SOMMAIRE
Introduction : L’hôtellerie touristique de luxe : état des lieux et constat d’un secteur trop consommateur 7
I – L’hôtellerie de luxe d’aujourd’hui : l’héritage d’une évolution à travers les siècles 13
I.I – Histoire : le développement des hôtels de luxe touristiques dans le monde 13 I.II – Les évolutions des profils de la clientèle de luxe : nouvelles générations, nouvelles attentes ? 18
II – Vers l’évolution verte de l’hôtellerie de luxe 22
II.I – Les tendances générales de sensibilité à la « nature » avec la prise de conscience des enjeux environnementaux 23
II.II – La diversité des moyens pour faire évoluer les hôtels de luxe vers des pratiques vertes… 28 II.II.1 - La volonté de s’engager 28 II.II.2 - La loi, les normes et les règlementations 31 II.II.3 - L’éco-labellisation des établissements hôteliers 34 II.II.4 - La mise en place d’initiatives internes 35
III – Les défis de l’hôtellerie de luxe d’aujourd’hui : alliance entre confort et respect de l’environnement : vers des initiatives innovantes 37
III.I – L’amélioration des hôtels en place en faveur de l’environnement 37 III.I.1 – Mettre en place des démarches RSE poussées : la prise de conscience d’une urgence climatique 37 III.I.2 – Restructurer l’hôtel : le recours à l’inventivité 40 III.II – L’édification de nouveaux hôtels de luxe engagés 43 III.II.1 – Tirer profit de l’existant : la stratégie du lieu d’implantation 43 III.II.2 – Partir de rien : l’opportunité d’édifier durablement 48
Conclusion et ouverture : les engagements dans l’hôtellerie de luxe aujourd’hui, l’hôtellerie de luxe de demain 52
d’entretiens
– Jean-Paul Philippon (ancien responsable du groupe Accor Hôtels)
06.03.2022 - Shirine Zirak (architecte au Metropole Hôtel, Monaco)
11.04.2022 – Monsieur M (responsable de l’Oceania Hôtel de France, Nantes) 78
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Méthodologies et modes d’enquête ayant servi à réaliser ce mémoire 58 Remerciements 58 Bibliographie 59 Retranscription
65 23.02.2022
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Introduction : L’hôtellerie touristique de luxe : état des lieux et constat d’un secteur trop consommateur
Avec le développement des transports, voyager est devenu de plus en plus courant, et cela à l’échelle mondiale. Grâce aux avancées techniques et technologiques, nous avons sans cesse repoussé les frontières de nos déplacements. Partir loin, à la recherche d’un ailleurs dépaysant, n’est plus un obstacle.
Le tourisme actuel est défini de manière générale comme étant « un phénomène de société qui met en mouvement, sur des distances de plus en plus grandes, des dizaines de millions de personnes en quête d’un ailleurs dans un autre cadre que celui de leur habitat et de leurs déplacements quotidiens. » 1
Le tourisme pourrait sembler contraire au respect de l’environnement, étant un secteur très consommateur à gros impact carbone. Actuellement, il représenterait 10% des émissions carbone mondiales selon l’OMT, notamment à cause des déplacements internationaux aériens, maritimes, ferroviaires ou automobiles, accentués sur des grandes distances.
« Les effets multiples d’ordre écologique, paysager, socioculturel, économique, sont provoqués par chacun des équipements ou des activités qui accompagnent le développement touristique, aujourd’hui considéré comme un prédateur puissant et insatiable. » 2
Les impacts du tourisme sur la planète seraient donc liés aux pratiques quotidiennes dans le lieu de destination, comme les loisirs par exemple qui ne respectent pas toujours les ressources naturelles locales ; et les consommations mêmes, au sein de l’hébergement touristique, ne sont pas non plus sans conséquences. Le tourisme de masse génèrerait notamment 35 millions de tonnes de déchets par an !3
L’hôtellerie, secteur d’hébergement touristique, est une forme d’habitat particulière, jouant avec la notion de temporalité dans le sens où l’on y séjourne souvent sur un temps court. Paradoxalement, un hôtel est amené à fonctionner en permanence 24h/24h, surtout dans le domaine du luxe, afin d’assurer n’importe quel service à toute heure. De ce point de vue, une structure hôtelière est en perpétuel mouvement, ce qui requiert d’importantes ressources énergétiques, par exemple en termes de chauffage et climatisation, de production d’eau chaude, de consommation d’eau (blanchisserie, entretien, cuisines et salles de bain), d’électricité (éclairages et divers équipements),… 4
1 Georges, P., Préface. p. 9-11.
In : Michaud, J-L. (1983). « Le tourisme face à l’environnement ». France : Puf le géographe. 234 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
2 Michaud, J-L. Deuxième partie : « L’impact du tourisme sur l’environnement ». p. 81-130.
In : Michaud, J-L. (1983). « Le tourisme face à l’environnement ». France : Puf le géographe. 234 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
3 Bieuville, B., « Tourisme et écologie : état des lieux d’un désastre environnemental », [en ligne]
https://oservert.fr/tourisme-pollution/ (publié le 24/04/2019, consulté le 09/04/2022)
4 M.G., « Réduire la consommation d’énergie dans un hôtel. », Chasseurs de Fonds, [en ligne] https://chasseurdefonds.com/reduire-la-consommation-denergie/ (publié le 04/01/2022, consulté le 09/01/2022)
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« L'industrie hôtelière représenterait environ 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre »5 et certaines sources affirment par ailleurs que les consommations d’eau ou d’énergie individuelles sont davantage conséquentes à l’hôtel qu’au domicile privé. Pour l’eau, par exemple, on y en consommerait environ 2 fois que chez soi 6
D’après une étude menée par l’organisme HotellerieSuisse, l’électricité et les denrées alimentaires seraient responsables de 90% des émissions de gaz à effet de serre du secteur hôtelier 7
Ces consommations varient évidemment en fonction de la taille de l’hôtel et de sa composition architecturale, du nombre de nuitées et de couverts proposés, des saisons et du climat du lieu d’implantation, … mais aussi en fonction de son classement. Par exemple, pour un même nombre de nuitées et de services en restauration, un hôtel 4 étoiles consommerait 4 fois plus d’eau qu’un hôtel 1 étoile ou non classé. 8
Les services de loisirs proposés également par certains hôtels peuvent, eux aussi, nuire à l’environnement. On peut prendre l’exemple de « Gili Trawangan, une petite île d’Indonésie près de Bali [qui] s’est rapidement développée comme destination pour les touristes avides de plages au soleil. […] En l’absence de mesures de prévention, les habitants ont vu, entre autres, le récif corallien se dégrader, les plages s’éroder et des montagnes de déchets impossibles à gérer s’accumuler » 9, à cause notamment des loisirs de plage proposés aux touristes : plongée sous-marine, jet-ski, …
De nos jours, nous sommes de plus en plus concernés par le réchauffement climatique, et cela participerait à une évolution de nos modes de vie : le recours au local, au bio, aux mobilités douces, le rapprochement avec la nature... et nos façons de voyager seraient également amenées à évoluer.
Dans les années à venir, il ne s’agirait pas forcément de mettre un terme aux voyages, parce que le tourisme est un secteur économique trop important, en perpétuelle croissance et de grande ampleur (1.4 milliard de touristes internationaux en 2018 selon l’OMT), mais plutôt de trouver des solutions alternatives pour continuer de s’offrir la possibilité de voyager. D’après Jean-Luc Michaud, ancien membre du Ministère chargé du tourisme, « arbitrer entre l’économie par le tourisme et l’écologie sans le tourisme n’est plus de mise : chacun s’accorde sur la nécessité de ne pas négliger l’un, mais sans oublier l’autre. »
Au risque de ne plus avoir l’opportunité de voyager, dans le pire des scenarii, on constate alors des tendances de repli vers un tourisme plus durable afin de minimiser ou temporiser notre impact environnemental.
5 Site de la Sustainable Hospitality Alliance [en ligne]
URL : https://sustainablehospitalityalliance.org/about-us/what-we-do/
6 Zero, L., « Hôtellerie : Découvrez les chiffres clés de leur consommation d’énergie », Advizeo by Setec , [en ligne] https://www.advizeo.io/blog/tendances-marche/hotellerie-chiffres-cles-consommation-energie/ (publié le 11/03/2020, consulté le 09/01/2022)
7 Police, M., « Lentement, les hôtels de luxe explorent la voie verte. » [en ligne] URL https://www.letemps.ch/societe/lentement-hotels-luxe-explorent-voie-verte (publié le 03/09/2019, consulté le 09/01/2022)
8 M.G., « Hôteliers et restaurateurs faites le point sur votre consommation d’eau », Chasseurs de Fonds, [en ligne] https://chasseurdefonds.com/hoteliers-et-restaurateurs-faites-le-point-sur-votre-consommation-d-eau/ (publié le 03/12/2018, consulté le 09/01/2022)
9 Bieuville, B., « Tourisme et écologie : état des lieux d’un désastre environnemental », [en ligne] https://oservert.fr/tourisme-pollution/ (publié le 24/04/2019, consulté le 09/04/2022)
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Le tourisme de luxe s’inscrit dans le tourisme défini en amont, mais enrôle des acteurs fortunés. En effet, il est destiné à une élite dans le sens où il est accessible à une minorité d’un point de vue économique.
De façon générale, les acteurs de luxe sont dans l’attente d’expériences inédites et insolites, comme le démontre le projet de tourisme spatial lancé l’année dernière par Elon Musk et sa société SpaceX.
Dans le cadre de ce mémoire, il ne s’agira pas d’étendre l’étude de mes recherches jusqu’à ces ambitions de voyage au-delà des limites atmosphériques, mais de rester à l’échelle terrestre, en se concentrant davantage et notamment sur l’hôtellerie dans le tourisme de luxe.
Ce secteur représenterait un peu plus de 16% du marché du secteur du luxe, soit un chiffre d’affaires de 206 billions d’euros en 2019 à l’échelle internationale. Il fait partie du luxe « expérientiel » (services et expériences), se distinguant des produits de luxe « personnels » (achats d’articles et de biens matériels). 10
Avec un objectif de « créer l’enchantement » de sa clientèle, l’hôtellerie de luxe lui offre notamment des services sur-mesure, de l’ultra-confort et des expériences uniques grâce à la haute gamme des produits proposés ainsi qu’à une éventuelle diversité de loisirs. En effet, on réalise souvent des attentions personnalisées à l’égard des voyageurs en connaissant leurs goûts, préférences et habitudes en termes d’alimentation ou de décoration de chambre par exemple.11 Une prestation luxueuse va également s’assurer de la qualité de la literie et contrôler la provenance des produits de soins ou de restauration. Selon les hôtels, on peut aussi donner accès à des piscines, des spas, des offres de soins du corps, louer des équipements de sport, organiser de sorties touristiques ou des évènements comme des concerts et des spectacles par exemple…
Mais comme dans tous les secteurs économiques, ne pas considérer les enjeux environnementaux serait aller à l’encontre des tendances actuelles qui sont davantage tournées vers l’adoption de comportements durables et éco-responsables. D’après Christian Blanckaert, l’« exemplarité » est un des maître-mots du luxe : « le luxe, enfant gâté de l’économie, perçoit enfin l’obligation d’être un acteur exemplaire. Déjà actuellement, certains groupes de luxe prennent des positions pour préserver l’eau, l’énergie, revoient leurs modes logistiques […]. Le sujet du gaspillage est posé partout. Le traitement des déchets, la pollution des milieux naturels, la gestion des ressources d’énergie, la préservation de la biodiversité, tous les enjeux de la thématique environnementale sont sur la table des dirigeants du luxe mondiale.
[…] Le défi est clair : le luxe ne peut vivre en autarcie comme dans une bulle privilégiée. La réalité oblige les maisons de luxe à être des citoyens actifs dans la solidarité et le partage ».
10 Laurent, S., « Les chiffres clés du marché du luxe en
11
M., « Le luxe expérientiel,
le 06/12/2020,
9 *****
2021-2022 », Alioze, [en ligne] https://www.alioze.com/chiffres-luxe (publié le 11/09/2020, consulté le 04/11/2021)
Blot,
créer l’enchantement à travers le service », TEDx Talks, [vidéo en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=zDlAehrh8Gs&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&index=30 (publiée
consultée le 29/11/2021)
Ainsi, l’hôtellerie de luxe, secteur très consommateur de l’industrie luxueuse, pourra-telle alors continuer de satisfaire sa clientèle exigeante si elle s’engageait pour respecter la planète ?
Les divers engagements écologiques dans l’hôtellerie générale touchent aussi bien les équipements matériels que les usages : de la construction ou rénovation de l’hôtel (matériaux, isolation, équipements, …) jusqu’à la sensibilisation de la clientèle, en passant par la mobilisation du personnel ou par la gestion des produits et des services (tri des déchets, solutions d’anti-gaspillage, …).
En France, des règlementations environnementales sont appliquées aux bâtiments du tertiaire dont la superficie est supérieure à 1000m², pour inciter les entreprises à adopter des comportements responsables et fixer des objectifs de réduction de consommations. Pour atteindre les objectifs des Accords de Paris, l’industrie hôtelière se doit notamment de baisser ses émissions de CO 2 de 66% d’ici à 2030, et de 90% en 2050 par rapport aux niveaux d’émissions de 2010. 12
Il existe également des filiales de conseil, des associations et des partenaires de gestion pouvant aider les hôtels et contribuer à la réduction de leurs consommations, et donc leurs impacts sur l’environnement. Par exemple, l’association Ecolive accompagne les entreprises du tertiaire vers la labellisation écologique, et United Against Waste lutte contre le gaspillage alimentaire dans l’hôtellerie et la restauration.
On constate comme cela de plus en plus de démarches d’ores-et-jamais pensées dans le secteur hôtelier pour innover et aller de l’avant dans le sens environnemental.
*****
L’industrie du luxe en général a toujours évolué, et cela en parallèle de l’évolution de la société.
Si cela peut sembler impensable de prime abord, à cause des idées reçues que l’on a à propos du luxe (faste, surconsommation, superflu,…), des études ont montré que la clientèle de luxe est, elle aussi, de plus en plus concernée par l’avenir de la planète.
En effet, la part de Millennials (qualifiant les personnes nées entre 1980 et 1990) et de génération Z (de 1997 à 2010) est de plus en plus importante parmi la clientèle de luxe et est davantage immergée dans les problématiques environnementales que les anciennes générations consommatrices du luxe.
Si les exigences en termes de confort sont toujours bien présentes dans le luxe actuel, « 2 personnes (clients de luxe) sur 3 ne verraient pas d’objection à diminuer leur confort au profit de l’environnement ».13
12 « Le guide des tendances 2021 en hôtellerie. », Bowo, [en ligne] https://www.bowo.fr/blog/hotellerie-de-luxe-et-ecologie-est-ce-vraiment-compatible (paru en 05/2021, consulté le 09/01/2022)
13 « Le guide des tendances 2021 en hôtellerie. », Bowo, [en ligne] https://www.bowo.fr/blog/hotellerie-de-luxe-et-ecologie-est-ce-vraiment-compatible (paru en 05/2021, consulté le 09/01/2022)
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Ainsi, l’argumentaire écologique semblerait être une clé en matière d’attractivité pour les hôtels de luxe, afin de toucher une clientèle de plus en plus consciente et sensible aux questions climatiques.
Nous pouvons ainsi nous demander : en quoi et comment l’hôtellerie de luxe s’empare-t-elle de l’écologie pour faire prospérer son activité ?
*****
A travers ce mémoire, nous essayerons, dans un premier temps, de comprendre le développement et les origines de l’hôtellerie du luxe à l’échelle internationale. Nous nous intéresserons ensuite à la clientèle : qui est-elle ? quelles sont ses attentes vis-à-vis des hôtels de luxe de manière générale, et par rapport à l’écologie ? Puis, nous verrons quels moyens et tendances permettent de faire évoluer l’hôtellerie de luxe vers des pratiques vertes. Enfin, nous étudierons la façon dont les hôtels s’appuient sur l’écologie pour attirer la clientèle : quels sont les engagements proposés ? Participent-ils réellement à leur attractivité ? Nous tenterons alors de cerner les directions et évolutions possibles en lien avec les tendances environnementales actuelles, et nous prendrons le cas d’exemples d’engagements hôteliers prenant en considération les enjeux environnementaux, toujours dans le souci de satisfaire les exigences de la clientèle.
Il s’agira alors d’étudier les préjugés de l’apparente incompatibilité entre les notions de « luxe » et d’« écologie », dans le domaine du voyage. La première étant définie comme une « pratique sociale caractérisée par des dépenses somptuaires, la recherche de commodités coûteuses ou de biens raffinés et superflus, souvent par goût du faste ou désir d'ostentation. » 14, et la seconde comme un « mouvement visant à préserver l'épanouissement de l'être humain dans son cadre naturel de vie. » 15
National
11
14 Centre
de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), TLFI, Définition de « luxe ». [en ligne] https://www.cnrtl.fr/definition/luxe 15 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), TLFI, Définition de « écologie ». [en ligne] https://www.cnrtl.fr/definition/%C3%A9cologique
12
I – L’hôtellerie de luxe d’aujourd’hui : l’héritage d’une évolution à travers les siècles
« L’hôtellerie de luxe est un secteur où l’hospitalité est essentielle. Celle-ci dans une certaine mesure tangible et mesurable. Une belle chambre dans un hôtel de luxe doit par exemple mesurer au moins 45m², avoir une jolie vue et bénéficier de textiles de très grande qualité. Mais cette hospitalité est aussi intangible.
Il s’agit du sourire et de la personnalité des employés […].
Ce qui fait la qualité perçue d’un séjour, c’est le côté exceptionnel de ces interactions avec des gens différents […] qui constituent le service. » 16
I.I – Histoire : le développement des hôtels de luxe touristiques dans le monde
Le concept de l’hôtellerie que l’on connaît aujourd’hui découle de pratiques sociales remontant à l’Antiquité.
Il s’agissait alors d’accueillir des visiteurs de passage en leur offrant l’hospitalité, c’est-à-dire le couvert et l’hébergement pour quelques nuits. D’après l’historien Nikolaus Pevsner 17, ces coutumes hospitalières semblent s’être perpétuées au Moyen-Age, en particulier dans les centres religieux. A cette époque, les refuges se déploient également le long des routes commerciales. Au Japon, les traces les plus anciennes d’auberges traditionnelles remontent au VIIIe siècle. 18
Bien plus tard, avec le Second Empire en Europe et à partir de l’essor des chemins de fer miXIXe, les « maisons d’accueil » ou « relais-postes » se spécialisent davantage. Les auberges et hôtels en tant que tels, moyennant une contribution économique, se multiplient alors, et notamment à proximité des lignes ferroviaires.
Le principe des chaînes hôtelières que l’on connaît aujourd’hui serait né en Angleterre pour regrouper les manufacturiers travaillant dans les usines.19
Ainsi, grâce à l’ère industrielle et au développement des transports, les personnes voyagent de plus en plus, plus facilement et plus loin. Les motifs de déplacements évoluent également : les
16 Chapitre 3 : Les grands secteurs du luxe : Le monde des hôtels et de l’hospitalité. p. 126-128.
In : Chevalier, M., Mazzalovo, G. (2008). « Management et Marketing du Luxe ». France : Dunod. 372 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
17 Ascher, F., Hauvuy, J-C., Cohen, J-L., (1987). « Luxe, habitat, confort, les références hôtelières. » Paris, ARDU Institut français d’urbanisme Laboratoire Théorie des mutations urbaines en pays développés. 393 pages.
In : Dabireau, L.; Halgand, M-P. référente de séminaire. (2020) « L’inévitable évolution de l’hôtellerie du luxe parisien et monégasque ». Mémoire de master. Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes. 84 pages.
18 « Histoire de l’hôtellerie », Costumer Alliance [en ligne]
URL : https://www.customer-alliance.com/fr/resources/article/histoire_de-l-hotellerie/ (consulté le 28/04/2022)
19 Slattery, P., (2009) « The Economic Ascent of the Hotel Business », Oxford, Goodfellow Publishers. 240 pages.
In : Pageau, F., « Historique des facteurs économiques favorables à l’industrie hôtelière »
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voyages d’affaires, mais aussi les loisirs et l’agrément sont des motivations de voyages de plus en plus courantes. Les voyageurs ont donc recours à des hébergements ponctuels et temporaires autres que les leurs.
Depuis, le tourisme connaît un développement majeur : les stations balnéaires et thermales se développent davantage et les hébergements touristiques constituent alors, et aujourd’hui encore, de véritables « piliers essentiels de l’industrie du tourisme »20 .
Si dans la première moitié du XXe siècle l’hôtellerie a connu un grand déclin en Europe à cause des guerres, le secteur hôtelier s’est beaucoup développé par ailleurs, notamment aux EtatsUnis grâce aux améliorations économiques et sociétales des Américains à cette période. 21
A l’heure actuelle, le secteur hôtelier ne cesse de croître, et de s’épandre davantage à l’échelle mondiale, notamment en parallèle de la démocratisation des transports comme les compagnies aériennes low-costs par exemple.
Les médias et l’envolée d’Internet ont également participé à la publicité au profit de l’industrie du voyage.
Et qu’en est-il du luxe ?
Le luxe a longtemps été associé à tout ce qui est de l’ordre du « beau ».
Pour Jean Castarède, bien qu’il ne soit pas « nécessaire » à notre progrès, le luxe a « toujours accompagné l’évolution de la société et servi de support aux civilisations […] : tout ce qui touche au goût a précédé bien des inventions, et cela depuis la Préhistoire où l’on a commencé à créer des bijoux en coquillages, sculpter l’ivoire, peindre des fresques,… » 22 Etymologiquement, comme il est défini dans l’ouvrage de Maurice Chevalier (2008, Management et Marketing du Luxe), le mot de luxe provient du latin luxus qui signifie « pousser de travers, à l’excès ». De ce point de vue-là, « le luxe est un écart, une discontinuité, une excentricité. Il implique un déplacement par rapport à une norme, à une position retenue comme normale [et] désigne quelque chose de l’ordre de l’aberration : il est donc à peu près dépourvu de toute connotation positive » 23 , d’autant plus que le plaisir (souvent blâmé par les religions) serait la première motivation d’acquisition du luxe… Dans le secteur hôtelier, pour les hébergements dits « de luxe », si l’apparence, la splendeur et le côté esthétique ont toujours été très recherchés, quelque soit l’époque, la notion de confort reste primordiale. En effet, les hôtels se devaient et se doivent de fournir un séjour de qualité
20 Stafford, J., (2004). « L’hôtellerie au Québec de 1989 à 2004 : un bilan très mitigé », Téoros
In : Paul, B., et Séraphin, H., « Le développement de l’hôtellerie de luxe dans le tourisme en Haïti », Études caribéennes [En ligne], https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/7397 (publié le 30/04/2015, consulté le 10/01/2022)
21 Pageau, F., « Historique des facteurs économiques favorables à l’industrie hôtelière » [en ligne]
URL : https://www.ithq.qc.ca/expertise-et-recherche/actualites/article/historique-des-facteurs-economiques-favorables-a-lindustriehoteliere/ (publié le 12/05/2013, consulté le 28/04/2022)
22 Castarède, J. (2014). Conclusion. p. 307-315.
In : « Le grand livre du luxe : Une histoire mondiale du luxe, Des origines à nos jours, Civilisation par civilisation ». Paris : Eyrolles. 329 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
23 Chapitre 1 : La notion de luxe. p. 9-40.
In : Chevalier, M., Mazzalovo, G. (2008). « Management et Marketing du Luxe ». France : Dunod. 372 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
14
pour que les voyageurs fortunés retrouvent leurs repères de vie quotidiens, même lors d’importants déplacements, loin de leurs propres habitudes.
