Le 13 du Mois n°15

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Spécial familles

JEU DE PISTE N° 15 — Février 2012 | www.le13dumois.fr | En vente le 13 de chaque mois

3,90 €

CULTURE C'EST EN

QUE PENSENT-ILS DE LA CRISE ?

PAROLES DE LYCÉENS

2012

CHENVA TIEU La carte asiatique de l'UMP ÉCHOS DE CAMPAGNE

REPORTAGE

3 760208 770118

CHÉRI, J'ACCOUCHE À LA MAISON

R 28895 - 0015 - F : 3.90 €

DE CHINATOWN ! ÉPISODE 2

BANLIEUE e QUE ÇA

DU 13

LÉGISLATIVES

À LA DÉCOUVERTE

SE PASSE


POLITIQUE

ÉLECTIONS

2012

Février 2012 — www.le13dumois.fr

Par David Even, Jérémie Potée et Virginie Tauzin

Élections 2012

AU PS LOCAL, ON MISE SUR LA MÉTHODE OBAMA

« L

e porte-à-porte, c’est la nouvelle touche de cette campagne », annonce Nicolas Vignolles, secrétaire de la section du 13e est. Cette new touch, directement inspirée de la campagne de Barack Obama, est en effet utilisée pour la première fois par le Parti socialiste dans une élection présidentielle. À partir du 10 mars et jusqu’au premier tour, le 22 avril, un bon quart des habitants de l’arrondissement recevra donc la visite de militants. Car en plus d’avoir porté chance à Obama en 2008, cette méthode a fait ses preuves lors des primaires. « Nous avons pu constater que sur un étage de cinq portes, une personne au moins nous ouvrait, se montrait intéressée et appréciait notre déplacement. À partir de là, le parti a compris qu’être visible était une priorité », dit Nicolas Vignolles. À raison de plusieurs soirées par semaine, une armée de volontaires se déploiera donc sur tout l’arrondissement, en ciblant particulièrement les quartiers populaires, un électorat loin de lui être acquis.

QUID DES FICHIERS DES PRIMAIRES ? Seulement, à l’aube de cette massive action de terrain, un léger doute planait encore sur ses modalités : comment le porte-à-porte allait-il s’organiser et qui allait y participer ? Quid des votants des primaires, non-adhérents au parti qui, en inscrivant leurs coordonnées sur un registre au moment de l’élection puis en le confirmant par Internet, ont indiqué vouloir participer au porte-à-porte et autres tractages ? Alors

que la campagne a commencé à s’organiser et que les militants ont entamé en janvier une formation, ces sympathisants tardaient, eux, à être sollicités. Le 3 février, la situation s’est sensiblement éclaircie avec l’ouverture du nouveau site « toushollande.fr » permettant, en créant un compte, de connaître les actions près de chez soi et, si l’on y participe, d’en rendre compte. Au moment où nous imprimons, toushollande. fr était encore vierge, mais « ça va bouger au niveau local, via ce site Internet », assure Étienne Traisnel, secrétaire de la section ouest du 13e, qui admet que « cela ne se déroule pas comme on l’aurait voulu ». En effet, ce fichier, contenant des milliers d’adresses email de sympathisants - 700 000 au niveau national - devait, au départ, être utilisé par les sections locales. Or, il est aujourd’hui bloqué au niveau de la fédération. La raison : le PS s’est engagé auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) à conserver ces informations au plus haut niveau, contrant ainsi les critiques de l’UMP. Lors des primaires, le parti présidentiel avait en effet accusé le PS de manœuvrer pour ficher les électeurs. « Cela évite les dérives, poursuit Étienne Traisnel. Du coup, nous devons tout faire remonter à l’équipe nationale, et elle seule envoie des messages aux sympathisants. » Cela prend logiquement un peu plus de temps à se mettre en route. En attendant, les néo-militants sont cantonnés aux actions à distance, comme le partage de liens sur les réseaux sociaux, tandis que les instances locales font savoir aux plus impatients qu’ils peuvent se manifester auprès d’elles.

LE NOUVEL AN CHINOIS, CLAUDE GUÉANT ET LE PS —

C

haque année, il est d’usage que les associations asiatiques reçoivent l’onction des édiles en prélude au lancement du grand défilé du Nouvel An. Ce dimanche 29 janvier, la guest star n’était autre que Claude Guéant, venu louer au restaurant Chinatown Olympiades cette communauté si soucieuse de la « valeur travail ». Le maire PS du

10

13e, Jérôme Coumet, échaudé par le remue-ménage suscité par la venue du ministre décrié, en a pour le coup retrouvé ses réflexes militants. Attaquant le ministre à propos de sa circulaire sur les étudiants étrangers, il en a également profité pour rappeler que la nouvelle année, placée sous le signe du dragon d’eau noire, était celle de grands bouleversements...

