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POUR DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES RÉELLEMENT INCLUSIVES

Par Jean-Benoît Nadeau

En 2015, Sébastien Jodoin, BCL/LLB’05, est hospitalisé d’urgence. Le diagnostic tombe : sclérose en plaques, à 33 ans. L’été suivant, il découvre que cette maladie chronique le rend particulièrement vulnérable à la chaleur.

« J’ai réalisé que les personnes avec un handicap seraient parmi les premières affectées par les changements climatiques », dit ce titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits de la personne, la santé et l’environnement. Or, malgré qu’environ 15 % de la population mondiale vit avec un handicap 20 % dans un pays avec une population vieillissante comme le Canada ce segment reçoit peu d’attention dans le domaine du changement climatique.

Cette négligence se traduit très concrètement par une surmortalité des personnes handicapées lors d’urgences climatiques. Ainsi, 91 % des plus de 600 décès durant la vague de chaleur de 2021 en Colombie-Britannique touchaient des personnes avec un handicap. « Si les personnes handicapées n’ont pas accès aux ressources, soins et services pour survivre à une vague de chaleur, c’est parce que les gouvernements n’ont pas tenu compte de leurs droits ni dans leurs plans d’urgence, ni dans les mesures d’adaptation climatique à long terme. »

Dans une étude qui a fait les manchettes internationales, le professeur Jodoin et son équipe ont démontré que les personnes handicapées étaient systématiquement négligées dans la gouvernance climatique autour du monde. Ils ont constaté que moins d’un quart des pays mentionnent les personnes handicapées dans leurs politiques climatiques. En outre, lorsqu’ils y font référence, ils le font de manière superficielle.

Le programme de recherche que dirige le professeur Jodoin a pour but de co-générer et promouvoir des solutions climatiques inclusives du handicap. Une politique bien pensée, par exemple, devrait prévoir le refroidissement passif et la climatisation des milieux de vie habités par les personnes handicapées. Et les politiques de décarbonisation devraient réduire, plutôt qu’accroître, les barrières auxquelles font face les personnes handicapées.

Or, on est loin du compte. Par exemple, les politiques favorisant l’abandon de l’automobile ne tiennent pas compte des besoins des personnes à mobilité réduite, ni de l’accessibilité des modes de transport sobres en carbone. « À Montréal, seulement 25 des 68 stations de métro sont accessibles. Pourtant, si on améliorait l’accessibilité, on aiderait non seulement les personnes handicapées, mais on favoriserait la mobilité des personnes âgées et des familles avec des poussettes. C’est justement ce que les personnes handicapées peuvent contribuer à l’action climatique : nous savons faire en sorte que les programmes et politiques fonctionnent pour le plus grand nombre possible de personnes. »

Fréquemment consulté sur ces questions par les gouvernements canadiens et étrangers, le professeur Jodoin a notamment eu l’occasion de présenter sa recherche auprès des gouvernements du G-7 et au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Il insiste sur l’importance de reconnaître l’agentivité et les connaissances des personnes handicapées et n’hésite pas à se citer en exemple. « Sans mon expérience vécue avec la sclérose en plaques, je n’aurais probablement pas fondé le seul programme de recherche dédié à l’action climatique inclusive du handicap. »

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