« Le confortable constitue un véritable progrès, c’est la continuation de cette lutte éternelle de l’homme contre la nature, pour s’affranchir des soucis […] ».24
Si la notion de luxe et celle du confort sont subjectives et ont une dimension relative car elles dépendent des expériences de chacun, il existe néanmoins aujourd’hui des « moyens d’évaluation » du niveau de prestige des hôtels de luxe.
En France, par exemple, les hôtels de luxe sont classés avec des étoiles, tandis qu’ils détiennent des diamants aux Etats-Unis ou encore des hibiscus en Haïti. Mais ces classifications ne sont pas toutes équivalentes : les critères d’obtention varient d’un pays à l’autre. L’établissement de ce type de classifications daterait de la première moitié du XXe siècle selon François Pageau.
En France, le statut d’hôtel de luxe étoilé découle de plusieurs critères : « Les chambres sont spacieuses, au moins 16 m², sanitaires inclus, en 4 étoiles, et 24 m² en 5 étoiles. Dans les hôtels de plus de 30 chambres, l’accueil est assuré 24 h sur 24. Deux langues étrangères, dont l’anglais, sont requises dans un 5 étoiles, ainsi que le service en chambre, l’accompagnement jusqu’à la chambre et la possibilité de dîner à l’hôtel. D’autres avantages caractérisent le 5 étoiles, comme un service de voiturier, une conciergerie ainsi que des équipements spécifiques dans les chambres tels qu’un coffre-fort et l’accès à Internet. » 25
Quant à la distinction de Palace, elle peut s’obtenir pour les hôtels 5 étoiles ayant des caractéristiques exceptionnelles comme le service sur-mesure, l’intérêt historique, patrimonial et/ou esthétique des locaux, ainsi que la situation géographique.
A l’échelle internationale, l’hôtellerie de luxe a colonisé la planète, et ce même jusque dans les endroits les plus reclus et isolés du monde, à la recherche des endroits les plus idylliques pour offrir à la clientèle une expérience inoubliable.
Si l’on s’intéresse à quelques groupes hôteliers de luxe, on constate effectivement un important déploiement sur tous les continents. Le groupe américain Hilton Hotels & Resorts détient plus de 575 hôtels dans 94 pays des six continents. De son côté le groupe français AccorHotels constelle le territoire mondial avec ses 5300 équipements dans 116 pays ; le groupe Marriott a 614 hôtels à travers le monde ; et Lartisien Paris (anciennement Grand Luxury Hotels), pour ne citer qu’eux, en possède 373 aux quatre coins de la planète.
15
24 Goubert, J-P. (1988). « Du luxe au confort ». France : BELIN. 191 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes] 25 Site internet d’INAURIS (organisation française accréditée de classement) « Classification hôtelière de 1 à 5 étoiles » [en ligne] URL : https://www.hotel-classement.fr/hotel/, (consulté le 10/01/2022)
De nos jours, le lieu d’implantation constitue une réelle stratégie de rendement pour le secteur hôtelier, selon les dires de Jean-Paul Philippon, ancien directeur général chez Accor que j’ai pu interroger dans le cadre de ce mémoire :
« Vous connaissez la fameuse doctrine du directeur d’Hilton qui disait que pour réussir un hôtel de luxe, y’a trois raisons [en anglais] : location, location, et location… »
Il s’agit alors de choisir le bon emplacement pour attirer une clientèle ciblée et fortunée, celle qui recherche l’excellence de l’hospitalité pour un séjour unique et riche en expériences.
Au XXe siècle, avec l’essor de la mondialisation et d’une société qui s’est vue de plus en plus consommatrice où les ressources semblaient être inépuisables et à portée de tous, l’hôtellerie de luxe peut être perçue comme le symbole de l’hédonisme et de la surconsommation.
On peut prendre l’exemple extrême de l’ultra-luxe avec cet Hôtel 7 étoiles aux Emirats-Arabes-Unis : Burj al-Arab qui montre ce goût pour la démesure : construit sur une île artificielle, il a relevé le défi de l’hôtel le plus haut.
- Hôtel Burj al-Arab. Dubaï Emirats Arabes Unis -
16
A Dubaï, ville de tourisme de luxe, l’eau coule à flot, les éclairages sont foisonnants dans les hôtels. Des prouesses techniques et technologiques sont mis en œuvres au profit de l‘extraordinaire et de l’expérience singulière et unique. Tout semble être à portée de main pour les clients pouvant s’offrir de telles prestations…
Aujourd’hui néanmoins, avec la prise de conscience de l’extinction progressive des ressources et de leur valeur, on assiste de nos jours à un retournement de situation et à la mise en place de mesure de réduction de nos impacts sur l’environnement. L’hôtellerie de luxe saura-t-elle s’imprégner de démarches écologiques pour être en phase avec son temps et faire perdurer son activité de prestations luxueuses ?
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- Hôtel Burj al-Arab. Dubaï. Emirats Arabes Unis -
I.II – Les évolutions des profils de la clientèle de luxe : nouvelles générations, nouvelles attentes ?
Quelle qu’en soit la motivation de consommation et les évolutions sociétales, le luxe reste fondé sur l’aspect financier car il enrôle depuis toujours des acteurs fortunés.
En effet, les dimensions sociales et économiques de l’industrie du luxe ont longtemps été associées à l’aristocratie, selon l’historienne Natacha Coquery,26 en particulier au XVIIIe, et de nos jours, d’après Maurice Chevalier dans Management et Marketing de Luxe, les clients pouvant s’offrir des produits de luxe seraient « les fortunes du millénaire, les vieilles fortunes, les nouveaux riches, et les fortunes moyennes. »
Pour ce même auteur, il semblerait toutefois que les personnes de ces quatre catégories ne soient pas les seuls clients du luxe : « la croissance rapide de ce secteur (moyenne annuelle de 8%) résulte du fait que, chaque année, un nouveau groupe de consommateurs issus des « classes moyennes » des pays développés ou en développement peuvent s’offrir des produits de luxe. Ces biens devenant de plus en plus accessibles, le luxe entrerait dans le quotidien d’au moins 63% de gens dans les pays développés » 27 … D’après Jean Castarède, « le luxe n’apparaît donc plus comme une constituante sociale dictant un comportement obligé et l’étanchéité des cultures de classe a disparu. Ce qui autrefois était « de la haute aristocratie » apparaît comme « un droit pour tous » […] et la société aspire à ce qui représentait autrefois les emblèmes réservés à une minorité […]. » 28
Parmi toute cette population cliente, « les consommateurs du luxe sont de plus en plus jeunes : d’ici 2025, la génération Y et la génération Z représenteront plus de 50% du marché du luxe, soit 30% de plus qu’en 2016 » 29. Le premier groupe désigne les personnes nées entre 1980 et 1990, aussi appelées « millenials » ou « digital natives » car elles ont grandi avec les nouvelles technologies, tandis que la seconde appellation fait écho aux « personnes nées entre 1997 et 2010 et ayant grandi alors que le numérique était déjà bien installé dans la société… »30
Or, on constate de nos jours à quel point le rôle des médias est important dans l’achat des produits en général, mais aussi pour les biens luxueux.
En effet, les médias mettent l’accent sur la notoriété et la réputation d’une firme par le biais de l’image, de la publicité, et de l’affichage. Le digital a ainsi une grande influence dans le choix
26 Coquery, N., (1998). « L’hôtel aristocratique. Le marché du luxe à Paris au XVIIIe siècle », Paris, Editions Atout France. 445 pages.
In : Paul, B., et Séraphin, H., « Le développement de l’hôtellerie de luxe dans le tourisme en Haïti », Études caribéennes [En ligne], https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/7397 (publié le 30/04/2015, consulté le 10/01/2022)
27 Chapitre 5 : Le client des produits de luxe. p. 159-182.
In : Chevalier, M., Mazzalovo, G. (2008). « Management et Marketing du Luxe ». France : Dunod. 372 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
28 Castarède, J. (2014). Chapitre 22 : Le luxe des XXe et XXIe siècles : entre démocratie et innovation. p. 289-306.
In : « Le grand livre du luxe : Une histoire mondiale du luxe, Des origines à nos jours, Civilisation par civilisation ». Paris : Eyrolles. 329 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
29 « Portrait du consommateur de produits de luxe. », Cegid [en ligne]
URL https://www.cegid.com/fr/blog/qui-sont-les-consommateurs-du-secteur-de-luxe/ (publié le 24/07/2019, consulté le 09/01/2022)
30 Wikipédia, Génération Z, https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9n%C3%A9ration_Z
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des produits : c’est la tendance du RoPo (Research Online, Purchase offline) qui affecte le luxe pour 78% des cas, selon le guide établi par Cegid D’après cette même source, malgré un accès universel aux produits du marché du luxe, grâce au numérique, les tendances seraient à la personnalisation de l’offre et à la transparence de l’information. La recherche de valeurs durables et éthiques est également de plus en plus constatée, surtout chez les Millenials, car si l’on peut consommer le luxe simplement pour « se faire plaisir » ou dans un souci d’affichage et de distinction, on peut également le faire dans une optique plus personnelle, pour affirmer une position sociale.31
Le luxe est donc un secteur très paradoxal. A la fois, il suit des tendances et se conforme à des normes, autant qu’il se distingue pour offrir à ses clients, en quête d’expériences nouvelles, l’innovation et la singularité. 32
Les attentes actuelles de la clientèle de luxe, davantage en lien avec la prise de conscience des enjeux planétaires, se différencient ainsi de celles de leurs prédécesseurs, qui semblent moins concernés vis-à-vis du réchauffement climatique. Selon les données du guide précédemment cité, « 70% des 18-34 ans s’en inquiètent, contre 62% des 35-54 ans et 56% des plus de 55 ans ».
« Les acheteurs de luxe d'aujourd'hui cherchent à exprimer qui ils sont, plutôt que ce qu'ils ont. […] Avec une prise de conscience accrue des problèmes climatiques, les consommateurs ne sont plus disposés à accepter des pratiques non durables et se dissocieront activement des marques qui ne partagent pas leurs valeurs. »33
« 57 % des consommateurs affirment être plus susceptibles d’acheter ou de boycotter une marque de luxe en fonction de sa position sur un problème social ou politique. » 34
« 60 % de la clientèle du luxe pense que les marques de luxe se doivent d’être plus engagées que les entreprises d’autres industries » (Laurent, S.,© Alioze)
31 Chapitre 1 : La notion de luxe. p. 9-40.
In : Chevalier, M., Mazzalovo, G. (2008). « Management et Marketing du Luxe ». France : Dunod. 372 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
32 Chapitre 1 : La notion de luxe. p. 9-40.
In : Chevalier, M., Mazzalovo, G. (2008). « Management et Marketing du Luxe ». France : Dunod. 372 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
33 MOF Team, « The Luxury Report : the state of the Industry in 2020 and Beyond » [en ligne]
URL : https://www.matterofform.com/news/articles/the-luxury-report (publié en 09/2019)
34 Laurent, S., « Les chiffres clés du marché du luxe en 2021-2022 », Alioze, [en ligne]
URL https://www.alioze.com/chiffres-luxe (publié le 11/09/2020, consulté le 04/11/2021)
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Si le secteur du luxe dépend entièrement de l’évolution de notre société, la crise sanitaire que nous avons traversé n’a fait qu’accentuer ces attentes nouvelles de la clientèle et influencer les comportements d’achats :
« L’expérience montre qu’après une crise de grande ampleur et à forte charge émotionnelle, les préférences des consommateurs peuvent évoluer vers un luxe plus « sobre » mettant davantage l’accent sur le savoir-faire et l’origine des matières premières et des produits, ainsi que sur les conséquences sociales et environnementales. »35
« Plus de la moitié des consommateurs du luxe déclarent que la position des marques sur ces sujets sera plus susceptible d’avoir un impact sur leur comportement d’achat que dans la période pré-COVID. » (Laurent, S.,© Alioze)
« 60 % des clients du luxe ont une meilleure perception des marques ayant mis en place diverses actions durant la crise. » (Laurent, S.,© Alioze)
Néanmoins, malgré ces attraits progressifs et de plus en plus prégnants vis-à-vis de l’environnement dans la consommation du luxe, certaines exigences et critères restent d’actualité, qualifiés de « dimensions indispensables » pour les consommateurs du luxe, selon Maurice Chevalier : « l’élitisme (indicateur de réussite sociale), la qualité et la cherté du produit, l’hédonisme et enfin la renommée et l’unicité. »
A travers le luxe, les consommateurs sont en effet en quête de l’exceptionnel.
Il s’agit d’un moyen « d’exprimer un dépassement de l’ordinaire surtout [visible dans] les activités de service, pour qualifier une action particulièrement sensible aux besoins du clients » 36. On parle d’ailleurs de « customisation du luxe » : on propose alors les produits les mieux adaptés à la clientèle, à la personnalité de l’individu.37 On fait du sur-mesure, que ce soit dans les produits de biens ou les services.
A propos du tourisme, la clientèle de luxe, lors de ses expériences et voyages luxueux, rechercherait « un environnement compensateur de ses frustrations, dont la symbolisation
20
35 « Luxe, The New Way : Innovations & leviers de croissance. », Cegid [en ligne] (publié le 24/07/2019, consulté le 09/01/2022) URL https://go.cegid.com/rs/818-MJH876/images/HD_EBook_Retail_LuxuryTheNewWay_FR_297x210_0321.pdf?mkt_tok=ODE4LU1KSC04NzYAAAGB3ZQpb6CawW2nhYHbZytgh xWY3nF6Ee1DedDYeFFcEMHJhnhPNFWKxczkYVUthdrP8akyzmm1V4oHjhDnet9Hk8tGKZgq6d1H9znr3yVHcDWs9XU 36 Citation issue de l’ouvrage « Authenticity » de Gilmore et Pine, citée dans : Chevalier, M., Mazzalovo, G. (2008). « Management et Marketing du Luxe ». France : Dunod. 372 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes] 37 Castarède, J. (2014). Introduction : Le luxe, facteur et signe de civilisation. p. 9-12. In : « Le grand livre du luxe : Une histoire mondiale du luxe, Des origines à nos jours, Civilisation par civilisation ». Paris : Eyrolles. 329 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
serait diffusée par les médias et la publicité, et qui s’inscrit dans des modes établissant les conventions d’un conformisme social. » 38 Et enfin, dans le secteur hôtelier, les grands hôtels fonderaient leur réputation luxueuse sur cette dimension de l’exceptionnel et de l’image : « les clients en attendent un service hors classe et une expérience unique […] qui inclut le design, l’atmosphère et la qualité du service » 39 en lien avec leurs valeurs…
38 Georges, P. Préface. p. 9-11.
In : Michaud, J-L. (1983). « Le tourisme face à l’environnement ». France : Puf le géographe. 234 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
39 Introduction. p. 1-8.
In : Chevalier, M., Mazzalovo, G. (2008). « Management et Marketing du Luxe ». France : Dunod. 372 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
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II – Vers l’évolution verte de l’hôtellerie de luxe
« On peut affirmer que les industries du luxe vont connaître une croissance soutenue dans les années à venir, en s’adaptant aux attentes des consommateurs et à l’évolution compétitive et continuer à répondre à certains de nos désirs d’excellence, d’évasion et d’absolu. » (Chevalier, M., Mazzalovo, G.)
L’hôtellerie de luxe, qui représenterait environ 16% du marché du secteur du luxe, fait partie du luxe « expérientiel » (services et expériences), se distinguant des produits de luxe « personnels » (achats d’articles et de biens matériels). (Laurent, S., © Alioze)
Ce secteur du luxe aurait eu un chiffre d’affaires de 590 M€, sur un total de 920 M€ pour l’industrie globale du luxe, et connaîtrait une plus forte croissance (5%) que le luxe de biens personnels (3%).
Mais comment le luxe expérientiel (incluant restaurants, hôtels, croisières, centres de villégiature, stations, vins et spiritueux, voitures et bateaux) évoluera-t-il dans les années à venir, à l’heure où les enjeux planétaires risquent d’être plus alarmants et si les demandes des clients se tournent vers des démarches de plus en plus responsables ?
De prime abord, on associe souvent mal la luxe avec l’écologie : « le premier cultive la rareté, la distinction, tandis que la seconde raisonne en termes d’environnement et de phénomènes de masse. La sélectivité du luxe le place en porte-à-faux vis-à-vis des logiques globales : s’il a les moyens de payer décemment ses artisans fournisseurs, il reste suspect d’imprudence environnementale par son goût des matériaux rares, » 40 de produits exceptionnels et souvent de consommations démesurées…
Selon The Luxury Report : the state of the Industry in 2020 and Beyond « l' industrie de la croisière a déjà dû faire des changements pour apaiser ses critiques et atténuer son impact environnemental négatif : pour les paquebots de croisière, Lindblad Expeditions ouvre la voie en matière de tourisme durable avec son plan d'action sur le changement climatique. D'autres paquebots se concentrent sur des moteurs plus écologiques qui fonctionnent avec un carburant plus propre pour réduire les émissions et une technologie innovante pour minimiser la consommation de carburant. »
Quant aux hôtels de luxe sauront-ils renverser les préjugés pour s’imprégner des nouvelles exigences de leur clientèle et mettre en place des démarches éco-responsables sincères pour participer activement à l’adoucissement des impacts sur l’environnement ?
22
40 Chapitre 1 : La notion de luxe. p. 9-40. In : Chevalier, M., Mazzalovo, G. (2008). « Management et Marketing du Luxe ». France : Dunod. 372 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
II.I – Les tendances générales de sensibilité à la « nature » avec la prise de conscience des enjeux environnementaux
Rappelons que l’écologie se définit comme un « mouvement visant à préserver l'épanouissement de l'être humain dans son cadre naturel de vie », d’après le Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL). Dans l’architecture de façon générale, on constate de nos jours une évidente recherche de qualités spatiales au profit de notre confort et de notre bien-être. L’attrait au calme et à la sérénité, un goût pour des atmosphères paisibles et ressourçantes sont aujourd’hui très prisées, surtout lors des voyages. On tend alors de plus en plus en plus vers l’architecture biophilique qui consiste à réinterpréter la nature dans le secteur bâti.
de décoration
En effet, il a été montré que l’architecture pouvait être un vecteur clé pour satisfaire cet attrait au bien-être dans notre cadre de vie. Cette notion aurait été popularisée après des études réalisées par l’écologue et sociobiologiste américain Edward Osborne Wilson dans les années 1980, qui étudiait les relations de l’homme avec son environnement proche. « L’intégration d’éléments directs ou indirects de la nature dans l’environnement bâti [s’est avérée être efficace pour] réduire le stress […] tout en augmentant : la productivité, la créativité et les taux de bien-être autodéclarés. » 41
Ainsi, l’architecture biophilique est de plus en plus présente dans le tertiaire, les espaces éducatifs, les secteurs de soin et de santé, ainsi que dans l’hébergement, et par extension, donc, dans l’hébergement touristique. Dans le même article, il est dit que « l’application évidente de la biophilie pour les environnements intérieurs est l’ajout de la vie végétale [ainsi que] la maximisation de la lumière
23
41 « Le concept du design biophilique dans l’architecture » [en ligne], URL https://architectureecologique.fr/le-concept-du-design-biophilique-dans-larchitecture/ (publié le 30/04/2021, consulté le 14/05/2022) Tendance
intérieure (Source : Pinterest)
naturelle […]. Les interventions biophiliques intègrent [aussi] un système d’éclairage qui change naturellement ou artificiellement tout au long de la journée pour imiter notre rythme circadien […]. » La présence d’eau augmenterait également le sentiment de tranquillité et serait très appréciée par les usagers du lieu. Cela participerait activement à l’éveil et à la stimulation de nombreux sens : la possibilité « de sentir les plantes, de sentir le flux d’air et d’entendre l’eau sont des exemples simples de ces interventions […]. »
24
- Hôtel MéliaFuerteventuraInsertion d’éléments et matériaux naturels dans la décoration, accès à l’air et à l’eau
- Hôtel Eco-spa YvesRocher La Grée des LandesOuverture sur le paysage
- Hôtel 1Hotels Le Caire –
Insertion d’éléments et matériaux naturels dans la décoration, second jour et végétation
Par ailleurs, toujours selon la même source, « la présence de la vraie nature est de loin préférable pour récolter les avantages physiologiques et psychologiques de la conception biophilique. Néanmoins, ces éléments qui imitent la nature ne sont pas sans avantage également. L’ajout de peintures naturelles et l’utilisation de motifs biomorphiques améliorent également la perception de l’espace. »
Shirine Zirak, architecte chargée de conception et d’exécution pour le réaménagement du Métropole Hôtel à Monaco, témoigne de cette tendance de décor intérieur, lors d’un entretien que j’ai eu avec elle dans le cadre de ce mémoire :
« Pour Noël c’était vraiment magnifique : inondé de fleurs, des vraies mais aussi des fleurs en papier. C’est aussi ça, les vraies fleurs ça a une durée de vie limitée. Au lieu de couper, jeter, couper, jeter, là ils font ça aussi en papier. »
Et puis, concernant la restructuration intérieure de l’hôtel :
« Avant, dans ces grandes suites, on avait du marbre […], là maintenant ce sera beaucoup de parquet par exemple… »
« [Avant] on devait absolument utiliser des tissus avec des dessins… et maintenant on est plus partis pour faire des choses pures et naturelles avec des sortes d’enduits, à la romaine […], ce sont des produits naturels pour les murs et les couloirs. C’est plus dans un esprit « riviera » et Côte d’Azur, alors qu’avant c’était tellement luxueux qu’on retrouvait Paris ou l’Angleterre vous voyez, très chargé… Maintenant c’est léger, de plus en plus une tendance au naturel, à la nature, au Riviera, à la Côte d’Azur, des matériaux naturels et ramener de la lumière naturelle dans les chambres. »
« Dans cet hôtel, ce qu’on est en train de faire c’est qu’on enlève toutes les tentures murales […], on préfère partir sur des peintures murales ; le sol dans les chambres, au lieu de mettre de la moquette, on préfère mettre du parquet, qui sera un peu plus naturel. »
Selon les économistes américains James Gilmore et Joseph Pine, cités par Maurice Chevalier dans Management et Marketing du Luxe, le recours au naturel ferait partie d’une réelle stratégie commerciale. Ce serait « l’apanage des marques qui s’appuient sur des matériaux naturels pour légitimer une approche écologique, ou cultiver un retour rousseauiste à la simplicité de la vie sauvage […], à plus forte raison quand la simplicité de ces matériaux est synonyme de rareté.» 42
Cette tendance d’aller à la rencontre de la « nature » est aussi visible à plus vaste échelle. D’après Jean-Luc Michaud dans son ouvrage Le tourisme face à l’Environnement, le secteur touristique en général constitue un « système d’images » qui met en avant par exemple le
25
42 Citation issue de l’ouvrage « Authenticity » de Gilmore et Pine, citée dans : Chevalier, M., Mazzalovo, G. (2008). « Management et Marketing du Luxe ». France : Dunod. 372 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
dépaysement par rapport au lieu d’origine, les loisirs proposés, la variété et la richesse d’un pays d’accueil, ses ressources artisanales, culturelles et naturelles.
