plupart étaient pathétiques. Ils jouaient dans des bars car ils étaient mauvais ! Et il n’y avait pas grand monde dans la salle. » "

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13e ŒIL

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MALAISE AU FOYER DE TRAVAILLEURS MIGRANTS Par Jérémie Potée Photographies : Mathieu Génon

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Le 13e arrondissement compte le plus grand nombre de foyers de travailleurs migrants à Paris. Longtemps délaissés par les pouvoirs publics, ils sont désormais en cours de rénovation. Pour le foyer Chevaleret, le plus grand d’entre eux et l’un des plus délabrés, la réhabilitation est encore lointaine. Les résidents dénoncent leurs conditions de vie tandis qu’Adoma, le gestionnaire, engage des procédures d’expulsion. Une façon de vider les lieux pour en faciliter la reconstruction ?


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13e ŒIL

Ci-contre, Adama Konaté, président du Comité des résidents du foyer Senghor, rue Chevaleret.

« On se demande si Adoma ne fait pas ces expulsions pour préparer la réhabilitation » - Adama Konaté, délégué des résidents

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l nous a bien fallu choisir parmi les neuf foyers de travailleurs migrants que compte l’arrondissement. En guise de fil rouge, nous nous sommes donc arrêtés sur le foyer du 95 de la rue du Chevaleret, autrement appelé Léopold Sédar Senghor. Avec ses huit étages, ses 156 chambres et ses 435 résidents « officiels », c’est un immense dormitorium complètement décati situé à la frange de la ZAC Rive-Gauche. Sa rénovation est dans les tuyaux - l’urgence est grande -, mais ne devrait pas avoir lieu avant de longues années. Si la question des foyers et de leur rénovation est d’une belle complexité, Senghor n’est pas le cas le plus simple. La sur-occupation y est importante et le cadre de vie exécrable. Depuis leur édification en 1969, les lieux se sont largement dégradés. À l’intérieur, c’est un monde à part, tout droit importé de l’Afrique sahélienne dont est originaire une vaste majorité des résidents. C’est ce monde que nous avons voulu pénétrer pour saisir les implications d’une réalité méconnue. Le foyer des Africains Nombreux sont les hommes portant chasuble vert fluo des services de propreté de la Ville à aller et venir devant le bâtiment terne et grillagé. La valse des camions d’éboueurs ou des véhicules de nettoyage venus récupérer ou déposer un « travailleur » est incessante. Où l’on se fait cette réflexion : combien sont-ils à Paris, ces immigrés venus nettoyer nos belles rues tout en dormant dans une piaule indigne ?

Rien n’est simple pourtant. Notre premier contact aura été M. Traoré, éboueur dans le 13e le matin, en banlieue le soir. En l’écoutant, lui qui réside là depuis plus de dix ans, on saisit que le foyer est une solution commode. Il a une voiture, des papiers en règle, habitait auparavant un appartement. S’il se satisfait à présent d’un lit en foyer, c’est qu’il ne lui coûte que 233 euros par mois, ce qui lui permet d’envoyer une bonne part de ses revenus à la famille restée au pays. C’est aussi pour profiter de la solidarité de la communauté malienne à laquelle il appartient. À Senghor, les Sénégalais et Maliens sont les plus nombreux, suivis des Gambiens, des Mauritaniens, des Guinéens et Camerounais. À la marge, les Asiatiques et les Maghrébins complètent ce panorama

d’une douzaine de nationalités. M. Traoré, pudique et doté d’un sens certain de la hiérarchie, ne nous fera pas entrer dans sa chambre. Il préfèrera nous orienter vers le président du Comité des résidents fraîchement élu. Voilà qui tombe bien, Adama Konaté a « des choses à dire ». Rendez-vous est pris dans sa chambre, la 114, au 6e étage de l’immeuble. Une sur-occupation inquiétante Depuis le hall ouvert à tous les passages, nous serons dirigés vers cet homme avec beaucoup d’aménité. Ici et là, on se chambre à propos de la situation politique au Mali. Un jeune homme veut bien nous guider. Sur le chemin, il est taquiné par un copain : « Te voilà, terroriste malien ! » C’est que notre guide ne réside pas ici, il vient "

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13e ŒIL

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« J´ai touché le fond d´la piscine, dans l´petit pull marine… », chantait en 1983 Isabelle Adjani dans Pull Marine, une chanson écrite par Serge Gainsbourg. Eux, les membres du club Diderot 12 en maillot de bain rose, l’on touché deux soirs par semaine cet automne, le fond de la piscine de la Butte-aux-Cailles.

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uand la glace fond le hockey prend l’eau. C’est ce que l’on pourrait penser en voyant à l’entraînement l’équipe de hockey subaquatique du club Diderot 12. Plongés au fond du bassin de la piscine de la Butte-aux-Cailles, ça tâte du palet et en apnée s’il vous plaît. Le réchauffement climatique n’est pas en cause dans cet étrange ballet sous-marin. De l’extérieur du bassin on ne voit pas grand-chose du jeu, on devine que ça bastonne tant les remous sont légion, mais n’y voit pas plus que ça. De temps en temps, des joueurs remontent à la surface pour respirer, puis c’est reparti dans les abysses mini cross à la main. Comme des sirènes, les fesses disparaissent les unes après les autres suivies de la queue - ici remplacée par des palmes en fibre particulièrement légères et souples. !

