La Russie d'Aujourd'hui

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Produit de Russia Beyond the Headlines

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Tiksi, ou la beauté retrouvée de l’Arctique La photographe Evgenia Arbugaeva expose à Paris les glaces de sa ville natale. P. 7

L’indépendance en jeu à Kiev Dans un pays partagé, les pro-européens restent mobilisés contre le rejet de l’accord avec l’UE.

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The New York Times, The Economic Times et d’autres grands quotidiens internationaux

P. 2 AP

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 18 décembre 2013

Les rendez-vous magiques de l’hiver russe

Nous avons sélectionné sept destinations offrant une variété d’activités hivernales dans la beauté virginale de la nature septentrionale : de l’Anneau d’or en troïka à l’héliski dans le lointain Kamtchatka, en passant par l’insolite de l’Oural et du lac Baïkal. RENDEZ-VOUS EN PAGE 3

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Logement La cherté du crédit et l’insuffisance des aides de l’État handicapent les Russes

RÉTROSPECTIVE RIA NOVOSTI

L’accession à la propriété souvent hors de portée Un tiers des Russes de moins de 45 ans vivent chez leurs parents. L’accès à l’indépendance immobilière est entravé par le taux élevé des hypothèques et le déficit de l’offre. MARIA KARNAOUKH POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

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Hériter est évidemment le moyen le plus simple de devenir propriétaire de son logement. Il s’agira peut-être de l’appartement récemment libéré par un proche, ou bien du domicile parental dont on a décidé de « se

Le rêve des jeunes ménages.

séparer » pour quelque chose de plus modeste ou de plus éloigné. Selon l’agence immobilière Metrioum-Group, la somme nécessaire à l’achat d’un appartement particulier à Moscou s’élève au minimum à 83 000 euros. Avec cette somme, il est possible d’acquérir un logement neuf de 38,8 mètres carrés en périphérie de la ville. Selon Maria Litinetskaïa, directrice de Metrioum-Group, le sud et le sud-ouest de Moscou sont les endroits qui connaissent aujourd’hui la plus forte activité immobilière. Les logements

déjà meublés sont, eux, plus onéreux : d’après un analyste de l’agence Income-Immobilier, pour un cagibi de 20 m2 en périphérie, vous devrez débourser 77 000 euros. Les coûts sont deux fois moins élevés en banlieue : au lieu des 3 000 euros au m2, il est possible d’y trouver des prix tournant autour de 1 500 euros. Cependant, ces tarifs plus modestes s’accompagnent des fameux embouteillages moscovites... Problème majeur des habitations situées hors de la ville : l’accessibilité. Les prix sont encore plus bas en province. Ainsi, pour 31 000 euros, il est possible d’acheter un studio neuf à Ekaterinbourg, tandis qu’à Kazan, on vous en demandera 37 000 euros. SUITE EN PAGE 4

À lire sur notre site Web La Dentelle de Vologda : entre mythe et modernité larussiedaujourdhui.fr/27031

LES IMAGES FORTES DE 2013 MIROIR DE L’ANNÉE EN RUSSIE

Reflet en photos des événements, grands ou petits, qui ont marqué l’année 2013 en Russie : Miss Univers à Moscou, l’affaire Snowden, la visite de François Hollande, le parcours de la flamme olympique... À PARCOURIR EN PAGE 8

Rendezvous

Les souliers rouges de l’Holocauste larussiedaujourdhui.fr/26175

en 2014


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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO

Politique & Société

Ukraine Le pays reste géographiquement et politiquement partagé entre une partie proche de l’Europe, l’autre de la Russie et le centre du pays, où le nationalisme ukrainien est fort, sont majoritairement solidaires de la contestation, contrairement à l’est et au sud russophones, traditionnellement tournés vers la Russie. Or, les habitants du sudest sont loin de se mobiliser pour défendre Ianoukovitch. « L’opposition est peu active dans ces territoires, fief électoral du Parti des régions ; elle travaille peu avec l’électorat local », commente le politologue Evgueny Magda. Ensuite, « Ianoukovtich a vraiment déçu son électorat, explique un autre politologue, Roman Travin. Les relations avec la Russie ne sont pas idéales, le niveau de vie ne cesse de chuter, le président n’a pas tenu sa promesse électorale d’accorder le statut de langue nationale au russe ». Or l’Ukraine de l’est a son mot à dire, ne serait-ce que parce que cette moitié du pays nourrit l’autre (la région industrielle de Donetsk représente à elle seule un quart du budget national). En cas d’accord avec l’UE, la rupture des relations économiques avec la Russie sonnerait le glas d’un grand nombre de partenariats industriels vitaux pour les domaines d’excellence ukrainiens (aéronautique, chimie, métallurgie, nucléaire, défense). Mais selon toute vraisemblance, l’Ukraine n’a pas encore choisi, d’autant plus que la situation est un peu plus complexe qu’un choix entre les normes légales et la nourriture. L’ouest et l’est ont des visions totalement différentes de l’avenir du pays et de son orientation politique. Cette scission est profondément ancrée dans l’histoire. L’Ukraine n’existe dans ses frontières actuelles que depuis 20 ans. C’est un État « bricolé » par les bolcheviks à partir d’un territoire oriental russophone assujetti à la Russie, et d’une partie occidentale ratta-

L’indépendance se joue-t-elle sur le Maïdan ? À Kiev, des dizaines de milliers de personnes ont envahi la place de l’Indépendance, le « Maïdan ». Le centre de la capitale a vu se dresser des barricades de fer et de glace.

AP

Kiev est en proie à des manifestations massives contre la volteface du pouvoir, qui a tourné le dos à l’Europe et est aujourd’hui victime de sa précédente campagne pro-européenne. NIKA GUITINE LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le mouvement, plutôt estudiantin au départ, amorcé au moment où le Président Ianoukovitch a refusé de signer le traité d’association avec l’Union européenne fin novembre, a pris de l’envergure après une intervention vio-

lente des forces anti-émeutes, pour devenir une contestation ouverte du régime de Viktor Ianoukovtich, un cri de colère contre l’arbitraire du pouvoir. Selon un sondage de l’Institut Gorshenin, 37,9% des manifestants exigent la démission du chef de l’ État et de son gouvernement, 29,1% veulent l’intégration à l’UE, tandis que 28,2% jugent que le soutien à la contestation est un devoir citoyen. Le député du parti d’opposition Oudar, Sergei Kapline, explique la position des manifes-

tants : « La signature de l’accord d’association, ce n’est pas un choix entre l’Europe et la Russie. C’est une question de survie pour l’État. Nous sommes noyés dans la corruption, nous avons des problèmes à l’échelle étatique. La seule solution que je voie, c’est la mise en place de nouvelles normes légales, celles des pays européens. Le peuple ne fait plus confiance au président ». Mais la situation ne paraît pas aussi simple, et le choix du rapprochement avec l’Europe comporte aussi des

risques pour la stabilité de l’Ukraine. Tout d’abord, il n’existe pas, aujourd’hui, de consensus national sur les manifestations dans la capitale. Comme le montrent plusieurs sondages, l’intégration dans l’UE n’est pas revendiquée par une majorité absolue de la population, mais seulement 46% des Ukrainiens. La contestation à Kiev est soutenue par 49% des répondants, tandis que 45% se sont exprimés contre. Les divergences dans l’opinion reflètent celles de la géographie : l’ouest

Mémoire La France salue un vétéran russe

ENTRETIEN AVEC CHARLES GOUT

Hommage à ces héros cachés de la bataille du ciel

TAMARA CHAROVA POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Valentin Ogourtsov fait remarquer qu’il est sûrement le seul Chevalier de la Légion d’honneur à Iaroslavl. Le vétéran de l’escadron Normandie-Niemen a été décoré à 86 ans, le 10 décembre dernier au musée d’histoire de sa ville, 68 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il a aussi reçu la Médaille d’or de la Renaissance française, une organisation culturelle fondée en 1916 par le Président Poincaré. L’homme nous a ouvert sa porte. Valentin Ogourtsov se met en quatre et offre de multiples petits pâtés que sa femme Olga vient de préparer, ou du miel récolté par leurs soins – il a hérité des dons d’apiculteur de son père. « Ne soyez pas gênée, tout est désinfecté ! », plaisante Olga.Valentin, Olga et leur fils Alexandre sont tous trois médecins.

