Et le travail ? À Guise

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Éditions Dumerchez

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image Perceval Barrier avec Nous Travaillons Ensemble



Jeann e écriva Benameur, ine

NE PAS BAISSER LES BRAS Café du travail du 4 octobre 2005 La rencontre de Guise, la première. Je l’attendais. Le projet de La Forge : aller questionner le travail aujourd’hui sur le lieu où un utopiste avait œuvré, ça me plaisait. J’avais lu certain des livres prêtés par François. Me revenait tout l’enthousiasme qui avait été le mien. J’avais seize ans quand je découvrais, en philo, qu’une société, ça se pense ; dix-huit quand j’y jouais ma part. À l’époque, dans la rue et dans les cafés, comme tant d’autres. Je ne suis jamais entrée dans une usine pour y travailler. Je ne sais pas ce que c’est de se dire : je suis ici jusqu’à ce soir, et demain et après-demain et tous les autres jours. Je ne sais pas si c’est une désespérance ou un salut en regard de la misère possible du chômage, du “rien faire”. Je me rappelle. Jeune enseignante, je proposais à mes élèves Élise ou la vraie vie de Claire Etcherelli. J’entrais à l’usine par la peau de cette jeune femme, amoureuse, qui éreintait son corps. J’imaginais cet anéantissement du corps qui n’en peut plus, le sommeil comme un gouffre où l’on tombe. Le lendemain, la reprise. C’est par l’imaginaire que je rencontrais le monde ouvrier. Le livre me ramenait à l’histoire d’une partie de ma famille. Mon grand-père maternel descendait à la mine, dans le Nord. Ma mère, debout si tôt qu’il faisait encore nuit et qui préparait le petit déjeuner des mineurs. Les paroles de ma mère sur ce monde du travail tressaient une histoire

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LE er 1 MAI AU FAMILISTÈRE 23


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LE TAS DE B RI QU ES

Trophée du Familistère du 1er mai 2007 de Marie Claude Quignon. Réalisé avec les élèves de l’école Godin, puis des habitants du familistère et des salariés de l’usine Godin. La dispersion de l’installation se fait le soir, dans le “bureau de restitution”.



There’s no shame in failing, only in not having tried. Eternal vigilance is the price of freedom.

Il n’y a pas de honte à échouer, seulement à ne pas avoir tenté. La vigilance perpétuelle est le prix de la liberté. Tyrone O’Sullivan, 2008


Denis L écriva achaud, in

ETERNAL VIGILANCE IS THE PRICE OF FREEDOM Le 1er mai 2008 Monsieur Godin n’aimait pas l’utopie, le mot utopie. Monsieur Godin aimait construire au présent. Monsieur Godin ne vivait pas dans le rêve. L’utopie c’est le rêve. Pour ceux qui rêvent, l’utopie c’est demain, c’est un demain rêvé qui aide à supporter aujourd’hui, un aujourd’hui, humiliant, dur. Monsieur Godin a dû parler, parler, parler aux ouvriers, aux techniciens, aux ingénieurs, pour qu’ils s’engagent dans son projet. Il a dû leur parler du futur pour les convaincre mais il n’a probablement pas parlé d’utopie. Il n’a probablement pas employé le mot. Monsieur Godin a trahi son milieu, le milieu des patrons industriels du XIXe siècle, le milieu des grands bourgeois. Monsieur Godin n’est pas vraiment un bourgeois, il n’est pas issu de la bourgeoisie mais il devient patron. Il fait fortune en construisant ses poëles. Les poëles Godin. Il fait fortune et entre dans la bourgeoisie. Il se marie. Quand Monsieur Godin, quand Godin le patron décide de venir habiter dans le familistère qu’il a créé pour loger les ouvriers, techniciens et ingénieurs travaillant dans son usine, de venir vivre dans le familistère parmi les ouvriers, techniciens et ingénieurs, les quelques ingénieurs qui ont accepté de s’y installer, de s’installer là et côtoyer les ouvriers dans les coursives, cours intérieures, installations sanitaires, quand Godin vient loger dans le familistère que le phalanstère de Fourier lui a inspiré, quand Godin se décide à sauter le pas, sa femme demande la séparation. On ne divorce pas au XIXe siècle. On se sépare. Madame Godin demande la séparation. Elle ne viendra pas vivre là. Car on ne se mélange pas. Un patron est un patron. Il ne vit pas là où ses ouvriers 59


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