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13e ŒIL

J´ai touché le fond d´la piscine

Texte : David Even Photographies : Mathieu Génon

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PORTRAIT

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DATES 1950 : Naissance à Pigalle 1971 : Voyage aux États-Unis 1976 : Ouverture du restaurant coopératif Le Temps des Cerises 1986 : Emménage aux Olympiades 1996 : Devient professeur de Français Langues Étrangères au centre Alpha-Choisy 2004 : Fondation du centre social 13 pour tous

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— Monique Degras PORTRAIT

Bouillon de cultures Aux fourneaux du Temps des Cerises, aux manettes du centre social « 13 pour tous » ou au tableau noir du centre Alpha Choisy, Monique Degras est une incontournable du 13e. Depuis 1974, cette habitante des Olympiades poursuit un but : affermir le dialogue entre les cultures.

C Texte : Elsa Sabado Photographies : Mathieu Génon

e lundi soir de novembre, Monique Degras a une fois de plus affronté le vent glacial de la grande dalle des Olympiades pour dispenser son cours de français hebdomadaire à des adultes étrangers arrivés récemment dans le 13e. En salle de classe, sa voix est claire et haut perchée. Tel un chef d’orchestre, elle fait parler ses élèves les uns après les autres, poussant les timides, freinant les ardeurs des exaltés, chantant lorsqu’il faut chanter, multipliant les grands gestes… Son vrai métier, c’est d’être une sagefemme du français. Elle aide les migrants à accoucher, à trouver les mots. S’ils suivent les cours avec assiduité, Lobsang, Dyna ou Lee Guye pourront mener une discussion dans un français correct d’ici quatre ans. « Ce qui m’émeut le plus, raconte Monique, c’est le jour où ils arrivent à formuler une phrase, même si la syntaxe n’y est pas. La dernière fois, une jeune chinoise dont je n’avais pas encore entendu la voix m’a dit : « Moi attends bébé petite fille !» J’étais ravie. » Ces rencontres comblent la curiosité de la pédagogue pour les autres cultures. Tibétains, Cambodgiens, Chinois, ou Thaïlandais : si par le passé elle a

parcouru le monde, de la Syrie au Kenya en passant par le Népal, l’ex-routarde voyage désormais par procuration. CAFÉ AU LAIT Il faut dire que la question des différences culturelles lui donne à penser depuis l’enfance. À l’époque, le mariage de ses parents dérange. Son père, un Martiniquais ayant répondu à l’appel de celui qu’on surnomme aux Antilles « le général micro » s’est engagé aux côtés des Forces françaises libres en 1940. Après les campagnes du Maghreb et la boucherie de Monte-Cassino, il rencontre à Paris une jolie couturière originaire de Vendée. Les tourtereaux se marient en septembre 1950 et Monique naît en mars : « Ils ont mis Pâques avant les Rameaux », commente-t-elle en riant. Mais cette love story café au lait déplaît aux deux familles : les Degras seront toujours tenus à l’écart des grandes réunions familiales. À défaut de famille, le ménage aura des amis. L’appartement des Degras est ouvert aux quatre vents : « Nous recevions des artistes, des mannequins comme Twiggy, et même une témoin de Jéhovah ! » Ainsi, les petites Degras, car Monique a une sœur "

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PAR-DESSUS LE PÉRIPH'

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Seine Amont

Ménage à trois en banlieue rouge Fin décembre sera créée officiellement l’intercommunalité qui regroupera Ivry-sur-Seine, Vitry-sur-Seine et Choisy-le-Roi. Une union tardive mais assez évidente, tant les trois villes forment une unité territoriale et politique cohérente. En plus de peser davantage dans les négociations du Grand Paris, elle va surtout permettre aux communes de mutualiser les coûts et d’harmoniser les grands projets de développement qui foisonnent sur leur territoire. Texte : Emmanuel Salloum

C’ L’alliance entre Ivry, Vitry et Choisy intervient alors que les trois villes communistes se sont chacune lancées dans de vastes chantiers de développement