Il suffit de voir les publicités actuelles, très axées sur le visuel, nous vendant des destinations au cœur même de la nature, d’où la stratégie d’implantation dans des lieux reculés et naturels pour les hôtels de luxe d’aujourd’hui. L’épidémie mondiale du coronavirus n'a fait qu’accroître ces tendances : l’humain a un réel besoin de pouvoir accéder au milieu extérieur, de pouvoir s’immerger dans un espace naturel, et d’être en contact avec le monde végétal.
*****
Parfois cependant, cette immersion reste à caractère superficiel : une décoration laissant à penser que nous sommes au cœur de la nature ou la découverte respectueuse d’un espace naturel protégé… mais qu’en est-il du véritable respect de l’environnement et de la « nature » à proprement parler ?
Ces tendances de biophilie et des activités douces en pleine nature, montées en flèche depuis la prise de conscience des enjeux du réchauffement climatique, et véhiculées par les images médiatisées sont controversées et critiquées, car parfois accusées d’une sorte de manipulation commerciale : le fameux green-washing . Elles constituent notablement une attraction commerciale et participent à de réelles stratégies de marketing, d’autant plus que l’écologie peut s’avérer être un appât incontournable : « 66% des voyageurs seraient prêts à mettre davantage la main à la poche pour séjourner dans un hôtel éco-friendly ». 43
En effet, par le sentiment d’être en contact avec la nature au sein d’un bâtiment biophilique par exemple, on peut croire que l’établissement en question est respectueux de l’environnement, ce qui anime notre bonne conscience vis-à-vis des enjeux planétaires actuels. Cela nous pousse donc à consommer les services ou produits que propose ce lieu, par le sentiment de réaliser « une bonne action ». Cela se généralise d’ailleurs à tout secteur d’activité : commerce, restauration, hôtellerie, etc.
Dans le secteur du luxe en particulier, « les caractères esthétiques constituent des éléments très importants de l’impression générale. […] Ils doivent susciter une impression de beauté et exercent une séduction sur le plan esthétique. » 44 Pour Jean Castarède aussi, « l’univers du luxe apparaît dans la mise en valeur de son aspect physique, de son environnement. » 45
Introduction. p. 1-8.
en 05/2021, consulté le 09/01/2022)
In : Chevalier, M., Mazzalovo, G. (2008). « Management et Marketing du Luxe ». France : Dunod. 372 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
Castarède, J. (2014). Conclusion. p. 307-315.
In : « Le grand livre du luxe : Une histoire mondiale du luxe, Des origines à nos jours, Civilisation par civilisation ». Paris : Eyrolles. 329 pages
Jacques Demy, Nantes]
26
43 « Le guide des tendances 2021 en hôtellerie. », Bowo, [en ligne] URL https://www.bowo.fr/blog/hotellerie-de-luxe-et-ecologie-est-ce-vraiment-compatible (paru
44
45
[Médiathèque
On constate effectivement que les hôtels de luxe s’accaparent aujourd’hui de plus en plus de ces tendances biophiliques au profit de leur image et publicité, de façon consciente ou non, pour être en accord avec les prises de conscience actuelles des enjeux environnementaux. Toutefois, au-delà de ce caractère à vocation marketing, se cachent parfois, dans les arrières coulisses hôtelières, de véritables volontés d’initiatives et d’engagements plus poussés au sein même de leurs politiques de gestion.
27
II.II – La diversité des moyens pour faire évoluer les hôtels de luxe vers des pratiques vertes…
Nous savons le rôle important des médias, de la publicité et l’influence du digital dans le choix de produits de luxe, en particulier avec cette tendance du RoPo (Research online, Purchase offline) dans le secteur du luxe.
Sous l’étiquette du green-washing, une image verte que pourrait véhiculer une publicité en ligne, par exemple sur le site internet d’un hôtel, pourrait attirer la clientèle et participer à la notoriété soi-disant engagée d’un hôtel. Mais à partir de quel moment qualifie-t-on un hôtel d’« engagé » ? Jusqu’à quel point et comment les hôtels de luxe s’engagent-t-ils ? Les engagements pris vis-à-vis du respect de l’environnement sont-ils seulement des stratégies de marketing ou bien découlent-ils de résolutions sincères ?
Un hôtel de luxe passif entièrement conçu avec des matériaux respectueux de l’environnement, et autosuffisant en énergie, peut-il être considéré comme « engagé » s’il s’implante en zone naturelle protégée, loin de toute civilisation et accessible seulement en jet privé ?
II.II.1 - La volonté de s’engager
« La durabilité est un terme délicat, mais je pars du principe que n’importe quelle entreprise ou administration peut mettre en route une démarche… »* (Olivier Brüggimann, directeur d’Ecolive, association qui accompagne les entreprises vers la labellisation écologique)
Pour les hôtels de luxe, le parti pris de s’engager dans des démarches éco-responsables s’observe à plusieurs échelles : de la construction de l’établissement, jusqu’à ses modes de fonctionnement.
« C’est là que le changement est possible, au sein des établissements de luxe : un investissement lié à une charte environnementale que les autres hôtels ne peuvent se permettre. »* (René Knüsel, enseignant et chercheur en sciences sociales à l’UNIL 46 )
Construire un « hôtel de luxe écologique » aujourd’hui est donc plus simple pour diminuer l’impact sur l’environnement que de changer les politiques de gestion en place d’un hôtel existant.
M.,
03/09/2019, consulté le 09/01/2022)
28
25 Police,
« Lentement, les hôtels de luxe explorent la voie verte. » [en ligne] URL https://www.letemps.ch/societe/lentement-hotels-luxe-explorent-voie-verte (publié le
*citations issus de la même source
En effet, les nouveaux hôtels peuvent investir dans des technologies et machineries les moins consommatrices, les plus innovantes et performantes du moment, tout en s’imprégnant des problématiques environnementales, et cela dès la création de l’hôtel.
A l’inverse, il semble plus difficile pour les hôtels existants de réduire leur impact de façon conséquente sur la planète. En effet, renouveler la totalité d’un équipement énergétique hôtelier par exemple, pour limiter les consommations, n’est pas nécessairement une priorité pour un hôtel, surtout s’il est en bon état, et même s’il est énergivore.
« […] on essaie d’amener l’hôtel vers cela car vraiment c’est la demande de la clientèle d’être intégré à un tourisme un peu plus vert… Mais de là à changer de fonds en combles, et […] changer tout le système de chauffage, non, parce que pour l’instant matériellement c’est pas possible non plus […] » (Shirine Zirak, extrait d’entretien)
D’autre part, et cela même dans le secteur du luxe, le budget est le frein de beaucoup d’investissements vis-à-vis de l’engagement dans l’environnement, d’autant plus que les économies réalisées après coup ne sont visibles qu’à long terme.
«
En fait, de nos jours, on n’a plus de quartier libre.
Ce fut un temps, je me rappelle, c’était no limites, jamais on disait « là y’a tel budget, vous disposez de cette enveloppe », non, mais maintenant si, on dit voilà « pour le centre commercial on a tant, pour l’hôtel, on a tant »… […] la première chose qu’on demande c’est « combien ça va coûter ? »…
D’un côté, si on paye 100 000€ pour un artiste, d’un autre côté il faut trouver un équilibre et pouvoir compenser pour rester dans le budget qu’ils nous ont donné… » (Shirine Zirak, extrait d’entretien)
«
On peut par exemple améliorer les choses pour que les consommations d’énergies soient moins élevées ; mais le coût initial d’investissement est beaucoup plus élevé, ce qui fait que y’a des réticences, notamment dans les comités d’investissement.
Si vous dites que votre projet il prend 10% parce qu’avec des arguments écologiques, vous avez beau dire que vous allez faire des économies d’énergies, eux ils voient surtout le prix qu’ils vont dépenser sur le moment, plutôt que ce qu’ils vont gagner demain. Donc c’est compliqué. » (Jean-Paul Philippon, extrait d’entretien)
29
S’il ne semble pas donc possible de transformer du jour au lendemain un hôtel de luxe existant, on constate toutefois de nombreuses initiatives et objectifs fixés pour diminuer ses impacts sur l’environnement. Ainsi, les évolutions éco-responsables s’effectuent lentement et progressivement pour les hôtels existants.
«
Il faut du temps pour repenser complètement un palace. L’hôtellerie vit au rythme de la société, et la société demande à ces gros bateaux d’être rentables tout de suite » (Donato Stasi, cité dans Police, M., « Lentement, les hôtels de luxe explorent la voie verte »)
Il existe de nombreux moyens, pour les hôtels, de s’inscrire dans une démarche écoresponsable, ou du moins, moins impactante sur l’environnement.
On distingue d’ailleurs les engagements majeurs des engagements mineurs. Les premiers concernent l’architecture même de l’hébergement : le recours à des matériaux locaux, à faible impact carbone, naturels voire biosourcés, une isolation renforcée, la mise en place d’équipements peu consommateurs, l’autoproduction d’énergie et/ou l’utilisation d’énergies renouvelables … ainsi que la gestion et le fonctionnement même de l’hôtel : démarches RSE poussées, partenariats avec des associations ou entreprises locales et fournisseurs responsables, signatures de chartes officielles, labellisations écologiques et certifiées, etc.
Les engagements mineurs, eux, se réfèrent davantage aux petites actions qui peuvent être menées pour réduire l’impact environnemental des hôtels, même de façon anecdotique et dérisoire. Concernant les locaux, ils peuvent faire l’objet de réaménagements améliorés : meilleure isolation, vitrages plus performants, renouvellement des éclairages et des équipements techniques, réorganisation pour avoir de la lumière en second-jour par exemple… Concernant la gestion, on peut sensibiliser l’équipe hôtelière ainsi que la clientèle, engager des démarches strictes de tri des déchets, entreprendre de réduire les emballages des produits de restauration et de supprimer le plastique dans les prestations proposées, réaliser du compost et créer un jardin potager, quand cela est possible, pour la culture de certains légumes proposés en restauration, …
Les actions d’engagement sont ainsi multiples, variées et plus ou moins ambitieuses dans l’optique de réduire les impacts des hôtels sur l’environnement.
Ces différents engagements peuvent être réalisés de plein gré, à partir d’initiatives internes, ce qui semble témoigner d’une véritable sensibilisation de la part de l’équipe hôtelière vis-à-vis des enjeux environnementaux, ou bien ils peuvent être « subis » ou vus comme des normes et contraintes à respecter de façon plus ou moins coercitive…
30
II.II.2 - La loi, les normes et les règlementations
« A mon avis, la seule raison qui pousserait à faire évoluer les choses, ce serait la loi. C’était déjà le cas dans certains pays où maintenant on est obligé par exemple de supprimer les tours aéroréfrigérantes qui sont quand même très polluantes. » (Jean-Paul Philippon, extrait d’entretien)
Pour Jean-Luc Michaud, « le développement du tourisme a engendré dans de nombreux pays des perturbations telles sur les milieux écologiques, socioculturels et économiques, que la décennie écoulée a vu les initiatives internationales et intergouvernementales se multiplier pour prendre la mesure des ravages accomplis, et tenter d’y porter remède. […] Les objectifs convergent [donc] pour déterminer les conditions d’un tourisme respectueux des identités, afin d’obtenir le maintien du développement touristique lui-même. »47 Ce même auteur, ancien « inspecteur général et directeur des industries touristiques au ministère chargé du tourisme et secrétaire général du conseil national du tourisme » 48, pense que « toute action visant à limiter puis à réduire les sources de pollution générale du monde ne peut avoir de valeur d’application que si elle est envisagée à l’échelon international. »
A l’échelle mondiale par exemple, a eu lieu la mise en place des certifications HQE et ses normes ISO relatives au management environnemental ou à l’énergie, permettant à des entreprises d’adopter des démarches plus durables.
Cependant, malgré ce type de dispositions internationales, Jean-Luc Michaud observe qu’en pratique « seuls les Etats soucieux de protection de l’environnement, à l’intérieur de leurs propres frontières, s’engagent véritablement dans des actions similaires de portée internationale » 49 … Premièrement, il évoque les « pays de tradition touristique ancienne et dont le développement des infrastructures comme les relations avec les autres secteurs d’activité se sont harmonisés de longue date avec les caractères géographiques, économiques et socioculturels des régions d’accueil. » Il donne les exemples de la Suisse ou de la Suède, qui semblent intégrer le tourisme dans le milieu depuis longtemps. Ces régions sont par ailleurs très convoités par le tourisme de luxe et l’on constate aujourd’hui la présence de nombreux hôtels luxueux et fortement impliqués dans l’environnement qui se déploient dans cette région et jouent le jeu de l’intégration dans le paysage avec l’utilisation de matériaux naturels pour la construction par exemple. C’est le cas pour ces Whitepods, des chambres de luxe dispersés en pleine nature
47 Michaud, J-L. Conclusion. p. 233-234. In : Michaud, J-L. (1983). « Le tourisme face à l’environnement ». France : Puf le géographe. 234 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
48 Biographie de Jean-Luc Michaud [en ligne] URL : https://www.babelio.com/auteur/Jean-Luc-Michaud/177531
49 Michaud, J-L. Quatrième partie : « Politique du tourisme, politique de l’environnement : opposition ou intégration ? ». p. 175-233.
In : Michaud, J-L. (1983). « Le tourisme face à l’environnement ». France : Puf le géographe. 234 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
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suisse qui sont autosuffisants en énergie. Ces hébergements construits sur pilotis ont peu d’impacts sur le milieu.
Nous verrons plus loin d’autres exemples d’hôtels de luxe implantés dans ces régions qui demeurent très touristiques, mais qui restent néanmoins respectueux de leur environnement proche.
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Whitepod. Suisse
En second lieu, l’auteur évoque les « pays ayant connu un développement touristique récent et massif », comme les territoires insulaires et les espaces ayant été colonisés, où l’on a constaté un revirement de politique touristique : on serait passé d’un tourisme prestigieux de masse avec des politiques capitalistes à un retour vers la simplicité avec utilisation de produits artisanaux dans la construction et les équipements des hôtels, en prenant davantage en compte de la culture locale. Nous en verrons des exemples plus loin.
Enfin, viennent les pays ou zones reculées qui auraient intégré la protection environnementale dans le développement du tourisme, face au constat de zones par ailleurs déjà dévastées telles régions côtières touristiquement surexploitées. C’est le cas pour la Provence, et la Côte d’Azur.
Comme toute firme touristique, l’industrie hôtelière, selon son pays d’implantation, peut donc être soumise à des politiques globales (loi et normes) applicables aux échelles nationale ou mondiale et allant dans le sens des réductions de ses impacts sur l’environnement.
Notons toutefois que les applications de politiques globales n’ont pas forcément beaucoup de visibilité vis-à-vis de la clientèle, car elles concernent davantage l’architecture et les aspects techniques ou gestionnaires des hôtels.
Elles révèlent néanmoins la sensibilisation et les investissements de l’équipe hôtelière sur le sujet.
«
[…] j’ai déclenché le développement de ISO 14001 qui est une norme environnementale qui a demandé énormément d’efforts à l’équipe, mais ils étaient rompus à l’exercice : […] il y a eu un très gros travail entre les équipes techniques et les équipes de construction et dans les hôtels. […] On a fait beaucoup de pub autour de ça [mais] je ne suis pas sûr qu’à l’époque, donc vers 2005, ça nous a fait gagner des clients. […] » (Jean-Paul Philippon, extrait d’entretien)
« […] y’a beaucoup de progrès qui ont été faits, mais ce ne sont pas des progrès qui sont très visibles pour les clients… […] parce qu’ISO140001 c’est de la norme, ce n’est pas forcément du plus au client tout de suite. Ce n’est pas très vendable à court terme. Ça motive bien le personnel, surtout les plus jeunes : ils étaient contents et fiers d’avoir fait ça. Mais le client… y’en a qui savent ce que c’est, d’autres non, donc bon. » (Jean-Paul Philippon, extrait d’entretien)
Il existe par ailleurs des labels spécifiques aux hébergements touristiques (car les certifications ISO et HQE citées précédemment peuvent concerner n’importe quel secteur d’activité), qui semblent plus parlants et attrayants pour les clients des hôtels. L’affichage de certains labels peut aussi être par ailleurs une stratégie de marketing en poussant à la concurrence, mais il permet de se plier à des critères relativement stricts selon la certification pour adopter des comportements plus responsables et respectueux de l’environnement.
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II.II.3 - L’éco-labellisation des établissements hôteliers
Les éco-labels, véritables armes de séduction auxquelles la clientèle se réfère, participent donc à l’image engagée de l’hôtel qui les affiche, et entrent donc dans cette culture de l’image. Il en est de même pour les slogans qui peuvent attirer la clientèle. S’ils font partie d’une stratégie de marketing, certains labels sont très contrôlés par les organismes de certification exigeants. Les hôtels concernés font l’objet d’audits pour les obtenir, de cotisations parfois, ainsi que de contrôles réguliers pour les conserver.
Parmi les labellisations certifiées les plus connues se trouvent : 50
L’Ecolabel européen recense plus de 450 hébergements en Europe et repose sur 67 critères à propos de l’énergie, l’eau, les déchets, les produits d’entretien, et la gestion environnementale. Seulement 22 sont obligatoires. Il est attribué par AFNOR.
La Clef Verte concerne plus de 3200 établissements dans 66 pays différents. Il se base sur 60 critères concernant la gestion de l’eau, les économies d’énergie, les déchets, l’entretien écologique, l’entretien et l’aménagement des espaces verts, l’implication des employés dans la démarche, et l’information aux clients. Délivré par la Foudation for Environmental Education, il fait néanmoins l’objet de différenciations liées au pays d’implantation qui peut décider de renforcer ou d’adoucir certaines mesures, basées sur un référentiel international.
Green Globe est attribué à plus de 800 établissements répartis dans 83 pays et est reconnu par l’OMT ainsi que par le WTTC (World Travel and Tourism Council) « qui récompense les efforts des entreprises du secteur touristique dans leurs démarches environnementales. ». Ce label est à l’origine d’une cotisation, mais la mention « Certified » est obtenue une fois l’établissement contrôlé.
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50 « Le guide des labels écologiques en hôtellerie et en restauration » [en ligne] URL https://www.bowo.fr/blog/guide-des-labels-ecologiques-en-hotellerie-et-restauration-2 (aucune date de publication, consulté le 09/01/2022)
Earth Check permet aux établissements touristiques de suivre leur impact environnemental grâce à un programme en ligne et de proposer des axes d’amélioration. Il s’agit d’un outil de gestion reposant sur les critères de mise en œuvre de politique de développement durable, de consommations d’eau, de papier et d’énergie, de gestion des déchets, d’utilisation de pesticides, de l’emploi de produits d’entretien et d’hygiène, et d’engagement auprès de collectivités locales. Ce label compte plus de 1200 membres dans 65 pays.
Green Tourism concerne uniquement la Grande-Bretagne, l’Irlande et la Canada. Il se concentre sur plus de 140 critères autour de la direction et le marketing, l’engagement social, la gestion de l’eau, des déchets et de l’énergie, des transports, de la promotion de la biodiversité et des achats de produits locaux ou équitables.
Il existe de nombreux autres marqueurs, témoins des engagements que peuvent faire les hôtels vis-à-vis de la planète, je n’ai ici que cité les certifications officielles des plus connues.
Ces labels ou slogans participent à une stratégie de marketing sur le plan concurrentiel, mais ils s’avèrent néanmoins indispensables à l’ère du numérique pour s’adresser à une clientèle immergée dans les médias et la culture de l’image et de la publicité. C’est suivre la tendance du Ropo (Research Online - Purchase Offline), très prisée dans l’industrie du luxe.
II.II.4 - La mise en place d’initiatives internes
Au-delà de ce type de contraintes extérieures qu’instaurent des organismes certificateurs, les firmes hôtelières prennent elles-mêmes de plus en plus d’initiatives à propos de l’environnement.
Prenant l’enjeu du réchauffement climatique comme une des priorités à traiter, les démarches RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) dans les hôtels sont de plus en plus courantes. Dans ce cadre, des objectifs sont fixés pour réduire l’empreinte carbone de l’entreprise, et des moyens diversifiés sont élaborés pour tenter d’y parvenir, en touchant à de nombreux domaines : des dispositions concrets sont mis en place pour le tri des déchets par exemple, des partenariats avec des associations engagées et des fournisseurs locaux sont instaurés, des challenges d’obtention de certains labels sont lancés, des chartes sont signées, des évènements de sensibilisation de la clientèle sont organisés, etc.
Par exemple, l’Hôtel Dieu, un prestigieux 5 étoiles à Marseille qui détient le label La Clef Verte a signé la Charte Natur’Act, qui vise à « apporter un soutien concret à la restauration de la
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biodiversité sur des espaces fragilisés [ainsi qu’à] animer une dynamique collective sur le territoire : partager, coopérer et innover entre les professionnels afin que les pratiques écoresponsables en faveur de la biodiversité se diffusent et se généralisent. » 51 Pour certains de ses hôtels, le groupe Accor a lancé le concept de l’éco-bedding, un partenariat avec la firme Dodo, fournisseur d’oreillers et de couettes réalisées à partir de bouteilles en plastique recyclées.52 De son côté, le palace Le Montreux en Suisse du groupe Fairmont, s’est notamment engagé auprès de l’association Sapocycle qui utilise les savons usagés pour les transformer et les redistribuer aux personnes dans le besoin.
De nombreux engagements peuvent ainsi être mis en place dans l’optique d’apaiser les consommations inutiles et le gaspillage des produits notamment qui, mis bout à bous peuvent s’avérer être impactant pour l’environnement.
Pour les hôtels affiliés à une chaîne ou une marque, la dépendance à des politiques engagées au sein de groupe est marquante. Ainsi, certains hôtels peuvent être contraints, en faveur ou en défaveur de l’environnement, d’appliquer certaines démarches.
Un membre de la direction de l’Hôtel de France à Nantes, détenteur du label La Clef Verte et appartenant au groupe OceaniaHotels, m’a confié, lors de la visite, que pour certains produits de soins, ils n’ont pas le choix de leurs fournisseurs.
En fait, les hôtels membres de chaînes hôtelières restent dépendants des décisions prises par le siège du groupe : des mercuriales sont établies pour les fournisseurs, qui ne sont donc pas toujours locaux, des chartes de standing sont mis en place pour avoir une cohérence esthétique entre tous les partenaires, …
Finalement, pour les hôtels de luxe, s’investir dans de telles démarches (obtention de certifications, mise en place d’objectifs internes,…) relève du défis : celui de ne pas laisser de côté l’ultra-confort et la qualité de leurs prestations luxueuses au profit de l’environnement. Il s’agit alors de trouver un juste équilibre pour considérer les deux notions simultanément. A cette fin, les hôtels de luxe ont un panel de possibilités pour tenter d’innover en faveur de l’environnement, tout en satisfaisant sa clientèle fervente de confort et d’exceptionnel.
