Le malaise dans l'habiter chez David Lynch

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LE MALAISE DANS L’HABITER chez David Lynch

LAURE HUMBERT 2014



ÂŤ Life is very complicated, and so films should be allowed to be, too. Âť David Lynch



introduction ............................................................................... 6

la maison .................................................................................. 10

la route ................................................................................... 32

le motel ................................................................................... 40

la scène de thÊatre .................................................................. 48

conclusion .............................................................................. 56

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Chaque art se définit selon ses spécificités, ses capacités de représentation, afin de le rendre autonome et irremplaçable. Le cinéma, en contradiction des arts dont il est issu, se distingue indiscutablement des autres grâce à ses capacités de représentation multiples, diversifiées et concrètes : réalisme, surréalisme, expressionisme, cinéma direct… Le cinéma a la faculté de plonger le spectateur, plus encore que les autres arts, dans l’univers qu’il crée. En effet, ses capacités visuelles et auditives, proches des sens humains, lui permettent de se rendre au plus proche de la réalité, en enregistrant de façon automatique les actions, les scènes, les paysages qu’il tente de capturer. Et même si certains sens seront toujours mal représentés, inexprimables, voire totalement avortés, il est au plus proche de la réalité qu’il essaie d’exprimer. Le cinéma, cependant, n’a pas pour but de représenter uniquement le réel. Celui-ci, bien qu’en essayant de feindre certains sens inexprimables à l’écran, comme celui du toucher ou encore de l’odorat, le rendra forcément factice. Mais ce n’est pas seulement son incapacité à représenter intégralement le réel qui fait que le cinéma ne se contente pas de symboliser la réalité. En effet, dire que le cinéma n’est que la simple et pure représentation du réel, serait le définir bien pauvrement. Il a également pour but, puisque filtre de la réalité, de la transformer, la façonner grâce à l’œil de celui qui filme, par la lentille de la caméra dont il se sert. Il existe autant de conception de la réalité et de son extrapolation qu’il y a de films et de réalisateurs. Mais il y en a tout autant en ce qui concerne l’imagination. Ces deux concepts, imaginaire et réalité, se confrontent régulièrement au cinéma. En témoignent les nombreux moyens filmiques pour les distinguer, tant au niveau scénaristique, qu’au niveau des jeux de caméras. Mais dans tous ces moyens de distinctions, il y a un réalisateur qui a développé une tout autre idée de ce processus, en posant réalité et imaginaire sur le même plan de représentation, très rare dans le développement filmique. David Lynch a une représentation à contre-courant, exacerbée et surréaliste, de la réalité et se met en marge des autres réalisateurs en apportant une toute autre interprétation de ce que doit être la représentation de la réalité et de l’imaginaire. Réalisateur, photographe, musicien, designer d’espace, peintre,


Introduction

a développé depuis des années et ce depuis son premier film, Eraserhead, un style qui lui est particulier, et dont le terme lynchien est issu. David Lynch se pose ici comme maître en la manière car il sait osciller entre film d’horreur, fantastique, surréalisme et réalisme sans jamais tomber dans les facilités de chacun de ces genres. Il sait également poser un regard très sombre, sur la réalité humaine, sur son apparente quiétude, mais aussi et surtout, sur l’obscurité qu’elle dissimule. En plus de la représenter à l’écran, il l’exergue, la propulse dans le décor, et en fait d’elle un tout. Anxiogène, bizarre, difforme, fantasque, sont les termes qui expriment le plus son style. Mais le trait qui le démarque de la sphère cinématographique, c’est le rapport qu’il entretient entre le temps et l’espace, entre réalité et imaginaire et notamment, sa capacité à représenter plusieurs réalités, à la préférence d’une seule. Cette multitude de réalités, nous questionne quant à l’existence d’une seule qui prédominerait sur les autres. La difficulté réside dans le fait qu’il nous fait confondre les réalités et les imaginaires, qui deviennent mondes à part, dont les codes changent de celui dans lequel nous vivons, et deviennent normes surréalistes. En mettant tout les mondes qu’il crée au même plan, il confond également les personnages et les lieux dans cet univers et n’en fait qu’un unique personnage complexe. La relation qu’entretiennent les personnages avec les lieux, est un élément clé du cinéma lynchien. Car s’il essaie de représenter la réalité, il le fait au travers des yeux des personnages qu’il film, le regard omniscient du réalisateur et celui des personnages se mêlent. C’est avec un regard à la troisième personne, mais une histoire vue par le filtre psychologique des personnages que David Lynch nous fait découvrir son univers. Ce lien étroit entre les personnages et le lieu est caractéristique du cinéma lynchien et instaure une atmosphère qui lui est spécifique. David Lynch a une conception spatiale et temporelle très particulière, et la mise au même niveau de l’imaginaire et de la réalité lui permet de faire un tout, contradictoire et déroutant mais dont le sens et bien réel, et qui répond à des normes spécifiques. Il est très complexe d’analyser le cinéma original est novateur qu’est celui de

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Introduction

David Lynch. Mais tout cinéma a ses règles, ses codes, aussi intense et déroutant soit il, et Lynch n’échappe pas à la règle. En effet, celui-ci use de codes très précis, des éléments redondants, chargés de sens et de significations. Et les lieux que Lynch représente sont partis inhérentes de ce symbolisme. Chaque lieu est un élément fort, qui, au-delà de son aspect esthétique tend à imposer un déclic chez le spectateur sensible à son cinéma, qui, dès la vue de ce lieu, sentira la force significative qui se cache derrière la représentation de ce lieu. Cependant, tous les lieux n’ont pas la même importance dans les films de David Lynch, et on peut en distinguer un faible nombre qui ont une aussi grande redondance que la maison, la route, la chambre d’un motel, mais aussi la scène de théâtre. Tous ces lieux, qui semblent bien différents aux premiers abords, ont comme une connexion forte, les uns avec les autres, un impact sur le déroulement de l’action, une force narrative et symbolique. Ils sont lieux et personnages, entités et émotions, ils créent le monde et le détruisent à la fois créant une ambigüité et un mystère qui permettent d’appuyer l’atmosphère de Lynch. La sélection des films présentés dans ce mémoire, est la résultante de la redondance de ces lieux. En effet, alors que l’histoire d’Eraserhead se passe dans une ville post apocalyptique industrielle, dont les intérieurs étouffants et glauques dérangent, Blue Velvet pose le décor d’une ville issue du rêve américain dont le mal nait à l’intérieur des murs. Lost Highway, tout comme Mulholland Drive font offices de fresques schizophrènes où l’ambiance et les personnages ne font qu’un, où le temps va à rebours et où l’intrigue est anxiogène. Sailor et Lula, comme un conte fantasque, nous montre un univers manichéen renversé, où le confort et le sentiment de bonheur existent aux endroits les plus étranges. Une Histoire Vraie, lui, se pose comme un film très différent du style lynchien, mais qui en garde certains codes forts, et se rapproche dans ce sens, de Sailor et Lula. On pourrait s’étonner du choix de ces lieux qui semblent sortir de la banalité de la réalité, mais c’est ce que David Lynch en fait, ce qu’il façonne à travers ces lieux dont il renverse la logique, dont il fait sortir l’essence la plus sombre possible. Quelque chose d’inattendu.