Valentin a rejoint le front comme engagé volontaire à 17 ans. Après avoir suivi des cours pour devenir mécanicien en aéronautique à Ivanovo, où il étudia les avions américains Airacobra, il a été envoyé dans le premier régiment français autonome d’avions de chasse, « Normandie ». Il y a servi comme mécanicien de la 2ème escadrille, responsable de l’état technique des avions Yak9T et Yak-3. Le vétéran se souvient que les mécaniciens s’adressaient aux pilotes en leur disant « Mon Capitaine », mais il n’a pas appris le français. Les échanges se faisaient grâce à un interprète – un émigrant russe. Valentin explique que « les appareils étaient réparés à proprement parler avec des pièces récupérées. Souvent, les mécaniciens ne dormaient pas deux nuits de suite – il n’était possible de réparer les avions de jour que pendant les accalmies. Le plus dur était l’hiver. Lorsqu’il gelait, l’avion était couvert d’une toile, un petit poêle posé à côté, et le fuselage et les ailes étaient « rapiécés » à la main, en dévissant et vissant de multiples boulons. Les pilotes

« Les jeunes osent plus » qu’à l’Ouest SERVICE DE PRESSE

En marge d’une exposition consacrée aux 70 ans du régiment Normandie-Niemen, l’un des mécaniciens qui le composaient, Valentin Ogourtsov, a été décoré de la Légion d’honneur.

chée pendant des siècles à l’Autriche ou à la Pologne. Ces moitiés ont donc une perception différente des archétypes et de l’histoire de la nation. L’indépendance acquise, les dirigeants ukrainiens étaient parfaitement conscients du risque de schisme, sans parvenir à rassembler les deux parties du pays sur des thèmes et des centres d’intérêts communs. Ianoukovitch avait choisi, pensait-il, la voie simple, en substituant à l’idée nationale une dimension supranationale. L’intégration dans l’UE est ainsi devenue la raison d’être de l’État ukrainien, le pouvoir l’ayant imposée comme une panacée à tous les maux. Les Ukrainiens ont fini par croire qu’il suffisait de tenir jusque là et que tout irait bien ensuite, grâce à l’instauration de « nouvelles normes légales, celles des pays européens », et à l’aide financière européenne. De son côté, l’Europe refuse de verser des milliards d’euros pour sauver l’économie ukrainienne. « Les contribuables européens ne sont pas enchantés par la perspective de payer pour les méfaits et la corruption de l’élite de Kiev », écrit l’ancien conseiller à la sécurité nationale du président américain Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinski. La volte-face de Ianoukovitch l’a aussitôt exposé aux résultats de sa campagne en faveur de l’Europe : flouée, la population est descendue dans la rue. Le président ukrainien tente aujourd’hui de calmer les pro-européens en se disant prêt à reprendre les pourparlers avec l’UE. Mais les pressions exercées désormais sur lui par les dirigeants occidentaux, leurs menaces de sanctions et leur soutien ouvert aux manifestants mettent en péril l’établissement d’un consensus national dont l’absence brouille les cartes.

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Valentin Ogourtsov (au centre) à la remise de sa Légion d’honneur.

savaient qu’ils pouvaient s’appuyer sur leurs mécaniciens, qu’ils appelaient leurs « anges gardiens ». Et nous respections beaucoup les Français, c’étaient des gens très courageux, prêts à affronter la mort pour notre patrie. Seulement un sur deux a survécu jusqu’à la Victoire ».

« J’ai sans doute eu ma dose de sang et de souffrance », dit celui qui a ensuite voulu soigner ses semblables Yves Mourier, premier pilote de l’avion Yak-3 n° 16, dont Valentin était le mécanicien, avait été nommé commandant de la 2ème escadrille « Le Havre ». Il a à son compte neuf avions « fascistes » abattus. Il dut quitter le front à cause d’une maladie qu’il tint cachée tant qu’il le put. Le second pilote de l’avion, Georges Henry, sous-lieutenant

de 25 ans, a 5 avions ennemis à son palmarès, dont celui d’un as allemand de l’aviation, qui avait quant à lui abattu 174 appareils. « Il voulait tellement l’annoncer au commandement qu’il est parti en courant vers le poste radio sans faire attention au pilonnage, se souvientValentin. J’ai tenté de le retenir, mais il m’a échappé. Quelques secondes après, Henry a été mortellement blessé par un éclat d’obus ». Le vétéran russe pouvait en une seule nuit remettre un avion en état. Il connaissait en détail la fabrication des chasseurs soviétiques Yak et des américains Airacobra. Son service dans le régiment Normandie-Niémen lui valut plusieurs médailles. Démobilisé en 1951, Valentin Ogourtsov est entré à l’Institut médical puis a travaillé toute sa vie comme chirurgien-gynécologue : « J’ai sans doute eu ma dose de sang et de souffrance à la guerre. Je voulais soigner les gens, les aider à lutter pour la vie ».

En affaires, les jeunes Russes prennent plus de risques que leurs homologues occidentaux, juge Charles Gout qui, à 26 ans, a trouvé un tremplin professionnel à Moscou : trois ans après son arrivée, ce recruteur et développeur d’affaires franco-italien, directeur du développement chez Injob Russie, gagne près de cinq fois le SMIC français. Dans quelles circonstances êtesvous venu en Russie ? Je sortais en 2011 d’un stage de deux mois chez Michael Page [un cabinet de recrutement] à Milan. On m’a proposé Moscou où j’ai mené pendant deux ans une activité commerciale et des entretiens de recrutement. Puis j’ai été engagé par une start-up italienne. L’idée de lancer une startup représentait un sacré défi. La maîtrise du russe est-elle nécessaire dans votre profession ? Ce n’est pas un handicap professionnellement, mais le russe représente une forte valeur ajoutée. Je suis des cours de russe. Je baragouine, mais ma langue de travail, c’est l’anglais. Parlez-nous de votre marché. Ici faut être très patient, tenace et ne pas hésiter à frapper à toutes les portes, à relancer 15

ARCHIVES PERSONNELLES

fois un client. La tendance est désormais de recruter localement plutôt que des expatriés en raison du coût très lourd de ces derniers pour les entreprises. En outre, la Russie a établi des quotas stricts sur les employés étrangers. Un des gros problèmes, c’est la rotation rapide du personnel. Les jeunes osent et bougent beaucoup plus qu’en Occident. C’est parce que le chômage est très bas ici. Il est du coup très difficile pour une société de retenir les talents. Le dynamisme du marché fait que la jeune génération a tendance à se surestimer. Les Russes ne réalisent pas la chance qu’ils ont ! Propos recueillis par Paul Duvernet

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, NAVBHARAT TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES, CHINE • SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NACION, ARGENTINE • FOLHA DE S.PAULO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE. EMAIL : REDAC@LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)


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Régions

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Loisirs Une sélection de destinations hors des chemins battus offrant des activités hors du commun pendant la saison froide

Sept recettes pour savourer l’hiver russe DARIA GONZALES LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Faire de la luge ou de la troïka, descendre en snowboard les pentes d’un volcan, se baigner dans des lacs non gelés, autant d’activités parmi d’autres qui vous distrairont du froid et vous feront aimer l’hiver russe. Profitez d’une saison pas comme les autres dans la beauté virginale de la nature septentrionale ! REUTERS

Héli-ski dans la Kamtchatka

Bains sibériens sur le Baïkal

Le relief de la presqu’île de Kamtchatka est tellement contrasté qu’un professionnel du snowboard n’en ferait pas le tour en vingt ans. L’hiver correspond à la saison haute d’une région réputée pour la pratique de l’héli-ski, du ski ou du snowboard de randonnée. On peut skier non seulement le long de montagnes, mais aussi sur les flancs des volcans. Des excursions en 4x4 sont aussi proposées, ainsi que des randonnées pédestres sur les volcans ou auprès de geysers sans crainte des ours. Bien sûr, ce n’est pas donné...