Loin de se laisser moucher, Guéant se saisissait du micro pour répondre à l’importun. Quelques instants plus tard, Claude Guéant, pas averti de son arrivée, tentait d’éviter dans le cortège un François Hollande venu inopinément draguer la communauté asiatique, lui aussi. Si Guéant avait su, il aurait peut-être pas venu...


POLITIQUE

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ÉCHOS DE LA 10e CIRCO (SUITE) ÉDITH CUIGNACHE-GALLOIS (NC), VIVE LES PARACHUTÉS DE L’UMP !

DENIS BAUPIN (EELV), TOUT EN DOUCEUR

É

D

enis Baupin, avance prudemment. Conscient qu’il n’est pas forcement le bienvenu du côté des militants PS, qui ne digèrent toujours pas la mise sur la touche de Serge Blisko, le cadre EELV prend grand soin de ne pas faire de vagues : « Je souhaite que tout se passe pour le mieux. J’ai conscience que certains sont fâchés. Il faut donc un peu de temps pour que tout le monde se fasse à l’idée. » Depuis début janvier l’adjoint de Bertrand Delanoë s’affiche en public, comme lors du défilé du Nouvel An chinois ou des vœux du maire d’arrondissement Jérôme Coumet. Son objectif : gagner en visibilité, rencontrer les acteurs politiques et associatifs, bref, « faire du relationnel ». Le résultat : plutôt maigre pour le moment. L’écrasante majorité des militants PS que nous avons rencontrés ne mordent pas du tout à l’hameçon. Pire, la simple présence de Denis Baupin aux vœux du maire a été vécue par beaucoup comme un « affront ». Le candidat demeurera-t-il encore longtemps en territoire hostile ? Lui est sûr du contraire. Il se cherche un local de campagne et un suppléant socialiste afin de prouver à tous les sceptiques que « la candidature est bien commune ». Et puis, place tout d’abord à l’élection présidentielle : « Difficile avant le premier tour de demander aux écologistes et aux socialistes de faire campagne ensemble alors même que chacun a un candidat à défendre. » Selon lui, c’est sûr, une fois le premier tour passé, tous feront campagne à l’unisson.

© M.G.

© M.G.

dith Cuignache-Gallois, élue Nouveau centre du 13e arrondissement, a décidé d’y aller et de présenter sa candidature aux législatives. Son atout selon elle : « La connaissance de la circonscription dans laquelle je suis née et vis depuis toujours. » Ce n’est donc pas une parachutée aime-t-elle mettre en avant, n’hésitant pas à s’amuser d’une UMP qui persiste « une fois de plus à miser sur des parachutés quitte à prendre les gens pour des imbéciles ». Du coup, Édith Cuignache-Gallois, « heureuse de ne pas être à l’UMP », y voit un formidable moyen de tirer son épingle du jeu, prédisant - comme chaque candidat - « de futurs bouleversements de l’échiquier politique parisien ». En attendant, elle affirme travailler à la création d’un « grand centre » à Paris.

CHENVA TIEU (UMP), COMME UN COQ EN PÂTE À L’ÉLYSÉE

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© M.G.

C

henva Tieu, candidat UMP aux législatives (lire son portrait en page 44), était le roi de la fête organisée par ses soins à l’Élysée le 3 février à l’occasion des vœux de Nicolas Sarkozy à la communauté asiatique. Désormais dans les petits papiers du président, c’est lui, ce patron d’origine cambodgienne, qui a su convaincre l’entourage de Nicolas Sarkozy voilà trois ans qu’il y avait une carte - électoraliste - à jouer à draguer la communauté asiatique de France. Cette année ce sont donc plus de 800 invités qui ont répondu à son appel, dont un bon tiers d’entrepreneurs originaires du 13e arrondissement. Occasion idéale pour le candidat aux législatives de tâter le terrain en vue du scrutin de juin prochain. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’homme était particulièrement connu et plutôt à son aise, régulièrement entouré de caméras, un petit mot pour chacun. Entre deux serrages de mains, il en a profité pour nous confirmer que sa candidature s’inscrit dans la durée : « Certes, je suis parachuté aujourd’hui mais il n’est pas question de partir en cas de défaite. L’UMP m’a clairement confié la mission d’y aller pour m’imposer à terme. » Alors, pourquoi lui et pas plutôt une personnalité de l’UMP locale ? « Cela fait quinze ans qu’il y a les mêmes dans le 13e, et rien ne se passe. Il est temps de prendre les choses en main. » À bon entendeur…


SOCIÉTÉ

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EN TEMPS DE CRISE, LES ASSOS AU PAIN SEC