/ David Lynch sur un tournage . Date inconnue

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La maison

Aborder la maison, chez David Lynch, relève toujours d’un manque. Qu’on l’aborde par l’intérieur ou par l’extérieur, la maison ne donne jamais toutes les informations nécessaires à sa compréhension, à sa logique, à sa conception. On découvre la maison par à-coups, par informations succinctes. Même à la fin du film, lorsqu’on a l’impression d’en avoir comprit son essence, il subsiste toujours des zones d’ombres incompréhensibles du spectateur.

/ Renee ouvrant l’enveloppe énigmatique . Lost Highway - 1997

La maison est souvent abordée de deux manières. D’un côté, on visualisera son contexte, sans jamais vraiment comprendre la maison elle-même. A qui appartient-elle ? Que se passe-t-il à l’intérieur ? Ces questions mettront toujours beaucoup de temps à trouver des réponses satisfaisantes pour la curiosité du spectateur. Des vitres opaques, des rues désertes, le cadre est difficile à comprendre chez Lynch. D’un autre côté, on visualisera des éléments beaucoup plus précis, inhérents à la maison, des détails, des objets. Ces éléments vont placer un contexte social, une idée de l’appartenance de la maison, ou des indices qui sont forts aux films de Lynch. Le cadrage va s’élargir sans pour autant satisfaire le spectateur qui sera toujours dans l’attente d’informations plus précises. Où sommes-nous ?

« The home is where things can go wrong » David Lynch

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La maison

Chez Lynch, le rapport entre le contexte et l’intérieur, et celui entre l’extérieur et l’intérieur de la maison est très subtil, tant et si bien que l’on se retrouve souvent perdu dans cet univers. En effet, le jeu des ouvertures fonctionne dans un principe de frustration. David Lynch use d’une ambigüité entre des espaces très fermés qui ne semblent pas avoir de contexte (Se trouve-t-on au sous-sol ? Est-ce la nuit ?), et des espaces très ouverts qui ne donnent pas d’information de contexte. Les vues sur l’extérieur sont souvent très cadrées, on n’en voit qu’une partie : un morceau de rue, un trottoir… Chaque éléments qui nous est donné sur l’extérieur agit comme un appât : on s’accroche à un morceau d’information insatisfaisant mais qui nous permet de donner une logique. On finit par ne plus comprendre, ni le temps, ni l’espace. On se pose comme un observateur avide d’information, de logique, qui nous permettrait de nous raccrocher au fil d’une histoire décousue, mais qui ne trouve jamais de satisfaction.

Lost Highway (1997), est un exemple à part entière de cette impression. Dans une rue calme de Los Angeles, un couple habite une maison contemporaine et austère : Fred et Renée Madison. Fred est un saxophoniste aisé, dont les agissements étranges de sa femme, lui font douter de sa fidélité. Cependant, le couple reçoit depuis peu des cassettes de vidéos dont le contenu étrange les alertes. En effet, l’une après l’autre, les images représentent leur maison, son extérieur, son entrée, puis, peu à peu, filment l’intérieur, leur intimité. Que ce soit sur ces vidéos ou sur le film en lui-même, la maison est filmée d’une façon bien étrange. On ne comprend ni le contexte précis de la maison : où se trouvet-elle exactement, possède-t-elle un jardin, quelle est sa forme générale ; ni son intérieur, sa logique, son plan nous est inconnu. On tente de se rattacher aux éléments qui pourraient nous l’expliquer, mais David Lynch reste avare en détail et nous nous perdons, au fur et à mesure, dans l’ambiance qu’il crée autour du film. Dans un autre sens, les vues de l’extérieur ne donnent pas ou peu la possibilité de voir à l’intérieur. Des fenêtres sombres, étroites, fines ou placées dans des circulations apparaissent comme des meurtrissures de la façade, des coups de couteaux qui ne laissent rien paraitre.

/ La façade cisaillée des Madison . Lost Highway - 1997

/ Fred Madison à l’unique grande baie de la maison Lost Highway - 1997

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La maison

David Lynch use de procédés techniques pour renforcer cette impression : cadrages serrés, ou bloqués par des éléments, glissements, travellings… Tout est fait pour nous contraindre dans un univers. Les personnages évoluant à l’intérieur semblent donc conditionnés par cet univers qui les entourent, les englobes.

/ La fenêtre de l’appartement d’Henry . Eraserhead - 1977

Eraserhead (1977), est le premier film de David Lynch. L’action se passe dans une ville post apocalyptique, où Henry Spencer, imprimeur se disant «en vacances» est invité à un étrange diner chez la famille sa compagne Mary X. Celle-ci lui annonce alors qu’il est le père d’un enfant prématuré. Cependant, l’enfant n’a rien d’un être humain. Difforme, étrange, ayant l’apparence d’un agneau, il ne cesse de geindre et plonge Henry dans une folie nerveuse. S’ensuit alors des évenements des plus étranges. Eraserhead est un des films les plus inexplicables de David Lynch. Bizarre, peuplé de personnages difformes, macabre et fantasque, il est de ces films dont la recherche d’une explication concrète est inutile. Cependant, on retrouve dans ce film, les prémices du style lynchien, dont un rapport entre les espaces tout à fait étrange. L’appartement d’Henry, tout d’abord, agit comme un cocon sombre, dont semblent jaillir de toutes parts les événements les plus hors du commun. Sa fenêtre, ouvrant sur un mur, ne permet pas de distinguer l’extérieur. Et même lorsqu’Henry sort de chez lui, c’est pour tomber dans une ville industrielle déserte, que l’on ne peut situer : Sommes nous sur terre? Dans un monde parallèle? Son appartement, ne semble contenir qu’une seule pièce, qui semble prendre l’intégralité de son appartement. Bien qu’on en devine d’autres. Tout les films de David Lynch, jouent sur cette ambigüité : le parcours entre les pièces se fait toujours dans cette même optique de frustration. Dans tout les films de David Lynch, certaines pièces, certains éléments semblent avortés ce qui altère la compréhension de l’organisation de la maison, son plan. On parcours les pièces comme le parcours les personnages, qui semblent éviter certains espaces et être attirés par d’autre, ce qui offre une certaine redondance chère à Lynch : la chambre et le salon sont omniprésents dans l’histoire. La

/ Le monde post-apocalyptique dans lequel évoluent Henry et Mary . Eraserhead - 1977

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La maison

cuisine, la salle de bain, le garage, les espaces de rangement, les entrées, sont quasiment inexistantes. Les liens entre les pièces sont distendus, difficiles à cernés. Cela fait perdre la notion d’appréhension de l’espace des spectateurs, ce qui augmente encore plus son sentiment de perdition.

/ L’obscurité de la pièce reflète l’état de grande inquiétude de Fred : quelqu’un a t’il pénetré dans sa maison ? Lost Highway - 1997

Ce sentiment est renforcé par le lien qu’ont les protagonistes avec l’espace. On est dans une ambigüité forte par rapport à l’influence de l’un sur l’autre : qui a le pouvoir sur l’autre ? Ce jeu de dominants et de dominés entre le personnage et le lieu où il évolue fait de l’espace un personnage à part entière, qui semble évoluer au fur et à mesure du film, et nous fait perdre l’espace comme un lieu fixe, un fond de décor : il agit sur la psychologie des personnages, et se modèle aussi sur elle. L’espace intérieur est si fort qu’il agirait presque comme une barrière contre l’extérieur, qui protège et englobe le personnage dans son propre univers. Les seules filtrations qui existent sont si faibles qu’elles transparaissent sur la façade comme des failles. C’est donc lorsque l’extérieur s’infiltre à l’intérieur, que le personnage perd ses moyens, qu’il se retrouve déboussolé : il est à la fois apeuré par les éléments qui s’insèrent dans son quotidien, mais qui le renvois à son propre enfermement, qu’il soit psychologique ou physique. Cependant, ces éléments extérieurs rassurent le spectateur voire le personnage, qui arrive enfin à faire le lien, à poser un contexte : l’extérieur rassure de par sa présence, sa logique par rapport à l’espace interne, mais inquiète puisqu’il nous est inconnu.