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Le Caucase et les JO

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L’hiver s’annonce « chaud » dans le Caucase. Non seulement parce que les températures y sont réellement différentes de celles du reste du pays, mais aussi parce que c’est à Sotchi que se dérouleront en 2014 les Jeux Olympiques d’hiver. Même sur le pourtour de la mer Noire, les visiteurs attendus pour les Jeux trouveront de la neige tout en pouvant se promener au milieu de palmiers et visiter d’anciennes forêts d’eucalyptus avant de monter à la station alpine de Krasnaya Polyana pour y faire du ski ou du snowboard. Le Caucase abrite d’ailleurs le plus haut sommet d’Europe et l’une des stations de ski les plus célèbres de Russie – celle du mont Elbrous (5 642 m).

Voilà dix ans que le lac Baïkal accueille un marathon international, dont les participants parcourent les 42 km sur la glace. Pas de loisirs classiques ici, sur des pistes de ski ou des congères sibériennes. Par contre, l’eau du lac est tellement pure qu’il est possible de voir à trois mètres sous la surface des algues gelées et des bulles d’air emprisonnées. De nombreux photographes viennent exprès l’hiver pour photographier la glace. Le lac se prête bien sûr au patinage, propose un cours de phytothérapie sibérienne et l’on peut s’y soigner grâce aux qualités curatives de ses eaux.

Dans beaucoup d’endroits en Russie, les températures inférieures à -40°C n’ont rien d’exceptionnel. Ce sont des « pôles de température » proposés à qui souhaite tester sa résistance au froid. On les retrouvce dans les lieux les plus inhospitaliers de la planète qui soient habités en permanence. Le record de froid peut atteindre -77°C. Ces températures provoquent des phénomènes étonnants, comme ce que les Iakoutes appellent « le chuchotement des étoiles » : un doux bruissement constant... venant de la condensation expirée, qui gèle instantanément.

L’Oural, c’est la frontière entre l’Europe et l’Asie, les montagnes les plus anciennes du monde, une quantité innombrable de parcs et de pistes de ski alpin, des récits d’extra-terrestres et d’anomalies naturelles, le mystère de la mort des randonneurs menés par Dyatlov en 1959 ou de ceux qui ont ensuite tenté de refaire l’itinéraire du groupe. Dans les monts Oural, vous pourrez, entre autres, visiter des usines abandonnées ou en activité, dormir dans un ancien goulag ou découvrir l’une des cavernes les plus longues du monde.

L’anneau d’or en troïka

Partie de pêche sous la glace

L’itinéraire de l’Anneau d’or autour de Moscou, qui comprend une douzaine de villes anciennes dont deux figurent au patrimoine mondial de l’Unesco, est magnifique en toutes périodes de l’année. Mais mieux vaut le parcourir en hiver pour deux raisons. La première est que Kostroma et Ouglitch, qui figurent sur cet itinéraire, accueillent le Grandpère Froid et Snegourotchka (le Père Noël russe et sa petite-fille). Si vous voyagez avec des enfants, une visite au Grand-père Froid sera pour eux inoubliable. La seconde est que les villes de l’Anneau d’or proposent un éventail très large de loisirs typiques, dont une virée en troïka dans les bois enneigés ou en luge des tsars.

L’Altaï, la chaîne de montagnes située au sud de la Sibérie, est tout simplement l’écrin des divertissements hivernaux répondant à toutes les fantaisies.Vous aurez la possibilité d’y faire des randonnées à cheval, à ski ou en scooter des neiges, de vous livrer à une partie de pêche hivernale sur le lac Teletski, de vous offrir une partie de chasse, de transpirer dans un bain russe et, bien sûr, de faire du ski alpin ou du snowboard. En outre, l’hiver est le seul moment de l’année où l’on peut voir des cavernes de glace situées en haute montagne, et tester sa résistance en se baignant dans l’eau du lac Golouboï, qui ne gèle pas, même par -30°C !

DÉCOUVREZ LA VILLE QUI ACCUEILLE LES J.O. 2014 Les bons restaurants, les sites à ne pas manquer et les magasins de souvenirs larussiedaujourdhui.fr

Résistance au L’insolite dans froid : jusqu’où ? les monts Oural

RIA NOVOSTI


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Économie

Le dur chemin de l’accession à la propriété SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Prendre un crédit immobilier est une solution populaire en dépit des taux faramineux par rapport à la France. En moyenne, ils sont de 14% par an (10,5% pour les offres les moins chères avec un taux à 50% lors du premier versement). Depuis la crise de 2008, les experts notent une sensible augmentation du nombre de crédits immobiliers. Pour la seule année dernière, ce marché a doublé de volume à Moscou et dans sa région. Selon les estimations des spécialistes, un million de Russes souscrivent chaque année un crédit de cette nature. La Russie reste cependant loin derrière l’Europe où, toujours selon l’agence Blackwood, ce type d’emprunt est l’instrument privilégié pour les primo-accédants. Seuls 24% des Russes y ont recours. L’État fédéral propose de son côté des aides au logement. Les militaires, les enseignants et les jeunes foyers peuvent prétendre à des conditions préférentielles pour un crédit immobilier. Parmi les ayants droit, les jeunes familles sont les plus avantagées. Le gouvernement russe offre de leur rembourser entre 30 et 40% de la valeur de leur logement. La limite d’âge est de 35 ans (les foyers monoparentaux sont également éligibles). L’essentiel est que la famille soit inscrite sur la liste officielle des personnes mal logées. Le nombre de personnes profitant des programmes gou-

correct démarrent à 1 000 euros. Or le salaire mensuel moyen à Moscou est d’environ 860 euros. Renat Layshev, président d’une association à but non-lucratif pour l’éducation et la santé, explique que « face aux prix élevés sur le marché de la location, les faibles revenus d’un jeune technicien à peine sorti de l’école ne lui donnent pas la possibilité de vivre seul. Dans 67% des cas, c’est en effet le manque d’argent qui motive le choix de rester au domicile parental ». Mises à part les raisons économiques, le contexte historique et culturel est également à prendre en compte. Il faut se souvenir qu’en URSS, le logement communautaire était la norme. La majorité des appartements moscovites n’étaient pas privés mais partagés ; chaque famille occupait une pièce, jusqu’à quatre générations simultanément ! Et plusieurs familles partageaient la même cuisine et la même salle de bain.Voilà pour le paradis des travailleurs ! Les familles disposant de la totalité d’un appartement faisaient figure de privilégiées jusqu’au début des années 90. La génération arrivant aujourd’hui à la majorité est la première à ne pas connaître ce genre de problème, alors que les étudiants qui la composent en bonne partie commencent à peine à voler de leurs propres ailes. Se posera bientôt à eux la question du logement, mais ils n’imaginent pas un instant les conditions de l’ère soviétique...

AVIS D’EXPERT

Investir dans l’immobilier en Russie

L’appréciation des biens immobiliers a connu un bond sans précédent durant cette dernière décennie : un actif acquis au début des années 2000 se sera revendu près de dix fois l’investissement initial aujourd’hui. Cela s’explique par une décennie de forte croissance économique. En outre, la fiscalité est très douce, avec la possibilité d’être exonéré d’impôt sur la plusvalue après trois ans de détention contre 22 ans en France. Pour savoir s’il est pertinent d’investir avec pour objectif une plusvalue à la revente, il faut étudier plusieurs variables, à savoir : les perspectives de croissance et les agrégats monétaires ; la sécurité juridique ; l’emplacement et l’évolution de la surface disponible ;

enfin, deux effets qui influencent les prix de l’immobilier : l’effet de mode et l’effet rattrapage. À ces égards, les perspectives de revalorisation et de plus-value à la revente nous paraissent illusoires sur ces prochaines années. ll existe toutefois une autre approche que celle de la plus-value à la revente où le marché immobilier russe recèle d’opportunités : celle de la valorisation immédiate par augmentation de la valeur ajoutée. C’est dans cette optique qu’il faut aborder l’investissement immobilier résidentiel en Russie : rechercher des biens centraux où il est possible de travailler sur la rénovation, l’agencement et l’aménagement intérieur. Il est préférable de créer une valeur ajoutée immédiate et certaine à l’opposé d’une plus-value hypothétique.

vernementaux est dérisoire : selon les informations de l’agence Inkom, les clients de ce type ne représentent que 2,5% des transactions. Les Russes qui ne peuvent se permettre d’acheter leur logement à crédit demeurent locataires ou restent vivre chez leur parents. Mais la location est particulièrement onéreuse, surtout

à Moscou. Ainsi, pour un petit appartement situé dans une des « cités dortoirs » en périphérie de la capitale, il faut débourser autour de 500 euros par mois. Pour environ 750 euros mensuels, il est possible de louer un appartement meublé à cinq minutes à pied du métro, mais en périphérie. Dans le centre, les loyers pour un logement dans un état

Gérald Autier AUDACIS ADVISORS

ITAR-TASS

Qui se risque à emprunter ? Le crédit immobilier profite surtout aux jeunes couples avec enfants (45%). En général, les deux conjoints remboursent l’emprunt. Les jeunes cadres moyens (moins de 35 ans) représentent 15% des

souscripteurs et utilisent souvent leurs parents comme garants. Le pourcentage des femmes célibataires avec enfants est aussi de 15%. Les 20% restants sont les parents prêtant à leurs enfants.