Par Raphaëlle Peltier Photographies : Mathieu Génon

À

Le contexte

Rigueur budgétaire oblige, les associations peinent à trouver des financements. Qu’en est-il dans le 13e, l’arrondissement parisien qui compte le plus d’associations ? Jusqu’à récemment, en France, une nouvelle association était créée toutes les dix minutes. Entre 1999 et 2005, l’emploi associatif salarié avait augmenté deux fois plus vite que la moyenne nationale. Depuis une quinzaine d’années, le secteur pouvait se prévaloir d’un dynamisme tout particulier qui lui avait permis de mieux résister, proportionnellement, à la crise économique. Et pourtant, aujourd’hui, ce dynamisme donne des signes de fatigue. Les associations et leurs représentants pointent du doigt un frein : elles ont de plus en plus de mal à trouver des financements. La Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA), qui représente l’ensemble du secteur associatif, a dévoilé début janvier une enquête sur ces difficultés. Le résultat est sans appel : 69% des associations interrogées affirment avoir vu leurs financements publics baisser entre 2009 et 2010. Autre chiffre inquiétant, pour la première fois, fin 2010, l’emploi salarié a baissé dans le secteur associatif. Cette baisse se poursuit depuis. Tout laisse à penser que 2011 a été une année catastrophique, avance notamment le Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire.

la Mairie du 13e, le discours est morose : « Déjà avant la crise, l’État avait recentré ses priorités autour de l’insertion et de la jeunesse, au détriment de la culture ou du lien social », explique Éric Offredo, adjoint du 13e chargé des affaires sociales. Puis, avec les difficultés économiques et budgétaires, les sommes allouées au financement des associations se sont réduites comme peau de chagrin. Les collectivités locales, qui jusque-là compensaient en grande partie le désengagement de l’État, commencent à tirer la langue. Dans le 13e, « les associations ne souffrent ni plus ni moins qu’ailleurs », assurent Éric Offredo et Minette Laville, adjointe chargée des relations avec les associations, tout en concédant que les finances de la ville se sont nettement resserrées. À Paris, le budget dédié au financement des associations a ainsi baissé de 5 à 10% l’an dernier, précise Minette Laville. « La crise et la rigueur budgétaire véhiculent aussi un discours nouveau sur les fonds publics qui laisse à penser que leur utilisation est suspecte », ajoute Béatrice Delpech, présidente de la CPCA. Signe des temps, les pouvoirs publics préfèrent souvent au système traditionnel de subventions des financements conditionnés, comme les contrats d’objectifs et les appels à 14

projets. « Nos missions sont de plus en plus souvent fixées de l’extérieur. Les associations sont mises en concurrence, elles deviennent des agents économiques comme les autres, chargés de répondre à des besoins prédéfinis », regrette Martin Bégaud, le trésorier du Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées, le FIÈVRE ASSOCIATIVE Genepi. LE 13e LES PETITES ASSOCIATIONS EN PREMIÈRE LIGNE Toutes ces contraintes risquent de profondément bouleverser la physionomie du monde associatif. La situation des petites associations et des nouvelles venues est particulièrement précaire, dénonce notamment Béatrice Delpech, car elles servent souvent de variable d’ajustement. D’année en année, leurs subventions varient beaucoup, et elles ont rarement les moyens humains de chercher de nouveaux financements tout en maintenant leur activité. « Nous n’avons aucune visibilité à moyen ou long terme », raconte Jacques Trief, président de l’association de quartier Rungis-

L

DANS

e 13e est l’arrondissement parisien qui compte le plus d’associations : 3 500 environ, certaines locales, d’autres d’envergure nationale. Chaque année, une centaine d’associations sont créées, autant disparaissent. Le secteur associatif emploie 8 199 personnes dans l’arrondissement (1). Près du quart des habitants du 13e adhère à une association, proportion équivalente à la moyenne nationale. — (1) Source : INSEE, DADS 2008


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SÉBASTIEN PROT, DIRECTEUR DE LA MIE DE PAIN, QUI ACCUEILLE ET VIENT EN AIDE AUX SANS-ABRI.

MARTIN BÉGAUD, TRÉSORIER DU GENEPI, LE GROUPEMENT ÉTUDIANT D’ENSEIGNEMENT AUX PERSONNES INCARCÉRÉES.

« L’an dernier, on nous a annoncé que le taux d’augmentation de nos subventions serait de -3%. Je le dis toujours car c’est un peu absurde. Finalement, nous avons tout de même réussi à obtenir 7% d’augmentation, mais notre situation est particulière. La Mie de Pain représente une grande partie de l’accueil d’urgence des SDF à Paris : nous sommes incontournables. Nous avons la chance d’avoir une marque extraordinaire, une aura sur toute la région parisienne. Nous faisons figure de bon élève, donc les pouvoirs publics finissent en général par nous soutenir. Ceci dit, 30% de nos financements viennent du privé. Nous développons le marketing direct et le mécénat. »

« Nous avons des relations installées depuis un moment avec nos subventionneurs, une grande partie de notre financement est donc assez stable. Ceci dit, suite aux difficultés budgétaires de certains ministères et collectivités, on nous dit que des subventions vont être revues à la baisse, qu’il va même falloir se passer de certaines. Heureusement, pour le moment, nous n’avons eu à renoncer à aucun projet, car nous essayons de recourir à d’autres moyens de financement comme le mécénat. On réfléchit également à vendre des produits ou à solliciter les particuliers, même si nous n’aimons pas faire ça. À terme, la rigueur risque de limiter notre capacité à innover et à proposer des actions originales. »