« La banalisation et la reproduction du déjà-vu sont les deux mamelles de l’échec dans le luxe [tandis que] l’innovation renvoie à la transgression des normes, et le luxe a besoin de se nourrir à l’écart des sentiers banalisés. » (Christian Blanckaert)
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51 Site internet de Natur’Act [en ligne] URL : http://territoiresenvie.org/la-demarche/naturact/ 52 Site du groupe Accor [en ligne] URL : https://group.accor.com/fr-FR
III – Les défis de l’hôtellerie de luxe d’aujourd’hui : alliance entre confort et respect de l’environnement : vers des initiatives innovantes
Rappelons que l’hôtellerie de luxe a pour objectif de proposer à sa clientèle un séjour de qualité grâce à un certain niveau de confort et la mise en place de services exceptionnels. Les clients doivent vivre une expérience inoubliable, en lien avec leurs valeurs.
Si la sensibilité à la nature et au respect de l’environnement est de plus en plus « tendance » chez les clients du luxe, innover en tirant parti des enjeux écologiques peut être une véritable stratégie d’attractivité pour les hôtels luxueux, mais aussi un véritable défi pour faire prospérer leur activité : peuvent-ils s’inscrire dans des démarches éco-responsables sans faire une croix sur le confort du luxe qu’ils proposent ?
III.I – L’amélioration des hôtels en place en faveur de l’environnement
III.I.1 – Mettre en place des démarches RSE poussées : la prise de conscience d’une urgence climatique
Comme nous l’avons soulevé dans la première partie, les politiques internes prenant en compte les urgences climatiques sont de plus en plus courantes dans les entreprises de taille importante, et en particulier dans les hôtels de luxe.
La groupe Oetker Collection, par exemple, qui est une société allemande de gestion hôtelière regroupant des 5 étoiles à l’international, a une solide politique RSE environnementale. Le rapport 2019 établi par l’un des hôtel membre, le Château Saint-Martin & Spa sur la Côted’Azur, détenteur du label Green Globe, dévoile de nombreuses stratégies et objectifs qu’il s’est fixés pour les années à venir. L’équipe chargée de la mission RSE joue sur la transparence des informations, fait un constat précis des consommations actuelles de l’hôtel, et mesure quelles pourraient être les directions à prendre pour réduire les impacts sur l’environnement de cette structure hôtelière.
Par exemple, concernant la gestion et la maintenance, il réalise évidemment le tri sélectif des déchets, et a entrepris de réaliser un compost pour enrichir les sols de son potager. Pour éviter le gaspillage tout en promouvant des causes durables, l’hôtel a collecté 25kg de boutons de liège au profit de l’association France Cancer.
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- Château Saint-Martin & Spa Récapitulatif de la gestion des déchets (rapport RSE 2019)
Vis-à-vis de ses consommations énergétiques, il fonctionne à l’énergie verte et finance l’électricité hydraulique à hauteur de 50% de ses consommations. Des suivis chiffrés réguliers permettent de contrôler les consommations de l’hôtel, de même que des études carbone sont faites pour identifier où des améliorations efficaces pourraient avoir lieu.
- Château Saint-Martin & Spa - Etat des lieux des consommations énergétiques et
2019)
Ce BEGES (Bilan des Emissions des Gaz à Effets de Serre) est par ailleurs réalisé en interne, ce qui témoigne de la préoccupation de cet hôtel pour les problématiques environnementales.
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BEGES (rapport RSE
Le groupe Oetker Collection, duquel le Château de Saint-Martin est membre, n’impose pas forcément de mercuriale pour ses hôtels membres. Ainsi, le Château de Saint-Martin a libre choix dans ses partenariats et fournisseurs. L’équipe hôtelière est notamment attentive à la gamme de produits qu’elle utilise. Ici, ont été recensés les parts d’achats durables qui ont été faits pour des secteurs ciblés, l’objectif étant d’avoir recours au plus possible de ce type de produits.
Pour aller plus loin et promouvoir la biodiversité locale, l’hôtel a mis en place de petites actions telles que l’installation de ruches, d’hôtels à insectes, et de nichoirs sur les abords de l’hôtel. Il réalise ainsi son propre miel, ses infusions d’herbes aromatiques provençales et son huile d’olive, produits qu’il propose dans son restaurant.
L’hôtel s’engage auprès de la LPO de Provence (Ligue de Protection des Oiseaux) et ses 14 hectares de terrains ont été labellisés en 2013 Refuge LPO…
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- Château Saint-Martin & Spa -
Avec cet exemple d’hôtel de luxe engagé, qui en 2019 avait déjà entrepris de nombreuses initiatives vis-à-vis de l’environnement, comme nous venons de le voir, nous pouvons constater la diversité des engagements possibles au sein du fonctionnement hôtelier.
III.I.2 – Restructurer l’hôtel : le recours à l’inventivité
Sans parler d’une métamorphose complète d’une structure hôtelière existante, le réaménagement des intérieurs au profit de l’amélioration énergétique peut être un moyen simple d’entamer un engagement dans la voie verte, de manière inconsciente ou non. Déjà, rien qu’un aménagement intérieur bien pensé peut s’avérer utile pour réduire les consommations énergétiques.
En effet, si l’apport de lumière naturelle profite à l’homme, comme nous l’avons vu précédemment, dans la partie sur la biophilie, il permet aussi de minimiser les consommations d’énergie dû à l’éclairage artificiel, comme l’a souligné Shirine Zirak au cours de notre échange à propos de la rénovation du Metropole Hôtel monégasque :
«
[…] on essaie de ramener le plus possible de lumière naturelle, c’est pour ça que j’ai fait une ouverture de salle de bain sur la chambre pour qu’on utilise moins d’électricité, mais aussi parce que c’est plus intéressant pour les gens qui sont à l’intérieur, au lieu d’avoir des espaces qui sont vraiment fermés. »
Si un hôtel n’a pas d’ouvertures sur l’extérieur suffisamment importantes pour apporter une source de lumière naturelle jugée satisfaisante, on peut jouer sur la transparence des espaces intérieurs.
Parmi les tendances actuelles en termes d’aménagements intérieures des suites de luxe, on peut évoquer ce principe pour les salles de bains en second-jour attenantes aux chambres. Pour préserver l’intimité des usagers, les hôtels peuvent alors s’acquitter de nouvelles technologies telles que les vitrages dits « intelligents », qui changent d’apparence selon l’impulsion électrique qu’ils reçoivent. Selon le cas, ils peuvent donc devenir translucides, laissant passer la lumière, mais non le regard.
40
- Hôtel 1Hotels Central ParkSalle de bain en second jour et utilisation du bois pour la décoration
Pour le rafraîchissement esthétique des intérieurs, qui va parfois de pair avec un choix de se conformer aux tendances du moment, le contrôle de la provenance des produits hôteliers, qu’ils soient pour la décoration ou le mobilier, constitue aussi une démarche engagée. Même certains hôtels réemploient des meubles par exemple.
Au-delà de l’aspect esthétique, et donc visible pour le client, le renouvellement de la domotique et la mise en place d’équipements performants pour réduire les consommations semble être un engagement plus conséquent et responsable sur le plus long terme.
Comme nous l’avons évoqué dans la première partie sur l’évolution des hôtels à travers les âges, les progrès sociétaux sont allés de pair avec le développement de l’hôtellerie. Les nouvelles technologies et l’aire du numérique sont donc, de nos jours, des vecteurs clés au service de la réduction des impacts environnementaux, et les hôtels de luxe peuvent ainsi s’en emparer pour perpétuer leur activité.
« Certaines techniques efficaces ont [déjà] fait leurs preuves. Si vous ouvrez par exemple la fenêtre, le système de chauffage ou de climatisation s’arrête… » 53
Nous pouvons prendre l’exemple du Fairmont Hôtel Le Montreux en Suisse qui, malgré le fait qu’il dispose d’une structure ancienne datant de plus d’un siècle, il a renouvelé son équipement technique au profit de l’environnement. Il a notamment déployé une installation de climatisation utilisant l’eau du Lac Léman sur lequel il est implanté.
Fairmont Hôtel. Le Montreux. Suisse - Proximité avec le lac Léman
« Par rapport à une installation de climatisation standard, le pompage de l'eau du lac permet d'économiser plus de 60% de la consommation annuelle d'électricité (340'000 kWh/an). L'eau froide du lac Léman est recueillie à environ 80 m de profondeur par une canalisation d'environ 310 mètres de long, et est redistribuée dans les systèmes de climatisation des chambres, pour être ensuite relâchée dans le lac.
Olivier Brüggiman, parlant d’un moyen mis en place au Palace Fairmont de Montreux, Suisse cité dans Police, M., « Lentement, les hôtels de luxe explorent la voie verte
Site du Fairmont Hôtel Le Montreux [en ligne]
41
» 54 53
» 54
-
L’hôtel suisse a également mis en place un système de blanchisserie à sec pour éviter les surconsommations d’eau, et a instauré une microcentrale énergétique qui convertit les déchets organiques issus de la restauration (huile de friture, marc de café, graisses, etc.) en biogaz pour produire une partie d’énergie renouvelable dont il se servira par la suite.
Malgré l’importante envergure de cette structure hôtelière, qui compte tout de même 236 chambres luxueuses, repenser une part du système fonctionnel déjà en place ne semble pas avoir freiné l’équipe hôtelière de se diriger vers des solutions plus durables.
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URL https://www.fairmont.fr/montreux/
- Fairmont Hôtel. Le Montreux. Suisse – Salle à manger intérieure
- Fairmont Hôtel. Le Montreux. Suisse – Façade principale de nuit
III.II – L’édification de nouveaux hôtels de luxe engagés
Le développement de l’industrie, et notamment celle des transports, a énormément contribué à l’essor du tourisme, nous l’avons soulevé dans la première partie. Le secteur de l’hôtellerie a évolué en parallèle et ne cesse, encore aujourd’hui, de continuer à se renouveler grâce aux avancées technologiques actuelles.
Des études en proie à l’innovation, pour répondre aux enjeux climatiques, demandent une certaine part de créativité et d’inventivité, des notions que prône le luxe. Dans l’ouvrage d’Alessandro Rocca, l’innovation est définie comme « une contribution au renouveau et au dynamisme […], en élargissant le champ des possibles et en démontrant l’efficacité d’une approche inventive et non conventionnelle ouverte aux nouvelles technologies, sensible à la beauté contemporaine, réaliste et dépourvue d’a priori dans la gestion des ressources. »
La crise climatique que l’on connaît actuellement stimule les chercheurs pour aller de l’avant et répondre aux enjeux sociétaux, et le luxe a cet avantage de pouvoir financer de telles recherches.
Aussi, pour les marques de luxe, investir dans des recherches scientifiques est une forme d’engagement. Le financement pour la recherche est un vecteur clé pour favoriser des projets innovants et ambitieux. Ils peuvent donc déployer les moyens pour édifier leurs structures hôtelières en restant en accord avec les enjeux climatiques, et cela grâce à des technologies élaborées.
III.II.1 – Tirer profit de l’existant : la stratégie du lieu d’implantation
Comme nous l’avons évoqué précédemment, la recherche d’un contact avec la nature est tout à fait d’actualité, et nombreuses sont les destinations « de rêve » mises en avant sur les sites de voyages pour attirer la clientèle sur des espaces naturels paradisiaques. L’enjeu principal repose alors sur le respect de l’environnement proche pour ne pas lui nuire. La question des ressources locales se pose. Peut-on tirer parti des éléments du site pour satisfaire les activités de l’hôtel et parfaire à son bon fonctionnement ?
Certains milieux peuvent tout à fait s’y prêter, d’où l’importance stratégique du choix d’implantation, comme le soulignait d’ailleurs Jean-Paul Philippon, ancien directeur d’Accor que j’ai pu interroger.
43
Par exemple, pour créer une expérience inédite et l’enchantement de ses clients, les lodges de luxe Pacuare, au Costa Rica, ont été construits sur la canopée de la forêt du Tortuguero, et l’arrivée à l’hôtel s’effectue uniquement en kayak.
Cet hébergement luxueux propose différents services en lien avec le site d’implantation tels que l’accès à des sources chaudes volcaniques privatives, et à des piscines communes alimentées directement par source naturelle et traitées au sel. L’hôtel organise également des visites guidées du site naturel alentours, ainsi que des sorties en canoë à proximité.
Ces hébergements détiennent l’éco-label le Pavillon Bleu délivré par l’ICT (Institut Costaricain du Tourisme) et qui impose des critères stricts sur la sanité des espaces baignables notamment, que ce soit à l’égard des usagers ou de l’environnement.
Le Costa Rica s’est par ailleurs beaucoup développé dans le secteur touristique et s’adresse en particulier à une clientèle aisée, très demandeuse de ce genre d’expériences en pleine nature.
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- Pacuare lodge. Costa RicaBassins de l’hôtel à l’eau de source locale
Pacuare lodge. Costa Rica Accès par la rivière et construction dans les arbres
Les îles d’une manière générale attirent les clients fortunés par leurs paysages remarquables. Les territoires déploient également de nombreux moyens pour tenter de minimiser les impacts du tourisme sur la biodiversité de leur territoire.
En Polynésie française par exemple, près de Tahiti sur l’atoll de Tetiaroa, le Brando Hôtel s’est lancé l’objectif d’afficher un bilan carbone nul. Trente-cinq villas sur pilotis et construites en matériaux locaux constituent cet hôtel 5 étoiles. Le complexe a également mis en place une station scientifique de recherche autour de la protection de la biodiversité locale.
« Notre mission est de vous inviter à vivre une expérience de voyage sensationnelle, à la fois authentique et enrichissante, comme vous n’en connaîtrez nulle part ailleurs dans le monde. Une expérience qui prend en compte équilibre environnemental et dimension culturelle. »
« Nous nous sommes engagés à préserver et à protéger la beauté naturelle de Tetiaroa et sa biodiversité inestimable. […] Notre ambition est de limiter au maximum notre empreinte carbone sur le milieu. »
« Nous soutenons la recherche, l’éducation et les actions de proximité qui enrichissent nos connaissances sur les îles tropicales et leurs peuples et nous sensibilisent à leur héritage naturel et culturel. Nous encourageons et contribuons à la mise en place d’initiatives novatrices qui participent aux avancées dans le domaine du développement durable, tant sur le plan local que mondial. »
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- Brando Hôtel. Tetiaroa. Polynésie française – le complexe hôtelier sur l’atoll
Nous sommes en quelque sorte les gardiens de Tetiaroa, impliqués dans la sauvegarde et la protection de l’atoll. Nous avons à cœur de tenir un rôle responsable envers les communautés locales et l’ensemble de nos interlocuteurs.
« Nous souhaitons devenir un modèle pour le reste du monde. Tetiaroa sera grâce à nous un site meilleur que celui qu’il fut à notre arrivée et nous continuerons à embellir la vie de ceux qui viennent nous y rendre visite.
Ces hébergements de luxe fonctionnent à l’énergie renouvelable : panneaux photovoltaïques, centrale thermale de biomasse alimentée par de l’huile de coco locale et système de climatisation à base d’eau de mer puisée sur le site. Cette technologie du SWAC (Sea Water Air Conditionning) permettrait d’économiser environ 42% d’énergie par rapport à un système de climatisation classique. La mise en place de ce projet SWAC a été impulsé par Beachcomber, le groupe opérateur touristique de Taïti, « convaincu que tourisme haut de gamme et protection de l’environnement […] ne sont pas antinomiques…
du Brando
46 «
[…] »
» 55
».56 55 Site internet
Hôtel à Tahiti [en ligne] URL : https://thebrando.com/ 56 Site internet du groupe Beachcomber [en ligne] URL : https://pacificbeachcomber.com/fr - Brando
Hôtel. Tetiaroa. Polynésie française – une des 35 villas sur pilotis
Ce principe implique d’importants dispositifs techniques tels que des pompes, des compresseurs, des échangeurs thermiques, constituant ainsi tout un circuit puisant de l’eau froide à 960 m de profondeur dans la mer, avec des tuyaux de 450mm de diamètre qui la conduisent ensuite à travers les bâtiments de l’hôtels.
D’après les informations relevées sur le site du Brando Hôtel, l’installation de la SWAC éviterait l’émission de l’équivalent de 1 980 tonnes de CO2 par an, dues aux besoins en climatisation. Par rapport à une estimation de non utilisation de cette technologie, l’hôtel aurait économisé 1 515 000$ par an en consommation électrique.
« En 2021, cette solution a reçu le Label Solar Impulse Efficient Solution, un label créé pour mettre en lumière les solutions existantes qui sont à la fois propres et rentables. Le label est attribué aux produits, services et/ou processus qui combinent des performances environnementales et économiques crédibles, tout en surpassant les options existantes sur leur marché. »
La même année, « elle a également été reconnue dans le cadre des Tech4Islands Awards [qui] est le seul concours international d’innovation PAR et POUR les îles afin de faire émerger des solutions Tech For Good innovantes, écologiques, durables et résilientes, “bonnes pour nos îles, donc bonnes pour notre planète”.
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» 57 57 Site internet du Brando Hôtel à Tahiti [en ligne] URL : https://thebrando.com/nos-valeurs/sea-water-air-conditioning-swac/?lang=fr -
Brando Hôtel. Tetiaroa. Polynésie française – local technique du SWAC
Au-delà de ses engagements techniques, le Brando Hôtel parraine également le programme mondial de la BCI (Blue Climate Initiative ) « qui rassemble des scientifiques, des communautés, des entrepreneurs, des investisseurs, des philanthropes, des influenceurs et d’autres personnes pour protéger l’océan et accélérer les stratégies afin de lutter contre la crise climatique et d’autres problèmes environnementaux urgents… »
Ainsi, conscients de la vulnérabilité des milieux naturels dans lesquels ils s’implantent, certains hôtels de luxe s’emparent des problématiques environnementales au profit de leur activité hôtelière.
Comme le démontrent ces deux exemples d’hébergements luxueux et respectueux de l’environnement, l’innovation, en corrélation avec des valeurs durables et en faveur d’une expérience de voyage inédite, reste un attrait considérable pour la clientèle de luxe.
III.II.2 – Partir de rien : l’opportunité d’édifier durablement
Face au constat toujours plus menaçant du réchauffement climatique, l’IceHotel 365 a été inauguré en 2016.
Il s’agit d’un « relai climatique » du Winter IceHotel, un hôtel suédois entièrement conçu de glace et dont le concept a été créé en 1989. Ce dernier est l’incarnation même du cycle des saisons puisqu’il doit être reconstruit chaque année, après s’est liquéfié durant les périodes les plus chaudes. Pouvoir faire perdurer cette expérience unique est un véritable challenge pour les années à venir, car il reste imminemment concerné par les enjeux environnementaux actuels puisqu’extrêmement sensible aux variations thermiques.
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- Winter IceHotel. Jukkasjärvi. Suède
–
Les chambres de l’Ice Hotel ne disposent évidemment pas de réseaux électriques, ni de portes et ni de rangements. Le mobilier, y compris les lits sont conçus en glace. Les sanitaires et salles de bains se situent dans un autre édifice chauffé et indépendant. Pour cet hôtel, il s’agit avant tout de l’expérience exceptionnelle qui est recherchée, plutôt que le confort du « plus que chez soi ».
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- Winter IceHotel. Jukkasjärvi. Suède –édifice en construction et Winter Ice Bar
- Winter IceHotel. Jukkasjärvi. Suède –Ice Rooms et escaliers
Les prestations du Winter IceHotel, c’est-à-dire dormir dans les Ice Rooms à une température de -5 à -7°C sont actuellement toujours proposées, mais avec la hausse croissante des moyennes de températures, l’équipe hôtelière a dû se repositionner et s’est alors lancée dans la construction d’un second hôtel qui pourra être ouvert toute l’année. Le nouvel édifice est donc construit en matériaux durables et fait appel aux énergies renouvelables tels que le photovoltaïque pour assurer ses consommations.
- IceHotel 365. Jukkasjärvi. Suède –
Si l’on note un réel engouement de la part des hôtels de luxe pour déployer leurs moyens dans des conceptions innovantes et prenant en compte les problématiques du réchauffement climatique, « la réflexion sur la construction écologique et la sobriété énergétique ne peut pas s’arrêter une fois la construction achevée, [et] continuer de se focaliser uniquement sur la consommation énergétique serait [aussi] une erreur. Il faut voir les choses d’une façon plus globale et adopter une approche holistique, c’est-à-dire globale et pluridisciplinaire. […] Le fonctionnement intrinsèque des hébergements a dix fois plus d’impacts écologiques que sa phase de construction [car] notre mode de vie dans ses moindres recoins a un impact sur notre planète » 58. L’architecte Dominique Gauzin-Müller59 souligne donc ici l’importance de la sensibilisation des usagers et de leurs comportements.
Selon elle, ce qui permettrait donc l’efficacité de la réduction des impacts sur l’environnement, ce serait la pluridisciplinarité des engagements.
Ainsi, pour les hôtels de luxe, la réduction optimale de leurs impacts sur l’environnement serait la variété et la diversité de leurs actions : qu’elles relèvent de la conception de leurs locaux, du fonctionnement et de la gestion de leurs structures ou de la sensibilisation de leurs équipe et clientèle…
Ecologik
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58 Bertucci, A-E., Ogier, M. (2011). « Architecture Actuelle : Vers la maison sans chauffage. 20 maisons BBC ou passives ». France : Ed. OUEST-FRANCE. 143 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes] 59 Dominique Gauzin-Müller, architecte spécialiste des constructions durables et rédactrice en chef de la revue
, citée dans l’ouvrage de Michel Ogier et Anne-Elisabeth Bertucci
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Conclusion et ouverture : les engagements dans l’hôtellerie de luxe aujourd’hui, l’hôtellerie de luxe de demain
Aujourd’hui encore, le luxe peut avoir une connotation péjorative dont il peine à se détacher, du fait du préjugé qui lui colle à la peau de son caractère hédoniste, de son rapport à la richesse, au faste, au superflu et à la consommation irraisonnée des ressources dont il dispose.
Pourtant, nous avons constaté à travers ce mémoire qu’il existe un luxe éthique qui peut notamment se préoccuper de la thématique environnementale car il demeure en perpétuelle évolution, en suivant les changements de notre société.
En effet, selon Jean Castarède, il aurait existé un luxe d’autrefois qui se distingue du luxe actuel. Avant, il aurait été lié à un comportement en rapport au pouvoir et la volonté de paraître et de dominer, tandis que de nos jours, il serait lié à l’acquisition d’un rêve, d’un idéal. D’après lui, « la véritable attente du luxe va peut-être changer. Il s’agira sans doute d’un retour aux sources. Les comportements seront détachés d’actes d’achat et s’appuieront sur des attitudes intérieures, des volontés de trouver des nouveaux modes de vie fondés sur l’échange, la beauté, la culture, l’épanouissement de notre identité confrontée à celle d’autrui. […] Le luxe sur soi va sans doute perdre son importance au profit du luxe pour soi » 60
Avec la prise de conscience des enjeux climatiques actuels, notre société suit son évolution et se développe progressivement dans le sens du respect de l’environnement. Avec des consommateurs de plus en plus concernés par ces problématiques, le luxe serait amené à suivre des tendances demandeuses d’une société plus responsable. Du faste, il tendrait alors au minimalisme et à l’innovation, ainsi qu’au déploiement des moyens pour solutionner les problèmes du dérèglement planétaire.
Si le luxe suit des tendances d’aller dans le sens du respect de l’environnement, le luxe peut aussi être l’initiateur et le catalyseur de tendances nouvelles, grâce à l’investissement financier notamment, une chose que les autres secteurs ne peuvent pas forcément se permettre.