Nucléaire Le réacteur thermonucléaire expérimental international ne serait achevé qu’en 2020 pour une mise en service en 2027

Le projet ITER face aux écueils qui perturbent la tenue du calendrier nal Thermonuclear Experimental Reactor), les questions de gouvernance du projet ont été âprement débattues lors du dernier Conseil. Les participants se sont accordés sur les conclusions d’une expertise indépendante selon laquelle

ALEXANDRE EMELIANENKOV POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les problèmes rencontrés nécessitent la stricte exécution des engagements pris par les différents membres du projet. Il ne s’agit pas seulement de l’aspect financier du chantier (le budget atteint désormais les 15 milliards d’euros), mais également des délais prévus pour la production, la vérification et la livraison de ces équipements hors du commun sur le site de Cadarache (sud de la France). Comme l’a affirmé le bureau russe de l’ITER (Internatio-

Les partenaires (dont l’Union européenne et la Russie) prévoient un nouveau plan d’action pour rattraper le retard l’ambitieuse entreprise connaît actuellement une accumulation de défis, notamment ceux liés au dépassement des échéances. Selon des accords pris précédemment, le lancement de l’ITER était prévu pour 2019. Au-

jourd’hui, sa réalisation est envisagée pour 2020, son fonctionnement effectif et continu pour 2027. Afin de rattraper leur retard, les partenaires se sont entendus sur la définition d’un plan d’action commun qui devra entrer en vigueur début février 2014, lors du prochain Conseil de l’ITER. Souvenons-nous que cette collaboration internationale repose sur sept acteurs principaux : l’Union européenne, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie et les États-Unis. De par son envergure, elle s’apparente aux projets de la Station spatiale internationale et du Grand collisionneur de hadrons. Cet automne, on a appris que la construction de la partie clé de l’ITER – la chambre torique – a été confiée à la société japonaise

AFP/EASTNEWS

Le dernier Conseil du projet, qui a eu lieu fin novembre, confirme que le chantier de Cadarache auquel participent sept grands acteurs internationaux se heurte à un défi technologique.

Le projet porte sur les technologies relatives à la fusion nucléaire.

« Mitsubishi Heavy Industries ». La chambre torique, ou « tokamak », permet de confiner des champs magnétiques afin de contrôler un plasma qui, à son tour, sera en mesure de produire de l’énergie nucléaire. Selon le plan prévu, la construction en acier, qui prend la forme d’un D, devrait atteindre 14 mètres et peser 300 tonnes. Lors de la réunion du Conseil fin novembre, une importante décision technique au sujet du tokamak de l’ITER a été prise grâce aux travaux de chercheurs russes

du centre Efremov et des expériences menées à l’aide du tokamak JET (Joint European Torus). L’essentiel de ces conclusions se résume au fait que, dès sa première utilisation, le tokamak de l’ITER ne doit pouvoir fonctionner qu’avec un alliage en tungstène, et non pas avec un autre en fibre carbone qui, par conséquent, est supposé être remplacé lors du deuxième stade du projet. Selon l’avis général, cette mesure permettra d’économiser des moyens qui seront ainsi utiles à la solution d’autres problèmes.

Car les défis sont plus que considérables. Selon les membres du projet, la réussite d’un tel réacteur permettrait de disposer d’une source d’énergie propre et inépuisable. L’objectif final de l’ITER serait de multiplier par dix l’énergie investie et de produire moins de déchets. Anatoli Krassilnikov, directeur de l’agence russe dédiée au projet, souligne que dans les années 90, les investissements en matière de réacteurs expérimentaux provenaient surtout des États-Unis et de la Grande Bretagne. Toutefois, les rendements n’atteignaient, dans le premier et dans le second cas, que 25 et 67% des moyens investis. « La grande finalité de l’ITER, affirme Krassilnikov, ce serait de décupler la valeur des moyens investis ». L’engagement de la Russie, en tant que pays membre du projet ITER, prévoit la fabrication et la livraison de 21 composants de haute technologie. L’exécution de ces commandes mobilisera plus de trente centres de recherche et entreprises de pointe du pays. En ce qui concerne la participation financière de la Russie, elle a augmenté en 2013 de 12% par rapport à l’année précédente et atteint 1,25 milliard d’euros.

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Opinions

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LA DIPLOMATIE RUSSE S’AFFIRME Andreï Ilyashenko POLITOLOGUE

A IGOR DEMKOVSKY

ENTRE KIEV ET MOSCOU Alexandre Baounov JOURNALISTE

L

’Ukraine se plaint que le gouvernement, pourtant élu par son peuple, ne laisse pas le pays intégrer l’Union européenne. L’Europe est fâchée que le Kremlin empêche l’Ukraine d’intégrer l’Union européenne. L’UE n’est pas la panacée, mais on ne dit rien à ce sujet. Ni sur certaines réalités du triangle Ukraine-Russie-UE. La vérité est que la famille européenne ne brûle pas du désir d’accueillir l’Ukraine dans son cercle intime, comme bien d’autres pays d’ailleurs. Il y a dix ans, rappelons-nous l’indignation des Grecs, vexés que l’Europe se proclame descendante de l’Empire de Charlemagne. Je partage l’indignation des Grecs, mais je comprends Bruxelles. L’Europe se serait bien passée de parents pauvres comme la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, la Macédoine, l’Albanie, de la Lettonie, de la Lituanie et même de la Grèce et de Chypre, pourtant traditionnellement capitalistes. Elle tend aujourd’hui à dénigrer ces pays : qu’est-ce qu’ils font chez nous, qu’est-ce qu’ils nous apportent ? « La Roumanie et la Bulgarie doivent se réjouir d’avoir sauté à temps dans le train en marche », me disait en 2007 l’ambassadeur de l’Union européenne à Bucarest. Aujourd’hui, le tableau de la page 23 de l’Eurobaromètre montre bien que la grande majorité des pays membres, anciens

et nouveaux, considèrent que le processus d’élargissement de l’UE est terminé, selon un sondage pourtant effectué peu après le début de la révolution orange de 2004 en Ukraine. La famille européenne ne se soucie pas vraiment de l’Ukraine. C’est la Russie qui la préoccupe. Elle prétend s’intéresser à l’Ukraine mais n’a que la Russie en tête. Si les frontières de l’Ukraine débouchaient drectement sur le Caucase, s’il y avait seulement un océan et non un pays de l’autre côté de ces frontières,

la Russie devienne soudain plus proche de l’Europe que l’Ukraine ou quelque autre pays parmi nos voisins communs. Quels que soient le régime, le pouvoir ou l’idéologie en place à Moscou, l’Europe sera toujours plus proche d’un voisin de la Russie que de la Russie elle-même. Bien sûr, il y a un nouveau marché à explorer parmi d’autres enjeux, mais la raison majeure d’une association avec l’Ukraine ne réside pas tant dans l’attrait que représente Kiev pour l’Europe que dans la répulsion que celle-

Dans le triangle Ukraine-UE-Russie, Moscou pèse plus lourd que Kiev dans les décisions européennes