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La maison

Le temps se caractérise par sa continuité, sa constance, son déroulement imperturbable. Le temps chez David Lynch va à contresens de cette logique : irréel, détaché, à contresens, sans continuité. Le temps distendus crée le malaise, car il n’agit plus comme repère de l’histoire.

/ La fin du rêve de Diane/Betty . Mulholland Drive - 2001

Mulholland Drive (2001), raconte l’histoire de la douce et jeune Betty, une actrice arrivant à Hollywood pour devenir une star célèbre. Elle fait la connaissance de Rita, qui après un accident se retrouve amnésique. Ensemble, elles essayent de retrouver l’identité de Rita. Cependant, au fur et à mesure de l’avancement du film, on se rend compte que l’histoire n’est qu’un rêve, dont Betty, qui est en fait Diane en est le protagoniste. Actrice ratée dont la carrière est ruinée par son amante Camilla, actrice également, qui la quitte pour le réalisateur dont le film aurait fait le succès de Diane. Quand elle se rend compte que toute l’histoire n’était qu’un rêve, elle met fin à ses jours. Dans ce film, le temps n’a pas de sens précis. Car le rêve, au fur et à mesure qu’il avance, prend des éléments de la réalité pour étoffer l’histoire. Cependant, le spectateur ne s’en rend absolument pas compte et perd totalement le fil de l’histoire dans une fin surréaliste, peuplée des hantises de Diane. La sensation de perdition est aussi accentuée par un temps sans logique, sans continuité. Le temps est toujours irréel, détacher de l’histoire, il est à contresens du rythme naturel du temps, qui avance continuellement et à un rythme précis. Puisque ce temps n’a pas de sens, les personnages ne peuvent s’accrocher à un rythme précis, à un quotidien régulier qui rassure et permet de se repérer. C’est également le cas dans Lost Highway, ou la schizophrénie de Fred chamboule les codes, et met toute l’histoire dans un ruban de Moebius : sans début, sans fin, et dont les deux faces ne font qu’une. Dans Lost Highway, la première phrase est également la dernière, «Dick Laurent is dead». Et les deux personnages que sont Fred Madison dans la première partie du film et Pete Dayton dans la seconde partie, ne sont qu’une seule et même personnes. David Lynch insiste sur la schizophrénie du personnage en mettant en lien le changement de personnalité et le changement d’apparence. Lorsque l’on est confronté à un changement de rythme, notre façon de vivre en

/ Durant la même scène, quelques détails changent, mais il n’y a aucune coupure indiquant que l’on change d’époque . C’est pourtant un flash-back . Mulholland Drive - 2001

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La maison

est chamboulée. Si le temps ne reprend jamais un court logique, on se sent déboussolé, perdu, où le temps perd son rythme, où il se dilate et se rétracte. Les personnages sont dans un rêve. Lorsque le rêve tourne au cauchemar, même les espaces les plus simples, les plus habituels, deviennent difficiles à vivre. Si on reprend le principe qu’il n’y a pas de lien vers l’extérieur, la temporalité en est d’autant plus chamboulé. En effet, le repère qu’on peut faire par rapport à la lumière et à la position du soleil et de la lune permet de se repérer dans le temps, dans la période de la journée. Ne pas avoir de lien avec la temporalité déboussole, interroge : on ne sait parfois s’il fait jour ou nuit, s’il s’est passé quelques heures ou quelques jours, si on assiste à un flash-back si nous sommes dans le temps présent ou si c’est une anticipation. Les personnages sont tels des prisonniers enfermés dans leurs geôles sans aucun lien à l’extérieur et en perdent la raison.

/ La première et la dernière scène du film «Dick Laurent is Dead» est la phrase prononcée à ces deux moments : la première par l’interphone, la deuxième par Fred Madison dans l’interphone . Lost Highway - 1997

Les protagonistes sont donc sans moyen de liaison avec une temporalité sûre, ils se retrouvent enfermés, en sursis, dans un lieu qui ne leur convient pas, qui ne leur correspond pas, dans l’attente. Les spectateurs se sentent, eux, mal à l’aise avec ces changements de temps et de temporalité. Habitués à un fil simple du temps, celui qui regarde le film ne doit pas le considérer comme une ligne droite mais comme un enchevêtrement. Et c’est ça, qui fait que l’on se sent mal à l’aise car c’est une des notions les plus rassurantes, car immuable.

/ Le changement de personnalité de Fred, représenté par un changement physique sous les traits de Pete . Lost Highway - 1997

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La maison

La lumière est toujours très travaillée dans les films de David Lynch. Elle travaille toujours dans l’économie, dans un don très subtile d’elle même. Elle permet de donner à voir des choses et d’en cacher d’autre, ce qui confère une atmosphère de mystère à l’ambiance du film. Elle permet de donner le maximum d’expressivité et de cacher au maximum les aspérités des décors. Ce don qu’elle fait est toujours dans une extrapolation de l’ambiance générale. Sa nature nous donne différentes impressions : électrique ou naturelle, elle permet de donner différentes ambiances ; frontale ou zénithale, elle donne différentes vues sur l’extérieur ; blanche ou colorée, elle prend des aspect sensuels, chauds, ou froids… Le lien entre la lumière et la couleur est tout à fait particulier, car elles vont souvent de paires l’une à l’autre.

/ Renee dans la chambre . Lost Highway - 1997

David Lynch use toujours de contrastes très forts dans les lumières et dans les couleurs afin de donner cette expressivité exagérée. Elle renvoie à la psychologie des personnages et renforce l’ambiance anxiogène de ces films. Dans Lost Highway par exemple, lorsque le doute devient trop fort chez Fred Madison envers la liaison possible de sa femme, les lumières s’assombrissent, le noir s’intensifie, et on devine à peine son visage dans l’ambiance sombre de la maison. Les visions cauchemardesques de Diane dans Mulholland Drive sont accompagnées d’éclairs lumineux qui accentuent le sentiment de perdition qu’exprime Diane à ce moment là, l’entrainant au suicide.

/ Dorothy sur scène . Blue Velvet - 1986

Les espaces intérieurs chez Henry dans Eraserhead sont toujours éclairés par une lumière électrique glauque qui met en valeur l’absurdité des scènes. Dans Blue Velvet (1986), Jeffrey Beaumont est un jeune homme qui rend visite à son père, victime d’un accident, dans la petite ville tranquille et synonyme du rêve américain de Lumberton. Cependant, il apprend qu’un mystère plane autour de Dorothy Valens, une chanteuse obsessionnelle et étrange qui le fascine. Celui-ci, voulant découvrir à tout prix ce qui se cache derrière la jeune

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La maison

femme, se cache chez-elle, et tombe dans un voyeurisme malsain. Dans ce film, la couleur bleu prend une forte place dans la mise en scène : lumières, tissus... Elle prend toute son importance en opposition avec les autres teintes et influence l’ œil du spectateur qui l’associe toujours avec la fameuse Dorothy.