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est enfin lancé. Fin décembre sera officiellement créée l’intercommunalité Seine-Amont, qui regroupera les villes d’Ivry-sur-Seine, de Vitry et de Choisy-le-Roi. Un projet qui va permettre au département de rattraper un peu son retard. Alors que la France est quasiment tout entière émaillée de ces structures - 95% des communes et 90% de la population -, le Val-de-Marne était de loin le territoire le moins bien couvert, avec seulement six intercommunalités couvrant 45% de sa population. Bien que les six structures déjà existantes aient été mises en place au tout début des années 2000, il aura fallu attendre plus de dix ans pour que les trois villes de Seine Amont se décident enfin à unir leurs territoires. Elles auraient pu y être obligées. La réforme territoriale de 2010 prévoyait à l’origine que, à des fins de rationalisation, toutes les communes intègrent une intercommunalité d’ici fin 2013, de gré ou de force. Mais la loi sur le Grand Paris a levé l’obligation pour les trois départements de la petite couronne. Du coup, les communes ont pu réfléchir « sans avoir le pistolet sur la tempe », explique Pierre Gosnat, le maire d’Ivry. C’est-à-dire, concrètement, en choisissant

elles-mêmes le temps et l’espace de leur regroupement. Une seule obligation : la continuité territoriale. Comme le KremlinBicêtre et Villejuif sont déjà intégrées à la communauté d’agglomération du Val de Bièvre, la nouvelle structure ne pouvait s’étendre que vers le sud. « Nous avons sollicité plusieurs villes », assure l’édile. Mais Thiais, Chevilly, Villejuif et Villeneuvele-Roi ont toutes refusé, la plupart ayant plutôt « un œil tourné vers le Marché d’intérêt national de Rungis ». Alors, sans surprise, Ivry, Vitry et Choisy ont dû se contenter d’un ménage à trois. Sans doute que ça les arrange. Qui se ressemble s’assemble Bien sûr, les trois villes sont dirigées par des communistes. Comme l’explique Pierre Gosnat, de façon plus subtile : « Nos villes ont en partage des valeurs progressistes, elles proposent des politiques de service public étendues et de qualité. » Malgré tout, les maires s’offusquent lorsque l’on ose évoquer une union politique : « C’est ridicule, s’indigne Daniel Davisse, celui de Choisy. On nous fait ce procès uniquement parce que nous sommes communistes, on ne le fait pas aux autres partis. Soyez sûrs que la seule chose qui nous importe, c’est l’intérêt du territoire ! »


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Par Jérémie Potée — Photographie : Mathieu Génon

MÉTRO MON AMOUR, MA HAINE

Le tram nouveau arrive,

LE FRET FERROVIAIRE DANS L’IMPASSE

Le pont de Vitry, prés de la nouvelle station de tram Maryse Bastié, a été rénové pour permettre le transport de marchandises sur rails.

En parallèle du tram parisien file la Petite Ceinture de Paris, cette voie de chemin de fer à l’abandon. Depuis quelques années, des projets d’aménagement émergent, parmi lesquels le retour du transport de marchandises. L’idée : lier la Petite Ceinture et le nouveau réseau de tramway pour permettre la desserte d’anciennes gares parisiennes. Dans le 13e, la gare des Gobelins, au sud des Olympiades, en est un terminus potentiel. Mais de l’idée à la réalisation, le chemin est encore long. Entre la Ville de Paris qui maintient à grand frais le réseau intact et Réseau ferré de France, son propriétaire qui traîne les pieds, les rapports ne sont pas au beau fixe.

D

ans un rapport de janvier 2012, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) dressait un « portrait » du devenir potentiel de la Petite Ceinture. Depuis 2006, un protocole-cadre lie le propriétaire du réseau, Réseau ferré de France (RFF) et la Ville dans l’optique d’aménager cette voie de chemin de fer circulaire de 32 kilomètres de long. Des promenades plantées, notamment dans sa partie sud-ouest (15e arrondissement) sont déjà à l’étude. Pour ce qui concerne le transport de marchandises, la liaison tram-Petite Ceinture reste encore à confirmer. Dans le même temps, une expérimentation dite « tram-fret » était menée. Le tronçon du T3 entre le pont du Garigliano et la porte d’Ivry accueillait des rames vides censées ravitailler la capitale en marchandises. L’objectif de cet essai grandeur nature : délester à terme la capitale d’une partie de son trafic de camions de livraison. Le « Rungis asiatique » de nouveau gare de marchandises ? L’utilisation à fin de desserte de la gare des Gobelins, située sous les Olympiades, reste l’hypothèse principale. Reconvertie dans les années 1990 en marché alimentaire à l’usage des restaurateurs asiatiques, elle pourrait retrouver sa vocation première, si RFF le veut bien. Pour ce faire, un raccordement entre le tramway et la Petite Ceinture est envisagé au niveau de Paris Rive-Gauche. Porte de Vitry, à hauteur de la nouvelle station de tram Maryse Bastié, un pont vient d’être édifié à cette fin. À quelques mètres de là, longeant les immeubles d’habitation, les rails de la Petite Ceinture s’interrompent brusquement.