La famille européenne a aussi ses riches et ses pauvres et certains de ses membres sont plus égaux que d’autres

l’Europe agirait en fonction de ses rapports avec l’Ukraine uniquement et déciderait si celle-ci est une nation suffisamment fraternelle et européenne pour l’inviter ou non à rejoindre l’Union. Mais que ce soit pour l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie ou la Biélorussie, la famille européenne base ses décisions sur ses relations avec la Russie – même pas sur les dites relations d’ailleurs, mais sur le fait même que la Russie existe à la place de l’hypothétique océan, qui aurait évidemment été bien préférable. Dans le triangle formé par l’Europe, la Russie et les voisins de celle-ci, on n’imagine pas que

ci éprouve à l’égard de Moscou. L’image d’une Europe se portant au secours de l’Ukraine face à l’autoritarisme russe est fausse. L’Europe se prononcerait en faveur de n’importe quel autre voisin de la Russie plutôt que de la Russie elle-même quels que soient les occupants du Kremlin ou la façon dont ils se comportent. Ses frontières ne se situeront jamais ni le long du Pacifique ni de l’Oural. La frontière en question passe quelque part dans les environs du fleuve Dniepr à quelques kilomètres près. Voilà pourquoi l’Europe pense à la Russie quand elle parle de

l’Ukraine. Elle veut que l’Ukraine s’extraie du giron de la Russie et en assume les conséquences. Elle est parfaitement consciente que le jeu qui consiste à séparer l’Ukraine de la Russie aura un coût, mais elle veut que l’Ukraine le prenne à sa seule charge, emportée par son enthousiasme et sa croyance à un rêve. Car l’Europe qu’imagine l’Ukraine est évidemment un rêve – celui d’une famille dont tous les membres sont égaux, se tiennent bien et vivent dans la prospérité. Cette Europe-là n’existe pas. L’Europe a aussi ses riches et ses pauvres, et certains de ses pays membres sont plus égaux que d’autres. Une poignée de signatures prestigieuses au bas d’un document officiel ne peut pas changer les conditions sociales, l’importance numérique ou la qualité d’un peuple, le produit intérieur brut d’un pays ou son taux d’endettement par rapport à ses réserves. Quels que soient les sentiments qu’il inspire, le président biélorusse Alexandre Loukachenko entretient avec le Kremlin des relations qui sont plus d’égal à égal que celles des Grecs avec Merkel : imaginez ce qui se passerait si le patron d’une grosse entreprise allemande était arrêté en Grèce. À ce jour, il n’est pas un seul pays d’Europe orientale dont l’accession à l’Union européenne en ait fait un pays d’Europe occidentale. Article initialement publié sur le site Slon.ru.

LU DANS LA PRESSE LA NOUVELLE VOIX DE LA RUSSIE

LA VOIX DE MOSCOU

LA VÉRITÉ, RIEN QUE LA VÉRITÉ

PROPAGANDISTE-EN-CHEF

Piotr Tverdov NEZAVISIMAÏA GAZETA / 10.12

Éditorial

THE MOSCOW TIMES / 11.12

vec la fin de la Guerre froide, les menaces se sont déplacées au niveau régional ; aussi le fait que le monde a réussi à éviter de nouvelles guerres régionales est-il le principal succès de l’année 2013. Une guerre dite « humanitaire » contre la Syrie et une frappe préventive contre l’Iran étaient bien à l’ordre du jour, mais les efforts diplomatiques ont permis, au minimum, de reporter ces conflits. Dans les deux cas, Moscou a joué un rôle de premier plan, dicté par ses intérêts nationaux. Dans le cas syrien, la position fondamentale russe consistait à dire que le conflit intérieur ne devait pas servir de prétexte à un changement de régime sous la pression extérieure, même avec l’aval des Nations unies, comme ce fut le cas en Lybie. L’ONU n’a pas été créée dans ce but. L’avenir politique syrien doit être décidé par les Syriens avec l’aide, le soutien et la médiation de la communauté internationale dans le cadre d’un dialogue politique. L’été dernier, il est devenu clair que la principale force de l’opposition armée au régime d’elAssad était désormais composée d’organisations islamiques radicales qui partagaient les principes et les méthodes d’Al-Qaïda, ce qui va à l’encontre des intérêts de l’Occident, des régimes arabes laïques et de la Russie. Moscou et Washington se sont rapidement entendus pour organiser une conférence de la paix sur la Syrie. Cependant, l’utilisation d’armes chimiques dans les environs de Damas, imputée aux troupes gouvernementales, a contraint Obama à s’engager sur la voie qu’il évite soigneusement, la voie militaire. Lavrov, le chef de la diplomatie russe, l’a sauvé. Moscou a convaincu el-Assad d’accepter la liquidation totale de son arsenal chimique, ce qui a permis de neutraliser les arguments de ceux qui souhaitaient entrainer les États-Unis dans une nouvelle guerre régionale. La stabilité du Proche-Orient est préservée. Le régime de la non-prolifération des armes de destruction massive est renforcé, tout comme le rôle de l’ONU et du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix. Le scénario militaire a été évité dans le cas iranien également.

Tout en soutenant les sanctions de l’ONU à l’égard de l’Iran, Moscou a toujours exigé que le problème du nucléaire iranien soit réglé autour de la table des négociations. La Russie, qui partage une frontière commune avec l’Iran, cherche à empêcher non seulement le déploiement d’un programme d’armes nucléaires, mais aussi les troubles provoqués par les sanctions occidentales et le chaos généré par les frappes militaires. Le « Plan Lavrov », déjà élaboré depuis deux ans, prévoit l’abandon progressif du programme nucléaire contre celui des sanctions, pour s’éloigner, étape par étape, de la « ligne rouge ». Rien ne laisse présager des négociations faciles sur l’accord principal qui devrait rassurer la communauté internatio-

Le Kremlin doit ses succès internationaux au fait que ses objectifs recoupent les intérêts des autres acteurs nale et permettre à l’Iran de développer son industrie nucléaire civile en toute quiétude et, surtout, éliminer la menace du conflit qui pèse sur la région. L’année 2014 sera décisive. Il faut souligner que la diplomatie russe doit ces succès principalement au fait que ses objectifs coïncident avec les intérêts fondamentaux des principaux acteurs mondiaux. Mais parfois, cela ne suffit pas. L’année 2013 a aussi été marquée par une crise dans les relations russo-américaines avec l’affaire Snowden. Le Washington officiel est très contrarié que le lanceur d’alerte sur l’espionnage de la NSA soit hors de portée de la justice américaine. Mais il est difficile de croire que là est la vraie raison de l’annulation de la visite d’Obama à Moscou comme au temps de la Guerre froide. Le président américain ne pouvait risquer de rentrer de Moscou sans Snowden. N’empêche que Poutine et Obama se sont entretenus en privé lors du sommet du G20 à Saint-Pétersbourg. Une autre rencontre est prévue à Sotchi en été 2014, à l’occasion du prochain sommet du G8. D’ici là, les diplomates des deux pays trouveront peutêtre la base d’un compromis. L’auteur est un spécialiste du Proche-Orient.

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Gueorgy Bovt

GAZETA.RU / 09.12

Par décret, Vladimir Poutine a démantelé l’agence de presse RIA Novosti et la radio La Voix de la Russie, pour former l’agence internationale « Rossiya Segodnya ». Deux raisons sont invoquées : économies budgétaires et nécessité de promouvoir une image positive de la Russie à l’étranger. La direction de la nouvelle structure a été confiée à Dmitri Kiselev, l’un des présentateurs de la télévision russe les plus loyaux à l’égard du pouvoir. Réalisé par Veronika Dorman

La décision de Poutine est logique dans un contexte de consolidation de l’élite autour de valeurs conservatrices. Pendant les trois mois où Poutine s’est battu pour la Syrie, il a dû passer son temps à expliquer aux pays occidentaux la politique russe, dont personne n’avait cure. Au cours de son troisième mandat, Poutine a fini par formuler les intérêts nationaux du pays. D’où la nécessité de créer une agence d’information étatique, « Rossiya Segodnya », pour expliquer, clairement et sans contradictions, à l’étranger proche et lointain ce que sont ces intérêts. La politique étrangère russe devrait paraître plus prévisible et logique qu’elle ne l’est aujourd’hui.