/ L’appartement de Dorothy . Blue Velvet - 1986

Couleur et lumière prennent alors tout leur sens car ils font de n’importe quelle scène et de n’importe quel lieu un espace épris de l’univers des films d’horreur fantastiques et mettent mal à l’aise le spectateur. Le son participe également activement à cette ambiance. En effet, lorsqu’on est à l’intérieur, les bruits extérieurs sont très rares. Et cette rareté ne permet pas de situer le lieu dans un contexte précis, car l’intérieur semble être un lieu hermétiquement clos, dont l’extérieur ne peut pénétrer à l’intérieur, et ce, même pas par le biais des sons ambiants. La présence de sons «normaux» qui agissent comme une présence de la ville autour de ce lieu, n’existent pas. Nous sommes donc face à un monde à part du monde réel. Cependant, David Lynch, est également musicien et apporte une importance forte avec la musique en utilisant des sons novateurs, une musique d’ambiance adaptée et accentuée, voire surrexpressive, ce qui appui l’ambiance : les silences, les sons électroniques mêlés à de la musique classique, les sons imperceptibles habituellement, amplifiés, en même temps qu’une séquence en macro, mettent à mal le spectateur.

/ Un homme étrange et déformé à la fenêtre d’une maison à l’abandon, des bruits mystérieux de machines en fond . Eraserhead - 1977

Des sons étranges, des silences pesants, des bruits inconnus, de la lumière glauque, des couleurs qui ne se correspondent pas. C’est d’une manière subtile et désagréable que David Lynch construit l’ambiance de ses films. Mais l’espace intérieur ne se contente pas de ces trois éléments, car cette subtilité va plus loin en jouant sur un élément du quotidien qui peut s’avéré être très lourd de sens : l’objet.

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La maison

Ce qui remet en cause la viabilité de l’espace lynchien, c’est aussi la force qu’il insuffle dans les objets présents ou absents dans les décors. Souvent petits, et/ ou discrets, ces objets ont cependant une grande force théâtrale, et remettent en question la « normalité » d’un espace, en le rendant atypique. En effet, la présence ou l’absence de certains objets provoque chez le spectateur une perte de repères, et influencent la scène, le lieu en le rendant anormal. On notera aussi la redondance de certains objets qui ont une importance explicative au cœur du film. Dans un premier temps, l’objet hors contexte. Les films de David Lynch regorgent d’objets qui n’ont pas lieu d’être, où qui n’ont rien à faire là où ils sont. Ce sont soit des objets qui n’appartiennent pas à quelque chose de connu, qui sont étranges dans leur essence; soit des objets qui ne sont pas à leur place, qui sont étranges dans leur emplacement, leur contexte. Prenons, par exemple, l’arbrisseau de l’appartement d’Henry dans Eraserhead, posé sur une table du buffet, mis en terre à même la tablette. Ou encore le bébé, humain et alien à la fois, enfant de parent dont la normalité physique n’est plus à démontrer. La tuyauterie surabondante chez la famille X, ou bien le tiroir plein d’eau chez Henry. Dans Mulholland Drive, les affaires que la voisine vient récupérer chez Diane, ne sont pas présents au bon moment et au bon endroits, et sont donc des indices du temps qui se déroulent dans une logique étrange. La découverte d’une oreille, dans un champ près de l’hôpital où est le père de Jeffrey, dans Blue Velvet, relève également de cette étrangeté. Dans un second temps, l’objet quotidien absent. Ce sont des objets du quotidien qui perturbent de par leur absence, qui font partie du quotidien, qui expriment la personnalité de la personne qui habite l’espace, leurs absences rendant les lieux neutres et froids. Notons par exemple l’absence des cadres électriques chez les Madison dans Lost Highway, il n’y a pas de désordre, de photos, d’affaires très personnelles. Tout est fait pour que l’intérieur soit au plus proche du rêve américain, de la photo de magazine d’intérieur, d’un plateau de télévision.

/ Les objets étranges chez Henry . Eraserhead - 1977

/ Les affaires de la voisine chez Diane . Ne les avait-elle pas récupérées ? Mulholland Drive - 2001

/ Le chapeau d’enfant chez la mystérieuse Dorothy . Blue Velvet - 1986

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La maison

Dans un dernier temps, l’objet à plusieurs dimensions narratives. La redondance de certains objets, aide ou déroute l’explication narrative du film. Ils sont là comme clé de la compréhension du film, ou comme une nouvelle couche d’information. Dans Mulholland Drive, la boîte bleue agit comme une boîte de Pandore, que Rita ouvre pour révéler à Betty qu’elle est dans un rêve. La présence du téléphone dans tout les films de David Lynch, est une annonciation : une nouvelle intrigue, une explication, un mystère. Tout un jeu est fait autour de cet objet qui par la caméra du réalisateur, est une entité toute entière d’une grande étrangeté.

/ De gauche à droite et de haut en bas : La boîte bleue Mulholland Drive - 2001 Téléphones Blue Velvet - 1986 Lost Highway - 1997 Lost Highway - 1997 Mulholland Drive - 2001

Dans les films de David Lynch, nous ne sommes jamais à l’abri de qui que ce soit et de quoi que ce soit. Et c’est une sensation que ressentent à la fois les personnages et les spectateurs. Il est impossible de se protéger. Car la menace, dans ces films, vient à la fois de l’intérieur, et de l’extérieur. Comme un mal s’insinuant dans les moindres parcelles de l’intimité. On est comme en sursit, dans un univers malsain qui ne demande qu’à être échappé. Même la chambre, qui est, par définition, le lieu le plus intime, ne peut être protégé. Elle met en exergue les problèmes relatifs aux personnages par de nombreux effet et tropes. Elle devient ainsi un révélateur et un catalyseur des émotions et du mal qui hante les personnages, qui amplifie la menace qui plane sur eux. Elle est soit le lieu de l’ennui et de la réflexion, ou alors ils essayent de se divertir grâce aux objets environnants qui agissent comme une échappatoire à leurs interrogations; soit le lieu du plaisir charnel, du désir inassouvi, ou de la mort. David Lynch arrive par les moyens expliqués précédemment à faire de l’espace d’intimité par excellence, l’endroit le plus inquiétant. Le malaise de l’espace, la distorsion du temps, l’étrangeté de la lumière et de la couleur, le son entre absence et omniprésence, la force de l’objet anormal; sont tout autant des éléments qui viennent en perturbation.

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La maison

La maison est à la fois comme une scène de théâtre et une prison. Cette ambigüité réside dans la relation entre le surréalisme et l’absurdité des situations, des lieux et des personnages, mais aussi dans leur impossibilité de s’en échapper.

/ Sandy dans la voiture, attendant Jeffrey, inquiète. Blue Velvet - 1986

Les personnages sont comme en sursit dans un lieu qui ne leur convient pas. La maison est une métaphore de leur incarcération intellectuelle. Ils cherchent sans cesse à s’échapper, à s’évader de ce lieu malsain qu’est leur demeure, où tout le mal du monde semble avoir pénétré. Il ne leur reste que deux possibilités. Soit une mort certaine, par l’omniprésence de leurs maux, soit la fuite. Et cette fuite, ne peut se faire que d’une seule manière. Par la route.

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La route

Prendre la route et fuir. C’est lorsque la tention au sein de leur propre maison devient insoutenable, que les personnages de films de David Lynch s’évadent de la prison qu’ils se sont créés, et partent à la recherche d’une vie meilleure.

