L'architecture religieuse timouride de l'Ouzbékistan comme représentation architecturale

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L’ARCHITECTURE RELIGIEUSE TIMOURIDE DE L’OUZBEKISTAN COMME REPRESENTATION COSMOLOGIQUE

Mémoire de master réalisé par Lakaeva Maya Encadré par Léonard Legendre

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Je tiens à remercier Léonard Legendre, mon directeur d’étude, qui a suivi ce mémoire depuis ses prémices et qui a su m’aiguiller tout au long de mon travail avec ses précieux conseils.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

I.

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L’islam ouzbek et sa conception pré-moderne du Cosmos a. b. c. d. e.

II.

Histoire de Samarcande et de l’islam ouzbek.

13 Le soufisme en Ouzbékistan 19 Le symbolisme, tout objet comme symbole de l’acte divin 21 La cosmologie, une structure de l’espace ordonné dans l’islam prémoderne 23 L’axe cosmique et la verticalité comme exclusivité de l’humain 33 Application architecturale d’une vision du monde

a. La mosquée Bibi-Khanym b. La symbolique et la géométrie rigoureuse de la composition du plan et des coupes c. Centralité des formes traditionnelles

43 53 71

III. Emboîtement des échelles, la ville comme un corps humain. Son orientation et sa structure. a. b.

Cosmos, ville, corps humain La ville de Samarcande

CONCLUSION

89 101 111

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1. Peinture de Vassili Verechtchaguine (1872) représentant la madrasa Cher-Dor de la place du Régistan

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INTRODUCTION

« The place that Solomon made to worship in, called the Far Mosque, is not built of earth and water and stone, but of intention and wisdom and mystical conversation and compassionate action. »

Rumi "The Far Mosque" in Ch. 17: Solomon Poems, p. 191 Disputed, The Essential Rumi (1995)

Dans le cadre d’un exercice de séminaire l’an passé, j’avais entamé un travail d’analyse de l’architecture du sacré, mené sur l’Ouzbékistan. J’avais choisi cette région car elle m’a toujours intriguée par sa richesse culturelle et historique que l’on n’a pas l’occasion d’aborder pendant la scolarité. L’analyse portait sur l’aspect géométrique et symbolique du Régistan à Samarcande, sur la composition du plan d’un édifice religieux du Moyen-Age dans cette région.

Le Régistan, qui signifie « place sablonneuse » en persan, est le nom que l’on donnait aux places centrales des villes d’Asie centrale. C’était le lieu où l’on venait entendre les proclamations royales, où se déroulaient les exécutions publiques et plus généralement où se tenaient les événements de la ville. Le Régistan le plus connu est celui de Samarcande car il est encadré de 3 madrasas comprenant 2 mosquées ; les madrasas d’Ulugh Beg (1417-1420), de Cher-Dor (1619-1635) et de Tilla-Qari (16471659), bâtiments emblématiques de l’architecture musulmane et de l’empire timouride.

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Ce mémoire est l’occasion pour moi de poursuivre ce travail sur l’analyse de la mosquée ouzbèke, en y ajoutant la question de la prise en compte de la cosmologie dans la conception architecturale. La mosquée est un édifice religieux musulman, où les fidèles pratiquent leur religion, se croisent, sociabilisent. C’est aussi un temple religieux portant en son architecture l’histoire et la symbolique de son culte. Les architectes des mosquées du Moyen-Age, comme les bâtisseurs des cathédrales, les composent de sorte à ce qu’elles soient à l’image de leur philosophie, de leur perception du monde terrestre et spirituel. Dans cette étude, nous nous intéresserons à la mosquée comme microcosme, traduction d’une image du monde. Un bâtiment créé en y insufflant un ordre cosmique et qui sera modelé en fonction de la cosmologie établie lors de sa création. Ce mémoire s’intéressera à une époque pré-moderne, quand, à défaut de moyens technologiques, c'étaient la philosophie, la théologie, les sciences naturelles et surtout la curiosité humaine qui cherchaient à répondre à des questions existentielles, telles que : d’où vient-on ? Où allons-nous et de quoi est constitué le monde au-delà de la terre, au-delà de l’accessible ? Dès lors que l’homme a levé son regard vers le ciel, qu’il fut frappé de son immensité insaisissable, sûrement dès cet instant, s’est-il posé la question de ce qu’il y avait au-delà de ces nuages et de ces étoiles. Là intervient alors la cosmologie et la religion. Chaque peuple a sa propre cosmologie en fonction de son environnement, de ses croyances et de son histoire. Nous nous intéresserons ici spécifiquement à la cosmologie prémoderne musulmane, dans une région éloignée de la nôtre, et dans une ville qui s’érige entre steppe et colline, au cœur de la route de la soie, Samarcande. Ce mémoire tentera de répondre à la problématique suivante : Quelle est l’influence de la cosmologie dans la matérialisation architecturale du sacré musulman ?

En prenant comme étude de cas la Mosquée de Bibi-Khanym, la plus grande mosquée médiévale de l’Ouzbékistan.

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Ce travail se divise en deux parties, une première partie qui revient sur des questions théoriques et son application architecturale. Il m’a semblé important en effet, dans un premier temps, de comprendre ce qu’est la cosmologie dans l’Islam. Je me suis principalement appuyée sur des travaux de Samer Akkach et Gulzar Haider. D’autres auteurs, Patrick Ringgenberg et Alexandre Papadopoulo, m’ont permis de mieux comprendre l’art islamique en général et l’importance de la géométrie dans celui-ci. Pour la deuxième partie, le choix de l’étude de cas et de la méthodologie d’analyse a considérablement découlé des sources disponibles.

L’architecture de l’Ouzbékistan étant encore peu analysée par les spécialistes occidentaux, les sources en français ou anglais sont assez rares. Par chance (pour cette étude en tout cas), l’Ouzbékistan est un pays de l’ex-URSS et quelques travaux ont été menés par des architectes et archéologues russes, notamment pour des reconstructions de bâtiments religieux anciens. Lisant et comprenant le russe, j’ai pu avoir accès à ces documents qui m’ont fourni des éléments graphiques, plans et coupes, pour mon étude de cas. Pour les analyser, je me suis aidée de la méthodologie d’analyse géométrique de la mosquée du Shah à Ispahan par M. Goudarzi, M. Bemanian et M. Leylian, qui dans sa typologie est une mosquée persane à cour, comme la mosquée de Bibi-Khanym à Samarcande, choisie pour cette étude.

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2. Les Karakhanides sont une dynastie de Transoxiane d’origine turque qui régna entre 840 et 1212 en Asie centrale.

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I. L’islam ouzbek et sa conception pré-moderne du Cosmos a.

Histoire de Samarcande et de l’islam ouzbek.

Du sogdien asmara « la pierre ou le rocher » et kand « la ville », Samarcande est l’une des villes les plus anciennes de l’Asie centrale et des plus urbanisées au Moyen-âge. Fondée au VIIIème siècle avant notre ère, elle fut la capitale de la Sogdiane à l’époque antique et décrite dans le livre saint des textes sacrées du Zoroastrisme de l’Avesta.

L’islam arrive à Samarcande en 712, avec la capture de la ville par les conquérants arabes. L’état samanide, vassal du califat arabe, est formé en 875 et dirigé par la dynastie samanide de langue persane. Immédiatement après sa formation et jusqu’en 892, Samarcande sera la capitale de l’immense Etat. Après cette date, la capitale est Boukhara, néanmoins Samarcande restera l’une des villes principales de l’Etat. Les Samanides ont fortement contribué au développement de la science, de la poésie et de l’architecture persane dans la région. Pendant leur règne, en établissant des contacts avec les régions voisines (y compris les états d’Europe), ils ont propagé leur culture. Cependant, aucun des bâtiments construits à Samarcande pendant la période samanide n’a survécu à l’invasion mongole.

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5. Gengis Khan (1155-1227) est le fondateur de l'empire Mongol.

6. Gengis Khan (1155-1227) est le fondateur de l'empire Mongol.

4. Tamerlan (1370-1405), émire de la Transoxiane et fondateur de la dynastie des Timourides

3. Oulougbek (1394-1449), petitfils de Tamerlan, sultan de la dynastie timouride

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Après sa chute en 900, l’état samanide se voit remplacé par l’état Karakhanid, dirigé par la dynastie turque des Karakhanid.

L’une des langues officielles de l’état est alors le persan.

Samarkand, après la scission de l’état, devient la capitale du khanat 1 de Karakhanid occidentale en 1040. La ville voit l’édification, financée par des fonds publics, de sa première madrasa 2 et d’un hôpital public où est enseignée la médecine. Par ailleurs, la médecine à Samarkand est d’un niveau assez élevé.

Néanmoins, dans la ville, les constructions de cette période connurent le même sort funeste que les bâtiments samanides, seul le minaret du complexe Shahi-Zinda a survécu à l’anéantissement de la ville par Gengis Khan.

En 1097, l’état Karakhanid est remplacé par l’état de Khorezm. Ce dernier est la première cible de Gengis Khan lors de l’invasion mongole en 1221. Le siège de Samarcande, qui dura 3 jours, dévasta complétement la ville et tous les chefs-d’œuvre architecturaux construits à l’époque des Samanides, des Karakhanides et des Khorezmshahs furent détruits. Les bâtiments historiques remarquables qui existent aujourd’hui dans la ville ont été construits par la suite sous le règne de Timur (Tamerlan) et des Timurides (entre 1370 et 1499), lorsque Samarcande était la capitale de son empire, période la plus propice au développement de la ville. Partisan d’une politique étrangère active, Tamerlan se souciait de ce qu’elle devienne une véritable capitale mondiale, il y érigea de nombreuses mosquées, palais, madrasas et tombeaux, dont la mosquée Bibi Khanym, construite en 1400, qui sera analysée dans ce mémoire. La ville acquiert la renommée de « Rome de l’Est » et « Perle précieuse du monde islamique ».

Tamerlan fit de Samarcande l’un des grands centres commerciaux d’Asie centrale. Il ordonna, pour ce fait notamment, la construction d’une rue qui traverse la ville, des deux côtés de laquelle il y aurait des magasins et des tentes pour la vente de

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Un khanat est un royaume turc ou mongol dirigé par un khan.

Une madrasa est une école coranique.

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marchandises 3. Il développa également la culture islamique en améliorant les lieux sacrés. Il édifie une mosquée, une demeure de derviches 4 et un tombeau dans les mausolées de Shakhi Zinda.

C’est ensuite le petit-fils de Tamerlan, Oulougbek, qui prend le pouvoir. Ce dernier, en plus d’être sultan, était astronome et mathématicien. Plus scientifique que politicien, il se concentrera davantage sur l’embellissement de la ville et le développement de la science qu’aux conquêtes. Il sera l’auteur des tables sultaniennes 5, ordonnera la construction dans Samarcande d’un observatoire astronomique et de l’ensemble architectural des madrasas et mosquées du Régistan. Il contribua ainsi à ce que la ville devienne un centre mondial de science médiévale.

Le développement commercial de la ville de Samarcande a été favorisé par le fait que celle-ci était située au cœur de la route de la soie. Avec une chaîne de plus de deux cents villes, cette région était la plus urbanisée de l’Asie. La Grande Route de la Soie était un ensemble de faisceaux de routes caravanières terrestres et maritimes qui reliait la Méditerranée et l’Asie de l’Est, et qui a fortement marqué la civilisation du Moyen-âge de l’Asie centrale.

Comme l’indique son nom, elle était principalement utilisée pour exporter de la soie de Chine, mais a également permis les échanges de nombreuses autres marchandises, de techniques, d’idées et de religions. La route de la soie a également permis un échange proliférant des arts.

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Ruy Gonzales de Clavijo, chambellan du roi Enrique III de Castille et plus tard de Léon Henri III, qui dirigea l'ambassade d'Espagne à la cour d'Amir Timur, visita Samarkand en 1404, et décrit son voyage à son retour dans « La route de Samarkand au temps de Tamerlan : relation du voyage de l'ambassade de Castille à la cour de Timour Beg » en 1406.

4 Les derviches sont des personnes qui suivent la voie ascétique de l'islam soufi.

5 Les tables sultaniennes sont des tables astronomiques réalisées à la madrasa puis à l'observatoire de Samarcande.

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7. La grande route de la Soie

L’Ouzbékistan est un territoire fondamentalement hétérogène dans son peuplement, connaissant, suivant les périodes, des influences des différents pays environnants (turkmène, mongole, chinoise et perse) 6. L’art en Ouzbékistan, notamment l’architecture, est donc hétéroclite. L’art de l’Islam, qui commence à s’imposer dans la région à partir du VIIIème siècle, est fortement teinté des cultures présentes. Par exemple, le mausolée des Samanides, datant du Xème siècle, enseveli avant le passage de Gengis Khan à cause de catastrophes naturelles et redécouvert au XXème siècle par des archéologues de l’URSS, 6

Ruy Gonzales de Clavijo témoigne : « La ville de Samarkand est située sur une plaine. Il est entouré d'un rempart en terre et de fossés profonds, de vergers et de vignes. Il y a tellement de ces jardins et vignobles que lorsque vous conduisez jusqu'à la ville, vous voyez une forêt de grands arbres. De nombreux canaux à débit plein traversent la ville et les jardins... La ville regorge de marchandises diverses qui lui sont apportées d'autres pays : de Russie et de Tataria, de Chine, d'Inde. ... Il a rassemblé tellement de personnes différentes de toutes les terres qu'au total, disent-ils, il y avait plus de 150.000 personnes " (Amir Timur dans L'histoire du monde, 1996).

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reprend la forme des Atashkadeh, temples de feu du Zoroastrisme. Mais l’Art de l’Islam le plus représentatif de l’Ouzbékistan s’est développé durant la Renaissance timouride, une ère artistique qui s’étend du XIVème au XVIème siècle.

L’architecture timouride est l’apogée de l’art islamique de l’Asie centrale. De Samarcande à Herat, on construit des bâtiments majestueux, en commençant par le sanctuaire d’Ahmed Yasawi (situé au Kazakhstan actuel), la mosquée Bibi-Khanym à Samarcande, les madrasas du Régistan, le mausolée de Timur et d’autres princes timourides, etc. Elle est caractérisée par sa monumentalité, son luxe ostentatoire, sa symétrie axiale, ses carreaux bleus et turquoise, ses décorations géométriques complexes et son abondance en dômes. L’architecture timouride puise son inspiration dans l’architecture des pays conquis par Amir Timur (principalement persane), en la mariant à la culture locale, elle-même nourrie de Zoroastrisme, de Chamanisme et d’Islam.