La réorganisation du mécanisme de propagande d’État, Ria Novosti, à la veille des JO de Sotchi, témoigne du fait que les ressources idéologiques et financières de l’État russe sont sur le point de se tarir. Il reste de moins en moins de gens auxquels le pouvoir peut confier la création d’une image positive de la Russie. Dans un contexte de stagnation économique, la Russie est en manque de fonds, même pour financer sa propagande. Il devient de plus en plus difficile d’expliquer nos intérêts nationaux au reste du monde, parce que ces intérêts ne sont pas compréhensibles pour la nation elle-même, et même parfois pour le pouvoir.

La nomination de Kiselev est l’une des réponses les plus prévisibles du Kremlin aux événements en Ukraine. Pour l’élite dirigeante, les événements de Kiev sont une conspiration occidentale contre les intérêts de la Russie dans l’espace post-soviétique. Kiselev ne cesse d’expliquer dans ses journaux télévisés que Kiev est devenu « le dernier champ de bataille », que les manifestants pro-européens sont en fait en « guerre contre la Russie ». Pour les leaders russes, maintenant que la confrontation avec l’Occident est irréversible, pourquoi faire semblant? Pourquoi rester respectable si pour l’Ouest, la Russie est un ennemi géopolitique qui doit être vaincu?

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO

Culture

QUESTIONS & RÉPONSES

Le cinéma, « guerre d’idéologies » Le film L’Amour en URSS sortira à Paris le 8 janvier 2014 au cinéma l’Espace Saint-Michel. Son réalisateur, Karen Chakhnazarov, est également directeur des studios Mosfilm. À quelques semaines de la première, La Russie d’Aujourd’hui l’a rencontré pour l’interroger sur les défis du cinéma russe actuel. Dans vos derniers films, vous vous tournezversl’histoiredel’URSS.Ce qui se passe dans la Russie contemporaine ne vous inspire pas ? Je ne dirai pas que je reviens uniquement sur l’histoire soviétique. Seuls deux de mes quinze derniers films y sont consacrés, Le Tigre blanc sur la Deuxième Guerre mondiale, et L’Empire disparu, sur la dernière période de l’Union soviétique. De manière générale, je ne dissocie pas l’URSS de la Russie, et je pense que c’est une pratique vicieuse que l’on essaie de nous imposer. L’empire russe, l’URSS et la Russie d’aujourd’hui sont un seul et même pays, avec une histoire unique. Dans le film L’Amour en URSS, qui est une version remixée de L’Empire disparu, tourné en 2007, l’action se déroule dans les années 1970, du temps de ma jeunesse. C’est ce qui m’a préoccupé : ces années-là, nous vivions dans l’insouciance, sans pouvoir nous imaginer que quelque chose de crucial pouvait arriver à notre pays. Il n’y avait alors pas le moindre signe avant-courreur de ce qui allait se produire au début des années 1990. La deuxième version de ce film, qui sort sur les écrans en France, est plus lyrique, plus courte, moins politisée. Elle est moins liée aux réalités historiques et politiques de la Russie. C’était un choix délibéré, car je suis arrivé à la conclusion que l’URSS n’avait en fait pas disparu, que la Russie actuelle est une héritière naturelle de l’URSS qui a

tion des spectateurs. Une sortie sur les écrans est une nouvelle dose d’adrénaline, toujours agréable. De manière générale, l’absence de films russes dans les cinémas français s’explique par le fait que la Russie ne possède aucune stratégie pour promouvoir son cinéma à l’étranger. À l’époque soviétique, il existait une structure qui diffusait les films à l’étranger, avec une chaîne de salles spécifique, y compris à Paris. La vente de films russes était rigoureusement indexée à l’achat de films français. C’était une politique étatique pour la promotion du cinéma, très efficace par rapport à la situation actuelle. Il y a tant de films dans le monde aujourd’hui que leur diffusion ne peut se faire toute seule. Les Américains ont des leviers puissants dont ils savent se servir. Le marché libre est une illusion. Le cinéma est étroitement lié à la conjoncture politique, aux relations entre les pays.

KINOPOISK.RU

Une scène du film L’Amour en URSS.

NOTE BIOGRAPHIQUE

Karen Chakhnazarov

Si vos films sont présents en France, est-ce le résultat de vos efforts personnels ? Mosfilm possède son département international ; nous avons notre propre politique, dans laquelle nous investissons de l’énergie et de l’argent. Nous garantissons toujours la qualité à l’exportateur, nous sous-titrons nous-mêmes les bandes. Mosfilm a une bonne réputation, et c’est le seul studio russe à ne pas recevoir de subventions de l’État. Nous vivons par nos propres moyens. Nos ventes nous permettent de dégager des bénéfices. Il ne s’agit évidemment pas de centaines de millions comme les studios américains, mais ce n’est pas négligeable.

FONCTION : DIRECTEUR DES STUDIOS MOSFILM ÂGE : 61

Karen Chakhnazarov est réalisateur, producteur et scénariste. Il dirige les studios Mosfilm depuis 1998. Ses deux derniers films (La Salle n° 6 et Le Tigre blanc) sont sortis sur les écrans français. MARIA TCHOBANOV

perdu une partie de ses marges. Peut-être que cette nouvelle version est aussi moins moralisante. Je la préfère, entre nous soit dit. Les films russes parviennent rarement sur les écrans français. Pourquoi votre film a-t-il attiré l’attention des diffuseurs ?

Plusieurs de mes films sont sortis en France, y compris à l’époque soviétique. La compagnie « Baba Yaga Films » a déjà diffusé en 2010 ma Salle n°6, qui est resté un mois en salle à Paris, ce qui n’est pas mal. C’est sûrement ce qui a servi d’argument pour continuer notre collabora-

tion. Et puis il y a la thématique. Les Français sont très curieux : ils s’intéressent à l’URSS. Pendant le Festival du film russe de Honfleur, mon film a également été projeté à Deauville et il paraît que la salle de 400 places était pleine à craquer. Pour un réalisateur, l’essentiel est la réac-

Comment évaluez-vous cinéma russe actuel ? Le cinéma russe est très peu

puissant, même si le niveau technique est très bon. Cette année, seulement 40 longs-métrages ont été produits en Russie, contre 70 l’année dernière. C’est risible pour un pays aussi vaste. Avec de tels chiffres, il est absurde de compter sur une niche sérieuse aussi bien à l’étranger que chez soi. La Russie devrait produire au moins 250 films par an pour prétendre sérieusement à une présence sur la scène internationale. Sur tout ce qui est tourné en Russie, une quinzaine de films par an méritent une large diffusion. On ne peut rien faire sur le marché avec une si faible quantité. Il faut avant tout organiser correctement l’industrie cinématographique ; ce n’est même pas une question d’argent. Le cinéma russe jouit d’une réputation particulière en France, où il est considéré comme long et lent, difficile à regarder… Malheureusement, pour les grands festivals, on sélectionne des films reflétant une certaine idéologie, une présentation particulière de la Russie. Je travaille dans le cinéma depuis longtemps, je suis passé par toutes les illusions, et je suis convaincu qu’aujourd’hui de l’existence d’un seul objectif : consolider les clichés sur la Russie qui prévalent dans la conscience occidentale. Il faut reconnaître que dans cette ambition, l’Occident est très bien organisé et solidaire. Il faut être naïf pour ne pas le voir. Nous avons des films qui correspondent aux « standards » occidentaux ; par exemple, Légende numéro 17, un film bien fait. Mais je doute qu’il soit diffusé en France, parce qu’il est positif, il présente la Russie sous son meilleur jour. Le cinéma, c’est une guerre d’idéologies. Ici on le comprend parfaitement ; chez nous, non. Propos recueillis par Maria Tchobanov

Culture L’action en 2014 portera sur les liens historiques avec la France et sur l’animation culturelle dans toutes les régions de la Russie

Au programme : l’axe francorusse et la décentralisation Le ministère russe de la Culture a fixé les grandes lignes de sa politique pour l’année à venir, visant à faire rayonner le patrimoine culturel sur tout le territoire ainsi qu’à l’étranger. IOULIA KOUDINOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le ministre russe de la Culture ne cache pas son agacement envers « ce qu’on appelle [...] l’art contemporain » LORI/LEGION MEDIA