/ Alvin Straight parcourant la route pour rendre visite à son frère . Une Histoire Vraie - 1999

La route est un lieu cher à Lynch, qui en utilise les codes dans la plupart de ses films. Source de fuite, elle peut devenir un refuge bien plus fort qu’un foyer. Cependant, elle peut être également un élément perturbateur fort : rendre visite à un être cher, être le lieu d’un tragique accident, devenir une source de bonheur, s’échapper... La route devient lieu à part entière, prend une forme complexe dans ces films, abrite les personnages qui s’y sentent plus en sécurité que dans leur propre maison. Peu importe le moyen de locomotion, peu importe s’il existe un habitacle, peu importe la vitesse, le temps, le lieu, le paysage... La route est un refuge, une redécouverte de soi-même. Qu’elle soit un moyen d’atteindre un but, physique ou moral, ou simplement une source de réflexion, elle est l’objet d’une fuite constante, mais impossible : celle de sa propre personne.

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La route

Lost Highway s’ouvre sur une longue séquence de route en accéléré. Contrairement à se que l’on pourrait pensé, le titre du film désigne non pas une route, mais un motel, dont nous expliqueront la complexité dans la partie consacrée au motel. Cette séquence novatrice est reprise dans de nombreux films de David Lynch, et insuffle à la route, une ambiance tout à fait particulière, étrange, et fantasmée. Chez David Lynch, la route n’est pas uniquement un moyen d’aller d’un point à un autre. C’est une aventure, une part de la vie des personnages. Tout comme la maison, il met les personnages, la route, le paysage, mais aussi le moyen de locomotion sur le même plan. Tout ces éléments sont un, et cette unité renferme une grande complexité. Chaque film contient une interprétation de la route mais en gardant une série de codes précis et et redondant, tout comme l’habitation. La route est avant tout un lieu, contenant plusieurs degrés d’intimité. Le paysage, tout d’abord, point fort de la route nous permet à la fois de nous situer, mais également de contempler. Dans Une Histoire Vraie (1999), Alvin Straight reçoit un coup de téléphone apprenant que son frère, qui habite dans l’état voisin est malade. Personne d’un grand âge, Alvin a des difficultés à voir, mais aussi à se déplacer, et désire cependant faire son voyage seul, et ne peux utiliser un autre moyen de transport que sa tondeuse à gazon. Le film tourne autour du périple d’Alvin pour aller rendre visite à son frère. David Lynch nous donne ici à voir le paysage de l’Iowa et du Wisconsin, de grandes étendues de champs, mais aussi les petites villes de l’Amérique profonde, et nous dresse à la fois un tableau synonyme de rêve américain, mais épris d’une grande mélancolie. Le voyage d’un vieil homme malade, usant de ses dernières forces pour rendre visite à une personne qui lui est chère. Les rencontres que fait Alvin ont autant d’importance que ces paysages, sereins, mais aussi complexes, reflets de l’âme en doute du personnage qui semble se demander sans cesse s’il parviendra à temps pour voir ce frère qu’il n’a pas vu depuis si longtemps. Le film se démarque également par le ton et l’ambiance. Ici, pas de difformité, de moments anxiogènes et apeurants. Juste une mélancolie lancinante, et une

/ Ouverture et fermeture du film . Lost Highway - 1987

/ La folie de Frank Booth exprimée par la vitesse . Blue Velvet - 1986

/ Le début de l’avanture d’Alvin . Une Histoire Vraie - 1999

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La route

douceur sans égale. Dès lors qu’Alvin apprend la nouvelle de la maladie de son frère, sa maison lui est insupportable. Et ce n’est que par un voyage initiatique qu’il parviendra enfin à être en paix avec lui même. Ce n’est pas le voyage qui fait le chemin mais le chemin qui fait le voyage.

/ Alvin apprend la nouvelle de l’accident de son frère . Une Histoire Vraie - 1999

Cependant, le paysage n’est pas toujours marqué, car il est objet de contemplation, et les personnages de David Lynch, ne sont jamais aussi sereins que l’est celui d’Une Histoire Vraie, et sont bien plus concentré sur l’élément même qu’est la route. Le deuxième degré est l’espace de circulation en lui-même. Lieu de vitesse, de liberté, mais aussi de tragiques accidents. La route est multiple. Dans Mulholland Drive, elle est le commencement de l’histoire, l’accident de Rita, l’élément déclencheur. Elle réapparait à la fin du film, lorsque Diane va à la réception traumatisante chez l’amant de sa compagne. Dans Une Histoire Vraie, elle est synonyme de rencontre : une femme désespérée d’assassiner des cerfs avec sa voiture, des cyclistes en pleine course, une jeune fille en fuite... Dans Lost Highway, elle est également très présente. Lorsque M. Eddy emmène Pete, son mécanicien, faire un tour dans son bolide, il choisi la Mulholland Drive, dont le film du même nom en fera sa renommée. Mais c’est la route mythique 66, où Fred tentera d’échapper à la police. C’est un symbole. Enfin, dans Sailor et Lula (1990), c’est leur moyen de fuir à la machiavélique mère de Lula, qui veut séparer les deux amants en lançant à leur poursuite, un assassin pour tuer Sailor. La route, pour eux, est une fuite sans relâche. Mais aussi un moyen de rapprochement pour le couple, où rien ne peux les atteindre. Des fuyards tentant d’échapper à la mère hystérique. Le troisième degré est celui de l’espace intérieur du véhicule. Car si le rythme est souvent effréné à l’extérieur de la voiture, il existe une relative lenteur à l’intérieur de l’habitacle. Ce qui relève encore une fois des différences que peut apporter David Lynch entre temps et vitesse dans ses films. Si la voiture de Monsieur Eddy (Lost Highway) va à une vitesse folle, le discours qui se tient à l’intérieur de la voiture est lui, très lent, très rationnel. Seul

/ Alvin rencontre une jeune femme hystèrique sur la route qui renverse contuellement et accidentellement des cerfs sur son chemin . Une Histoire Vraie - 1999

/ L’accident imaginaire de Rita au début du film . Mulholland Drive - 2001

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La route

Pete semble remarquer la vitesse à laquelle va la voiture. Et c’est seulement au moment où la voiture s’arrête et que les personnages sortent, que les personnages agissent à la même vitesse que le temps qui coule. Dans Sailor et Lula, quand Lula se rend compte qu’un accident a eu lieu et qu’il est nécessaire de s’arrêter, le sentiment de protection qui les habitait disparait au profit d’une grande peur. C’est lorsque la voiture s’arrête, que la vitesse se réduit, que les maux des personnages les rattrapent et les englobent à nouveau. Retourner dans la voiture devient une des principales préoccupations des personnages. Reprendre la route, où la vitesse les protège. Mais elle est également plus qu’un simple lieu de passage. Elle est également un lien sous-jacent entre les lieux. Dans les films de David Lynch, les lieux ne semblent pas avoir un lien direct et clair. Comme nous avons pu le voir avec la maison, les pièces ne semblent pas avoir une connexion précise entre elles, il est difficile de dessiner un plan de la maison où résident les personnages. A l’échelle urbaine, on assiste au même procédé. Entre les lieux où les personnages vont, il n’y a pas d’éléments précis. La route est anonyme, et il est impossible de dire la durée du voyage, les chemins qu’elle empreinte... On est dans l’incapacité de dire si la route est là comme éléments de transition, où comme une entité psychique à part dans l’esprit des personnages.