Pouvoir trouver des solutions face au dérèglement climatique est un défi actuel de taille que se lancent de nombreux chercheurs. Répondre efficacement à ces problématiques est un challenge qui permettrait aux plus innovants d’être les pionniers en matière de durabilité.
En prenant part financièrement à cette course écologique vers l’innovation, de nombreuses chaînes hôtelières montrent ainsi leur engagement en tant qu’investisseurs. On peut citer par exemple l’Hôtel Dieu, de la chaîne de luxe Intercontinental à Marseille, qui soutient la fondation d’utilité publique TaraOcean qui mène des recherches approfondies sur la protection des mers.
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60 Castarède, J. (2014). Conclusion. p. 307-315. In : « Le grand livre du luxe : Une histoire mondiale du luxe, Des origines à nos jours, Civilisation par civilisation ». Paris : Eyrolles. 329 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
Afin de réduire davantage leurs impacts carbone, mais aussi pour continuer d’assurer la prospérité de leur activité hôtelière, leurs hôtels se doivent de couvrir plusieurs aspects dans leurs engagements : tant la forme que le fond.
Ces deux notions sont complémentaires, car dès lors qu’ils mènent une action pour la planète, qu’elle soit naturellement visible, par le biais de l’architecture par exemple, ou non, comme le financement de startups engagées ou la mise en place de circuits courts pour la logistique, les hôtels affichent alors son engagement par « la forme ».
Si certains décors biophiliques, labels ou slogans (qui font partie de « la forme ») participent à une stratégie de marketing sur le plan concurrentiel, ils s’avèrent cependant indispensables à l’ère du numérique pour s’adresser à une clientèle immergée dans les médias et la culture de l’image et de la publicité. C’est suivre la tendance du Ropo (Research OnlinePurchase Offline), très prisée dans l’industrie du luxe. Rappelons d’ailleurs que l’image et le paraître sont primordiaux pour le luxe, souvent basé sur l’esthétique et la notion du « beau ». Néanmoins, au-delà de cet aspect qui peut paraître superficiel, ou associé à tort ou à juste raison à la notion de green-washing, certains de ces « marqueurs » (la forme) sont au service de réels engagements « abstraits » ou non palpables (le fond). Pour la plupart des écolabels par exemple, ils sont les témoins du respect de critères plus ou moins stricts et faisant l’objet de nombreux contrôles réguliers par les organismes certificateurs. Sans ces « étiquettes », les démarches en faveur de l’environnement, entreprises par les structures hôtelières, seraient invisibles aux yeux des clients de plus en plus demandeurs de ce type d’actions…
C’est ainsi que l’on trouve une diversité croissante d’hôtels de luxe « affichés en vert », dont les engagements vis-à-vis de l’environnement sont d’envergure et d’efficacité variables.
D’un côté, nous avons le premier type d’engagements « abstraits » ou « non palpables » pour la clientèle : le financement d’actions en faveur du climat tels que des dons à des associations, des aides pour les startups de recherche, d’innovation et de développement sur le plan environnemental, etc.
Parmi les autres engagements non visible vis-à-vis de la clientèle, on peut citer tout ce qui concerne le déploiement de démarches engagées au sein des secteurs de logistique, de gestion, de maintenance et d’entretien : transports de l’hôtel peu consommateurs, partenariats avec des fournisseurs locaux en faveur du circuit court, mise en place de démarches RSE, tri des déchets et compost, produits d’entretiens biodégradables, équipements performants, … on pourrait en citer encore bien d’autres.
Et de l’autre côté, nous avons des engagements davantage « concrets » et matériels, davantage visibles ou détectables par les clients.
Dans la dernière partie de ce mémoire, nous avons pris l’exemple d’hôtels, comme le Iceland Hôtel en Suède, qui, dès la création de leur établissement, prennent en compte les enjeux climatiques pour concevoir leurs locaux et en tirant partie des ressources locales. Ils ont pu également avoir recours aux énergies renouvelables pour assurer leurs besoins en électricité, en chauffage ou en climatisation et ainsi proposer un confort idéal et recherché par leur clientèle exigeante. De nombreux moyens efficaces pour minimiser les impacts sur l’environnement peuvent être ainsi déployés : conception bioclimatique des nouveaux hôtels,
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installations géothermiques pour les équipements de chauffage, micro éoliennes et panneaux photovoltaïques pour la production d’électricité, etc.
Qu’elles relèvent de la conception, du fonctionnement ou de la sensibilisation, la majorité des actions menées par les hôtels de luxe tendent à s’universaliser sous les effets de la mondialisation, car elles découlent principalement du suivi de normes, de lois et règlementations, ainsi que d’applications de critères issus de certifications et labellisations internationales ou gouvernementales. D’un hôtel à l’autre, on remarque alors de grandes similitudes entre les démarches engagées qui prennent en compte par exemple la gestion et le tri des déchets, le recours à des producteurs et fournisseurs locaux, l’attention portée pour les produits proposés, la réduction des consommations d’eau ou d’énergie grâce à des équipements moins consommateurs et grâce à des outils ou sociétés de contrôle, etc.
Toutefois, si d’une part on observe donc la mise en place de ce type de démarches très généralistes parmi de nombreux hôtels à l’international, on distingue d’autre part des initiatives internes, souvent issues de politiques RSE, ou émanant d’idées singulières, innovantes et adaptées au lieu d’implantation de l’hôtel considéré.
Dans ces cas, il peut alors s’agir d’engagements plus poussés qui participent ainsi à la renommée des hôtels. Ils correspondent souvent aux ambitions fixées par la chaîne hôtelière en question : celles de se démarquer et d’apparaître sur le devant de la scène des actifs pour la lutte contre le réchauffement climatique.
D’après Christian Blanckaert « la banalisation et la reproduction du déjà-vu sont les deux mamelles de l’échec dans le luxe [tandis que] l’innovation renvoie à la transgression des normes, et le luxe a besoin de se nourrir à l’écart des sentiers banalisés. »
Les hôtels de luxe se lancent donc, eux aussi, les défis de recourir à des solutions novatrices plus durables, à la fois pour assurer leur position vis-à-vis de leurs concurrents toujours plus nombreux, mais aussi et surtout pour satisfaire la demande de leur clientèle de plus en plus soucieuse des enjeux environnementaux tout en leur proposant une expérience unique des plus exceptionnelles …
« […] les industries du luxe vont connaître une croissance soutenue dans les années à venir, en s’adaptant aux attentes des consommateurs et à l’évolution compétitive et continuer à répondre à certains de nos désirs d’excellence, d’évasion et d’absolu. » (Chevalier, M., Mazzalovo, G.)
Ainsi, malgré l’apparente incompatibilité du luxe avec l’écologie, on constate qu’une diversité d’actions sincères en faveur de l’environnement peuvent et vont être menées au sein des hôtels, et même des plus luxueux.
Ces multiples engagements ne seront plus que présents dans les années à venir.
Ils sont motivés à la fois par l’obligation de se plier à des normes et des lois établies aux échelles nationales ou mondiales en faveur du climat ; mais aussi par la sensibilité face aux enjeux environnementaux de certaines équipes hôtelières qui prennent sincèrement le parti de s’investir dans l’écologie ; et enfin également par stratégie commerciale. Pour cette dernière motivation, considérer la demande croissante d’engager des politiques plus responsables permet ainsi de satisfaire une clientèle de plus en plus conscience des problématiques
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actuelles, ce qui est le cas pour les futures générations consommatrices du luxe, nous l’avons évoqué. Cela permet donc pour les hôtels d’assurer leur position face à la concurrence, puisque déjà de nombreux hébergements de très haut luxe se lancent en quête de solutions innovantes répondant aux problématiques du désordre climatique.
Cette évolution de l’hôtellerie de luxe, de plus en plus courante, s’accompagne de mises en place de démarches concrètes et d’un renouvellement de politiques internes dans l’optique de faire prospérer l’activité des hôtels de luxe en parallèle des changements de la société.
Néanmoins, si les engagements hôteliers dans des démarches plus responsables permettent de réduire les consommations in situ, c’est-à-dire au sein même des hôtels de luxe, comment évoluera le secteur du tourisme de luxe dans sa globalité ? Comment évaluer les efforts de l’hôtellerie de luxe face aux impacts du secteur touristique dans son ensemble ?
Le défi est de taille pour tenter de réduire les impacts du secteur touristique de luxe, car il concerne plus d’un acteur : les hébergements luxueux d’une part, mais aussi et surtout les transports d’autre part.
Aujourd’hui, les démarches engagées des hôtels de luxe visant à minimiser leurs impacts sur l’environnement peuvent être perçus comme des « solutions compensatoires » qui participeraient à la bonne conscience de leur clientèle, usagère des moyens de transports les plus émissifs tels que les paquebots de croisière, les avions, ou encore les jets privés, pour des longues ou petites distances, car le secteur des transports ne reste pas moins le plus consommateur.
A l’avenir, les efforts qu’il reste à fournir vis-à-vis de l’environnement restent conséquents pour le secteur touristique et doivent être une affaire globale et commune, si nous voulons continuer de voyager dans le luxe, ou simplement de pouvoir s’offrir le luxe de voyager…
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« N’ayant plus foi en un avenir qui serait mécaniquement meilleur et plus juste, il reste, pour les individus, l’espoir d’un mieux-être, la fête des sens, l’attente des beautés qui nous sortent de la grisaille du quotidien. Le luxe n’est plus la part maudite, mais la part de rêve, de l’excellence et du superlatif dont l’homme a besoin. »
(Gilles Lipovetsky, sociologue, cité par Jean Castarède)
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Méthodologies et modes d’enquête ayant servi à réaliser ce mémoire
La plus grande partie de mon mémoire se base sur des données et informations récoltées lors de recherches documentaires issues de lectures d’ouvrages et d’articles, de consultation de sites internet, de vidéos et documentaires, d’écoute de podcasts et d’émissions radio.
En supplément, j’ai appuyé mes propos de témoignages, recueillis d’entretiens que j’ai réalisés auprès de personnes concernées par l’hôtellerie de luxe : des professionnels et personnes travaillant dans ce secteur, mais aussi des concepteurs d’hôtels de luxe.
Enfin, j’ai eu la chance également de mener des « enquêtes de terrain ». J’ai pu visiter à Nantes l’Hôtel de France 4 étoiles de la chaîne hôtelière Oceania Hotels qui détient le label Clef Verte, « 1er label de tourisme durable pour les hébergements touristiques, [et qui] poursuit son engagement dans une démarche respectueuse de la nature, de l'environnement et des personnes à travers une maîtrise de ses consommations en eau et en énergie, tout en préservant le confort et la qualité des services. » 61
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire.
En premier lieu, un grand merci à Virginie Meunier et Christian Marenne pour leur suivi et les conseils qu’ils m’ont donnés pour m’accompagner tout au long des phases de recherche et de rédaction.
Merci aussi à Jean-Paul Philippon et Shirine Zirak pour m’avoir accordé leur temps lors d’entretiens durant lesquels ils ont pu me partager leurs expériences.
Merci également aux membres de l’équipe nantaise de l’Oceania Hôtel de France pour m’avoir permis de visiter leurs locaux et répondre à mes questionnements.
Et enfin, merci à AIA pour l’impression de ce mémoire.
(Lélia Bauchet, 05.06.2022)
Site internet de l’Oceania Hôtel de France à Nantes [en ligne]
consulté le 14/01/2022)
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(https://www.oceaniahotels.com/fr/hotel/oceania-hotel-de-france-nantes/chambres
I. Ouvrages :
Blanckaert, C. (2010). « Les 100 mots du luxe ». Coll. Que sais-je ?. Mayenne : JOUVE. 126 pages. [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
Castarède, J. (2014). « Le grand livre du luxe : Une histoire mondiale du luxe, Des origines à nos jours, Civilisation par civilisation ». Paris : Eyrolles. 329 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
Bertucci, A-E., Ogier, M. (2011). « Architecture Actuelle : Vers la maison sans chauffage. 20 maisons BBC ou passives ». France : Ed. OUEST-FRANCE. 143 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
Michaud, J-L. (1983). « Le tourisme face à l’environnement ». France : Puf le géographe. 234 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
Chevalier, M., Mazzalovo, G. (2008). « Management et Marketing du Luxe ». France : Dunod. 372 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
Goubert, J-P. (1988). « Du luxe au confort ». France : BELIN. 191 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
Perrot, P. (1995) « Le luxe : Une richesse entre faste et confort XVIIIe-XIXe siècle ». France : Editions du Seuil. 250 pages [Médiathèque Jacques Demy, Nantes]
Ascher, F., Hauvuy, J-C., Cohen, J-L. (1987). « Luxe, habitat, confort, les références hôtelières. » Paris, ARDU Institut français d’urbanisme Laboratoire Théorie des mutations urbaines en pays développés. 393 pages.
Rocca, A. (2010). « Architecture Low Tech : Inventions et stratégies ». France : Actes Sud. 200 pages [Bibliothèque ENSA, Nantes]
II. Mémoire :
Dabireau, L.; Halgand, M-P. référente de séminaire. (2020) « L’inévitable évolution de l’hôtellerie du luxe parisien et monégasque ». Mémoire de master. Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes. 84 pages.
III. Articles :
Laurent, S., « Les chiffres clés du marché du luxe en 2021-2022 », © Alioze, [en ligne] https://www.alioze.com/chiffres-luxe (publié le 11/09/2020, consulté le 04/11/2021)
M.G., « La Consommation d’eau dans les hôtels et restaurants », © Chasseurs de Fonds, [en ligne] https://chasseurdefonds.com/la-consommation-deau-dans-les-hotels-et-restaurants/ (publié le 16/11/2021, consulté le 09/01/2022)
59 Bibliographie
M.G., « Hôteliers et restaurateurs faites le point sur votre consommation d’eau », Chasseurs de Fonds, [en ligne] https://chasseurdefonds.com/hoteliers-et-restaurateurs-faites-le-point-sur-votreconsommation-d-eau/ (publié le 03/12/2018, consulté le 09/01/2022)
M.G., « Réduire la consommation d’énergie dans un hôtel. », © Chasseurs de Fonds, [en ligne] https://chasseurdefonds.com/reduire-la-consommation-denergie/ (publié le 04/01/2022, consulté le 09/01/2022)
Zero, L., « Hôtellerie : Découvrez les chiffres clés de leur consommation d’énergie », © Advizeo by Setec, [en ligne] https://www.advizeo.io/blog/tendances-marche/hotellerie-chiffres-clesconsommation-energie/ (publié le 11/03/2020, consulté le 09/01/2022)
« La performance énergétique de votre hôtel peut-elle devenir un critère de compétitivité ? », © Advizeo, [en ligne] https://www.advizeo.io/blog/tendances-marche/performance-energitque-hotels/ (publié le 11/03/2020, consulté le 09/01/2022)
« Portrait du consommateur de produits de luxe. », © Cegid [en ligne] https://www.cegid.com/fr/blog/qui-sont-les-consommateurs-du-secteur-de-luxe/ (publié le 24/07/2019, consulté le 09/01/2022)
« Luxe, The New Way : Innovations & leviers de croissance. », © Cegid [en ligne] https://go.cegid.com/rs/818-MJH876/images/HD_EBook_Retail_LuxuryTheNewWay_FR_297x210_0321.pdf?mkt_tok=ODE4LU1KSC04Nz YAAAGB3ZQpb6CawW2nhYHbZytghxWY3nF6Ee1DedDYeFFcEMHJhnhPNFWKxczkYVUthdrP8akyzmm1V 4oHjhDnet9Hk8tGKZgq6d1H9znr3yVHcDWs9XU (publié le 24/07/2019, consulté le 09/01/2022)
Police, M., « Lentement, les hôtels de luxe explorent la voie verte. » [en ligne] https://www.letemps.ch/societe/lentement-hotels-luxe-explorent-voie-verte (publié le 03/09/2019, consulté le 09/01/2022)
« Hôtellerie de luxe et écologie : est-ce vraiment compatible ? », © Bowo, [en ligne] https://www.bowo.fr/blog/hotellerie-de-luxe-et-ecologie-est-ce-vraiment-compatible (aucune date de publication, consulté le 09/01/2022)
« Le guide des tendances 2021 en hôtellerie. », © Bowo, [guide téléchargeable depuis l’URL] https://www.bowo.fr/blog/hotellerie-de-luxe-et-ecologie-est-ce-vraiment-compatible (paru en 05/2021, consulté le 09/01/2022)
« Le guide des labels écologiques en hôtellerie et en restauration » [en ligne] URL https://www.bowo.fr/blog/guide-des-labels-ecologiques-en-hotellerie-et-restauration-2 (aucune date de publication, consulté le 09/01/2022)
Paul, B., et Séraphin, H., « Le développement de l’hôtellerie de luxe dans le tourisme en Haïti », Études caribéennes [En ligne], https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/7397 (publié le 30/04/2015, consulté le 10/01/2022)
Palierse, C., « Covid-19 : Les hôtels de luxe sonnent désespérément creux », Les Echos [En ligne], URL : Covid-19 : les hôtels de luxe sonnent désespérément creux | Les Echos (publié le 26/11/2020, consulté le 10/01/2022)
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« Histoire de l’hôtellerie », Costumer Alliance [en ligne]
URL : https://www.customer-alliance.com/fr/resources/article/histoire_de-l-hotellerie/ (consulté le 28/04/2022)
Pageau, F., « Historique des facteurs économiques favorables à l’industrie hôtelière » [en ligne] URL : https://www.ithq.qc.ca/expertise-et-recherche/actualites/article/historique-desfacteurs-economiques-favorables-a-lindustrie-hoteliere/ (publié le 12/05/2013, consulté le 28/04/2022)
Guillou, C., « Luxe rime-t-il avec respect de l’environnement ? » [en ligne], URL : https://www.monaco-tribune.com/2020/08/luxe-rime-t-il-avec-respect-delenvironnement/ (publié le 27/08/2020, consulté le 04/05/2022)
« La conception biophilique dans l’architecture, principes et caractéristiques » [en ligne], URL https://architectureecologique.fr/la-conception-biophilique-dans-larchitecture-principes-etcaracteristiques/ (publié le 22/10/2021, consulté le 14/05/2022)
MOF Team, « The Luxury Report : the state of the Industry in 2020 and Beyond » [en ligne] URL : https://www.matterofform.com/news/articles/the-luxury-report (publié en 09/2019)
IV. Sites internet :
« Histoire de l’hôtellerie » [en ligne]
URL : https://le-damier.fr/histoire-de-lhotellerie/ (publié le 06/06/2019, consulté le 28/04/2022)
Site internet d’INAURIS (organisation française accréditée de classement)
« Classification hôtelière de 1 à 5 étoiles » [en ligne] (https://www.hotel-classement.fr/hotel/, consulté le 10/01/2022)
Site de l’OMT [en ligne]
URL https://www.unwto.org/fr/le-tourisme-dans-le-programme-2030 (consulté le 04/11/2021)
« 1% de la population mondiale possède près de la moitié de la fortune mondiale », © Observatoire des inégalités [En ligne], (https://www.inegalites.fr/La-repartition-du-patrimoine-dans-le-monde?id_theme=26, publié le 18/09/2020, consulté le 11/01/2022)
Site de la Sustainable Hospitality Alliance [en ligne]
URL : https://sustainablehospitalityalliance.org/about-us/what-we-do/
Site officiels des hôtels et organismes cités
V. Vidéos consultées :
Ecolodges : les paradis terrestres de luxe, EmissionWATCHA [consultée le 10/10/2021] https://www.youtube.com/watch?v=kuEdBA1f8G4&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&in dex=3
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Le futur tend vers L'écotourisme. | FIFAME SOKPON | TEDxGanhito [consultée le 13/10/2021]
https://www.youtube.com/watch?v=UtMG1Sq1uBU&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&i ndex=4
Aujourd’hui, le luxe est dans le vert, RTS – Radio Télévision suisse.
https://www.youtube.com/watch?v=DJkazBcdRFs&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&ind ex=4
Luxe écolo - Najet à Paris - Les Haut-Parleurs [consultée le 18/10/2021]
https://www.youtube.com/watch?v=LKoq2OoruoM&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&i ndex=13
Atout France - L’écotourisme et le slowtoursime, des marchés en pleine expansion [consultée le 18/10/2021]
https://www.youtube.com/watch?v=zR7sOeWh4CY&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&i ndex=8
Rwanda, un pays vert qui mise sur un écotourisme de luxe, TV5MONDE info [consultée le 20/10/2021] https://www.youtube.com/watch?v=YqaaQop6FFo&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&in dex=8
Tourisme durable, Allemagne-Suisse -Tournée médiatique 2021, Atout France [consultée le 23/10/2021] https://www.youtube.com/watch?v=7xuT4hDvknU&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&in dex=11
Dans le monde du luxe – Le Tour du Monde des hôtels de Luxe | Ma Chaîne documentaire [publiée le 12/10/2011, consultée le 13/11/2021] https://www.youtube.com/watch?v=7xuT4hDvknU&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&in dex=11
Dans le monde du luxe – Les Spas| Ma Chaîne documentaire [publiée le 03/11/2011, consultée le 15/11/2021] https://www.youtube.com/watch?v=YO0_U6muANk&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&i ndex=27
Le climat et moi : réduire notre empreinte carbone | ARTE [publiée le 30/10/2021, consultée le 01/11/2021]
https://www.youtube.com/watch?v=YO0_U6muANk&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&i ndex=27
Le tourisme durable, ce n’est pas de l’écotourisme ! | Alternatiba Léman [publiée le 07/09/2021, consultée le 17/11/2021]
https://www.youtube.com/watch?v=uAjHklGXWKk&t=1724s
Reportage : EQUIP HOTEL : et l’écologie alors ? | Red Fanny [publiée le 28/11/2018, consultée le 02/12/2021]
https://www.youtube.com/watch?v=7zOLPd1venM&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&in dex=28
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Découverte d’un hôtel écologique de luxe, le Whitepod Hotel | Canal9 [publiée le 24/07/2019, consultée le 27/11/2021] https://www.youtube.com/watch?v=eFCapdsg6L4&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&ind ex=29
Hôtels écologiques parisiens dans l’émission Passage au Vert d’Ushuaia TV | Acteurs Paris durable [publiée le 20/04/2012, consultée le 29/11/2021] https://www.youtube.com/watch?v=1b1BSfLuiE&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&index=30
TEDx Talks | M. Blot., Le luxe expérientiel, créer l’enchantement à travers le service [publiée le 06/12/2020, consultée le 29/11/2021] https://www.youtube.com/watch?v=zDlAehrh8Gs&list=PLSxnL17uMiSgAR__Fo2dFQqEs0XSSOFM1&ind ex=30
VI. Podcasts écoutés :
Voyageons autrement, « Rencontre avec Hélène qui nous parle de ses écolodges : la belle Verte », Ecotourime, [publié le 20/07/2020, écouté le 16/10/2021] https:/dcasts.apple.com/fr/podcast/%C3%A9cotourisme/id1524496955
Lombard, D., « #8 Agissons avec Julien Buot, directeur chez ATR : Vers une démarche de progrès », Globe-Conscients, [publié le 11/05/2021, écouté le 02/11/2021] https://podcasts.apple.com/fr/podcast/globe-conscients/id1556944803?i=1000521254690
Lombard, D., « #11 Explorons avec Laetitia Santos, Créatrice du média Babel Voyages et du No Mad Festival », Globe-Conscients, [publié le 15/06/2021, écouté le 27/10/2021] https://podcasts.apple.com/fr/podcast/globe-conscients/id1556944803?i=1000525539036
Lombard, D., « #12 Célébrons les Respirations durables avec Béatrice Bellini », Globe-Conscients, [publié le 29/06/2021, écouté le 16/10/2021] https://podcasts.apple.com/fr/podcast/globe-conscients/id1556944803?i=1000527205464
VII. Photos et illustrations :
Les images reprises dans ce mémoire sont issues des sites officiels des hôtels cités ou de ceux des organismes certificateurs pour les labels.