Brillat-Peupliers - lire son témoignage ci-contre. « Nous tenons grâce à nos réserves. Le jour où nous n’aurons plus assez pour financer nos activités, il faudra mettre la clé sous la porte », prévient-il. Sébastien Prot, le directeur de la Mie de Pain, association d’aide aux sans-abri basée dans le 13e, ne

voit qu’une alternative pour les petites associations. « Aujourd’hui, il faut de plus en plus de moyens humains et matériels pour faire des demandes de subventions, boucler son budget. Les associations qui fonctionnent grâce au bénévolat vont devoir soit passer leur tour, soit fusionner pour être plus compétitives », prédit-il. →

SOCIÉTÉ

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DOSSIER

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CULTURE : C’EST EN BANLIEUE DU QUE ÇA

BOUGE Devant le squat des Sans Plomb à Ivry-sur-Seine.

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Par Anaïs Heluin Photographies : Mathieu Génon

DOSSIER

Façades taguées, portes closes bien hautes et bien épaisses : ce décor de squat typique a peu à peu quitté les rues du 13e. En 2009, l’arrondissement voyait en effet les membres de son dernier squat d’artistes, l’Atoll 13, se faire expulser. Avant eux, les occupants du Barbizon, de La Glacière et de La Suite avaient connu un sort analogue. Idem dans tout Paris, même si certains lieux continuent de survivre et d’autres de se créer. Essoufflés, les tenants de cette culture dite « alternative » se sont pour beaucoup mués en une cohorte de mécontents, de nostalgiques d’un « âge d’or » aux contours assez flous, de marginaux déroutés... Mais, experte pour s’adapter aux situations les plus précaires, cette population se tourne vers de nouveaux horizons. Par-dessus le périph’, l’avenir du squat serait-il plus radieux ? Ou alors faudrait-il mieux abandonner ce mode de vie pour se rapprocher de la « normalité » ? La question se pose, la réflexion avance. Les nombreuses friches des villes périphériques, leurs bâtiments vides, leur surveillance policière sans doute plus relâchée que dans la capitale sont autant d’arguments en faveur du décentrement de l’expérience. Parmi les agglomérations du périphérique sud, c’est Ivry qui concentre, de loin, le plus de squats. Mais pas seulement : avec ses voisines, elle voit émerger des espaces culturels d’un genre nouveau. Ils ont pignon sur rue, sont habillés d’affiches annonçant des événements de toute nature et, surtout, ils sont ouverts au public. Rien à voir avec l’obscure confidentialité d’un squat. Très diverses dans leurs formes et dans leurs statuts, ces initiatives se multiplient : de façon individuelle mais avec une conscience collective grandissante qui les qualifie de « fabriques », et travaille ainsi à la définition du phénomène. Ses traits principaux : la diversité des esthétiques, le temps accordé à la création, un rapport intime avec l’espace urbain. Un laboratoire culturel, en somme, qui tranche avec la BNF, le Théâtre 13 et autres institutions culturelles du 13e plus formelles, plus rigides que ces structures hybrides que nous découvrons de l’autre côté du périph’. 21


DOSSIER

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DU SQUAT À LA FABRIQUE,

BANLIEUE L’ALTERNATIF LA À LA POINTE DE La fabrique Gare au Théâtre à Vitry-sur-Seine.

Le modèle de la fabrique, renouveau de la culture alternative

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?

Pour eux, l’art officiel fait pâle figure, il est le domaine de l’élitisme et du conformisme. Eux, ce sont les artistes de la marge, ceux que nous avons rencontrés au-delà du périphérique sud. Derrière l’hétérogénéité des profils, une constante se dégage : tous se voient au summum de l’alternatif. Alors, la banlieue, nouveau terrain de la modernité artistique ? Dans les fabriques, sans doute. Les squats d’artistes, eux, semblent en perte de vitesse et se limiter à des utopies sociales sans grande consistance.

A

vec son enseigne rouge criard posée sur sa carcasse de vieilles pierres, Gare au Théâtre annonce la couleur. Dans cette ancienne gare de Vitry-surSeine reconvertie en 1996 en « fabrique d’objets artistiques », on abat toute barrière entre l’art et la cité, entre public et artistes, entre professionnels et amateurs. Toutes

les oppositions qui régissent le théâtre, et plus largement l’art officiel, volent joyeusement en éclat. Pour autant, il n’est pas question de faire n’importe quoi. « On n’est pas là pour s’amuser », semble exprimer le visage concentré de Mustapha Aouar, « aiguilleur mais pas conducteur du lieu », tient-il à préciser. Un sérieux en partie lié aux circonstances.