Au niveau urbain, il y a une volonté de suivre un principe de construction d’ensemble suivant une trame urbaine réglée et réfléchie.

En ce qui concerne les croyances présentes en Ouzbékistan, le pays est majoritairement musulman depuis l’avènement des Samanides. Ensuite, dans les madrasas, c’est le sunnisme hanafi qui sera enseigné. Cependant, la région est aussi le berceau de célèbres confréries soufies telles que Kubrâwiyya, Yasaviyya ou Naqshbandi, qui ont eu un rôle notamment politique important dans le pays 7.

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Interview (avec CAAN à propos du soufisme en Ouzbékistan) de Bakhtiyar Babadzhanov, docteur en sciences historiques, chef du département d'études islamiques de l'Institut des sciences Vostonikov de Beruni de l'Académie des sciences de la République d'Ouzbékistan.

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b.

Le soufisme en Ouzbékistan

Le soufisme, at-tasawwuf, « mysticisme » en arabe, est un courant ésotérique de l’islam qui s’est formé par un croisement avec les religions préislamiques présentes dans chaque région où il s’est développé. Cette branche de l’Islam part du principe que l’aspect matériel de l’humanité et sa superficialité l’empêchent de trouver l’unité avec le Créateur. Le murid (qui signifie « l’adhérant », « l’assoiffé ») est le disciple qui désire « s’engager sur le chemin de l’éveil spirituel » 8. Il doit alors mener une vie simple en marge de la société et marquée de pauvreté. La voie du soufi est basée sur quatre grands principes : l’obéissance à la Charia 9, la Tariqa 10, la méditation et la perception de Dieu à travers la Marifat 11 et la Haqiqa 12.

En Asie centrale, il se développera au Xème siècle, peu après l’arrivée de l’Islam même, sous l’empreinte du Nestorianisme, du Zoroastrisme, du Manichéisme et de toutes les autres sectes religieuses présentes dans la région. Le soufisme, toujours présent en Ouzbékistan, connaîtra dans l’histoire du pays des périodes de propagation et de stagnation selon les différents climats idéologiques, politiques, socio-économiques ou dogmatiques. De même, le soufisme changera au fil des siècles.

Si, dans ses premières formes, il a reçu un accueil négatif de la communauté islamique, jusqu’à en être déclaré hérétique, à cause des formes extrêmes qu’il pouvait avoir concernant le célibat, l’ascétisme, la réclusion et le mysticisme, on observe, après le XIème siècle, une modération du soufisme, de forme plus tolérante et plus en lien avec la population locale. Il y a de nombreux bâtiments soufis en Ouzbékistan, comme par exemple le couvent 8

Wikipédia, « Murid » La Charia est la loi islamique.

10 La Tariqa est la confrérie soufie, elle désigne également la voie ésotérique. (Wikipédia, « Tariqa ») 11 La Marifat est la connaissance mystique et le mysticisme. (Wikipédia, « Marifat ») 12 La Haqiqa désigne la vérité mystique. (Wikipédia, « Haqiqa ») 9

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de femmes soufies Kiz-Bibi, considéré comme sacré et sujet de pèlerinage pour les communautés soufies.

Les constructions, durant la Renaissance timouride, débutent aux alentours du XIVème siècle, période de prolifération du soufisme dans la région, particulièrement celles de la branche Kubrawiya et Naqshbandiyya, cette dernière ayant pour maître Bahâ’uddin Naqshband, né en 1317 près de Boukhara. Nous sommes donc à même de penser que l’architecture musulmane, à cette époque, fut influencée par les impulsions soufies dans l’Islam de cette région. C’est pourquoi, dans ce mémoire, on s’intéressera particulièrement au soufisme quand il est question d’Islam. D’autant plus que, comme nous le verrons au long de cette étude, le soufisme présente une pensée de l’espace tout à fait spécifique, car c’est la branche de l’Islam qui développera le plus des notions comme la cosmologie et l’espace en général.

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c.

Le symbolisme, tout objet comme symbole de l’acte divin Le terme Aya en arabe se traduit littéralement par « signe », « symbole » ou « marque », mais est plus communément utilisé pour se référer aux versets du Coran. D’après Ibn Manzur 13 , les versets du Coran sont appelés aya car « It is like a sign by which one is led to another as the road’s flags that are erect for guidance » (c'est comme un signe par lequel on est conduit vers un autre, comme les drapeaux de la route qui sont dressés pour le guidage [Traduction libre]) (Akkach, 2005, p. 27). Les versets du Coran font donc partie des signes en question, qu’on retrouve dans la sourate suivante : « Nous leur montrerons Nos signes dans l'univers et en eux-mêmes, jusqu'à ce qu'il leur devienne évident que c'est cela (le Coran), la Vérité. » (41 :53) 14. D’après Samer Akkach, ce verset peut aussi être considéré comme fondation de la notion islamique de symbolisme, qui présente toute chose créée comme symbole 15. Dans son étude sur la cosmologie et l’architecture dans l’Islam prémoderne, il interprète les écrits mystiques sur la cosmologie avec des préoccupations architecturales. Le symbolisme, en tant que « système de symboles destinés à interpréter des faits ou à exprimer des croyances » (Dictionnaire Larousse, 2022), fournit alors les outils conceptuels nécessaires à la matérialisation de la pensée de l’ordre universel conçue par les Soufis. Samer Akkach précise sur le compte des symboles :

13

Ibn Manzur est un encyclopédiste arabe du XIIIème siècle ayant achevé un dictionnaire arabe de plusieurs tomes en 1308.

14 Traduction classique du verset 41 :53 du Coran (Oregon State University).

15 AKKACH, Samer. Cosmology and architecture in premodern Islam: an architectural reading of mystical ideas, 2005, p.27.

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« Ils sont ainsi capables de révéler une modalité du réel, du sacré ou de l'absolu et de dévoiler la structure profonde de l'univers. Ils forment « l'alphabet » du langage universel de la religion par lequel s'exprime la réalité ultime, révélant une image cohérente de l'existence et du monde. En ce sens, les symboles ne nécessitent aucune justification ; la seule mesure de leur validité est leur adéquation aux réalités supérieures qu'ils expriment. » [Traduction libre] 16

Les pratiques et les objets, acquièrent de la signification avec la symbolique, mais leur valeur propre et immédiate n’est pas affectée.

D’après Ibn Arabi 17, dans toutes choses crées, Dieu y inclurait sa présence symbolique. A la page 31 de son ouvrage, Samer Akkach cite les références coraniques, qui d’après lui, identifieraient un alphabet d’une langue spéciale et indispensable à la transmission de messages divins aux humains. Ce langage serait la symbolique et les symboles et les signes seraient son alphabet. De fait, le langage symbolique a moins de contraintes qu’une langue ordinaire et est plus apte à communiquer des vérités transcendantales.

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“They are thus capable of revealing a modality of the real, the sacred, or the absolute and of unveiling the deep and profound structure of the universe. They form the “alphabet” of the universal language of religion whereby ultimate reality expresses itself, revealing a coherent picture of existence and of the world. In this sense, symbols require no justification; the only measure of their validity is their adequacy to the higher realities they express.” (Akkach, 2005, p. 12).

17

Ibn Arabi est théologien du XIIIème siècle, considéré comme le plus grand penseur de la doctrine ésotérique.

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Par ailleurs, al-Ghazali 18 fait l’analogie entre l’acte de l’architecte qui est de faire exister un bâtiment et l’acte divin de faire exister le monde. L’architecte imiterait le processus divin de la manifestation de la forme dans la materia prima 19 (Akkach, 2005, p.51). L’analyse symbolique d’une œuvre architecturale est donc pertinente. Le métier de l’architecte étant comparé à l’exercice divin de la création du monde chez les Soufis, on est à même de penser que, lors de la construction d’un bâtiment, les bâtisseurs l’imprègnent de symboles idéologiques et cosmologiques. Particulièrement, comme nous le verrons plus loin dans ce mémoire, lors des constructions des mosquées, qui peuvent être interprétés comme des microcosmes.

d.

La cosmologie, une structure de l’espace ordonné dans l’islam prémoderne L’Islam succède et réaffirme les textes et traditions des croyances abrahamiques. On retrouve le même dieu omnipotent, les mêmes concepts de cosmologie géocentrique 20, de paradis, d’enfer, de schéma de création du monde, d’exil du paradis, de jugement dernier etc. L’Islam, en fait, se positionne dans la continuité des révélations des religions monothéistes, du premier prophète Adam jusqu’au dernier, Mohammed, en passant par Abraham, Moïse et Jésus 21. Le Coran reprend, corrige, rétablit et supprime les concepts des livres saints qui le précèdent. Dans la 18

Al Ghazali était un philosophe, théologien, juriste et mystique musulman du XIème siècle qui fut une figure majeure de la pensée musulmane.

19 La materia prima en alchimie et en philosophie est la matière première requise pour l’opus magnum alchimique et la création de la pierre philosophale.

20 Haider Gulzar, 1998, p. 74.

21 Le Coran cite au total 25 prophètes. Les récits de vie et révélations de prophètes peuvent néanmoins avoir des différences avec la Bible et la Torah.

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religion musulmane, le Coran est pensé comme le seul livre dont la parole de Dieu restera incorruptible jusqu’au jugement dernier 22 .

Par ailleurs, il est important de rappeler l’engouement des scientifiques arabes du Moyen-âge pour les textes scientifiques de la Grèce antique à partir du XIème siècle 23. La conception du cosmos dans la religion musulmane a donc également pu être influencée par les avancés astronomiques et la redécouverte des textes grecs anciens.

Le terme de cosmologie apparait au XVème siècle, il est composé de kosmos, en grec ancien « ordre de l’univers » et logos qui signifie « belles-lettres, sciences, études » 24. Elle désigne la science de l’origine, de la nature, de la structure et de l’évolution de l’univers.

La cosmologie de l’époque contemporaine affirme que nous vivons sur la Terre qui est plus ou moins ronde. Effectuant des rotations sur elle-même à une vitesse de 1600 km/h, la Terre, comme les 7 autres planètes, est un corps céleste pris dans le système solaire, à 100.000 km/h, dans un mouvement constant autour de l’orbite du Soleil, lui-même étoile suivant sa propre course autour du centre de la Voie lactée à 850.000 km/h, une galaxie poussée par un vide, naviguant à 630 km/s, dans un univers en perpétuelle expansion depuis plus de 13 milliards d’années, date du Big Bang. Telle est notre réalité, dont on a acquis la connaissance à force de progrès scientifiques et technologiques et qui a pu répondre à de nombreux questionnements que l’on pouvait avoir sur notre place dans l’univers et sur la constitution de celui-ci.

22

« Louange à Allah Qui a révélé à Son Serviteur le Livre et Qui ne l’a pourvu d’aucune tortuosité ; » (18 :01) Traduction classique du verset du Coran (Oregon State University).

23 Durant sa conférence, Le cosmos dans l’Islam, Guiderdoni (2013) parle des études menés par les savants musulmans sur les textes grecs anciens.

24 Wikitionaire, « Cosmologie »

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A l’époque prémoderne, à défaut d’avoir les technologies actuelles, la cosmologie était complexifiée de philosophie, de théologie, des sciences naturelles et de curiosité humaine cherchant à répondre à des questions existentielles telles que : d’où vient-on et où allons-nous après la mort ? La religion calmait les anxiétés existentielles de l’homme prémoderne, en lui donnant un rôle dans le schéma de l’existence, et en cherchant une explication logique à la création. La cosmologie quant à elle, le contextualisait spatialement dans l’univers.

En observant le ciel et le mouvement de rotation des étoiles, semblable au mouvement du potier, l’homme traditionnel déduit le caractère révolutionnaire des cieux, ainsi que leur forme en « dôme ».

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8. Les constellations de l’hémisphère sud

« Vous pouvez dire que ces cieux tournent dans la rotation du jour et de la nuit comme un tour de potier et ainsi, à chaque instant, le sage juge Façonne un nouveau récipient avec de l'eau et de l'argile. Tout ce qui existe dans le temps et dans l'espace provient d'une main de maître, d'un atelier. Les étoiles, qui font partie du peuple de la perfection, pourquoi subissent-elles toujours le défaut de sertir ? Pourquoi varient-ils continuellement en position, en place et en orbite ? En couleur et en taille ?

Pourquoi sont-ils tantôt au Nadir, tantôt au Zénith ?

Parfois en apposition, parfois en conjonction ? » [Traduction libre] 25 25

You may say these heavens are revolving in the rotation of day and night like a potter's wheel and thereby every moment the wise judge Fashions a new vessel out of water and clay. Whatever exists in time and in space Proceeds from one master hand, one workshop The stars, who

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L’univers, qui est en expansion comme nous le savons aujourd’hui, est évoqué, dans la cosmologie prémoderne musulmane, comme fini et avec des limites astronomiques nettement définies. Le cosmos dans son entièreté serait saisissable avec la géométrie, les nombres et l’alphabet 26. Cet ordre est décrit par Akkach dans son ouvrage mais également par Ringgenberg :

« De la géométrie de l’art islamique se dégage une vision du monde déterminée par l’idée d’ordre, d’équilibre, de rigueur et de mesure. Elle correspond tout à fait à la notion musulmane, aussi bien théologique que mystique, d’un univers entièrement conçu et organisé par l’Intelligence divine. Dans la création, nulle droite, nulle courbe ne saurait se soustraire à l’action divine et changer sa nature profonde et sa destinée. » 27

Les propriétés du Cosmos prémoderne musulman sont descriptibles avec le champ lexical de la rigoureuse géométrie.

Tout comme la géométrie est ordonnée et régie par des lois strictes, le Cosmos l’est également. Pour aller plus loin, la vie humaine est également régie par l’ordre et le destin de l’homme est écrit à l’avance 28. Rien n’est laissé au hasard.

are of the people of perfection, wherefore are they always undergoing the defect of setting? Why are they continually varying in position, In place and orbit? in color and size? Why are they now in Nadir, now in Zenith Sometimes in apposition, sometimes in conjunction? (Ardalan, 1973, p.11).