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Paris paye, RFF ne bouge pas À quand la concrétisation de projet ? Tout dépend du volontarisme de RFF. Du côté des élus de Paris, on s’exaspère. D’après Francis Combrouze, adjoint du 13e à l’urbanisme, RFF n’a « pas déboursé un début d’euro ». Il poursuit : « La Ville veut bien jouer le jeu du tram-train, mais il faut des investissements. En attendant, on adopte dans nos aménagements une position qui n’injurie pas l’avenir mais qui représente, au jour le jour, d’énormes contraintes. » Il s’avère que de lourds investissements ont été consentis… pour rien. Dans la ZAC de Rungis, une nouvelle maison de retraite vient de sortir de terre. Sous ce bâtiment, 9 millions d’euros ont été déboursés pour la réalisation d’un tunnel. Or, on apprenait en 2012 qu’il n’y aura finalement plus de circulation ferroviaire à l’ouest de la gare des Gobelins… Problèmes en cascade Reste le tronçon oriental. Pour mettre en œuvre le fret ferroviaire, il faudrait le rénover entièrement. RFF, pour l’instant, ne s’active pas. Première nécessité : remettre aux normes le tunnel qui débouche sur la gare des Gobelins. Squatté par des sans-abri, il a connu cette année un début d’incendie. À la Ville, on dit batailler ferme pour que RFF assure, à tout le moins, son entretien. Alors, de là à envisager une réfection complète, il y a encore un bout de chemin. Enfin, le transport ferroviaire implique un complexe système de droits de péage. Appelés « droits d’accès aux sillons », ils auraient lieu entre la SNCF, qui assurerait le fret, la RATP, pour l’usage du tronçon du tram et, enfin, RFF, pour l’utilisation de la Petite Ceinture. Un montage inédit qui hypothèque un peu plus l’arrivée rapide du tram-fret à Paris.


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Par Emmanuel Salloum — Photographies : Mathieu Génon

LOISIRS

IDÉES CADEAUX Les bons plans du 13e Pour Noël, vous pouvez éviter les sempiternels livres Fnac et CDs Virgin. Tout près de chez vous, se nichent de petites boutiques sympas, ou vous pourrez dégotter des cadeaux originaux sans casser votre tirelire. Le 13 du Mois vous les sert sur un plateau.

Q

u’est-ce que ce petit magasin, spécialisé dans l’artisanat étranger, peut bien avoir de pédagogique ? D’une, on y apprend à travailler. C’est ce qu’on appelle un « magasin-école » : encadrés par l’association Terem (Territoire et emploi), des jeunes et des adultes non-

CADEAUX RESPONSABLES LA BOUTIQUE PÉDAGOGIQUE

C’

est LE spécialiste des bijoux touaregs et ethniques à Paris. Dans sa coquette boutique de la Butte, Nicolas Morele d’Arleux les fait venir du Niger, car l’argent y est le plus beau, et le travail le plus délicat. Ils sont tous uniques, faits main, très finement ciselés, martelés ou poinçonnés de motifs tribaux. Certains sont joliment assortis de bois d’ébène ou de pierres semi-précieuses (lapis, ambre, améthyste, grenat, agate…). Nico distribue également des créations de petits artistes parisiens (comme Leila avec ses boucles d’oreilles en plumes). Et propose aussi sa propre ligne de bijoux très colorés à base de perles d’Afrique, de Thaïlande, du Mexique… Et il sait se montrer original : vous remarquerez par exemple ces petits dés montés en bijoux ou ces mignons cadrans de montres vintage détournés en boucles d’oreilles ou en bracelets. En tout, près de mille références, dans toutes les couleurs, pour tous les goûts. Les hommes aussi peuvent y trouver leur bonheur (chevillières, anneaux larges, pendentifs, etc.). Quant aux prix, on reste dans l’abordable : ils varient de 10 à 250 euros en tirant plutôt vers le bas. D’autant qu’il y pas mal de promos à -30%, et même toute une vitrine de fins de séries à -50%. Enfin, mention spéciale à l’accueil chaleureux et à la

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qualifiés en situation d’exclusion professionnelle y reçoivent une formation en alternance aux métiers du commerce et de la distribution. De deux, on y apprend à consommer. Vous ne trouverez ici que des produits issus du commerce équitable et/ou de l’économie sociale et solidaire. Par exemple, ce bel ensemble d’objets déco en bambou laqué du Vietnam (boîtes à bijoux, vaisselle, etc.), confectionné par une artisane locale, et dont une partie des bénéfices sert à construire une école là-bas. La gamme des merveilles à dénicher est très large : tajines du Maroc en terre cuite, hamacs d’Inde, poupées du Guatemala, pochettes en cuir du Burkina Faso… Et vous avez l’assurance que c’est bio et que le petit artisan traditionnel qui l’a confectionné ne se fait pas flouer. On trouve également des produits cosmétiques (huile d’Argan du Maroc, savons, éponges…), des vêtements (chèches marocains, très belles étoles vietnamiennes, écharpes en alpaga…), des jouets mignons et des petits bijoux sympas. Et dans la deuxième salle, une belle sélection de produits gourmands : foies gras du Gers à la mangue, confitures parfumées, huiles d’olive de Palestine, cafés sud-américains… 6, rue du Tage, ouvert du lundi au samedi de 10 h à 19h30

lumineuse et coquette déco, avec les clichés du 13e exposés au mur que Nico a pris lui-même. 5 rue de la Butte-aux-Cailles, ouvert du mardi au samedi de 12h à 20h Site Web : http://lesbijouxdenico.com

CADEAUX ÉLÉGANTS LES BIJOUX DE NICO


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Par Emmanuel Salloum — Photographies : Mathieu Génon

LOISIRS

FAITES VOS JEUX ! Et pourquoi ne pas offrir un jeu de société pour Noël ? Ça ne vous ruinera pas et il y en a pour tous les goûts. Avec l’Oya Café, boutique référence dans le milieu du jeu, Le 13 du Mois vous en a sélectionné quatre. Et si vous doutez encore, allez donc essayer en magasin.

