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Un symbole et une symbiose : la « boîte bleue du KKL »

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SamouSSaS

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Une boîte où des pièces de monnaies s’amassent progressivement en vue d’établir la patrie du peuple juif : l’histoire d’un modèle à succès

Autrefois incontournable dans de nombreux foyers juifs, elle fait alors littéralement partie de l’inventaire : la boîte bleue du KKLJNF. Aucun objet ne saurait mieux symboliser le lien entre l’État d’Israël et le Fonds National Juif que cette petite boîte en apparence insignifiante. Et pour cause : la boîte bleue accompagne le KKL-JNF depuis le tout début.

Tzvi Herman Shapira (1848-1898), précurseur du mouvement national juif, dont les idées et les suggestions ont contribué à la création du KKL-JNF lors du 5e Congrès sioniste du 29 décembre 1901 à Bâle, avait déjà présenté l’idée d’une boîte en fer-blanc surnommée « pushke » en 1894. Il encourage alors ses amis à y déposer des pièces en vue d’obtenir la Terre d’Israël. Theodor Herzl appuie immédiatement cette initiative en posant son couvre-chef sur la table en guise de boîte durant le Congrès à Bâle : un geste qui fait apparemment l’unanimité auprès des délégués qui le comprennent de suite.

L’idée de la boîte a également été soutenue sur un autre front : avec la fondation du KKL-JNF en 1901, un banquier du nom de Chaim Kleinman de la ville polonaise de Nadwórna a l’idée de collecter les moyens nécessaires de manière aussi généralisée que possible. Il envoie alors une lettre au journal sioniste « Die Welt » à Vienne : « Inspiré par l’idée ’d’un ait, puis un autre sou’, après que le Congrès sioniste de 1901 a décidé de créer le KKLJNF, j’ai mis en place une ’boîte pour Israël’ et y apposé un billet indiquant ‹ fonds national › puis je l’ai placée au centre de mon bureau. Les résultats atteints jusqu’ici sont impressionnants.

Je propose que d’autres partisans et notamment tous les collaborateurs des bureaux sionistes récoltent de cette manière des dons en faveur du KKL-JNF. » L’idée du financement participatif est née et le KKL-JNF l’utilise avec brio.

Les premières boîtes sont prêtes à l’emploi en 1904 : même Theodor Herzl en place une dans son bureau (elle se trouve aujourd’hui au musée Herzl de Jérusalem). Beaucoup comprennent aussitôt l’importance de la boîte. Bien sûr parce qu’il s'agit d’un outil pour recueillir des dons mais aussi pour sa symbolique : elle représente un lien entre les Juifs de la diaspora et le petit nombre de (nouveaux) immigrants juifs vers Israël.

Menahem Ussishkin (1863-1941), l’un des brillants leaders du KKL-JNF, pense que « chaque sou qu’un enfant donne ou économise dans le but d’acheter des terres est également important pour sa valeur pédagogique : l’enfant en question ne fait pas un don en faveur du KKL-JNF mais en faveur de lui-même... une expérience indélébile. »

En attendant, durant des décennies, la boîte est un outil très apprécié servant à réaliser la vision sioniste. Les dons récoltés étaient utilisés pour acheter des terres sur lesquelles l’État juif a été bâti. Mais la boîte bleue caractéristique est bien plus qu’un simple moyen d’obtenir de l’argent : depuis le début, elle incarne un outil pédagogique important pour diffuser le concept sioniste et renforcer la connexion du peuple juif avec sa patrie éternelle. Un lien très souvent évoqué par les représentants du KKL-JNF qui se rendaient dans les foyers pour collecter les pièces.

Fait historique et empreint d’une grande puissance symbolique : une boîte cabossée est retrouvée dans le ghetto de Varsovie au terme de la Seconde Guerre Mondiale – que nous aurait-elle raconté si elle avait pu parler?

Parmi les autres variantes intéressantes, citons la boîte qui ne pouvait contenir que peu de pièces. La plus petite est fabriquée à Jérusalem durant le mandat britannique en Palestine et n’est pas plus grande qu’une boîte d’allumettes. Ceci vient peutêtre du fait que le peuple juif est souvent plutôt pauvre à cette époque et qu’il faut donc se contenter d’un don symbolique. Plus tard, la boîte bleue est remplacée, entre autres, par une sorte de livre bleu, encore utilisé aujourd’hui. La puissance symbolique de la boîte du KKL-JNF est tout simplement inestimable.