26 Akkach, 2005, p. XVIII. 27 Ringgenberg, 2009, p.367 28 D'après Abdallah Ibn 'Amr, le Prophète a dit : « Allah a écrit les destinés des créatures 50.000 ans avant de créer les cieux et la terre et son trône était sur l'eau ». (Rapporté par Mouslim dans son Sahih n°2653)

p. 27

« Maints passages du Coran font par ailleurs allusion à des notions de mesure, de justesse et d’ordre. Dieu n’aime pas la démesure et l’excès, mais Il aime le juste milieu et la juste mesure. Chaque être à son « endroit fixe » et tous les anges sont « en rangs ». Le soleil et la lune obéissent au calcul. Dieu a établi la balance, et les hommes sont invités à peser équitablement, à ne pas frauder et fausser la balance. » 29

Le cosmos pré-moderne était consciencieusement décrit par les penseurs musulmans qui ne laissaient place à aucune ambiguïté. En forme de cercles concentrique, il y avait au total 7 dômes célestes au-dessus de la terre et à l’extrémité du dernier dôme, le plus éloigné de la Terre, se tenait le Trône divin. Il était le seuil et la limite de l’univers, où se terminaient l’espace et le temps. De forme quadrangulaire il était la transition et faisait partie à la fois du monde physique et métaphysique. Chaque dôme représentait une dimension parallèle, semblable et parfaitement superposée à la nôtre. Tout comme il y avait 7 cieux au-dessus, il y avait 7 terres au-dessous 30. Ainsi au total, il y avait 14 couches, habitées non seulement par les Humains mais aussi par les anges et les djinns 31. Ces couches sont décrites comme des répliques exactes de la terre avec tout ce qu’elle contient, y compris les êtres.

29

Ringgenberg, 2009, p.367 Dans la Sourate Al Talaq verset 14 :"Allah qui a créé sept cieux et autant de terres. Entre eux [Son] commandement descend, afin que vous sachiez qu'Allah est en vérité Omnipotent et qu'Allah a embrassé toute chose de [Son] savoir ». (65/12).

31 Les djinns sont des créatures surnaturelles, bonnes ou mauvaises, dans la théologie et mythologie islamique.

30

p. 28

9. Schéma de la cosmologie prémoderne islamique

p. 29

10. Le Prophète escorté par les anges de la montée dans le ciel. Les constellations, les signes du zodiaque et les sept cieux sont tous représentés

« Dans une tradition décrivant les prototypes célestes de la Kaaba, le célèbre compagnon du Prophète, Ibn Abbas, aurait décrit l'existence de quatorze Kaabas, en plus de celle connue, sept au-dessus et sept au-dessous, situées exactement l’une au-dessus de l'autre de sorte que si elles s'effondrent, elles tombent l'une sur l'autre. Il aurait également dit que dans chaque couche il y avait aussi des créatures comme celles de la terre et qu'il y avait même d'autres Ibn Abbas comme lui. A côté de celui-ci, se trouvent de nombreux récits et traditions qui décrivent les divers modes de communication entre les habitants de ces mondes, révélant une préoccupation pour la nature des autres « habitants » et leurs rapports aux êtres corporels. » [Traduction libre] 32

32

« In a tradition describing the heavenly prototypes of the Kaaba, the celebrated Prophet’s companion Ibn Abbas is reported to have

p. 30

Les cosmogrammes 33, établis par les penseurs soufis, étaient ordonnés symétriquement, hiérarchisés et circulaires (Akkach, 2005, p. XVIII). Cette finitude et cette saisissabilité de la structure cosmique permettent de la comparer facilement avec n’importe quel objet naturel ou fabriqué par l’homme, que ce soit le corps humain, l’architecture ou la géographie. Dans son étude, Samer Akkach avance que la cosmologie prémoderne permettait d’avoir un lien, voire un emboîtement entre ces objets, ce qui aujourd’hui n’est plus possible.

« Aujourd'hui, cette spatialité intégrée s'est fragmentée, chaque élément assumant un monde qui lui est propre.

L'ordre métaphysique central qui unissait le tout s'est désintégré. En conséquence, les idées cosmologiques ont perdu leur immédiateté dans la vie et les pratiques spatiales des gens, tout en se complexifiant avec des couches de mathématiques impénétrables. » [Traduction libre] 34

La question de l’emboîtement des échelles sera abordée plus amplement dans la troisième partie de ce mémoire,

described the existence of fourteen Kaaba’s, in addition to the known one, seven above and seven below, located exactly one above the other so that if they collapse, they will fall one on the top of the other. He is also reported to have said that in each layer there are also creatures just as those on earth and that there are even other Ibn Abbas just like him.

Alongside this one, finds numerous narratives and traditions that describe the various ways of communication between the inhabitants of these worlds, revealing a preoccupation with the nature of the other “inhabitants” and their relationships to corporeal beings. » Akkach, 2005, p.26 33 Un cosmogramme est une représentation globale de l’univers sous forme de diagramme. (Wiktionnaire, « Cosmogramme ») 34 Akkach, 2005, p. XVIII.

p. 31

néanmoins c’est une notion qui est importante quand il est question de cosmologie.

11. Symbolique des directions

p. 32

e.

L’axe cosmique et la verticalité comme exclusivité de l’humain En commentant le verset coranique « Le créateur des cieux et de la terre » (2 :117), Ibn Arabi dit que le ciel est ce qui monte et la terre est ce qui descend. L’homme est celui qui distingue ce qui est en haut et en bas car il possède en lui les six directions : avant et arrière, droite et gauche, haut et bas. Ces directions seraient basées sur les fonctionnalités corporelles de l’homme.

La vision permet à l’homme d’aller vers l’avant, le dos fait face à l’arrière, qui est l’inconnu et la vulnérabilité, la droite étant le côté le plus fort, est la direction de la force, la gauche à l’inverse, étant le côté le plus faible, est la direction la plus faible. La tête de l’homme pointe vers le haut, le ciel, et ses pieds vers le bas, la terre 35 . Dans la vision de l’espace soufie, il y aurait alors un lien entre le corps humain, les directions, ses vertus et ses croyances. La formation corporelle droite de l’homme le distingue de toutes les autres créatures qui sont dépourvues de ce rapport à la verticalité.

Le concept de la « verticalité » serait une signification spirituelle dans l’expérience mystique.

35

Akkach, 2005, p. 93.

p. 33

« Les animaux se caractérisent par leur horizontalité, les végétaux par leur inclinaison vers le bas et les humains seuls par leur élévation. Les humains partagent les qualités d'horizontalité et de descente avec les animaux et les plantes, alors que leur verticalité les rend distincts.

Dépourvus de la faculté rationnelle, les animaux et les plantes ne peuvent prendre conscience de la signification de leur structure spatiale, même si elle était la même que celle des humains. La structure spatiale supérieure des humains gagne en importance lorsqu'elle est associée à leur rationalité. » [Traduction libre] 36 « [Le dessus] est la direction qui mène vers l'esprit, d'où viennent les inspirations véridiques et les révélations angéliques, et d'où émanent la connaissance et les réalités spirituelles. » [Traduction libre] 37 La verticalité est donc une expression spatiale du lien de l’homme avec le ciel, les six directions, quant à elles, expriment une intégralité de la réalité humaine. La sensibilité spatiale dans l’enseignement soufi, en donnant des sens aux directions spatiales, est fondée sur une prise de conscience de la signification psycho-religieuse des directions 38. Le concept et l’importance de la verticalité, comme communication entre la terre et le ciel, n’est pas sans nous rappeler la notion de « l’axis 36

« Animals are characterized by their horizontality, plants by their downwardness, and humans alone by their upwardness. Humans share the qualities of horizontality and downwardness with animals and plants, whereas their verticality renders them distinct. Lacking the rational faculty, animals and plants cannot become consciously aware of the significance of their spatial structure, even if it were the same as that of humans. Humans’ superior spatial structure gains further significance when coupled with their rationality. » Akkach, 2005, p. 94.

37 « [The above] is the direction that leads toward the spirit, from which comes truthful inspirations and angelic revelations, and from which knowledge and spiritual realities emanate ». Ibn Arabi, Tafsir, 1 :426 (in Akkach, 2005, p.95) 38 Akkach, 2005, p.95.

p. 34

mundi » ou « l’axe cosmique ». Dans les religions ou les mythologies, l’axe cosmique, est l’omphalos 39 du monde, ainsi que l’axe de connexion entre le royaume supérieur (les cieux, les divinités) et le royaume inférieur (la terre et le monde des humains). Il se matérialise sous différentes formes naturelles (une montagne, un arbre, etc.), ou d’objets construits par l’homme (une tour, un totem, un pilier), qui peuvent varier suivant les mythologies 40. L’axe cosmique peut aussi être appliqué au corps humain. On retrouve cette notion de corps humain comme pilier de communication entre terre et ciel dans de nombreuses sociétés, que ce soit la figure du Bouddha en tant que représentation personnifiée de l’axis mundi ou l’homme de Vitruve 41.

Samer Akkach raconte une tradition d’après laquelle Dieu aurait placé un pilier de lumière dont la base partirait du dessous de la septième terre et le sommet serait placé au-dessous du Trône divin au septième ciel 42. Il existe donc une notion d’axe cosmique distincte dans l’Islam. De plus, quand Adam fut descendu sur Terre, la tradition raconte qu’il était si grand que sa tête était au ciel et ses pieds étaient sur terre 43.

La corrélation entre l’axe cosmique et la verticalité de l’humain est également possible dans le Soufisme grâce à son approche d’emboîtement des échelles et des mondes.

39

Du grec ancien, omphalos signifie « nombril » ou plus généralement tout ce qui est centrale, c’est aussi le symbole du centre du monde (Wikipédia, « Omphalos).

40 Wikipédia, « Axis Mundi ».

41 Ibid.

42 Akkach, 2005, p. 138.

43 Ibid.

p. 35

« Les artefacts de l'homme sont des cristallisations de formes temporelles unies par des systèmes prescrits de relations reflétant des archétypes célestes. Bien que toutes les œuvres créées soient similaires dans leur intention de base, elles diffèrent par leur échelle, leur matériau, leur technique et leur fonction quantitative, dont résultent les divers styles physiques. Ainsi la synthèse conceptuelle qui produit la miniature persane, le tapis de jardin, les arabesques en métallurgie, l'architecture et la ville, suivent des voies analogues tempérées uniquement par le mode d'expression et ce qui est à exprimer. Le pourquoi de toute créativité, son aspect caché, reste éternellement le même. » [Traduction libre] 44

Le corps humain est alors un microcosme, au même titre qu’une ville ou qu’une mosquée. Dans la mosquée du Shah à Ispahan, par exemple, il y a une expression forte de l’axe cosmique, de ce centre du monde qui relie les cieux à la Terre par sa « verticalité » ou plus précisément, par sa réflexion du ciel dans l’eau.

Le plan de la mosquée est régi par une double axialité, rigoureuse et stricte, qui se retrouve dans son plan, mais aussi sur ses façades qui se reflètent dans le bassin central (en rouge sur la figure 11.). Le bâtiment dévie de la trame de la ville pour s’aligner parfaitement sur l’axe de la Kaaba qui, telle une boussole, devient le « nord ». Les traits des axes de symétrie deviennent des axes de 44

« The artifacts of man are crystallizations of temporal forms united through prescribed systems of relationships reflecting heavenly archetypes. Although all created works are similar in their basic intention, they differ in scale, material, technique, and quantitative function, the result of which are the various physical styles. Thus, the conceptual synthesis that produces the Persian miniature, the garden carpet, arabesques in metalcraft, architecture, and the city follow analogous paths tempered only by the mode of expression and that which is to be expressed. The why of all creativity, its hidden aspect, remains eternally the same. » Ardalan, 1973, p.79.

p. 36

direction ; le nord et le sud, l’est et l’ouest. A l’intersection de ces axes, le bassin d’eau (figure 12) « foyer kaléidoscopique qui symbolise l’infini de la création » 45, permet par son reflet, de manifester l’axe haut-bas, le zénith et le nadir 46. La sacralité de ce centre est aussi exprimée par le fait qu’il ne soit pas accessible à l’homme, il ne peut que voir son reflet dans l’eau, sans pouvoir marcher dans ce centre. Le reflet de la nappe d’eau exprime alors une dimension inatteignable.

On retrouve la même sacralité du centre de la cour dans la mosquée Bibi-Khanym (figure 13). A la place d’un bassin d’eau comme à la mosquée du Shah, on y retrouve un porte-Coran en pierre (figure 14). Ici l’axe vertical est matérialisé pas un objet sensé porter le saint Coran, qui dans l’Islam est le livre de retranscription directe de la parole de Dieu, objet des plus représentatifs de communication avec les cieux.

45 46

Stierlin, 1976, p. 70.

Le zénith est le point au-dessus et le nadir et le point en dessous.

p. 37

12. Plan de la mosquée du Shah à Ispahan

13. Vue du bassin depuis la cour de la mosquée du Shah à Ispahan

p. 38

14. Plan de la mosquée Bibi-Khanym à Samarcande

15. Porte-coran de la cour de la mosquée de Bibi-Khanym à Samarcande

p. 39

p. 40

The Point appeared in the circle and was not; nay, that Point produced the circle.

The Point in its revolution becomes a circle in the eyes Of him who measured the circle.

Its beginning and end joined together when the Point Measured the completion of the circle.

When the circle was completed, the compass put its Head and feet together and rested.

We are all without Being, without Being; we are without Being and Thou are Existent.

I called the whole world His dream: I looked again, and Io, His dream was Himself.