Car les personnages ne semblent pas avoir de but précis. Car le but n’est que prétexte, pour pouvoir s’échapper d’un lieu qui les étouffe. La route est fuite. Mais la fuite ne peut être infinie et il est nécessaire d’avoir un lieu de repos, un lieu qui englobe mais où la vitesse fait place à la lenteur et au calme, à l’assouvissement, à une pause salvatrice. Le motel.

/ Pete et Monsieur Eddy dans la voiture de ce dernier, sur la Mulholland Drive . Lost Highway - 1987

/ Sailor et Lula sur la route pour la Louisianne . Sailor et Lula - 1990

/ Albin sur la route, s’abrite de l’orage sous un porche, dont la forme évoque une maison . Une Histoire Vraie - 1999

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Le motel

Le motel est lieu de repos, accueillant les corps perdus, désemparés, comme en attente d’une vie meilleure. Il pallie à l’ambiance obsédante de la maison, qui agit comme une prison pour les personnages. David Lynch aime à répéter ce schéma régulièrement, comme si les personnages étaient en état d’attente perpétuelle.

/ Sailor et Lula dans un motel du Texas . Sailor et Lula - 1990

La chambre du motel est un état de pause dans l’histoire, dans la vie des personnages. Elle est le lieu du repos mais aussi des retrouvailles amoureuses. Le motel est un espace indéterminé, sorti tout droit du langage cinématographique et du paysage américain. Il est en retrait de la norme anxiogène dans lequel baignent les personnages lorsqu’ils se trouvent dans leur propre demeure. Il agit différemment de la maison car c’est un espace neutre, créé pour tous et personne à la fois.

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Le motel

Le motel, chez David Lynch, est un endroit en dehors de la normalité qu’il construit autour de ses personnages (même si le terme de norme est discutable). Un espace à part, dont la chambre renferme un monde à elle seule et qui permet aux personnages de s’échapper une nouvelle fois, à un environnement qui leur est insoutenable. Le motel, comme un lieu d’anonymat contemporain, est le lieu idéal pour jouir des désirs les plus inavouables. Lorsque Pete et Alice, dans Lost Highway, se retrouvent à différents motels, c’est pour donner fin à l’attente insoutenable que sépare leurs étreintes. Mais Pete, qui voit dans Alice, les réminiscences de sa vie passée, ne s’adonne qu’à des moments illusoires, dont l’esprit est hanté par les fantômes de son passé. On retrouve ici les empreintes des deux âmes perdues que sont Fred et Renee, désormais Pete et Alice. «You’ll never get me» s’exclame Alice tandis que Pete redevenu Fred, tente de s’accrocher à la dernière image de sa femme assassinée. Cependant, Pete s’accroche à ces entrevues, à ces motels miteux, que les deux amants hantent régulièrement, dans la plus grande intimité. Car ces rendezvous permettent à Pete de se raccrocher à un semblant de vie, lui qui ne s’en rappelle plus. Et c’est lorsqu’Alice annonce la phrase que Pete retombe, perd pied, et se noie dans.

/ Alice et Pete, dans un motel . Lost Highway - 1987

/ Adam Kesher, le réalisateur amant de la compagne de Diane, dans un motel délabré . Mulholland Drive - 2001

David Lynch insiste ici sur le côté illusoire de ces lieux. Les personnages aiment à se raconter des histoires, ils rêvent et s’imaginent une vie meilleure. Le motel a également ce côté malsain de lieu de perversion, où les amants se retrouvent enfermés dans un lieu restreint et où les désirs s’assouvissent dans la plus grande discrétion. Lynch aime à représenter ces motels dans une grande insalubrité, où la peinture s’effrite, où les nuisibles prolifèrent, et où les draps sont sales. L’envers du décor de la maison : la chambre du motel est aussi souillée, que la maison semble immaculée. Et pourtant, psychiquement, les personnages semblent plus sains, plus en paix avec eux même car confinés dans cet espace restreint qui les rassure, mais qui leur fait peur aussi. Les motels apparaissent comme un trait de caractère et de richesse. Lorsque

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Le motel

Pete et Alice se retrouvent dans un motel, il est standard, sans chic apparent, mais tout de même assez propre. On peut s’imaginer que Pete, même s’il ne possède pas beaucoup d’argent cherche à impressionner la belle femme qu’est Alice, qu’il tient à la garder par dessus tout. Dans Mulholland Drive, lorsque Diane imagine la vie de l’amant de sa compagne Camilla Rhodes, elle l’imagine en raté, trompé par sa femme, chassé de sa maison et forcé à habiter un motel des plus déplorable. Enfin, Sailor et Lula, eux, complètements déconnectés de la réalité, louent à chaque fois la chambre la plus proche, car peu leur importe là où ils habitent, tant qu’ils sont ensemble et heureux.

/ Lula et Bobby Peru dans la chambre d’un motel isolé . Sailor et Lula - 1990

Transgresser les règles, comme le fait le cinéma de David Lynch, est le principal attrait de ces personnages qui prennent ces lieux chargés de souvenirs, d’émotions, de fantasmes, d’incertitudes entremêlés. Car ce huis clos permanent fait de la chambre d’hôtel, à la fois un espace étouffant, mais aussi un rapprochement avec l’autre : deux personnes face au monde. Une plus grande intimité entre les personnages qui se posent comme une seule et même personne. Car dans un lieu qui nous est inconnus, toutes les rencontres avec d’autres personnes ne sont que des attaques répétées contre l’intimité des personnages. Le temps agit également de façon différente dans la chambre du motel. C’est tout d’abord une pause dans le voyage mais aussi dans l’histoire. Le temps suspend son vol, et s’arrête le temps d’un repos salvateur. Il permet au personnage d’être à l’abri un cours instant. Mais c’est également une succession de temporalité. La chambre du motel fait ressortir tout les souvenirs qui ont hantés la chambre : des trous dans des murs, des marques sur le rebords d’une porte, des élément abimés... Les personnages eux-mêmes ressentent ce lieu qui fut habité par tant de personnes auparavant. Mais c’est aussi une réminiscence de leurs propres souvenirs. Les deux amants de Sailor et Lula, qui ne se sont plus vu pendant les années de Sailor en prison, se rappellent leurs souvenirs d’avant son incarcération, se remémorent leurs fautes. Ils font également de mauvaises rencontres : lorsque Lula reçoit la visite de Bobby Peru dans sa chambre, celui-ci lui fait des avances appuyées et dérangeantes, ce qui met à la fois Lula et les spectateurs dans le plus grand

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Le motel

malaise. Celle-ci, choquée de n’avoir aucunement agit pour faire partir Bobby, développe une crise de nerfs qui change totalement l’ambiance de la chambre : celle-ci a été pervertie, et l’amour qu’elle et Sailor partageaient dans cette chambre ne sera plus jamais le même.

/ Diane commencant à réver sous les draps . Mulholland Drive - 2001

En effet, les protagonistes, lorsqu’ils sont dans la chambre du motel, sont encore noyés dans les illusions qu’a créé la vitesse sur la route. Mais c’est au moment fatidique de la révélation, quand ils se rendent compte qui leur est impossible de s’échapper de cet univers étouffant, qu’ils perdent le contrôle.