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d’entretiens
– Jean-Paul Philippon (ancien responsable du groupe Accor Hôtels)
Moi : Pour commencer, pouvez-vous me dire quel a été votre rôle dans le secteur hôtelier de luxe ?
P : Alors moi j’ai fait une carrière dans un groupe qui s’appelle Accor et qui me faisait changer de marques régulièrement donc j’ai pas fait toute ma carrière dans le luxe. J’ai d’abord commencé dans le milieu de gamme, chez Mercure, ensuite chez Sofitel, ensuite dans une organisation multi-marques. Donc en multi-marque j’avais des responsabilités sur des marques haut et milieu de gamme, et puis ensuite j’ai été directeur général de la chaîne Ibis, donc du 2 étoiles, ensuite directeur général dans différentes marques dans différents pays du Sud, et enfin terminé ma carrière comme directeur général de Novotel en Europe. Donc pas de luxe toute la vie. J’ai fait toutes les marques en gros, de 5 à 1 étoile.
Moi : en quoi consiste ce poste de directeur général ?
P : alors ce va dépendre. Ce dépend beaucoup des groupes et comment ils sont organisés. Sur le dernier job que j’avais responsabilité opérationnelle, mais aussi financière, et de développement. Par contre, selon la marque que vous avez, plus ou moins centralisée, y’a plus de responsabilités dans un domaine, et moi dans l’autre, donc tout dépend de l’organisation du groupe dans lequel vous travaillez, et de la marque dans laquelle vous êtes : une marque économique est beaucoup plus centralisée qu’une marque de luxe. Parce qu’il faut faire des économies d’échelles, donc il faut faire moins d’initiatives dans un certain nombre de domaines par ex si vous parlez d’archi, bah, les chambres c’est pas un directeur général qui va décider de comment sont faites les chambres, y’a des équations économiques à respecter, des modèles économiques à respecter, et dans ce cadre-là il peut faire des propositions et des recherches et le faire ensuite valider.
Moi : pendant combien d’années vous avez exercé dans le secteur hôtelier ?
P : toute ma vie, j’ai commencé j’avais 20 ans, et j’ai fini à 65 ans par là. Donc j’ai gravi différents échelons, différentes marques, différents pays car au fur et à mesure que j’ai avancé j’ai fait une carrière plus internationale. Donc notamment dans le luxe j’ai pu développer le premier Sofitel, le 1er à Moscou, à Bucarest. Donc au fur et à mesure vous étendez votre compétence en allant à l’étranger, c’est surtout ça qui est important dans une formation de ne pas être franco-français, mais plutôt le plus international possible non pas parce qu’il faut absolument qu’on y vive, mais plutôt d’être confronté à différentes cultures et différentes manières de fonctionner. Les clients sont pas forcément les mêmes,… donc il faut pouvoir s’adapter au marché en Chine que vous faites en Europe.
Moi : vous parliez de développement de l’hôtel. Qui décide et comment sont fondées les politiques d’innovation dans les hôtels de luxe ?
P : quelle que soit la marque, un directeur général fait un plan de développement donc il observe son périmètre , décide avec son comité de direction quels sont les endroits sur lesquels on devrait et pourrait être, en pariant sur la qualité du marché,… puis on le chiffre et on le présente au conseil d’administration qui le valide ou pas, on commence à mettre en œuvre les recherches de terrain ou d’hôtels à racheter , on les passe en comité d’investissement donc il faut démontrer la qualité u projet donc sa capacité à attirer du client et à sortir du résultat. Si par ex vous avez un très beau projet qui attirerait beaucoup de clients et dont le cout est suffisamment élevé pour que le résultat soit pas bon, le projet ne
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23.02.2022
sera pas validé donc y’a toujours des critères économiques qui comptent. Après vous avez des paris avec des réussites et des échecs. Or les échecs, si vous avez que 5-6 hôtels on peut pas se permettre des échecs. On peut commencer des échecs quand on est plus important. Moi : quels facteurs font évoluer l’hôtellerie de luxe ?
P : y’en a beaucoup. D’une manière générale, je pense que c’est un marché qui fonctionne bien, moi je l’ai connu à des époques où il marchait moins bien, et puis j’ai observé des périodes où y’a eu des erreurs. Je sais pas si vous connaissez l’histoire de l’hôtellerie en France, par ex mais y’a un dénommé Jacques Borel qui faisait de la restauration et qui a décidé de faire des hôtels de luxe. Il a racheté Sofitel à Paribas et il en a fait sur le bord des autoroutes. C’est un non-sens. C’est-à-dire que y’en avait qui marchaient pas, et même qui ont fermé et rasé depuis. Transformés d’abord en Mercure, en pensant que le marché serait meilleur. Ça a pas plus marché, d’ailleurs on les détruit, donc y’a déjà l’emplacement. Je sais pas si vous connaissez la fameuse doctrine du directeur d’Hilton qui disait « pour réussir un hôtel de luxe, y’a trois raisons : location, location, et location ». C’est pas idiot, c’est-à-dire qu’à partir du moment où vous avez un bon emplacement vous pouvez effectivement développer des hôtels quelque soit leur niveau, avec suffisamment d’intelligence pour se dire qu’un hôtel de luxe peut mieux marcher si sa place est à tel endroit, plutôt qu’un hôtel Ibis par ex. Mais par contre, vous avez aussi des hôtels Ibis qui peuvent se mettre en centre-ville et qui peuvent plus rapporter qu’un hôtel de luxe, suffit qui soit mal managé, qui soit mal entretenu l’hôtel de luxe, bah l’hôtel 2 étoiles ou 3 étoiles va se débrouiller mieux, avec un taux d’occupation qui va avoisiner les 100%, alors qu’un hôtel de luxe peut n’avoir que les 50-60%. Aujourd’hui, la branche du luxe, mais le très haut luxe, car dans le luxe y’a différentes branches, et le très haut de gamme marche bien c’est-à-dire qu’il y a une grosse clientèle internationale très haut de gamme qui marche bien, bien évidemment dans les grandes capitales, donc en Europe, Londres, Berlin, Paris, et puis dans des endroits qui sont attractifs pour le tourisme et les loisirs, dans les pays lointains où y’a du soleil, ou dans des pays ou régions plus culturels, comme Venise ou Rome sont des capitales, Rome est un foyer de culture. Donc c’est attirant où les clients peuvent aussi se déplacer même en France, et ils peuvent aussi se dire on fait un week-end de luxe donc ça peut être en allant dans un restaurant, à la Fe Viche, c’est l’Opéra de Venise, donc ça ça marche bien aujourd’hui. C’est un principe avéré : si l’emplacement est bon, ça marche. Mais j’ai connu d’autres périodes beaucoup plus compliquées, comme dans les années 90, comme y’a eu aux USA, on était foutus à paris, alors que maintenant c’est beaucoup plus dilué. Moi : et en dehors de la localisation, le lieu, y’a d’autres facteurs qui font évoluer ?
P : la qualité du service, le confort. Quand vous louez une chambre 700€, on peut pas supporter un problème d’eau chaude ou de climatisation par ex. On peut pas supporter de pas avoir la fibre, par exemple pour communiquer, car on a beaucoup d’hommes d’affaires, et même quand ils sont en configuration de loisirs, ils communiquent pour leur boulot, et ensuite y’a la qualité du service, c’est-à-dire les femmes et les hommes qui travaillent qui sont aussi très très important, je dirais même plus que la qualité de l’hôtel, puisque c’est un travail essentiellement humain et qui fonctionne totalement différemment que les entreprises classiques car les entreprises classiques si vous avez par ex une entreprise qui fabrique des stylos, le client est pas là quand on fabrique le stylo, ce qui fait que quand y’a une erreur, on peut la corriger et puis on le voit pas. Dans une entreprise de services, dans l’hôtellerie ou un hôpital aussi par ex, comme le client est obligé d’être là pendant la fabrication du service, si y’a une erreur il la voit. Donc c’est compliqué, il faut pas se tromper. Y’a pas le droit à l’erreur entre guillemets et il faut pas oublier non plus que le client qui achète une nuitée à l’hôtel, il n’en est pas le possesseur, alors que celui qui achète un stylo il le garde, alors que ce que
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garde un client d’un séjour à l’hôtel c’est le souvenir. Donc vaut mieux faire en sorte qu’il soit bon. Voilà, donc l’importance du personnel au contact est forte et ça suppose est gens qui aient beaucoup de qualités humaines, qui soient cultivés, et courageux, parce que les clients de luxe y’en a qui sont très compliqués aussi. Moi : j’allais justement en venir su le profil de la clientèle de luxe. Comment est-ce que vous la définiriez ? Vous avez mentionné des professionnels, … P : y’a différentes clientèles, vous avez la clientèle business, et la clientèle loisirs, les oisifs, vous avez les nouveaux riches chinois, les nouveaux riches russes, enfin ils vont peut-être le devenir moins maintenant, mais… ce sont des gens qui ont amassé des fortunes très rapidement et qui viennent les dépenser sans être forcément très cultivés, et tous ces gens-là viennent se mélanger de façon assez bizarre. Et puis vous avez aussi des clients très haut de gamme qui vont venir dans des stations de ski comme Courchevel, vous avez Bernard Arnaud qui vient passer une semaine ou deux dans un hôtel et là l’hôtel doit lui fournir un moniteur de ski particulier, donc ce sont des prestations dont ils sont besoin, et avec des gens qui soient discrets, … c’est ce type de clientèle qu’il y a dans le très haut de gamme. Dans l’hôtellerie 4 étoiles y’a beaucoup de business en ville, Rome, Paris ou Florence, c’est d’abord là que ça se passe, mais vous avez aussi des villes où y’a du business mais aussi du tourisme. Et puis vous avez l’hôtellerie très haut de gamme où c’est que pratiquement que du tourisme par exemple les Caraïbes, l’Egypte quand y’a pas de problèmes politiques ce sont des endroits comme ça où c’est du Resort en fait et les gens viennent se détendre. Dubaï par ex est une ville qui est très à la mode en ce moment pour passer du bon temps.
Moi : pour revenir à la question précédente, avez-vous encore d’autres facteurs en dehors de la qualité du lieu et de la qualité du service ?
P : si je rejoins un peu ce que vous faites, il faut aussi que les hôtels soient jolis. Je me souviens, on avait un hôtel à Tokyo, un Sofitel, qui avait la forme d’un sapin de Noël c’était pas spécifiquement beau, mais en attendant il avait une image ce qui lui permettait d’être connoté. Après vous avez des hôtels qui sont magnifiques, je pense à un Sofitel à Vienne qui avait été fait par un grand archi, donc ça a une connotation particulière, mais je le dis à nouveau, c’est pas parce qu’on dit qu’on a été dans un hôtel dessiné par Jean Nouvel que si le service est pas bon on va y rester. C’est un ensemble. On a eu des hôtels, même milieu de gamme, dessinés par Rocardo Bofils par ex sur Montpellier. Effectivement ça attire, mais encore une fois c’est la qualité du service qui prime, et c’est heureux !
Moi : Oui tout à fait !
Et Depuis le début de votre carrière, avez-vous remarqué une évolution des exigences de vos clients ?
P : Ah oui ! oui bien sûr. Parce que moi quand j’ai commencé, c’était un parcours de formation classique. On apprenait ce que c’était l’hôtellerie haut de gamme, mais très traditionnelle en fait, donc y’avait souvent un service important mais souvent obséquieux et puis je suis rentré dans la chaîne Novotel en France, je m’étais dit que si je trouvais pas en France j’irai aux USA pour développer des chaînes, mais Novotel m’a fait une proposition donc je suis resté, c’était en plein développement et très dynamique et là j’ai vu des contrastes importants. Par ex un téléphone ligne directe c’était très rare dans les années 70. Dans les hôtels à l’époque y’avait un téléphone avec un ou deux standardistes, et les clients donnaient leur numéro et fallait aller dans la chambre du client, alors que quand j’ai commencé chez Novotel c’était fini tout ça. Y’avait plus tout ça. On pouvait directement appeler son correspondant. Y’avait de la climatisation, y’avait des salles de bain dans toutes les chambres, ce qui n’était pas le cas dans l’hôtellerie traditionnelle qui n’avait pas su trop se renouveler, ce qui fait que Novotel quand ça a été créé a importé des choses nouvelles en termes de confort, mais en contrepartie
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y’avait des choses en moins. Par exemple y’avait plus de bagagiste, alors que dans l’hôtellerie 3 étoiles y’avait toujours un service de bagages. Là ça a été totalement supprimé. Donc si vous voulez, ça fait partie des business models : il faut arriver à des résultats dans le cadre des charges dont vous pouvez disposer, mais il fait faire des choix par rapport à la concurrence : on peut être attractifs sur certains points et moins sur d’autres, et le client va faire un choix sur ce qu’ils vont préférer en fait. Certains ont appris que dans l’un il fallait porter sa valise, et avoir de la climatisation et avoir une salle de bain que de se faire porter sa valise et puis d’aller se laver sur le palier. Donc c’était un gros tournant à l’époque. Après maintenant on n’en parle plus. On n’imagine même plus, mais c’était le cas. Et donc c’était un changement de paradigme énorme ce qui a fait que cette firme a eu du succès par rapport à l’ancienne qui n’avait pas su se renouveler et qui vivait un peu sur ses acquis. Ensuite y’a eu un deuxième avènement c’était la réservation, où là ça a aussi totalement changé pendant très longtemps y’a des clients très fidèles qui réservent directement ; après y’a eu une centrale de réservation des hôtels qui offrait la possibilité aux clients de faire des réservations facilement. C’était pas un domaine qui a été suffisamment modernisé et après la réservation a été « kidnappée » par services extérieurs tels que Booking par exemple qui font des réservations avec des capitaux énormes, et qui maintenant supplantent la réservation des hôtels, ce qui fait que les hôtels sont de plus en plus dépendants de ces centrales-là qui leur prennent près de 20% de redevances sur les locations, c’est un autre exemple de changement. Tout ça, la commercialisation ce sont des choses très très importantes qui modifient beaucoup les choses et qui aujourd’hui les modifient encore beaucoup. On est en train d’y arriver un peu en France, mais y’a des périodes dans les campagnes, les hôteliers promeuvent la réservation par des centrales extérieures à leur système, car en faisant cela d’abord ils n’ont pas besoin de personnel pour prendre les réservations ; à l’époque au comptoir on prenait les réservations, maintenant quasiment plus : la réception s’occupe plus que du client, ça permet donc aussi d’économiser donc un peu de personnel et en contrepartie tout le système de réservation est pris e charge par un organisme extérieur, mais tout ça ça coûte cher. Y’a beaucoup de combats là-dessus pour améliorer la situation. Et puis aussi y’a beaucoup de choses qu’il faut regarder aussi c’est ce développement, un peu comme si vous voyez de penser que la démocratie dans nos pays peut s’installer plus facilement qu’ailleurs. Par exemple en Chine on a commencé le développement et l’implantation de la chaîne Ibis, parce que c’est ne énorme clientèle pour ce genre d’hôtels, mais on a perdu beaucoup de temps parce que contrairement à en Occident, où c’est bien insonorisé, les Chinois n’en ont rien à faire : ils sont habitués à vivre dans le bruit, donc c’est pas un atout, donc le fait de maintenir cette possibilité de bien insonoriser les hôtels nous a pénalisé car ça a alourdi les coûts et même en temps. Eux ils peuvent construire jusqu’à 1000 hôtels par an, alors que nous avec nos critères pour faire bien on en a développé 100. Donc sur le critère économique la vitesse de développement est une notion très importante. Après vous avez les systèmes de développement qui sont différents. Vous avez des organismes, des chaînes elles-mêmes qui construisent, développent et financent les hôtels. Après vous avez des systèmes de management qui vont construire des hôtels à ses frais et qui va donner du management en contrepartie de redevances. La marque va lui apporter de la notoriété. Et puis vous avez le système de franchise : là c’est vous qui avez gagné au loto ou qui avez fait un bel héritage, et vous achetez un hôtel que vous allez essayer d’exploiter vous-même avec une licence de marque là aussi pour gagner en notoriété et faire partie d’un réseau et remplir votre hôtel facilement. Moi quand j’étais chez Ibis avec franchise on assurait 20% de taux d’occupation grâce à l’enseigne. Ca veut dire que quand un hôtel à l’époque achetait une franchise Ibis, il était sûr d’avoir un taux d’occupation de 20% grâce à la notoriété de la chaîne.
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Et est-ce que le point de vue de la clientèle va influer sur des changements ou des agencements ? Vous l’avez dit pour le cas de la Chine avec la question de l’insonorisation… … Alors euh oui par exemple les Chinois il faut leur donner des nouilles au petit-déjeuner, en Angleterre il faut mettre des œufs, alors petit à petit on met des œufs aussi en France, mais voilà y’a des traditions importantes comme ça. Donc y’a cette adaptation-là… et si vous allez dans des pays musulmans, il faut des toilettes particulières parce qu’ils n’utilisent pas de papiers mais de l’eau pour se laver, donc il faut prévoir ça, il faut prévoir des salles de prières, des salles à manger où les femmes et les enfants peuvent aller, parce qu’elles ne peuvent pas aller avec les hommes, donc il faut prévoir des structures particulières. Quand vous allez en Israël, il faut prévoir des ascenseurs sans boutons, car quand c’est shabbat, on ne peut pas faire l’effort d’appuyer sur le bouton donc ce sont des coûts supplémentaires, même si on ne peut pas prétendre pouvoir tout changer quand on arrive dans un pays. On peut changer les choses, notamment sur le plan économique, les clients ils comprennent, plus vous montez en gamme, plus il faut s’adapter, sauf si vous avez une aura particulière dans un secteur. Par exemple si vous allez à Londres vous pouvez dire vous avez un restaurant français, avec un chef français, là ça va marcher, en revanche, si vous êtes dans un Novotel à Londres et que vous dites « je fais de la cuisine française », ils en ont rien à faire les clients : ce sont des anglais, ils veulent boire leur bière et manger leur pop-corn,..
Est-ce que les tendances à l’échelle mondiale, par exemple la volonté de réduire les impacts environnementaux, est-ce que cela influe aussi le secteur hôtelier ?
Alors je pense que c’est en vrai de se faire progressivement, mais je ne suis pas certain que ça soit une demande particulière. Par exemple, quand j’ai intégré Ibis, on avait une nomination particulière. On avait une certification qualitative qui s’appelait ISO9001, et très difficile à avoir et qui demande beaucoup d’efforts pour la garder, et qui est contrôlée chaque année. Moi j’ai déclenché le développement de ISO 14001 qui est une norme environnementale qui a demandé énormément d’efforts à l’équipe, mais ils étaient rompus à l’exercice : notamment des efforts techniques, il y a eu un très gros travail entre les équipes techniques et les équipes de construction et dans les hôtels. Donc c’étaient des démarches bien en amont de ce qu’on fait aujourd’hui, et on a obtenu la certification. On a fait beaucoup de pub autour de ça. C’était pas du pipo : c’était contrôlé par des organismes extérieurs et puis on n’avait rien à dire s un hôtel perdait sa certification. L’objectif d’une chaîne économique c’est que tous les hôtels doivent être pareil. Donc nous on a réussi à tout faire franchiser. Je ne suis pas sûr qu’à l’époque donc vers 2005, ça nous a fait gagner des clients. Et après j’ai appris, qu’une fois que j’étais parti, ils l’avaient supprimé. Ils avaient décidé de ne plus le faire. Je pense que ce n’était pas du tout une bonne idée de l’avoir supprimé parce que le phénomène environnemental prend plus d’ampleur aujourd’hui, et donc je pense que ça aurait donné l’avantage concurrentiel. Mais ce n’est que mon avis personnel. Après vous avez des incidences techniques dans les constructions. On peut par exemple améliorer les choses pour que les consommations d’énergies soient moins élevées ; mais le coût initial d’investissement est beaucoup plus élevé, ce qui fait que y’a des réticences, notamment dans les comités d’investissement. Si vous dites que votre projet il prend 10% parce qu’avec des arguments écologiques, vous avez beau dire que vous allez faire des économies d’énergies, eux ils voient surtout le prix qu’ils vont dépenser sur le moment, plutôt que ce qu’ils vont gagner demain. Donc c’est compliqué. A mon avis, la seule raison qui pousserait à faire évoluer les choses, ce serait la loi. C’était déjà le cas dans certains pays où maintenant on est obligé par exemple de supprimer les tours aéroréfrigérantes qui sont quand même très polluantes. Moi je les avais faites supprimer dans tous les Ibis d’ailleurs. Maintenant ça va de soi, mais ce n’était pas le cas avant. Donc y’a beaucoup de progrès qui ont été faits, mais ce ne sont pas des progrès qui
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sont très visibles pour les clients. C’est pareil, vous avez beaucoup d’efforts qui sont faits pour pas qu’il y ait pas de cas de Legionella donc il faut des systèmes de pompes à recyclage tout le temps parce qu’il faut éviter l’eau stagnante dans les canalisations dans le risque d’infecter les usagers de l’hôtel. Mais votre client il ne sait jamais si c’est là qu’il l’a attrapée ou ailleurs. Donc beaucoup d’hôteliers pensent que ce n’est pas la peine ce type de pompes. L’aspect sanitaire est selon moi primordial. Chez Accor, nous avions entrepris ces dispositifs tout de même, car on ne peut pas réfléchir comme ça. Il y a beaucoup de choses sur la sécurité aussi, qui étaient dans l’ISO14001. Donc y’a toujours des choses à faire en plus, ce qui accaparante un peu plus les équipes parce qu’ISO140001 c’est de la norme, et ce n’est pas forcément du plus au client tout de suite. Ce n’est pas très vendable à court terme. Ça motive bien le personnel, surtout les plus jeunes : ils étaient contents et fiers d’avoir fait ça. Mais le client… y’en a qui savent ce que c’est, d’autres non, donc bon. Quand j’avais discuté avec Nicolas Hulot pout faire un partenariat avec lui, quand je lui ai parlé d’ISO14001, il ne savait ce que c’était, alors qu’il était sincèrement sensible et mobilisé autour des sujets environnementaux. Donc c’est très difficile d’avoir une vision réelle de tout ce qui se passe dans le monde environnemental. C’est un sujet vaste où pleins d’actions diverses sont possibles. Y’a tellement d’avis différents sur le sujet aussi. Regardez les discussions qu’il y a aujourd’hui entre le nucléaire, l’éolien, le gaze, le charbon, … c’est très compliqué. Tout le monde a de bons arguments pour dire que c’est sa solution la meilleure.
Moi : quand vous dites que les coûts d’investissements sont des choses qui repoussent à s’investir dans le sujet, pourtant l’hôtellerie de luxe haut de gamme par exemple aurait les moyens d’investir dans le domaine, et peut-être être les pionniers d’un tel mouvement ?