Poème de Sayyid Ni’matullah Wali (XVème siècle), dans Browne, A Literary History of Persia, 3: 471. Extrait de The sense of Unity par Ardalan Nader, 1973, p. 31.

p. 41

p. 42

II. Application architecturale d’une vision du monde a.

La mosquée Bibi-Khanym

Il est légitime de se poser la question : pourquoi le choix de la mosquée de Bib-Khanym en particulier, pour l’étude de cas de ce mémoire ? Le choix est, dans une certaine mesure, partiellement arbitraire. En me documentant sur Samarcande lors de mon analyse du Régistan, je fus surprise de la richesse architecturale de ville. Le XVème siècle a été une époque de prolifération architecturale, et a produit de nombreux monuments. Le plus connu reste le Régistan. En 2001, son ensemble de madrasas et de mosquées a été classé sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Comme nous l’avons abordé dans l’introduction, c’est un lieu à caractère hautement politique, religieux et commercial, qui fut sujet à de nombreuses représentations dans l’art à toutes les époques et dans tous les pays. Le Régistan (figure 17) est devenu en quelque sort l’emblème de Samarcande, c’est le lieu qui apparait à l’esprit en premier lors de l’évocation de la ville. Oulougbek, l’initiateur de la construction des madrasas, ordonna également la construction d’autre bâtiments emblématiques, notamment un observatoire astronomique (figure 18), détruit peu après sa mort par ses successeurs. Il a également ajouté une porte monumentale à l’édifice qui a servi d’exemple au Taj Mahal, le Gour Emir (figure 16), se traduisant en langue perse par « tombeau du roi », mausolée de Tamerlan et de sa descendance. D’autres mausolées sont également présents à Samarcande. Chah-e-Zindeh (figure 15), au nord-est de la ville, est une véritable nécropole, elle comprend de nombreux mausolées, pour le plus ancien, la date de construction remonte au XIème siècle.

p. 43

16. La nécropole de Chah-e-Zindeh

17. Le Gour Emir, mausolée de Tamerlan

p. 44

18. Le Régistan

19. Observatoire astronomique de Oulougbek

p. 45

20. La mosquée Bibi-Khanym

p. 46

La construction de la mosquée de Bibi-Khanym débute en 1399. Tamerlan y attachait une importance exceptionnelle et encourageait les travaux de toute les manières possibles. Au point que la construction de la mosquée ne prit que cinq ans et elle fut achevée en 1404. Le souverain exigeait que la mosquée soit des plus majestueuse et qu’elle surpasse tous les bâtiments du monde en splendeur. Les plus grands maîtres de Samarcande, d’Irak, d’Inde et d’autres pays ont participé à sa construction 47.

Mais très tôt, la mosquée commence à se détériorer à cause d’une maîtrise encore faible des techniques de constructions avantgardistes ainsi que de très nombreux tremblements de terres qui sévissent dans la région. En 1897, un séisme transforme la mosquée en ruine. Il faudra attendre 1974 pour la reconstruction du monument par le gouvernement soviétique 48. Les recherches archéologiques permettent de présenter le plan et l’aspect originel de la mosquée.

« La mosquée est une composition à cour. Sur l'axe principal se trouve le portail d'entrée, et dans les profondeurs de la cour rectangulaire se trouve le volume principal en forme de dôme de la mosquée. Sur l'axe transversal de la cour se trouvent deux bâtiments coupole-portails identiques. Les quatre volumes principaux étaient réunis par une galerie à plusieurs rangées de 400 colonnes de pierre. » [Traduction libre] 49

47

Zahidov, 1985, p. 29.

Wikipédia, « Mosquée Bibi-Khanym » 49 « Мечеть имеет дворовую композицию. На главной оси расположен портал входа, а в глубине прямоугольного двора основной купольный объем мечети. На поперечной оси двора находятся два одинаковых портально-купольных здания. Все четыре основных объема были объединены многорядной галереей из 400 каменных колонн. » Zahidov, 1985 p. 30.

48

p. 47

Malgré le fait que, à travers le temps, la mosquée nous soit parvenue en ruines avec seulement sa structure grandiose, on peut comprendre la grandeur du projet initial. 167 mètres de long pour 109 mètres de large, avec un pishtak 50 de 35 mètres de haut, elle était considérée comme la mosquée la plus belle et la plus grande de l’Asie Centrale. L’ensemble de la mosquée est construit sur une combinaison complexe de formes architecturales et de couleurs. L’ornementation est composée d’inscriptions religieuses en kufi Bannai 51 qui sont visible à grande distance. La grille ornementale qui couvre les murs du bâtiment présente de grandes figures en formes de losanges, en carreaux de brique de plusieurs nuances de bleus et blanc. « Sa coupole serait unique si le ciel n’était pas sa réplique, il en serait de même pour son arc si la Voie lactée n’était pas son fidèle reflet » 52

22. Bannai Kufi

21. Inscription sur le minaret de la mosquée Bibi-Khanym

50

Le pishtak est un élément d’architecture islamique, c’est le portail en forme d’arc. (Wikipédia « Pishtak ») 51 Le kufi est le style de calligraphie arabe le plus ancien, en bannai il prend des formes géométriques carrés avec des lignes horizontales ou verticales (figure 20).

52 In Samarcande, Boukhara, Chakhrisiabz, Khiva, par Youri Goldenstein (citation tirée de Wikipédia « Mosquée Bibi-Khanym »)

p. 48

23. La mosquée Bibi-Khanym

24. Grand dôme de la mosquée Bibi-Khanym

p. 49

27. Photographie datant de 1969, la mosquée avant sa reconstruction

25.

Photographie datant de 1999, la mosquée durant sa reconstruction

26. Dessin des colonnades de la mosquée aujourd’hui inexistants

p. 50

Les premiers chercheurs du site : M.E. Masson, Sh.E. Ratiya et G.A Pugachenkova, ont déterminé la forme originale des contours généraux de l’ensemble. Ils effectuent une série d’étude, en 1967, comprenant des mesures architecturales et archéologiques, des analyses d’enduits et de maçonnerie utilisées, des sondages de sol, des essais en laboratoire de matériaux de construction ou des analyses des documents existants comme des photographies ou des illustrations 53. De leurs études, on découvre que le monument aurait été construit sur un site où il y avait déjà une construction monumentale dans l’Antiquité. De manière générale, le site était déjà habité au premier siècle avant JC. Les briques qui servirent à la construction de la mosquée Bibi-Khanym, proviendraient du démantèlement de bâtiments de l’ère Karakhanid (XIème siècle) 54. Les travaux moderne de reconstruction on prit plus de 40 ans. Pour stabiliser la structure face aux nombreux tremblements, les architectes ont dû utiliser des techniques de construction modernes.

La mosquée Bibi-Khanym est un bâtiment à l’image de la folie des grandeurs de Tamerlan : une architecture par laquelle il a désiré montrer au monde entier sa supériorité, une « beauté fatale » qui a couté la vie à 100.000 ouvriers par la dureté des chantiers, sur laquelle se sont penchés 200 architectes et 95 éléphants apportés d’Inde 55. Elle a été construite il a plus de 600 ans et, depuis, a fasciné un nombre innombrable de personne. On a longtemps contribué à sa préservation 56, elle a été et est toujours lieu de pèlerinage pour les femmes désirant mais ne pouvant pas avoir d’enfant. Durant sa construction, elle a suscité d’abord de la frayeur, ensuite de la fascination, on lui prête des 53

Terentiev et Ahova, 2019, p. 2.

Ibid.

55 Les chiffres sont tirés du site internet : https://www.voyageouzbekistan.com/guideouzbekistan/attraction/mosquee-bibi-khanum 56 Terentiev et Ahova dans leur article énumèrent les nombreux chantiers de reconstruction dont la mosquée a été l’objet depuis sa construction initiale.

54

p. 51

propriétés magiques, on cherche à percer le secret de sa composition géométrique 57. Ce sont les raisons pour lesquelles j’ai souhaité travailler sur cette mosquée plus précisément, parmi les nombreux monuments timourides car elle est pour moi, un vestige du passé qui intrigue par tous ses aspects, dès lors qu’on pose ses yeux dessus.

28. Photographie aérienne des ruines de la mosquée Bibi-Khanym, avant sa reconstruction (1968)

57

Boulatov dans le chapitre 5 de son ouvrage expose les différentes théories existantes sur la proportion des modules de son plan.

p. 52

b.

La symbolique et la géométrie rigoureuse de la composition du plan et des coupes L’équilibre et les proportions Dans son chapitre dédié à l’esprit de la géométrie, Ringgenberg, décrit l’importance significative de la géométrie dans l’art musulman, en s’appuyant sur de nombreuses sources, qu’elles soient historiques ou contemporaines.

« La présence de la géométrie et des nombres dans l’art islamique est multiple : les formes fondamentales (carré, étoiles, cercles, etc.), les constructions géométriques (entrelacs, symétrie, croissance géométrique, proportions, répétition, translation, etc.), les nombres et les rythmes régissent, diversement, aussi bien l’architecture et le décor que la musique et la versification poétique. Dans le décor, les arabesques végétales sont également structurées par la symétrie et par des proportions, des circonvolutions et une croissance fondée sur la géométrie. Les motifs végétaux s’épanouissent à l’intérieur d’un ordre géométrique, comme pour rappeler que les floraisons terrestres et les jardins du paradis sont toujours mesurés et conduits par l’Intelligence divine. » 58

Il est fréquent de retrouver le nombre d’or dans les constructions architecturales musulmanes. Plus généralement, l’attention aux proportions et à l’équilibre géométrique est accordée dans tous les arts de l’Islam : architecture, musique, peinture, poésie, etc. En calligraphie, par exemple, on apporte une attention particulière à l’espacement et la hauteur des lettres, notamment à l’écriture des Corans.

58

Ringgenberg, 2009, p. 364.

p. 53

« Des observations sur une série de manuscrits coraniques du 3e/9e siècle ont mis en évidence la constance d’un rapport de 0,66 (autrement dit de 2/3) entre la hauteur de la surface d’écriture et celle de la page. » 59

Comme nous l’avons déjà abordé à la page 24, cet intérêt porté à la géométrie est révélateur de la vision du monde dans l’Islam. Une vision structurée et parfaitement organisée du cosmos, car créée par une Intelligence divine, entièrement perceptible avec la géométrie. Qu’il soit question de vie humaine ou de mouvements d’étoiles dans le ciel, « chaque être à son « endroit fixe » et tous les anges sont « en rangs ». Le soleil et la lune obéissent au calcul. Dieu a établi la balance, et les hommes sont invités à peser équitablement, à ne pas frauder et fausser la balance. » 60 L’équilibre est recherché partout, la prière est prononcée d’une voix calme, ni trop élevée ni trop basse. Les pratiques religieuses très rigoureuses (le jeûne, la prière 5 fois par jour, etc.), permettent en contrepartie de jouir pleinement de la vie et de ses biens (aucune limite dans le plaisir sexuel marital, épanouissement social, etc.). D’autre part, l’importance de la géométrie, peut-être une conséquence de la priorisation de la connaissance et des recommandations coraniques de la démarche intellectuelle. El-Bokhâri disait « La recherche de la science est une obligation stricte pour tous les musulmans. » 61 Or la géométrie est la discipline qui représente le mieux la science lors de la conception. Néanmoins, il existe une notion d’erreur volontaire. Souvent les artisans introduisent des erreurs, pour ne pas imiter l’intelligence divine 62 :

59

Ibid., p.365.

Ibid., p.367.

61 El-Bokhâri, érudit musulman, dans « L’authentique tradition musulmane : Choix de hadiths ». Cité par Ringgenberg, 2009, p. 368.

62 Ibid., p. 370.

60

p. 54

« « L’esprit de géométrie » de l’art islamique n’est donc pas la seule précision du mathématicien, il participe de la fluidité, et donc de l’imprécision, de la vie. En cela, l’art islamique semble être à l’école de la nature : les deux moitiés d’un visage ne sont pas absolument identiques, et si les fleurs possèdent une structure géométrique, elles s’épanouissent dans la souplesse de la vie organique. » 63

63

Ibid.

p. 55

29. Plan de la Mosquée de Médine avec la chambre d'Aïcha en bas à droite

100 coudées 30. La maison du prophète Mohammed, avec les chambres latérales

p. 56

La maison du prophète La maison du prophète Mohammed, soit la première mosquée, était parfaitement carré, de cent coudés de coté (45,72m). Ce choix parfaitement géométrique de la part du prophète ne semble pas anodin, c’est la forme qui représente la Kaaba, son nom en arabe signifie justement « cube ». Déjà à l’époque, la géométrie avait une symbolique, notamment le carré qui avait une dimension « sacrée ». La preuve est qu’à la mort du prophète, son corps fut enterré dans la chambre de Aïcha et cette pièce a été « murée dans un édifice de forme volontairement irrégulière. » 64 On construit autour de la chambre cette enveloppe irrégulière, dans la crainte qu’elle ne soit prise pour la qibla 65 si elle est de forme carrée comme la Kaaba. Plus tard, la mosquée de Médine 66,qui sera construite à la place de la moquée primaire du prophète aura un « dessein artistique d’ensemble fondé sur l’asymétrie » 67, avec des dissymétries, des angles pas droits et le mur du nord plus court que celui du sud.

64

Papadopoulos, 1976, p. 224.

La qibla est l’orientation cers laquelle le musulman prie, soit vers la Kaaba.

66 Mosquée par al-Walid en 706.

67 Papadopoulos, 1976, p. 225.

65

p. 57

Sacralité du carré Papadopoulos, en parlant de ces anomalies rencontrées dans les plans de la mosquée, rappelle que le carré jouera le plus grand rôle dans l’architecture musulmane par la suite. Selon Platon, le carré fait partie des « figure les plus belles » car on l’obtient avec deux triangles isocèles droits considérés comme les plus beaux, mais il serait également l’élément générateur du cube, estimé parfait car représentant l’équilibre sur toutes ses faces. La sacralité du carré, étant la forme de la Kaaba, s’additionne à la mentalité musulmane alimentée au « carré magique », aux valeurs de l’alchimie, du gnosticisme néopythagoricien et de l’arithmologie hermétique, est l’une des raisons de l’utilisation de cette forme dans l’architecture des mosquées 68. La géométrie contenait de profondes dimensions mystiques qui ont survécu à l’époque de ses maîtres grecs, tels que Pythagore, Nicomaque, Euclide et Platon 69. Dans le symbolisme des figures géométriques, la stabilité du carré et ses quatre côtés l’apparentent aux quatre directions de la boussole, aux quatre saisons et plus généralement à la terre.

68 69

Ibid., p.223.