DOSSIER

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plate-forme de discussions et d’échanges sur les rapports entre arts, populations et territoires, ainsi que le réseau Actes if qui fédère des fabriques franciliennes sont les organes principaux d’articulation entre ces expériences. Loin d’être centralisées, celles-ci couvrent le territoire au gré d’initiatives locales. Assez peu nombreuses à Paris et inexistantes dans le 13e, elles ont plutôt tendance à se développer par-delà le périph’ pour investir des terrains assez pauvres culturellement, pour s’opposer aux grandes institutions culturelles, et enfin éviter les loyers dispendieux de la capitale...

« L’AVENIR DE LA CRÉATION » Si Frictions urbaines se déroule à Gare au Théâtre, cela ne doit rien au hasard. En effet, cette fabrique est l’une des premières à avoir émergé dans le Valde-Marne, ce qui lui confère un poids symbolique fort auprès de ses voisines. Pour preuve, les membres du Générateur de Gentilly, de la Blanchisserie d’Ivry-sur-Seine et de l’Usine Hollander de Choisy-le-Roi étaient présents. Un ensemble d’acteurs culturels qui, avec le Théâtre-Studio d’Alfortville, forme un laboratoire créatif des plus dynamiques. →

C’EST PAR ICI QUE ÇA SE PASSE :

PARIS

13e LA FABRIQUE : UN MODÈLE EN PLEIN DÉVELOPPEMENT Car au moment où nous le rencontrons, entre le 19 et le 28 janvier 2012, le gérant du lieu veille au bon déroulement de la quatrième édition de Frictions urbaines. Série de débats sur le rôle et l’avenir des fabriques, cet événement organisé par Mustapha Aouar rassemble des acteurs culturels venus de la France entière, dont un bon nombre de la banlieue sud. À voir l’animation des discussions et leur rigueur intellectuelle, il ne fait aucun doute que les personnes réunies ont le sentiment de partager des valeurs similaires. Ces rencontres permettent à tous ces foyers de création initialement isolés de sortir de l’ombre, de s’affirmer comme un groupe sinon organisé, du moins en pleine structuration. Autre(s)pARTs,

1

GENTILLY

IVRY-SUR-SEINE 2

3

4

5

VITRY-SUR-SEINE ALFORTVILLE

6

CHOISY-LE-ROI

7

8

1

Le Générateur – Fabrique d’art et de création 16 rue Charles Frérot - Gentilly

5

Culture Palace – Squat 4 rue Molière - Ivry-sur-Seine

2

Le Hangar – Salle de concert 3, 5 rue Raspail - Ivry-sur-Seine

6

Gare au Théâtre – Fabrique théâtrale 13 rue Pierre Sémard - Vitry-sur-Seine

3

La Blanchisserie – Fabrique théâtrale - Dans l’hôpital Charles Foix, 7 avenue de la République - Ivry-sur-Seine

7

Théâtre-Studio – Fabrique théâtrale 16 rue Marcelin Berthelot - Alfortville

4

Sans Plomb – Squat 38 rue Gabriel Péri - Ivry-sur-Seine

8

Usine Hollander – Fabrique théâtrale 1 rue du docteur Roux - Choisy-le-Roi 23


13e ŒIL

Photoreportage

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LA PETITE

AUSTERLITZ

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13e ŒIL

Avec dix lignes en direction du Centre et du Sud-Ouest, une centaine de trains par jour et quelque 60 000 passagers, la gare d’Austerlitz est la plus petite de Paris. Loin de la frénésie des gares de Lyon ou du Nord, qui drainent quotidiennement quatre à sept fois plus de passagers, la journée s’écoule à un rythme différent. Aux heures creuses, Austerlitz prend des airs de village. Ici, tout le monde - employés, commerçants, habitués, SDF à la recherche d’un abri... - ou presque se connaît. Mais cela pourrait ne pas durer. Actuellement en travaux, la gare aura entièrement fait peau neuve en 2020. Par Mathieu Génon

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13e ŒIL

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Reportage

CHÉRI, Par Ornella Guyet Photographies : Mathieu Génon

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J’ACCOUCHE À LA MAISON Considéré par ses pratiquantes comme plus respectueux des rythmes physiologiques de la mère et de l’enfant, l’accouchement à domicile, bien qu’encore marginal, séduit de plus en plus de femmes. À leur chevet, une soixantaine de sage-femmes libérales pour toute la France et, parmi elles, quelques-unes se sont installées dans le 13e.