Le motel chez David Lynch est à la fois une image de l’éphémère, le symbole d’une période de transition, voire une transformation de la personnalité ou encore une perte d’identité. La chambre du motel est donc à la fois représentatrive d’un repos physique, moral, et du désir charnel, mais est également le lieu de l’attente d’une nouvelle fuite. Car elle est trop lourde de sens, trop symbolique, et trop sources de souvenirs impétueux et de problèmes extérieurs. Mais comment s’échappe-t-on d’un lieu déjà synonyme de d’échappatoire? Comment peut-on partir du point de non-retour? Les personnages ne sont pas encore dans un repos psychologique extrême, et la limite avec la folie est encore mince. Et c’est lorsque l’on ne peut plus s’échapper du mal qui nous ronge, que l’on se rend compte que le problème est devenu inhérent à nous même. Les personnages, en attente pendant tout le film sont dans l’anticipation d’une échappée finale. Une échappée psychologique, là où personne ne peut nous atteindre, ou presque.

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La scène de théâtre

La scène de théâtre chez David Lynch, relève d’un schéma extrêmemement classique. A l’opposé des espaces dénaturés que le réalisateur nous donne d’habitude à voir, la scène de théâtre repose sur un imaginaire très simple et très efficace : des rideaux rouges, des planches en bois, une scène arrondi, un parterre de fauteuils, presque toujours vides. La seule chose se démarquant de cet ensemble à l’aspect traditionnel, est bel est bien ce qui se passe sur la scène. Personnages difformes, interprétations étranges, objets surréalistes, c’est là où l’on retrouve l’imaginaire de David Lynch.

/ Renee ouvrant l’enveloppe énigmatique . Lost Highway - 1997

Cependant, l’action qui se déroule sur la scène n’est pas laissée au hasard et contient une multitude d’informations qui ajoutent encore une nouvelle dimension au film, mais aussi une autre couche de compréhension à l’histoire. Imaginée ou concrète, la scène est l’échappée ultime des personnages qu’ils s’y trouvent dessus où bien qu’ils la contemplent.

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La scène de théâtre

Il est nécessaire de distinguer deux types de représentation de la scène de théâtre dans les films de David Lynch. Tout d’abord, la scène concrète et réelle, dont l’action se produit vraiment. C’est le cas de Blue Velvet, lorsque Dorothy chante sur scène, ou encore celui de Lost Highway, lorsque Fred joue sur saxophone avec son groupe de musique. Pour la première, cette représentation d’elle même lui permet à la fois de construire un personnages de femme fatale et inatteignable, qui fascine complètement Jeffrey, le personnage principal, mais également d’exprimer sa douleur de la perte de son enfant et de son mari. Chanter lui permet d’être dans son élément : «I love to sing Blue Velvet», dit-elle. C’est l’unique chanson qu’elle chante au cabaret qui l’emploie mais aussi une référence à l’ensemble du film, à la longue robe en velours bleu qu’elle porte. Cette performance lui permet de s’échapper au plus loin, d’être reconnue et appréciée, intouchables par les personnes qui la font chanter, enfin maître de sa vie. C’est l’unique moment où elle se sent à l’aise avec elle même, où elle s’accepte, même si elle fait preuve de beaucoup de mélancolie. En revanche, c’est une façon pour Fred de faire exploser toute sa colère, toute sa haine, d’oublier toute inquiétude. Contrairement à Dorothy, dont les paroles lancinantes apaisent, Fred joue un jazz effréné et rythmé, dans une ambiance survoltée. Il ne peut s’échapper de la colère qui le ronge, se produire sur scène ne l’apaise pas et le conduira au meurtre effroyable de sa femme Renee dont il en regrettera tous les détails pendant le film. Sa jalousie prendra, tout au long du film les traits de l’Homme Mystère, personnage emblématique et dérangeant.

/ Dorothy chantant sur scène . Blue Velvet - 1986

/ Fred jouant du saxophone sur scène . Lost Highway - 1987

Les personnages, toujours dans cette idée de fuite, essayent d’utiliser la scène comme un ultime moyen d’évasion, mais sont contraints par les limites physiques qu’elle propose. David Lynch semblent également dans cette frustration, et tente de trouver un palliatif à ces limites physiques. C’est pourquoi la scène prend également un autre sens de lecture et casse ces barrières physiques pour prendre le pas sur une scène imaginée. Lorsque la fuite ne peut prendre de fin, lorsque les personnages sont arrivés au

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La scène de théâtre

bout de leur évasion physique, il n’y a plus de choix, plus de possibilités. Mais pour pouvoir s’évader vraiment, ils tombent dans une solution névrotique, voire schizophrénique et tentent de s’échapper mentalement. C’est ainsi que la scène de théâtre acquiert une force en devenant imaginaire. C’est l’étape finale de la fuite. David Lynch use de cette technique pour insérer des éléments de compréhension, à la fois pour le spectateur, mais également pour le personnage. En effet, il va avoir recours à plusieurs systèmes. Soit par indice, en contenant des éléments qui vont résoudre les problèmes qui se posent au personnage qui va devoir trouver la clé de l’intrigue. «There’s no orchestra, everything is an illusion» déclame le présentateur sur la scène du Silencio dans Mulholland Drive ce qui nous donne pour indice que nous sommes dans le rêve de Diane. Rien n’est réel, tout est enregistré. En effet, tout les personnages qui apparaissent dans le rêve de Diane sont des personnes qu’elle connait, mais qui revêtent des rôles différents : c’est une déformation du réel. Soit par une échappée psychique, car le monde dans lequel vit le personnage est trop oppressant pour lui, et il a le besoin de s’évader au travers d’un monde absurde. La Fée du Radiateur dans Eraserhead, prend les traits d’un personnages complètement difforme : une jeune femme blonde, dont le style est empreint de celui de l’époque, revêt cependant une déformation au niveau des joues. Elle est issue de l’imaginaire de Henry, qui s’ennuie et tente de s’évader à travers son imagination. Cependant, il succombe et tombe dans son propre rêve, où il s’enferme comme un refuge. La bizzarrerie de son quotidien est autrement plus forte que dans son rêve. Mais il est cependant évident qu’une simple fuite psychologique n’est pas suffisante pour se sentir à nouveau bien. Les personnages, qui toujours essayeront de partir de leurs conditions, sont sans cesse rattrapés par un malaise constant. Ils désirent au plus profond d’eux même de s’enfuir d’une réalité qui leur échappe, en se figurant un espace abstrait et neutre, où chacun peut décider de ce qu’il est. Cependant, cela reste très frustrant et aucun personnage ne s’accommode de cette pâle copie de liberté.

/ La scène de théâtre du Silencio . Mulholland Drive - 2001

/ La fée du radiateur . Eraserhead - 1977

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La scène de théâtre

Le ruban de Moebius que crée David Lynch reprend place à ce moment là : car la scène de théâtre est un lieu de représentation de soi-même et où chacun à un rôle à jouer.

/ L’intérieur froid et démodé des Madison . Lost Highway - 1997

Ne peut-on pas faire un parallèle à la maison? Là où tout le monde à sa place, qu’il doit respecter et obéir. David Lynch se plait à tuer le rêve américain de l’intérieur, et ce, dans tout les sens du terme. Un intérieur dépouillé, surréaliste dans son immaculation, sans défaut, comme un plateau télévisé où rien ne doit transparaître. Jusqu’à ce que les personnages ne puissent plus contenir leurs émotions et qu’il décide de s’enfuir de cet univers qui les étouffe. La maison revêt l’aspect d’une pièce de théâtre en trois actes : la normalité anxiogène, l’élément déclencheur qui vient perturber l’ensemble, et l’explosion totale de l’ordre établi.