Akkach, 2005, p. 56.

p. 58

« Selon la génération euclidienne de la géométrie par lignes, 4 en tant que forme statique devient le carré ; étendu et dynamique, il devient la croix. Le carré comme 4, ou le cube comme 6, est la forme la plus arrêtée et la plus inactive. Il représente l'aspect le plus extériorisé et figé de la création. Le cube est donc considéré comme le symbole de la terre à l'échelle macro et de l'homme à l'échelle micro. Le « cube de l'homme » est une représentation symbolique de ses caractéristiques manifestées, le système de coordonnées des six directions qu'il partage avec la terre et les cieux.

L'hexaèdre symbolise alors la dernière manifestation dans les planètes, la terre, et parmi la matière, l'homme. C'est le symbole temporel suprême de l'islam, car Kaaba signifie cube » [Traduction libre] 70

70

« According to the Euclidean generation of geometry through lines, 4 as a static form becomes the square ; extended and dynamic, it becomes the cross. The square as 4, or the cube as 6, is the most arrested and inactive of shapes. It represents the most externalized and fixed aspect of creation. The cube is therefore regarded as the symbol of earth in the macroscale and man in the microscale. The “cube of man” is a symbolic representation of his manifested characteristics the coordinate system of the six directions—which he shares with the earth and the heavens.

The hexahedron then symbolizes the last manifestation—in the planets, earth, and among matter, man. It is the supreme temporal symbol of Islam, as Ka’ba means cube » Ardalan, 1973, p.29.

p. 59

31. Plan de la mosquée Bibi-Khanym d'après Boulatov

p. 60

Proportions de la mosquée Bibi-Khanym Sh. E. Ratiya, lors de l’étude des proportions de la mosquée Bibi-Khanym est arrivé à la conclusion que la mosquée était proportionnée en système de modules en grille dont l’unité correspondait au diamètre d’un des minarets positionnés à l’angle droit. D’après Boulatov, dans son ouvrage dédié à l’harmonie géométrique dans l’architecture de l’Asie centrale du IXème au XVème siècle, cette théorie pose un problème au niveau du portail d’entrée, qu’elle ne peut expliquer. Un autre architecte, K. C. Kryoukovo, émet l’hypothèse que le module de la grille de proportions de la mosquée est de 360cm, soit l’espacement des colonnades. Cette théorie expliquerait les proportions de tous les éléments de la mosquée mais s’appliquerait difficilement dans le bâtiment principal de la mosquée. L’épaisseur du bâtiment étant de 2330 cm, il serait couvert de 6 modules seulement, soit à 2160 cm. L’écart présenterait 170cm. Boulatov quant à lui, avance que le carré sous la coupole principale de la mosquée servit de module pour la proportion du portail d’entrée.

32. Proportions de la salle à coupole principale de la mosquée Bibi-Khanym d'après Boulatov

p. 61

Bien que les versions des architectes diffèrent concernant le procédé de construction géométrique du bâtiment, il est évident que celle-ci a été effectivement pensée de manière complexe et complète. On pourrait penser qu’elle ne possède pas une seule grille de proportions ou principe de construction, mais bien plusieurs, qu’il soit question du plan mais également des coupes. A savoir également que les dimentions peuvent ne pas être tout à fait exactes, d’une part car cest une reconstruction (bien qu’elle tend à être la plus fidèle possible), d’autre part parce que les dimentionnements présentées dépendent grandement de la méthode employée par la personne faisant les relevés. Nous considéreons le plan de Boulatov comme exact mais il existe d’autre plan de la mosquée de Bibi-Khanym, avec des valeurs qui peuvent varrier quelque peu. Ainsi, la mosquée peut être divisée en 4 unités pour sa longueur et en 3 pour sa largeur, nous serions donc en présence d’un rectangle de Pythagore dont la diagonale serait égale à 5. D’après Henry Stierlin dans son analyse sur la mosquée du Shah de Ispahan, le rectangle de Pythagore serait une figure importante dans l’architecture persane car en additionnant 3, 4 et 5 on retrouve le nombre fondamental sarcé du chiisme, le 12, représentant les 12 imams 71. Dans le Soufisme, ces 12 mêmes imams sont aussi considérés comme grands imams et maîtres soufis, le chiffre 12 représentant également un cycle complet et correspondant aussi aux 12 constellations du Zodiaque. On sait que l’utilisation du triangle rectangle 3-4-5 (aussi appelé triangle égyptien) était un moyen simple et rapide de constituer un angle droit et était couramment utilisé lors des chantiers du Moyen-âge dans le monde entier. L’apport symbolique à la forme géométrique ne change pas la réalité de sa praticité, néanmoins, nous pouvons en déduire la haute considération que pouvaient avoir pour elle les architectes de l’époque, lors de la construction de la mosquée.

71

Stierlin, 1976, p. 76.

p. 62

33. Triangle remarquable du rectangle de Pythagore et l'application sur le plan de la mosquée Bibi-Khanym

Henry Stierlin écrit que les chiffres et les tracés géométriques, revêtent pour les savants musulmans comme pour les bâtisseurs du Moyen-Age gothique, une signification seconde, qui est le dévoilement du divin et l’intelligence première, reflétée par la création architecturale. Au-delà des principes purement esthétiques, les bâtisseurs persans se préoccupaient de la conscience et de la connaissance qu’ils engrainaient lors de la création d’une mosquée qui devient quelque part une « grand œuvre » révélatrice 72.

72

Ibid.

p. 63

Après une première analyse personnelle du plan, j’émets l’hypothèse de plusieurs grilles de lecture possible de celui-ci.

Dans un premier temps, j’ai identifié le rectangle d’or à l’intérieur du tracé, dont les limites constitueraient le cadrage de la cour, et qui prendrait en compte la symétrie axiale de la mosquée, s’inscrivant également dans la lecture géométrique du plan de Boulatov.

34.

p. 64

35.

36.

p. 65

37.

p. 66

Une autre lecture se base sur des multiples de x, à hauteur de 5 unités, où chaque unité correspond à 360 cm soit l’espacement entre les colonnades. En longueur on retrouve un dédoublement de la résultante de x qui concorde avec la division des éléments principaux de la mosquée. La bande x est la colonnade du portail dont les diagonales se croisent au centre du pishtak, 2x dont l’extrémité arrive pile au milieu des petits dômes latéraux, et 4x correspondant à toute la partie supérieure du plan avec les diagonales qui se croisent au centre de la façade intérieure de l’iwan de la grande mosquée.

La dernière lecture est construite en croisant les diagonales des carrés sous les petits dômes latéraux ainsi que du grand dôme principal. En prolongeant ces diagonales dans la partie supérieure du plan, elle se croisent à l’angle droit du rectangle des limites de la mosquée, et forment de multiples équerres. Dans la partie inférieure du plan, les diagonales des petits dômes se terminent à la façade extérieure du pishtak, à la limite du commencement de ce dernier. En vert est tracé un carré, dont le centre du côté correspond au centre de la coupole et qui passe par les façades donnant sur les cours des petits dômes.

L’analyse géométrique d’un plan est un exercice rigoureux qui, sur de nombreux aspects, demande des connaissances au préalable.

Et bien que ce soit passionnant, cela demanderait davantage de temps que je ne peux y accorder dans le cadre de ce mémoire. Les grilles de lecture que je propose dans cette partie ne correspondent qu’à de premières approches et demanderaient bien évidement de plus amples approfondissements.

p. 67

38.

p. 68

La symétrie comme division de l’unité La symétrie est une transformation géométrique qui revient souvent dans l’architecture islamique. Comme nous l’avons vu plus tôt, cela pourrait être dû à la beauté géométrique qui s’accompagne d’une symétrie axiale, qui s’exécute en géométrie euclidienne élémentaire de part et d’autre d’une droite. Mais on peut également voir la symétrie comme une division en deux parties égales d’une seule et même unité. Gulzar Haider décrit cette notion de scission de l’unité, comme une des idées formatrices récurrentes de l’imagerie coranique de la création. D’après lui, c’est une scission en opposées ou en paires, mutuellement essentielles et existant simultanément. Dans la nature ce peut-être le jour et la nuit, la terre et le ciel, l’homme et la femme, qui furent créés l’un pour l’autre et qui sont si fondamentalement nécessaires l’un à l’autre qu’ils pourraient être incomplets s’ils étaient seuls. L’ « unité » qu’ils formaient à l’origine est révélée par leur « séparation », dans laquelle réside le secret même de leur individualité. Haider ajoute que dans leur union temporaire réside la promesse de procréation et de continuité 73. La mosquée Bibi-Khanym, comme beaucoup d’autres mosquées, voir plus généralement comme l’archétype de la maison traditionnelle musulmane, possède cette symétrie axiale ainsi qu’une cour en son centre. Comme un « fractionnement de la masse ‘’terre’’ sur les axes cardinaux pour former une cour dans laquelle est accueilli le ‘’ciel’’ qui est l’autre divinement divisé. » 74 De même que le rahle 75 composé de deux planches identiques symétriques et indispensables l’une pour l’autre.

73

Haider, 1996, p.245.

Ibid.

75 Le rahle est un élément qui sert de support au Coran (figure 36).

74

p. 69

39.

p. 70

c.

Centralité des formes traditionnelles

La centralité de la cour L’organisation spatiale, tout comme l’organisation des volumes, est soumise aux mêmes règles que l’ordre géométrique du plan, s’appliquant alors jusqu’à l’ornementation de la mosquée. Le prototype de la première mosquée construite par le prophète en 655 est un espace découvert, délimité pat un mur en briques sèches et muni, du côté de la qibla, d’un portique soutenu par des troncs de palmiers. C’est une structure qui a donné par la suite la mosquée à cour, entourée de portiques et d’une salle de prière face à la Mecque. Comme nous l’avons vu, la cour, en plus de permettre une composition architecturale avec un équilibre des masses et de répondre aux besoins liés au climat aride de la région, porte en elle une charge symbolique. Les rites musulmans demandent à se tourner vers la Mecque mais les mosquées persanes possèdent une centralité offerte par leur cour. La cour de la mosquée du Shah de Ispahan, par exemple, va dicter les dimensions des autres parties de la mosquée et de la composition générale du plan. Généralement les cours des mosquées possèdent un caractère cosmique. Par leur forme carrée symbolisant les quatre directions, mais également par les quatre iwans placés au centre de chaque côté. Les iwans et les portiques vont créer une façade intérieure somptueusement parée. La cour devient alors une véritable salle, dont le plafond que l’on devine en forme de dôme, n’est nul autre que le dôme céleste, s’immisçant dans la faille créée par le vide de la cour et soutenu par les iwans.

p. 71

40.

p. 72

La cour ouverte fait partie intégrante du bâtiment.

Organisée autour d’un point central, elle permet le déploiement de l’espace dans toutes les directions : devant, dernière, à gauche et à droite par les ouvertures créées par les iwans, en haut par l’ouverture zénithale sur le ciel et on devine la connexion avec le bas grâce à l’installation centrale du rahle en tant que axis mundi où repose un Coran, livre sacré qui lie l’humain à la parole divine (figure 38).

« Le sacré, marque « des interruptions et des ruptures » dans leur continuum en perturbant la prévisibilité des processus naturels et des conditions d'existence familières. Où et quand cela se produit, le sacré se manifeste dans des formes spatiales ou temporelles qui reconfigurent le continuum indifférencié du profane. Ainsi la manifestation du sacré perturbe la continuité homogène de l'espace et annule la linéarité de l'histoire.

Avec la manifestation du sacré, l'espace devient centralisé et le temps cyclique : l'amorphe se structure selon des paradigmes archétypaux. » [Traduction libre] 76

76

« The sacred marks “interruptions and breaks” in their continuum by disturbing the predictability of the natural processes and familiar conditions of existence. Where and when this happens, the sacred manifests itself in spatial or temporal forms that reconfigure the profanes nondifferentiated continuum. Thus, the manifestation of the sacred disrupts the homogenous continuity of space and nullifies the linearity of history. With the manifestation of the sacred, space becomes centralized and time cyclical: the amorphous becomes structured according to archetypal paradigms. » Akkach, 2005, p. 136.

p. 73

41. Place carré du Régistan

42. Analyse du caractère cosmologique de la place du Régistan

p. 74

43. Schéma du plan de la place de Régistan

Le Régistan qui est une place carrée, est encadré par 3 madrasas, dont les pishtak jouent le rôle de mur soutenant le ciel.

Tout comme les minarets en forme de colonnes de part et d’autre de chaque portail (figure 39 et 41).

L’an passé dans mon analyse sur le Régistan, j’avais fait la comparaison entre les minarets comme pilier du ciel avec l’Irminsul, le pilier cosmique sacré dans le paganisme germanique qui supporterait le ciel. En plus du lien entre la terre et le ciel, Dieu et les humains, les minarets profondément ancrés dans la terre avec leur fondation, créeraient aussi une connexion avec le soussol, le monde sous terrain (figure 40).

p. 75

La mosquée de Oulougbek du Régistan qui est, comme Bibi-Khanym, une mosquée à double symétrie avec une cour centrale (figure 45), a cette particularité que son pishtak est de hauteur et largeur identiques à celles de sa cour, exactement comme si son portail était une projection de sa cour (figure 42 et 43).

44. Plan de la mosquée Oulougbek du Régistan

45. Coupe de la mosquée Oulougbek du Régistan

p. 76

Au sein de la mosquée, cette cour/salle, donne la direction et le centre vers lequel convergent les éléments constitutifs de la mosquée tout comme y convergent les fidèles. Comme elle est située entre le portail et la grande salle de prière, le passage par celle-ci est inévitable (figure 44).

47. Double axiale de mosquée Bibi-Khanym

la

46. Cheminement linéaire depuis l'entrée jusqu'à la salle de prière (en passant par la cour)

p. 77

Cheminement vers le sacré Bibi-Khanym est une mosquée à 4 iwans, double axiale et avec un mode de cheminement linéaire et simple. Depuis la rue, on entre par le gigantesque pishtak qui graduellement compresse étroitement l’espace, que ce soit en hauteur ou en largeur, marquant l’importance du passage à l’espace sacré. Puis on arrive dans la cour, un espace ouvert et large, qui permet l’expansion de l’âme. Sur le même axe, pour accéder à la grande mosquée, on doit passer l’iwan opposé au pishtak, égal en hauteur et en importance, à tel point qu’il devient lui-même un pishtak, cachant derrière lui le dôme de la grande mosquée. Cet iwan est une introduction au dôme que l’on découvre seulement de l’intérieur, définissant par sa grandeur l’autorité du dôme principal. Ce cheminement permet un arrangement de l’espace qui tend à préserver le caractère sacré de la mosquée : en entrant dans celleci, on se met dans l’axe de la qibla.