Le ministre de la Culture Vladimir Medinski s’est ouvert à une poignée de journalistes étrangers venus l’écouter début décembre dans un restaurant huppé de Moscou, niché dans l’enceinte de la célèbre Galerie Tretiakov. Il a livré les détails du programme de l’année culturelle 2014 et quelques déclarations croustillantes sur l’art contemporain. Vladimir Medinski a précisé la place qu’accorderait le programme à l’axe franco-russe. Il s’agira surtout de mettre en valeur les liens historiques entre les deux pays. Des liens qui passent par les armes et furent aussi conflictuels. « Nous allons ériger en France trois monuments en l’honneur des soldats tombés lors les guerres napoléoniennes, ainsi qu’un monu-

ment pour nos soldats tombés en France pendant la Première Guerre mondiale », a indiqué le ministre, historien de formation, en insistant sur ce dernier monument en l’honneur du corps expéditionnaire russe, des volontaires qui ont combattu aux côtés de la France contre l’Allemagne et ses alliés : « Pour notre très pragmatique XXème siècle, il s’agit d’une histoire fantastique. Ils ont combattu même après le renversement du tsar en 1917. Beaucoup d’entre eux sont morts. Une telle attitude est difficilement imaginable aujourd’hui ! » En dehors de ces événements, selon M. Medinski, « en ce qui concerne la France, il n’y a rien de spécial relativement à l’année de la culture, mais quelques-uns de nos grands théâtres seront en tournée en France, dans le cadre des saisons théâtrales francorusses. Plusieurs festivals de cinéma seront organisés, dont les principaux sont Honfleur, Paris, Lyon et Cannes. Je veux bien sûr parler non pas du Festival international de Cannes, mais du festival consacré au cinéma russe ».

conservation de l’héritage historico-culturel et le rôle de la culture russe dans le monde entier ». Selon le ministre, « nous étendrons notre action culturelle vers les villes de province, les petites villes. La politique culturelle, aujourd’hui braquée sur Moscou et Saint-Pétersbourg, va porter ses efforts sur la province. Des sommes importantes y seront dépensées, dans toutes les régions sans exception. Aujourd’hui, nous subventionnons déjà 50 festivals de cinéma, en concert avec les

Les grands musées ouvriront de nombreuses annexes en province.

En dehors des monuments militaires, la France accueillera des tournées théâtrales et des festivals de cinéma

Le ministre a insisté sur l’effort de décentralisation de la culture au cours de l’année à venir. Le décret signé par le Président Vladimir Poutine définit ainsi la mission de la manifestation : « attirer l’attention de la société sur les questions de développement de la culture, la

gouverneurs régionaux. Cette année, nous avons octroyé cent enveloppes de 200 000 dollars [142 000 euros, ndlr] chacune pour des projets régionaux, qui vont à des théâtres et des musées ». M. Medinski a annoncé l’ouverture d’annexes des grands musées (Galerie Tretiakov, Musée Russe, Musée Pouchkine, Ermitage) dans de nombreuses villes de province. À commencer par l’Ermilarussiedaujourdhui.fr/ 26277

tage, qui ouvrira une deuxième annexe (après Kazan) dans la ville sibérienne d’Omsk. Par ailleurs, « le directeur du Musée Russe m’a promis qu’il ouvrirait dix filiales en province au cours des quatre prochaines années », assure le ministre. Enfin, une partie des collections conservées aujourd’hui dans les grands musées des « deux capitales culturelles » (Moscou et St-Pétersbourg) sera déplacée en province. Interrogé sur les rapports conflictuels entre la scène de l’art contemporain et les autorités russes, Vladimir Medinski ne mâche pas ses mots. « Ce qu’on appelle habituellement l’art contemporain ne couvre qu’une minuscule couche de la création actuelle. Pour moi, l’art contemporain ne se limite pas aux gribouillis, aux chiffons et autres œuvres destinées à n’être comprises par personne. Il englobe également ceux qui créent aujourd’hui dans les styles classique ou impressionniste, par exemple ». Après avoir visité la 5ème biennale d’art contemporain de Moscou, M. Medinski avoue que ses impressions furent « très pénibles » et que « pratiquement rien » ne lui a plu. « Pour autant, je n’ai rien fait interdire. Il n’y a pas de censure. Mais bon, je regrette que tant d’argent [versé par le ministère] ait été ainsi dépensé ! »


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Culture

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Photographie Après la biennale Photoquai, Evgenia Arbugaeva expose à Paris les paysages de son enfance

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Tiksi, ou la beauté retrouvée de l’Arctique

Le voyage et la révélation

AUTEUR : SERGUEÏ LEBEDEV TITRE : LA LIMITE DE L’OUBLI

Née à Tiksi, la photographe Evgenia Arbugaeva présente sa série du même nom lors de sa première exposition personnelle à Paris, à la galerie In Camera (jusqu’au 8 février).

ÉDITION : VERDIER TRADUIT PAR L. JURGENSON EVGENIA ARBUGAEVA(2)

DARIA MOUDROLIOUBOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

À Paris Photo, l’ambiance sur le stand où est présentée la série rappelle les grands magasins un jour de soldes plutôt que l’intérieur d’une galerie : une foule piétine devant des clichés aux étiquettes barrées, un couple se dispute presque, le mari voulant acheter une photo, la femme une autre... Finalement, ils prendront les deux. Les galeristes sont dépassés : pas le temps de changer les étiquettes – les tirages partent l’un après l’autre, et certaines photos ont doublé de prix depuis le début du salon. Encore un peu, et ils viendraient à manquer de points rouges... voire de clichés à vendre. L’héroïne de la fête est une photographe russe de 28 ans, Evgenia Arbugaeva. Sa série Tiksi, qui mêle le monde merveilleux des enfants à celui, tout aussi irréel, de l’hiver arctique, semble avoir touché une corde sensible chez les amateurs parisiens les plus blasés. Des maisons colorées comme des bonbons se détachent sur l’avant-plan d’un paysage enneigé. Plus loin, une silhouette emmitouflée traverse la rue. Il y a, dans l’amour avec lequel la scène est composée, quelque chose des scènes d’hiver du peintre flamand Bruegel l’ancien. Vu de Paris, c’est un étonnant spectacle que ces personnages évoluant dans un paysage glacial avec autant de joie et de naturel : l’hiver pourrait-il être la saison préférée de quelqu’un ? Oui, répond Evgenia Arbugaeva : c’est la saison rêvée des enfants. Et surtout, des enfants de la toundra. Imaginez seulement : un terrain de jeu perdu au milieu d’une tempête de neige, où le ciel blanc se fond avec le sol enneigé et la

ligne d’horizon n’existe plus… et vous voilà presque en apesanteur, en train de vous rêver cosmonaute. Surtout lorsque vous voyez vos parents enfiler, façon scaphandre, un costume de chasse blanc censé devenir invisible dans le paysage arctique, pendant que les aurores boréales drapent le ciel de couleurs cosmiques. Alors, debout dans la cuisine, vous portez un télescope en plastic à vos yeux, et vous vous imaginez grand voyageur au seuil d’immenses découvertes. Evgenia Arbugaeva se l’étaitelle imaginé, elle aussi ? Petite fille de Tiksi, une bourgade de 12 000 âmes sur la côte arctique russe, avait-elle rêvé de voyager un jour jusqu’à Iakoutsk, vivre à Moscou, déménager à New York et exposer à Paris ?

