Et le travail ? À Montataire

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Solidaires à montataire

À MONTATAIRE MIC H par EL LALLEMENT sociol ogue ,

Retour en arrière. Nous sommes à la fin du XIXe siècle. Un mot d’ordre fait son apparition : la solidarité. Etre solidaire, mais pourquoi ? Parce que, pour croître et prospérer, la société industrielle alimente la misère, la maladie et les accidents. Pour éviter la révolution et donner de la chaire à l’exigence démocratique, il faut imaginer de nouvelles manières de vivre ensemble et de se protéger. Il faut être solidaire. Parmi les toutes premières pierres qui servent à paver la société salariale, une loi est votée en 1898. Avec elle l’on reconnaît enfin que l’ouvrier n’est pas responsable des mutilations que son corps peut subir au travail. L’employeur doit aussi assumer les risques. Au fil des décennies qui suivent, d’autres innovations se succèdent. L’Etat social prend forme. La solidarité s’institutionnalise. Les risques de la vie (chômage, maladie…) sont désormais photographies d’Éric Larrayadieu

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couverts, la société protège tous ses membres, à commencer par les plus fragiles et les plus démunis. Début du XXIe siècle. Bilan de la solidarité à Montataire. Depuis les glorieuses décennies de croissance de l’après guerre, tout semble s’effilocher. Le travail en premier lieu. Automatisation, perte d’intérêt, pression, compétition, stress, absence de reconnaissance, règne illusoire de marchés financiers qui ont fait tellement de dégât…, rien que de noirs indicateurs. L’individualisme ambiant ne facilite guère les choses. Où est-il le temps où le jeune Jérôme, ouvrier débutant, trouvait dans l’atelier « des grosses barbes » qui le prenaient « sous leurs ailes ». Nostalgie ? Peut-être, mais pourquoi pas. Car le travail a bien changé : il stresse et il éloigne des siens. Le marché du travail n’est pas en reste : comme le notait déjà Karl Marx dans ses Manuscrits de 1844, le capitalisme a tôt su opposer les ouvriers en les mettant en concurrence les uns les autres pour des bribes d’emploi. Les chômeurs d’aujourd’hui en font toujours l’amère expérience. « Pour moi, dit encore Jérôme, être privé d’emploi c’est la mort ». En dépit de ce désastre social, on parle au café de Montataire. Pour dire d’abord que le travail a bien changé, et qu’avec lui la solidarité s’en est allée. Pas de désespoir pour autant. Régulièrement, le couvercle saute, le pouvoir doit composer. Décembre 1995, les

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manifestations sur le CPE, on n’a pas oublié. Mais il faut aller plus loin encore, réinventer la solidarité. Pour cela, on peut commencer par parler. Car parler, c’est exister, résister, imaginer… C’est se convaincre que, même si l’on est fille ou fils d’ouvrier, tout reste possible pour imaginer une autre façon de travailler, pour redécouvrir l’entraide, pour bâtir une société chaude et sucrée. Interrogés sur leur destin, les jeunes du lycée de Montataire ne comprennent pas tous encore que le travail change et qu’il leur appartiendra, demain, de faire avec. On est insouciant quand on a seize ans. Lycée et musique, amour et amitié, internet et vidéo… Pourtant, les jeunes n’ignorent pas complètement ce qui se trame aujourd’hui dans les ateliers, dans les bureaux, dans les couloirs du pôle emploi... Les adultes leur disent. Hier, on travaillait les uns avec les autres ; aujourd’hui, on travaille l’un contre l’autre. Alors vite ! Aux nouvelles générations de refonder le travail, de voir demain, d’imaginer l’inimaginable, de donner vie à cette idée plus neuve que jamais : la solidarité.

Michel Lallement est sociologue, professeur au Conservatoire national des arts et métiers et membre du Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (CNRS). Il a publié plusieurs articles et ouvrages sur le travail d’hier et d’aujourd’hui

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Moi, J’ai passé une journée de merde. Mon chef, il m’a fait chier !


T’as pas à te plaindre, dans tes bureaux t’es pas fatiguée.

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Au cinéma Le Palace de Montataire, le 17 déc. 07, les élèves rencontrent le public après la projection du film “Dialogues du travail”.

SALAIRE, EMPLOI, STRESS, PATRON… Denis Lachaud. C’est angoissant le travail, pour eux, les jeunes. C’est préoccupant. Il y a les mots qui reviennent tout le temps. Les mots qui font peur. C’est le bonheur, pourtant, le travail. Va falloir leur apprendre à aimer le travail. Ils ne parlent pas beaucoup d’argent. Ils parlent de salaire mais pas d’argent. La notion de travail a évolué au cours du temps. C’est tout un monde. Mais ils ne sont pas tristes, les jeunes. Dans ce film, il y a beaucoup d’ironie. Il y a beaucoup d’ironie dans ce qui est dit. Ils sont en seconde, ils sont jeunes, c’est loin le travail. Oui on le voit loin, le travail. Peut être qu’il n’y croient pas. Dans cinq ans. Pas avant Moi pas avant sept-huit ans. Il y a un souci au niveau de l’orientation. Les profs, les parents et les enfants ne communiquent pas assez. 25


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