Dans son étude sur les effets des directions sur les hiérarchies des mouvements dans la mosquée, Ghouchani, avance que l’arrangement géométrique des espaces dans les mosquées traditionnelles était pensé par les architectes, de sorte à préserver le sens de la confidentialité, de la sainteté, l’immortalité et la spiritualité de l’espace. Ce qui aurait une conséquence sur l’état d’esprit du fidèle, son agitation et anxiété de tous les jours se calmerait ainsi dans cette traversé de la mosquée. « De l'avis des architectes des mosquées traditionnelles, l'homme sans ablution (wuzu) est semblable à l'humain matériel, passant par les espaces avant, les porches et les fontaines d'entrée pour atteindre l'espace d'ablution et cela lui permet d'entrer dans la cour avec médiation. » [Traduction libre] 77

77

« In the opinion of the architects of the traditional mosques, man without ablution (wuzu) is similar to the material human, passing through the front spaces, porches and entrance fountains to reach the

p. 78

Ces facteurs, lors de la création d’un espace rituel dans la mosquée que sont la tranquillité, l’introspection, l’intimité et la familiarité avec Dieu, sont atteints grâce à la considération de l’axe de la qibla comme signe d’unité ainsi que le passage par les préliminaires et la hiérarchie du mouvement dans l’espace de la mosquée.

Le passage du carré au cercle Les bâtiments islamiques prémodernes révèlent une préférence pour les espaces géométriques qui ont tendance à s’organiser symétriquement autour d’un point 78. Deux modèles sont ainsi créés à partir de ce principe : un espace ouvert de cour centralisée comme nous venons de voir, et un espace clos centralisé. Définis par une base géométrique régulière et carrée, la salle de prière principale de la mosquée Bibi-Khanym est couronnée d’une coupole. Le carré met l’accent sur les directions et le déploiement spatial tandis que le toit exprime l’unité et la centralité.

Historiquement, les civilisations traditionnelles ont toujours considéré les maisons, sanctuaires ou tombeaux sphériques comme des symboles de l’univers. Les termes comme « tente cosmique » ou « œuf cosmique » tendent à préserver et transmettre ces croyances ancestrales et significations ésotériques associées au dôme 79. Ardalan nous rapporte l’exemple de l’Iran, où les rois achéménides qui ont introduit le concept de souverain divin et universel, tenaient leurs cérémonies dans de vastes tentes cosmiques qui étaient appelés « cieux » 80.

Cette imagerie ancienne s’est conservée dans la culture islamique par le transfert symbolique. ablution space and this allows him to enter the courtyard with mediation. » Ghouchani, 2019, conclusion de l’article.

78 Akkach, 2005, p. 151.

79 Ardalan, 1973, p. 73.

80 Ibid.

p. 79

48.

49.

p. 80

En général, les salles à coupole posent un problème architectural technique qui est le passage d’une base carrée à un dôme hémisphérique. L’architecture islamique développe un système d’arcs d’angles additionnés de nervures et de muqarnas 81 . Dominique Clevenot, dans son ouvrage, mettra en lumière les interactions historiques des différentes solutions techniques apportées à la problématique 82. On obtient le cercle de la coupole grâce à la succession de 3 formes géométriques : le carré, l’octogone et enfin le cercle.

Symboliquement, dans ce micro-cosmos incarné par la mosquée, le carré représente la terre, la forme la plus extériorisée de la création stabilisée. Le cercle, une forme sans début ni fin, symétrique dans toutes les directions, permettant un nombre infini de configurations géométriques en partant de son centre, est donc symbole du dynamisme et de la divinité, l’archétype du dôme céleste, les cieux se déplaçant également dans un mouvement constant et circulaire. Le passage de l’un à l’autre se fait à l’aide du triangle, la figure permettant l’élévation et la transition (figure 46 et 47).

81

Les muqarnas sont des motifs ornementaux de l’architecture islamique en forme de nid d’abeilles ou de stalactites.

82 Clevenot, 2000, p. 195.

p. 81

« Le triangle, le carré et le cercle ne sont pas simplement des formes ; ils incorporent essentiellement une réalité dont la compréhension par le ta'wil conduit l'homme au monde des similitudes et finalement à la Vérité. Le triangle est la première forme à enfermer l'espace dans la génération de points ou de lignes à partir de 1. Il représente l'action de l'Intellect (2) sur l'Âme (3) et provoque ainsi le mouvement de l'Intellect en descendant, horizontal ou mouvements ascendants. » [Traduction libre] 83

50. Passage du carré au cercle

83

« The triangle, the square, and the circle are not merely shapes ; essentially they incorporate a reality the understanding of which through ta’wil leads man to the world of similitudes and ultimately to the Truth.

The triangle is the first form to enclose space in the generation of points or lines from 1. It represents the action of the Intellect (2) on the Soul (3) and thereby brings about the movement of the Intellect in descending, horizontal, or ascending motions. Because the Intellect, as the active, masculine element », Ardalan, 1973, p. 27.

p. 82

La combinaison du carré qui est parfaitement statique et du cercle qui incarne le dynamisme et l’infini, est expérimentée lors du rituel de circumambulation des musulmans autour de la Kaaba. Ce rite qui s’effectue 7 fois, le nombre de sphères existant dans la cosmologie islamique, exprime avec précision ce lien du carré et du cercle, du sanctuaire et du mouvement céleste 84.

51. Rituelle de circumambulation autour de la Kaaba

84

Ibid., p. 29.

p. 83

Les éléments architecturaux reflètent une cristallisation de concepts cosmologiques éternels. Les formes servent de pont entre le monde matériel et l’abstraction de l’imaginaire.

L’archétype du dôme, au-delà des aspects physiques quantifiables de taille de matériaux ou de technique, invoque dans l’imaginaire symbolique, ses aspects qualitatifs et représentatifs du dôme céleste, traduisible de nombreuses manières. Il en va de même pour les autres éléments architecturaux comme le jardin, la cour, le socle, le porche, le minaret, les pièces, le portail, etc. Ensemble, ces éléments génériques constituent les fondamentaux de l’architecture traditionnelle. Individuellement, ils ne resteraient que des entités, certes intéressantes mais hors de tout système de relations.

Malheureusement, par manque de temps, je me vois obligée de ne les analyser que brièvement, non pas par manque d’intérêt, car chacun de ces éléments mériterait une étude approfondie et un mémoire à eux seuls.

p. 84

p. 85

p. 86

“You are the drop, and the ocean”

Mawlana Jalal-al-Din Rumi (XIIIème siècle), dans Love: the joy that wounds: The love poems of Rumi

p. 87

p. 88

III. Emboîtement des échelles, la ville comme un corps humain. Son orientation et sa structure. a.

Cosmos, ville, corps humain

Expression du Zahir et du Batin dans le concept du jardin et de la cour Dans la cosmologie de l’Islam, l’espace est le locus 85 de l’Âme Universelle 86 et le symbole direct de l’Être 87. En cherchant à comprendre la vie, l’homme traditionnel va l’interpréter de manière métaphysique, ce qui aura une répercussion sur sa perception de l’univers et sa place dans celui-ci. En soufisme, cette interprétation de l’espace cosmique sera « comme une extériorisation de la création macrocosmique qui est analogue à son propre moi microcosmique. » 88 Ardalan parle ainsi de vision du monde de la perspective islamique dans laquelle l’univers est composé d’un macrocosme et d’un microcosme. Il donne alors de deux interprétations de ce concept soufi : dans le premier, le zahir, 85

Locus signifie lieu en latin L’Âme Universelle ou le Brahman est un concept métaphysique de l’Hindouisme qui se rapport à la conscience cosmique présente en toute chose, ou au principe ultime qui est sans commencement ni fin, sans naissance ni mort. (Wikipédia « Brahman ») 87 Ardalan, 1973, p. 11.

88 Traduction libre de « as an externalization of the macrocosmic creation which is analogous to his own microcosmic self », Ibid.

86

p. 89

Dieu est manifesté comme la réalité de l’extériorisation universelle, dans le second, le batin, Dieu est caché, avec un mouvement intérieur dans le microcosme de l’homme comme un « trésor caché ». Pour l’auteur, ces deux schémas qui sont l’inverse l’un de l’autre se correspondent mutuellement : ces concepts si différents sont essentiellement les mêmes. On retrouve alors cette unicité dans la dualité évoquée au chapitre précédant.

53. Caché (batin)

52. Manifeste (zahir)

Pour le caché (batin) (figure 50) « [Ceci] peut être considéré comme un symbole du microcosme, de l'homme, chez qui le physique est l'aspect le plus manifesté extérieurement et sa nature spirituelle la plus cachée. » [Traduction libre] 89

89

« [This] can be regarded as a symbol of the microcosm, of man, in whom the physical is the most outwardly manifested aspect and his spiritual nature the most hidden. » Ibid.

p. 90

Pour le manifeste (zahir) (figure 51) « La considération de Dieu comme Caché et Manifesté relève de « l'espace », de l’espace « qualifié » et « sacré ».

Pris comme Manifesté, Dieu devient la réalité qui englobe tout ce qui « recouvre » et « englobe » le cosmos. De ce point de vue, la manifestation physique peut être considérée comme le cercle le plus intérieur d'un ensemble de cinq cercles concentriques, suivis par les autres états d'être respectivement, avec le cercle le plus extérieur symbolisant l'Essence Divine - une vue qui ressemble aux schémas cosmologiques d'Avicenne, de Dante et d'autres, pour qui le voyage à travers le cosmos, de la terre au primum mobile, symbolisait les et réalisations graduelle et successives des divers états d'être, aboutissant finalement à l'état de contemplation du Divin Lui-même. » [Traduction libre] 90

90

« The consideration of God as the Hidden and the Manifested pertain to “space”—to “qualified” and “sacred’’ space. Taken as Manifested, God becomes the reality that englobes all that “covers” and “encompasses” the cosmos. In this view, physical manifestation may be regarded as the innermost circle of a set of five concentric circles, followed by the other states of being respectively, with the outermost circle symbolizing the Divine Essence—a view which resembles the cosmological schemes of Avicenna, Dante and others, for whom the journey through the cosmos, from earth to the primum mobile, symbolized the gradual and successive realizations of the various states of being, finally resulting in the state of contemplation of the Divine Itself. » S.H. Nasr Science and Civilization in Islam, p. 93. Citation tirée de l’ouvrage de Ardalan, 1973, p.13.

p. 91

54. La cour

55. Le jardin

p. 92

On peut alors appliquer ce principe à l’exemple de la cour du chapitre précédent. Dans une mosquée, une maison ou n’importe quel autre bâtiment, l’espace de la cour renferme le lieu tel un « trésor caché », tout comme chez l’homme le corps renferme l’âme qui englobe l’esprit (figure 52 et 55). Les murs isolent l’espace dans lequel l’âme peut être ressentie et ainsi accomplir la quête de spiritualité. La forme carrée de la cour stabilise davantage l’espace, avec une centralité et des directions claires 91. Cet emboîtement de principe, ne se limite pas qu’à l’imaginaire de la cosmologie musulmane, à la manifestation divine ou au simple exemple de la cour de la mosquée, mais audelà, à n’importe quel bâtiment, qu’il soit question d’un habitat traditionnel à cour, d’une madrasa, d’un caravansérail, etc.

L’étude des formes génériques que déploie Ardalan dans son ouvrage permet la constitution d’un glossaire des formes architecturales guidant la compréhension d’œuvres du passé, mais également la mise en place d’un système de validité menant à l’équilibre et au succès de travaux présents et futurs.

91

Ardalan, 1973, p.68.

p. 93

D’après Ardalan, la cour fermée serait la forme du Caché (batin), une forme orientée centripète du microcosme. Le jardin serait alors le complément mutuel de la cour, concept de Manifestation (zahir) de la forme orientée centrifuge du macrocosme (figure 53 et 54) 92. L’étymologie du mot jardin, pairidaeza, littéralement « tout autour-rempart », signifie paradis en ancien persan et serait l’espace de Dieu dans le livre de Zoroastre.

Le nom indique donc la charge symbolique de la cosmologie de ce lieu. L’idée de la nature verdoyante et de la fraîcheur d’un jardin serait alors le concept de paradis d’une époque même antérieure à l’Islam de l’Asie centrale, région qui connaît, comme en Iran, des climats arides. Au centre de ces jardins, sont placées des structures à base carrée, souvent couvertes de dômes, permettant davantage le déploiement des mouvements dans toutes les directions, comme nous l’avons vu au chapitre précédent. Le concept de mouvement centripète, à travers les 4 iwans vers le centre spirituel de la cour, marqué par un élément comme le rahle à Bibi-Khanym ou le bassin d’eau de la mosquée du Shah, et le concept de mouvement centrifuge du jardin, oasis cosmique qui s’immisce avec sa végétation, sont tout deux encadrés par le carré, forme statique terrestre aux quatre directions, tels les quatre fleuves du paradis.

92

Ibid.

p. 94

56. Le jardin

57. La cour

p. 95

L’espace et le corps Le concept de Manifesté et Caché s’applique alors à n’importe quelle œuvre islamique, quel que soit son matériau, sa technique d’exécution, sa fonction, son style physique ou son échelle. Nous pouvons étudier, sur cette base, d’autres éléments architecturaux ou encore la calligraphie, la musique, le tapis ou la miniature persane, l’ornementation, la métallurgie ou bien même une ville entière. Ce concept a cette capacité d’emboîter les échelles, qui sont régies dans le fond, par le même principe.

Comme l’illustre le début du poème mystique soufi de Jalal-al-Din Rumi, « You are the drop and the ocean » 93, que j’interprète personnellement suivant l’angle d’approche ; l’océan peut-être une goutte dans l’univers, tout comme la goutte peut contenir l’infini de l’océan en elle. Ainsi la goutte se fond dans l’océan et vice-versa, s’unifiant dans le zahir et le batin.