POUR LES ENFANTS

La course de tortues Winning Moves, 22 €

2—5

5 ANS +

20 MIN

Le problème avec les jeux pour enfants, c’est qu’en général les parents s’ennuient ferme et doivent rapidement saboter la partie pour abréger leurs souffrances. Rien de tel avec La course de tortues. Certes ce n’est quand même pas passionnant au point d’imaginer que des adultes se mettent à y jouer entre eux, ou alors en fin de soirée et après plusieurs bouteilles de vin. Mais il possède des atouts assez solides pour garantir un moment agréable pour toute la famille, papi et mamie inclus : une esthétique mignonne, des règles archi-simples et un brin de stratégie pour pimenter le tout. Le principe : des tortues multicolores ont repéré quelques laitues à l’autre bout d’un coquet jardin, et chacune essaie d’y parvenir en premier. On les fait progresser de galet en galet, en fonction des cartes que l’on tire. Une tortue arrivant sur un pavé occupé doit monter sur le dos de sa rivale et subit la trajectoire, parfois hasardeuse, de sa monture. L’astuce, c’est qu’au départ les joueurs ne révèlent pas la distribution des tortues, et qu’ils peuvent faire avancer ou reculer celle (présumée) de leurs adversaires. Du coup, le jeu s’agrémente d’une véritable part de tactique, voire de bluff pour les plus espiègles. Et le tirage des cartes garantit une part de hasard assez grande pour faire perdre les adultes, contre leur gré : « Pas de salades, Papa, tu n’as pas fait exprès de perdre ! »

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POUR BOURSICOTER

Spectaculum Oya, 28 €

2—4

8 ANS +

40 MIN

Reiner Knizia a encore frappé. Cette fois, le prolifique auteur allemand passionné de mathématiques vous plonge au cœur du showbiz médiéval. En tant que mécène, vous investissez vos précieux ducats sur une ou plusieurs des quatre troupes de saltimbanques plus farfelus les uns que les autres - le nain imberbe, la voyante hypermétrope, l’ours ivrogne… Chaque troupe parcourt le royaume, et peu importe laquelle arrive en premier pour le grand spectacle au palais central. L’important, pour vous, c’est d’amasser le maximum d’argent en jouant sur la valeur des compagnies qui fluctue

selon l’accueil reçu dans chaque ville traversée. À vous de faire en sorte que vos poulains privilégient les villes bon public et évitent celles d’où ils repartent sous les huées et parfois avec des maladies coûteuses en soins. À tout moment, vous pouvez recruter ou congédier des artistes, selon votre estimation des cours aux tours suivants. Vous pouvez également tenter d’influencer le marché en bluffant vos adversaires sur vos prochains mouvements. Atout de taille : la disposition des villages étant établie chaque fois aléatoirement, aucune partie n’est identique à une autre. Grâce à une mécanique très facile, malgré les apparences, la simulation boursière fonctionne parfaitement, on se prend très vite au jeu du trading. Jérôme Kerviel, spéculateur repenti en sevrage, se fait paraît-il une partie tous les week-ends.


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Propos recueillis par David Even

CULTURE

— Entretien

« Le théâtre pour enfants ne fera jamais le poids face à Disney »

Le 13 du Mois : Un seul théâtre pour l’enfance et la jeunesse à Paris, c’est peu non ? Nelly Le Grevellec : C’est ridicule même. Pour une ville qui compte autant d’habitants, ne proposer qu’une petite salle de 150 places dans le fin fond du 13e en dit long sur la politique en la matière. La réalité est que la Ville n’a jamais vraiment voulu mettre le paquet pour la scène jeunesse. En plus de cela, ministère de la Culture et municipalité se sont toujours renvoyés la balle sur cette question. Par contre, il existe une multitude d’initiatives privées dans Paris et bien entendu des spectacles pour les enfants dans les salles « classiques ». Doit-on en déduire que l’offre proposée aux enfants est pauvre ? Non, je pense que la France est paradoxalement avant-gardiste. À Londres, il y a par exemple un très grand théâtre jeunesse avec trois salles, une vraie institution, mais la programmation y est assez vieillotte. En France on ose davantage proposer des sujets compliqués, des mises en scène ambitieuses. J’étais récemment en Italie et de grandes salles et festivals proposent de « petits » spectacles, qui sont plus de l’ordre de l’animation que du véritable spectacle. Comment faire du théâtre jeunesse de qualité ? Déjà il faut se dire que c’est avant tout du théâtre normal, point. Ensuite, les pièces

