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Résolution avec ferme propos

RÉSOLUTION AVEC FERME PROPOS C ourtoisie : Martine Corrivault

La période des Fêtes de fin de l’année baigne dans une fébrilité épuisante pour ceux qui tentent de se conformer aux modes et traditions telles que les définissent la publicité et les médias modernes. Après avoir dressé la liste de tous les « ce qu’il faut faire » — sans oublier les bonnes résolutions à prendre — bien des gens ressentent parfois l’envie de tout balancer et de prendre le large. Même si, croyant poser un geste d’autonomie, au moment de choisir entre le Nord ou le Sud, on obéira souvent à des « suggestions » avancées par la publicité. Il faut l’admettre, c’est elle, la publicité qui mène la danse avec, comme partenaire, l’argent, et à coups de centaines de milliards de dollars! Ces deux-là sont inséparables dans l’art de régir nos vies, insidieusement, subtilement, irrévocablement. Ou pas! Pour ma part, je confesse que j’haguis la publicité. Comme Dominique Michel, l’hiver, quand elle chante J’haguis l’hiver, après en avoir évoqué les charmes en récitant du Nelligan. La publicité est devenue un mal nécessaire, indispensable à l’organisation d’événements, et pas seulement quand arrivent fêtes et célébrations qu’au besoin, elle invente, encourage et commandite de diverses manières, avec et par tous les médias, les nouveaux comme le Web ou le numérique et ses algorithmes, et anciens : presse écrite, radio, télé, produits dérivés. Vous direz, comme mon amie Valentine, que je pourrais l’ignorer: « Ça te ferait une bonne résolution pour 2022. On ne t’entendrait plus grogner en dénonçant les niaiseries de forme et de contenu qu’alignent certaines des réclames qui encombrent nos écrans! » Plus facile à dire qu’à faire pour qui suit religieusement ses téléséries, ne rate pas ses émissions d’information spécialisée et ses documentaires sur des sujets rarement abordés ailleurs! Ce qui me dérange le plus, ce sont les interruptions, ces « pauses publicitaires » qui resservent toujours les mêmes messages. Valentine observe que ces pauses sont parfois bien utiles: des études révèlent que pendant les arrêts publicitaires, 89 % des gens quittent la pièce où se trouve l’appareil (pour aller à la toilette ou chercher un breuvage); presque autant changent de poste ou consultent leur téléphone ou leur tablette, 68 % coupent le son et 30 % éteignent leur récepteur. Et elle ajoute: « Il existe des gadgets pour bloquer la publicité, mais faut savoir comment ça fonctionne… » Aux premières heures de la télévision, en Italie, les publicités étaient diffusées en un seul bloc qui regroupait toutes les réclames. La formule récoltait souvent de meilleures cotes d’écoute que la programmation ordinaire. Valentine ajoute: « Des fois, j’aimerais qu’on fasse la même chose ici, histoire de provoquer la créativité des concepteurs et des diffuseurs et de titiller l’esprit critique du public. On pourrait lancer un concours pour couronner la pub la plus détestée de l’année! Et en parler à Jean-René Dufort! L’humour, c’est efficace! » Autrefois, la publicité vendait des produits. Aujourd’hui, son omniprésence lui permet de promouvoir des valeurs, des styles de vie et des idées, sans lésiner sur les techniques ou les moyens nécessaires. Subtilement, elle lance les modes et le public n’y voit que du feu. Des consommateurs, longtemps passifs, se transforment désormais en « influenceurs » qui s’improvisent agents publicitaires et se monnayent des moments de gloire en partageant sur leurs réseaux, critiques et opinions sans restrictions, grâce aux « applis » de leurs téléphones, parfois plus intelligents qu’eux!

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La technologie n’a pas fini d’évoluer et la publicité commerciale, désormais un joueur important dans l’économie mondiale, sait parfaitement comment utiliser chaque nouveauté à ses fins. Pendant ce temps, le public, cible de toutes les interventions, semble désespérément résigné à n’être qu’une marchandise que l’on vend à des commanditaires. Et le public, c’est vous et moi, partout, en tout temps! Il existe bien des règles d’éthique et des lois, mais la tolérance béate les neutralise: on préfère laisser aller, ne rien dire. Au seuil d’une nouvelle année, la meilleure des résolutions à prendre ne serait-elle pas de se réveiller, de s’organiser pour réagir et être entendu et surtout respecté?

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