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explique Isabelle, qui a accouché il y a trois ans et demi d’une petite Apolline et qui attend à 44 ans son deuxième enfant pour avril prochain : « C’est une relation à deux, et quand le bébé est là, à trois. Françoise est disponible à 100%. » UNE PHILOSOPHIE DE VIE Pour cette mère une naissance à la maison est « empreinte d’harmonie, de simplicité et de respect ». Elle apprécie aussi que cette démarche laisse selon elle une plus grande place au père « trop souvent intimidés en milieu hospitalier. Or, c’est très important d’être ensemble. » Le suivi se déroule en trois étapes : suivi prénatal, accouchement proprement dit et suivi post-natal, incluant la rééducation périnéale. Pendant la grossesse, les futurs parents

13e ŒIL

dates à l’accouchement à domicile. Une idée partagée par Chamssia, 23 ans, qui a accouché pour la deuxième fois avec Françoise fin janvier dans son appartement de Trappes. La jeune mère garde un souvenir « traumatisant de l’expérience impersonnelle de l’hôpital lors d’une précédente fausse couche et lorsque mon premier enfant risquait de naître prématurément. » UNE QUÊTE DE SENSATIONS Chamssia nous confie avoir beaucoup douté avant son premier accouchement à domicile : « Deux jours avant, j’ai pleuré, je me demandais si j’en étais capable. » Finalement, tout s’est bien passé, Françoise est arrivée juste à temps, après la perte des eaux. « En une matinée j’ai accouché. Finalement ce n’était pas plus grave que des règles

Les femmes peuvent accoucher sur le dos, accroupies, sur le côté ou encore dans une petite piscine gonflable emplie d’eau.

A

près avoir exercé dix ans en hôpital, Françoise Bardes a décidé il y a quinze ans d’accoucher les femmes à domicile, déçue par les « cadences » hospitalières qui empêchent de suivre les futures mères sur la durée et de « s’occuper correctement d’elles et de leurs enfants ». La sage-femme reçoit dans son cabinet de la rue de la Providence. L’ambiance y est feutrée et relaxante, propice aux confidences. « Ici on se sent en confiance. Notre relation avec Françoise ne s’établit pas autour d’un bureau, mais assis sur un canapé »,

se rendent au moins une fois par mois au cabinet de Françoise pour échanger pendant près d’une heure. Françoise observe que ses patientes n’ont « pas de profil sociologique particulier ». Elle suit aussi bien des patientes bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) que des femmes plus aisées. Si des impératifs spirituels poussent certaines communautés religieuses - juives, musulmanes et protestantes - à faire appel à ses services, d’autres femmes, en revanche, y recourent par pure conviction. Ce sont des patientes qui considèrent leur corps et leur santé comme n’étant pas des objets médicaux et de fait, beaucoup de femmes, selon Françoise Bardes, déçues par le système hospitalier se tourneraient désormais vers elle. Aussi n’hésite-t-elle pas à qualifier l’hôpital « d’excellent pourvoyeur » de candi-

douloureuses », se souvient-elle. Qui dit accouchement à domicile, dit accouchement sans péridurale. Ces mères disent être à la recherche de sensations pour vivre « vraiment » leur accouchement : une vision très particulière de la parturition qui tend à faire de l’expérience de la douleur un progrès appréciable. La sage-femme est principalement là pour les assister et, finalement assez en retrait, elle se contente de les conseiller sur leur position favorite : sur le dos, accroupie, sur le côté ou encore dans une petite piscine gonflable emplie d’eau... À chacune sa position, cela permettrait de diminuer la douleur et les risques d’épisiotomie. Une fois l’enfant né, la sage-femme reste sur place plusieurs heures, toujours dans un souci de contrôle et de soutien. Elle reviendra les jours suivants pour s’assurer de la bonne santé de la mère et du nouveau-né. → 37


PORTRAIT

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SES DATES 1963

2010

Naissance à Phnom Penh, Cambodge

Porte-parole de Valérie Pécresse aux élections régionales

1975 Arrivée en France

2011

2005

Nommé secrétaire national en charge de l’Asie à l’UMP

Crise des banlieues et création du Club XXIe siècle

2009 Parution de Manuel de chinoiseries à l’usage de mes amis cartésiens, éd. Anne Carrière

44

2012 Investi candidat aux législatives dans la 10e circonscription de Paris


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ÉLECTIONS

2012

PORTRAIT

Chenva Tieu, candidat UMP aux législatives

LE PATRON PROMU

Par Virginie Tauzin Photographie Mathieu Génon

En deux ans, cet entrepreneur et spécialiste de la diversité a su se faire une place au sein de l’UMP qui vient de le parachuter candidat de la 10e circonscription de Paris. Encore peu connu des électeurs, Chenva Tieu se forme en toute quiétude à l’exercice local, sans se fermer aux missions d’envergure nationale.

Q

uand il cite Confucius, la référence est loin d’être anodine. Chenva Tieu entame sa campagne avec la sérénité que l’on prête à ceux qui ont longtemps théorisé la société et conceptualisé ses enjeux. « On n’a pas besoin d’être au gouvernement pour faire de la politique », dit la citation en question. Deux ans seulement après avoir trempé pour la première fois ses méninges dans le bac à idées de l’UMP, Chenva Tieu a décidé de peser de tout son poids du côté du parti. Bingo : les combinaisons législatives l’investissent officiellement candidat de la 10e circonscription lors de la convention nationale du 28 janvier et valident ainsi la pensée confucianiste. Que la majorité des électeurs de cette circonscription - à cheval sur les