Ça dépend quelle vision vous avez. Par exemple, on a eu un très beau projet dans le centre de Londres, je ne sais pas s’il est sorti d’ailleurs, moi j’insistais pour qu’on soit nickel sur le plan de l’environnement, qu’on puisse le faire valoir, mais je ne sais pas comment il est sorti une fois que je sois parti. Parce que quand vous vous engagez là-dedans, c’est tellement cher que souvent c’est un management : on va mettre 40% dans le projet, et les 60% qui restent c’est un investisseur extérieur. Donc c’est celui qui aura la part la plus importante qui va décider de diminuer le coût parce que c’est leur argent. Il faudra donc faire des arbitrages…
Moi : et vous, personnellement, comment est-ce que vous voyez l’hôtellerie de luxe de demain ?
Je pense que le luxe a de beaux jours, si vous regardez les sociétés de luxe quelle quelle soit avec tout ce qui est la maroquinerie, les spiritueux, les voitures, etc., aujourd’hui elle fait des résultats exceptionnels, alors qu’on est en pleine crise ! Donc moi je n’ai pas de soucis làdessus. Vous prenez les marques Hermès ou LVMH de Bernard Arnault, ou tout ce que vous voudrez, ça marche en général ! Si vous regardez les prix à la bourse de ces boîtes-là, ça marche. C’est un domaine très money-maker. Et dans l’hôtellerie c’est à peu près pareil. Après vous avez évidemment des groupes qui s’en sortent mieux que d’autres. Je ne sais pas pourquoi, mais Accor n’a jamais eu une image très bonne sur le plan du luxe alors que moi j’ai vu des Hamilton beaucoup moins bons que des Sofitel par exemple, mais il y a un problème de notoriété que Sofitel n’arrive pas à avoir par rapport à des boîtes comme Hamilton ou Hyatt, qui ne sont pas des boîtes exceptionnelles alors que ça fait briller les yeux. Si vous voulez, le luxe il est à l’intérieur d’une échelle de niveaux et puis après c’est un problème de relation avec les gens, d’image, et dans l’hôtellerie traditionnelle vous avez des gens qui viennent parce qu’ils savent qui vont être reconnus. Par exemple à Deauville y’avait un voiturier qui connaissait précisément chaque client, et quand il arrivait dans le hall, il disait : « y’a Monsieur un tel qui arrive ! », rien qu’en voyant arriver sa voiture. Donc il connaissait parfaitement les clients. Et ce sont des personnes qui vivent non pas avec leur salaire, mais uniquement avec
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les pourboires qu’ils touchaient. Donc je ne pense pas que l’hôtellerie de luxe n’aura de problème à vieillir, sauf s’il y a une guerre ou quelque chose comme ça, et encore ! Si vous prenez des vieux films sur la guerre de, vous voyez des Américains, des Anglais, des Allemands qui vont dans des grands hôtels pendant la guerre. Donc y’aura toujours une hôtellerie de luxe à partir du moment où elle est bien faite, bien traitée, avec un très bon hard et un très bon soft, et ça marche. Et un bon emplacement. La notoriété aussi. Le fait de dire par exemple : « je suis allé au Ritz, je vais au Meurice, je vais au Claridge’s Hotel à Londres, … » Moi : pour finir, est-ce que vous connaissez des hôtels dans des endroits particuliers, ou alors une chaîne, une marque d’hôtel qui apporte une attention particulière à l’aspect de l’environnement ou qui voudrait s’engager dans cette voie-là pour s’y développer ? Alors, là j’ai trop décroché du secteur pour pouvoir vous dire des bêtises. Heu… Je pense que l’hôtellerie 3 étoiles et quand même en difficulté aujourd’hui en Europe à cause de la pandémie notamment, tandis que le luxe a moins souffert, et donc il aurait plus la latitude de fournir des efforts dans ce domaine. Sinon y’a une chaîne canadienne qui à mon avis en termes de services est remarquable, mais c’est tout, je n’en vois pas qui soient supérieures sinon… A part encore une fois des hôtels historiquement connus, et qui ont souvent été rénovés et vendus : le Georges V, le Ritz, etc. ont été racheté par des investisseurs qui en ont fait des hôtels très très haut de gamme, donc d’un point de vue de l’architecture, ils sont très contrôlés par tout ce qui est architecte du patrimoine, et après niveau environnement bon y’a des normes qu’ils sont obligés de respecter… mais après, de là à vous dire qu’ils iraient de l’avant pour faire plus, je ne suis pas sûr. Selon moi, ce sont plutôt les gouvernements qui vont imposer un certain nombre de choses, mais y’aura toujours des hôteliers qui vont aller voir les ministres et qui vont dire « non mais attendez, si vous faites ça, nous on peut pas faire l’hôtel, sinon ce sera quelqu’un qui a les moyens de le faire qui le fera, mais nous il faudrait nous exempter de ceci ou de cela. » Ce n’est pas simple. A part quelqu’un qui a de très gros moyens, et qui dit : « moi c’est le parti que je prends », les autres bah ils respectent la loi.
Point. Donc si la loi bouge, bon là ça va se faire, mais si la loi bouge pas, ça ne va pas fonctionner ni se faire spontanément. Je me rappelle quand j’ai mis en place 140001 en place chez Accor, heureusement j’avais un soutien de poids, franchement on me demandait où je voulais en venir si vous voulez. Donc ça n’est pas aussi évident que cela, enfin ça ne l’était pas à l’époque du moins.
Moi : oui, c’est sûr, les choses évoluent, on verra bien ! Là je prévois d’aller visiter des hôtels 4 étoiles sur Nantes qui mettent en avant justement sur leur site internet, une image verte. Alors oui, ça ça existe aussi des hôtels qui se peignent en vert… Moi : oui. Il faut faire la part des choses. Mais est-ce une stratégie justement !?
Par contre si vous voulez visitez le luxe, vaut mieux aller à Paris ou visiter des Resort. A Nantes y’avait un Sofitel, on a arrêté, y’avait pas de marché à l’époque, même si maintenant il y est peut-être. Après vous avez des implantations qui sont très très localisées. Une boîte comme Mariott, très très forte aux USA n’est pas du tout forte en Europe donc après pour se développer, ils peuvent acheter Accor par exemple pour avoir un réseau européen comme Accor a racheté des hôtels Fairbanks aux USA pour pouvoir avoir plus facilement un réseau. Mais si vous voulez plus facilement voir de l’hôtellerie de luxe, il faudrait aller dans les capitales ou à Lyon ou à Marseille, parce que les ports attiraient beaucoup autrefois. Encore une fois ça dépend vraiment de ce que vous regardez, de ce que vous voulez voir, etc. ou développer dans votre hôtellerie de luxe. Y’en a qui vont vous dire « ho bah pour moi le luxe, c’est à partir du 4 étoiles », et d’autres « plutôt seulement les Palace ou Resort haut de gamme », tout dépend de qui vous vous adressez. Et d’ailleurs oui la chaîne canadienne dont
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je vous parlais c’est Four Saisons. Bon je sais pas comment elle a évolué, mais à l’époque c’était pour moi une très belle chaîne. Y’en a un en France de mémoire.
Moi : merci, je regarderai, oui j’avais déjà entendu parler de cette chaîne. Et après nous aussi on avait de beaux hôtels avec Accor, à Vienne, à La Haye aussi dans une ancienne mairie qui date des années 1800, on a un très bel hôtel en Colombie dans un ancien couvent. Donc voilà chez Accor on a de très beaux hôtels aussi. Mais si vous voulez c’est pas très cohérent : chez Sofitel à Venise et le Santa Clara en Colombie, ça n’a rien à voir.
Moi : et vous, est-ce que vous fréquentez en tant que client certains hôtels de luxe parfois. Très peu. D’abord parce que c’est cher, honnêtement. Et puis pour vous dire parfois je ne vais même pas des hôtels du groupe, alors que pourtant j’ai des avantages, mais je pense que comme les autres clients quand je vois que ça se détériore et que ça rejaillit sur le service, si vous voulez, les employés transposent la manière dont ils sont traités par le client. C’est mécanique. On sent dans l’hôtel quand ça colle.
Moi : oui c’est un secteur très humain comme vous disiez. Mais c’est de moins en moins le cas malheureusement, alors que ça devrait l’être de plus en plus. Le job que j’occupais à l’époque, aujourd’hui l’équivalent ce serait minimum HEC. Ce sont des gens très intelligents, je ne critique pas, et qui pensent, parce qu’ils sont à la tête et dans les bureaux, qu’ils n’ont pas besoin d’aller sur le terrain pour voir comment ça fonctionne, or je pense que c’est une erreur majeure. Moi tous les ans, je prenais mon comité de directeur sous le bras, et on partait une semaine dans un hôtel. On mettait en congé les chefs de service et des directeurs, et on s’occupait pendant une semaine de l’hôtel et donc chacun faisait 18 chambres, et à tour de rôle passait à la réception, à la gestion, à la cuisine, en salle, … et là je peux vous dire que vous voyez la difficulté de ce job. Parce que quand vous estimez que vous n’avez pas à faire cela, vous vous trompez sur différents points. Vous managez moins bien l’hôtel, votre seul but étant que vous remplissiez votre hôtel, même si vous perdez en qualité. Tant que l’hôtel est rempli, grâce à une système de réservation, où on ne tient plus compte de l’image de l’hôtel, vous allez avoir des gens qui vont changer d’optique puisque leur volonté sera moins sur le service que les taux de remplissage de l’hôtel. Donc à partir du moment où ils ont un tiers de revenus annuels qui est axé là-dessus, vous pensez bien qu’ils feront ce qu’il faut pour ça. Ils vont donc déplacer leur énergie sur un autre sujet que sur l’accueil et s’occuper des clients. C’est normal, c’est pas critiquable, c’est humain. Après vous avez aussi des actionneurs qui disent : « oh bah là c’est pas assez plein, il faut modifier les résultats. »
Moi : C’est très stratégique cette gestion hôtelière. En tout cas merci beaucoup pour cet échange, j’ai beaucoup appris sur la façon dont fonctionnait les hôtels. Merci !
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Zirak
au Metropole Hôtel, Monaco)
Moi : [mise en contexte et explication à Shirine du déroulé de l’échange.]
S : Alors moi déjà oui effectivement j’ai travaillé dans l’hôtellerie, notamment avec le groupe Lucien Barrière en France parce que c’est un groupe qui ont des casinos et des hôtels. Si vous connaissez l’hôtel Royal à Deauville, le Normandie, l’hôtel Majestic à Cannes, où y’a tous les ans à cause du festival, on montre toujours l’hôtel Majestic, donc voilà j’ai travaillé sur l’hôtellerie de luxe pendant longtemps, enfin je n’ai pas fait que ça, mais voilà vu que vous ça vous intéresse de savoir ça… tout ce qui est en hôtellerie. Et maintenant je suis à Monaco, je travaille sur le Metropole Palace, vous pourrez peut-être aller voir sur internet si vous voulez. Y’a plus de 5 étoiles, c’est un palace. Il a été reconnu dans le Leading Hotel déjà en Europe déjà à l’époque, mais je crois qu’il a eu de nouveaux prix concernant ça. Alors les prix ce n’est pas concernant que ça, concernant l’écologie, mais je sais qu’ils font un peu ça, c’est la tendance parce que c’est la clientèle qui demande un peu ça, et ils ont commencé depuis quelques temps à se mettre un peu au vert, mais bon c’est pas encore ça hein ! car c’est un peu difficile… car quand on parle d’hôtels de luxe, on parle de matériaux luxueux comme du marbre, je sais pas y’a quand même de très beaux tissus aux murs, tout ça… Alors, bon, dans cet hôtel, ce qu’on est souvent en train de faire c’est qu’on enlève toutes les tentures murales parce que c’est source de… enfin comment dire on préfère partir sur des peintures murales ; le sol dans les chambres, au lieu de mettre de la moquette, on préfère mettre du parquet, qui sera un peu plus naturel. Après, concernant tout ce qui est pour réduire un peu l’empreinte carbone, vous savez les chasses-d ’eau qui utilisent beaucoup d’eau, y’a trois-litres, six litres, c’est pour les gens utilisent moins d’eau. Pour l’électricité c’est pareil. On utilise qu’il faut et puis quand on est plus dans une chambre, les éclairages s’éteignent… Voilà c’est ce genre de choses. Voilà, on en est là. On n’est pas encore au stade de construire des cabanes en bois autour de la piscine, vous voyez ? Ca reste quand même dérisoire. Mais bon, là je vous parle de cet hôtel hein, parce que c’est là que je travaille. Après, ils organisent beaucoup de choses, des excursions très « nature », avec des petites voitures qui les emmènent voir des paysages locaux dans les montagnes, faire des activités locales, des vélos électriques, des voitures électriques, faire des choses comme ça. Qu’est-ce que je peux vous dire d’autre ? Parce que voilà, les clients ils cherchent de plus en plus des expériences uniques te personnalisées. Par exemple sur leur spa, tous les produits sont naturels, les maquillages sont faits avec des produits naturels, les colorations dans les salons de coiffure sont faites avec des pigments naturels. C’est ça en fait plutôt la tendance qu’il y a actuellement dans l’hôtel. Encore une fois, c’est pas… Ils vont pas bouleverser tous leurs codes de luxe pour … parce que c’est un peu difficile d’allier le luxe avec l’écologie, on peut le faire, mais jusqu’à un certain point à mon avis… parce que sinon on perd ce côté luxueux, vous voyez ? enfin à mon avis ! Après, c’est utilisé aussi pour les restaurants. Par exemple on a plusieurs restaurants Joël Robuchon au sein de l’hôtel et qui sont tous étoilés. Maintenant ils utilisent des produits locaux, très bio, voilà, c’est ça un peu la tendance dans ce sens je dirais…. Et oui ! et par rapport aux tissus, avant y’avait beaucoup de synthétiques, et là on utilise plutôt du coton, du lin qui sont des matériaux qui sont très jolis aussi, mais qui sont beaucoup plus écolos si j’ose dire. … Voilà, sinon posez-moi des questions si vous voulez !?
Moi : oui, merci. Par exemple en quoi consiste votre rôle ? Vous avez le statut d’architecte ou d’architecte d’intérieur juste pour la déco ?
Alors moi c’est les deux : l’architecture et… Enfin y’a déjà deux archis : un décorateur et un architecte italien qui travaille sur le projet. Et y’a moi qui chapote un peu car je fais les deux : à
73 06.03.2022 - Shirine
(architecte
la fois en tant qu’architecte de conception, et en tant qu’architecte d’exécution. Donc du coup je surveille, je vérifie, je fais de l’architecture car en fait on va changer les façades, on va faire de gros travaux de réaménagement, et on dépose six permis : l’un pour le réaménagement de tous les extérieurs, d’autres on touche à certaines chambres, et on est en train de faire de grandes suites d’exception. Bon avant dans ces grandes suites on avait du marbre, tout ça, là maintenant ce sera beaucoup de parquet par exemple… Moi je fais également la déco c’est-àdire… Bon là on est en train de faire une chambre témoin et dans cette chambre témoin, bah on essaie de ramener le plus possible de lumière naturelle, c’est pour ça que j’ai fait une ouverture de salle de bain sur la chambre pour qu’on utilise moins d’électricité, mais aussi parce que c’est plus intéressant pour les gens qui sont à l’intérieur, au lieu d’avoir des espaces qui sont vraiment fermés. Vous voyez, avant on avait la salle de bain, on avait une entrée, une salle de bain, et la chambre. Moi ce que j’ai fait c’est que j’ai ouvert la salle de bain sur la chambre, j’ai fait quelque chose de plus fluide au niveau circulation, voilà et c’est du luxe. Mais avant c’était… on devait absolument utiliser des tissus avec des dessins… et maintenant on est plus partis pour faire des choses pures et naturelles avec des sortes d’enduits, à la romaine vous savez ? ce sont des produits naturels pour les murs et les couloirs. C’est plus dans un esprit « riviera » et Côte d’Azur, alors qu’avant c’était tellement luxueux qu’on retrouvait Paris ou l’Angleterre vous voyez, très chargé ? maintenant c’est léger, de plus en plus une tendance au naturel, à la nature, au Riviera, à la Côte d’Azur, des matériaux naturels et ramener de la lumière naturelle dans les chambres : c’est en fait ramener une fraîcheur méditerranéenne dans les chambres. Voilà c’est ça qu’on est en train de faire actuellement.
Moi : Très bien, oui. Et finalement, ça fait combien de temps que vous travaillez sur des projets d’hôtels de luxe ?
Heu… écoutez, alors moi… ça fait depuis… houlà ça ne me rajeunit pas tout ça ! depuis l’an 2000… ou même avant !? 1900… non bon, on va dire à peu près les années 2000.
Moi : D’accord, très bien, alors oui j’imagine que vous avez-vous-même constaté ces changements de tendances, de décoration et de demandes.
Ah oui, tout à fait ! Absolument j’ai vu ça. Le luxe maintenant, ce n’est pas que des matériaux luxueux si vous voulez, c’est aussi une manière de penser les choses et de vivre l’endroit. Par exemple, avant, les produits, y’avait un spa où les choses c’était un peu comme à l’ancienne : les produits, les massages, et tout ça, et maintenant la tendance c’est plutôt l’utilisation de galets chauds et des produits très bio, les gens sont à l’écoute du bien-être de la clientèle. Et il me semble que même quand on va sur leur site, enfin je ne sais pas… et à vrai dire, ce n’est pas mon rôle… Mon rôle c’est pas que de faire des choses écologiques dans l’hôtel hein ! C’est un ensemble de choses. Et puis je commence dès le début et jusqu’à la réalisation je vais être là. Et là, ça fait un an et demi que je suis à Monaco, sinon j’habite à Paris moi d’habitude.
Moi : Ah d’accord super ! Et vous parliez que vous étiez sur des changements de façades… donc j’imagine que vous serez amenée à faire de gros travaux de fond !?
Oui bien sûr !
… donc est-ce que vous avez des normes à suivre, donc par exemple la RE 2020. Alors oui, non mais bien sûr, on va suivre toutes les normes si évidemment ce sont des normes mises en place on va les suivre. Par contre, ces normes dont vous parlez… Enfin moi c’est pas ma spécialité tout ce dont vous parlez : les énergies renouvelables, et les choses comme ça, pas du tout… Mais tout simplement nous on essaie d’amener l’hôtel vers cela car vraiment c’est la demande de la clientèle d’être intégré à un tourisme un peu plus vert… Mais de là à changer de fonds en combles, et devenir à 100%... enfin changer tout le système de chauffage, non, parce que pour l’instant matériellement c’est pas possible non plus, vous voyez ? Mais bon, quand y’a des normes obligatoires à respecter on respecte. Après, oui, on
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voit avec les entreprises, y’a des bureaux de contrôle. Quand on travaille sur des bâtiments recevant du public, on a des bureaux de contrôle. Peut-être vous avez entendu y’a Socotec, Apave, et on leur envoie les fiches techniques des matériaux qu’on utilise, des tissus, etc., et si c’est pas aux normes, ils vont nous obliger à… enfin ça va être refusé. Par exemple la colle qu’on a utilisé pour une étanchéité de la cuisine, une étanchéité liquide, bah ils nous demandent vraiment des choses à utiliser aux normes, et puis après l’entreprise est obligé de le faire.
Moi : oui tout à fait je comprends… Et finalement, c’est qui qui fait appel à vous pour l’élaboration du projet ? C’est le gérant de l’hôtel ?
Non non, c’est le client directement qui a fait appel à moi, et puis moi je gère… en fait y’a un travail d’élaboration des besoins, des chambres de l’hôtel avec le directeur de l’hôtel qui est en fait un salarié que le client a choisi et met là pour gérer son hôtel. Et d’ailleurs on fait pas que l’hôtel, on fait aussi un grand centre commercial qui s’appelle le Metropole Shopping qui est sous l’hôtel, donc c’est un très très gros complexe de 15 000 m², c’est un grand palace, et puis le centre commercial on va bientôt travailler dessus, donc c’est un très gros projet. Après, c’est le client qui fait appel à moi, mais encore une fois, pas que pour tout ce qui est écologie hein, c’est pas ça ! Moi je suis architecte DPLG, et architecte d’intérieur, et architecte du patrimoine. Donc je me suis spécialisée deux ans à l’Ecole de Chaillot, une spécialisation dans les monuments anciens si vous voulez. Mais bon, là ils ne font pas appel à cette formation, ce côté-là que j’ai, mais comme l’hôtel existe déjà, là on va faire une rénovation, une rénovation où y’a 125 chambres et on arrivera à 116 chambres dans le futur puisqu’on va agrandir les chambres. On va faire plus de terrasses, on va créer de grandes terrasses et tout ça… Voilà, donc mon rôle c’est d’établir, de faire la conception, de faire les pièces écrites, de déposer le permis, et après je prépare les DCE pour la consultation des entreprises, après on lance les appels d’offres, on choisit les entreprises, donc voilà moi c’est un peu de A à Z, sachant que y’a déjà deux architectes qui ont déjà fait une conception de certaines zones de l’hôtel et du centre, mais moi je chapote un peu tout ça. Voilà Moi : d’accord très bien ! Avez-vous quartier libre dans vos projets ou bien c’est le client qui va vous aiguiller dans ses choix ?
Ben c’est en effet très important pour le client : en fait, de nos jours, on n’a plus de quartier libre. Ce fut un temps, je me rappelle, c’était no limites, jamais on disait « là y’a tel budget, vous disposez de cette enveloppe », non, mais maintenant si, on dit voilà « pour le centre commercial on a tant, pour l’hôtel, on a tant, et après au fur et à mesure qu’on propose des choses, là j’ai proposé de faire travailler un grand artiste peintre pour faire de la peinture matiérée. Et la première chose qu’on demande c’est « combien ça va coûter ? », et d’un côté si on paye 100 000€ pour un artiste, d’un autre côté il faut trouver un équilibre et pouvoir compenser pour rester dans le budget qu’ils nous ont donné.
Moi : c’est sûr que l’argent c’est un critère de choix…
Oh ben oui l’argent c’est un critère ! Dans tous les cas, peut-être pas trop en Moyen-Orient parce que là-bas ils n’ont pas la même notion d’argent qu’ici : là-bas ils aiment bien les choses exceptionnelles donc ils dépensent beaucoup d’argent, et là ici, en Occident, tout est étudié pour ne pas dépasser le budget qu’on a, voilà ! et puis, ah !... j’ai oublié !
Là ça n’a rien avoir mais on est en train de travailler sur la cuisine qui alimente tout le roomservice c’est-à-dire tout ce qu’on envoie dans les étages pour manger dans les étages, dans les chambres, … après on alimente aussi les trois restaurants et la résidence du Metropole. Parce que oui le projet comprend aussi une résidence très très haut de gamme. Donc cette cuisine, à un moment donné le chef, Joël Robuchon, à l’époque avait dit, parce que maintenant il est décédé, « pourquoi ne pas faire une cuisine ouverte ». Lui en fait il a lancé le concept de la
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cuisine qui devient un spectacle, donc les gens ils s’assoient et regardent comment le chef il prépare les assiettes, la nourriture et tout ça, et puis bon ce sont des hôtels étoilés, donc on ne va pas manger n’importe-quoi. Donc là c’est un concept qu’on a fait déjà y’a quelques années dans cet hôtel, mais maintenant on va rajouter une autre « cuisine-spectacle » qui va donner sur un autre espace où y’aura dans le futur des cocktails, qu’on pourra privatiser pour les mariages et tout ça. Et aussi on a créé un concept de cuisines VIP, c’est-à-dire que les gens ils vont rentrer dans la cuisine pour voir un peu la préparation des choses, on va leur mettre des tabliers, ils vont déguster, aider à la préparation, mais bon ce seront des gens… c’est pas un car de chinois qui débarquent tout à coup, non c’est vraiment un petit circuit qu’on est en train de créer pour la dégustation, l’observation de comment les pâtisseries sont faites, etc. du coup vous comprenez bien que le décor doit être magnifique parce que l’on fait rentrer les gens, et avant, les cuisines étaient complètement industrielles dans le sens où avant personnes rentraient dans les cuisines, maintenant le concept c’est ça de faire participer les gens, dans la préparation, qu’ils voient et regardent, être un peu plus proches des gens, et les faire sentir participer aux choses. Donc voilà c’est un truc important.