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Chaque film de Lynch prend la forme d’un mystère. Un mystère que l’on est tenté de résoudre, car c’est un jeu auquel nous avons été habitué depuis toujours. Cependant, au moment où la tension est la plus forte, l’histoire prend une tournure bien différente, et nous empêche de comprendre l’exact sens du dénouement. Car les films de David Lynch n’ont pas pour but d’être résolu, car se sont des ballades. Des paysages psychiques, et où réalité et imaginaire semblent fusionner pour donner un seul et même élément. Le mystère n’est là que pour donner les bases d’une histoire à suivre, et dont l’intrigue nous hante. Le réalisateur use de ce procédé pour contraindre le spectateur à contempler ses « moving pictures »1, fresques mentales dont l’abstraction ne tombe jamais dans la confusion.

« Mystery is good, confusion is bad, and there’s a big difference between the two. I don’t like talking about things too much because unless you’re a poet, when you talk about it, a big thing becomes smaller. But the clues are all there for a correct interpretation. » 2 « Le mystère est bon, la confusion est mauvaise, et il y a une grande différence entre les deux. Je n’aime pas trop parler car à moins d’être un poète, quand vous en parler, les grandes choses deviennent plus petites. Mais les indices sont là pour une bonne interprétation. » David Lynch parvient à conserver le mystère sans apporter une trop grande confusion qui éloignerait le spectateur. Le mystère n’est que prétexte pour conserver l’intérêt avant de le désacraliser et de le faire imploser. Mais un des traits les plus caractéristiques de ces films, et la peur qu’ils inspirent : anxiogènes, étouffants, fantasmagoriques, tragiques... Une peur hors du commun, qui ne peut se placer ni dans le registre de l’horreur, ni dans le registre du fantastique, en en gardant pourtant les codes. Tout est effrayant et les choses les plus simples et les plus banales sont teintées d’une étrangeté non dissimulée. La peur qu’inspire les films de David Lynch évoque les milliers de mètres sous l’océan lorsque nous nageons à la surface :


Conclusion

un sentiment d’inquiétude exagérée, par la peur de l’inconnu.3 Et c’est en ça que les intérieurs chez David Lynch sont si inquiétants : nous sommes submergés et inquiétés par quelque choses qui nous est inconnus. Des pièces sont avortés, des fenêtres sont murées, des sons étranges et inexplicables apparaissent aux moments les plus improbables… La peur de l’inconnu, de l’absurde. Les intérieurs sont des labyrinthes complexes qui se confondent avec la psychologie des personnages et les objets en accentuent l’absurdité. Il joue sur les ambivalences et sur les opposés, entre le bien et le mal, entre le rêve et la réalité. Alors que le premier présente des univers bien distinct, le deuxième puise dans un mélange des deux et les rend indissociables. On retrouve à nouveau cette surface lisse et imperturbable qui cache la pire des réalités. Pourquoi, alors que nous sommes au courant de ces artifices, ne sommes nous pas capables de nous enfuir de cette atmosphère pesante ? Les films de David Lynch ne suscite pas la même peur que celle des films d’horreur qui ne constituent qu’un simple effroi. Il prend cette peur et lui ajoute une part d’intimité forte qui nous amène à croire que les personnages, les lieux, les situations sont quelque chose que nous connaissons. En mélangeant à la fois peur de l’inconnu, et éléments connus, nous sommes plongés dans une ambivalence qui va au delà de la simple peur. C’est cette impression de connu qui va plus loin qu’on le pense qui nous plonge dans cet effroi. En d’autre terme, le mystère vient de la chose que l’on pense bien connaître, et qui amène le spectateur à lui faire face à quelque chose de fantastique. Amener une part d’irréel dans une ambiance à laquelle on pense être habituée, amène le spectateur tant habitué à un rationalisme fort, à être perdu dans quelque chose qu’il ne comprend plus. Et être confronté à un mystère dont on ne nous donne pas les clés est d’autant plus dérangeant. David Lynch présente sur le même plan la réalité et la fiction, l’irréel comme

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Conclusion

même valeur du réel. Et les espaces dans ses films reflètent cette confusion. La maison, la route, le motel et la scène de théâtre apparaissent à la fois dans le rêve et dans la réalité et les indices concernant cette distinction sont suffisamment subtils pour que nous soyons dans une apparente confusion.

/ L’intérieur confiné et étrange de la famille X . Eraserhead - 1977

Les espaces sont présentés comme un mystère dans les codes lynchiens. Jamais entièrement dévoilés, très personnels, ils se rapprochent de l’image qu’on peut se faire de la maison typiquement américaine. Ils font appel aux souvenirs et aux codes cinématographiques inscrits au plus profond de notre inconscient artistique. Cependant, Lynch joue de ces codes, les transperce et les déforme, afin de créer une peur inconsciente dans notre être. Cette peur se caractérise par une envie de fuite constante, tout comme celle des personnages. En passant de l’endroit le plus rassurant au plus tumultueux, mais en augmentant le sentiment de confiance, il renverse l’intégralité des codes préétablis, nous plongeant dans un doute constant. L’impossible échappatoire des espaces du film accentue l’ambiance de peur qu’on ressent et qui est déjà mise en place grâce au son, à la lumière, au personnage, à la temporalité, et aux décors.

C’est une fuite désirée au plus profond de nous mais impossible, car inhérent à nous même. Il est impossible de s’échapper de sa propre personne, comme il est impossible d’échapper à l’ambiance des films de Lynch, qui nous met face à notre plus grande peurs : nous même.

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Bibliographie

livres ......................................................................................................... . Simond C. (2009) « Cinéma et architecture : La relève de l’art ». Lyon : Aléas Editeur. . Astic G. (2005) « Lost Highway : en instantanés ». Paris : MK2 S.A. 2 . Lynch dans Chris Rodley (ed.), Lynch on Lynch, new York : Faber and Faber. (1997) p. 227 magazines ................................................................................................ . Lynch D. Entretien par Serge Kaganski et Jean-Marc Lalanne. « Œil de Lynch». Les inrockuptibles. (2011) No. 830, p.32 DVDs ......................................................................................................... . Lynch D. « Eraserhead ». Film DVD. (1977) Etats-Unis . Lynch D. « Blue velvet ». Film DVD (1986) Etats-Unis - France . Lynch D. « Sailor et Lula ». Film DVD. (1990) Etats-Unis . Lynch D. « Lost Highway ». Film DVD. (1997) Etats-Unis . Lynch D. « Mulholland Drive ». Film DVD. (2001) Etats-Unis - France Sites internet ............................................................................................. . Silencio (F75 – 002). http://www.silencio-club.com/fr/ . Movies in Color. http://www.moviesincolor.com 1 . Implications Philospohiques. - «Les Mystères de David Lynch : I . Moving Pictures» http://www. http://www.implications-philosophiques. org/semaines-thematiques/figures-de-realisateurs/les-mysteres-dedavid-lynch-i/ 3 . Implications Philospohiques. - «Les Mystères de David Lynch : II . Un Type Particulier de Peur» http://www.implications-philosophiques.org/ semaines-thematiques/figures-de-realisateurs/les-mysteres-de-davidlynch-ii-un-type-particulier-de-peur/ . Senses of Cinema. http://sensesofcinema.com/2012/book-reviews/ designs-for-life-david-lynch-by-justus-nieland/

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