Kostar 63

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C H E F, O U I C H E F

LA CUISINE ÉMOTIONS INTERVIEW / PATRICK THIBAULT PORTRAIT / PATRICK GÉRARD PHOTOS PLATS / FRED RADIDEAU (SAUF MENTION)

Après avoir créé La Mare aux oiseaux, Éric Guerin se démultiplie sur trois adresses. Le Jardin des Plumes à Giverny, également un macaron au Michelin et Le Café du Musée d’arts à Nantes. C’est un chef à la sensibilité artistique affirmée qui revendique l’engagement et, en cuisine, le mouvement perpétuel. Comment définissez-vous votre cuisine ? n C’est une cuisine vivante, de contrastes et d’émotions. Elle est un peu autobiographique dans le sens où elle n’est pas figée et dit ma vie et mon état d’esprit. Elle raconte mon aventure de cuisinier et d’homme engagé dans la vie. Je dirais qu’elle s’inspire de tout sauf de la cuisine, d’où mon besoin de rencontres, de voyages, de terres différentes. Pas pour aller à la rencontre de la cuisine mais pour m’en nettoyer, me nourrir d’autres textures et de mots différents. Vous dites que votre cuisine raconte une histoire. Quelle histoire racontez-vous ? n Ça peut être très personnel. Ça peut aussi être des messages sur l’environnement, la société, les plaisirs de la vie qui me sont propres. Je m’invente beaucoup de contes, de choses chimériques et poétiques pour garder mon monde d’enfant et une créativité permanente. Vous parlez aussi de cuisine d’auteur, vous considérez-vous comme un artiste ? n Je parle de cuisine d’auteur dans le sens où je ne veux pas être à la mode. Dans un monde d’images, il y a une véritable mode pour les produits travaillés et la façon de les présenter. Je ne veux pas tomber dedans mais continuer à évoluer. J’ai une âme d’artiste car j’ai été élevé dans ce monde-là. Mon regard part de l’image et de la volonté de créer avec mes doigts et ma tête et pas du produit. Je pars d’un tableau émotionnel PA G E 0 1 9

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et culturel, de contrastes, de couleurs et de choses qui sont l’effet du moment. Ensuite, j’utilise ma région comme palette de peintre pour retrouver les couleurs et les émotions. Les chefs sont aujourd’hui davantage considérés comme des artistes… n Pour moi, ça n’est pas vraiment un métier d’artiste, on fait juste de la cuisine. L’artiste, c’est quelqu’un de barré qui n’est jamais content de lui. Je ne dénigre pas mais les chefs qui ont deux ou trois macarons sont souvent posés sur un modèle et prennent peu de risques. La cuisine peut dire qu’elle est artistique seulement si elle laisse une empreinte. Quels sont les chefs qui, pour vous, laissent cette empreinte ? n Pierre Gagnaire qui pour moi est le plus grand. Alain Passard. Des chefs qui ont à la fois une véritable sensibilité et une vraie force de caractère. Alexandre Gauthier de La Grenouillère qui a tout pour lui. Il inspire un lieu, a une façon de présenter avec à la fois un côté brut et une délicatesse. C’est une vraie signature. Chez vous, un plat commence toujours par un dessin… n Toujours. J’ai les mots clés dans ma tête, je les dessine et quand je pose le trait, j’ai le visuel. Je construis en 3D avec l’odeur et les saveurs. Quand je transmets le dessin, il y a un flou qui pourrait être artistique. Mes gars ont chacun leur interprétation. Chacun apporte sa petite touche.

SAISON 13 / NUMÉRO 63

…/… DÉCEMBRE 2018 - JANVIER 2019

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