Ardalan appliquera même ce concept à la perception de l’homme de l’espace social et personnel ainsi qu’à la limite du corps. Il compare cette limite de l’homme traditionnel de l’Asie Centrale avec celle du nord de l’Europe, où la peau, les vêtements, ou plus généralement la frontière sensorielle, marquent la frontière du « soi » 94. Alors que pour l’homme traditionnel, le concept de « personne » est associé à une essence qui se trouve au plus profond du corps. Le thème du manifesté et du caché a donc établi certains modes de distance de communication qui vont former l’environnement physique de l’homme. D’après l’auteur, le lieu de la personne est associé au batin entouré de la coquille du zahir, d’où la sphère relative d’intimité réduite requise par l’Iranien par rapport à celle de l’homme l’occidental. Ce qui expliquerait probablement les fortes densités de population que présentent la plupart des agglomérations urbaines, en plus du manque de place liée aux climats chauds et arides de la région 95.

93

Mawlana Mawlana Jalal-al-Din Rumi (XIIIème siècle), dans Love : the joy that wounds : The love poems of Rumi.

94 Ardalan, 1973, p. 17.

95 Ibid.

p. 96

La communication dans la sphère privée, peut être considérée comme un passage du zahir au batin et nécessite une confrontation directe pour une bonne compréhension. Ardalan illustre ce concept par le contact visuel, qui aiderait à renforcer le lien avec le batin : regarder quelqu’un dans les yeux est essentiel pour avoir une vision de ses dimensions cachées (figure 56°. Ceci expliquerait alors que dans ces pays, l’intimité en public est atteinte en évitant simplement les stimuli sensuels avec autrui, ne pas regarder les autres dans les yeux, se taire, crée cette sphère d’intimité. Pour lui, l’exemple extrême est alors le « voile traditionnel de la femme qui crée à l’extérieur un espace clos d’infini intimité. » 96 « La distance sociale est donc une manifestation directe du degré d'intimité. Le contact intime de la famille assise autour du kursi établit une certaine échelle de relations ; les occasions sociales, où des chaises sont alignées le long des murs des salles de réception et où la conversation se fait à travers la pièce, en est une autre ; tandis que l'emballage serré des unités résidentielles, chacune avec son propre batin, comme exprimé par la cour, est une manifestation urbaine de la vie privée. » [Traduction libre] 97

58.

96

Traduction libre de « […] the traditional woman's veil which externally creates a “walled” space of infinite privacy. » Ibid.

97 « Social distance is thus a direct manifestation of the degree of privacy.

The intimate contact of the family sitting around the kursi establishes a certain scale of relationships; social occasions, where chairs line the walls of reception rooms and conversation is made across the room, is another; while the close packing of residential units, each with its own batin, as expressed by the courtyard, is an urban manifestation of privacy. » Ibid.

p. 97

Le cosmos, la ville et le corps Pour l’homme traditionnel qui se définit de manière microcosmique, le macrocosme de l’univers dans lequel il évolue, la ville, doit lui être compréhensible et saisissable conceptuellement et donc également se rattacher à ce schéma.

L’ordre régional doit correspondre à l’espace cosmique pour créer un sentiment d’appartenance à la région définie. Le cosmos, la ville et l’humain sont régis par un même principe de zahir et de batin, s’emboîtant et ayant cette capacité de se fondre l’un dans l’autre comme une goutte dans l’océan. Il est alors possible de faire des analogies directes entre la ville et le corps humain.

« Le corps de l'homme a été construit par le Créateur comme une ville. Ses éléments anatomiques ressemblent à des pierres, des briques, des troncs d'arbres et des métaux qui entrent dans la construction de la ville. Le corps est composé de différentes parties et se compose de plusieurs systèmes biologiques comme les quartiers d'une ville et ses bâtiments. Les membres et organes sont reliés par des articulations diverses comme les rues à l'égard des quartiers. » [Traduction libre] 98

Pour Ardalan, le corps est non seulement assimilé anatomiquement à la ville et au cosmos, mais les parties du corps sont également significatives dans cette comparaison 99. Il donne 98

« The body of man was constructed by the Creator like a city. Its anatomical elements resemble stones, bricks, trunks of trees and metals which enter in the construction of the city. The body is composed of different parts and consists of several biological systems like the quarters of a city and its buildings. The members and organs are connected by diverse joints like the streets with respect to the quarters. » Ikhwan alSafa, traduit en anglais par Nasr dans Cosmological Doctrines p.99.

Citation prise dans The sense of unity, Ardalan, 1973, p. 79.

99 Ibid.

p. 98

l’exemple de la croissance du corps qui passe par 7 moyens : « l’attraction, la subsistance, la digestion, la répulsion, la nutrition, la croissance et la formation (imaginaire). » 100 Le corps serait représenté par les sept planètes visibles et par les quatre éléments. Les villes circulaires pré-modernes se sont développées avec quatre portes pour les quatre directions cardinales, ou huit portes pour la « rose des vents », voire douze portes pour les douze zodiaques ou les douze mois de l’année.

59. L’homme zodiacal, 19ème siècle

100

Ibid.

p. 99

Ardalan définit 3 types d’ordonnancement de villes : naturel, géométrique et harmonique. L’auteur définira plus précisément ces 3 ordres le long du chapitre « Levels of realization » de son ouvrage.

« Ce sont trois manières fondamentales par lesquelles l'homme façonne son environnement. L'ordre naturel est développé par les plus proches de la nature : le nomade et le villageois. L'ordre géométrique se rapporte au système des villes les plus anciennes de l'homme comme une unité dans une unité. L'ordre harmonique crée la multiplicité dans l'unité, les formes géométriques liées en motifs naturels dans le cadre d'une géométrie 101 supraconsciente. » [Traduction libre]

En parlant d’échelle de ville, revenons alors en Ouzbékistan à Samarcande, et voyons si les principes énoncés par Ardalan sont applicables à celle dernière.

101

« They are three fundamental ways by which man shapes his environment. Natural order is developed by those closest to nature: the nomad and the villager. Geometric order relates to the system of man’s most ancient cities as a unity within a unity. Harmonic order creates multiplicity within unity, geometric shapes linked in natural patterns within the framework of a superconscious geometry. » Ibid.

p. 100

b.

La ville de Samarcande

Située sur la rive sud de la rivière Zarafshan, la ville de Samarcande était le centre économique et administratif de la Sogdiane et de la Transoxiane, participant grandement au commerce international de la route de la Soie. Au nord-est de la ville, se trouve l’Afraziab, ruine de l’ancienne et médiévale Samarcande 102.

Le texte rédigé par Istad Adash nous apprend que Bartold dans son livre Le Turkestan à l’époque de l’invasion mongole décrit l’état des murs défensifs et des portes de la ville de Samarcande.

Ainsi, Samarcande, tout comme Boukhara, était entourée d’un mur de 12 farsakhs 103 (72 kilomètres) avec un total de 12 portes. Il reste néanmoins difficile de déterminer où se trouvaient les 12 portes et quels étaient leurs noms. La citadelle de Samarcande possédait bien 2 portes et la vieille ville d’Afrasiab en avait 4.

Vyatkin, dans son ouvrage Matériaux pour la géographie historique de Vilayat de Samarcande écrit qu’il y avait 6 portes dans l’enceinte de la ville de Samarcande, appelée Shahristan à l’époque. « Deux portes menaient au nord : Sheikh-zade (le deuxième nom est Poykabok) et Okhanin, qui signifie « fer », près du mazar Shakhi-Zinda. A l'est, vers Penjikent, les portes de Firuz permettaient la sortie. Vyatkin a traduit littéralement : Turquoise. Il y avait aussi le charbag de Firuz, du nom de son propriétaire Amir Firuz. A la mosquée de Khoja Nisbatdor se trouvaient les portes Suzangaron, et non loin de là, à trois cents mètres, la porte Korizgokh, appelée plus tard KhojaAhrar. » [Traduction libre] 104

102

Bloom, sur le site internet de Oxford Islamic Studies Online.

Le farsakhs, est le nom arabe du parasange, une ancienne unité de distance perse qui valait environ 5,35 km.

104 « На север вели двое ворот - Шейх–заде (второе название – Пойкабок) и Оханин, что в переводе означает «железные», близ мазара Шахи–Зинда. На восток в сторону Пенджикента выходили 103

p. 101

La ville fortifiée rappelle le cosmos et symbolise ses directions par la sélection et le placement des portes de la ville 105. Toutes les routes du Samarcande mènent au Régistan, elles s’organisent en faisceau en partant de son centre (figure 58). On peut alors considérer le Régistan comme le zahir et le batin de Samarcande, avec la ville qui se développe autour de son centre, dans un mouvement centrifuge depuis ce dernier, jusqu’aux murs de la ville. Du Régistan, avec ses 3 madrasas, part une route vers la porte de Fer du nord. Cette route était bordée au début du XVème siècle de boutiques et de galeries à deux étages, ainsi que, au plus près de la porte de Fer, de la mosquée Bibi-Khanym, en face de laquelle se trouve le mausolée du même nom 106.

ворота Фируза. Вяткин перевёл буквально: Бирюзовые. Здесь же был чарбаг Фируза, названный по имени его хозяина Амира Фируза. У мечети Ходжа Нисбатдор находились ворота Сузангарон, а недалеко в метрах триста ворота Коризгох, названные впоследствии Ходжа– ахрарскими » Istad, 2021.

105 Ardalan, 1973, p. 15.

106 Bloom, sur le site internet de Oxford Islamic Studies Online.

p. 102

60. Carte de Samarcande à l'époque Timouride

(a) Afrasiab ; (b) Ancienne citadelle ; (c) Shah-i Zinda ; (d) Régistan ; (e) Porte de Fer ; (f) Gur-i Mir ; (g) Goksaray ; (h) Observatoire ; (i) namāzgāh ; (j) shrine de ῾Abdi Darun ; (k) Ishrat Khana ; (l) namāzgāh ; (m) madrasa de Oulougbek ; (n) madrasa of Shir Dar ; (o) madrasa de Tilla Kar ; (p) Mosque de Bibi Khanym ; (q) mausolée de Bibi Khanym

p. 103

p. 104

61. A gauche : carte de la ville de Samarcande, en rouge la zone de la carte suivante (figure 60)

62. Cadrage sur l'Avenue reliant le Régistan, la mosquée Bibi-Khanym et la porte de Fer donnant sur Afraziab

p. 105

L’organisation autour d’un vide est un concept que l’on retrouve à toutes les échelles. Dans un tissu urbain des plus denses, l’homme, dont la « personne » se trouve au plus profond de son être, vit dans des habitations qui se serrent, mais conservent néanmoins leur centre batin manifesté dans leur cour fermée, tout comme les mosquées ou les autres équipements, jusque dans l’échelle de la ville, s’articulent autour de la place vide du Régistan, voire du Cosmos entier, avec une terre située au centre de dômes cosmiques circulaires. Chaque entité de microcosme contient en lui tout ce qui constitue le macrocosme.

Les résidences donnent sur des cours qui s’orientent vers le soleil tandis que les niches dans les mosquées tournent cet espace vers le centre terrestre, la Mecque, lieu de rencontre du ciel et de la terre 107.

La mosquée, une boussole urbaine vers la Qibla Samarcande, comme de nombreuses villes, présente une particularité dans sa grille urbaine. Au milieu du tissu d’habitation qui parait chaotique, se détachent les axes principaux émanant du Régistan (figure 59 et 60), mais également les mosquées que l’on reconnaît par leur orientation vers la Qibla. En plus de leur fonction purement religieuse qui permet aux musulmans de prier, les mosquées ont toujours joué un rôle éminent dans la cohésion de la sociabilité au sein de la communauté, l’augmentation de la cohésion sociale, la création d’une diversité fonctionnelle et le renforcement du sentiment d’appartenance à un lieu 108. Les mosquées sont en quelque sorte le symbole de l’unité musulmane, jouant un rôle clé dans la vie des fidèles depuis leur formation. La direction de la mosquée, sur l’axe de la Qibla, affecte l’architecture du bâtiment en y ajoutant notamment de la richesse dans sa géométrie. Dans la grille urbaine, les mosquées se détachent de l’axe de la grille urbaine présente, tout comme le 107

Ardalan, 1973, p. 15.

Aminzadeh, B., 2008. The mosque courtyard of the historical review and its evolution. In: Proceedings of the Mosque Conference, Art University Press, dans l’article universitaire de Ghouchani, 2019 (voir bibliographie).

108

p. 106

musulman se détache de ses occupations quotidiennes 5 fois par jours pour se tourner vers la Qibla et effectuer sa salat 109 .

« La direction est unifiée et appelle tous les noyaux spatiaux de manière ordonnée autour de son axe ; le plan est organisé et équilibré autour de l'axe de la Qibla, et les entrées, porches et espaces principaux et secondaires sont valorisés autour de cet axe. C'est le début de la séparation de l'espace intérieur de l'extérieur et une introduction pour attirer l'attention, la fertilité de la pensée et l'entrée au cœur des espaces intérieurs qui sont centralisés et indépendants et sont dans la même direction avec la qibla » [Traduction libre] 110

Dans son article, Ghouchani croise les recherches établies sur les typologies d’entrée des mosquées et le changement de direction qu’elles peuvent prendre pour se mettre sur l’axe de la Qibla. Il semblerait alors que la porte et l’entrée des mosquées aient un statut sacré et une place particulière dans la pensée islamique car le terme « porte de la miséricorde divine » peut être considéré comme une métaphore du statut sacré de la porte des

109

La salat ou le namaz (en persan) est la prière musulmane. « The direction is unified and calls all spatial cores in an orderly manner around its axis ; the plan is organized and balanced around the axis of the qibla, and the entrances, porches, and main and secondary spaces are valued around this axis. This is the beginning of the separation of the interior space from the outside and an introduction to attracting attention, fertility of thought, and entry to the cores of the interior spaces which are centralized and independent and are in the same direction with the qibla » Noghrehkar, A.H., Hamzehnejad, M., Ranjbarkermani, A.M., 2008. An Introduction to Islamic Identity in Architecture, edited by Seyyed Naim Orazani. Broadcasters of the Messenger Message, Tehran. Dans l’article universitaire de Ghouchani, 2019.