La toundra est un lieu magique qui parfois rappelle ses enfants. Mais le pays de l’enfance existe-t-il encore ? Ce voyage n’a guère été facile. Âgée de huit ans lorsque sa famille décide de déménager dans une grande ville, la petite Evgenia pleure à chaudes larmes, n’imaginant pas quitter Tiksi. Mais la toundra est un lieu magique : de temps en temps, elle

Entre blanc intégral et couleurs nuancées, Evguenia Arbugaeva expose les glaces de son enfance.

rappelle ses enfants… À la fin de ses études à Moscou, la jeune fille est vouée à une carrière dans la publicité qui soudain ne l’attire plus guère. Elle part rejoindre les éleveurs de rennes en Iakoutie. Un court séjour se transforme alors en un an de voyages avec les tribus nomades qui la fascinent. C’est là qu’Evgenia réalise ses premiers clichés et décide d’étudier sérieusement la photographie. Photographe indépendante à New York, sa carrière déjà lancée, elle se demande alors si le pays de son enfance existe encore. Escale sur la route maritime du grand Nord, dont l’attrait s’est effondré avec l’URSS, Tiksi a vu la plupart de ses habitants l’abandonner pour le confort des grandes villes. Il est parfois dangereux de re-

tourner dans un endroit où l’on a été heureux ! Evgenia prend le risque et est à nouveau émerveillée… mais n’en retrouve aucune trace sur les clichés qu’elle rapporte. Sauf sur l’un d’eux : installée près d’un feu de bois avec sa mère, une fillette jette des cailloux dans la mer. Evgenia la retrouve et tombe sous le charme de sa famille – « cela pourrait être la mienne », se dit-elle. C’est alors à travers les yeux de Tania qu’elle redécouvre le monde de son enfance, au fil dequatre voyages – un pour chaque saison. Ce qui, au départ, n’était qu’une quête personnelle dépasse vite cet unique enjeu. Tout d’abord, l’Arctique est de nouveau à la mode. Pendant que les puissances mondiales le convoitent pour ses trésors, le public, lui, s’enflamme pour la vie sau-

vage dans l’Alaska à travers « Into the Wild » de Sean Penn, s’enivre de la lecture du journal d’un ermite Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson et rêve d’un voyage au Groenland « avant qu’il ne soit trop tard ». Dans cette recherche d’authenticité, d’abstraction voire d’ascèse, rien ne l’incarne aussi bien qu’un paysage de neige à perte de vue, avec pour tout jouet un ballon, pour tout confort une couette douillette et, pour tout contact, la bienveillance des proches. En fin de compte, ce sont peut-être des envies de rigueur en temps de crise : se calfeutrer à la maison, faire le vide et… contempler une image. larussiedaujourdhui.fr /14634

À L’AFFICHE FESTIVAL RUSSENKO 2014 DU 24 AU 28 JANVIER 2014, KREMLIN-BICÊTRE

Le festival RussenKo lancera sa cinquième édition en janvier 2014 au Kremlin-Bicêtre. Au programme : présentation exclusive et en avant-première de la nouvelle série du photographe Alexandre Gronsky, « Norilsk », des Journées littéraires et du projet Jeunes réalisateurs russes. RussenKo accueillera cette année l’exposition La Russie au-delà des mythologies, dont la commissaire est Olga Sviblova, du 24 janvier au 22 février 2014 au Grand Réservoir de l’Hôpital Bicêtre. Organisation en partenariat avec le MAMM (Musée d’Art Multimédia de Moscou, ex-Maison de la Photographie). › www.larussiedaujourdhui.fr/27041

LES CINQUIÈMES JOURNÉES DU LIVRE RUSSE À PARIS LES 31 JANVIER ET 1 ER FÉVRIER, MAIRIE DU VÈME, PLACE DU PANTHÉON, LYCÉE HENRI IV, PARIS

Cette année, la ville de Saint-Pétersbourg sera à l’honneur. Des écrivains russes, russophones et français seront là pour des rencontres et des tables rondes. La journée du 1er février s’achèvera par la remise du 8ème Prix Russophonie. Un salon du livre accueillera des éditeurs, libraires et auteurs indépendants. Des concerts, des pièces de théâtre et un festival de cinéma complèteront le programme. › www.journeesdulivrerusse.fr

En littérature, le voyage est toujours une quête ; celle-là est essentielle, vitale, fondatrice. Dès la toute première ligne le ton est donné : « Je me trouve à l’extrémité de l’Europe. Ici on voit, à nu dans chaque falaise, l’os jaune de la pierre et une terre ocre ou flamboyante, semblable à de la chair ». On sait déjà, que l’auteur va nous entraîner dans des limites géographiques, géologiques et humaines, dans une nature d’une beauté hallucinante et son pendant, la cruauté humaine, ensemble mélangées. Le narrateur de La limite de l’oubli a passé son enfance sous la coupe protectrice de l’Autre Grand-Père, un étranger peu à peu devenu un proche de ses parents. L’homme s’est immiscé dans leur vie, a pris en quelque sorte possession du gamin. Il a assis une autorité évidente, glacée : « Je sentais qu’à l’intérieur il était mort, séparé du monde des vivants. Il n’était ni un fantôme ni un esprit, plutôt un défunt, incarné, solide », dit le narrateur. Pourtant, c’est à cet homme qu’il ne pourra jamais aimer qu’il doit sa naissance et plus tard la vie : l’Autre Grand-Père donne son sang de vieillard pour lui permettre de vivre et succombe. Reste le sentiment diffus de l’horreur de ce sang qui coule en lui dont le narrateur évoque « l’impureté absolue ». Déjà enfant, il prenait contre l’Autre Grand-Père « le parti des mauvaises herbes contre les fraises… ces fruits semblables à des cœurs charnus… », refusant d’être « un maillon dans la chaîne des dévorations » qu’il pressentait. Quelques indices lancent le narrateur sur les traces de l’Autre Grand-Père. L’homme a été marié, il a eu un fils. Ancien directeur de camp zélé, seul coupable de la mort tragique de son fils et de sa femme, par un esprit de vengeance totalement arbitraire, il fit emmener vers une île inconnue une barge de détenus disparus à jamais. Commence pour le narrateur un voyage halluciné, toujours plus au nord à la recherche de l’île. En chemin il croise des créatures fantomatiques, des êtres oubliés par l’Histoire, rescapés des camps désormais prisonniers de la toundra. Enfin le narrateur atteint l’île et le souterrain glacé où ont péri les disparus, sans sépulture. Ce n’est qu’au bout de cette longue quête, aux limites de l’expérience du corps et de l’esprit humain, alors que sa chaleur vivante est venue réchauffer les corps morts oubliés que le narrateur est délivré de l’emprise de l’Autre Grand-Père et qu’il peut entrer en écriture. Christine Mestre

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO

Magazine

Rétrospective La Russie d’Aujourd’hui vous fait revivre en images quelques événements qui ont émaillé les douze derniers mois

Un miroir russe de l’année 2013 UNE MÉTÉORITE DÉCHIRE LE CIEL DE L’OURAL Une météorite explose au-dessus de Tcheliabinsk, dans l’Oural. Il s’agit de la plus grosse du genre observée depuis 1947, qui avait vu la météorite Sikote-Aline entrer dans l’atmosphère terrestre. En octobre, un fragment pesant plus de 570 kg est repêché au fond d’un lac.

RIA NOVOSTI

LA FLAMME OLYMPIQUE DU KAMTCHATKA À SOTCHI

GEOPHOTO

La Russie se prépare pour les Jeux d’hiver de Sotchi 2014. La flamme olympique traverse le territoire national dans toutes les dimensions, avec un détour par le pôle Nord, un autre au fond du lac Baïkal et même une incursion dans l’espace. Ce parcours de la flamme est le plus long de l’histoire olympique : 65 000 km.

G20 À ST-PÉTERSBOURG La cité impériale accueille en septembre le sommet des 20 pays les plus industrialisés. Poutine et Obama abordent la question syrienne malgré les retombées du cas Snowden.

HOLLANDE EN RUSSIE Avec Vladimir Poutine lors de sa visite officielle à Moscou fin février, le président français évoque principalement les sujets économiques, notamment les investissements croisés.

SERVICE DE PRESSE

ITAR-TASS

DEPARDIEU LE RUSSE L’acteur français reçoit la citoyenneté russe et un appartement en Mordovie. Il rencontre un accueil chaleureux partout où il se rend en province.

REUTERS

MISS UNIVERS 2013 SACRÉE À MOSCOU

VISA POUR SNOWDEN

La capitale russe accueille en novembre le concours de beauté Miss Univers 2013. Les plus belles filles du monde arpentent la Place Rouge. À l’issue de la compétition organisée pour la première fois à Moscou, la Vénézuélienne Gabriela Isler est couronnée.

En août, l’ancien employé de la NSA Edward Snowden, auteur de fuites sur l’espionnage américain, débarque à Moscou où il obtient l’asile.

PHOTOSHOT/VOSTOCK-PHOTO

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POLÉMIQUE VUITTON SUR LA PLACE ROUGE

AP

L’installation d’une gigantesque malle Louis Vuitton sur la place Rouge cause en novembre un scandale en raison de son caractère publicitaire : elle est rapidement démontée.


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