Mais d’où la boîte bleue tire-t-elle son nom? Tout simplement de sa couleur dominante, qui est aussi celle de l’État d’Israël. Toutefois, au fil du temps, elle change souvent de style : les premières boîtes, dont Theodor Herzl avait un exemplaire sur son bureau, sont bleu clair. En 1920, les modèles produits et décorés en Autriche sont de couleur cuivre. En Allemagne, certaines boîtes sont reliées en cuir noir.

Dans d’autres cas, même la forme varie. Les boîtes américaines sont rondes, leurs homologues allemandes ont la forme d’un livre, et il existe dans de nombreux pays d’Europe centrale des modèles en papier que l’on peut plier et emporter dans son sac. Une ébauche idéale pour les donateurs qui se rendent au Congrès sioniste ainsi que pour les écoles juives allemandes des années 1920 et 1930.

Décembre 2022 devient une date historique avec l’élection du Ifat Ovadia-Luski au poste de Présidente du KKL-JNF Israël. Elle est ainsi la première femme à occuper cette fonction. Entretien.

Vous êtes la première femme, Présidente du KKL-JNF Israël depuis sa création, il y a plus de 120 années. En quoi cette nomination revêt-elle, pour vous, une importance particulière ?

« Je suis ravie d’être la première femme à ce poste. J’ouvre la voie. Dans les institutions nationales, de nombreuses femmes occupent des postes-clés à des niveaux différents ; Il était grand temps qu’une femme se trouve en haut de la pyramide. J’accède à ce poste cette grâce à l’expérience acquise dans l’exercice de mes nombreuses fonctions précédentes. »

Vous avez également été la première femme à diriger l’organisation du Likoud mondial- Quelles sont les expériences que vous avez vécues à cette occasion ?

« C’est exact mais cela n’est en rien exceptionnel. Il a eu d’autres femmes à la tête du Likoud. Ze’ev Jabotinsky avait insisté, dès 1920, pour que les femmes fassent partie du comité du Yishouv juif. L’égalité n’est pas un vain mot, il doit se traduire dans les actes »

Comme les hommes qui vous ont précédés à ce poste, vous avez suivi une carrière classique : vous avez travaillé pour Organisation Sioniste mondiale, pour le Keren Hayessod, vous avez été active dans la politique intérieure israélienne. Ces expériences sont-elles pertinentes et dans vos nouvelles fonctions et même peuvent-elles l’enrichir ?

« Mon travail au sein de l’Organisation sioniste mondiale est bien documenté. Je me démarque grâce à mes activités des dernières années. Je suis venu ici pour travailler pour l’État d’Israël, pour construire et développer le pays et pour soutenir les gens qui y vivent. Il y a de grands défis et le KKL-JNF est la première et la plus importante organisation à relever ces défis. Le fait d’avoir travaillé pour l’Organisation sioniste mondiale m’y aide, en effet. La relation entre l’État d’Israël et le judaïsme de la diaspora me tient à cœur et je l’emporte avec moi dans mon nouveau bureau comme un bagage idéal »

Quel regard portez-vous sur le KKL-JNF après la période de la Covid-19 et l’année de « shmita » et surtout comment évaluez-vous les défis « qui sont les plus impératifs » et dont certains ont une résonnance globale comme les changements climatiques, la guerre en Europe, la situation au Proche-Orient et autres ?

« KKL-JNF est un élément central de l’histoire du sioniste. Nous avons grandi avec le KKL-JNF ; il faisait partie de notre éducation. Les défis en effet sont immenses. Je viens de prendre mes fonctions qu’au début de cette année et j’en suis encore au stade de l’analyse. Je distingue toutefois des valeurs claires telles que l’amélioration de l’infrastructure tant dans les domaines de la vie et du logement qu’au niveau des moyens de subsistance des individus, les processus de gestion, le respect des droits fonciers et d’usufuit ainsi que l’accueil des nouveaux immigrants, ce sont là les fondements de mes plans de travail pour l’organisation. L’année dernière, nous avons recueilli des réfugiés de la guerre en Ukraine au centre du KKL-JNF de Nes Harim. Cela fait partie de notre mission. »

Le KKL-JNF à l’ambition de jouer un rôle de pionnier dans la lutte contre le changement climatique, soutenez-vous cette position ou voyez-vous des changements dans un futur proche pour l’organisation ?