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que nous proposons sont simplement accessibles aux plus jeunes mais ne leurs sont pas réservées exclusivement. Notre réputation vient de cette programmation sans compromis. Au début ce n’était pas simple, il a fallu se battre, on nous reprochait d’être trop élitistes, que les enfants ne comprenaient pas, ce qui était faux car ils ont tout de suite été partants. Les adultes imaginaient que ce n’était pas fait pour eux. À quoi s’attendent les adultes en matière de théâtre pour enfants ? À quelque chose de plus bête et méchant tout simplement. L’image de l’enfance est rattachée à ces représentations, une sorte de culture Disney pourrait-on dire. On imagine que l’enfant ne peut comprendre que ce type de message. Pourtant il est tout à fait content et stimulé de voir qu’on le considère comme un être intelligent comme n’importe quel autre. Nous en avons la preuve tous les jours. La double lecture est d’ailleurs très importante dans nos spectacles. Certaines choses ne sont pas accessibles aux enfants mais le sont à leurs parents et inversement. Et puis c’est quoi grandir, finalement, si ce n’est franchir une nouvelle marche tous les jours, franchir des obstacles ? La culture fait partie de cela. J’ai toujours dit haut et fort que le théâtre n’est pas un divertissement, il y a d’autres endroits

© M.G.

Bizarrerie parisienne, le théâtre Dunois est le seul et unique théâtre public entièrement dédié à la jeunesse. Ici les enfants sont considérés comme des spectateurs lambda. Nelly Le Grevellec, sa directrice, évoque par le menu la pauvreté de l’offre culturelle enfantine, le désengagement des médias et une industrie du divertissement omnipotente.

pour cela. C’est au contraire un lieu d’apprentissage, de réflexion qui passe par l’intellect mais aussi par les sens, un lieu d’où l’on sort changé. Les enfants y ont totalement leur place, ce sont des éponges et surtout, ils n’ont pas d’a priori. D’où viennent ces préjugés d’adultes, selon vous ? La société a placé l’enfant comme cible commerciale par excellence et le domaine du divertissement artistique en fait partie. Un matraquage important a été fait par l’industrie culturelle et on ne fera jamais le poids face à cela. Tout cela a gagné les esprits et est devenu la norme. Je rencontre souvent des gens qui ont pour eux-mêmes des pratiques culturelles très exigeantes et qui vont voir au cinéma des choses ineptes avec leurs enfants. Bizarrement, tout d’un coup il n’y a plus de regard critique. Mais petit à petit les mentalités changent, on voit ça notamment avec les enseignants qui viennent de plus en plus au théâtre avec leurs classes. Leur seule crainte est qu’une pièce remue trop de choses dans le vécu des enfants et qu’ils aient ça à traiter en classe ensuite. Je pense au thème de la mort par exemple.


Par David Even

CULTURE

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SORTIES OBJETS PARTICIPATIFS / ART CONTEMPORAIN

© Fabrice Hyber, MITman, 2007.

énéralement dans une expo d’art contemporain il est formellement interdit de toucher les œuvres, tout au mieux « avec les yeux » comme peuvent le dire parfois des parents à leurs enfants. Avec les Prototypes d’Objets en Fonctionnement (POF) de Fabrice Hyber présentés au Mac/Val, c’est l’inverse. L’intérêt de l’expo réside en effet essentiellement dans la manipulation libre de ces 160 objets insolites tous détournés de leur usage habituel. Un ballon de foot carré, une voiture à double tranchant, un pot de fleur sur un tourne disque, des ailes d’ange sont autant d’objets que le visiteur peut toucher, manipuler, modifier à sa guise ou en suivant des exemples projetés par dizaines sur un immense mur blanc. Déroutant à première vue, l’ensemble devient très vite ludique et pas que pour les plus jeunes. L’œuvre n’est ici plus figée, autoritaire voire élitiste, mais au contraire ouverte, évolutive et accessible. Là réside l’essence du travail de Fabrice Hyber - Lion

d’Or de la Biennale de Venise en 1997 -, qui réunit pour la première fois tous les POF qu’il a créés depuis 1991. Au visiteur donc de sortir de la passivité et de se transformer en acteur de sa propre visite. En somme, si vous vous êtes ennuyés, c’est que vous n’avez pas dû franchement jouer le jeu. Une expo décalée qui pousse © Fabrice Hyber, OTO, 1997.

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à l’imagination, fait valser vos neurones et peut plaire à toute la famille. « Fabrice Hyber, “Prototypes d’Objets en Fonctionnement (POF) ” », jusqu’au 20 janvier 2013 au Mac/Val, musée d’Art contemporain du Val-de-Marne, Place de la Libération, 94400 Vitry-sur-Seine. À 5 minutes en bus de la porte de Choisy via le 183 (arrêt musée Mac /Val). Renseignements au 01.43.91.64.20. Du mardi au vendredi de 10h à 18h, les samedis et dimanches de 12h à 19h. Fermé le 25 décembre et le 1er janvier. De 2,50€ à 5€, gratuit pour les moins de 26 ans.