Après, ah oui, autre chose, y’a des sociétés qui s’occupent de la décoration florale : ils utilisent beaucoup de fleurs en papiers, des choses comme ça… Par exemple pour Noël c’était vraiment magnifique : inondé de fleurs, des vraies mais aussi des fleurs en papier. C’est aussi ça, les vraies fleurs ça a une durée de vie limitée. Au lieu de couper, jeter, couper jeter, là ils font ça aussi en papier.
Moi : très bien ! intéressant. Ecoutez je pense qu’on a fait le tour. Et vous êtes à votre compte ?
Oui oui, je suis à mon compte, je ne suis pas salariée, je travaille en tant que libérale, c’est-àdire que je facture les prescriptions ; et donc […] moi j’ai une obligation de résultat, pas de présence…
Par contre y’a un truc pas très écolo, c’est les grands prix de Monaco. Tout se fait autour des Grands Prix à Monaco, et ils gagnent tellement d’argent avec ça que par exemple nous les travaux qu’on fait qui étaient prévus sur 4 ans, à chaque fois un ferme une zone, on fait les travaux, et il faut que ce soit fait avant le grand prix parce que ça c’est la date cruciale. Les gens quand ils viennent ils ne veulent pas voir les travaux depuis leur terrasse. C’est très très cher. Et en revanche, ils ont rajouté depuis deux ans, le Grand Prix électrique, ça va un peu dans le sens un peu écolo. Bon y’a toujours le Grand Prix de Formule 1, y’a le Grand Prix Historique ça s’appelle, de vieilles voitures, et puis donc les voitures électriques.
Moi : D’accord, je ne savais pas !
Voilà donc même ça, tout le monde va un peu dans ce sens hein je crois. C’est vrai que je vois même mes filles à ne plus prendre d’avion, des choses comme ça parce que ça pollue, ça se sont les nouvelles générations, et c’est vrai qu’on laisse les choses bien comme il faut au moins, un monde meilleur avec des océans propres et tout ça.
Moi : oui c’est sûr, les tendances sociétales influent beaucoup dans beaucoup de domaines, c’est pour ça que je m’intéressais à ce sujet qui de premier abord semblait un peu contradictoire le luxe et l’écologie.
S : Oui c’est un peu contradictoire… mais je suis sûre que l’on trouvera… enfin c’est pas tellement que ce soit contradictoire, il y a par exemple utiliser des produits naturels de plus en plus, c’est ça qu’il faut faire, réduire les consommations, avoir des panneaux photovoltaïques, tout ça, mais nous on peut pas mettre des choses comme ça sur nos toits parce que ça peut pas se permettre d’avoir ça… après c’est qu’ils ont beaucoup augmenté leurs surfaces végétales aux abords de l’hôtel : ils ont planté beaucoup d’arbres, d’espaces verts aussi. Je crois que leur gestion des déchets, ils travaillent sur des améliorations, ils n’utilisent plus de
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plastique mais plutôt du verre par exemple. Oui, ils essaient d’avoir un programme autoresponsable, mais tout doucement car ce sont des choses qui prennent du temps quand même. On le fait autant que possible. Actuellement si vous regardez, je sais l’hôtel Metropole a le logo, enfin label Green, mais je sais pas exactement… « green-attitude » ? Bon là il s’agit d’un établissement urbain, en pleine ville et entouré de tours, donc c’est pas si facile que ça de faire de changements à l’extérieur. Voilà. Bon j’espère vous avoir aidé, même si c’est pas vraiment mon domaine.
Moi : […] Merci en tout cas, si si vous m’avez ouvert des pistes de réflexion, et donné des références. Mais est-ce que vous avez d’autres références par exemple, dans lesquels vous ne travaillez pas forcément ?
S : Alors je sais qu’à Paris dans le 15e y’a un hôtel qui est à fond dans l’écologie… mais par contre je ne crois pas que ce soit un hôtel de luxe…
Après je sais que Yves Rocher a créé des hôtels dans le Lubéron, ou du moins un centre de bien-être où tout est très vert et engagé dans le respect de nature. Et avant tout le monde ils ont fait leurs produits naturels… Oh je viens de trouver un article : « luxe, rime-t-il avec écologie ? » je peux vous l’envoyer !
Moi : Oh oui je veux bien s’il-vous-plaît !
S : […] et ils parlent aussi du Negresco Hotel à Nice, et par contre ça c’est un hôtel de luxe ! Mythique sur la Côte d’Azur, et d’après ce que je viens de voir le directeur il est à fond dedans. Tandis que celui dont je vous parlais dans le Paris 15e… Yuma ! mais bon il est à fond dans l’écologie !
Moi : très bien je prends note, merci beaucoup ! Merci encore de m’avoir consacré votre temps, je suis bien consciente que vous êtes très occupée.
S : je vous en prie ! merci à vous ! bonne continuation !
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Monsieur M (responsable de l’Oceania Hôtel de France , Nantes)
YM : Alors on va commencer par la visite des chambres. Donc nous a un total de 72 chambres réparties en cinq catégories. Donc on a des petites chambres junior, gamme supérieure, de luxe et prestige. Donc prestige c’est le plus haut de gamme de l’hôtel. Il y en a quatre. Donc je vais vous montrer différentes catégories en fonction de ce que j’ai de libre.
Moi : D’accord, très bien, merci !
Et le label La Clef Verte c’est une inscription de votre plein gré pour avoir cet éco-label ?
YM : oui, tout à fait ! C’est une décision au sein de l’hôtel. Après il faut savoir que nous on appartient à la chaîne Oceania Hôtel qui détient 26 hôtels partout en France, mais on est le premier hôtel du groupe à avoir eu ce label. Donc en fait c’était à l’origine une alternante qui travaillait pour nous, et c‘était son projet, et donc on a eu l’idée avec la directrice de lui donner la mission du label Clef Verte.
Moi : D’accord !
YM : Alors après y’a eu la pandémie, voilà, on a eu la labellisation et y’a des critères qui sont plutôt assez simples qui ne sont pas encore poussés poussés. Y’a encore pleins de choses à faire, hein ! Franchement, le label la Clef Verte c’est vraiment le plus simple, même si y’a beaucoup beaucoup de critères et de choses à faire pour l’avoir. C’est beaucoup sur le tri sélectif, tout ce qui est économie d’eau,… On va faire la visite en même temps que de parler de la Clef Verte et de ce que nous avons mis en place nous.
Moi : ce sont des décisions locales que vous prenez vous ?
YM : Alors y’a des critères donc un cahier des charges, mais auquel on ne peut pas répondre à tout parce qu’on ne peut pas tout changer malheureusement car on fait partie d’un groupe.
Moi : Ah oui !? vous êtes donc dépendant de la chaîne !?
YM : Oui on est quand même obligés de garder tout le process général, tout ce qui est pôle d’accueil, … on est obligés malheureusement… Par exemple là, les bouteilles en plastique, ça a été supprimé en faveur du carton. Donc on ne peut pas tout faire, mais on essaie de répondre à d’autres points. C’est avec justement la Clef Verte qu’on peut essayer de se démarquer.
Donc là on va aller voir une chambre « prestige », donc haut de gamme, la 313 qui donne donc sur la place Graslin. Donc voilà tout ce qui est Clef Verte, alors déjà niveau électricité. On a un fonctionnement avec des boîtiers, donc ça ça permet des économies d’énergies. Sans la carte, la lumière ne s’allume pas, et donc quand le client la retire pour sortir, tout s’éteint.
Moi : D’accord, intéressant !
YM : Donc voilà ici on a à peu près 37 m², et donc donnant sur la place Graslin. Sur la place Graslin on en a trois donc dans ce sens-là, et après on a une quatrième chambre qui est au 5e étage avec une terrasse sur la ville de Nantes.
Moi : Ah oui ! On voit le prestige avec la vue ! superbe !
YM : Oui, donc voilà, il y a du double vitrage su l’ensemble de l’établissement…
Alors là vous vous voyez les bouteilles plastiques d’accueil, on est resté sur du plastique alors que normalement avec la labellisation Clef Verte on devrait être sur du verre, mais ça malheureusement c’est comme ça chez Oceania !
Moi : Ah, d’accord…
YM : Oui, c’est-à-dire que dans tous leurs hôtels malheureusement c’est comme ça ! Par contre, au niveau des Nespresso, c’est tous des gobelets en carton, les petites touillettes, c’est plus du plastique c’est du bois, vous voyez. Au niveau de l’eau, tous les robinets, et des pommeaux, ils ont tous des mousseurs pour l’économie de l’eau. Donc ça tout l’établissement
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est équipé.
Après voilà les produits d’accueil de toilette pour la salle de bain on n’a pas pu changer, mais les gobelets sont en carton. Y’a encore les emballages. Ça vous voyez, normalement on devrait plus avoir avec la Clef Verte : on devrait avoir un présentoir en verre pour déposer le savon dessus quoi… Mais bon y’a aussi la question de l’hygiène… Mais voilà, on ne peut pas tout transformer malheureusement.
Moi : oui, la transition se fait progressivement j’imagine. Et avez-vous une équipe en interne à Nantes qui se mobilise pour faire évoluer les choses ?
YM : Alors, oui ! Et c’est même un travail quotidien, même si bon y’a eu beaucoup de retard avec les deux ans de pandémie donc avec la fermeture de l’établissement, ça a été mis en peu en stand-by, mais là depuis cette année on a une nouvelle stagiaire à laquelle on a de nouveau confié le dossier la Clef Verte pour trouver des nouvelles idées parce qu’en fait on est toujours en quête d’innovation, parce que c’est important pour garder le label La Clef Verte de proposer toujours des nouvelles idées.
Moi : Ah oui d’accord, ce n’est pas toujours la Clef Verte qui vous donne des listes de choses à faire !!?
YM : Ah non non : y’a tous les ans un audit avec le label Clef Verte : ils font souvent des contrôles. Tous les ans ils nous voient à nouveau, et on doit proposer de nouvelles choses : toutes les actions qu’on a pu mettre en place au sein de l’hôtel.
Et là, au niveau des douches, vous voyez, par contre là on a là des distributeurs de savon que l’on remplit, ça permet de faire de l’économie sur les produits de soin et éviter le gaspillage de portions individuelles.
Moi : Ah oui, en effet…
Et quel est le profil de votre clientèle ? Est-ce que ce sont des personnes en déplacement pour les voyages d’affaire, ou autre ?
YM : Alors nous, on va essentiellement avoir une clientèle d’affaire, après une clientèle loisirs beaucoup les week-ends, après on a une clientèle artiste,… euh… des équipages, Moi : Des équipages ?
YM : Oui tout ce qui concerne des transports, et nous c’est plutôt avions, avec AIR Transat notamment, en saisonnier de mai à octobre pour eux par exemple.
Moi : Donc vous avez des clients habitués ?
YM : oui, souvent des habitués, surtout niveau affaires. Après tout ce qui est congrès, bien entendu. En fait on a un joli panel à l’Hôtel de France, ça change tout le temps. Toute l’année c’est une clientèle très différente.
Moi : et est-ce que vous avez remarqué des évolutions des exigences vis-à-vis de l’environnement par exemple ? Est-ce que par exemple vos propositions d’innovations pour la Clef Verte sont issues peut-être de questionnaires de satisfaction de votre clientèle ? ou des choses que les clients pourraient vous inciter à faire ?
YM : Alors non pas forcément, c’est plutôt un vouloir de l’établissement. Après je vous avoue que le client euh… si vous avez des engagements… euh non je ne suis pas certain que ce soit un choix déterminant pour eux de savoir ça…
Moi : Ah oui je vois…
Et quel est le type d’éclairage que vous avez ?
YM : alors ce sont tous des ampoules LED.
Moi : d’accord, et concernant les services que vous proposez, par exemple qui sont très consommateurs, est-ce que vous avez des piscines ou des spas ?
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YM : Alors non, mais on va aller voir en descendant, nous avons une salle de fitness que nous proposons avec trois appareils, et après c’est le bar. Nous on est vraiment une hôtel boutique : pas de piscine, pas de spas.
Moi : d’accord…
YM : Donc voilà… Après oui, y’a les éco-gestes donc on met là des écriteaux pour le client « Protégeons notre Planète » donc pour que les gens déposent dans la baignoire le linge à renouveler, et au contraire le laisser sur les porte-manteaux quand il fait le laisser pour les prochains usages.
Moi : D’accord… Et dans un hôtel de luxe en général, qu’est-ce que consomme le plus ?
YM : Alors c’est tout ce qui est chauffage, les énergies, oui… c’est heu malheureusement l’énergie c’est euh ce sont des charges pour les établissements très très importantes.
Moi : et nous renouvelez souvent justement tout ce qui est équipement technique justement pour le chauffage ?
YM : Alors non, et surtout pour le coup ce n’est pas non plus nous qui choisissons c’est à l’échelle du groupe. Donc dès qu’il y a des décisions de changement c’est au niveau du groupe. Nous on n’est pas décisionnaires. Après, l’hôtel a été entièrement rénové depuis 2014 donc on a vraiment tous les appareils au niveau technologique performants, économiques, écologiques. On a la climatisation par exemple qui est régulée par le client. En fait le système en place il fait les deux : en hiver c’est le chauffage, et l’été la climatisation. Alors là c’est sûr, c’est pas du tout écologique ! Mais malheureusement, c’est un critère qu’on ne peut pas se permettre de supprimer. C’est qu’aujourd’hui ça reste encore une demande du client. Un hôtel sans clim c’est même pas la peine malheureusement.
Donc voilà, les toilettes sont séparées des salles de bain, sauf pour les chambres pour personnes à mobilité réduite. Donc on a ici l’économiseur d’eau donc pareil ça c’est dans tout l’établissement, et pour le coup c’est un critère de la Clef Verte Donc en effet y’a un petit bouton et un gros pour le choix de la quantité d’eau, mais même pour le gros on a réduit les quantités par rapport au standard.
Donc voilà, on a le tri sélectif évidemment qu’on va avoir partout.
Ah oui, et aussi le coffre-fort individuel dans toutes les chambres ici. Et là vous voyez on met toujours pour une économie de linge le deuxième jeu de toilette dans le placard. Pourquoi ?
Parce que généralement quand on a des clients venant individuellement donc en semaine, ça évite le gaspillage. Et pareil on met les produits d’accueil pour la deuxième personne également dans l’armoire.
Après pour les produits, c’est difficile de trouver des prestataires équitables, et ceux qui sont engagés, les tarifs sont élevés donc ça représente une charge plus importante pour l’hôtel. Moi : et vos fournisseurs pour les produits ? comment vous établissez vos partenariats ?
YM : alors là c’est pareil. C’est une mercuriale, c’est-à-dire qu’on est référencé chez les fournisseurs et on peut pas faire autrement.
Moi : D’accord…
YM : Donc malheureusement, on n’a pas les produits d’accueil bio… enfin plus naturel. Y’a beaucoup de choses comme ça malheureusement, même pour le petit-déjeuner on a des référencements, enfin là pour le coup on essaie quand même de faire en sorte d’avoir plus de produits bio, et avoir moins de packaging, et voilà ça de moins en moins pour avoir d’autres contenant.
Moi : D’accord, et rappelez-moi, Oceania c’est à l’échelle nationale ?
YM : Oui c’est ça, avec 26 hôtels en France, c’est un groupe breton et le siège est à Brest. Dans les couloirs c’est pareil, on a des lumières qui s’éteignent avec des détecteurs de présence.
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Donc là, comme vous pouvez le voir, on fait le tri, vraiment partout avec les poubelles bleues, les poubelles jaunes. Les éco-gestes aussi qui sont mis en place.
Là on va aller voir une autre chambre. C’est un autre type. Après tous les types sont fait sur le même principe. […] échange sur la décoration (autographes d’artistes qui ornent les couloirs) Nous faisons des partenariats avec des festivals comme le Cinéma espagnol, Les Trois Continents, ça ce sont des artistes qu’on a tout le temps tout le temps tout le temps ! Le Grand T aussi et les avant-premières au Katorza juste à côté, tout ce qui est distribution. On a eu récemment Michèle Laroque, Audrey Lamy,… enfin vous voyez !
Moi : D’accord ! Intéressant !
YM : Voilà donc là on est dans une chambre « de luxe ». Alors oui j’avais oublié de vous préciser pour la Prestige, on a baignoire et douche à l’italienne. Ici, comme pour toutes les autres gammes, on n’aura qu’une douche à l’italienne, comme ceci, donc voilà la salle de bain. Moi : D’accord, et donc là on est sur combien de mètres carrés ?
YM : on est à peu près sur 21 m². Alors après ça dépend des chambres, et c’est ce qui fait le charme du bâtiment puisque selon là où on se situe, ça va être plus ou moins grand. Donc pour les gammes de luxe on sera entre 21 et 25m², les conforts à peu près de 18 à 21 m² et les supérieures c’est pareil. Voilà donc on retrouve les mêmes prestations, et la déco de la Luxe va ressembler à la Prestige avec de la tapisserie gravure raisin qui donne un effet un peu d’artiste…
Et on propose aussi du roomservice avec des bocaux, donc c’est de la petite restauration, comme on n’a pas de restaurant, en tant que 4 étoiles, on se doit de proposer des petites collations. Mais c’est vrai qu’au vu de la situation de l’hôtel à proximité de pleins de restaus, les clients préfèrent manger souvent à l’extérieur.
Moi : Oui, je vois il est très bien situé !
Et après, en termes de ventilation, comment ça fonctionne.
YM : Alors c’est un système de VMC, puisque bon c’est normal c’est obligatoire, et puis tout ce qui est climatisation chauffage ce sont des bouches comme celle-ci, donc c’est mécanique, bien entendu. Et puis tout est renvoyé en extérieur. On a des machineries dans la petite cour arrière sur le parking.
Moi : et au total vous avez combien de mètres carrés ?
YM : Euh dans tout le bâtiment ? alors là je sais pas du tout ! mais c’est très grand ! Donc là on entre dans la gamme « confort » et on change de décoration, donc c’est des tons clairs avec une touche de framboise. Là vous remarquerez qu’il n’y a qu’un oreiller, les multiples sont uniquement dans les « luxe » ou « prestige », avec les peignoirs à disposition, je ne sais pas si vous aviez remarqué !?
Moi : oui, tout à fait !
YM : on retrouve les plateaux de courtoisie, mais avec tous les sucres emballés par contre.
Moi : Ah là c’est intéressant cette paroi vitrée pour la lumière naturelle dans la salle de bain !
YM : Oui, vraiment, et puis vous voyez la hauteur sous plafond varie d’une chambre à l’autre. Là c’est très grand, parfois c’est plus haut même !
Moi : oui, impressionnant !
YM : Alors maintenant on va visiter une chambre « twin », avec des lits jumeaux. On en a peu. Donc là comme vous voyez ce sont les mêmes prestations que dans les « confort ».
Moi : Et pour la décoration, c’est une décision d’Oceania ?
YM : Oui, tout à fait, tous les hôtels du groupe ont le même design.
Moi : Ah oui d’accord ils ont un grand pouvoir décisionnaire alors ! Et est-ce qu’ils missionnent une équipe spécialement pour s’engager justement à des éco-comportements ?
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YM : Alors Oceania débute que maintenant dans cette entreprise, avec beaucoup de retard hein par rapport à d’autres groupes, mais nous justement à Nantes qui avons lancé notre initiative avec la Clef Verte, donne une impulsion aux autres hôtels vous voyez ? Fallait bien que quelqu’un démarre ! mais y’a pleins pleins de choses qui doivent être faites hein, chez Oceania, et ils en sont conscients !
Mais bon je pense qu’on n’est pas les seuls… Y’a encore du travail là-dessus, niveau environnement !
Ça vous plaît ?
Moi : ah oui tout à fait ! J’aimerais bien y dormir, vraiment !
YM : Bon très bien !
Ah et aussi on règle les arrêts de chauffage et climatisation quand les chambres sont vides, depuis un système à la réception, et on rallume un peu avant que les clients ne viennent. Et après dès qu’ils sont partis, tout est éteint pour réduire nos consommations et respecter les normes environnementales.
Pour les couloirs, ils sont très appréciés pour la lumière naturelle, parce que le bâtiment tourne autour d’une petite cour centrale.
Voilà donc on arrive à la cage d’escaliers principale.
Moi ; ah oui, impressionnante ! Et il y’a combien d’étages ?
YM : on a 4 étages.
Donc là on a la salle de fitness. Pareil, la climatisation se gère ici.
Moi : y’a des chambres au rez-de-chaussée ?
YM : Non, ce sont que les services pour les clients et l’administratif.
Maintenant, voici la salle de petit-déjeuner pour une cinquantaine de personnes.
Alors là ce sont de tous petits moyens mis en place. C’est sous forme de buffet. On a évolué sur la pâte à tartiner, avec on avait les petites barquettes individuelles jetables, et là c’est libre-service en grande quantité. Pour les confitures, non on reste sur un référencement de groupe. Pour toutes les brioches, viennoiseries, tout ça on fait attention et on travaille avec une boulangerie locale, aussi pour le contrôle de sans gluten, et tout. Pour les fruits, on prend bio et on fait les salades de fruits maison, joliment présentée. Après, à la demande des clients, il y a des œufs bio ; et on fait nous-mêmes les brouillades, ce ne sont plus des préparations déjà conditionnées sous emballage. Après voilà on fait du local aussi c’est important, donc le gâteau nantais typique, toujours avec la boulangerie partenaire. Qui plaît énormément. Là la partie céréales en vrac. Et puis pour le fromage, il est à la découpe ce qui évite les emballages et portions individuelles. Ça évite le gaspillage alimentaire aussi, donc c’est plutôt une bonne chose. Tous les produits proposés sont détaillés et précisés sur un écriteau, notamment pour des règles sanitaires et des questions d’allergies…
Voilà, nous avons fait le tour !
Moi : Super, c’était vraiment bien ! Merci ! Et vous avez toujours été classé 4 étoiles ?
YM : Alors on a eu la 4e étoiles au sortir de la rénovation en 2014. On a tout tout refait. On a été fermé pendant 18 mois. Tout a été repensé, refait selon les normes, et avec de nouveaux équipements. Voilà. En tout j’espère avoir répondu à toutes vos questions !?
Moi : parfait, oui vraiment merci beaucoup ! C’était super !
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Lélia Bauchet
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes UEM2_Expérimentation, enquête & rédaction Séminaire Bien-Vivre _Virginie Meunier & Christian Marenne Session 2022
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