« Le KKL-JNF est la plus grande organisation verte en Israël. Nous sommes des partenaires clés dans la lutte contre la crise climatique. Nous agissons proactivement dans divers domaines en plus des activités d’afforestation qui y contribuent. De plus, nous veillons à la préservation et l’entretiens des espaces verts et à la sensibilisation de la protection de l’environnement. »

Sur quels domaines souhaitez-vous vous concentrer pendant votre mandat ? Avez-vous des objectifs personnels spécifiques que vous désirez réaliser en tant que Présidente du KKL-JNF ?

« Le Keren Kayemet » agit depuis le début du sionisme et du retour à Sion. C’est l’organisation qui a établi les infrastructures nécessaires à la création de l’Etat : Infrastructures idéologiques et organisationnelles. Construire le pays, sédentariser, racheter les terres, intégrer l’Alyah, ces valeurs fondamentales du sionisme sont toujours actuelles. Aujourd’hui encore, nous sommes toujours confrontés à des défis tels que le renforcement de la périphérie sociale et géographique d’Israël, du Néguev et de la Galilée, le développement du pays, le développement de l’État d’Israël et le soutien de projets sociaux ».

Dans certaines importantes régions d’Asie comme l’Inde, Singapour, la Chine ou bien encore Hong-Kong, le KKL-JNF n’est pas vraiment actif. Avez-vous l’intention de changer cet état de fait ?

« Oui, je compte créer des représentations supplémentaires du KKL-JNF, dans le monde. »

Ifat Ovadia-Luski, Présidente mondiale du KKL-JNF

En décembre 2022, Ifat Ovadia-Luski a été élue présidente de l’organisation par le conseil d’administration du KKL-JNF. Cette élection est entrée dans l’histoire car elle est la première femme à occuper un tel poste depuis la fondation des institutions nationales.

Ifat Ovadia-Luski est titulaire d’un M.A. (cum laude) de l’Université de Tel Aviv en administration et politique de l’éducation et un B.A. en littérature hébraïque et histoire de l’Université hébraïque. Elle a dirigé le département hébreu et culture de l’Organisation sioniste mondiale, où elle a également mené avec succès des processus d’enracinement de la langue et de la culture hébraïques parmi les communautés juives de la diaspora. Sa liste comprend des postes tels que directeur exécutif de l’Organisation mondiale du Likud et une variété d’autres postes dans le secteur public.

Ifat Ovadia-Luski a grandi dans le mouvement Betar et a été élevée sur la base de ses valeurs. Dans l’accomplissement de toutes ses fonctions, elle était guidée par la profonde conviction qu’elle avait le devoir de servir le peuple juif et la Terre d’Israël. Dans ses nombreuses fonctions, elle a agi notamment en tant que membre du conseil public pour la commémoration et l’œuvre de Ze’ev Jabotinsky s.A., en tant que membre du conseil public du Betar et dans les institutions nationales en tant que membre du conseil d’administration de l’Agence juive, le conseil d’administration du Keren Hayessod et l’exécutif sioniste.

Dans un autre registre : Quel est votre lien avec la Suisse ?

« Cette année, j’étais à Bâle dans le cadre de mes précédentes fonctions au sein de l’Organisation Sioniste. Là, j’ai eu le privilège d’assister à une reconstitution du premier congrès sioniste à Bâle, qui s’est tenu il y a 125 ans dans le magnifique « Stadtcasino », aux côtés du Président et de dirigeants juifs du monde entier. Ce fut un événement historique et je garde à cette occasion un excellent souvenir de la Suisse. La fondation du KKLJNF a également été décidée à Bâle, aussi cette ville est-elle particulièrement chère à mon cœur. »

Sinon, quelles sont vos techniques de relaxation ?

« Contempler la forêt verte en face de ma maison, et passer du temps avec ma famille. »

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