À LA RECHERCHE DE LA PHOTO PARFAITE / EXPOSITION

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qu’une centaine de photos parmi les millions que compte le fonds de la Bibliothèque sur le seul et unique critère subjectif de la beauté. Les cents clichés présentés, sans dresser l’historique de la discipline, présentent chacun dans leur genre et dans leur époque un moment de la perfection de l’art photographique. Choisies pour leur simple composition, la perfection de leur tirage ou leur provenance, ces pièces, toutes d’auteurs différents, composent un parcours ou les grands noms de la photographie des 19e et 20e siècles côtoient des anonymes. De la plus ancienne pièce présentée, un essai de William Henry Fox Talbot de 1839, à la plus récente de la sélection, une image prise à Fos-sur-Mer en 1986 par Lewis Baltz, toutes interrogent sur la notion de chef-d’œuvre. Vous y verrez portraits, paysages, nus, reportages, publicités ou photographies scientifiques et même des clichés réalisés par Zola ou Prévert. Riche et instructif. © Lee Friedlander, Kansas City, 1965. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco.

n intitulant une expo « La photographie en cent chefs-d’œuvre » on pourrait s’attendre à un best-of de la riche collection de la BNF. Rien de tel ici. Il aurait d’ailleurs été impossible de ne garder

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« La photographie en cent chefs-d’œuvre », jusqu’au 17 février 2013 dans la galerie François 1er de la BNF, quai François Mauriac. Du mardi au samedi de 10h à 19h, le dimanche de 13h à 19h. Renseignements sur www.bnf.fr. Entrée de 5€ à 7€, gratuit pour les moins de 18 ans.


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En collaboration avec le blog culinaire de Philippe Bui Do Diep - www.canardumekong.com

LOISIRS

— Culture culinaire

© Yoan Palais

BÛCHEZ VOTRE CULTURE DE NOËL !

La bûche de Noël est une institution française. Pourtant, ce dessert n’a été inventé qu’au milieu du siècle dernier. Tout juste le temps nécessaire pour essaimer dans le monde francophone et ailleurs, jusqu’en Asie.

PUDDING ET XMAS CAKE DANS LE RESTE DU MONDE OCCIDENTAL Contre les rigueurs hivernales, Noël a toujours permis la dégustation de gâteaux ultra caloriques comme les Xmas cakes américains, les puddings anglais – le terme de pudding viendrait d’ailleurs du français « boudin » - et autres stollen allemands.

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EN ASIE, LA BÛCHE A AUSSI SES AVATARS Il faut dire qu’en Asie, Noël est de plus en plus fêté. La cuisine cantonaise propose aussi à la carte des fameux dim sum certaines pâtisseries très proches des spécialités occidentales, telles les tartes aux œufs (à base de flan), différentes sortes de buns ou

NATHANAËL KARMITZ

L’HÉRITIER DE L’EMPIRE MK2

PORTE D’ITALIE N° 13 — Décembre 2011 | www.le13dumois.fr | En vente le 13 de chaque mois

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UNE JOURNÉE DANS UN CENTRE POUR AUTISTES

GASTRONOMIE Nouvelles

13e

tendances

ACCORD PS-VERTS : FIN DE CARRIÈRE POUR LE DÉPUTÉ BLISKO ? MASSÉNA CHOISY - CITÉ GLACIÈRE - SQUARE RENÉ LE GALL…

LES SUJETS QUI FÂCHENT

des gâteaux nappés de mélasse ou de crème au beurre (sponge cake) dont le biscuit a la consistance de la génoise. Cet aspect de la cuisine chinoise - qui ne concerne que le sud du pays - est assez récent et a été fortement influencé par l’ancienne présence occidentale dans les colonies, à Hong Kong et Macao. On suppose que certains de ces gâteaux qui font penser à des bûches et sont appelés jelly ou swiss roll selon la nature de la garniture, ont été inspirés par les tortas portugaises. Ces fascinantes déclinaisons vous inciteront peut-être à acheter votre gâteau de Noël dans les pâtisseries asiatiques du coin, à défaut de mettre la main à la pâte ! "

UNE ADRESSE SÛRE : MYU MYU — Retrouvez sur notre site le13dumois.fr l’intégralité de l’article sur les coulisses de cette pâtisserie franco-asiatique qui confectionne les meilleures bûches « métissées » de Chinatown. Article paru dans Le 13 du Mois spécial « GastronomieNouvelles tendances » paru en décembre 2011, numéro disponible sur notre boutique en ligne (www.le13dumois.fr) ou via note encart en page 26. Myu Myu, 17 rue Philibert Lucot, Paris 13e.

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RÉVISONS NOS GAMMES Traditionnellement dans le pays, les soirées hivernales se déroulaient autour d’un bon feu de bois. En particulier, la veillée de Noël devait s’accompagner par la mise au feu d’une très grosse bûche de bois, parmi d’autres rites d’antan. Sans doute peinés que le chauffage moderne puis la télévision remplacent les chaleureux crépitements, la bûche sucrée apparut dans l’imagination des pâtissiers au milieu du 20e siècle comme un clin d’œil aux traditions des temps anciens.