13e et 14e arrondissements, dans laquelle il affrontera le candidat d’Europe Écologie-Les Verts Denis Baupin - n’aient jamais croisé sa silhouette longiligne, son visage poupin et son air consciencieux, est tout à fait normal. Chenva Tieu ne leur serre la pince que depuis quelques semaines, sur les marchés, dans les associations et les réunions. Il est ce qu’on appelle un parachuté. « Une candidature, c’est une tactique, une approche marketing, explique-t-il. On se demande : quel est le terrain le plus propice pour gagner ? La 10e circo, c’était logique. » Question de base électorale : les Asiatiques du 13e, espère-t-il, n’auront d’yeux que pour lui. Lui qui, comme eux, est arrivé en France au milieu des années 70 avant de faire de l’Asie un thème de réflexion, puis un marchepied vers les hautes sphères de l’État.

UN PROCHE DE COPÉ « Je ne veux pas jouer sur les origines ethniques pour trouver un levier », dissipe-t-il. Lui parle plutôt de « représentation de la diversité », qu’il défend publiquement depuis 2005 à travers le Club XXIe siècle, réunissant l’élite des minorités visibles. « J’ai fondé ce club en réponse à la crise des banlieues. Je me suis dit : bon sang, nous sommes tous issus du même système, le concept de méritocratie n’est tout de même pas fracassé ! » À l’université Dauphine, dont il est diplômé, il occupe la chaire « Management & Diversité ». Sa vision de la France « diversifiée » mûrit jusqu’à attirer l’attention de la majorité présidentielle. D’abord, c’est Valérie Pécresse qui lui propose de jouer les porte-parole dans sa campagne régionale en → 45


LOISIRS

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Culture culinaire

En collaboration avec le blog culinaire de Philippe Bui Do Diep - www.canardumekong.com

BAGUETTES À LA MAIN, PHILIPPE BUI DO DIEP VOUS CONVIE CHAQUE MOIS À LA DÉCOUVERTE DE LA CULTURE ASIATIQUE

COMMENT RETROUVER DES COULEURS EN MANGEANT DES RACINES En Asie, la première des médications consiste en une alimentation équilibrée. Les plantes, et notamment leurs racines, y tiennent un rôle primordial. En associant recherche de saveurs et petits remèdes aux bobos du quotidien, la cuisine asiatique allie à la quête du bien-être le plaisir culinaire.

De gauche à droite et de haut en bas : curcuma, ginseng, galanga et gingembre.

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LOISIRS

Février 2012 — www.le13dumois.fr

Bon plan resto - MondolKiri

CHIC, UN CAMBODGIEN ! À Chinatown, il est des restos thaïs à la devanture si monumentale et à la carte si foisonnante que l’on finit par s’en méfier. Il y a aussi ces petites cantines viets toutes semblables, au décor et au service sans chichi. Et puis il y a un entre-deux. Repérable par sa belle façade boisée et son décor plutôt chic, le MondolKiri propose une cuisine cambodgienne à la croisée des traditions culinaires. Par Jérémie Potée Photographies Mathieu Génon

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oincé entre le Vietnam et la Thaïlande, le Cambodge n’est certes pas une référence de la gastronomie en Asie du Sud-Est. Disons que c’est une cuisine de sang-mêlé. Au MondolKiri, ce sont des petits ajustements à la mode khmère qui permettent de faire la différence. Les pâtés impériaux, de tradition vietnamienne, y sont par exemple plus roboratifs et servis avec une sauce au miel. Une note sucrée que l’on retrouve aussi dans les curries à l’ananas ou aux litchis qui n’ont alors plus rien de thaïlandais. Meng Thay, le patron, légitime tout naturellement ces emprunts en parlant de « plats frontaliers » pour un pays de tout temps soumis aux influences de ses grands voisins - le Mondolkiri n’est autre qu’une province cambodgienne proche du Vietnam. Quant aux plats 100% khmers, il y a l’amok, ce poisson cuit vapeur dans une feuille de bananier ou le samlo kaoco, déclinaison locale de la ratatouille. Ces deux 50

spécialités sont des variations chics de la nourriture de rue telle qu’on la sert à Phnom Penh. Les constantes de la cuisine servie au MondolKiri sont donc l’utilisation de la feuille de bananier, d’herbes et d’épices tels que le basilic ou le galanga - cousin moins âpre du gingembre (voir notre rubrique culture culinaire du mois). Un soin tout particulier est ici apporté aux sauces d’accompagnement : saté cacahuète pour les horsd’œuvre à la viande, au miel et à l’abricot ou à la citronnelle à l’ail pour les poissons, il y en a pour tous les goûts. UN DÉCOR LÉCHÉ Les efforts d’adaptation à la clientèle parisienne métissent encore l’endroit. Vous verrez rarement dans le quartier chinois décor aussi soigné. Dans cette salle aux tons ocre et or, des orchidées sous cloche et de superbes toiles figurant « la main de bouddha » ou de jeunes bonzes en procession disent les ambitions de la maison. Plus encore quand arrivent les premières entrées : ainsi cet assortiment de horsd’œuvre impeccablement présentés dans de précieuses assiettes en terre cuite. Il vous en coûtera 13 euros pour une composition à base de poisson ou bien de viande. Tout, dans la vaisselle, est ici du même tonneau : on vous sert les curries dans de

