Saint-Mandé info 161

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Connaissez-vous… Jean Moréas ?

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l y a 100 ans, le samedi 30 avril 1910, disparaissait dans sa chambre de la «Villa des roses», une maison de santé de la Chaussée de l’Etang à Saint-Mandé, Ioannis Papadiamantopoulos dit Jean Moréas, poète symboliste grec d’expression française né cinquante-quatre ans plus tôt à Athènes. Fatigué par son travail et une vie déréglée de célibataire, client assidu des cafés, c’est là que le poète s’était installé pour trouver calme et repos.

ssu de deux grandes familles grecques, fils de magistrat, Ioannis Papadiamantopoulos reçoit une éducation française et vient à Paris en 1875 pour y faire ses études de droit. Il fréquente alors les cercles littéraires dont les Hydropathes qui fut lʼun des plus importants tant par sa durée que par les artistes qui y participèrent. Après un bref retour en Grèce, Ioannis Papadiamantopoulos se fixe définitivement à Paris vers 1880. Quelques années plus tard, il

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publie sous le pseudonyme de Jean Moréas ses premiers recueils poétiques, Les Syrtes en 1884 et Cantilènes en 1886. Dʼinspiration verlainienne, ces deux recueils se veulent la concrétisation dʼun nouveau style «symboliste» quʼentend revendiquer leur auteur. À ce titre Jean Moréas rejette en effet «lʼésotérisme de la poésie décadente» ainsi que «lʼambiguïté de lʼépithète». Il développe cette conception dans le célèbre «Manifeste littéraire» quʼil publie dans le supplément littéraire du Figaro paru le 18 septembre 1886. Une réflexion qui se veut lʼélément fondateur du mouvement symboliste qui entend rompre tant avec le décadentisme quʼavec le Parnasse. Jean Moréas prône ainsi un assouplissement du vers et de la rime, et un renoncement au réalisme. Par leur musicalité, les mots doivent suggérer les idées et non plus les affirmer... Le 1er octobre 1886, Jean Moréas fonde avec Paul Adam et Gustave Kahn la revue Le Symboliste entièrement dédiée à ce nouveau courant littéraire. Cʼest lʼépoque où Moréas cherche à passer de la théorie à la pratique avec la sortie en 1886 de son premier grand roman symboliste Les Demoiselles Goubert écrit en collaboration avec Paul Adam. Le livre connaît un échec retentissant ! Quʼimporte pour Jean Moréas qui publie quelques années plus tard un recueil de poésie intitulé Le Pèlerin passionné. Cette fois, lʼouvrage suscite une… indifférence polie. Approfondissant sa quête esthétique, il se détourne du symbolisme pour fonder en 1892 lʼEcole romane. Il sʼagit pour Moréas dʼopposer un idéal méditerranéen et néo-classique de beauté, dʼordre et de lumière à ce quʼil estime être «les demiteintes un peu brumeuses et confuses d'un symbolisme inspiré par les climats du Nord». Son recueil le plus célèbre Stances paru en 1899 illustre

La culture

cette nouvelle ambition avec plus de bonheur que les œuvres antérieures, dans une langue dʼune pureté classique qui nʼest pas sans rappeler André Chénier. Au final, si le succès de lʼÉcole romane (qui compta dans ses rangs quelques poètes proches du Félibrige de Frédéric Mistral comme Charles Maurras, Frédéric Amouretti, Ernest Raynaud, Maurice du Plessys, Raymond de La Tailhède, Lionel des Rieux) fut assez limité, les spécialistes reconnaissent que Jean Moréas et ses amis ont proposé une solution audacieuse pour sortir des excès du symbolisme qui se tournait de plus en plus vers les thèmes de la névrose, de la décadence et de la mort. Quant au symbolisme il demeurera vivace jusque dans les premières années du vingtième

siècle et quelques-unes de ses tendances seront prolongées par le surréalisme. Jean Moréas repose dans la 89e division du cimetière du Père-Lachaise, non loin dʼune autre figure emblématique de lʼhistoire artistique saint-mandéenne, Georges Courteline.


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