110

p. 107

mosquées 111. D’autres articles comparant les mosquées traditionnelles et modernes par rapport aux différents besoins et conditions des humains modernes, concluent que l’espace d’entrée a toujours eu une place particulière dans la conception réfléchie de l’architecture iranienne 112. La porte de la mosquée est une interface entre le bâtiment et le corps de la ville et est souvent considéré comme un critère de valeur dans l’identité architecturale et sociale de chaque mosquée.

La mosquée de Bibi-Khanym, comme nous l’avons vu, se caractérise par son portail et son dôme monumental. Son désaxement par rapport au réseau viaire vers la Qibla (figure 61), ainsi que la monumentalité de ses composants architecturaux, la transforme en boussole urbaine géante. Le fait que le portail soit en face du dôme permet de tracer mentalement une droite qui partirait vers la Qibla.

111

Ghouchani, 2019.

Fahimeh Yari et Hassan Fereidoon Zadeh, dans l’article de Ghouchani, 2019.

112

p. 108

63. La mosquée Bibi-Khanym dans le tissu urbain

p. 109

p. 110

CONCLUSION

Poser une conclusion à ce mémoire est à mon sens une étape difficile car encore trop prématurée. Néanmoins, la recherche que j’ai eu la chance de mener durant ce semestre m’a permis de répondre, bien qu’encore partiellement, à ma problématique initiale. Quelle est l’influence de la cosmologie dans la matérialisation architecturale du sacré musulman ? Cette influence est fondamentale. Au même titre que le climat façonne une architecture, les croyances d’un peuple en font de même. En étudiant de plus près la doctrine musulmane soufis, on se rend compte que la conception architecturale ne peut pas être séparée de la conception imaginaire du cosmos. Pour un croyant, comprendre l’univers revient à comprendre le processus de conception de Dieu. Cette influence se matérialise alors sous de nombreuses formes. Parmi celles-ci, l’application de directions sacrées à un bâtiment, de sorte à concevoir une architecture comme est conçu l’univers. Les propriétés du cosmos sont transposées au bâtiment, il devient ainsi un microcosme à l’image du macrocosme. Cela passe également par le langage universel et sacré de la géométrie. L’intérêt des pré-modernes musulmans pour la géométrie s’est expliquée par une vision clairement structurée et parfaitement organisée du cosmos crée par une intelligence divine. Dans cette géométrie déjà fondamentale, certaines formes sont chargées de symbolisme à caractère clairement cosmique : le carré représentant la terre, le cercle et le dôme à l’image du ciel, le passage du premier au second est un processus d’ascension. La forme qui en résulte, la salle carrée couverte d’un dôme, revêt une entière matérialisation architecturale d’une manière d’imaginer l’univers.

Au-delà d’une simple matérialisation architecturale, nous avons vu qu’il est question de concepts philosophiques avec la capacité, par l’unification, d’emboîter l’entièreté des créations humaines et divines. Alors, le cosmos, la ville, l’architecture ou le p. 111

corps humain, à travers des principes de batin et de zahir, sont de la même manière entièrement compréhensibles et saisissables.

Des milliers d’années sont passées depuis ce premier homme qui a levé son regard vers le ciel, afin de comprendre sa place dans le vaste ciel mystérieux. Depuis, d’autres hommes ont levé leur regard, au fil des années et des avancées technologiques, ils se sont rendu compte que l’univers est plus chaotique que ce qu’il parait, qu’il n’est pas figé, qu’il est en expansion, qu’il s’y passe des choses qu’on ne s’imagine pas. A notre époque, il n’y a plus d’emboîtement d’échelle, l’homme s’est détaché du cosmos devenu trop vaste est imprévisible.

Nous sommes alors à même de nous demander si notre processus de conception architectural contemporain, correspond à l’idée que nous avons de notre propre corps ou à nos connaissances sur l’univers ? Certes nous sommes soucieux de produire des ambiances, de l’aspect esthétique, des performances, de la technique, etc. mais finalement est-ce suffisant ? Quelle symbolique porte notre architecture, que dit-elle de notre façon de penser et de voir le monde ? Ce mémoire m’a ramenée à la réflexion que la forme et de la fonction d’un bâtiment ne sont pas ses seules qualités, il peut avoir un sens plus profond, comme une expérience du lieu exceptionnelle, une sensibilité ou l’appropriation par les usagers. Au-delà du bâtiment, son rôle dans la ville, son insertion urbaine est aussi une notion à ne pas négliger. Les orientations, positions et le rôle fondamental du contexte, sont des enjeux indispensables à la création d’un génie des lieux et de l’atmosphère distinctive d’un endroit.

L’architecture, ou plus globalement le lieu, évoquent indélébilement un site, un endroit physique et matériel, mais également une pensée, des usagers et des notions immatériels tel que le sens. Finalement, comment et quels sens insuffler à nos projets ?

p. 112

p. 113

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION I.

9

L’islam ouzbek et sa conception pré-moderne du Cosmos a. Histoire de Samarcande et de l’islam ouzbek.

13 b. Le soufisme en Ouzbékistan 19 c. Le symbolisme, tout objet comme symbole de l’acte divin 21 d. La cosmologie, une structure de l’espace ordonné dans l’islam prémoderne 23 e. L’axe cosmique et la verticalité comme exclusivité de l’humain 33

II.

Application architecturale d’une vision du monde a. La mosquée Bibi-Khanym 43 b. La symbolique et la géométrie rigoureuse de la composition du plan et des coupes L’équilibre et les proportions 53 La maison du prophète 57 Sacralité du carré 58 Proportions de la mosquée Bibi-Khanym 61 La symétrie comme division de l’unité 69 c. Centralité des formes traditionnelles La centralité de la cour 71 Cheminement vers le sacré 78 Le passage du carré au cercle 79

p. 114

III. Emboîtement des échelles, la ville comme un corps humain. Son orientation et sa structure. a. Cosmos, ville, corps humain Expression du Zahir et du Batin dans le concept du jardin et de la cour 89 L’espace et le corps 96 Le cosmos, la ville et le corps 98 b. La ville de Samarcande 101 La mosquée, une boussole urbaine vers la Qibla 106 CONCLUSION

111

BIBLIOGRAPHIE

116

INDEX D’ILLUSTRATION

120

p. 115

BIBLIOGRAPHIE

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p. 119

Index d’illustration : 1. Peinture de Vassili Verechtchaguine (1872) représentant la madrasa Cher-Dor de la place du Régistan 8 2. Les Karakhanides sont une dynastie de Transoxiane d’origine turque qui régna entre 840 et 1212 en Asie centrale. Dessin personnel d’après le drapeau officiel de la dynastie 12 3. Oulougbek (1394-1449), petit-fils de Tamerlan, sultan de la dynastie timouride , photo retouchée à partir d’un document wikipédia, disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ulugh_Beg#/media/Fichier:Ulug_Bey.jpeg 14 4. Tamerlan (1370-1405), émire de la Transoxiane et fondateur de la dynastie des Timourides , photo retouchée d’après un document prit sur internet disponible à l’adresse : https://steppeasia.pagesperso-orange.fr/biographie_tamerlan.htm 14 5. Gengis Khan (1155-1227) est le fondateur de l'empire Mongol. , photo retouchée d’après le portrait imaginaire de Gengis Khan. Taipei, Musée national du Palais, XIVe siècle.

14 6. La grande route de la Soie Document tiré du site internet : https://www.turkestantravel.com/fr/la-grande-route-de-la-soie/ 17 7. Les constellations de l’hémisphère sud , Courtesy, Geo. Philip & Son Ltd. 26 8. Schéma de la cosmologie prémoderne islamique document personnel 29 9. Le Prophète escorté par les anges de la montée dans le ciel. Les constellations, les signes du zodiaque et les sept cieux sont tous représentés, de Nizami (‘Cinq Poèmes). Isfapahan, Iran, 1665-1667 30 10. Symbolique des directions, dessin personnel 32 11. Plan de la mosquée du Shah à Ispahan, MIT Libraries, Aga Khan Documentation Center 38 12. Vue du bassin depuis la cour de la mosquée du Shah à Ispahan , Raymond Balestra Conseiller Pédagogique Départemental en Arts Visuels 38 13. Plan de la mosquée Bibi-Khanym à Samarcande 39 14. Porte-coran de la cour de la mosquée de Bibi-Khanym à Samarcande , plan redessiné par Timothy M Ciccone d’après Robert Hillenbrand ainsi que des notes et des photographie du site 39 15. La nécropole de Chah-e-Zindeh , tiré du site internet : http://tourpedia.ru/samarqand/ 44 16. Le Gour Emir, mausolée de Tamerlan , tiré du site internet : http://tourpedia.ru/samarqand/ 44 17. Le Régistan , tiré du site internet : http://tourpedia.ru/samarqand/ 45 18. Observatoire astronomique de Oulougbek , tiré du site internet : http://tourpedia.ru/samarqand/ 45 19. La mosquée Bibi-Khanym , photographie de Emily Luxton.

46

p. 120

20. Inscription sur le minaret de la mosquée Bibi-Khanym 48 21. Bannai Kufi 48 22. La mosquée Bibi-Khanym , photographie tiré du site internet : http://tourpedia.ru/samarqand/ 49 23. Grand dôme de la mosquée Bibi-Khanym , photographie tiré du site internet : http://tourpedia.ru/samarqand/ 49 24. Photographie datant de 1999, la mosquée durant sa reconstruction , photographie de Daniel C. Waugh, disponible à l’adresse : http://depts.washington.edu/silkroad/cities/uz/samarkand/bibi.html 50 25. Dessin des colonnades de la mosquée aujourd’hui inexistants , dessin tiré du site internet : http://depts.washington.edu/silkroad/cities/uz/samarkand/bibi.html 50 26. Photographie datant de 1969, la mosquée avant sa reconstruction , photographie de Daniel C. Waugh, disponible à l’adresse : http://depts.washington.edu/silkroad/cities/uz/samarkand/bibi.html 50 27. Photographie aérienne des ruines de la mosquée Bibi-Khanym, avant sa reconstruction (1968) , tiré du site internet : https://silkadv.com/en/content/istoriya-mecheti-bibi-hanum 52 28. Plan de la Mosquée de Médine avec la chambre d'Aïcha en bas à droite , tiré du site internet : https://markazsahaba.com/2022/02/07/history-of-masjidnabawi/ 56 29. La maison du prophète Mohammed, avec les chambres latérales , dessin personel 56 30. Plan de la mosquée Bibi-Khanym d'après Boulatov , tiré de son ouvrage Organisation Géométrique de l’architecture de l’Asie Centrale du IX-XVème siècle page 169 60 31. Proportions de la salle à coupole principale de la mosquée Bibi-Khanym d'après Boulatov , tiré de son ouvrage Organisation Géométrique de l’architecture de l’Asie Centrale du IX-XVème siècle page 174 61 32. Triangle remarquable du rectangle de Pythagore et l'application sur le plan de la mosquée Bibi-Khanym , montage et dessin personnel 63 33. Montage personnel sur le plan de Boulatov 64 34. Montage personnel sur le plan de Boulatov 65 35. Montage personnel sur le plan de Boulatov 65 36. Montage personnel sur le plan de Boulatov 66 37. Dessin personnel 68 38. Dessin personnel 70 39. Dessin personnel d’après le schéma page 183 de l’ouvrage de Akkach (2005) 72 40. Place carré du Régistan, photographie tirée du site : https://stringfixer.com/fr/Registan 74 41. Analyse du caractère cosmologique de la place du Régistan, montage personnel 74

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42. Schéma du plan de la place de Régistan, dessin personnel 75 43. Plan de la mosquée Oulougbek du Régistan , montage personnel sur le plan de la mosquée déssiné par Timothy M Ciccone, disponible à l’adresse : https://www.orientalarchitecture.com/sid/1348/uzbekistan/samarkand/sherdor-madrasa 76 44. Coupe de la mosquée Oulougbek du Régistan , montage personnel sur le plan de la mosquée déssiné par Timothy M Ciccone, disponible à l’adresse : https://www.orientalarchitecture.com/sid/1348/uzbekistan/samarkand/sherdor-madrasa 76 45. Cheminement linéaire depuis l'entrée jusqu'à la salle de prière (en passant par la cour) dessin personnel 77 46. Double axiale de la mosquée Bibi-Khanym, dessin personn 77 47. Dessins personnels d’après les schémas à la page 182 de l’ouvrage de Akkach (2005) 80 48. Dessins personnels d’après les schémas à la page 182 de l’ouvrage de Akkach (2005) 80 49. Passage du carré au cercle , schéma à la page 182 de l’ouvrage de Akkach (2005) 82 50. Rituelle de circumambulation autour de la Kaaba , capture de la vidéo disponible à l’adresse : https://fr.dreamstime.com/banque-vid%C3%A9oslongueur-exp%C3%A9di%C3%A9e-rapide-des-p%C3%A8lerins-musulmanscircumambulate-kaaba-video128119401 83 51. Manifeste (zahir) dessin personnel d’après le schéma page 12 de l’ouvrade de Ardalan (1973) 90 52. Caché (batin) dessin personnel d’après le schéma page 12 de l’ouvrade de Ardalan (1973) 90 53. La cour 54. Le jardin 92 55. Le jardin, dessin personnel 95 56. La cour, dessin personnel 95 57. Dessin personnel 97 58. L’homme zodiacal, gravure sur bois dans un ouvrage du début du 19e siècle (fonds Léo Mabmacien), disponible à l'adresse : https://bibliomab.wordpress.com/2012/05/10/linfluence-des-astres-sur-le-corpshumain-par-la-gravure/ 99 59. Carte de Samarcande à l'époque Timouride, carte tiré du site internet : http://www.oxfordislamicstudies.com/print/opr/t276/e809 103 60. A gauche : carte de la ville de Samarcande, en rouge la zone de la carte suivante (figure 60) , carte crée sur Mapbox 105 61. Cadrage sur l'Avenue reliant le Régistan, la mosquée Bibi-Khanym et la porte de Fer donnant sur Afraziab, carte crée sur Mapbox 105 62. La mosquée Bibi-Khanym dans le tissu urbain, carte crée sur Mapbox 109

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