beaux caquelons, le thé dans des théières en fonte, le café dans des tasses Villeroy et Boch. Meng Thay se fait d’ailleurs rigolard à ce propos : « Au début, on m’a dit : tu es fou de servir du café à 2 euros dans des tasses pareilles ! Mais non, c’est aussi avec ça que j’ai voulu faire la différence. » Il faut dire que l’homme est allé à bonne école : avant de se mettre à son compte en 2006, il a été le gérant d’un hôtel 3 étoiles près du Trocadéro. Voilà qui explique la présence, à l’entrée de l’établissement, d’une belle vitrine qui expose les bouteilles de la maison, un détail inédit dans le quartier. BEAU, BON, PAS CHER Mais ne vous y trompez pas, le MondolKiri reste un resto asiatique de quartier. Une obsession du patron : serrer les prix au maximum sans rogner sur la qualité du service. C’est la clé du succès de cet établissement qui ne désemplit pas, midi et soir, d’une clientèle de travailleurs exigeants ou de connaisseurs du quartier. Ici, le ticket moyen ne dépasse pas la vingtaine d’euros. La carte des vins, composée de crus de milieu de gamme, respecte d’ailleurs cette contrainte : la bouteille vous reviendra à moins de 15 euros - à noter la présence de quelques vins bio. Un petit hic, quand même : la carte des desserts, tous industriels, et quelques préparations maison au taro pas des plus légères pour conclure un bon repas. " MondolKiri, 159-161 avenue de Choisy, 01.53.79.75.96. Ouvert du mardi au dimanche. Menu déjeuner (entrée, plat, dessert) : 10,50€ - Menu découverte pour deux : 38-42€. Vin : entre 13 et 25€.


SPÉCIAL ENFANTS

MILLE ! FA N E N W O T A IN H C E À LA DÉCOUVERTE D

S N O G A R D S E JAN G E T L GAGNEZ DES TIME'S UP ET DES ABONNEMENTS !

ÉPISODE 2 ALLE LE DRAGON DE LA D

à la découverte t du 13e, vous emmène an bit ha ne jeu un , ng de, Ja du Grand Dragon. Pour ce deuxième épiso ivez-le à la recherche du quartier chinois. Su ro du 13 du Mois. dans le prochain numé L’aventure s'achèvera 51

Textes et idée originale : Antoine Esbelin et Pierre Schneidermann (Association Envol’moi - www.envol-moi.org)— Illustrations et dessins : Sarah Si Ahmed et Gladys Caristan


SPÉCIAL ENFANTS

Février 2012 — www.le13dumois.fr

Le lendemain, elle était déjà là quand j’arrivai avec Méli. Une très belle fille,, cette Eugénie ! Je ne l’avais jamais vue.. À l’intérieur du restaurant, le temps de commander un verre, elle entra dans le vif du sujet : - J’ai fait des rêves étranges la nuitt dernière. Puis j’ai vu ton groupe Facebook. Je me suis empressée de te contacter. Je lui expliquai l’agression de mon grand-père de la veille. Elle vit le boutt de papier que j’avais ramassé. - Oh, le schéma griffonné sur ce papierr m’évoque mon rêve de la nuit dernière : il faut absolument que tu te rendes à la tour fantôme ! Méli s’excita (mais j’étais le seul à la voir) : - Je connais ce lieu, c’est la dalle des Olympiade vue de haut ! Je l’ai survolée maintes et maintes fois ! Je répétai à Eugénie ce que venait de me dire Méli.

© M.G.

Elle prit le papier, l’examina, puis sortit son téléphone portable. La conversation dura quelques minutes.

À propos du McDo de l’avenue de Choisy — As-tu remarqué que le mot McDonald est aussi écrit en chinois sur la façade ? Il est composé de trois idéogrammes qui se prononcent : mài dāng láo. La sonorité est assez proche de celle que l’on connaît. Mais la signification est toute différente : on peut traduire l’expression par « blé qui réconforte » (le blé se trouvant dans le pain des hamburgers).

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- C’était mon père. Il est architecte. Il m’a expliqué les grands principes de conception des tours de la dalle des Olympiades : chaque tour doit être éloignée de l’autre afin de laisser passer la lumière et ne doit pas se trouver juste en face d’une autre. La tour fantôme est un emplacement vide sur la dalle où une tour aurait dû être construite dans les années 1970… Je terminai sa phrase : - … ce qui veut dire que, d’après ce schéma, il n’y a qu’un seul endroit possible. Allons-y ! J’abandonnai Eugénie et me rendis à l’emplacement de la tour fantôme avec Méli où nous fîmes la rencontre d’un imposant Dragon.



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