Du sucre et des matières grasses à foison, voilà la base d’une vraie pâtisserie de saison. Son atout principal : cette crème épaisse que ne renieraient pas les magasins de Chinatown. Allez un jour jeter un œil aux devantures des pâtisseries de l’Avenue de Choisy, vous vous apercevrez que la crème y trône en majesté (le kitsch en plus).

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C’

est le moment de se lancer dans une préparation pâtissière de circonstance. Cette spécialité de biscuit roulé avec une crème est un dessert presque universel. En France cependant, il a l’originalité d’être servi quasi exclusivement lors des fêtes. Tiens donc, pourquoi ?


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Par Emmanuel Salloum — Photographies : Mathieu Génon

LOISIRS

— Bon plan resto : La Petite chaloupe

EMBARQUEMENT IMMÉDIAT Pour une fois, Le 13 du Mois change de cap et, plutôt qu’un restaurant, vous conseille une petite virée dans ce havre de gourmandise bretonne. Une épicerie fine unique, temple de la sardine et proposant mille autres douceurs océanes, que l’on peut déguster sur place ou emporter à la maison.

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algré les déplorables conditions météo, Le 13 du Mois vous emmène en mer bretonne pour un petit voyage culinaire. Tout ça à deux pas des Gobelins, juste à côté de l’Escurial. C’est là, à l’entrée du port (-Royal), qu’est amarrée la Petite chaloupe depuis juin 2007. Dans cette coquette et lumineuse salle boisée, décorée façon nautique, Alain Boutin fait la part belle à la Bretagne, sa région de cœur, sinon d’origine. Ce sympathique quadra parisien, cheveux grisonnants et sourire affable, séjourne plusieurs fois par an à Beg Meil, dans le sud du Finistère, depuis son enfance. Après vingt ans passés à travailler dans l’informatique, il a cédé à l’appel du large et créé cette épicerie océane, la seule de la capitale. Son produit-phare : la sardine en boîte, on en compte près de cent références ! Mais attention, pas de place à bord pour Capitaine Cook et Petit navire. Celles d’Alain Boutin proviennent de conserveries bretonnes qui garantissent le respect des règles de préparation selon le savoir-faire traditionnel. Tout un art : le poisson, pêché de mai à octobre sur la côte atlantique, est préparé à la main dans les 48 heures. On étête et éviscère les sardines avec un petit couteau. Puis on les plonge dans un bain de friture pas trop chaud ni trop longtemps, et on les sèche. Enfin, on leur coupe la queue et le collet avant de les emboîter tête-bêche avec une huile savamment choisie qui favorise sa conservation. Bien sûr, on trouve la basique sardine à l’huile d’olive, dont on peut se contenter. Mais les conserveries choisies par Alain Boutin (Compagnie bretonne du poisson, La Quiberonnaise, etc.) excellent dans l’agrémentation, avec d’autres types d’huile, de la tomate et/ou toutes sortes de condiments, d’épices et d’aromates. La Belle-Iloise, en particulier, n’a pas son pareil pour inventer de savoureuses et originales recettes, comme les sardines au poivre vert ou à la luzienne (tomates, jambon de Bayonne, piment d’Espelette).

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CURIOSITÉS DE LA MER Certaines boîtes sont dites « millésimées », terme repris un peu abusivement du monde vinicole, car il n’y a pas de « grands crus » de sardines. Mais avec l’âge la sardine confit dans sa boîte, et développe un goût plus prégnant très recherché. Vous remarquerez également que depuis quelques années, les conserveries réhabilitent les belles boîtes très joliment illustrées. Comme certaines sont vendues en coffret, ça donne des idées de cadeaux originales. Hors sardine, la Petite chaloupe propose également des boîtes de moules en escabèche, de thon, de maquereau, de calamars, de soupes de poisson, etc., ainsi que toutes sortes de produits plutôt originaux : rillettes d’araignée de mer, confits de noix de Saint-Jacques, sel de Guérande, boutargue, saucisson de poulpe... Au frigo, une ligne de produits malins venus tout droit d’un atelier de fumaison, parmi lesquels saumon, hareng, tarama, truite… Vous pouvez aussi commander des huîtres cultivées dans le golfe du Morbihan (pour le réveillon de Noël, téléphonez une semaine avant). Enfin, vous trouverez

une sympathique sélection de douceurs bretonnes (niniches, galettes, caramels au beurre salé, cidre…). Pour six euros de droit d’assiette, vous pouvez occuper une des trois petites tables en bois et déguster sur place les produits que vous aurez choisis. Pour accompagner, Alain Boutin vous servira un peu de pain de seigle et un verre de Tariquet. Et, en fin connaisseur, répondra à toutes vos questions. Tout le monde à bord ! " La Petite chaloupe, 7, boulevard de Port-Royal. Ouvert du mardi au samedi de 10h à 20h30, le dimanche, de 10h à 13h30. 01.47.07.69.59.



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